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Résumés

Cet article fait un court survol synthétique de l’histoire des couvre-feux au Québec. La mesure existe depuis les débuts de la présence européenne, mais le rythme de son implantation ne suit pas une chronologie inéluctable de progrès vers la liberté. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, il s’agit d’une mesure rare, à portée limitée, utilisée uniquement en temps de guerre. Au XIXe siècle, le couvre-feu n’est jamais utilisé, car perçu comme une pratique moyenâgeuse et liberticide. Au XXe siècle, le couvre-feu renaît, comme mesure ciblée de régulation sociale, visant surtout les jeunes. Quelle que soit la période, il ne s’agit jamais d’une mesure imposée à l’échelle coloniale ou provinciale. Les couvre-feux imposés au Québec sont uniquement urbains et relèvent des autorités locales, surtout municipales. Autant dans leur ampleur que par l’autorité qui les impose, les mesures de confinement adoptées en 2021 et 2022 pendant la pandémie de COVID-19 sont tout à fait inédites dans l’histoire du Québec.

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Mots-clés :

couvre-feu, histoire, Québec

Keywords:

curfew, history, Quebec
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Texte intégral

Je tiens à remercier Thierry Petit et Léon Robichaud pour leur aide.

Rentrez, habitants de Québec,
Tenez-vous clos en vos logis,
Que tout bruit meure.
Quittez ces lieux, car voici l’heure
L’heure du couvre-feu !

1Ainsi proclamaient les hérauts d’armes et les hommes du guet chaque soir dans les rues de Québec lors des fêtes du tricentenaire de la ville, en 1908 ; « As in the days of Frontenac », selon Frank Carrel, historien amateur et propriétaire du Daily Telegraph de Québec (Roy, 1911 : 72-74 ; Carrel et Feiczewicz, 1908 : 25, 27-28). Sauf que c’était faux, comme une bonne partie des célébrations du tricentenaire (Nelles, 2003). Comme nous le verrons, il n’y a jamais eu de couvre-feu imposé à Québec sous le régime français. Il s’agissait plutôt d’une projection sur l’histoire du Québec d’une vision idéalisée de la vie nocturne dans les villes européennes à l’époque moderne : pour citer encore Carrel, « The curfew was again sung in the simple style of yore, everything being carried back to an age romantic in appearance and evidently attractive » (Carrel et Feiczewicz, 1908 : 25).

  • 1 Une recherche dans Eureka et Factiva pour 2021-2022 permet de repérer plus d’une quarantaine d’arti (...)

2Cette même confusion autour de l’histoire du couvre-feu s’est vue récemment au Québec, lors de la première imposition de cette mesure pendant la pandémie de COVID-19, en janvier 2021. Selon les premières informations sorties dans les médias populaires, dont certaines véhiculées par des historiens consultés par les journalistes, le couvre-feu aurait été imposé au Québec pour la dernière fois lors de la grippe espagnole de 1918-1919, ou encore pendant la Seconde Guerre mondiale, ou encore, pendant la crise d’Octobre de 1970. Aucune de ces affirmations n’était exacte, comme l’ont rapidement indiqué d’autres historiens. Pourtant, ces informations erronées concernant le couvre-feu au Québec ont continué de circuler dans les médias longtemps après1.

  • 2 De nombreux exemples de ces usages peuvent s’observer avec une recherche globale dans les journaux (...)
  • 3 J’exclus également les couvre-feux imposés aux soldats comme partie de la discipline militaire, car (...)

3Une partie de la confusion provient de la définition très élastique adoptée pour ce qui constitue un couvre-feu. Au Québec, au XXe siècle, on a appliqué le terme à des mesures aussi diverses que la fermeture nocturne des commerces (notamment les bars et les tavernes) ou des parcs ; l’heure d’interruption des matchs sportifs en soirée ; les périodes d’interdiction des vols aériens ; ou encore, les exercices d’obscurcissement pendant les guerres2. Or, bien que ces sens élargis soient rentrés dans l’usage, il faut éviter de dénaturer le concept de couvre-feu au point d’en réduire l’utilité heuristique, surtout quand l’objectif est de mieux comprendre le contexte historique des mesures de confinement imposées en 2021 et encore en 2022. Il convient plutôt de revenir au sens commun et généralement accepté du terme couvre-feu : selon l’Académie française, « Mesure de police qui interdit de sortir de chez soi entre telle et telle heure ». Il s’agit de l’exclusion de l’espace public extérieur, pendant un temps donné, d’une population ou d’un sous-groupe social particulier. Soulignons également la nature étatique et publique de cette « mesure de police » (sont donc exclus les « couvre-feux » imposés à leurs propres membres par des institutions comme les universités ou les associations privées3) et son caractère contraignant (la notion de couvre-feu « volontaire » étant une autre dilution peu utile du concept).

  • 4 Notamment une recherche par mot-clé dans les journaux historiques numérisés par Bibliothèque et Arc (...)

4L’objectif de ce texte est simple : faire un court survol synthétique de l’histoire des couvre-feux au Québec, dans le sens plus restreint du terme, sens indiqué précédemment, depuis le premier établissement européen permanent. Il ne s’agit certainement pas d’une histoire définitive de la mise en place de cette mesure, ce qui aurait nécessité une recherche bien plus approfondie que celle que j’ai pu effectuer. Le texte est basé sur les quelques brins d’information accessibles dans les études historiques, de même que sur une consultation sommaire et ciblée d’un certain nombre de sources4. Surtout descriptif, ce texte est structuré en trois temps : d’abord, les XVIIe et XVIIIe siècles, lorsque le couvre-feu était une mesure rare, à portée limitée et utilisée uniquement en temps de guerre ; ensuite, le XIXe siècle, durant lequel il n’est jamais utilisé, car perçu comme une pratique moyenâgeuse liberticide ; enfin, le XXe siècle, lorsque le couvre-feu renaît comme mesure ciblée de régulation sociale.

Les XVIIe et XVIIIe siècles : une mesure rare, à portée limitée et en temps de guerre

5N’en déplaise aux organisateurs du tricentenaire de Québec, le couvre-feu n’a pour l’essentiel jamais été imposé dans les petites villes coloniales du Canada sous le régime français. Comme les historiens l’ont longtemps souligné, la seule occurrence connue est en 1658, à Montréal, dans un contexte de guerre. Face aux attaques autochtones sur les intrus européens, le gouverneur Maisonneuve émet un règlement qui prévoit, entre autres,

que chascun se retirera au lieu de sa demeure tous les soirs, lorsque la cloche du fort sonnera la retraite après que la porte sera fermée ; faisant deffence d’aller et venir de nuict après la ditte retraite, si ce n’estoit pour quelque nécessité absolue laquelle ne se peust remettre au lendemain.

  • 5 Cette mesure est citée entre autres par E.-Z. Massicotte en 1930, lors d’un débat sur l’imposition (...)
  • 6 Voir Massicotte, 1930 (« Couvre-feu et ronde de nuit ») ; « Two days in Canadian History », Gazette(...)

6Nous ne savons pas à quel point ce règlement a été respecté ni combien de temps il a été en vigueur (sans doute pas au-delà de la fin de la résistance autochtone en 1666-1667) (« Ordonnances », 1860 : 126)5. Une recherche dans les autres édits et ordonnances émis par les intendants et autres autorités de la colonie française ne révèle aucune autre mesure s’apparentant au couvre-feu. Tout au plus trouve-t-on des mesures stipulant les heures de fermeture des tavernes, que certains ont tout de même qualifiées de « couvre-feux »6.

7Le couvre-feu revient dans la vallée du Saint-Laurent presque un siècle plus tard, à la suite de la prise de Québec par les troupes britanniques à l’automne 1759. Enfermé dans la ville, avec une population citadine canadienne fraîchement conquise et des forces françaises aux alentours, le gouverneur Murray adopte une ordonnance pour « Etablir l’ordre et la Police », qui soumet les résidents canadiens au couvre-feu :

Aussi tôt qu’il fera obscur les Habitans de la Ville passans dans les Rues, porteront une lumière à la main, apres la retraite [le couvre-feu militaire, à 21 h pendant l’hiver] ils ne sortiront point de ches eux, et a neuf heures on éteindra les lumières dans toutes les maisons.

8Ceux qui ne respectent pas la règle pourront être arrêtés par les sentinelles et soumis à des punitions non spécifiées. Les citadins sont donc assujettis aux mêmes mesures que les soldats britanniques, qui eux aussi, quand ils ne sont pas en faction, doivent rentrer en caserne avant la retraite, faute de quoi ils peuvent être arrêtés et punis. Murray tient certainement à son couvre-feu, car en décembre, deux citadins sont fouettés publiquement pour avoir été trouvés dans les rues à une heure déraisonnable et sans lanterne, malgré des rappels répétés du règlement. En revanche, une fois la contre-attaque française finalement repoussée au printemps 1760 et plus encore, la colonie cédée à l’automne, le règlement semble tomber en désuétude (« Ordonnances », 1920 : 26-27 ; Knox, 1914 : 258-259, 262-263 et 306 ; Rioux, 1996 : 21).

9Les efforts de contrôle nocturne reviennent tout de même, mais sous une autre forme. En 1762, Murray adopte un règlement qui répète l’obligation de porter une lanterne en soirée (« Ordonnances », 1762 : 24 novembre). Le règlement et sa réception nous en disent long sur les attitudes changeantes envers la liberté de circulation la nuit. D’abord, le règlement n’établit pas un couvre-feu : il n’y a aucune prohibition sur la circulation nocturne en soi, on ne fait que baliser la pratique. Ensuite, le règlement n’est plus fondé sur des raisons militaires, mais répond plutôt à la demande de marchands britanniques qui craignent les déprédations nocturnes des soldats. Enfin, malgré ses origines en partie civiles, et même s’il n’interdit pas la circulation nocturne, le règlement est peu apprécié par une partie de la population civile britannique établie à Québec. Comme ailleurs dans le monde britannique au XVIIIe siècle, les classes moyennes britanniques montantes sont jalouses de leurs droits et très méfiantes envers le pouvoir militaire et la loi martiale. Ainsi, le marchand et fonctionnaire George Allsopp refuse de porter la lanterne. Quand il est arrêté (en état d’ivresse) à deux heures du matin par un soldat en faction, il réclame sa liberté britannique et ses droits comme citoyen britannique. Par la suite, il accuse le soldat du vol de son manteau et le fait condamner pour voies de fait. L’incident, avec d’autres semblables, attise les disputes entre militaires et civils britanniques dans la ville et contribue au climat de plus en plus tendu au sein même de la population conquérante, ce qui entraîne le rappel et le remplacement du gouverneur Murray (Hey, 1768 ; Burt, 1968, vol. 1 : 17 et 95-96 ; Muller, 2017 : 45-79 et 121-165).

10À ma connaissance, les couvre-feux de 1658 et de 1759 sont les deux seuls cas au Canada jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Dans les deux cas, il s’agit de mesures temporaires, adoptées en temps de guerre et à des fins essentiellement militaires. Les deux couvre-feux sont limités à la population civile d’une seule ville, mais se situent dans un contexte stratégique plus large (conflit avec les Autochtones ; défense de la ville récemment conquise). Et, du moins à Québec sous le régime britannique, ils sont contestés, autant par la population canadienne que britannique. On est donc loin des hérauts de 1908 !

Le XIXe siècle : une pratique moyenâgeuse et liberticide

11Comme l’illustre l’incident concernant Allsopp, au cours du XVIIIe siècle, les limites imposées sur la circulation pendant la nuit sont de moins en moins tolérées dans les villes européennes. À Londres, par exemple, le couvre-feu de 21 h est encore en vigueur au milieu du XVIIe siècle mais ne l’est plus au milieu du XVIIIe (Ekirch, 2005 : 63-66 ; Exbalin, 2021 ; Beattie, 2001 : 169-172.). Au XIXe siècle, dans le monde anglo-américain, avec la montée du libéralisme et de l’affirmation des droits individuels, du moins pour les hommes blancs, le couvre-feu général n’est plus à la mode, car il est perçu comme une relique illibérale des temps passés. La mesure est tout de même appliquée dans un contexte de domination économique, raciale et coloniale : contre les esclaves noirs dans le sud des États-Unis ; contre les peuples africains en Afrique du Sud ; contre les Chinois à Hong Kong. Elle est aussi utilisée en temps d’insurrection de peuples colonisés, notamment en Irlande (Hadden, 2003 : 15-16 et 59-60 ; Martens, 2003 : 24-45 ; Munn, 2013 : 131-132 et 284-286 ; Crossman, 1991).

12La perception du couvre-feu comme pratique moyenâgeuse et liberticide se voit bien dans la presse québécoise du XIXe siècle, quelle que soit son orientation politique. Dès 1808, dans une série d’articles sur la constitution du Bas-Canada dans le Courier de Québec (7 mai), le couvre-feu est présenté comme l’une des mesures tyranniques imposées par Guillaume le Conquérant. Cette référence est répétée dans le Quebec Mercury en 1818 (17 juillet) lors d’une plainte contre le guet de la ville pour avoir ordonné à des familles d’éteindre leurs lumières. C’est également le cas dans le Vindicator en 1833 (2 avril) et la Quebec Gazette en 1846 (27 mars) qui dénoncent les mesures d’urgence adoptées en Irlande. L’incompatibilité du couvre-feu avec les libertés politiques modernes est bien résumée dans le Morning Chronicle en 1858 (9 janvier), dans un éditorial au sujet de l’emploi de troupes pour maintenir l’ordre lors des élections :

this practice should no more be introduced into Canada with its free institutions and independant Legislature than the Irish Arms Act or the curfew bell of the Norman Conquest.

  • 7 Il n’y a aucune mention de couvre-feu (dans le sens adopté ici) dans la littérature scientifique tr (...)

13Justement, on ne recourt jamais au couvre-feu général au Québec au XIXe siècle, même lors des grandes crises sociales. Il n’est pas imposé durant les grandes épidémies meurtrières, comme le choléra pendant les années 1830, 1840 et 1850, malgré les désordres sociaux parfois violents qui les accompagnaient (Bilson, 1980 ; Zeheter, 2015). Ni pendant les Rébellions de 1837-1838, ou l’incendie du Parlement à Montréal en 18497. Le moment où les autorités sont les plus proches d’imposer un couvre-feu est à Montréal en 1853, dans la foulée des émeutes contre le prédicateur apostat Alessandro Gavazzi. À la suite des violences durant desquelles plusieurs citoyens sont tués par les troupes, les autorités municipales de la Ville émettent une proclamation :

tous les citoyens bien disposés sont… priées [sic] de s’abstenir de sortir de leurs demeures, sans nécessité, même dans le jour, et tout-à-fait, s’il est possible, après le soleil couché (La Minerve, 11 juin 1853).

14Superficiellement, cela ressemble aux couvre-feux d’antan, comme à Québec après la Conquête. Mais ici la mesure est entièrement volontaire. D’ailleurs, un des conseillers municipaux, tout en acceptant la mesure, doute de son efficacité. Pourtant, même cette mesure édulcorée de limites à la libre circulation dans les rues soulève des résistances. Dans l’exemplaire du Montreal Herald (11 juin 1853) dans la collection de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, un lecteur, vraisemblablement d’époque, a souligné le passage et ajouté l’annotation « !!! Martial Law ! », même si la mesure n’a rien à voir avec la loi martiale. Trois jours plus tard, on interrompt la publication de la proclamation, par crainte qu’elle décourage les campagnards de venir en ville (La Minerve, 14 juin 1853).

15Cela ne veut pas dire que les autorités coloniales et municipales du Québec au XIXe siècle abandonnent toute tentative de contrôler la circulation nocturne. Tout au long de la période, du moins dans les villes, l’on cherche à réguler la présence de personnes indésirables dans l’espace public par l’adoption et la mise en vigueur de lois contre le vagabondage. Suivant le modèle anglais, la définition du vagabondage adoptée dans ces lois comprend entre autres les nightwalkers – « coureurs de nuit » ou « personnes errant la nuit » –, une expression qui remontait au Moyen Âge. À l’origine, l’interdiction des nightwalkers en Angleterre faisait partie des mesures adoptées pour mettre en vigueur le couvre-feu qui s’appliquait à la population en général. Toutefois, avec l’abandon du couvre-feu général, la définition de nightwalker devient plus restreinte. En pratique (et dans les textes législatifs), au Québec comme en Angleterre, elle ne s’applique plus au XIXe siècle qu’aux personnes ne pouvant pas rendre compte de leur présence dans la rue à la satisfaction des policiers ; c’est-à-dire, pour la plupart des personnes marginalisées comme les sans-abri ou les prostituées. La pratique plonge donc ses racines dans l’ancien couvre-feu, mais n’est plus conceptualisée ainsi. D’ailleurs, il est assez rare que l’on condamne explicitement quelqu’un pour avoir été un nightwalker ; on préfère porter une accusation plus générale d’infraction aux lois contre le vagabondage, ou encore pour des comportements plus concrets comme ivresse publique, tapage, ou entrave des passagers « paisibles » (Perrault, 1814 : 444 ; Règles, 1827 : 9 ; Ordonnance, 1838 : s. 6 et 9 ; Crémazie, 1842 : 79-80, 133 ; Acte, 1869 : s. 1 ; Clarke, 1888 : 549-550 ; Code criminel, 1892 : s. 207 ; Lanctôt et Testard de Montigny, 1896 : 96-97 ; Poutanen, 2002 ; Fyson, 2005 et 2010 ; Beaumont, 2015).

16L’imposition d’un couvre-feu général est donc impensable au XIXe siècle, du moins pour la population en général, et cela, même en temps de crise. Tout cela change de nouveau au XXe siècle.

Le XXe siècle : la renaissance ciblée d’une mesure de régulation sociale

  • 8 Aucune mention n’est faite d’un couvre-feu dans les journaux du Québec en octobre 1970 et il n’en e (...)
  • 9 Quand un député fédéral conservateur fédéral suggère que la Loi des mesures de guerre soit utilisée (...)
  • 10 Cela malgré des titres comme « Le couvre-feu en Gaspésie », Patrie 12 avril 1943. Pour une descript (...)

17Dans les discussions médiatiques de l’histoire du couvre-feu au début de 2020, presque tous les exemples proviennent du XXe siècle et, comme indiqué ci-dessus, plusieurs sont inexacts. Ainsi, comme Denis Goulet l’a rappelé, lors de l’épidémie de grippe espagnole de 1918-1919, jamais n’est-il question de couvre-feu. L’on se fie à d’autres mesures sanitaires, comme l’isolement des malades, le port obligatoire du masque, l’interdiction de rassemblements et la fermeture de lieux comme les cinémas, les écoles et les églises (Martin, 2021 ; Goulet, 2020 : 112-113). Il en est de même de la crise d’Octobre : des spécialistes comme Louis Fournier et Marc Laurendeau qualifient la notion d’imposition d’un couvre-feu sous la Loi des mesures de guerre comme des « fake news » et une « légende urbaine » (Baillargeon et Noël, 2021 ; « Du jamais vu », 2021 ; Lachapelle, 2021)8. Il est possible que l’on soit plutôt en présence de la mémoire des couvre-feux pour jeunes, discutés ci-après9. Enfin, pendant la Seconde Guerre mondiale, la population est certainement obligée à participer à de courts exercices d’obscurcissement (extinction des lumières) et, dans les communautés au bord du fleuve en aval de Québec, les résidents doivent suivre des directives plus permanentes à cet égard. Mais en aucun cas, on ne peut assimiler cela à l’exclusion de l’espace public, qui est l’essence même du couvre-feu dans son sens habituel de nos jours10.

18Cela dit, il y a tout de même une renaissance du recours au couvre-feu au Québec au XXe siècle, et cela, sur deux fronts. Le premier concerne son utilisation lors de ce que les autorités perçoivent comme étant des menaces à l’ordre public. Le mieux connu est sans doute lors des émeutes contre la conscription à Québec en avril 1918. À la suite des violences qui se soldent par plusieurs civils tués par les tirs des troupes, le maire de Québec et les autorités militaires émettent des déclarations publiques demandant aux citoyens de rester chez eux (Action catholique et Le Soleil, 1er avril 1918 ; Quebec Chronicle, 2 avril 1918 ; Auger, 2008 : 526). Stricto sensu, il ne s’agit pas plus d’un véritable couvre-feu que celui qui suit l’émeute Gavazzi en 1853, puisque la mesure est présentée comme étant volontaire. Même l’avis public militaire décrit le confinement recherché comme le devoir de tout citoyen respectueux des lois, plutôt qu’une obligation assortie d’une pénalité. Toutefois, dans certains quartiers (notamment en basse-ville) et à l’égard de certains groupes sociaux (les jeunes hommes), il semble que les soldats qui occupent les rues imposent un véritable couvre-feu, ce qui n’était pas le cas en 1853 (Le Soleil, 3 avril 1918). On est donc en présence d’un couvre-feu de fait, sinon de jure.

19Québec n’est toutefois pas la première ville à se voir imposer un tel couvre-feu. En 1908, quelques mois après la représentation romantisée du couvre-feu par les hérauts de Québec, la petite ville de Farnham, dans les Cantons de l’Est, est aux prises avec des craintes de brigandage nocturne. Le titre dans La Presse est assez explicite : « Une ville dans la terreur… Les autorités ont établi le couvre-feu ». Sans explorer davantage les sources locales, il est difficile d’en dire plus. Le couvre-feu est également imposé durant au moins trois des grandes grèves qui ont secoué le Québec sous le règne de Maurice Duplessis : Asbestos (1949), Louiseville (1952) et Murdochville (1957) (Gazette, 27 avril 1949 et 20 et 21 août 1957 ; Action catholique, 12 décembre 1952 ; Beausoleil, 1970 : 193 ; Lampron, Cantin et Grimard, 1999 : 229-231 ; Quirion et Roberge, 2021). Comme dans le cas de Farnham, il est difficile de savoir sous quelle autorité ces mesures ont été adoptées. Dans les trois cas, la police provinciale se charge de la répression des grévistes, et, à Asbestos, le couvre-feu est suggéré par le chef de la police provinciale. Mais dans les trois villes, la mesure elle-même est adoptée par les autorités municipales. Or ni les chartes des villes ni la Loi des cités et villes ne donnent aucun pouvoir explicite aux conseils municipaux pour imposer un couvre-feu général. Tout au plus peuvent-ils adopter des règlements pour le bon ordre, la paix et la sécurité des villes (« Loi concernant la ville de Louiseville », 1922 ; « Loi concernant la ville d’Asbestos », 1938 ; « Loi des cités et villes », 1941 ; « Loi concernant la ville de Murdochville », 1955). L’absence d’un tel octroi explicite de pouvoirs est d’autant plus frappante que dans le cas d’Asbestos, la charte de 1938 permet au conseil de réglementer au sujet du couvre-feu pour jeunes et du vagabondage. D’ailleurs, en 1949, les journaux annoncent que ceux qui contreviennent au couvre-feu seront accusés de vagabondage, ce qui évoque un recours à l’ancienne prohibition des night-walkers. Seules des recherches additionnelles pourraient éclaircir davantage les origines et les fondements de ces mesures ; chose certaine, aucune ne semble avoir provoqué de contestations judiciaires, du moins dans les causes rapportées.

  • 11 Il reste à dresser le catalogue définitif des villes ayant adopté de telles mesures.
  • 12 L’Action catholique, organe officiel de l’Église, est presque toujours favorable à la mesure.

20Le second type de couvre-feu au Québec au XXe siècle est de loin le plus important en termes de fréquence et de portée. Il s’agit d’une mesure de régulation sociale pour répondre aux craintes concernant la corruption des enfants : l’adoption de règlements municipaux obligeant les enfants en bas d’un certain âge de rentrer chez eux avant une heure donnée. Étudié par Tamara Myers (2019 : 79-104), ce phénomène débute aux États-Unis et en Ontario à la fin du XIXe siècle, pour ensuite s’étendre ailleurs, y compris au Québec. Au début, il émanait des mouvements de sauvegarde de l’enfance qui surgissent alors dans le monde anglo-américain. Déjà en 1893, la branche montréalaise de la Society for the Protection of Women and Children s’engage pour promouvoir la mesure au Québec (Gazette, 13 septembre 1893). La plus ancienne mention définitive que j’ai pu trouver d’un couvre-feu nocturne pour jeunes dans la province est à Shawville, en 1898 (Shawville Equity, 12 mai). Pendant les décennies qui suivent, des dizaines de municipalités emboîtent le pas, y compris des villes de taille moyenne comme Hull (Cité de Hull, 1905) et Trois-Rivières (Nouvelliste, 15 juillet 1930)11. La cause sera également adoptée par l’Église catholique, pour des raisons essentiellement moralisatrices12. Le mouvement se poursuit jusque dans les années 1950, avec des moments plus forts et des reculs, puis disparaît pour l’essentiel pendant les années 1960. Notons enfin certaines recrudescences durant les années 1970 (Gazette, 27 mai 1975 et 8 mars 1978) et, enfin, la vaine tentative d’instaurer un couvre-feu pour jeunes à Huntingdon en 2004 (Myers, 2019 : 100-101).

  • 13 Les éditoriaux contre le couvre-feu dans la Gazette sont nombreux. Voir, entre autres, 17 mai 1897, (...)

21Je ne répéterai pas les analyses plus poussées du phénomène de Myers, mais soulignons tout de même deux éléments. Tout d’abord, comme Myers le note, l’adoption des règlements de couvre-feu pour jeunes suscite des oppositions importantes, notamment dans les plus grandes villes et cela, malgré l’appui de puissances importantes comme l’Église. Les opposants, autant dans les médias que dans les conseils municipaux, font valoir entre autres que c’est un empiètement de l’État sur les droits des parents, un fardeau sur les familles pauvres dont les enfants doivent travailler le soir, ou encore, une mesure injuste qui pendant l’été, confine des enfants des quartiers populaires dans la chaleur étouffante de leurs résidences. Lors de l’adoption du couvre-feu à Hull, la Presse ne peut se restreindre d’observer « Le couvre-feu ! Voilà un mot qui sent terriblement la caserne, la prison et le moyen-âge » (23 février 1906) tandis que, jusqu’à la fin des années 1930, la Gazette de Montréal s’y oppose vigoureusement13. À Montréal comme à Québec, ce n’est que la crise sociale provoquée par la Seconde Guerre mondiale qui change la donne et permet de faire adopter la mesure, en 1942 et en 1944. Même là, comme Myers l’indique, la mise en vigueur des règlements est très variable.

  • 14 Selon mes recherches dans les lois annuelles du Québec depuis 1867 – accessibles en ligne à : http: (...)

22Par ailleurs, les fondements juridiques de plusieurs des règlements restent tout aussi nébuleux que l’imposition des couvre-feux généralisés lors des désordres publics. Certains experts juridiques déclarent que de tels règlements sont ultra vires sans une disposition législative explicite accordant ce pouvoir aux conseils de ville, ce qui semble pousser certaines villes, dont Montréal, d’en faire la demande à la législature (Presse, 17 octobre 1906 ; Gazette, 19 février 1918 ; Bien public, 27 juin 1922). Mais c’est la minorité des cas14. La plupart des municipalités semblent plutôt adopter l’approche de Québec qui, à la suite d’une tentative inachevée de faire modifier sa charte pour permettre le couvre-feu pour jeunes, semble se fonder sur ses pouvoirs généraux d’adopter des règlements pour le bon ordre et la paix (Le Soleil et Gazette, 11 mai 1937 ; Cité de Québec, 1944). Encore, sans une recherche plus poussée dans les archives municipales, et en l’absence de contestations juridiques rapportées de ces règlements, il est difficile d’en dire plus. Toujours est-il qu’au XXe siècle, le couvre-feu est bel et bien de retour, quoique pas nécessairement dans les cas si souvent cités dans les médias.

Conclusion

23Que conclure de ce bref survol de l’histoire du couvre-feu au Québec ? Tout d’abord, c’est une mesure qui existe depuis les débuts de la présence européenne, mais, à l’exception des couvre-feux pour enfants au XXe siècle, son imposition est très rare. Le rythme du recours au couvre-feu ne suit pas non plus une chronologie inéluctable de progrès vers la liberté : rarissime à l’époque coloniale, inexistant au XIXe siècle, le couvre-feu revient à la mode au XXe siècle. Toutefois, ce n’est jamais une mesure imposée à l’échelle coloniale ou provinciale, ni même régionale. Il s’agit de couvre-feux uniquement urbains, mis en place dans une ville ou une municipalité à la fois. Comme corollaire, pour l’essentiel, l’imposition du couvre-feu ne relève pas des autorités nationales, coloniales ou provinciales, mais des autorités locales, surtout municipales, selon des pouvoirs dont le fondement légal reste incertain. Somme toute, autant dans leur ampleur que par l’autorité qui les impose, les mesures de confinement adoptées en 2021 et 2022 pendant la pandémie de COVID-19 sont tout à fait inédites dans l’histoire du Québec.

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Bibliographie

Sources

Acte relatif aux Vagabonds (1869), 32&33 Victoria (Canada), chapitre 28.

Baillargeon, Stéphane et Dave Noël (2021), « Trois questions sur le couvre-feu au Québec », Le Devoir, 6 janvier.

Bernier, Jérémy (2021), « Vers un couvre-feu : du jamais-vu au Québec depuis la crise d’Octobre », Journal de Québec, 6 janvier.

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Notes

1 Une recherche dans Eureka et Factiva pour 2021-2022 permet de repérer plus d’une quarantaine d’articles de presse uniques qui abordent l’histoire du couvre-feu au Québec. Pour les interventions des historiens, voir entre autres Baillargeon et Noël, 2021 ; Bernier, 2021 ; Provencher, 2021 ; Proulx, 2021 ; « Du jamais vu », 2021 ; Martin, 2021. Encore en décembre 2021, un article de l’Agence France-Presse évoquait le couvre-feu pendant la grippe espagnole.

2 De nombreux exemples de ces usages peuvent s’observer avec une recherche globale dans les journaux historiques du Québec numérisés par Bibliothèque et Archives nationales du Québec et accessibles en ligne à : https://numerique.banq.qc.ca/ressources/details/RJQ

3 J’exclus également les couvre-feux imposés aux soldats comme partie de la discipline militaire, car ne visant pas le public en général. Voir à leur sujet Rioux (1996 : 21).

4 Notamment une recherche par mot-clé dans les journaux historiques numérisés par Bibliothèque et Archives nationales du Québec et une consultation des textes législatifs depuis les débuts de la colonie. Les contraintes d’espace font que les références aux sources consultées et à l’historiographie sont nécessairement réduites au strict minimum.

5 Cette mesure est citée entre autres par E.-Z. Massicotte en 1930, lors d’un débat sur l’imposition du couvre-feu aux jeunes à Montréal (« Curfew was Rung in 17th Century », Gazette, 19 décembre 1930) ; voir aussi Lanctôt (1966 : 123) et Dechêne (2008 : 99-100). Aucun ne mentionne les suites du règlement.

6 Voir Massicotte, 1930 (« Couvre-feu et ronde de nuit ») ; « Two days in Canadian History », Gazette, 8 juin 1935, faisant référence en fait à une ordonnance de juin 1759 concernant les tavernes. Sur les heures de fermeture des tavernes, voir Poliquin (1997 : 12-38).

7 Il n’y a aucune mention de couvre-feu (dans le sens adopté ici) dans la littérature scientifique très extensive concernant ces deux épisodes de violence collective.

8 Aucune mention n’est faite d’un couvre-feu dans les journaux du Québec en octobre 1970 et il n’en est pas question dans les règlements adoptés à l’époque par le gouvernement fédéral sous la Loi des mesures de guerre et publiés dans la presse (La Presse et Gazette, 17 octobre 1970). Voir aussi Campeau (2009).

9 Quand un député fédéral conservateur fédéral suggère que la Loi des mesures de guerre soit utilisée pour empêcher les enfants de sortir pour l’Halloween, le solliciteur général du gouvernement Trudeau répond que cela ne sera pas une utilisation appropriée de la Loi. Il ajoute toutefois que rien n’empêchait des municipalités de recourir à leurs propres règlements concernant le couvre-feu pour les jeunes (Débats, 1970 : 742, 30 octobre). À quel point cela a été fait en octobre 1970 reste une question ouverte (je n’ai trouvé aucune trace dans les journaux), mais cela pourrait expliquer pourquoi certains affirment se souvenir de l’imposition du couvre-feu.

10 Cela malgré des titres comme « Le couvre-feu en Gaspésie », Patrie 12 avril 1943. Pour une description des exercices d’obscurcissement, voir par exemple Le Soleil, 21 février 1942. Sur la portée limitée des règlements concernant l’obscurcissement, qui ne concernaient que les lumières brillant sur le fleuve, voir par exemple Progrès du Golfe, 5 mai 1944 ou encore, Le Soleil, 18 décembre 1944.

11 Il reste à dresser le catalogue définitif des villes ayant adopté de telles mesures.

12 L’Action catholique, organe officiel de l’Église, est presque toujours favorable à la mesure.

13 Les éditoriaux contre le couvre-feu dans la Gazette sont nombreux. Voir, entre autres, 17 mai 1897, 16 novembre 1916 ou 11 juillet 1934. Le journal ne change de cap que pendant la guerre.

14 Selon mes recherches dans les lois annuelles du Québec depuis 1867 – accessibles en ligne à : http://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/fr/6966-recherche-%E2%80%93-lois-annuelles-du-quebec-1867 – seules une dizaine de municipalités semblent bénéficier de lois particulières, dont la première n’est adoptée qu’en 1937, longtemps après le début du phénomène.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Donald Fyson, « Le couvre-feu au Québec : une brève histoire »Éthique publique [En ligne], vol. 24, n° 1 | 2022, mis en ligne le 02 septembre 2022, consulté le 17 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethiquepublique/6905 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ethiquepublique.6905

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Auteur

Donald Fyson

Donald Fyson est professeur titulaire au Département des sciences historiques de l’Université Laval. Il est spécialiste de l’histoire du Québec aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles et notamment de l’histoire sociale, sociojuridique et sociopolitique. Il s’intéresse en particulier aux rapports entre État, droit et société, notamment au sein de la justice criminelle et civile, la police et l’administration locale. Il est membre régulier du Centre interuniversitaire d’études québécoises (www.cieq.ca) et du Centre d’histoire des régulations sociales (www.chrs.uqam.ca).

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