L’auteur tient à remercier M. Pierre St-Jacques ainsi que les évaluateurs anonymes pour leurs commentaires et suggestions.
- 1 Le rapport Statistiques sur les contrats des organismes publics 2018-2019, publié par le Conseil du (...)
1Considérant l’importance des sommes en jeu1, l’octroi de contrats publics soulève évidemment d’importants risques éthiques auprès des deux principaux acteurs impliqués dans ce processus : les agents publics, administrateurs du trésor public pour le bien commun, seront parfois enclins à abuser de ce pouvoir de dépenser, tandis que les agents privés, entrepreneurs intéressés à briguer des contrats publics, sont également susceptibles de manigancer pour influencer la compétitivité de leur industrie à leur avantage.
2Vers la fin des années 2000 au Québec, de nombreux reportages s’intéressèrent à l’existence de stratagèmes frauduleux relatifs à l’octroi de contrats publics, notamment par la Ville de Montréal. Ces stratagèmes incluaient la collusion entre entrepreneurs par le dépôt de soumissions de complaisance et le partage des marchés, des pratiques anticoncurrentielles, dont l’intimidation et le vandalisme, ainsi que la corruption d’acteurs publics et privés incluant des élections clefs en main et le versement de pots-de-vin (Commission d’enquête sur l’industrie de la construction [CEIC], 2015). Il s’agissait d’une crise politique qui anima les bulletins d’actualités pendant plusieurs années.
3Cette série de scandales a provoqué, au cours de la décennie suivante, l’adoption d’une avalanche de mesures législatives et administratives visant notamment à assainir l’octroi de contrats publics et à rétablir la confiance du public, et s’étalant pendant plusieurs législatures successives. Ces mesures ont notamment pris la forme de l’adoption d’instruments normatifs de plus en plus contraignants et d’une lourdeur administrative croissante en vue de s’attaquer à la fois aux symptômes et à la cause du problème, mais aussi de rétablir la confiance du public.
4Le présent article propose un survol des principaux instruments normatifs adoptés par le législateur en réaction à ces scandales afin de contrôler les risques éthiques que ces scandales avaient exposés. Cette étude chronologique, caractérisée par l’adoption d’instruments normatifs approchant les risques éthiques de manières différentes (par exemple, par un angle criminel et répressif, jusqu’à un angle administratif et d’autorisation préalable) permet d’illustrer comment différentes approches législatives encadrent et répondent différemment à des risques éthiques différents.
5Plusieurs mesures étaient déjà en vigueur au Québec et au Canada pour s’attaquer à certains des risques éthiques en question. Ainsi, il existait principalement diverses infractions prévues au Code criminel (ci-après, C. cr.) et à la Loi sur la concurrence, par exemple :
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l’interdiction de corrompre un fonctionnaire (art. 120 C. cr.) ;
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l’abus de confiance par un fonctionnaire (art. 122 C. cr.) ;
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les truquages d’offres (art. 47 de la Loi sur la concurrence) ; ou
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le fait d’inciter un électeur à faire une contribution électorale en échange d’une promesse de compensation (art. 610(1)3o de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités).
6Ces lois, en tant qu’instruments normatifs, relèvent certains comportements répréhensibles en tant qu’infractions et donnent aux unités policières le mandat de les repérer et de les prévenir. Il s’agit d’un instrument assez limité, notamment par les ressources policières, qui ne peuvent évidemment détecter et punir l’ensemble des crimes commis dans une juridiction. Pour mettre en œuvre cet outil normatif, les diverses unités policières doivent d’abord détecter la perpétration d’infractions en fonction des outils d’investigation et d’enquête dont ils disposent, et ce, tout en évitant de porter atteinte aux droits et libertés individuelles des suspects qui sont protégés par la Charte canadienne des droits et libertés, comme la protection contre les fouilles et les saisies abusives (art. 8) par exemple (Ministère de la Justice, 2019). Lorsqu’ils disposent de suffisamment de preuves, ils doivent passer le dossier à un procureur de l’État, qui s’assurera de la suffisance de la preuve et introduira les procédures devant une cour de justice. À moins que la personne ou l’entreprise accusée ne plaide coupable, c’est ultimement le juge qui entendra les défenses de l’accusé et qui déterminera si la preuve administrée devant lui est suffisante pour conclure à la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable.
7Un autre outil juridique disponible pour assurer le respect des normes éthiques quant à la passation de contrats dans le domaine municipal est le recours en déclaration d’inhabileté (prévu aux articles 573.3.4 de la Loi sur les cités et villes et 938.4 du Code municipal). Cet outil permet à un citoyen intéressé de demander non seulement l’inhabileté à siéger d’un membre du conseil municipal qui, sciemment, passe outre au respect des normes relatives à l’octroi de contrats, mais aussi de forcer ce conseiller à indemniser la municipalité pour toute perte ou tout préjudice subi en conséquence. La poursuite en déclaration d’inhabileté peut être intentée par « tout contribuable » (à ses propres frais), devant le tribunal de droit commun (soit la Cour supérieure du Québec). Il s’agit donc d’un instrument agissant à la fois de manière punitive et, à moindre effet, de manière préventive ; le conseiller en question n’étant pas en mesure de se présenter aux élections provoquées par son départ. Cet outil impose toutefois un lourd fardeau aux contribuables, ceux-ci étant chargés de mettre en œuvre ce régime en saisissant les tribunaux du recours et en relevant le fardeau de preuve élevé à l’effet que le membre du conseil municipal a, sciemment, autorisé ou effectué un contrat sans respecter les règles applicables.
8Évidemment, dans les cas où les abus de confiance sont commis par des employés d’un organisme public, des mesures disciplinaires ou administratives peuvent habituellement être imposées par l’employeur, lorsque celui-ci est informé de la situation (et qu’il n’est pas lui-même corrompu). À titre d’exemple, il a été rapporté que le directeur général d’un service de la Ville de Québec qui gérait un lieu événementiel a été suspendu pour avoir passé outre à la procédure d’appel d’offres pour l’octroi d’un contrat (Radio-Canada, 2013).
- 2 Un outil important auquel a recours le Bureau de la concurrence du Canada est un programme d’immuni (...)
9Ces mesures ne suffisaient vraisemblablement pas à la tâche. Tout comme la simple existence de normes est insuffisante pour en garantir le respect, la désignation d’une activité comme étant criminelle par le législateur ne suffit évidemment pas à l’enrayer. Plus particulièrement, plusieurs infractions visant à limiter les abus de pouvoir et les comportements anticoncurrentiels dans le contexte des marchés publics sont difficiles à mettre en application, surtout dans le contexte où, pour contrôler un comportement criminel (et donc contrôler le risque éthique), il incombe au poursuivant public, à l’aide du travail d’enquête des forces policières, de démontrer hors de tout doute raisonnable devant un juge l’existence du comportement reproché. Or, comme ces infractions nécessitent parfois des comportements qui ne laissent virtuellement aucune trace (par exemple, l’article 45 de la Loi sur la concurrence qui interdit les accords entre concurrents)2, elles sont particulièrement difficiles à examiner et à sanctionner. Conséquemment, les risques éthiques que ces infractions visent à enrayer sont également difficiles à contrôler. Qui plus est, une fois ce fardeau rempli, seuls les individus impliqués sont condamnés ; leurs complices et leurs entreprises étant souvent susceptibles de perpétuer le stratagème.
10Cette difficulté à traduire en justice les acteurs délinquants a été au centre des considérations des différentes législatures chargées de mettre sur place des instruments normatifs pour prévenir les abus que ces infractions avaient pour mission de contrôler.
11C’est donc l’échec avéré de ces instruments normatifs traditionnels qui a poussé le législateur québécois à innover.
- 3 Il est à noter que depuis 2018, la politique de gestion contractuelle a été remplacée par un règlem (...)
12En 2010, le législateur québécois a adopté la Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant principalement le processus d’attribution des contrats des organismes municipaux, qui a notamment eu pour effet de contraindre les municipalités québécoises à adopter une politique de gestion contractuelle. Cette politique devait originellement3 prévoir, entre autres,
des mesures favorisant le respect des lois applicables qui visent à lutter contre le truquage des offres ; […] des mesures ayant pour but de prévenir les gestes d’intimidation, de trafic d’influence ou de corruption ; […] des mesures ayant pour but de prévenir toute autre situation susceptible de compromettre l’impartialité et l’objectivité du processus de demandes de soumissions et de la gestion du contrat qui en résulte.
13Le législateur a donc ainsi donné aux municipalités la responsabilité de participer à la prévention de ces risques éthiques. Pour y parvenir, les municipalités ne détenaient toutefois pas davantage de ressources que n’en dispose l’État, mais plutôt un nouveau pouvoir d’adopter une politique de gestion contractuelle, la loi ne prévoyant toutefois aucune direction afin de mettre celles-ci en œuvre. Les municipalités ont donc adopté des politiques exigeant que leurs cocontractants potentiels joignent à leurs soumissions (lorsque ceux-ci répondaient à des appels d’offres) des formulaires d’autodéclaration par lesquels ils attestent notamment :
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avoir établi leur soumission sans collusion et sans avoir établi d’entente ou communiqué avec d’autres soumissionnaires ;
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ne pas avoir été déclaré coupable de certaines infractions pertinentes à la participation à des contrats publics ; et
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- 4 Pour des exemples, voir Union des municipalités du Québec (2017).
ne pas avoir exercé de pression sur le comité de sélection chargé de déterminer le soumissionnaire retenu4.
14Une obligation de fournir des autodéclarations similaires s’imposait également aux cocontractants potentiels des organismes publics (autre que les municipalités) en vertu d’une Politique de gestion contractuelle concernant la conclusion de contrats d’approvisionnement, de services et de travaux de construction des organismes publics (SCT, 2019), adoptée par le Conseil du trésor.
15Bien que ces diverses politiques de gestion contractuelles relèvent en principe de la sphère normative, les obligations d’autodéclaration qu’elles imposent aux soumissionnaires s’apparentent plutôt à de pures considérations éthiques. Les municipalités elles-mêmes n’ont que peu ou pas de contrôle sur la véracité des déclarations qui leur sont soumises, et il revient souvent aux entreprises, même de bonne foi, de déterminer ce qu’elles considèrent être approprié ou non. À titre d’illustration, dans l’affaire Genivar inc. c. Québec (Procureur général), deux entrepreneurs qui avaient déposé des soumissions en réponse à un appel d’offres public avaient préalablement discuté (par messages dans leurs boîtes vocales respectives) de la possibilité de déposer une seule soumission commune en tant que consortium. Le projet était toutefois resté sans suite étant donné le peu d’intérêt de Genivar. Celle-ci n’a fait aucune mention de ces démarches dans son « Attestation relative à l’absence de collusion », tandis que l’autre entreprise y a indiqué les démarches en question. Le ministère des Transports, organisme public pollicitant, a donc refusé d’évaluer la soumission de Genivar. Se prononçant sur le recours en contrôle judiciaire, la Cour supérieure a annulé cette décision du Ministère et a ordonné au comité de sélection d’évaluer la soumission de Genivar, au motif que
[…] ce type de communication sans réelle portée n’a pas à être dénoncée dans l’attestation et même si elle avait à être dénoncée dans l’attestation, il ne s’agissait pas […] d’un point important (par. 44).
16Les soumissionnaires ont donc une obligation bien normative, tirant sa source des politiques applicables, de remplir les autodéclarations exigées par les organismes publics et municipaux pour que leurs soumissions puissent être évaluées ; toutefois, il n’existe pas de mécanisme de contrôle du contenu de ses autodéclarations, et les soumissionnaires doivent ultimement agir selon leur propre conscience.
17Comme en témoigne la succession d’instruments normatifs qui l’ont suivi, cette solution (consistant à exiger des municipalités qu’elles adoptent des politiques de gestion contractuelle portant notamment sur certains risques éthiques) n’a pas été considérée comme suffisante par le législateur.
18À terme, ces politiques de gestion contractuelles auront potentiellement aidé à disséminer certaines bonnes pratiques relatives à la gestion des risques éthiques, par exemple en rappelant aux organismes publics de ne pas donner aux soumissionnaires potentiels l’occasion d’être mis en contact lors de visites de chantier. Évidemment, les municipalités ne sont pas à blâmer pour le faible impact de cet outil normatif : comme le consignait dans son rapport le groupe de travail sur les contrats municipaux, mis sur pied dans le contexte de l’adoption de cette mesure : « Les municipalités ne peuvent être responsables que de leurs propres actions » (Groupe-conseil sur l’octroi des contrats municipaux, 2010 : 67).
19L’année suivante, l’Assemblée nationale du Québec s’est attaquée plus directement au problème de la conclusion de contrats avec des entreprises délinquantes. Les diverses infractions du Code criminel mentionnées précédemment ne semblaient pas remplir adéquatement leur rôle de garde-fou pour baliser le comportement des acteurs impliqués dans les marchés publics. La Loi concernant la lutte contre la corruption avait principalement pour effet d’instituer la charge de Commissaire à la lutte contre la corruption, ayant pour mission de coordonner la lutte contre la corruption au sein des organismes publics et municipaux.
20Cette loi introduisait également un registre d’entreprises non admissibles (RENA) à conclure des contrats publics : une banque centralisée et publique d’entreprises qui (ou dont les dirigeants ou actionnaires) ont été déclarées coupables de certaines infractions spécifiques apparaissant dans une liste qui figure aujourd’hui en annexe à la Loi sur les contrats des organismes publics. On y trouve par exemple les infractions criminelles mentionnées ci-dessus, de même que des infractions à la Loi de l’impôt sur le revenu (comme le fait de faire des déclarations fausses ou trompeuses) ainsi que des infractions spécifiques en matière de contrats publics (comme le fait de communiquer avec un membre d’un comité de sélection ou de faire une déclaration fausse ou trompeuse dans le contexte d’une soumission). Les organismes publics et les municipalités se trouvaient dans l’obligation de consulter ce registre avant l’attribution ou l’adjudication d’un contrat (en vertu de l’article 21.11 de la Loi sur les contrats des organismes publics), et ne pouvaient conclure de contrat avec une entreprise qui y était inscrite. Cette nouvelle conséquence visait à la fois à couper les vivres des entreprises délinquantes, à s’assurer que les organismes publics ne continuaient pas à faire affaire avec des entreprises qui avaient été déclarées coupables d’avoir réalisé des activités criminelles, et d’ajouter une force dissuasive importante aux infractions relatives aux marchés publics :
(M. Alain Parenteau) Une de nos préoccupations, c’était d’avoir des amendes ou en tout cas… Mais on s’est dit : Dans le fond, l’effet dissuasif, là, ce n’est pas nécessairement, dans un contexte comme celui-là, d’avoir une grosse amende, une petite amende, etc., c’est de ne plus avoir de contrat avec l’État. Ça, c’est pas mal plus dissuasif que n’importe quoi d’autre (Étude détaillée du projet de loi no 15 – Loi concernant la lutte contre la corruption, 2011 : 27).
21La Loi concernant la lutte contre la corruption abordait donc plusieurs aspects du problème de la corruption et de la collusion, en ajoutant des ressources aux forces policières chargées d’enquêter sur les comportements criminels sous forme du Commissaire à la lutte contre la corruption et à son équipe, en assainissant le bassin de concurrents admissibles aux contrats publics à l’aide de la liste des entreprises non admissibles aux contrats publics, et en renforçant les conséquences lorsque des entreprises se livraient à des activités criminelles ou interdites, puisque celles-ci risquaient désormais de perdre la possibilité de remporter des contrats publics.
- 6 Il est à noter toutefois qu’une entreprise est également automatiquement ajoutée à ce registre pend (...)
22Cette solution fut toutefois critiquée pour son manque de vision et pour le fait qu’elle ne s’attaquait pas à un problème fondamental de la prévention des risques éthiques dans le contexte des marchés publics, soit celui d’obtenir suffisamment de preuves pour condamner les entreprises délinquantes en vertu des infractions de droit criminel existantes. La Loi concernant la lutte contre la corruption, bien qu’elle accrût les ressources policières, ne facilitait pas pour autant la détection des comportements délinquants ni ne simplifiait le reste du processus judiciaire. Concrètement, pour que le Registre des entreprises non admissibles produise quelques effets, une personne ou une entreprise doit d’abord avoir été déclarée coupable hors de tout doute raisonnable de la commission d’une infraction criminelle identifiée à l’annexe I de la Loi sur les contrats des organismes publics6. Or la procédure criminelle est fort exigeante, puisque pour en arriver à une condamnation, les forces policières et le poursuivant public doivent d’abord avoir recueilli suffisamment de preuves lors de leur enquête pour justifier le dépôt d’accusations criminelles, puis présenté ces preuves de manière suffisamment convaincante pendant un procès pour qu’un juge en vienne à la conclusion que la personne ou l’entreprise est coupable hors de tout doute raisonnable de l’infraction reprochée. Or, il était difficile (en certains cas impossible) d’enquêter et ainsi de traduire en justice chaque entreprise ou chaque acteur individuel qui aurait pu se rendre coupable d’une des infractions identifiées à l’annexe I de la Loi sur les contrats des organismes publics. La loi et ses conséquences demeuraient donc lettre morte dans la majorité des cas. Qui plus est, la confiance du public ne semblait pas rétablie et la crise politique perdurait.
23Un changement de gouvernement a donné lieu à l’adoption de la Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics, qui proposait de répondre aux critiques et aux faiblesses perçues des solutions précédentes. Pour ce faire, elle proposait un nouvel instrument normatif qui s’écartait du paradigme en vigueur fondé sur l’investigation policière au cas par cas de comportements criminels. Ce nouvel instrument permettrait la gestion de l’admissibilité aux contrats publics en amont par un décideur administratif – initialement l’Autorité des marchés financiers – selon un standard souple reposant sur le critère de la confiance du public, plutôt qu’un contrôle en aval par un juge à la suite de poursuites criminelles. De cette manière, des individus et des entreprises qui avaient la réputation d’être associés au crime organisé, mais qui n’avaient jamais fait l’objet d’accusations criminelles pourraient être exclus des processus de contrats publics.
24Cette nouvelle approche était – et demeure – révolutionnaire. Il était jusque-là acquis que toute entreprise avait le droit, sauf exception, de contracter avec l’État (Garant, 2018 : 405). Considérant toutefois que les scandales continus dans l’octroi des contrats publics avaient sapé la confiance du public dans l’intégrité de la procédure, le législateur a décidé de renverser cette présomption pour les contrats comportant une dépense supérieure à un certain seuil (il s’agit aujourd’hui des contrats de construction comportant une dépense de cinq millions de dollars ou plus, et des contrats de services comportant une dépense d’un million de dollars ou plus).
25Toutefois, au Canada, la présomption d’innocence est un principe constitutionnel en vertu de l’article 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés (Ministère de la Justice, 2019). Puisque la Constitution restreint la souveraineté parlementaire du législateur, celui-ci ne pouvait créer un régime présumant de la commission par des personnes ou des entreprises des infractions prévues à l’annexe I de la Loi sur les contrats des organismes publics afin, par exemple, de faciliter l’application du Registre des entreprises non autorisées à contracter avec l’État. Le législateur a ainsi opté pour l’adoption d’un régime relevant plutôt du droit administratif, et qui échapperait donc à cette restriction :
Stéphane Bédard : Nous ne sommes pas dans le déni. J’ai vu trop longtemps des gouvernements s’asseoir sur le déni, sur des principes qui ne viennent pas du droit civil, entre autres, vous le savez, celui de la présomption d’innocence, qui est un beau principe en droit criminel, un des plus grands principes, on disait même qu’il était le fil d’or dans la toison du droit criminel, et c’était un terme qui convient très bien, et qui convient au droit criminel, qui ne convient pas au droit civil. Donc, nous nous sommes écartés de cette voie qui a mené le gouvernement… l’ancien gouvernement plutôt, à ne pas agir concrètement pour assurer le maintien de l’intégrité en matière de contrats (Adoption du principe, Projet de loi no 1, 2012 : 508).
26Ce nouveau régime rend obligatoire l’obtention d’une autorisation administrative à contracter avec l’État pour briguer tout contrat comportant une dépense supérieure à un certain seuil. En d’autres termes, toutes les entreprises – tant locales qu’internationales – sont désormais inadmissibles aux contrats publics, à moins d’avoir obtenu une autorisation à cet effet auprès d’un organisme public habilité à cette fin. Cette tâche a d’abord été confiée à l’Autorité des marchés financiers, un organisme qui avait jusqu’alors pour mission la surveillance du secteur financier y compris, notamment, les valeurs mobilières, la vente d’assurances, et la protection des consommateurs dans ces domaines (art. 4 de la Loi sur l’encadrement du secteur financier). Les pouvoirs relatifs à l’administration du Registre des entreprises autorisées ont toutefois été délégués en 2018 à une nouvelle entité, l’Autorité des marchés publics (AMP), chargée de la surveillance de l’ensemble des contrats publics (art. 19 de la Loi sur l’Autorité des marchés publics).
27La manière dont l’organisme responsable du Registre des entreprises autorisées à contracter avec l’État (le REA) exerce son pouvoir d’autorisation est en elle-même jupitérienne. Une entreprise désireuse de recevoir telle autorisation doit d’abord en adresser la demande à l’AMP. Dans un premier temps, celle-ci confie alors le dossier aux commissaires associés aux vérifications, une unité policière créée par la Loi concernant la lutte contre la corruption, afin que l’un d’eux procède à des vérifications quant à la probité de l’entreprise. L’entreprise ayant déposé la demande doit collaborer dans ce processus et, le cas échéant, transmettre tout document exigé. Un commissaire associé aux vérifications produit ensuite un rapport à l’AMP faisant état de sa recommandation motivée quant à l’opportunité d’émettre ou non l’autorisation. Dans ce contexte, la collecte d’information par les équipes des commissaires associés aux vérifications ne sert pas à constituer un dossier de preuve criminelle à l’encontre de la personne ou de l’entreprise visée par la vérification, mais plutôt à s’assurer, d’un point de vue administratif, que la personne ou l’entreprise en question répond aux critères de la Loi sur les contrats des organismes publics afin de recevoir une autorisation de contracter avec l’État. La distinction, d’apparence subtile, s’avère fondamentale, puisque l’application de tels régimes administratifs échappe à certaines garanties procédurales qui seraient applicables dans le contexte d’une investigation criminelle. Par exemple, le fait que les personnes ou les entreprises visées par cette vérification pourraient, dans un contexte criminel, invoquer le principe interdisant l’auto-incrimination afin de refuser de participer à la vérification, et ainsi refuser de collaborer avec les commissaires associés aux vérifications. Dans un contexte administratif, toutefois, cette protection n’existe pas, et les personnes ou les entreprises qui désirent obtenir l’autorisation de contracter avec l’État doivent se soumettre à cette vérification, à défaut de quoi ils ne pourront simplement pas briguer de contrats. Contrairement à la tâche habituelle des forces policières, le travail des commissaires associés n’est donc pas d’accumuler des preuves et de constituer un dossier afin éventuellement de convaincre un juge de la culpabilité hors de tout doute raisonnable de la personne ou de l’entreprise quant à un crime spécifique, mais plutôt d’émettre une recommandation quant à la suffisance de la probité de la personne ou de l’entreprise aux fins de l’obtention d’une autorisation à contracter.
28À la réception de la recommandation du commissaire aux vérifications, l’AMP doit déterminer si l’entreprise peut recevoir l’autorisation de contracter. Dans l’exercice de ce pouvoir, elle doit respecter certaines contraintes et tenir compte d’un certain nombre de facteurs. Tout d’abord, elle doit automatiquement rejeter la demande lorsque l’une des conditions de l’article 21.26 de la Loi sur les contrats des organismes publics est remplie, soit lorsque l’un de ses administrateurs, de ses dirigeants ou des actionnaires majoritaires a été déclaré coupable, dans les cinq dernières années, d’une des infractions prévues à l’annexe I de la Loi. Cette exigence est cohérente avec le régime mis sur pied avec le Registre des entreprises non autorisées.
29Ensuite, si tel n’est pas le cas, l’AMP conserve une vaste discrétion pour refuser tout de même l’autorisation. Le droit administratif canadien et québécois ne reconnaissant pas l’existence de pouvoirs administratifs arbitraires ou trop imprécis (Dufour, 2013), ceux-ci doivent donc toujours être encadrés de quelque façon. Dans le cas du pouvoir de refuser une autorisation de conclure des contrats publics, l’AMP est plus particulièrement encadrée par deux articles de la Loi sur les contrats des organismes publics. L’article 21.27 énonce le cadre général de cette discrétion en ces termes :
L’Autorité peut refuser à une entreprise de lui accorder ou de lui renouveler une autorisation ou révoquer une autorisation si elle ne satisfait pas aux exigences élevées d’intégrité auxquelles le public est en droit de s’attendre d’une partie à un contrat public ou à un sous-contrat public.
30L’article 21.28 qualifie subséquemment l’amplitude de cette discrétion en fournissant certains exemples de facteurs que l’AMP pourra prendre en considération pour refuser une autorisation, dont notamment :
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le fait que l’entreprise ou une personne qui y est liée ait été poursuivie (mais pas déclarée coupable) à l’égard d’une des infractions visées à l’annexe I dans les cinq dernières années ;
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le fait que l’entreprise ou une personne qui y est liée ait été poursuivie ou déclarée coupable à l’égard de toute autre infraction dans les cinq dernières années ;
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le fait qu’une « personne raisonnable viendrait à la conclusion » que l’entreprise est la continuité ou le prête-nom d’une entreprise qui n’obtiendrait pas l’autorisation.
31Cet article confère une discrétion très étendue, et permet à l’AMP d’exercer un contrôle étroit sur l’intégrité – voire la perception d’intégrité – des entreprises avec qui les organismes publics et les municipalités font affaire. Cet article confirme notamment l’intention législative de passer outre à la présomption d’innocence :
Stéphane Bédard : O.K. Ce que je vous dis, c’est que ça, ça va s’appliquer si, par exemple, il y a un retrait d’accusation ou il y a, je ne sais pas… Il y a même : le gars, il est innocenté parce que le témoin, comme par hasard, il ne se souvenait plus de rien, comme on a vu dans certains cas, là, il a perdu la mémoire. Bien, il va avoir été mis en accusation au cours des cinq années précédentes (Étude détaillée du projet de loi no 1 – Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics, 2012 : 33).
32Cet instrument normatif illustre comment l’investissement de pouvoirs administratifs extraordinaires à l’État peut s’avérer être une arme à double tranchant. Dans un souci d’efficacité, l’instrument normatif qu’est la Loi sur l’intégrité en matière de marchés publics, et plus particulièrement le Registre des entreprises autorisées qu’elle met sur pied, a pour effet de placer le fardeau sur les personnes et les entreprises désireuses de faire avec l’État de démontrer leur bonne foi, en se soumettant à une vérification par un agent de l’État. L’existence même du Registre des entreprises autorisées a pour effet de rendre inadmissibles à certains contrats publics l’ensemble des personnes et des entreprises du Québec (ou d’ailleurs), à moins que celles-ci n’obtiennent l’autorisation requise. À cet effet, les propos suivants du Barreau du Québec dans son mémoire à l’Assemblée nationale lors des consultations relatives au projet de loi sur l’intégrité en matière de contrats publics sont éloquents :
[…] Ce projet de loi [la Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics] emporte la disparition de la présomption de bonne foi et d’intégrité des citoyens du Québec. Cette présomption découle de la Charte des droits et libertés du Québec, du Code civil du Québec et de l’ensemble de la législation québécoise. Les citoyens sont présumés être de bonne foi et intègres. Il s’agit là de l’un des fondements de notre système de droit.
Or, le projet de loi 1 remet en cause cette présomption en exigeant de toutes les entreprises qui souhaitent conclure un contrat avec un organisme public de démontrer que la confiance du public n’est pas affectée en raison de son manque d’intégrité. […].
Le Barreau est d’avis que le renversement de la présomption de bonne foi est un lourd prix à payer pour contrer la crise de confiance du public.
[…] Des considérations raisonnables, objectives et précises doivent suffire à décourager la collusion et la corruption, sans conférer aux autorités des pouvoirs discrétionnaires non délimités qui compromettraient les droits des citoyens […] (Barreau du Québec, 2012 : 1-2)
33Malgré ces critiques, personne n’a encore contesté la validité même de la Loi et de l’instrument normatif que constitue le Registre des entreprises autorisées devant les tribunaux, quoique certaines entreprises ont contesté des décisions particulières prises à leur encontre dans le contexte de l’application de ce régime.
34La toute première recommandation de la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction était la mise sur pied d’une « instance nationale d’encadrement des marchés publics » (CEIC, 2015, tome 3 : 91) afin d’appuyer les organismes publics et de colmater certaines failles dans les pratiques d’octroi de contrats. Dès sa création, l’Autorité des marchés publics (ci-après, l’AMP) s’est vu confier l’administration des registres mentionnés ci-dessus ainsi que des pouvoirs de surveillance des processus contractuels des organismes publics.
35Plus particulièrement, l’AMP dispose d’au moins deux instruments normatifs susceptibles de contrôler les risques éthiques dans les marchés publics québécois. Le premier est son pouvoir général de vérification et d’enquêtes (en vertu des articles 21 et suivants de la Loi sur l’Autorité des marchés publics), grâce auquel l’AMP, à son initiative ou à la demande du gouvernement, peut notamment examiner si un processus d’octroi de contrat ou la gestion contractuelle d’un organisme se déroulent conformément au cadre normatif applicable à cet organisme. À l’issue du processus, l’AMP dispose d’une large discrétion pour émettre des recommandations ou des ordonnances à l’organisme assujetti (les municipalités n’étant assujetties qu’au pouvoir de recommandation), ce qui peut inclure l’obligation de modifier les documents d’appel d’offres à la satisfaction de l’AMP, de ne pas donner suite à la décision de l’organisme d’attribuer un contrat de gré à gré, ou, en certaines circonstances, de suspendre l’exécution d’un contrat public lorsqu’elle constate des manquements importants.
36Le second instrument normatif consiste en un mécanisme de plainte introduit par la Loi sur l’Autorité des marchés publics. Ce mécanisme s’adresse principalement aux entreprises et fournisseurs intéressés de conclure des contrats publics qui se voient privés de cette possibilité ou qui considèrent que les documents d’appel d’offres n’assurent pas « un traitement intègre et équitable des concurrents » (article 37 de la Loi sur l’Autorité des marchés publics). Concrètement, le mécanisme de plainte introduit par la Loi sur l’Autorité des marchés publics permet aux entreprises intéressées par les contrats publics de déposer une plainte auprès de l’organisme public, puis auprès de l’AMP s’ils ne sont pas satisfaits de la réponse de l’organisme public, notamment lorsqu’ils considèrent qu’ils auraient été en mesure de répondre aux besoins de l’organisme public, mais que leur produit ou leurs services n’ont pas été considérés ou ont été écartés injustement. Ce mécanisme à large portée donne donc une voix aux entreprises insatisfaites des décisions des organismes publics ayant pour effet de restreindre la concurrence, ce qui pourrait notamment décourager les appels d’offres dirigés (c’est-à-dire, pour lesquels l’organisme public a prédéterminé son cocontractant et oriente les exigences de l’appel d’offres en conséquence). Il oblige également les organismes publics à faire preuve d’une grande rigueur dans la détermination de leurs besoins et leurs recherches quant à l’état du marché et de l’industrie, puisque leurs décisions pourront désormais faire l’objet d’une plainte et être révisées par l’AMP.
37Le mécanisme de plainte est donc une technique astucieuse pour recruter les entreprises intéressées par la conclusion de contrats publics dans un rôle de surveillance des organismes adjudicateurs. Auparavant, ces entreprises auraient dû engager des frais considérables pour intenter un pourvoi en contrôle judiciaire contre l’organisme public, avec peu de chances de succès. Par exemple, dans l’affaire Savoir-Faire Linux c. Régie des Rentes, la compagnie Savoir-Faire Linux considérait que la Régie des rentes n’avait pas suffisamment considéré l’utilisation de ses produits, beaucoup moins chers que les logiciels Microsoft auxquels la Régie avait limité ses besoins. En contrôle judiciaire, la Cour supérieure a considéré que la Régie était dans l’erreur, non pas en considération des qualités du produit Linux, mais parce que la Régie n’avait pas suffisamment documenté ses processus contractuels. Puisque toutefois le contrat avait alors déjà été octroyé à Microsoft, la Cour a dû se limiter à déclarer que la Régie « aurait dû » procéder par appel d’offres public. Grâce au mécanisme de plainte, dans des circonstances similaires, une entreprise pourrait interrompre l’attribution du contrat à l’aide d’une plainte afin que l’organisme public, puis l’AMP évaluent à nouveau la possibilité de l’exclure du processus d’octroi de contrat.
38En définitive, l’AMP assume présentement un rôle d’ombudsman ou un chien de garde des marchés publics plutôt que celui de personne-ressource tel qu’initialement imaginé par la CEIC sur l’industrie de la construction. L’avenir nous dira quelles répercussions ce nouvel intervenant aura sur les pratiques contractuelles au Québec.
39L’ensemble des instruments normatifs créés en réponse aux scandales dans l’industrie de la construction offre désormais un encadrement pour le moins rigoureux et couvre plusieurs angles complémentaires. Ces instruments ciblent une multitude de risques éthiques, dont ceux émanant d’acteurs délinquants à la fois des secteurs privé et public, visent des objectifs à la fois punitifs et préventifs, s’appliquent à tous les acteurs du processus d’adjudication de marchés publics, et sont mis en œuvre tant en amont qu’en aval de la procédure d’octroi de contrats publics (voir le tableau-synthèse en annexe). Cette approche multifacette permet donc d’aller au-delà des mesures répressives, qui s’étaient « avérées insuffisantes pour prévenir la répétition des phénomènes de corruption et de collusion » (Valois, 2016 : par. 9).
40La chronologie d’adoption et d’entrée en vigueur de ces instruments dénote également l’évolution de l’ambition législative et, possiblement, de la perception de la source du problème. Elle marque aussi une cristallisation de l’aspect éthique vers le normatif en matière de marchés publics. Ainsi, le premier instrument, les politiques de gestion contractuelles, misaient sur la bonne foi des entrepreneurs et leur demandaient simplement d’autodéclarer qu’ils n’avaient pas enfreint les règles criminelles et éthiques entourant la conclusion de contrats publics. Devant l’ampleur grandissante du problème, le législateur s’est ensuite mis à bannir des contrats publics d’abord les entreprises ayant été coupables hors de tout doute raisonnable de comportements répréhensibles, puis systématiquement toutes celles n’étant pas en mesure de montrer patte blanche. Sur recommandation d’une commission d’enquête, le centre d’intérêt du législateur s’est ensuite déplacé des entrepreneurs vers les décideurs publics eux-mêmes, en désignant un chien de garde des marchés publics chargé de surveiller le respect des règles et des meilleures pratiques en matière de détermination des besoins.
41En 1963, dans le rapport de la Commission d’enquête sur les méthodes d’achat utilisées au Département de la colonisation et au Service des achats du gouvernement, les commissaires avaient découvert un stratagème systématique de patronage dans les marchés publics octroyés par le gouvernement du Québec. Les commissaires s’étaient dits choqués par l’impact de cette politique ouverte sur l’éthique publique, qui avait corrompu le sens moral d’une partie de la population :
Il ressort de l’enquête que « les méthodes d’achat utilisées au département de la Colonisation et au Service des Achats du gouvernement, pendant les cinq ans précédant le premier juillet » 1960 (A.C. no 1621) constituent un système immoral, scandaleux, humiliant et inquiétant pour le public de cette province. Par ses ramifications, ce système a atteint les diverses classes de la société. De nombreux intermédiaires, sinon la majorité de ceux qui ont été entendus, ont cru normal de recevoir des commissions et ils paraissent les avoir acceptées de bonne foi. Le système paraissait généralement connu et subi, il était accepté en certains milieux, et ce, à tel point qu’il a été permis à l’honorable Gérald Martineau, un conseiller législatif de cette province, d’en faire publiquement l’apologie. Ce sont là les aspects les plus humiliants et les plus inquiétants du dit système (1963 : 200).
42Cette commission d’enquête avait été suivie de la mise sur pied de plusieurs vagues de réformes en droit des marchés publics (Giroux, Lemieux et Jobidon, 2013), notamment afin d’obliger les organismes publics à adjuger leurs contrats à la suite des appels d’offres publics.
43Les scandales des années 2000 et la CEIC auront un héritage différent. Bien que les problèmes soulevés étaient répandus de manière inquiétante, chacun des acteurs impliqués était conscient que ses agissements étaient criminels et aucun acteur du secteur public n’en a fait l’apologie. Puisque les unités policières ne disposaient pas des moyens pour régler le problème – ni vraisemblablement de l’enrayer à l’avenir – le législateur a dû réagir, non pas en imposant de nouvelles normes structurelles quant à la manière d’exercer le pouvoir de dépenser les fonds publics, mais plutôt en ajoutant des conséquences aux comportements délinquants et des mécanismes de contrôle à plusieurs niveaux afin d’assurer le respect des règles existantes.