Le Vérificateur général : gardien de la confiance
Résumés
Le gouvernement a la responsabilité d’utiliser judicieusement les fonds publics mis à sa disposition et les parlementaires, celle d’exercer une surveillance à cet égard, notamment avec l’aide du Vérificateur général. Cet article explique l’évolution au fil des ans du Vérificateur général afin de lui permettre de réaliser pleinement sa mission, soit de fournir un éclairage indépendant, objectif et crédible à la gestion du gouvernement et d’émettre des recommandations qui permettront d’améliorer celle-ci au bénéfice de la population. Il aborde également les défis actuels et futurs en matière de gestion publique.
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1La mission du Vérificateur général du Québec consiste à contribuer à une meilleure gestion des fonds publics par ses travaux d’audit. L’organisation a plus de 150 ans d’existence, et son rôle a grandement évolué depuis ses débuts. En fait, plusieurs changements sont venus améliorer sa capacité à réaliser pleinement sa mission.
2Ces changements sont pour la plupart le reflet de l’évolution de la société québécoise et de la maturation de l’administration publique ainsi que des mécanismes de gouvernance et de surveillance.
3Si les lois permettent au gouvernement de prélever des sommes auprès de la population, que ce soit au moyen de taxes, d’impôts ou de différentes tarifications, en contrepartie, il a la responsabilité d’utiliser judicieusement ces fonds publics, et les parlementaires exercent une surveillance à cet égard, notamment avec l’aide du Vérificateur général.
4Pour cette raison, ce sont les besoins de transparence et de reddition de comptes fiable et complète qui ont été à l’origine de changements législatifs qui ont eu le plus de répercussions sur le rôle du Vérificateur général.
Le changement : moteur de l’évolution
5Il est devenu de plus en plus important au fil du temps que le Vérificateur général soit pleinement indépendant du gouvernement et qu’il ait accès à tous les secteurs de l’activité gouvernementale, afin d’effectuer les travaux et de formuler les constats qu’il jugerait nécessaires, librement et sans contraintes, pour s’assurer que le gouvernement utilise judicieusement les fonds publics.
La Loi sur l’administration financière
6C’est d’abord en 1970 que le Vérificateur général acquiert une plus grande indépendance, avec l’adoption de la Loi sur l’administration financière, qui est née d’une importante réforme administrative proposée par le ministre des Finances à la fin des années 1960. Par exemple, depuis l’adoption de cette loi, le Vérificateur général relève de l’Assemblée nationale plutôt que du gouvernement et ne s’occupe plus de l’audit avant paiement, mais seulement de l’audit a posteriori.
7Cette loi prévoit également que la nomination du vérificateur général ou de la vérificatrice générale requiert l’assentiment d’au moins les deux tiers des députées et députés et que son mandat est de 10 ans. Elle a aussi donné son nom actuel de Vérificateur général à l’institution.
La Loi sur le vérificateur général
8Un des gestes les plus significatifs de l’histoire de l’organisation s’est ensuite produit en 1985, alors que le Vérificateur général s’est vu doté de sa propre loi, la Loi sur le vérificateur général. Cette loi constitue encore aujourd’hui les assises de la mission de l’organisation. Son adoption répondait notamment aux souhaits du Vérificateur général d’élargir son mandat de façon importante en lui donnant le pouvoir de réaliser des audits de performance. Il lui serait dorénavant possible de vérifier si les fonds publics étaient gérés avec économie, efficience et efficacité, puisque l’audit financier et l’audit de conformité, bien qu’essentiels, ne permettaient pas à eux seuls de s’assurer d’une saine gestion des fonds publics.
9De plus, la Loi sur le vérificateur général inclut non seulement les protections à l’égard de l’indépendance du Vérificateur général qui lui étaient déjà dévolues par la Loi sur l’administration financière, mais également plusieurs autres dispositions qui ont renforcé son indépendance et son autonomie. Par exemple, elle prévoit que le Vérificateur général effectue les vérifications et enquêtes nécessaires à l’exercice de ses fonctions au moment, à la fréquence et de la manière qu’il détermine. Un autre exemple est que dorénavant le mandat de 10 ans de la personne nommée au poste de vérificateur général est non renouvelable.
10L’adoption de cette loi faisait aussi écho à une recommandation de l’Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques voulant que de telles institutions aient leur propre loi.
La création de la Commission de l’administration publique
11En 1997, une nouvelle commission parlementaire a été créée avec la volonté de renforcer la reddition de comptes et l’imputabilité de l’administration publique. Il s’agit de la Commission de l’administration publique, qui est rapidement devenue incontournable en matière de surveillance des fonds publics.
12Cette commission a entre autres reçu le mandat d’entendre le Vérificateur général sur son rapport annuel de gestion ainsi que les dirigeants et dirigeantes des ministères et organismes concernés par ses travaux.
13Sa création a constitué un tournant majeur pour le Vérificateur général, qui obtenait ainsi une tribune de grande qualité pour présenter ses travaux et favoriser l’application de ses recommandations. Encore aujourd’hui, les travaux en commission parlementaire sont très importants pour accroître les retombées des missions d’audit menées par le Vérificateur général.
La Loi sur l’administration publique
14L’adoption de la Loi sur l’administration publique, en 2000, est pour sa part venue d’une volonté de faire évoluer le cadre de gestion publique vers un modèle davantage axé sur les résultats. La recherche d’une plus grande transparence dans la gestion publique et d’une plus grande qualité des services à la population a alors guidé le législateur, soit des principes à la base même de la mission du Vérificateur général.
15En instaurant de nouveaux mécanismes de reddition de comptes, cette loi permettrait au Vérificateur général de s’appuyer sur des exigences légales pour examiner la conformité de la reddition de comptes des ministères et organismes.
La création du poste de commissaire au développement durable
16En 2006, le poste de commissaire au développement durable a été introduit avec l’adoption de la Loi sur le développement durable. L’adoption de cette loi se voulait une réponse du gouvernement à l’engagement qu’il avait pris lors du Sommet mondial sur le développement durable tenu à Johannesburg, en 2002, d’accentuer ses efforts pour favoriser l’essor du développement durable.
17Puisqu’il fallait que les parlementaires et la population aient l’heure juste sur les activités et les projets du gouvernement en matière de développement durable, le législateur a créé le poste de commissaire au développement durable, lequel relève du Vérificateur général. Ce nouveau mandat accordé au Vérificateur général était relativement novateur à l’époque, puisque seul le Bureau du Vérificateur général du Canada avait un mandat similaire.
Autres changements
18D’autres changements ont permis d’étendre le champ d’intervention du Vérificateur général ou d’améliorer la gestion des fonds publics.
19Tout d’abord, différentes réformes comptables ont été adoptées après des recommandations du Vérificateur général pour que les états financiers du gouvernement présentent un portrait complet de la situation financière et des résultats de l’État, et permettent une meilleure comparabilité des comptes publics du Québec avec ceux des autres provinces et du gouvernement fédéral.
20Parmi ces réformes, celle de 1997-1998 a ajouté les fonds spéciaux et certaines autres organisations au périmètre comptable du gouvernement. La réforme comptable de 2007-2008 a permis, quant à elle, d’intégrer les états financiers des établissements des réseaux publics de l’éducation et de la santé et des services sociaux dans les états financiers consolidés du gouvernement et a élargi le champ d’intervention du Vérificateur général en y ajoutant la possibilité qu’il vérifie les états financiers de ces réseaux.
21En 2013, des modifications législatives ont donné la possibilité au Vérificateur général de mener de son propre chef des audits de performance dans toutes les sociétés d’État, à l’exception de la Caisse de dépôt et placement du Québec, pour laquelle il doit obtenir l’approbation préalable du conseil d’administration. Le Vérificateur général avait formulé le souhait d’avoir le pouvoir de faire des audits de performance dans ces organisations dites à vocation économique.
22D’autres modifications législatives apportées en 2015 ont eu pour effet de confier au Vérificateur général le mandat d’examiner le rapport préélectoral que le ministre des Finances devait dorénavant publier avant chaque élection générale. Cela a été rendu possible à la suite de l’adoption de modifications législatives établissant des élections à date fixe, et découlait d’une intention d’améliorer la transparence concernant l’état des finances publiques à un moment clé du processus démocratique.
Un cadre propice à l’application des recommandations
23Le Vérificateur général a le pouvoir d’intervenir là où les pratiques de gestion lui semblent les plus sujettes à amélioration. Il s’est d’ailleurs doté d’une stratégie détaillée pour le choix des activités à auditer en priorité. De plus, l’expertise qu’il a développée ainsi que son regard objectif lui permettent de tirer des constats et de faire des recommandations porteuses et concrètes.
24Le Vérificateur général formule des recommandations, et il revient aux organisations auditées de produire un plan d’action et de prendre les mesures appropriées pour corriger les lacunes qu’il a soulevées. Le Vérificateur général fait par ailleurs le suivi systématique de la mise en œuvre de ses recommandations pendant les trois années suivant le dépôt des rapports. Ce suivi lui permet de garder une certaine pression sur les organisations concernées et de s’assurer que les correctifs apportés donnent les effets escomptés. À cet égard, il rencontre les conseils d’administration ou les comités d’audit des organisations auditées afin qu’eux aussi puissent s’assurer que les correctifs sont mis en place adéquatement.
25Les parlementaires posent aussi des gestes pour favoriser cette amélioration. La Commission de l’administration publique joue un rôle très important. Elle appuie le travail du Vérificateur général en exigeant le plan d’action des organisations auditées et en recevant en commission parlementaire des dirigeantes et dirigeants de ces organisations pour qu’ils lui expliquent les mesures qu’ils prendront. Les travaux de la Commission augmentent ainsi grandement les chances d’obtenir des améliorations concrètes.
26Les réformes comptables appliquées au fil des ans ainsi que la récente modification apportée par le gouvernement visant la comptabilisation des montants de subvention en temps opportun ont aussi eu des échos, puisqu’elles permettent un portrait plus juste et complet de la situation financière du gouvernement.
27Plusieurs recommandations du Vérificateur général afférentes au renforcement de la gouvernance des ministères et organismes ont également conduit à des gestes concrets. À titre d’exemple, la Loi sur la gouvernance des sociétés d’État a été adoptée en 2006, puis a été renforcée par de nouvelles dispositions législatives entrées en vigueur en 2022.
28Au cours des quinze dernières années, le taux annuel d’application des recommandations du Vérificateur général ou de progrès satisfaisants à l’égard des lacunes soulevées a oscillé entre 60 et 86 %, et se maintient autour de 80 % depuis quelques années.
Les défis actuels et futurs
29L’État intervient dans une foule de domaines ayant un impact sur la vie de la population. Dans un tel contexte et compte tenu des ressources humaines et financières limitées dont il dispose, il doit établir ses priorités pour répondre aux besoins de la population tout en s’assurant de la saine gestion des fonds publics.
30Compte tenu de la complexité et de l’étendue des activités gouvernementales, il est normal que tout ne soit pas optimal. Toutefois, dans certains cas, des améliorations tardent à se faire sentir à l’égard de l’implantation de correctifs efficaces, dans un délai raisonnable, pour donner suite à nos recommandations.
31De plus, dans un environnement en perpétuel changement, il y aura toujours de nouveaux défis à relever et de nouveaux aspects à considérer et à améliorer. Par exemple, la pandémie de COVID-19 a entraîné des retards importants dans certains secteurs, qui ont demandé de l’adaptation. La rareté de main-d’œuvre, le vieillissement de la population, la sécurité de l’information, les changements climatiques sont d’autres exemples d’enjeux qui ont pris de l’importance au cours des dernières années et qui nécessitent de la vigilance en ce qui a trait à l’utilisation des fonds publics. C’est pourquoi le Vérificateur général aura toujours un rôle important à jouer.
32Par son caractère indépendant et objectif, le Vérificateur général est en mesure d’apporter un éclairage crédible, représentatif et pertinent sur la réalité de la gestion du gouvernement. De plus, les principes énoncés dans la Loi sur le développement durable sont en lien direct avec la notion d’équité intergénérationnelle et, de façon plus large, avec celle d’éthique publique. Ainsi, le rôle du commissaire au développement durable, qui fait partie intégrante de celui du Vérificateur général, prend également tout son sens dans la recherche d’une plus grande éthique publique. C’est pourquoi les parlementaires, les médias et la population en général s’intéressent aux travaux du Vérificateur général. D’ailleurs, le caractère public de ses rapports accroît le degré de sérieux que les organisations accordent à ses observations et à ses recommandations.
33Les situations de mauvaise gestion peuvent toutefois créer une certaine perte de confiance envers les décisionnaires de la fonction publique. Cependant, les constats du Vérificateur général sont généralement circonscrits et ne reflètent pas l’ensemble de la gestion d’une organisation. Leur objectif est que les correctifs jugés essentiels soient apportés sans nécessairement remettre en question l’ensemble du système ou de l’organisation concernée.
34À cet égard, l’élaboration de plans d’action par les organisations auditées de même que les travaux de suivi de leur application prennent tout leur sens. Ils permettent de rendre compte des améliorations apportées au sein des organisations. Il ne faut pas perdre de vue que des personnes compétentes s’investissent dans l’administration publique et qu’elles ont à cœur d’offrir des services publics de qualité.
35Par ailleurs, dans un contexte de ressources limitées, il est important que les travaux du Vérificateur général aient une grande valeur ajoutée, que ses recommandations soient réalistes et applicables, et qu’elles visent les éléments les plus significatifs et structurants pour l’amélioration des pratiques de gestion publique. Pour ce faire, il peut compter sur du personnel dévoué qui travaille avec rigueur pour une saine gestion des fonds publics au bénéfice de la population.
36Pour en apprendre davantage sur le Vérificateur général du Québec :
https://www.vgq.qc.ca/fr.
Pour citer cet article
Référence électronique
Christine Roy, « Le Vérificateur général : gardien de la confiance », Éthique publique [En ligne], vol. 25, n° 2 | 2023, mis en ligne le 09 février 2024, consulté le 10 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethiquepublique/8396 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ethiquepublique.8396
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