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Perspectives et études de cas

L’éthique en amont, dans le cours et en aval de toute recherche. Échos à une recherche sur les personnes séropositives

Jean-Marc Larouche

Résumés

Évoquer l’éthique d’une quelconque pratique ou activité sociale, c’est consentir à reconnaître les acteurs sociaux comme des sujets éthiques et la pratique sociale comme un lieu de l’interaction morale. L’éthique de la recherche sur des sujets humains n’y échappe pas : les chercheurs sont aussi des sujets éthiques et leurs activités de recherche des lieux où l’éthique est en jeu tant en son amont, qu’en son cours et qu’en son aval. Ce texte explicite et illustre cette position à partir d’une recherche réalisée au Centre d’études sociologiques des facultés universitaires Saint-Louis (Bruxelles, Belgique) sur les personnes séropositives.

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Notes de l’auteur

Ce texte a été présenté à Paris en janvier 1998 lors de la deuxième conférence européenne sur les méthodes et les résultats des recherches en sciences sociales sur le sida (Unesco, ONUSIDA, INSERM). Il est une version considérablement enrichie et remaniée du texte publié en guise de postface au livre de François Delor, Séropositifs. Trajectoires identitaires et rencontres du risque, Paris, L’Harmattan, « Logiques sociales », 1997.

Texte intégral

1L’éthique de la recherche sur des sujets humains est souvent présentée et perçue sous l’angle exclusif d’une déontologie, soit d’une mise en place de processus d’élaboration et d’énonciation de diverses règles ainsi que des dispositifs chargés d’évaluer la conformité des pratiques de recherche à l’égard de celles-ci. Visant essentiellement le respect de la dignité des personnes impliquées dans une recherche à titre de sujets d’une expérimentation, d’une observation, d’une entrevue ou d’autres techniques de cueillette de données, ces règles ne constituent cependant qu’une dimension de l’éthique de la recherche, celle dont la mise à l’épreuve se situe dans le cours même de la recherche et que nous appelons le moment déontologique. Deux autres dimensions de l’éthique de la recherche mériteraient selon nous plus d’attention, celles qui englobent les questions que l’on retrouve respectivement en amont et en aval d’une recherche.

2En amont, dans la phase d’élaboration de la recherche, on pourrait parler des ressorts éthiques de la recherche, c’est-à-dire de ces options éthiques et politiques du chercheur qui sont impliquées dès le départ dans la construction même de l’objet, dans la problématique d’ensemble de la recherche. En amont, se forme donc l’horizon éthique qui, articulé à l’horizon épistémologique (implications éthiques des choix théoriques et méthodologiques présidant à la cueillette des données, de leur analyse et de leur interprétation), marquera l’ensemble de la recherche. En aval de la recherche, dans la phase de diffusion des résultats, on trouverait les enjeux que soulèvent les rapports entre la production du savoir et son utilisation sociale, soit la question de son insertion dans l’espace public, en d’autres termes, la portée politique de la recherche.

  • 1 Dans D. Peto, J. Remy, L. Van Campenhoudt et M. Hubert, L’amour face à la peur. Modes d’adaptation (...)

3Pour montrer que les questions relatives à l’éthique de la recherche se retrouvent ainsi à toutes les étapes d’un processus de recherche, nous avons choisi de les rapporter à une recherche que nous avons eu l’occasion de suivre lors d’un séjour de cinq mois au Centre d’études sociologiques des facultés universitaires Saint-Louis (CES/FUSL, Bruxelles), de janvier à juin 1997. Le choix de ce centre s’était imposé à la suite de la lecture de textes que certains de ses chercheurs avaient écrits sur les dimensions et les enjeux éthiques de leurs recherches sur le sida1. Ces textes témoignaient d’un souci et d’un intérêt pour les questions éthiques de la recherche qui détonnaient franchement avec le type de discussions qui venaient de s’engager au Canada lors de la parution, en mars 1996, de la première version du Guide d’éthique de la recherche avec des sujets humains élaborée par les trois conseils de la recherche du Canada (Conseil de recherches en sciences humaines et sociales, Conseil de recherches médicales du Canada et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada).

  • 2 F. Delor, Trajectoires des personnes séropositives et prévention. Rapport de recherche pour la Comm (...)
  • 3 Ibid., p. 19.
  • 4 Dans le cadre de ce texte, nous nous limitons donc à illustrer par cette recherche les diverses dim (...)

4Dans le cadre de ce séjour en Belgique, je voulais donc comparer les approches en matière d’éthique de la recherche et j’avais apporté quelques exemplaires du Guide d’éthique de la recherche dans l’espoir que mes hôtes le lisent et le commentent. Leurs réactions se limitèrent cependant à une expression de sympathie envers les chercheurs canadiens devant désormais composer avec de nouveaux dispositifs de régulation de la recherche. Je compris davantage cette réaction lorsque, accompagnant les dernières étapes d’une recherche sur les trajectoires des personnes séropositives, je trouvai en quelque sorte un véritable laboratoire permettant de rendre compte que les questions éthiques de la recherche ne prennent tout leur sens que si elles sont portées par les chercheurs à toutes les étapes de leur recherche : en leur cours, mais aussi en amont et en aval. La recherche que nous avons suivie et dont nous nous servons ici pour déployer notre thèse portait sur Les trajectoires des personnes séropositives et elle a été réalisée par le sociologue (également psychanalyste) François Delor2. Cette recherche visait à comprendre la prise de risques chez des personnes séropositives et dès lors à interroger les stratégies en matière de prévention du sida en Belgique. Pour ce faire, et sans entrer ici dans les détails, le chercheur a réalisé trente-neuf entretiens semi-structurés auprès de personnes séropositives et il a mis en place des groupes de travail mixtes (intervenants, personnes séropositives, chercheurs) comme « lieu de réflexion portant sur les analyses proposées par les chercheurs et comme espace de confrontation large et de débat sur les pistes en matière de prévention3 ». Ce chercheur et sa recherche devenaient ainsi un interlocuteur et un terrain privilégiés pour mettre en perspective les rapports qu’entretient la recherche avec l’éthique, et ce, pour reprendre nos catégories, tant en son amont qu’en son cours et dans son aval4.

L’éthique en amont ou les ressorts éthiques de la recherche

  • 5 Ainsi, Daniel Defert, membre du Conseil national du sida (France), commence son texte de conclusion (...)
  • 6 Voir E. Hirsh, Responsabilités humaines pour temps de SIDA. Enjeux éthiques, Paris, Les empêcheurs (...)
  • 7 F. Héritier-Augé et A. Sobel, « Préface », dans Éthique, sida et société, op. cit., p. 7. Voir égal (...)
  • 8 D. Durand, « Le sida, épidémie progressiste ? », dans J. Benoist et A. Desclaux (dir.), Anthropolog (...)

5Il a été dit et redit que l’épidémie de sida met à l’épreuve la constitution même du lien social5, qu’elle en dévoile les ressorts sur les registres éthiques de la solidarité, de la responsabilité et de la reconnaissance des personnes6, et qu’elle met en cause, voire même en danger, « les grands principes de notre société, la liberté, l’égalité, la solidarité7 ». Ainsi, personne ne doute que « c’est une épidémie qui nous plonge directement dans le champ de l’éthique. [En effet] elle interroge notre regard aux autres, nos critères singuliers mais aussi sociaux de discriminations, de segmentations8. »

6Si l’éthique apparaît ainsi au cœur de l’objet, en ce que les enjeux sociaux de l’épidémie de sida sont aussi thématisés en termes d’enjeux éthiques, les chercheurs en sciences sociales sur le sida n’y sont pas indifférents et ils s’interrogent de plus en plus sur la place qu’occupe l’éthique dans l’exercice même de leurs recherches et, notamment, dans ce que nous nommons l’amont de la recherche, là où s’en explicitent les ressorts éthiques.

  • 9 Ce positionnement éthique peut s’exprimer de manière plus ou moins forte. Illustrons la manière for (...)

7Par ressorts éthiques, on évoque certes ce fameux « rapport aux valeurs » (Wertbeziehung) dont parlait Max Weber et auquel il attribuait un rôle indispensable dans l’appréhension de l’objet d’étude, dans son ciblage et sa problématisation. Mais en même temps, on veut ici indiquer que ce rapport aux valeurs est souvent lié à un positionnement éthique du chercheur qui, dans le cas des recherches sur le sida, est loin d’être négligeable9.

  • 10 F. Delor, op. cit., p. 1 ; nous soulignons.

8Mais pour voir comment s’actualisent concrètement dans une recherche ces ressorts éthiques évoqués par les termes de dévouement, de responsabilité et de justice, examinons-les dans le cadre de la recherche de F. Delor. Dans ce cas, le positionnement éthique du chercheur se situe vis-à-vis des stratégies et pratiques de prévention du sida qui ont été mises en place depuis les années 1980 en Belgique, notamment dans la communauté francophone. Pour ce chercheur, ces stratégies et pratiques mettent en cause la reconnaissance même des personnes séropositives. « Cette recherche se situe au cœur de ce questionnement, là où l’intérêt scientifique et le respect des personnes atteintes croisent l’amélioration constante des initiatives de prévention. Ce croisement n’est pas une évidence. Au contraire, les personnes atteintes, on le sait par ailleurs, font régulièrement l’expérience de l’exclusion. On peut même préciser qu’à l’origine de cette recherche, il y a eu le constat d’une modalité particulière de cette tendance à l’exclusion implicitement active au sein même du champ de la science et de la prévention10. »

  • 11 Ibid., p. 8.

9L’exclusion que pointe ici F. Delor est le fait que, bien que les personnes séropositives soient l’objet des discours et des pratiques de prévention, ce n’est pas vraiment d’elles que l’on parle ni vraiment à elles que l’on s’adresse. En fait, la prévention se construit en marge de la réalité des personnes séropositives car elle s’appuie sur des représentations inadéquates qu’elle contribue par ailleurs à mettre en scène : « Ainsi, à nos yeux, les affirmations opposées selon lesquelles les personnes atteintes sont d’irresponsables vengeurs potentiels ou selon lesquelles, au contraire, elles sont, depuis leur contamination, toujours vigilantes, ont pour caractéristique de les réduire au seul point de vue de leur responsabilité à l’égard d’autrui. Si ce point de vue est bien celui, dominant, de l’autre social, il nous paraît qu’une démarche scientifique doit rompre avec cette réduction de la personne atteinte afin d’aborder la complexité d’une situation dans laquelle elle échappe la plupart du temps à ces constructions idéales autour du thème de la menace. Pour nous, il s’agit de rompre avec les effets réducteurs des mythes entourant les personnes atteintes pour restituer à la complexité subjective sa place au cœur des pratiques sociales et des discours11. »

  • 12 Nous retrouvons sous la plume de Gilles Bibeau une réflexion similaire, « La spécificité de la rech (...)
  • 13 F. Delor, op. cit., p. 2.

10Pour F. Delor, contrairement aux discours et pratiques qui cherchent à éliminer le risque et, par conséquent, à stigmatiser les personnes qui incarnent ce risque, il faut pleinement faire place au risque en cherchant à comprendre son inscription et sa signification au sein et au cœur des trajectoires des personnes séropositives12. Ce faisant, c’est aussi pleinement faire place à la personne atteinte, non seulement comme source d’informations, mais « comme acteur spécifique de la prévention primaire, participant pleinement à la lutte contre une épidémie qui ne peut se réduire à des vecteurs, des cibles et des porteurs13 ».

11Ainsi, cette recherche prend appui sur un positionnement éthique que le chercheur s’est forgé au gré de son engagement dans les milieux associatifs impliqués dans la prévention en matière de sida. La prise de conscience que les personnes séropositives se sentaient exclues du champ de la prévention débouche alors sur une problématique invitant l’enquête et l’analyse sociologique à prendre le relais.

12Cependant, celles-ci ne sont pas sans implications éthiques comme nous le verrons plus loin. En effet, le rapport aux valeurs, ici entendu comme positionnement éthique, n’est pas seulement important au point de départ de la recherche mais, rappelons-le, pour toutes ses étapes.

Enjeux et balises déontologiques en cours de recherche

13Quand des recherches comportent la mise en place d’entretiens qui visent à recueillir des informations sur la vie intime des personnes séropositives, notamment sur leurs comportements sexuels, leurs rituels et leurs habitudes reliés à la toxicomanie, il doit s’instaurer entre elles et le chercheur une interaction où celui-ci doit susciter la confiance des sujets et où il doit également s’engager auprès d’eux à respecter leur vécu, la confidentialité des informations, de même qu’à prévenir les risques qu’ils courent sur le plan émotionnel. Les chercheurs doivent ainsi être conscients des enjeux déontologiques usuels (ethical issues) tels que le respect de la personne quant à sa capacité et à son désir de s’exprimer et de se révéler, de même qu’à son droit de contrôler les informations relatives à ses croyances, attitudes et comportements (respect de la vie privée, privacy) ; et l’assurance de la confidentialité des informations recueillies et la garantie de leur usage restreint à la recherche en cause, notamment de la sécurité des supports documentaires des entretiens.

  • 14 Pour un texte présentant une bonne synthèse et une mise en perspective de ces enjeux et balises déo (...)
  • 15 Soulevant cet enjeu de la réminiscence des souvenirs douloureux dans un article consacré aux récits (...)

14Importent également les balises déontologiques devenues classiques (ethical guidelines) telles que le respect de l’autonomie de la personne et l’assurance d’un consentement libre et informé à participer à la recherche ; la priorité du bien-être de la personne sur les besoins de la recherche (bienveillance) ; la prévention et la diminution des risques courus afin de ne pas nuire à la personne (non-malveillance) ; la garantie de suivi et de soutien adéquat en cas de besoin ; et enfin, le souci d’une finalité sociale partagée entre la communauté de recherche et les catégories de personnes dont la recherche se préoccupe (pertinence)14. La prise en compte de ces enjeux et balises déontologiques exige du chercheur qu’il puisse être en mesure d’évaluer les risques potentiels que peuvent induire les entrevues pour les personnes, notamment sur le plan émotionnel et psychologique. De plus, il doit pouvoir leur garantir qu’il pourra les orienter vers des services de soutien ou de counselling si elles éprouvent le besoin de poursuivre cette prise de parole ou d’être accompagnées dans la mise au jour des émotions et des souvenirs passés15.

  • 16 G. Bibeau, « Discussion », dans Anthropologie et sida, op. cit., p. 78-79.

15Évoquant cette problématique, l’anthropologue G. Bibeau rappelle la nécessité d’un tel travail sans toutefois que le chercheur en sciences sociales doive se transformer en thérapeute : « Dans la mesure où nous travaillons avec des personnes qui prennent des risques et nous posent les questions : est-ce que je dois faire le test ? [...] nous sommes continuellement interpellés. C’est différent du rôle d’un clinicien ou d’un psychothérapeute, mais incontestablement on est amené à articuler la demande de la personne et l’espace thérapeutique que l’on doit très bien connaître avec ses spécificités dans la région où l’on travaille. L’anthropologue doit être capable d’établir une interface dans ce domaine où se jouent des vies humaines. Il doit bien connaître les ressources et avoir des contacts personnels avec les cliniciens, et signaler aux personnes qui le désirent la présence des groupes bénévoles. Mais certainement pas se transformer en un clinicien plus ou moins bien formé, comme un certain nombre d’anthropologues sont tentés de le faire16. » À ce titre, signalons que F. Delor a su mettre à profit non seulement sa formation de sociologue mais aussi sa formation et sa pratique de psychanalyste dans la mesure où, tout en respectant les règles et le guide de l’entrevue et sans confondre ses rôles, il pouvait discerner et gérer les enjeux émotionnels en veillant d’abord au bien des personnes plutôt qu’à une quête insensible d’informations.

16On le voit, le respect d’une balise déontologique nécessite plus que de la bonne volonté, elle implique une responsabilité compétente et une compétence responsable. C’est-à-dire une capacité et une habilité à répondre de soi à l’autre dans un contexte exigeant un certain niveau de connaissances et de compétences pratiques. Dans cette perspective, le chercheur n’est pas que sujet épistémique, il est aussi un sujet éthique.

  • 17 G. Vincent, « Forme symbolique des objets de connaissance et éthique de la distanciation », dans J. (...)

17Cette recherche nous permet donc de voir in vivo qu’il y a un horizon éthique de la déontologie. Celle-ci ne peut se réduire à des considérations d’ordre épistémologique et méthodologique, telles que la probité intellectuelle, le respect des règles de méthode et l’appui sur des références théoriques qualifiées. Dans ce cas, le sujet épistémique n’a de subjectivité que cognitive. Si cette position a quelque vertu, elle comporte aussi des risques sinon des vices. D’une part, elle oblitère ce qui, dans le fond, est très souvent le facteur du dynamisme même de l’activité scientifique, c’est-à-dire cette part d’inventivité redevable à d’autres aspects de la subjectivité du chercheur. D’autre part, en limitant la probité au registre méthodologique et à l’administration de la preuve, cette position risque d’assimiler probité et probation. Ainsi, doit-on comprendre avec G. Vincent dont nous nous inspirons ici, que « la probité doit être tenue pour une caractérisation de l’ensemble de la démarche de la recherche17 ».

Implications éthiques de la méthodologie : rupture ou juste distance ?

  • 18 À titre exemplaire, il convient de signaler le livre témoin du sociologue Bernard Paillard, L’épidé (...)
  • 19 L. Van Campenhoudt, « Le sida comme crise », Revue de l’université de Bruxelles, numéro spécial « F (...)

18La recherche en sciences sociales ayant fait de la rupture entre sujet et objet de la recherche une condition canonique de l’objectivation scientifique, celle-ci est, dans le cas des recherches sur le sida, fortement ébranlée18. En effet, on n’a qu’à penser au fait que « jamais un champ de l’activité scientifique n’a compté autant de chercheurs militants et impliqués, dont Michaël Pollak est la figure emblématique pour les sciences humaines19 ».

  • 20 Sur les enjeux éthiques de l’identité du chercheur et de la structure de plausibilité fortifiée par (...)
  • 21 F. Delor, op. cit., p. 13.

19Dans la recherche qui
nous occupe ici, le fait que le
chercheur était, par ailleurs,
impliqué dans le milieu associatif engagé dans la prévention du sida et que le recrutement des personnes à interviewer pour la recherche s’est
fait via des associations de
soutien, des centres de référence sida et des groupes d’entraide, ceux-ci ont contribué à rendre le chercheur crédible aux yeux des personnes recrutées. En effet, dans ce type de recherche, le rôle de ces associations relais est primordial et la légitimité qu’elles confèrent à la recherche et aux chercheurs est déterminante pour le niveau de coopération et d’investissement des personnes qui seront interviewées20. De plus, comme le rappelle lui-même F. Delor, « la conviction exprimée selon laquelle une meilleure connaissance des difficultés rencontrées par les personnes séropositives permettrait l’amélioration des actions de prévention a été à l’origine d’une forme de liberté de parole au sujet de ces difficultés21 ». Ainsi, une finalité sociale partagée entre le chercheur et les personnes interviewées contribue même méthodologiquement à la cueillette des données.

20En effet, un des pivots de la méthodologie de cette recherche était de mettre en place des espaces de paroles via les entretiens avec les personnes atteintes (récits), des espaces de discussion entre les chercheurs et divers acteurs impliqués dans le champ de la prévention du sida (interprétation partagée des récits), et des espaces de discussion critique (reconstruction) entre le chercheur principal et l’équipe d’accompagnement scientifique du projet.

  • 22 G. Vincent, art. cité, p. 46.

21Ces espaces de discussion font de cette recherche un lieu où s’exprime un dialogisme rigoureux qui peut, lui aussi, fonder l’objectivation scientifique. Pour étayer cette affirmation, on nous permettra de citer ici in extenso cette réflexion de G. Vincent où ce qui est en cause, c’est le statut même des « représentations imputées à cet autre dont le chercheur fait son objet d’étude » et, par conséquent, du statut des rapports entre la communauté de recherche et celle qui est l’objet de son étude : « Ainsi, pour des raisons qui sont à la fois épistémologiques et éthiques, l’objectivation scientifique doit être comprise comme distanciation, en deçà de toute rupture. Confondre distanciation et rupture, il faut le redire, serait redoutable puisque cela reviendrait à refuser au sujet étudié toute compétence à se comprendre du point de vue de cet autre qui l’étudie ; donc à lui refuser plein statut de sujet, normalement doué de compétence réflexive. Inversement, lui reconnaître cette compétence, c’est admettre que le sujet étudié puisse contribuer non seulement à la ratification mais encore à la correction de la re-construction de ce qu’il vit et pense proposée par cet autre qu’est le chercheur ; non parce qu’il aurait une connaissance immédiate de soi – pareille connaissance est un monstre logique et éthique – mais parce que la construction méthodique que la communauté scientifique élabore de son monde vécu est en principe, pour lui, le vecteur d’une compréhension autre, ou renouvelée, de son monde. [...] [L]’objectivation scientifique relève d’un dialogisme rigoureux. Les énoncés savants, dans la mesure où ils sont méthodologiquement contrôlés, ont certes un statut de propositions scientifiques. Mais, publiques par principe, ces propositions ne peuvent faire oublier la dynamique co-énonciative qui préside à leur réinscription continuée dans l’espace social22. »

Implications éthiques de l’analyse et de l’interprétation

22En ciblant la construction identitaire des personnes comme l’enjeu sur lequel venait s’inscrire et prendre sens la prise de risques des personnes séropositives, chaque acteur de la recherche participe à la co-énonciation de cette identité sur un registre qui lui est propre : narratif et parfois interprétatif au niveau des récits de chacune des personnes interviewées ; interprétatif et parfois argumentatif au niveau des intervenants dans le champ de la prévention du sida qui ont participé aux journées d’études ; argumentatif au niveau de l’analyse ; et reconstructif quant à la portée de l’interprétation qui se dégage de la recherche.

  • 23 J.-M. Ferry, L’éthique reconstructive, Paris, Cerf, « Humanités », 1996, p. 61, note 33. Cette thès (...)

23Ces distinctions entre les registres du discourir ont été avancées par Jean-Marc Ferry et elles mériteraient bien sûr de plus amples considérations, mais on retiendra pour l’essentiel que « la narration prend référence à l’événement, en visant ce qui s’est passé, sa catégorie c’est l’être ; l’interprétation prend référence au récit, en visant ce qu’il veut dire ; sa catégorie est la signification ; l’argumentation prend référence aux prétentions des discours, en visant ce qu’ils valent, sa catégorie est la validité ; enfin, la reconstruction prend référence aux personnes porteuses de ces prétentions, en visant ce qu’elles y engagent et présupposent ; sa catégorie est la reconnaissance23 ».

  • 24 P. Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 172.

24En effet, si la recherche permet de voir que la prise de risques doit être comprise sur le registre de la construction identitaire et que celle-ci renvoie à des logiques repérables au triple plan des trajectoires personnelles, des interactions et des contextes, elle montre aussi que cette construction identitaire est le fait de sujets agissants et souffrants dont la reconnaissance éthique ne peut être séparée de la compréhension scientifiquement valide. Par-delà la compréhension, il y a la reconnaissance même des personnes, de ce qu’elles vivent comme souffrance et de ce qu’elles portent comme vulnérabilité dans leur procès de construction identitaire. En cela, une sociologie visant à comprendre la construction identitaire ne peut exclure ce que nous pouvons appeler la composante morale de cette identité, celle qui fait que l’acteur social est aussi un sujet éthique, soit un sujet agissant et souffrant selon l’expression de Paul Ricœur24.

  • 25 J.-M. Ferry, Philosophie de la communication, t. 2. Justice politique et démocratie procédurale, Pa (...)

25En effet, par-delà la reconnaissance recherchée dans nos sociétés démocratiques des droits civils ou droits-libertés, des droits sociaux ou droits-créance, et des droits politiques ou droits-participation dont on sait qu’ils peuvent être fragilisés ou remis en question selon le statut sérologique des personnes, nous pouvons parler avec Jean-Marc Ferry de la reconnaissance des droits moraux, « des droits qui traduisent une sensibilité particulière à la vulnérabilité morale de la personne, ainsi qu’à la fragilité de l’identité qu’elle doit construire, aujourd’hui, essentiellement, dans et par la communication sociale. En ce sens, on pourrait encore parler de “droits-personnalité”. [...] C’est pourquoi aussi l’espace public n’est pas seulement un espace dramaturgique de manifestation, mais aussi un espace éthique de reconnaissance25. »

26Ainsi, tant le dispositif méthodologique (mise en place d’espaces du discourir) que le cadre interprétatif (la construction identitaire) déployés dans cette recherche ont des implications éthiques qui, sans se pervertir (maintien de la rigueur méthodologique et interprétative), prolongent le positionnement éthique de départ. Dans cette perspective, le chercheur cesse de n’être qu’un sujet épistémique et les interviewés que des objets de recherche. Tous deux, dans le contexte d’une interaction scientifiquement cadrée, peuvent aussi être des sujets éthiques.

Portée politique ou l’éthique en aval

  • 26 J.-M. Berthelot, Les vertus de l’incertitude. Le travail de l’analyse dans les sciences sociales, P (...)

27Une des questions éthiques sous-tendues depuis le début de ce texte, et qui sont fortement et constamment soulevées par les chercheurs, est celle de la portée politique de la recherche, des dangers de l’instrumentalisation par les diverses commandites et lieux de pouvoir en matière de prévention. Se pose ici avec acuité la question de l’autonomie du chercheur, corollaire de celle de sa responsabilité sociale. Aborder cette double question, c’est interroger les rapports de la connaissance à l’action et, pour le faire ici, nous nous appuierons d’abord sur les réflexions du sociologue Jean-Michel Berthelot26.

28Par rapport au social, ce dernier rappelle que le savoir produit par les sciences sociales peut se moduler sur divers registres : ceux de la caution, de l’utilité ou de la médiation. Dans le cas des recherches sur le sida, on pourrait parler de caution lorsque le savoir est mobilisé dans les débats dont la finalité politique constitue en enjeu le sens à donner à l’épidémie ; comme utilité, dans la mesure où les savoirs fournissent des outils qu’incorporent les experts pour les diverses activités de gestion des soins ou pour d’autres activités ; comme médiation lorsque, par exemple, le sociologue est sollicité avec d’autres partenaires dans le cadre d’un projet global d’intervention en matière de prévention du sida.

  • 27 Ibid., p. 247.

29Si dans les deux premiers cas, nous n’avons pas trop de peine à voir que l’instrumentalisation des résultats peut être effective, c’est beaucoup moins évident pour le troisième. Ici, le savoir est moins sur le registre d’une valeur de caution ou d’utilité que de celle d’une herméneutique, d’une maïeutique sociale. En effet, il y a médiation dans la mesure où le travail d’analyse sociologique est porteur « d’une capacité de problématisation pratique [où] interrogeant les dispositifs sociaux
qui semblent aller de soi, il fait partager cette interrogation avec les acteurs concernés ».
Cependant, comme ce qui se
prête à l’analyse du sociologue
comme système d’action incorpore aussi des systèmes d’interprétation souvent nourris des
savoirs des sciences sociales,
cette médiation prend non
seulement le risque du débat
scientifique, mais aussi le
risque du politique lorsqu’elle
conteste l’utilité ou la légitimation des pratiques qu’elle interroge, puisque cette utilité et cette légitimation reposent elles aussi sur des savoirs scientifiques. Ne pas prendre ce risque, c’est risquer la technocratie, réduire la science à des fonctions d’utilité et de légitimation. Ainsi, nous faut-il distinguer instrumentalisation et médiation, et celle-ci, rappelle Berthelot, « induit donc, de la part du chercheur, non pas seulement une responsabilité technique de mise à disposition de la collectivité de moyens d’action sur le réel, mais bien plus profondément, une responsabilité éthique et politique de définition des conditions épistémologiques et pragmatiques d’un juste usage des connaissances scientifiques produites. Or, si ces conditions épistémologiques sont, à l’inverse de tous les discours totalitaires d’affirmation péremptoire d’une vérité révérée, la reconnaissance de l’incomplétude et l’appréciation du risque d’incertitude immanents aux savoirs scientifiques (notamment en sciences sociales), les conditions pragmatiques sont celles de l’ouverture à la société entière d’une discussion argumentative, dont la science fait quotidiennement l’expérience dans son travail, mais que seul l’ensemble des concernés peut entreprendre, dès lors qu’il ne s’agit plus seulement du vrai, mais du bien27. »

  • 28 Ibid., p. 250.
  • 29 F. Delor, op. cit., p. 19.

30Dans cette perspective inspirée par la théorie de l’agir communicationnel de Habermas, le savoir des sciences sociales « ne joue sa fonction médiatrice qu’approprié par des acteurs, retraduit dans le langage de leurs intérêts et de leurs passions, indexé à la spécificité de leur situation28 ». Encore une fois, la recherche de F. Delor est exemplaire à cet égard. En ayant fait participer à la recherche divers acteurs engagés dans la prévention du sida, acteurs qui sont en position de relais quotidien avec les personnes séropositives, il a pleinement assumé et assuré cette fonction de médiation du savoir produit dans le cadre d’une recherche. « On conçoit donc que la visée pratique au cœur de cette recherche repose sur la reconnaissance d’une pluralité de voies possibles en matière de prévention et sur la nécessité éthique d’une confrontation et d’un débat constant par rapport aux actions à privilégier. C’est la raison pour laquelle des groupes de travail nous sont apparus indispensables comme lieu de réflexion portant sur les analyses proposées par les chercheurs et comme espace de confrontation large et de débat sur les pistes en matière de prévention29. »

  • 30 Dans Soi-même comme un autre, Paul Ricoeur indique que le fossé entre les faits (le décrire) et les (...)

31Ainsi, lorsque le sociologue contribue par sa recherche à ouvrir un espace de parole et à la retraduire en vue d’une meilleure compréhension de ce qui est en jeu dans la prise de risques chez les personnes séropositives, il fait bien sûr un travail scientifique qui contribue au renouvellement des connaissances relatives à cette problématique, mais il accomplit en même temps un travail éthique puisque, ce faisant, il participe à faire de l’espace public, dans lequel s’inscrit toute recherche, un espace éthique de discussion et de reconnaissance des personnes. Entre le décrire qui est l’objet du travail scientifique et le prescrire qui est l’objet du travail politique, il y a les différents registres du discourir dont la mise en place est, elle aussi, redevable au travail du chercheur en sciences sociales30.

  • 31 J. Habermas, De l’éthique de la discussion, Paris, Cerf, « Passages », 1992, p. 17.

32La recherche devient ainsi un véritable processus communicationnel où sont, d’une certaine manière, assumés les principes d’une éthique de la discussion. En effet, la prévention étant aussi un lieu de normativité sociale, il conviendrait, comme le démontre à sa mesure la recherche de F. Delor, qu’elle s’élabore en respectant ce qu’Habermas appelle le principe « D », soit le principe « selon lequel seules peuvent prétendre à la validité les normes qui pourraient trouver l’accord de tous les concernés en tant qu’ils participent à une discussion pratique » ; et le principe « U », celui selon lequel « dans le cas de normes valides, les conséquences et les effets secondaires, qui d’une manière prévisible découlent d’une observation universelle de la norme dans l’intention de satisfaire les intérêts de tout un chacun, doivent pouvoir être acceptés sans contrainte par tous31 ». Si ces principes sont assumés dans cette recherche, celle-ci montre également qu’ils ne sont pas suffisants, que l’entente doit être dépassée par la reconnaissance, l’argumentation par la reconstruction.

  • 32 L. Quéré, « Vers une anthropologie alternative pour les sciences sociales », dans C. Bouchindhomme (...)

33Une telle approche ne vise pas à confondre les genres, mais à articuler de manière renouvelée les rapports entre le cognitif et le normatif, entre les faits et les valeurs et, surtout, à reconnaître que le sujet épistémique est aussi un sujet éthique, parce que lui aussi « appartient à une communauté de langage et de communication comme condition de possibilité de connaissance objective32 ».

  • 33 J.-M. Berthelot, op. cit., p. 260.

34En dégageant ces dimensions éthiques de l’ensemble du processus d’une recherche particulière, nous voulions notamment marquer que les questions éthiques ne sont pas réductibles à l’application des règles déontologiques, par ailleurs nécessaires, pas plus qu’elles ne sauraient se limiter à une énonciation du positionnement éthique. Présentes en amont, en tant que ressorts éthiques, et en aval, par la portée politique, elles sont aussi actives au cœur même du dispositif méthodologique et du cadre interprétatif. En cela, il y a, selon l’expression de Berthelot, une véritable « alliance de l’épistémologie et de l’éthique33 ». Évoquer l’éthique d’une quelconque pratique ou activité sociale, c’est consentir à reconnaître les acteurs sociaux comme des sujets éthiques et la pratique sociale comme un lieu de l’interaction morale. Et comme cette étude de cas nous a permis de l’illustrer, l’éthique de la recherche sur des sujets humains n’y échappe pas.

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Notes

1 Dans D. Peto, J. Remy, L. Van Campenhoudt et M. Hubert, L’amour face à la peur. Modes d’adaptation au risque du SIDA dans les relations hétérosexuelles, Paris, L’Harmattan, « Logiques sociales », 1992. Les chercheurs terminent l’ouvrage en réfléchissant sur les enjeux éthiques et politiques de la recherche. Leur réflexion s’est poursuivie dans deux articles publiés dans Variations sur l’éthique. Hommage à Jacques Dabin, Bruxelles, Publications des facultés universitaires Saint-Louis, 1994 : L. Van Campenhoudt « Recherche sociologique, éthique et politique », p. 659-691 ; J. Marquet, M. Hubert et D. Peto, « Le chercheur et la norme. Réflexions en cours à partir d’une pratique concrète de recherche en sociologie », p. 693-719.

2 F. Delor, Trajectoires des personnes séropositives et prévention. Rapport de recherche pour la Communauté française de Belgique, Centre d’études sociologiques, facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1996. La version remaniée du rapport de recherche a été publiée sous le titre Séropositifs. Trajectoires identitaires et rencontres du risque, op. cit.

3 Ibid., p. 19.

4 Dans le cadre de ce texte, nous nous limitons donc à illustrer par cette recherche les diverses dimensions de l’éthique de la recherche et, par conséquent, nous sommes conscients de ne pas rendre compte de tous les aspects méthodologiques de même que de l’ensemble des résultats de cette recherche.

5 Ainsi, Daniel Defert, membre du Conseil national du sida (France), commence son texte de conclusion au Rapport d’activités 1989-1994 de la manière suivante : « Lorsque je réfléchis au fonctionnement et à la fonction du Conseil national dusida,j’arriveàlaconclusionque[...]lamatièredesaréflexion et de sa contribution est plus spécifiquement le lien social. Toute épidémie fragilise le lien social, en met à l’épreuve toutes les modalités. Mais est-il si fréquent d’instituer au cœur d’une épidémie un espace de débat sur le lien social ? » (Éthique, sida et société. Rapport d’activités du Conseil national du sida, 1989-1994, Paris, La Documentation Française, 1996, p. 241).

6 Voir E. Hirsh, Responsabilités humaines pour temps de SIDA. Enjeux éthiques, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 1994.

7 F. Héritier-Augé et A. Sobel, « Préface », dans Éthique, sida et société, op. cit., p. 7. Voir également des mêmes auteurs, « Le parti pris éthique », Revue française des affaires sociales, octobre 1990, p. 35-51.

8 D. Durand, « Le sida, épidémie progressiste ? », dans J. Benoist et A. Desclaux (dir.), Anthropologie et sida. Bilan et perspectives, Paris, Karthala, « Médecines du monde », 1996, p. 302.

9 Ce positionnement éthique peut s’exprimer de manière plus ou moins forte. Illustrons la manière forte par ce propos de Paul Farmer : « À passer en revue dix ans de travail anthropologique sur l’épidémie de sida, il me semble que la valeur ou non de telles études ressort non pas tant de la position théorique ou des méthodologies employées par le chercheur que de son dévouement à la cause des malades. [...] Nous devons rendre notre recherche utile dans son application. Nous devons savoir être responsables de notre travail sur cette pandémie, auprès de ceux qui souffrent de ses conséquences. Nous devons nous engager à faire face à la pandémie autrement que par la recherche pure » (« L’anthropologue face à la pauvreté et sida dans un contexte rural », dans Anthropologie et sida, op. cit., p. 96 et 98). Plus modérément, mais signifiant tout autant la nécessité des ressorts éthiques qui donnent l’impulsion à une recherche, citons ici Jean-Paul Moatti : « La qualité scientifique de nos recherches sur le sida ne doit pas être jugée à la seule aune de leur brillance disciplinaire mais aussi (surtout) de leur efficacité concrète dans le combat pour une lutte contre l’épidémie conforme au principe de justice » (« Les sciences sociales face au oppositions et vrais débats », ibid., p. 339).

sida : fausses

10 F. Delor, op. cit., p. 1 ; nous soulignons.

11 Ibid., p. 8.

12 Nous retrouvons sous la plume de Gilles Bibeau une réflexion similaire, « La spécificité de la recherche anthropologique sur le sida » dans Anthropologie et sida, op. cit., p. 19-20.

13 F. Delor, op. cit., p. 2.

14 Pour un texte présentant une bonne synthèse et une mise en perspective de ces enjeux et balises déontologiques dans le contexte de la recherche sur le sida, voir H. C. Stevenson, D. De Moya et R. F. Boruch, « Ethical Issues and Approaches in aids Research », dans D. G. Ostrow et R. C. Kessler (dir.), Methodological Issues in AIDS Behavioral Research, New York et Londres, Plenum Press, 1993, p. 19-51.

15 Soulevant cet enjeu de la réminiscence des souvenirs douloureux dans un article consacré aux récits de vie des personnes séropositives, Robert T. Croyle et Elizabeth F. Loftus rappellent que nos connaissances des effets engendrés sur le sujet par cette approche sont peu développés et exigent d’y consacrer davantage de recherches (voir « Recollection in the Kingdom of Aids », dans Methodological Issues in AIDS Behavioral Research, op. cit., p. 176).

16 G. Bibeau, « Discussion », dans Anthropologie et sida, op. cit., p. 78-79.

17 G. Vincent, « Forme symbolique des objets de connaissance et éthique de la distanciation », dans J.-M. Larouche (dir.), Religiologiques, no 13, « Questions d’éthique en sciences des religions », 1996, p. 37.

18 À titre exemplaire, il convient de signaler le livre témoin du sociologue Bernard Paillard, L’épidémie. Carnets d’un sociologue, Paris, Stock, « Au vif », 1994, dans lequel il évoque comment son « enquête a, selon ses propres termes, déboussolé ses principes sociologiques ».

19 L. Van Campenhoudt, « Le sida comme crise », Revue de l’université de Bruxelles, numéro spécial « Face au sida », 1993, p. 78-79.

20 Sur les enjeux éthiques de l’identité du chercheur et de la structure de plausibilité fortifiée par les associations relais, voir H. C. Stevenson, D. De Moya et R. F. Boruch, art. cité, p. 30. Ces auteurs signalent à titre d’illustration que l’appui d’un organisme communautaire afro-américain à une femme chercheur de race blanche (a white female investigator) permettra à cette dernière de réaliser plus facilement des entrevues avec des hommes de race noire (black male respondents) qu’un chercheur de race noire n’ayant pas cet appui.

21 F. Delor, op. cit., p. 13.

22 G. Vincent, art. cité, p. 46.

23 J.-M. Ferry, L’éthique reconstructive, Paris, Cerf, « Humanités », 1996, p. 61, note 33. Cette thèse est pleinement déployée dans J.-M. Ferry, Les puissances de l’expérience, t. 1. Le sujet et le verbe, Paris, Cerf, « Passages », 1991.

24 P. Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 172.

25 J.-M. Ferry, Philosophie de la communication, t. 2. Justice politique et démocratie procédurale, Paris, Cerf, « Humanités », 1994, p. 20-21.

26 J.-M. Berthelot, Les vertus de l’incertitude. Le travail de l’analyse dans les sciences sociales, Paris, PUF, « Sociologie d’aujourd’hui », 1996. On reprend ici librement les propos que J.-M. Berthelot développe aux p. 216-222.

27 Ibid., p. 247.

28 Ibid., p. 250.

29 F. Delor, op. cit., p. 19.

30 Dans Soi-même comme un autre, Paul Ricoeur indique que le fossé entre les faits (le décrire) et les normes (le prescrire) peut être franchi par le biais de la narration (le raconter) (p. 180-192). Pour sa part, Jean-Marc Ferry affirme que ce rôle peut être joué par tout registre discursif (narration, interprétation, argumentation et reconstruction) et non seulement par celui de la narration.

31 J. Habermas, De l’éthique de la discussion, Paris, Cerf, « Passages », 1992, p. 17.

32 L. Quéré, « Vers une anthropologie alternative pour les sciences sociales », dans C. Bouchindhomme et R. Rochlitz (dir.), Habermas, la raison, la critique, Paris, Cerf, « Procope », 1996, p. 120.

33 J.-M. Berthelot, op. cit., p. 260.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Marc Larouche, « L’éthique en amont, dans le cours et en aval de toute recherche. Échos à une recherche sur les personnes séropositives »Éthique publique [En ligne], vol. 2, n° 2 | 2000, mis en ligne le 23 février 2022, consulté le 10 septembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethiquepublique/2671 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ethiquepublique.2671

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Auteur

Jean-Marc Larouche

Jean-Marc Larouche est professeur au département des sciences religieuses de l’université du Québec à Montréal.

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Droits d’auteur

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