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Dossier principal

Le cycle de vie pour prioriser les patients aux soins intensifs en contexte extrême de pandémie : défis éthiques et pratiques

Marie-Ève Bouthillier, Asher Kramer et Mathieu Moreau

Résumés

Dans le contexte extrême d’une pandémie, lorsque les besoins en ressources de soins intensifs dépassent l’offre, les travailleurs de la santé sont contraints de faire des choix déchirants pour déterminer qui vit et qui meurt. Un protocole de triage pour prioriser l’accès aux lits de soins intensifs a été élaboré au Québec pour guider les décisions d’allocation des ressources.

Le but de cet article est d’aborder les défis de l’utilisation de l’âge dans les décisions de triage, sous la forme de la règle de décision du « cycle de vie », pour départager des patients qui auraient la même priorité d’accès étant donné leur condition clinique similaire.

Après les explications sur le fonctionnement des protocoles de triage pour l’accès aux soins intensifs en contexte extrême de pandémie, dont celui du Québec, nous analysons la question de l’application de la règle de décision du cycle de vie. L’analyse de cette règle passe par une exploration des divers arguments concernant l’utilisation de l’âge comme critère dans les décisions de triage. Ensuite, nous présentons un consensus d’expert issu de plusieurs itérations qui a permis de proposer une stratégie d’application uniforme de la règle de décision du cycle de vie.

L’utilisation de l’âge dans les décisions de triage pour l’accès aux soins intensifs comporte des défis tant conceptuels que pratiques. Plusieurs stratégies de l’utilisation de l’âge existent : comme prédicteur indépendant de la survie, pour la maximisation des années de vie, en tant que limite équitable selon l’argument du fair innings, selon les cycles de vie. Chacune propose des arguments spécifiques qui appellent à différentes interprétations de la justice. Il émerge du consensus d’expert une seule interprétation possible de la règle de décision du cycle de vie : celle de l’équité intergénérationnelle. La stratégie développée considère qu’au moins 25 ans doivent séparer les générations pour en respecter l’esprit.

Sans être parfaite, la stratégie permet d’appliquer de manière cohérente l’équité intergénérationnelle. Des recherches plus poussées sont nécessaires pour valider les protocoles de triage qui sont développés pour prioriser l’accès aux soins intensifs en contexte de pandémie.

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Texte intégral

Contexte

1La COVID-19 a été déclarée pandémie par l’OMS en mars 2020. Sa plus grave manifestation clinique se situe au niveau pulmonaire, ce qui a engendré une demande accrue de ressources dans les unités de soins intensifs (SI) dans le monde. Qui doit-on choisir lorsque les ressources manquent? Sur quels critères pouvons-nous baser ces choix tragiques? Est-ce que l’âge d’un patient peut être considéré? Nous aborderons les défis de l’utilisation de l’âge dans les décisions de triage, sous la forme de la règle de décision du cycle de vie, pour départager des patients qui auraient la même priorité d’accès étant donné leur condition clinique similaire.

2L’autrice principale (M.-E. Bouthillier) a été mandatée par le ministère de la Santé et des Services sociaux (ci-après MSSS) pour présider le groupe d’experts chargé de développer le protocole de priorisation pour l’accès aux soins intensifs adultes en contexte extrême de pandémie du Québec (Bouthillier et al., 2021). Confrontée aux difficultés d’application du protocole lors des séances de formation auprès des professionnels et professionnelles de la santé sur le terrain, notamment au Centre intégré de santé et de services sociaux de Laval (ci-après CISSS de Laval), elle a amorcé des travaux plus poussés avec des experts afin de clarifier les aspects qui étaient ambigus pour s’assurer d’une meilleure standardisation dans l’éventualité d’une application du protocole. Rappelons que le protocole du Québec n’a jamais été mis en application. Au moment d’écrire ces lignes, selon les informations que nous détenons, seuls les protocoles de l’Alaska et de l’Idaho auraient fait l’objet d’une mise sous tension (Underwood, 2021 ; McCausland, 2021).

3Pour l’instant, aucun article ne fait mention des défis de l’usage de ces protocoles et de leur implantation, faute de les avoir activés. Pour les fins de cet article, nous aborderons spécifiquement les défis de l’opérationnalisation de la règle de décision du cycle de vie. Cette règle intervient lorsque les critères cliniques ne permettent plus de prioriser les patients, considérés alors comme « équivalents » sur le plan clinique. Pour résoudre l’impasse, cette règle, qui repose sur des raisons d’équité entre les personnes de différentes générations, propose de prioriser les patients « plus jeunes » parce qu’ils n’auraient pas eu la chance de passer à travers les différents cycles de la vie contrairement à des patients « plus vieux » les ayant déjà vécus. Nous reviendrons sur la définition précise de cette règle, qui a toutefois peu ou pas été opérationnalisée dans les écrits spécialisés ou dans les protocoles de triage dans le monde. Ce texte relate le processus et les résultats des travaux menés dans l’optique de résoudre ce problème. Nous terminons sur la méthode d’application standardisée qui a été retenue pour guider les équipes de triage qui auraient à l’utiliser.

4Voyons d’abord comment fonctionnent les protocoles de triage pour l’accès aux soins intensifs en contexte extrême de pandémie, dont celui du Québec, pour développer ensuite la question de l’application de la règle de décision du cycle de vie. L’analyse de cette règle passe par une exploration des divers arguments concernant l’utilisation de l’âge comme critère dans les décisions de triage.

Les protocoles de triage

5Les experts sont d’avis que le triage est une stratégie nécessaire et que des protocoles pour prioriser l’accès aux SI doivent être élaborés lorsque les ressources de santé disponibles deviennent limitées (Sprung et al., 2020 ; Emmanuel et al., 2020 ; White et Lo, 2020 ; Fiest et al., 2020 ; Leclerc et al., 2020). L’absence d’un processus de triage pourrait entraîner encore plus de décès, pourrait provoquer une plus grande détresse morale et émotionnelle chez les médecins traitants sur qui reposerait l’ensemble des choix tragiques à faire et pourrait déclencher une méfiance du public à l’égard de l’allocation des ressources limitées (White et Lo, 2020). Les autorités sanitaires dans la plupart des pays ont convoqué des experts de la santé pour développer des protocoles de triage spécifiques à cette nouvelle pandémie. Comme appui, la communauté scientifique bénéficiait des protocoles élaborés dans le cadre des menaces pandémiques antérieures comme celles du H1N1 et du SRAS (Christian et al., 2014 ; Vincent et al., 2008 ; Wilkerson et al., 2008). Toutefois, un protocole de triage n’est jamais définitif. Il doit s’inscrire dans un processus dynamique d’évolution alimenté par les nouvelles connaissances scientifiques et éthiques, de même que par le débat public (Antommaria et al., 2020 ; Herreros, Gella et Real de Asua, 2020).

6Des lignes directrices issues des sociétés savantes sont venues préciser sous forme de recommandations les éléments clés que doivent contenir les protocoles de triage dans le cadre de la pandémie de COVID-19 (White et Lo, 2020 ; Piscitello et al., 2020). Il est important de rappeler que ces protocoles sont élaborés pour une situation de crise, c’est-à-dire lorsque la demande excède largement la capacité maximale d’y répondre. Plusieurs autres stratégies (un plan de contingence, par exemple) sont mises en place avant d’y recourir (Maves et al., 2020). Les protocoles publiés pour la COVID-19 décrivent de nombreux critères cliniques appliqués dans la priorisation des patients tels que leurs comorbidités, leur état fonctionnel, leur probabilité de survie, leur espérance de vie, leur pronostic à court terme, l’urgence médicale et la fragilité (Ghanbari et al., 2019 ; Joebges et Biller-Andorno, 2020 ; Tyrrell et al., 2021). Ces protocoles s’appliquent à tous les patients nécessitant des SI, pas seulement à ceux atteints de la COVID-19 (Aziz et al., 2020).

7Les protocoles contiennent également des valeurs et principes sous-jacents, qui orientent la prise de décision entourant le triage (Jöbges et al., 2020 ; Berlinger et al., 2020). Parmi les valeurs éthiques fondamentales, deux se démarquent : la maximisation des bénéfices (utilitarisme) et le traitement égal des patients (égalitarisme) (Savulescu, Cameron et Wilkinson, 2020). À cela s’ajoute l’équité, nécessaire pour « équilibrer » ou tempérer les effets négatifs d’une vision trop centrée sur la maximisation des bénéfices, qui n’aurait aucun égard pour la vulnérabilité (White et Lo, 2021). Certains soulignent l’importance de la prise en compte des valeurs culturelles, telles que les valeurs des populations autochtones et des autres situations propres au pays (Fiest et al., 2020). Aux États-Unis, la pandémie a touché de manière disproportionnée des groupes défavorisés tels que les personnes pauvres, les communautés noires, latino-américaines et autochtones. Douglas B. White et Bernard Lo (2021) proposent que les protocoles de triage intègrent des stratégies de mitigation afin de réduire l’impact des inégalités structurelles.

8En plus des critères cliniques et des valeurs sous-jacentes, des critères supplémentaires de triage (règles de décision en cas d’égalité sur le plan clinique ou tie breakers) ont été proposés. Controversés et critiqués, ceux-ci visent à briser des égalités entre deux (ou plusieurs) patients dont les autres paramètres de triage seraient équivalents sur le plan clinique. Parmi ces tie breakers se trouvent : l’âge (incluant le cycle de vie), l’effet multiplicateur/utilité sociale/valeur instrumentale (dont le personnel soignant exposé à des risques), la randomisation, entre autres. Le tableau 1 décrit ces différents critères supplémentaires de triage trouvés dans les écrits spécialisés. Nous élaborerons plus loin les stratégies qui utilisent l’âge dans les décisions de triage.

Tableau 1. Les catégories de critères supplémentaires (règles de décision) les plus fréquemment mentionnés dans les protocoles de triage

Critère supplémentaire

Explication du critère

Critiques en faveur

Critiques en défaveur

L’âge

Accorde la priorité aux patients avec le plus grand nombre d’années potentielles à vivre.

L’âge permet une certaine pronostication, acceptable s’il n’est pas isolé, c’est-à-dire lorsque les autres conditions cliniques du patient sont prises en compte (Archard et Caplan, 2020).

Il peut constituer une discrimination fondée sur l’âge (Castro-Hamoy, Castro, 2020 ; Archard et Caplan, 2020).

Le cycle de vie

Accorde la priorité aux enfants, adolescents et jeunes adultes qui n’ont pas encore eu la possibilité de vivre les autres étapes de leur vie.

Justifié par l’argument que c’est la capacité de profiter des avantages de certaines étapes de la vie, et non l’augmentation du nombre d’années vécues, qui devrait être prioritaire (Gaurke et al., 2021).

Difficile à opérationnaliser (tranches d’âge, combien d’années comprend un cycle ?)

L’effet multiplicateur/
l’utilité sociale/
la valeur instrumentale

Accorde la priorité aux personnes qui, en raison de leur condition familiale ou de leur fonction dans la société (ex. : proche aidant, travailleur essentiel), peuvent contribuer à la crise et sont difficiles à remplacer.

Justifié par la réciprocité, l’utilité et
la solidarité (Tabery et Mackett, 2008).

Difficile à opérationnaliser (subjectivité, biais) et défavorable pour les personnes sans progéniture, les personnes handicapées et les personnes dans un rôle jugé « non essentiel » (Fitzgerald et Hurst, 2017).

L’exemple du personnel soignant exposé à des risques de contracter
la COVID-19

Accorde la priorité aux personnels soignants le plus exposés, afin de préserver les services à la population et par considération pour leur valeur instrumentale dans la crise.

Justifié par le contrat social, la réciprocité et le « quid pro quo » (Jecker, Wightman et Diekema, 2020 ; Milliken et al., 2020).

Critiqué par l’incertitude de retour à la force de travail (Patrone et Resnik, 2011) et du fait que cela peut engendrer du favoritisme (Jecker, Wightman et Diekema, 2020).

La randomisation

Accorde la priorité aux personnes en fonction du hasard.

Fondé sur l’égalité entre les humains. Permet de ne pas accroître davantage les inégalités. Méthode transparente, impartiale et facile à opérationnaliser. Acceptable comme bris d’égalité (Da Silva, 2020 ; Dos Santos et al., 2020).

Pas acceptable comme critère de triage initial, car il nierait le caractère unique de chaque vie et des besoins en matière de soins (Dos Santos et al., 2020).

9Ces règles de décision en cas d’égalité clinique, bien qu’attrayantes sur le plan conceptuel, ont en commun des défis d’application majeurs. Curieusement, les écrits spécialisés y ont accordé jusqu’ici très peu d’attention. La majorité des articles traite de leur acceptabilité sur le plan éthique, sans nécessairement discuter de la façon dont ces règles devraient être utilisées par des équipes de triage placées devant cette éventualité.

Le protocole du Québec

10Le Québec a élaboré deux protocoles de triage : adulte ; et pédiatrique qui inclut la néonatologie (Bouthillier et al., 2021 ; Gaucher et al., 2021). Dans cet article, seul le protocole adulte est abordé. La première version du protocole adulte, élaborée en cinq jours en mars 2020, fut une réponse d’urgence pour faire face à la demande exponentielle de la première vague. L’implication de toutes les parties prenantes dans son élaboration et sa structure, c’est-à-dire dans ses critères et ses valeurs, fut impossible à ce moment faute de temps. Le protocole – et tous ses travaux connexes – repose donc sur des consensus d’experts. Dans le cas de l’élaboration du protocole, 40 experts ont participé : professionnels spécialisés en soins intensifs, d’urgence, soins palliatifs, services psychosociaux, gestionnaires, éthiciens et avocat. Un panel de patients partenaires (n = 4) a eu l’occasion d’offrir une rétroaction. Une mise à jour du protocole a été faite durant l’été et l’automne 2020 pour clarifier certains critères cliniques du protocole (aspects scientifiques) et répondre à des préoccupations manifestées par des groupes de défense des droits des patients. Le processus de mise à jour a inclus la participation et la consultation de représentants de groupes de défense des droits des patients, de l’Office des personnes handicapées du Québec, de patients partenaires, ainsi que d’experts cliniciens d’autres domaines de la santé et d’autres éthiciens. La deuxième version a été adoptée par les autorités gouvernementales en novembre 2020. Une troisième version est disponible depuis décembre 2021. Cette mise à jour propose une simplification de la priorisation et une clarification des processus de coordination nationale si le protocole était déclenché.

11Le processus de priorisation adulte implique des étapes essentielles dont : 1) l’évaluation clinique des patients à l’aide des critères de triage retenus ; 2) la priorisation des patients par des équipes de triage qui ne sont pas au chevet des patients ; 3) le transfert des patients priorisés qui n’ont pas de place localement ; 4) la coordination des places dans les unités de SI sur le territoire. Le protocole de triage du Québec a retenu trois règles de décision en cas d’égalité clinique, à appliquer dans l’ordre : le cycle de vie, le personnel soignant en lien étroit avec des patients (réciprocité) et la randomisation. Cet article n’aborde que la règle du cycle de vie.

12Après son adoption par le MSSS, le protocole est devenu une directive clinique envoyée à tout le réseau de la santé et des services sociaux. Dorénavant, les établissements devaient se préparer à une éventuelle application du protocole. Pour ce faire, les établissements ont formé des équipes de triage et ont organisé des séances de formation et de simulation au cours de l’automne 2020 et des hivers 2021 et 2022. Toutefois, les différentes équipes de triage se sont butées à des obstacles importants inhérents à l’application des règles de décision, en particulier celle du cycle de vie. Comment opérationnaliser cette règle de décision ? À la suite des simulations, les équipes de triage ont réalisé qu’elles avaient appliqué la règle de manière inégale en utilisant chacune des méthodes différentes. Cela constitue un problème majeur en termes de justice procédurale. Les équipes avaient comme seul repère la définition incluse dans le protocole :

Le cycle de vie : cette règle de décision met de l’avant « l’équité intergénérationnelle» en priorisant les personnes présentant un moins grand nombre d’étapes de vie devant elles (William, 1997). Ainsi, selon l’équité intergénérationnelle, il serait juste de donner priorité aux personnes qui se trouvent à un stade de vie moins avancé pour leur permettre d’avoir la même chance. Ce principe ne favorise pas les plus jeunes par rapport aux plus vieux en terme absolu, mais, entre deux personnes ayant un même pronostic clinique, il donne plutôt priorité à la personne qui se trouve à un stade de vie moins avancé. Il faut rappeler que cette règle n’est pas applicable à toutes les situations. Il se peut que l’écart d’âge (une génération par exemple) ne soit pas suffisant. Ainsi, si la règle de décision du cycle de vie n’est pas applicable dans la situation, par exemple, s’il faut trancher entre deux patients ayant respectivement 65 ans et 55 ans, il faut appliquer la prochaine règle (personnel soignant) et si l’impasse est non résolue, il faut procéder à une randomisation. La règle du cycle de vie s’applique à l’ensemble de la population et devrait précéder les autres règles de décision en cas d’égalité clinique (Bouthillier et al., 2021 : 17).

13Devant les difficultés à opérationnaliser la règle de décision du cycle de vie, un groupe de travail s’est mis sur pied afin de trouver la meilleure façon de l’appliquer dans le but d’assurer une standardisation. Ce groupe devait répondre à la question suivante : « Comment appliquer la règle de décision du cycle de vie dans le cadre du protocole du Québec ? » Une fois l’application clarifiée, celle-ci serait incluse dans le Guide de priorisation et de coordination pour l’accès aux soins intensifs (adultes) en contexte extrême de pandémie (2021) qui donne les orientations concrètes à suivre par le réseau face à une application éventuelle du protocole (Lorange, Bouthillier et Poirier, 2021).

L’utilisation de l’âge comme critère dans les décisions de triage

14Pourquoi l’âge devrait-il être un critère dans les décisions de triage ? Il existe de nombreux arguments concernant l’utilisation de l’âge pour la priorisation des patients lors d’une pénurie de ressources. Le tableau 2 résume les différentes stratégies employées dans les protocoles de triage. Bien que certaines d’entre elles puissent être équivalentes sur le plan fonctionnel – c’est-à-dire qu’elles peuvent donner le même résultat –, il est important de comprendre leurs différences sur le plan conceptuel. Nous présenterons les différents arguments/stratégies entourant l’utilisation de l’âge pour la priorisation : comme prédicteur indépendant de la survie, pour la maximisation des années de vie, en tant que limite équitable selon l’argument du fair innings et selon les cycles de vie.

L’âge comme prédicteur indépendant de la survie

15Matthew C. Altman (2021) soutient que l’âge en terme absolu ne devrait pas seulement servir de critère de bris d’égalité, mais qu’il devrait être une considération principale. Puisque l’âge peut être utilisé pour prédire la probabilité de survie des patients atteints de COVID-19, il devrait aussi être un facteur à considérer dans les algorithmes de triage. Fondés sur une approche utilitariste, ces algorithmes sont conçus pour maximiser les bénéfices, ce qui se traduit par le fait de tenter de sauver le plus de vies. Ce principe est généralement admis et suscite peu la controverse. Dans ce contexte, l’âge devrait être pris en compte dans la mesure où il peut prédire les résultats de survie. Pour Altman, l’omettre dans un algorithme de triage reviendrait à mal gérer les ressources, car cela entraînerait davantage de décès.

16La raison pour laquelle la plupart des protocoles de triage n’utilisent pas l’âge de cette manière est qu’ils ne tiennent compte que de la survie à court terme. Mais cette stratégie « est arbitraire et injustifiée » selon Altman (2021 : 360). Elle crée l’illusion d’une égalité clinique. Les protocoles de triage devraient donc tenir compte du pronostic à long terme, auquel cas il serait clair que « l’âge est aussi pertinent pour déterminer les résultats probables sur la santé que la défaillance des organes et les comorbidités » (Altman, 2021 : 357).

17Au Québec, cependant, nous avons travaillé en fonction du pronostic à court terme, en établissant des critères cliniques permettant d’évaluer les chances de survie à la sortie des SI. La justification de ce critère est, pour citer Lee Daugherty-Biddison, que :

d’accorder une trop grande priorité au critère de survie à long terme peut, dans certaines circonstances, désavantager encore plus les personnes qui sont déjà confrontées à des inégalités systématiques ; les personnes pauvres et les personnes de couleur sont plus susceptibles que d’autres groupes d’avoir des comorbidités multiples et graves en raison de facteurs socioéconomiques incluant un accès plus difficile aux soins médicaux et les effets débilitants directs de la pauvreté sur la santé (Daugherty-Biddison et al., 2019 : 850).

18Dans un cadre qui ne prend en compte que les résultats de survie à court terme, la question pertinente est la suivante : à pronostics égaux, les patients plus jeunes ont-ils un droit plus fort aux ressources de soins intensifs ? L’âge peut-il être utilisé pour briser l’égalité, et si oui, comment ?

L’âge pour la maximisation des années de vie

19Le principe « sauver le plus d’années de vie » implique d’utiliser l’âge sans faire appel au cycle de vie. Si deux patients, l’un âgé de 20 ans et l’autre de 50 ans, n’ont pas de problème de santé sous-jacent et ont tous deux les mêmes chances de survie, selon ce principe, il faudrait donner la priorité au patient le plus jeune, car cela permettrait de maximiser les années de vie gagnées par l’utilisation de cette ressource.

20Mais ce point de vue est problématique dès que l’on y ajoute d’autres variables :

Supposons qu’un foie devienne disponible, mais qu’il y ait deux patients qui en ont besoin de toute urgence sans quoi ils vont mourir. Le premier patient est âgé de 20 ans et, en raison d’un problème de santé non lié, aurait une espérance de vie de 10 ans avec la greffe, tandis que l’autre patient est âgé de 50 ans et aurait une espérance de vie de 15 ans avec la greffe (Brock, 2007 : 140).

21Le principe de maximisation des années de vie nous oblige à choisir le patient de cinquante ans parce qu’il vivrait 5 ans de plus. Cette maximisation « mathématique » ne tient toutefois pas compte des années qu’une personne a déjà vécues. Ainsi, les 10 années supplémentaires pourraient être plus bénéfiques pour le patient plus jeune que les 15 années pour le patient plus âgé. L’utilité marginale de chaque année supplémentaire n’est donc pas la même pour les deux patients. Dan W. Brock soutient que le choix basé sur la maximisation des années de vie est injuste, car il ne tient pas compte du fait que le patient de 20 ans n’a pas l’occasion d’avoir une durée de vie « normale ».

L’âge en tant que limite équitable selon l’argument du fair innings

22Telle qu’elle a été caractérisée pour la première fois par John Harris, l’essence de l’argument du fair innings est la suivante : « Bien qu’il soit toujours malheureux de mourir quand on veut continuer à vivre, ce n’est pas une tragédie de mourir dans la vieillesse, mais c’est à la fois une tragédie et un malheur d’être coupé de la vie prématurément » (Harris, 1985 : 93). Selon Harris, nous avons tous droit de vivre un certain nombre d’années de vie, disons 70. Une fois cet âge atteint, les années restantes représentent un bonus. Pour citer Alan Williams :

toute personne qui ne parvient pas à atteindre [un nombre d’années équitable] a en quelque sorte été trompée, tandis que toute personne qui obtient plus que ce nombre est « en train de vivre sur du temps emprunté » (Williams, 1997 : 119).

23L’argument du fair innings implique que les décideurs devraient donner la priorité aux jeunes patients en dessous d’un certain seuil, correspondant à un nombre d’années de vie équitable, lors de la priorisation des ressources en santé. En cas de pandémie, lorsque les besoins dépassent la capacité, un âge limite spécifique pour l’admission aux soins intensifs serait donc fixé. Dans le cadre d’un protocole de triage, l’argument du fair innings suppose que : « ceux qui sont en dessous du seuil équitable se font attribuer une priorité égale, et ceux qui sont au-dessus, une priorité réduite » (Gaurke et al., 2021 : 19).

24Beaucoup s’opposent à l’utilisation de l’âge comme critère dans les décisions de triage. Teneille R. Brown, Leslie P. Francis et James Tabery (2021) pensent que cela mène à une discrimination fondée sur l’âge (âgisme). Ils affirment que l’âge seul ne permet pas de prendre en compte le fait que : « la vie qu’une personne subit par rapport à d’autres pourrait ne jamais avoir été juste » (Brown, Francis et Tabery, 2021 : 2). Certains candidats âgés peuvent en effet avoir été victimes de discrimination raciale, de violence et de pauvreté, tandis que des patients plus jeunes peuvent avoir bénéficié de privilèges tout au long de leur vie parce qu’ils sont nés dans la richesse. L’argument du fair innings ne peut pas tenir compte des différences qualitatives vécues au cours d’une vie (Brown, Francis et Tabery, 2021 : 2).

25Toutefois, argumenter que le fair innings est inadéquat en tant que critère pour la priorisation des patients ne signifie pas qu’il ne saisit pas quelque chose d’important. Les éléments cités par Brown et ses collaborateurs dépassent le cadre d’un protocole de triage. L’évaluation de l’impact de l’ensemble des différences sociales sur les résultats en matière de santé est insoluble dans des circonstances normales, et dans le contexte extrême d’une pandémie – impossible.

26Michael M. Rivlin pense que l’une des raisons pour lesquelles l’argument du fair innings n’est pas convaincant est que la notion de part équitable de la vie n’a pas de sens. La vie n’est pas comme un gâteau : elle ne peut être divisée ni partagée (Rivlin, 2000 : 2). Si la notion de partage équitable de la vie n’a pas de sens, il en va de même pour la notion selon laquelle « la justice exige que nous essayions de faire en sorte que les gens aient la possibilité de vivre des sommes plus ou moins égales de vie » (Gaurke et al., 2021 : 22). Ainsi, bien que les décès de jeunes patients puissent être malheureux, ils ne sont pas injustes. Il n’existerait pas de droit positif à un fair innings, autrement dit à une part équitable de la vie.

L’âge selon les cycles de vie

27L’approche du cycle de vie repose sur l’idée que chaque personne devrait avoir la possibilité de vivre toutes les étapes de la vie. Contrairement à l’argument du fair innings, elle n’invoque pas d’emblée la notion d’équité. Elle postule plutôt :

[qu’il y a] une grande valeur à être capable de passer par chaque étape de la vie − être un enfant, un jeune adulte, puis développer une carrière et une famille, et vieillir − et de profiter d’un large éventail d’opportunités à chaque étape (Emanuel et Wertheimer, 2006 : 855).

28MaryKatherine Gaurke et ses coauteurs (2021) expliquent ce que cette vision implique dans la pratique :

Sur le plan opérationnel, la priorité est attribuée aux différentes étapes de la vie ou aux différentes tranches d’âge par ordre décroissant. Par exemple, les enfants (disons ceux de douze ans et moins) ont une priorité plus élevée que les adolescents (disons ceux de treize à dix-sept ans), les adolescents une priorité plus élevée que les jeunes adultes (disons ceux de dix-huit à trente-cinq ans), et ainsi de suite. On peut considérer qu’il s’agit d’une approche par années de vie ou d’une approche itérative de gains équitables. L’idée est que chaque étape ou cycle de la vie offre des opportunités différentes que chaque personne devrait pouvoir saisir, dans la mesure du possible, grâce à un système qui alloue les ressources de soins de santé de manière équitable. En d’autres termes, contrairement à une approche qui vise à maximiser les années de vie, l’approche des cycles de vie met l’accent sur le fait que c’est la capacité de profiter des avantages de certaines étapes de la vie, et non l’augmentation du nombre d’années vécues, qui devrait être prioritaire (Gaurke et al., 2021 : 19).

Tableau 2. Synthèse des stratégies d’utilisation de l’âge comme critère dans les protocoles de triage

Stratégies

Arguments et implications dans le cadre d’un protocole de triage

L’âge comme prédicteur indépendant de la survie

Dans la mesure où l’âge peut être utilisé pour prédire la probabilité de survie des patients atteints de COVID-19, il devrait être utilisé, non pas comme critère de bris d’égalité, mais comme critère principal de priorisation.

L’âge pour la maximisation des années de vie

Un protocole de triage devrait maximiser les bénéfices obtenus de ressources limitées, et une augmentation des années de vie sauvées est le plus grand bénéfice pour tous. En conséquence, lorsque les chances de survie sont égales, il faudrait donner la priorité aux patients les plus jeunes, car cela permettrait de sauver davantage d’années de vie.

L’âge en tant que limite équitable selon l’argument du fair innings

Nous avons droit de vivre un certain nombre d’années de vie, disons 70, au-delà desquelles les années supplémentaires doivent être considérées comme un bonus. Un protocole de triage devrait donner la priorité aux patients en dessous du seuil de fair innings.

L’âge selon les cycles de vie

Chaque personne devrait avoir la possibilité de vivre toutes les étapes de la vie. Contrairement à l’argument du fair innings, elle n’invoque pas d’emblée la notion d’équité. Un protocole de triage devrait utiliser l’âge comme critère de priorisation uniquement lorsqu’il y a un écart d’au moins 25 ans entre les patients.

Le choix de la règle de décision du cycle de vie dans le protocole du Québec

29Lors de l’élaboration du protocole, les délibérations des experts ont fait ressortir que le fait de randomiser dans tous les cas serait céder à la simplicité. Même si elle est fondamentalement « égalitaire » et simple à utiliser, la randomisation n’est pas toujours la stratégie la plus adéquate pour choisir quelle vie sauver. Dans certains cas, elle serait même contre-intuitive. Supposons, par exemple, qu’il reste une place aux soins intensifs et deux patients ont besoin d’être admis à défaut de quoi ils mourront. L’un est âgé de 25 ans et l’autre de 85 ans. Procéder par pile ou face, est-ce vraiment la meilleure façon de choisir qui sauver ? Bien qu’il s’agisse d’un exemple quelque peu artificiel, il montre que dans des conditions précises, au moment de choisir qui vivra et qui mourra, « il peut être approprié de considérer le cycle de vie » (Daugherty-Biddison et al., 2019 : 851). La justification du choix de prioriser la personne de 25 ans n’est pas que ce choix maximiserait les années de vie sauvées ni que la personne de 85 ans vit sur un temps emprunté. C’est plutôt que la personne de 25 ans devrait avoir la chance, déjà offerte à la personne de 85 ans, de vivre les différentes étapes de la vie.

30L’approche fondée sur le cycle de vie présente un attrait intuitif. Premièrement, la plupart des gens considèrent de manière intuitive que la mort des personnes âgées est moins tragique que celle des jeunes. Deuxièmement, elle est « intrinsèquement égalitaire », car tout le monde vieillit et, par conséquent, la distribution des ressources sera égale au cours de la vie (Emanuel et Wertheimer, 2006 : 855). Troisièmement, l’âge est quantifiable et objectif, ne faisant pas appel à des considérations subjectives comme l’utilité sociale. Quatrièmement, en cas de pandémie, il y aura peu de temps pour les algorithmes complexes « car les décisions doivent être prises rapidement » (White et al., 2009 : 135). Grâce aux cycles de vie, la hiérarchisation des priorités peut être normalisée et cohérente « sans dépendre de l’intuition d’un clinicien dans le feu de l’action » (Emanuel et al., 2020 : 3). De plus, cette règle de décision pourrait être utilisée rapidement et de manière impartiale dans un protocole de triage par les membres d’une équipe de triage qui ne seraient pas en contact avec les patients, épargnant ainsi aux soignants une détresse inutile.

Opérationnalisation de la règle de décision du cycle de vie : défis et solutions

31Tous ceux qui acceptent l’approche du cycle de vie savent ce qu’il faut faire avec un seul accès aux soins intensifs restant et deux patients, âgés de 25 et 85 ans, en situation d’égalité clinique. La réalité des décisions d’allocation pendant une pandémie est toutefois plus complexe : les différences d’âge sont plus faibles, le nombre de candidats plus important et les patients arrivent de manière ininterrompue. Comment cette règle est-elle appliquée dans d’autres protocoles ?

Problèmes avec l’utilisation de la règle du cycle de vie dans d’autres protocoles

32L’examen d’autres protocoles qui utilisent la règle de décision du cycle n’a pas permis de résoudre notre problème. Le tableau 3 résume les principaux protocoles dans lesquels des éléments du cycle de vie sont utilisés comme stratégies de bris d’égalité. Le protocole original de Pittsburgh, publié en réponse à la pandémie à H1N1 de 2009, a été un temps considéré comme l’étalon. Ce protocole suggère de diviser les patients en groupes d’âge. En cas d’égalité de priorité entre les patients, les considérations relatives au cycle de vie doivent être utilisées comme premier critère de départage, la priorité allant aux patients les plus jeunes. Ce protocole recommande les catégories suivantes : 12-40 ans, 41-60 ans, 61-75 ans, plus de 75 ans.

33La version du protocole de Pittsburgh mise à jour à l’automne 2020 a éliminé les groupes d’âge, sans fournir d’explication sur les motivations derrière ce changement. Au lieu de cela, elle utilise le cycle de vie pour départager les patients lorsqu’il existe des « différences d’âge significatives », sans préciser ce qui devrait être considéré comme significatif. Dans leur exemple, « si un patient de 45 ans et un patient de 85 ans se présentent avec des scores de triage similaires, la priorité pour le lit de soins intensifs/ventilateur devrait aller au patient le plus jeune » (University of Pittsburg, 2021 : 5). Cependant, sans définition des « différences d’âge significatives », et sans instruction explicite, l’opérationnalisation du cycle de vie demeurera subjective. Prises sur le vif, ces décisions risquent d’être incohérentes et inégales d’une équipe de triage à l’autre.

34La Saskatchewan prétend également utiliser le cycle de vie comme critère de bris d’égalité, mais les auteurs ne fournissent pas d’algorithme pour son opérationnalisation (Valiani et al., 2020 : 1068). Sans critères prédéfinis, la question essentielle reste, elle aussi, sans réponse : à quel moment la différence d’âge est-elle suffisamment importante pour justifier de donner la priorité aux jeunes lorsque les chances de survie sont égales ?

35Le groupe de travail de New York cherche à éviter « d’accorder la priorité au patient le plus jeune même lorsque la différence d’âge est négligeable » (New York State Task Force on Life & the Law, 2015 : 104). Cependant, leur solution consiste à ne donner la priorité qu’aux enfants lorsque les chances de survie sont égales. Cette solution est problématique, car elle ne permet pas de distinguer les adultes entre eux. Ainsi, elle ne permet pas de saisir l’esprit du cycle de vie. Il y a, après tout, de nombreuses étapes de la vie après 18 ans. Ce protocole permettrait également de donner la priorité à un jeune de 17 ans comparativement à un jeune de 18 ans sur la base du cycle de vie, une distinction certainement arbitraire.

36Le Colorado, comme New York, utilise l’âge seulement pour départager les patients pédiatriques des patients adultes :

Étant donné la valeur sociétale attribuée aux enfants et le principe du cycle de vie, nous recommandons que les patients pédiatriques soient pris en considération au niveau 2 en cas d’égalité au niveau 1 (Colorado Department of Public Health and Environment, 2021 : 92).

37Les mêmes critiques s’appliquent à cette approche. Le protocole du Massachusetts (The Commonwealth of Massachusetts Department of Public Health, 2020) donne aussi priorité aux enfants. L’utilisation de l’âge pour la clientèle adulte est un critère clinique additionnel, et non un critère de bris d’égalité.

38Le protocole du Maryland utilise le cycle de vie pour briser l’égalité (Daugherty-Biddison et al., 2017). Les patients sont répartis en quatre catégories d’âge (0-49 ans, 50-69 ans, 70-84 ans, ≥ 85 ans) et se voient attribuer des points de 1 à 4. Les patients avec le plus faible pointage sont admis en priorité aux soins intensifs. Le système de points initial inclut le pronostic à court terme ainsi que le pronostic à long terme. Énoncé ainsi, ce protocole permettrait de donner la priorité à une personne de 49 ans plutôt qu’à une personne de 50 ans, selon le cycle de vie. À cet égard, l’Idaho utilise une approche similaire.

39Dans le protocole du Michigan, l’âge n’est pas utilisé seul comme critère de départage, mais le groupe de travail, voyant des arguments de chaque côté, semble avoir eu du mal à prendre cette décision :

Il peut être juste de permettre à une personne plus jeune d’avoir la chance de vivre jusqu’à un âge plus avancé, étant donné que les personnes plus âgées ont déjà eu l’occasion de connaître ces phases de la vie. Mais cette approche va à l’encontre de l’égalité dans la mesure où elle établit une distinction explicite entre les personnes sur la base de l’âge numérique. Elle oublie également les tentatives de parvenir à une équité intergénérationnelle dans les décisions d’allocation (State of Michigan Department of Community Health Office of Public Health Preparedness, 2012 : 4).

40L’établissement de priorités en fonction de l’âge ne va pas nécessairement à l’encontre de l’égalité. Au contraire, l’utilisation du cycle de vie comme critère de départage favorise l’égalité dans la mesure où elle s’efforce de donner aux gens une chance égale de vivre les différentes étapes de la vie. Puisque « chaque personne vivra jusqu’à un âge avancé, à moins que sa vie ne soit écourtée », la répartition des ressources sera égale au cours de la vie (Emanuel et Wertheimer, 2006 : 855). Enfin, le cycle de vie ne sape pas l’équité intergénérationnelle, il la favorise. Comme l’a montré Williams, promouvoir l’équité intergénérationnelle revient à « égaliser l’expérience de la santé au cours de la vie », ce qui nécessite inévitablement de donner la priorité aux patients plus jeunes (Williams, 1997 : 129).

Tableau 3. Exemples de l’utilisation du cycle de vie comme stratégie de bris d’égalité dans les protocoles l’ayant adopté

Protocoles

Description
de la stratégie

Informations additionnelles

Pittsburgh (University of Pittsburgh, 2021)

Priorité aux personnes qui ont eu le moins de chance de vivre les étapes de la vie

Bris d’égalité : Dans le cas où deux patients ont des scores de priorité de triage identiques, donner la priorité au patient le plus jeune lorsqu’il existe une différence d’âge significative.

Colorado (Colorado Department of Public Health and Environment, 2021)

New York (New York State Task Force on Life & the Law; New York State Department of Health, 2015)

Priorité donnée aux enfants

« Les lignes directrices qui mettent l’accent sur la probabilité de mortalité tout en intégrant l’utilisation du jeune âge uniquement comme critère de départage reconnaissent les valeurs générales de la société et font avancer l’objectif de sauver le plus grand nombre de vies. » (New York, 2015 : 5)

Massachusetts

(The Commonwealth of Massachusetts Department of Public Health, 2020)

Priorité donnée aux enfants

Âge, si perspective de survie différente

Si plusieurs patients avec le même score de priorité absolue, des caractéristiques individuelles du patient non prises en compte par le SOFA (Sequential Organ Failure Assessment) sont considérés si elles offrent des perspectives de survie sensiblement différentes pour la maladie aiguë : par exemple, l’âge, la fragilité progressive et des conditions médicales sous-jacentes graves pour lesquelles il existe des preuves médicales objectives.

Maryland (Biddison et al., 2017)

En cas d’égalité catégories de cycles de vie :
0-49, 50-69,
70-84, ≥ 85

« Pour ces raisons, la plus haute priorité dans ce système de notation est accordée aux enfants, pour lesquels la mort surviendrait tragiquement tôt sans soins intensifs, et aux adultes jusqu’à 49 ans, dont la durée de vie serait également raccourcie et dont le décès est le plus susceptible d’imposer des souffrances et des difficultés à d’autres personnes dont le bien-être dépend directement de leurs soins et de leur soutien (enfants, parents âgés). » (Biddison et al., 2017 : 13)

Idaho

(Idaho Department of Health & Welfare – Division of Public Health, 2020)

1. Priorité donnée aux enfants

2. Si l’égalité persiste, catégorie de cycles de vie : 12-40, 41-60,
61-75, > 75

« 1) La priorité devrait d’abord être accordée aux enfants âgés de 0 à 17 ans. 2) La priorité devrait ensuite aller aux femmes enceintes ayant une grossesse viable ≥ 28 semaines de gestation. 3) La priorité doit ensuite aller aux patients en fonction de leur cycle de vie, en donnant la priorité aux patients qui ont vécu moins de cycles de vie (catégories de cycle de vie : 18-40 ans, 41-60 ans ; 61-75 ans ; plus de 75 ans). » (Idaho Department of Health & Welfare – Division of Public Health, 2020 : 8)

Michigan

Fair innings

Accorder la priorité d’accès aux ressources ou services médicaux rares en fonction de l’âge numérique, des années de vie corrigées de la qualité, des années de vie corrigées de l’incapacité ou de toute autre mesure basée sur la longévité ou le fonctionnement soulève plusieurs questions difficiles.

Saskatchewan

(Valiani et al., 2020)

Cycle de vie

Exemple : une personne de 50 ans et une de 70 ans, toutes deux en bonne santé et avec un score SOFA identique, le critère du cycle de vie serait utilisé pour offrir un lit en unité de soins intensifs à la personne de 50 ans en premier.

Proposition d’application de la règle de décision du cycle de vie dans le protocole du Québec : processus et résultats

41En préparation des première et deuxième vagues, le CISSS de Laval a mis en place des exercices de simulation utilisant une cohorte de 21 patients (nombre de lits de soins intensifs disponibles dans l’établissement). Pour préparer cette simulation, 21 formulaires d’évaluation médicale appliquant les critères cliniques de triage du protocole ont été remplis à partir des données de leur dossier médical. Ces formulaires ont été rendus complètement anonymes. Les participants à la simulation (n = 35) étaient les membres des équipes de triage identifiés par le CISSS de Laval. Ils ont été répartis en 5 sous-groupes et ont été invités à classer les patients par ordre de priorité dans un fichier Excel. Un débriefing a eu lieu une semaine plus tard. Il en est clairement ressorti que l’application de la règle de décision du cycle de vie devrait être mieux encadrée étant donné la disparité dans son application d’un sous-groupe à l’autre.

42Afin d’élaborer une proposition de mise en œuvre standardisée, un groupe de travail, dont les auteurs ont fait partie, a été mis en place. Ce groupe de travail a été constitué par convenance en réunissant les personnes intéressées par la question et disponibles pour y participer. Les personnes impliquées dans le processus étaient les suivantes : médecins (n = 7), médecin-chef (n = 1), éthiciens (n = 4), doctorants (n = 3) et stagiaire en éthique clinique (n = 1). Ces 16 personnes ont été divisées en 2 sous-groupes : 1) le sous-groupe A, qui a élaboré une première proposition d’application (n = 5) ; 2) le sous-groupe B, qui a révisé et amélioré la proposition jusqu’à l’obtention d’une version finale (n = 11). Plusieurs itérations ont été nécessaires avant d’arriver à une proposition qui a obtenu le consensus des 2 sous-groupes. Le groupe de travail n’a pas gardé trace du nombre d’itérations produites.

Résultats

43Afin d’élaborer sa stratégie d’application, le groupe de travail retient une seule interprétation possible de la règle de décision du cycle de vie : celle de l’équité intergénérationnelle. Ce qui fait écho à la définition incluse dans le protocole, telle que citée précédemment. Ainsi, pour que la règle de décision du cycle de vie respecte l’idée de l’équité entre les générations, l’écart d’âge entre des personnes à prioriser qui sont à égalité sur le plan clinique doit être d’au moins une génération. Le groupe a établi à 25 ans le nombre d’années qui sépare une génération d’une autre. Il était conscient que ce chiffre ne reposait que sur le consensus des membres experts et demeurait donc contestable. Le groupe rejette l’idée d’établir des tranches d’âge, comme le suggèrent plusieurs protocoles américains. Ainsi, dans le protocole du Québec, une personne de 49 ans ne serait jamais priorisée par rapport à une personne de 50 ans parce qu’elles sont dans des tranches d’âge différentes. Le groupe était d’avis que des catégories d’âge ne respectaient pas l’idée d’un écart générationnel et causaient des injustices potentielles fondées sur l’âge.

44Une fois ceci établi, le groupe s’est intéressé à la manière concrète dont l’écart générationnel de 25 ans devait être appliqué. Il a dû tenir compte de deux types de priorisation : 1) la priorisation statique des patients pour élaborer la liste des patients priorisés ; 2) la priorisation dynamique qui devrait tenir compte de l’ajout de patient au fur et à mesure dans la liste déjà établie dans les jours qui suivent le déclenchement du protocole.

Stratégie d’application de la règle de décision du cycle de vie

45Rappelons que dans le protocole du Québec, les règles de décision en cas d’égalité clinique doivent s’appliquer dans l’ordre suivant :

  1. Cycle de vie ;

  2. Personnel soignant en lien étroit avec les patients ;

  3. Randomisation.

46Ces règles doivent s’adapter à la liste de patients à prioriser, qui risque de changer constamment (priorisation statique et dynamique). Les tableaux 4 et 5 donnent des exemples d’application des règles selon que la priorisation se fait de manière statique ou dynamique. Notez que pour des raisons de clarté et d’espace, nous n’incluons pas dans les explications l’application de la règle personnel soignant en lien étroit avec les patients. Nous présentons seulement l’application de la règle du cycle de vie et celle de la randomisation (voir la colonne Nombre aléatoire dans le tableau 4).

47Procédure pour la priorisation statique, lors du déclenchement de la priorisation ou d’un changement d’étape :

  • Classer les patients par âge ;

  • Créer trois groupes de patients ayant une génération d’écart (de l’ordre de 25 ans) ; en procédant un à la fois, associez le patient le plus jeune au premier groupe (A) et le patient le plus vieux au dernier groupe (C) ; associer le 2e plus jeune au groupe A, et associer le 2e plus vieux au groupe C ; poursuivre ainsi jusqu’à ce que les patients du groupe central (B) soient à l’intérieur d’un écart de l’ordre de 25 ans (partie en jaune dans l’exemple ci-après).

Tableau 4. Exemple de priorisation statique dans fichier Excel (numéros de dossier fictifs)

No dossier

Nbre critères

Nbre critères

Nbre critères

DDN

Âge

Nombre aléatoire (1 à 1 000)

Priorité

Étape 1

Étape 2

Étape 3

7287

0

0

0

1932-09-04

88

12

C-1

2458

0

0

0

1942-09-23

78

845

C-2

2622

0

0

0

1957-06-11

67

256

B-8

2233

0

0

0

1959-04-29

66

413

B-10

7822

0

0

0

1956-08-26

64

128

B-5

8755

0

0

0

1957-06-11

63

235

B-7

1336

0

0

0

1956-12-20

63

823

B-12

1115

0

0

0

1959-05-16

61

98

B-3

2133

0

0

0

1959-04-29

61

398

B-9

1213

0

0

0

1959-05-16

59

66

B-2

1527

0

0

0

1964-01-30

56

4

B-1

1627

0

0

0

1964-01-30

54

866

B-13

9982

0

0

0

1968-03-29

52

913

B-15

9882

0

0

0

1968-03-29

51

899

B-14

3741

0

0

0

1970-04-17

50

132

B-6

3749

0

0

0

1970-04-17

49

126

B-4

2229

0

0

0

1971-05-03

49

942

B-16

8213

0

0

0

1977-02-08

43

756

B-11

1568

0

0

0

1993-02-18

27

621

A-2

2637

0

0

0

1995-01-22

25

302

A-1

Exemple légèrement modifié, tiré de Lorange, Bouthillier et Poirier (2021 : 19)

48Procédure pour la priorisation dynamique, lors de l’ajout d’un patient à la liste priorisée :

49Lorsqu’une nouvelle demande d’admission survient :

  • Insérer ce patient dans sa cohorte d’âge (A, B ou C);

  • Le nombre aléatoire est utilisé pour déterminer la priorité relative de ce patient par rapport aux autres de sa cohorte.

50Cet ajout de patient changera l’ordre de priorité de plusieurs patients de cette cohorte. Dans l’exemple du tableau 5, le nouveau patient modifie le rang de deux patients en s’insérant après le patient B-13. Les patients après B-13 sont alors décalés d’une position.

Tableau 5. Exemple de priorisation dynamique (ajout du patient 4622 à la liste priorisée) dans fichier Excel (numéros de dossier fictifs)

No dossier

Nbre critères

Nbre critères

Nbre critères

DDN

Âge

Nombre aléatoire (1 à 1 000)

Priorité

Étape 1

Étape 2

Étape 3

7287

0

0

0

1932-09-04

88

12

C-1

2458

0

0

0

1942-09-23

78

845

C-2

2622

0

0

0

1957-06-11

67

256

B-8

2233

0

0

0

1959-04-29

66

413

B-10

7822

0

0

0

1956-08-26

64

128

B-5

8755

0

0

0

1957-06-11

63

235

B-7

1336

0

0

0

1956-12-20

63

823

B-12 B-13

1115

0

0

0

1959-05-16

61

98

B-3

2133

0

0

0

1959-04-29

61

398

B-9

1213

0

0

0

1959-05-16

59

66

B-2

1527

0

0

0

1964-01-30

56

4

B-1

1627

0

0

0

1964-01-30

54

866

B-13 B-14

9982

0

0

0

1968-03-29

52

913

B-15 B-16

4622

0

0

0

1969-04-12

51

799

B-12

9882

0

0

0

1968-03-29

51

899

B-14 B-15

3741

0

0

0

1970-04-17

50

132

B-6

3749

0

0

0

1970-04-17

49

126

B-4

2229

0

0

0

1971-05-03

49

942

B-16 B-17

8213

0

0

0

1977-02-08

43

756

B-11

1568

0

0

0

1993-02-18

27

621

A-2

2637

0

0

0

1995-01-22

25

302

A-1

Exemple légèrement modifié, tiré de Lorange, Bouthillier et Poirier (2021 : 20-21)

Discussion

51Les simulations sur le terrain avec les équipes de triage ont permis de tirer différentes leçons. Il est rapidement devenu évident que l’intuition morale des cliniciens en situation de triage pointe vers une utilisation du critère d’équité intergénérationnelle en cas d’égalité clinique. Or, ne pas tenir compte de cette intuition pourrait nuire à l’application de l’ensemble du protocole. En effet, les cliniciens sont d’emblée résistants au principe d’un protocole de triage qui les place devant la décision impossible de déterminer qui doit vivre et qui doit mourir (Rosenbaum, 2020). En tentant par tous les moyens d’éviter sa mise en application, les médecins n’utilisent pas nécessairement les principes éthiques retenus dans un tel protocole pour prendre des décisions. Une résistance accrue à un des éléments clés du protocole pourrait accentuer sa non-utilisation sur le terrain et le recours à des règles arbitraires. Ce phénomène peut aller jusqu’à l’objection de conscience d’avoir recours au protocole. L’exemple de l’Italie est à cet effet frappant. Bien que peu d’informations sur les méthodes de triage aient filtré, il semble que les médecins aient utilisé le fair innings comme critère initial de triage en plaçant une limite d’âge à l’admission aux soins intensifs. En Italie, il ne semble pas y avoir eu de protocole à proprement parler, mais plutôt des recommandations générales (Società Italiana di Anestesia, Analgesia, Rianimazione e Terapia Intensiva, 2020 ; Rosenbaum, 2020).

52Le contexte initial d’urgence dans l’élaboration du protocole de triage au printemps 2020 n’a pas permis une opérationnalisation détaillée du protocole et a laissé aux cliniciens et aux équipes de triage le fardeau de l’interprétation des critères choisis. L’expérience a démontré une variabilité dans celle-ci laissant place à l’arbitraire. Il faut donc reconnaître que la mise sous tension du protocole initial au printemps 2020 aurait été problématique. Le but d’un protocole de triage est justement de diminuer l’arbitraire sur lequel un médecin au chevet d’un patient dans le feu de l’action pourrait baser sa décision. La seule réponse appropriée pour contrer la variabilité des décisions est d’énoncer des principes éthiques cohérents et de les opérationnaliser avec clarté. Cela permet une meilleure uniformité des décisions d’une équipe de triage à l’autre et renforce le traitement juste et équitable des patients. Il est d’ailleurs étonnant de constater que l’équipe de Pittsburgh a choisi le chemin inverse, passant de critères bien définis initialement à des concepts généraux plus flous dans la révision du protocole (University of Pittsburgh, 2021). Nous pouvons spéculer qu’une telle approche fut prise en raison de failles fatales dans la détermination des premières catégories : par exemple, la sélection d’un patient de 40 ans avant celui de 41 ans peut difficilement se justifier.

53À la lumière des travaux réalisés par le groupe de travail et les équipes de triage durant les simulations, nous pouvons également noter que le vocabulaire utilisé dans le protocole de priorisation québécois est trompeur. Ainsi, plutôt que de parler de « cycle de vie », le protocole aurait dû mettre de l’avant le principe « d’équité intergénérationnelle ». Cela démontre la nécessité de garder active l’actualisation du protocole de triage, qui ne peut être considéré comme « définitif » dans un contexte aussi changeant qu’une pandémie comme celle de la COVID-19.

54Ce processus et ces résultats ont quelques limitations. Tout d’abord, comme le protocole initial a dû être élaboré dans l’urgence au début de la pandémie en mars 2020, la consultation du grand public sur l’acceptabilité des critères, en particulier le cycle de vie, ne fut pas possible. Or, comme le souligne Norman Daniels (2004), en matière de justice procédurale, le processus qui mène à des décisions qui touchent le public doit être rigoureux et transparent. Cette lacune a été en partie comblée par des discussions avec différents groupes de représentants de patients pour mener à la publication de la deuxième version du protocole à l’automne 2020. De même, des patients partenaires ont fait partie des travaux d’élaboration du protocole depuis le début. En outre, le cycle de vie faisait partie de la démarche de consultation citoyenne menée par Daugherty-Biddison et ses collègues (2019).

55Les données qui ont émergé de tous ces processus (l’élaboration initiale, les mises à jour et les travaux du groupe de travail pour résoudre le problème de l’application, décrits dans cet article) se limitent à des consensus d’experts, ce qui constitue un niveau de preuve scientifique assez bas. Ils sont toutefois dignes d’intérêt. Bien que des simulations aient eu lieu dans différents CISSS et CIUSSS du Québec, celles-ci ont été effectuées avec un nombre restreint de patients et proposaient une photo statique plutôt qu’un flux constant de nouveaux patients (priorisation dynamique). Bien que nous croyions que le principe d’équité intergénérationnelle puisse s’appliquer comme nous le proposons en situation clinique réelle, cela n’a pas été démontré. Des recherches fiables sont nécessaires pour approfondir cette question.

56Enfin, le critère utilisé pour définir le nombre d’années que compose un écart générationnel, 25 ans, est arbitraire. Les générations au Canada depuis la Première Guerre mondiale oscillent entre 5 et 21 ans (Statistique Canada, 2015), l’utilisation du 25 ans peut être vue comme une mesure conservatrice. Par ailleurs, le processus du groupe de travail n’a pas été fait dans une optique de recherche, et n’a donc pas été planifié ni documenté de manière systématique.

Conclusion

57Nous avons vu que l’utilisation de l’âge dans les décisions de triage pour l’accès aux soins intensifs comporte des défis tant conceptuels que pratiques. Plusieurs stratégies de l’utilisation de l’âge existent : comme prédicteur indépendant de la survie, pour la maximisation des années de vie, en tant que limite équitable selon l’argument du fair innings, selon les cycles de vie. Chacune propose des arguments spécifiques qui appellent à différentes interprétations de la justice. Par exemple, si l’on considère l’âge en tant que prédicteur indépendant de la survie ou si l’on cherche à maximiser le nombre d’années de vie, on s’inscrit dans une vision utilitariste de la justice. Si on parle de fair innings, c’est une approche d’équité qui est proposée en suggérant que chaque être humain devrait avoir sa « part équitable de la vie ». De son côté, le cycle de vie comporte un attrait intuitif indéniable. Intrinsèquement égalitaire, le cycle de vie met de l’avant le fait que puisque tout le monde vieillit, par conséquent, la distribution des ressources sera égale au cours de la vie entre les individus.

58Ayant choisi la règle de décision du cycle de vie dans son protocole, le Québec a fait face à des défis d’opérationnalisation lors de simulations avec des équipes de triage. Le groupe de travail a tenté d’élaborer une stratégie d’application qui serait à la fois juste, simple et uniforme dans sa mise en œuvre par les différentes personnes (équipes de triage) qui auraient à l’utiliser. Elle ne devait pas laisser de place à l’équivoque. Le groupe de travail réitère la notion d’équité intergénérationnelle comme étant centrale à cette règle de décision. La stratégie développée considère qu’au moins 25 ans doivent séparer les générations pour en respecter l’esprit. Sans être parfaite, la marche à suivre permet d’appliquer de manière cohérente l’équité intergénérationnelle. Nous croyons que les travaux menés pour élaborer une stratégie standard d’application de la règle du cycle de vie méritent d’être publiés pour éclairer d’autres équipes aux prises avec le même problème (absence d’opérationnalisation dans la littérature et opérationnalisation manquante ou peu convaincante dans les protocoles ailleurs dans le monde).

59En terminant, nous sommes d’avis que des recherches plus poussées sont nécessaires pour valider les protocoles de triage qui sont développés pour prioriser l’accès aux soins intensifs en contexte de pandémie. Ces protocoles ne doivent jamais devenir définitifs. Les différentes vagues nous ont bien démontré qu’à chaque fois, nous faisions face à des enjeux bien différents. Au moment d’écrire ces lignes, nous venons de terminer la 5e vague de la COVID-19. Plusieurs nouvelles questions ont émergé, notamment si le fait d’être non vacciné devrait faire partie des nouveaux critères de priorisation. Nous invitons à une grande prudence sur cet aspect, car le risque de stigmatisation est bien réel et pourrait grandement compromettre la confiance du public envers le système de santé. Nous soulignons également l’importance de développer la recherche utilisant des processus délibératifs pour inclure les citoyens dans le débat. Il s’agit d’une question de société.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Marie-Ève Bouthillier, Asher Kramer et Mathieu Moreau, « Le cycle de vie pour prioriser les patients aux soins intensifs en contexte extrême de pandémie : défis éthiques et pratiques »Éthique publique [En ligne], vol. 24, n° 1 | 2022, mis en ligne le 01 septembre 2022, consulté le 02 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethiquepublique/6675 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ethiquepublique.6675

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Auteurs

Marie-Ève Bouthillier

Marie-Ève Bouthillier détient un Ph. D. en sciences humaines appliquées option bioéthique de l’Université de Montréal. Sa formation de base est en psychologie et elle a obtenu un DESS en bioéthique (UdeM), ainsi qu’une maîtrise en Medical Ethics and Law au King’s College de Londres en Angleterre. Dans ses recherches, elle s’intéresse à l’aide médicale à mourir, aux soins de fin de vie, aux structures de soutien et processus en éthique, ainsi qu’aux niveaux de soins, conversations difficiles, futilité des soins et acharnement thérapeutique. Elle développe depuis plusieurs années une pratique en éthique clinique et organisationnelle au CISSS de Laval (centre intégré de santé et de services sociaux), organisation au sein de laquelle elle a créé un centre d’éthique. De plus, elle est professeure en éthique clinique pour les Programmes d’éthique clinique de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal. En mars 2020, elle a été mandatée par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour s’occuper des enjeux éthiques en lien avec la pandémie de COVID-19.

Articles du même auteur

Asher Kramer

Après avoir obtenu sa maîtrise en philosophie à la Katholieke Universiteit Leuven (Université catholique de Louvain), Asher Kramer a étudié l’éthique clinique à l’Université de Montréal. Il a commencé à travailler sur le présent article pendant son stage de consultation en éthique clinique au CISSS de Laval. Il est actuellement en poste pour le Centre d’éthique appliquée du Centre universitaire de santé McGill.

Mathieu Moreau

Mathieu Moreau est médecin de famille. Après avoir été médecin aux soins intensifs et à l’urgence pendant huit ans, il travaille maintenant en médecine palliative au CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal (centre intégré universitaire de santé et de services sociaux). Il est impliqué dans l’aide médicale à mourir depuis 2015. Il est également candidat à la maîtrise en éthique clinique, s’intéressant à la souffrance des patients atteints de troubles neurocognitifs. Ses autres projets de recherche touchent notamment aux directives médicales anticipées, aux discussions sur les niveaux de soins et à l’acharnement thérapeutique. Enfin, il est professeur adjoint de clinique et responsable de l’éthique clinique au Département de médecine de famille et médecine d’urgence, ainsi que membre du Bureau de l’éthique clinique de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal.

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Droits d’auteur

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