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Valeurs et pratiques gestionnaires

Les valeurs contemporaines de la fonction publique québécoise

Louis Sormany

Abstracts

This article builds on the analyses undertaken within the Ministry of the Executive Council and aims to expand on the reflections of government on the values that should guide the ethical norms applied to civil servants in the new framework and the new philosophy of mana- gement created by the Law on Public Administration. The application of this law has engendered, within the governmental apparatus, a significant questioning with regards to the diverse facets of management in the modern State, particularly in relation to ethics and deon- tology, and on values that should underlie the actions of those in the Quebec public service.

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Editor's notes

Ce texte résume les analyses menées à l’intérieur du ministère du Conseil exécutif et destinées à alimenter la réflexion du gouvernement sur les valeurs que devraient refléter les normes d’éthique applicables aux fonctionnaires dans le nouveau cadre et la nouvelle philosophie de gestion créés par la Loi sur l’administration publique (2000). La mise en application de cette loi a engendré au sein de l’appareil gouvernemental un important questionnement sur les diverses facettes de la gestion moderne de l’État, dont celle relative à l’éthique et à la déontologie. Car s’il est essentiel pour l’État, comme pour toute organisation, d’en arriver à des résultats, il est tout aussi primordial, compte tenu de sa mission d’intérêt public, de s’assurer que ceux-ci ne soient pas atteints de n’importe quelle façon. Or, cette problématique acquiert d’autant plus d’acuité que la Loi sur l’administration publique crée un nouveau cadre de gestion axé notamment sur les résultats et une plus grande autonomie dans les moyens d’action. C’est pourquoi le gouvernement a dû entreprendre cette réflexion de nature éthique et, pour en dégager des règles adéquates, s’interroger sur les valeurs qui devraient sous-tendre l’action de la fonction publique québécoise.

Ce document a été déposé en octobre 2001 devant la Commission de l’administration publique de l’Assemblée nationale et était destiné à mieux faire comprendre aux membres de cette commission et à la population en général les grandes valeurs qui animent la fonction publique québécoise d’aujourd’hui.

Full text

1Au Québec, comme au sein de l’ensemble des pays développés, un certain nombre d’événements, de facteurs de pression et de changements effectifs ou souhaités ont pu engendrer, au cours des dernières années, un questionnement à l’endroit des valeurs qui animent les fonctionnaires, à l’extérieur de la fonction publique comme à l’intérieur. Si, à cet égard, il est tout à fait naturel que des interrogations soient soulevées durant une période de profonde mutation, il est également opportun, dans un tel contexte, de tenter de clarifier ces valeurs pour permettre à la fonction publique de mieux composer avec les changements nécessaires et pour lui assurer le renouvellement approprié de son effectif au fur et à mesure des besoins.

2Ce document vise donc à faire un tour d’horizon des valeurs fondamentales et contemporaines sur lesquelles doit s’appuyer la fonction publique, les valeurs qui doivent constituer les convictions stables qui influent sur les attitudes et les actions menées par les fonctionnaires québécois, celles qui sont essentielles à leur mobilisation, quel que soit le secteur où ils sont affectés. Résumé en une seule phrase, ce texte vise à fournir les éléments pour répondre à la question suivante : Quelles sont les valeurs communes qui doivent inspirer le code de conduite de la fonction publique de l’État au moment de choisir les fins, les voies et les moyens lorsqu’il s’agit pour les fonctionnaires d’accomplir leurs tâches ? Les caractéristiques de la société québécoise colorent forcément le positionnement des valeurs propres à la fonction publique et, dans une certaine mesure, la culture professionnelle de celle-ci. Ces valeurs fondamentales, qu’il faut raffermir et revitaliser pour faire face à l’évolution constante de la notion de service public, peuvent être regroupées sous quatre thèmes : les valeurs démocratiques, les valeurs professionnelles, les valeurs liées à l’éthique et les valeurs liées aux personnes. Ce regroupement fournit un éclairage contribuant à baliser les réponses qui devront être apportées face aux enjeux et aux défis de la prochaine décennie.

Les valeurs démocratiques

3Le premier éclairage sous lequel nous pouvons examiner les valeurs fondamentales de la fonction publique est le plus important, car il établit les assises de toutes les autres. Cet éclairage est celui des valeurs démocratiques. Les valeurs de la fonction publique sont largement liées à son rôle d’institution au service d’une démocratie parlementaire de type britannique, même si plusieurs de ses traits sont devenus plus particuliers au Québec au cours des années. En conséquence, ces valeurs fondamentales doivent être fondées sur la conviction que l’autorité, dans une démocratie parlementaire, est entre les mains des titulaires de charge publique qui doivent rendre compte à l’Assemblée nationale et à la population.

4L’obligation de rendre compte est l’un des fondements d’un gouvernement démocratique dans un régime parlementaire. Cette obligation va de pair avec l’autorité. C’est cette obligation qui distingue l’autorité légitime, car elle exige, de la part des détenteurs du pouvoir, qu’ils rendent compte de la façon dont ils l’exercent, de la qualité de leur gouverne et de leur gouvernance, ainsi que de l’étendue de leurs efforts pour apporter des solutions aux problèmes et améliorer les choses du domaine public.

5Ce système repose nécessairement sur la compréhension mutuelle que ministres et fonctionnaires doivent manifester en ce qui concerne les sphères d’autorité et de responsabilité de chacun. Les ministres doivent rendre compte à l’Assemblée nationale et à la population ; quant aux fonctionnaires, ils doivent rendre compte directement aux ministres qui dirigent les ministères, suivant une ligne d’autorité hiérarchique.

6Cette relation étroite et obligée qui doit s’exercer entre les titulaires de la charge publique et les fonctionnaires forme l’assise des valeurs propres à la fonction publique. D’abord, elle définit l’obligation pour les fonctionnaires de communiquer aux ministres des renseignements aussi pertinents que possible, ainsi que des conseils francs et exhaustifs, pour ensuite mettre en œuvre, avec loyauté et professionnalisme, les décisions prises par ces derniers et le gouvernement qu’ils composent conjointement et solidairement.

7Pour être efficaces dans un tel contexte, les fonctionnaires doivent faire preuve d’autant de loyauté qu’ils doivent manifester de rigueur et de franchise dans les conseils donnés à leurs supérieurs. La loyauté à l’égard de l’intérêt public, tel qu’il est représenté et interprété par le gouvernement démocratiquement élu et exprimé dans les lois adoptées par l’Assemblée nationale, est l’une des valeurs considérées comme les plus fondamentales de la fonction publique. De nombreuses autres valeurs, telles que l’intégrité, la justice et l’impartialité y sont liées ou en tirent leur force.

8En tant que dépositaires de la confiance du public, les fonctionnaires sont garants de l’intérêt de la population telle qu’elle est représentée par le gouvernement démocratiquement élu. Leurs attitudes, leurs paroles et leurs gestes publics, autant que la qualité de leurs services professionnels, ont une incidence sur la vie des citoyens, de même que sur la vision qu’ils se font de l’avenir.

9Il est donc essentiel que les fonctionnaires continuent de comprendre les caractéristiques du système gouvernemental québécois, parmi lesquelles, la nature et les exigences d’un « gouvernement responsable ». Ainsi, les fonctionnaires québécois doivent démontrer, dans toutes leurs actions, qu’ils respectent la responsabilité ministérielle, qu’ils veillent au respect des droits et des libertés de la personne ainsi qu’à la protection des renseignements personnels et qu’ils se conforment aux règles de droit adoptées par l’Assemblée nationale.

10La fonction publique doit être animée par une conviction indéfectible quant au respect des lois et quant au devoir de les défendre avec intégrité, impartialité et discernement. Comme les fonctions qu’elle doit exercer ont une influence sur les droits de la population du Québec, elles ne peuvent être exécutées avec légitimité, justice et équité que dans un cadre où la loi prime et où les règles établies sont appliquées.

11Le désir et l’obligation de servir l’intérêt public sont les fondements normatifs de l’emploi dans le secteur public. Donner en tout temps la priorité au bien public et à l’intérêt public, abstraction faite de tout intérêt particulier ou personnel, tout cela représente à la fois la récompense et le tribut à payer pour être investi du statut de fonctionnaire.

12En conclusion, puisque le Québec jouit d’une démocratie parlementaire, les principes du gouvernement responsable constituent l’assise des valeurs de la Fonction publique. La reddition de comptes aux ministres – et, par leur intermédiaire, à la population du Québec –, les règles de droit et la loyauté envers l’intérêt public sont autant de valeurs démocratiques clés qui sous-tendent la mission de la fonction publique et servent d’assises à toutes ses autres valeurs.

Les valeurs professionnelles

13Étroitement liées aux valeurs démocratiques fondamentales précitées apparaissent les valeurs professionnelles de la fonction publique. Elles comprennent, notamment, la compétence professionnelle, l’excellence, l’efficacité, la franchise, l’objectivité et le souci de bien informer, la fidélité à la confiance nécessaire de la part du public et la recherche de la qualité des services publics mis à la disposition des citoyens.

14Parmi ces valeurs, certaines sont dites nouvelles ou en émergence. Elles pourraient comprendre la recherche de l’innovation, l’initiative, la créativité, la débrouillardise, le souci du partenariat avec les diverses composantes de la société, le réseautage et le travail d’équipe. Bien souvent, ce ne sont pourtant que de nouvelles façons d’exprimer d’anciennes valeurs, mais en leur donnant un nouveau visage. Ou pourrait encore dire qu’elles ne représentent que de nouveaux moyens de parvenir à des fins que la fonction publique a toujours recherchées depuis près d’un demi-siècle.

15Au sein de la fonction publique, l’une des sources les plus profondes de motivation, c’est l’idéal que constitue le service au public. Dans la réalité quotidienne toutefois, les recoupements naturels entre les nombreux objectifs du gouvernement – lesquels reflètent les divers besoins et préoccupations présents au sein de la société – peuvent, parfois, amener des fonctionnaires à porter une trop grande attention aux processus et aux méthodes lorsqu’il s’agit d’assurer des services aux citoyens.

16Sans doute, la grande contribution de la modernisation de la gestion publique, en ce qu’elle est axée sur les citoyens-clients, est d’aider à revitaliser l’idée que le service à la population doit être une valeur primordiale dans le secteur public.

17Les fonctionnaires doivent aussi veiller à maintenir l’équilibre nécessaire et se montrer conscients du rôle spécial qu’assume une fonction publique professionnelle en tant que dépositaire de la confiance du public. L’autorité dont disposent les fonctionnaires pour agir leur étant déléguée, ils deviennent donc comptables, non seulement pour ce qu’ils accomplissent, mais également des moyens qu’ils prennent pour y arriver et de la qualité de la gestion des ressources mises à leur disposition à cette fin.

18Ainsi, les renseignements qu’ils donnent aux élus et aux citoyens doivent être exacts, les conseils, objectifs et complets, et leur service, impartial. La précision, l’objectivité, l’équité et l’équilibre sont autant d’éléments du code de déontologie d’une fonction publique professionnelle.

19Dans un autre ordre d’idées, il existe, sans aucun doute, une multiplicité de règles et de méthodes, que certains pourraient qualifier de bureaucratiques, qui sont le fruit de l’habitude et qui n’ont aucune raison d’être précises pour la qualité du service à rendre au public. Les fonctionnaires doivent continuer à les remettre en question en vue d’alléger les cadres de gestion et dans le but d’éliminer celles qui sont inutiles et font obstacle aux changements décidés. Ils doivent également continuer à évaluer les processus de production et de distribution des services pour simplifier aux citoyens l’accès aux services auxquels ils ont droit.

20Cependant, tout en remettant ces règles en question, les fonctionnaires doivent également reconnaître que les règles de droit existent notamment pour protéger les citoyens d’actions arbitraires de la part de l’administration. Au fur et à mesure que des responsabilités accrues sont confiées aux fonctionnaires (par exemple, les préceptes de la gestion par résultats) et que des rôles et des pouvoirs accrus sont accordés aux organismes de service public, il devient de plus en plus important de préciser avec acuité les pouvoirs, les obligations, les mesures de rendement et, par-dessus tout, il est primordial de déterminer les valeurs à respecter et le code éthique qui en découle.

21Dans cette optique, on constate que moderniser la fonction publique, ce n’est pas vraiment choisir entre les valeurs nouvelles ou les valeurs traditionnelles du professionnalisme. C’est plutôt atteindre le meilleur équilibre possible entre celles-ci, afin d’affronter l’évolution des besoins de la société.

22Si donc une fonction publique professionnelle repose sur une masse critique de fonctionnaires de carrière dévoués, aptes à porter ces valeurs, elle doit aussi pouvoir compter sur des recrues qui manifestent une énergie nouvelle et des idées qui reflètent l’évolution des valeurs et l’air du temps. La fonction publique doit également compter sur une gestion de ressources humaines équitable, transparente, fondée sur le mérite. Un régime et des dispositifs qui encouragent la formation et le perfectionnement continus, demandent aux personnes de rendre des comptes et qui reconnaissent l’excellence.

Les valeurs liées à l’éthique

23Les valeurs liées à l’éthique comprennent, notamment, l’intégrité, la neutralité, la prise effective de responsabilités, la prudence, la justice, l’impartialité, la fiabilité, la discrétion, le respect de la loi et des procédures établies et la saine gestion des ressources publiques. Ces valeurs liées à l’éthique de la fonction publique ne diffèrent pas de celles que l’on trouve dans les autres secteurs de la société. Cependant, en raison de leurs liens avec les valeurs démocratiques et professionnelles, elles revêtent un aspect bien particulier. Entre autres choses, les valeurs éthiques dans le secteur public exigent qu’on accorde autant de soins à ne pas enfreindre les règles juridiques ou déontologiques, qu’on en accorde à ne pas projeter l’image de les enfreindre. À cause de la transparence dans les processus, laquelle doit entourer les activités de la fonction publique pour conserver la confiance de la population, les fonctionnaires doivent accorder une vigilance particulière aux attitudes et aux comportements qui peuvent évoquer, chez les observateurs, des apparences de conflits ou de non-respect des standards du régime éthique.

24Ainsi, à titre d’illustration, l’intégrité est l’une des valeurs éthiques les plus fondamentales de la fonction publique, dont elle n’est évidemment pas l’apanage. Chaque profession exige la pratique de l’intégrité. Cependant, la forme d’intégrité propre à la fonction publique est la capacité d’agir comme dépositaire de la confiance publique et à mettre le bien commun au-dessus de tout intérêt ou avantage privé.

25Dans la fonction publique, le sens de l’intégrité impose également aux fonctionnaires de tous niveaux un engagement envers la rigueur et l’exactitude. Cela veut dire mettre à la disposition des ministres et des autorités administratives toute la gamme des faits, des conseils et des options qui les aideront à prendre les meilleures décisions possibles pour assurer le bien public.

26De plus, il existe un lien étroit entre l’intégrité elle-même et les valeurs liées aux personnes qui composent la fonction publique. En effet, l’intégrité est la condition première à observer pour susciter la confiance et permettre que le leadership soit exercé au sein de tout groupe de personnes devant assumer les missions de la fonction publique de l’État au sein d’une société démocratique.

Les valeurs liées aux personnes

27Le dernier éclairage à partir duquel on peut aborder les valeurs de la fonction publique est effectivement celui des valeurs liées aux personnes. Il y a un lien étroit entre les valeurs qui composent cette catégorie et celles qui sont liées à l’éthique. On convient généralement que quiconque se soucie du bien d’autres personnes ou du bien commun au sein de la société possède, sans doute, un haut degré d’intégrité, d’équité et de fiabilité. Les valeurs liées aux personnes comprennent plusieurs sous-groupes qui lui sont propres.

28Pour l’essentiel, il s’agit de valeurs que l’on peut qualifier d’existentielles. Ces valeurs que l’on peut incarner ou vivre sont, notamment, la rigueur, la modération, le savoir-vivre, le sens de la mesure, le sens de la responsabilité, la compassion et l’empathie.

29Les valeurs liées aux personnes peuvent se manifester dans des styles différents de leadership et de gestion. Cependant, chaque style doit illustrer un attachement réel à la participation, à l’engagement, à la collégialité et à la communication. Il doit aussi faire preuve de compatibilité avec la considération envers d’autres valeurs présentes au sein de la société québécoise telles que la tolérance, la diversité, et le respect à l’égard de l’expression des droits, collectifs ou individuels, reconnus aux personnes qui habitent le territoire.

30Tout comme les valeurs liées à l’éthique, les valeurs liées aux personnes ne sont pas l’apanage de la fonction publique, mais elles acquièrent leurs qualités distinctes du fait qu’elles doivent se marier aux valeurs démocratiques et professionnelles propres à la fonction publique.

31Évidemment, la fonction publique doit manifester, à l’endroit de ses employés, les mêmes valeurs de courtoisie, de compassion et de sollicitude qu’elle aspire à offrir à l’ensemble de la population.

32Par ailleurs, le succès et la notoriété de toute organisation dépendent également de sa capacité à attirer, à former, à intégrer et à retenir ceux qui peuvent travailler en groupe, partager les mêmes valeurs et viser un objectif commun. Dans une institution comme la fonction publique, fondée sur des relations de confiance et sur les valeurs liées aux personnes, le respect de la dignité de chaque personne et la reconnaissance de la valeur qui lui est propre deviennent encore plus importants. Les fonctionnaires doivent être perçus comme agissant de façon équitable et impartiale dans tous leurs rapports. De même, à l’intérieur comme à l’extérieur des organisations publiques, les fonctionnaires, eux aussi, doivent éprouver le sentiment qu’ils sont traités généralement avec équité et respect.

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References

Electronic reference

Louis Sormany, “Les valeurs contemporaines de la fonction publique québécoise”Éthique publique [Online], vol. 4, n° 1 | 2002, Online since 15 May 2016, connection on 07 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethiquepublique/2495; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ethiquepublique.2495

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About the author

Louis Sormany

Louis Sormany a été secrétaire adjoint à l’éthique et à la législation du ministère du Conseil exécutif.

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