Pourquoi a-t-on tant besoin d’éthique ?
Résumés
La renouveau d’intérêt pour l’éthique des agents publics est liée dans les sociétés occidentales à une série de facteurs tantôt communs, tantôt spécifiques à un pays. Quatre raisons expliquent cet intérêt en France. Il y a d’abord la disparition progressive d’un modèle qui assurait la transmission des valeurs du service public. Un deuxième facteur réside dans la perte de la spécificité du travail dans l’administration publique qui a entraîné, en troisième lieu, une évolution des représentations idéologiques des fonctionnaires : sens de l’État en baisse, identification aux usagers, montée de l’individualisme. Enfin, la montée du néolibéralisme et l’apparition de la nouvelle gestion publique ont rendu plus perverse l’hypocrisie de l’État face à l’argent des fonctionnaires. Tous ces facteurs ont contribué à faire émerger un besoin d’éthique qui n’apparaissait pas jusqu’ici comme un problème et à rapprocher la manière de l’appréhender de celle du monde anglo-saxon.
Plan
Haut de pageTexte intégral
- 1 C. Vigouroux, Déontologie des fonctions publiques, Paris, Dalloz, 1995.
- 2 Voir « Le devoir d’État selon Jean Crasset (1675) », p. 11-19, dans G. Thuillier, La bureaucratie e (...)
1Tous les pouvoirs politiques depuis les temps les plus reculés ont cherché à réglementer et contrôler le comportement des fonctionnaires et à préciser les devoirs que leur imposait l’exercice de leur charge publique. Philippe le Bel avait tout prévu, comme le rapporte Christian Vigouroux, lorsqu’il publia son ordonnance du « lundi après la mi-Carême 1302 » sur la réformation du royaume qui constitue « un code de déontologie des fonctions publiques pratiquement utilisable de nos jours1 ». Il convient de lever une ambiguïté. On ne peut certes assimiler éthique et déontologie. Mais peut-on en rester à la première ? S’agit-il ici de ne parler que de morale, que d’une manière juste de se comporter et de sagesse pour conduire l’action ? S’il en était ainsi, si la notion d’éthique à prendre en compte était assimilée à un cas de conscience individuelle, alors on pourrait se contenter de paraphraser les Considérations sur les principales actions de la vie du père Jean Crasset, dont l’un des chapitres, « L’exercice de sa charge », exprime sa doctrine du devoir d’État2, doctrine particulièrement adaptée à tous ceux qui sont en « charge du public ». L’éthique est de l’ordre de la conscience, et donc du facultatif, alors que la déontologie est passible de sanctions à défaut d’être toujours obligatoire. Nous parlerons non de l’éthique en soi mais de l’éthique professionnelle des agents publics, c’est-à-dire de leur déontologie.
- 3 Ces exemples sont pris dans J.-M. Eymeri, L’éthique dans le secteur public : l’accès des fonctionna (...)
2Tout naturellement, suivant les traditions nationales, les règles déontologiques ont été réunies dans les textes les plus solennels ou, au contraire, dans des règlements intérieurs, quand elles n’ont pas été laissées à la jurisprudence des juridictions compétentes. Ces principes et ces normes traditionnels semblent aujourd’hui retrouver une nouvelle jeunesse. La préoccupation accordée aux questions déontologiques a conduit dans certains pays à une réflexion qui a abouti à l’élaboration de « codes de déontologie ». Certains peuvent être propres à des fonctions particulières (en France, code de déontologie de la police nationale publié en 1986, ou des fonctionnaires des impôts en 1996) ou viser l’ensemble des agents publics (code de conduite de 1994 en Italie, code de déontologie en cours d’adoption en Belgique). Parfois, ce sont de simples guides sans valeur juridique contraignante (guide sur l’éthique et les valeurs du service public publié par le ministère des Finances danois, charte éthique du service public au Portugal)3. Deux grandes conceptions s’opposent en effet. Pour les uns, l’existence de règles juridiques assorties de sanctions suffit pour assurer un comportement éthique des agents publics. Pour les autres, l’éthique est un problème de conscience personnelle ; une bonne conduite ne s’impose pas par voie autoritaire, il faut être intimement convaincu pour avoir un comportement conforme à l’éthique.
- 4 Conseil de l’Europe, Le statut des agents publics en Europe, Strasbourg, Éditions du Conseil de l’E (...)
3À partir des années 1970, la société s’est mise à porter un intérêt grandissant aux questions déontologiques dans de nombreuses professions (entreprises, médecine, droit, journalisme, etc.). Cette préoccupation s’est étendue à la sphère gouvernementale et administrative. Cet intérêt nouveau est induit, entre autres, par la nécessité de réguler les activités privées des fonctionnaires : éliminer les risques de corruption et prévenir les conflits d’intérêts. Peu d’États européens ne disposent pas de règles particulières dans ce domaine (Pays-Bas, Suède). Le Conseil de l’Europe y a porté récemment la plus grande attention à travers son rapport sur le statut des agents publics en Europe, mais surtout grâce à deux recommandations du Comité des ministres, l’une sur le statut des agents publics en Europe et l’autre sur les codes de conduite pour les agents publics4. Il n’est cependant pas question ici de prétendre élucider les motifs qui, dans la plupart de ces États, ont remis sur le devant de la scène le problème de l’éthique et de la déontologie des agents publics. Plus modestement, nous voudrions nous y intéresser, à partir du cas français, sachant que certains de ces motifs lui sont propres alors que d’autres sont valables pour l’ensemble de l’Europe et bien au-delà.
- 5 Le colloque du 7 novembre 1996 qui s’est tenu à l’École nationale d’administration sur ce sujet app (...)
- 6 Le terme « déontologie » n’apparaît que dans cinq paragraphes du traité de A. Plantey, La fonction (...)
4On s’est plu à signaler le côté paradoxal d’une réflexion sur cette question5, entièrement régie en France par le droit. La loi du 13 juillet 1983 portant sur les droits et obligations des fonctionnaires est réglée comme un véritable code de déontologie, des textes la précisent, une nombreuse jurisprudence l’éclaire et le Code pénal la complète. Décisions juridiques, règles disciplinaires, soumission au juge, contrôle hiérarchique, devoir d’obéissance, tout est fait pour que le fonctionnaire ne soit pas livré à sa seule conscience morale. Aussi, les manuels ou traités abordent-ils très peu cette question6. Pourtant, les interrogations sur la déontologie abondent plus que jamais. Nos règles sont-elles donc contradictoires, inadéquates, trop nombreuses ou au contraire trop silencieuses face à l’évolution des mentalités ? À tout le moins, ce souci d’éthique manifeste un doute sur la persistance des valeurs qui fondent le service public. Il est vrai qu’on ne parle jamais tant d’une chose que lorsqu’elle a disparu. La déontologie en est un exemple car toute une série de facteurs contribuent à déstabiliser les valeurs traditionnelles.
L’affaiblissement du modèle républicain français
- 7 P. Legendre, Histoire de l’administration de 1750 à nos jours, Paris, PUF, 1968, p. 538.
- 8 A. Darbel et D. Schnapper, Les agents du système administratif, Paris, Mouton, 1969.
- 9 J.-L. Bodiguel, « La socialisation des hauts fonctionnaires : les directeurs d’administration centr (...)
5L’entrée dans la fonction publique n’est plus un choix ; elle a été, depuis le choc pétrolier des années 1970, l’un des seuls moyens d’échapper à l’usine ou au chômage : « il s’agit de se caser », « c’était ça ou le chômage ». La survalorisation du « généraliste » au détriment du spécialiste, fût-il un technicien, due à la fois à l’idéologie de la haute fonction publique et à la prégnance de la gestion par corps et non par emploi, a donné le sentiment que l’administration était un refuge. Le privé étant, par contre, le domaine des spécialistes. Le modèle traditionnel, où la promotion sociale passait par le service de l’État, est loin. Dès l’Ancien Régime, l’achat d’un office même modeste et d’un rendement économique faible était tenu pour avantageux7. Une sorte d’hérédité de fait s’est ainsi souvent instaurée dans la petite et moyenne fonction publique. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles on a pu parler des fonctionnaires comme d’une classe. Leur morphologie sociale a été décrite par Darbel et Schnapper8. D’une manière ou d’une autre, les fonctionnaires appartenaient déjà par leurs parents à la grande famille de la fonction publique, et plus on s’élève dans la hiérarchie, plus c’est le cas : 45 % des cadres de catégorie A des administrations centrales et 65 % des directeurs d’administration centrale avaient un père dans la fonction publique9. Leur idéologie était fondée sur la loi et l’ordre. Plus le niveau hiérarchique était élevé, plus on rencontrait parmi les fonctionnaires des catholiques et des catholiques pratiquants, mais s’y ajoutait une forte tradition laïque véhiculée par la petite et moyenne fonction publique en raison de la forte présence des instituteurs. Ces traditions, catholique et laïque, sont très attachées au service public, « force principale de la France depuis Louis XIV », comme me le confia un directeur d’administration centrale. Cette double tradition traverse au sommet de la hiérarchie administrative trois hérédités différentes : les militaires, les juristes et les enseignants. Que l’on comprenne bien, il ne s’agit pas de dire que les fonctionnaires sont enfants de membres de ces trois professions. Mais c’est bien la configuration de la haute fonction publique, et c’est elle qui a largement contribué à définir l’idéologie générale de la fonction publique à laquelle toutes et tous adhèrent.
6Les candidats à la fonction publique française étaient donc socialisés avant l’entrée dans l’administration. Ils avaient déjà intégré par la famille et par l’idéologie les grandes valeurs du service public. Au demeurant, les multiples écoles de formation, dont beaucoup d’agents devaient suivre les enseignements avant d’entrer en fonction, renforçaient encore cette socialisation car, à côté de leur rôle de formation professionnelle, elles enseignaient également les valeurs du service public. On retrouve donc l’éthique et la déontologie. Pourquoi parler de codes, de chartes quand les fonctionnaires sont déjà imprégnés des grandes valeurs qui fondent le service public ? L’arrivée des préoccupations déontologiques tient précisément au fait que nous avons ici décrit un monde qui a largement disparu. Pendant les « Trente glorieuses », ces trente années qui séparent la fin de la deuxième guerre mondiale du choc pétrolier de 1974, il fallait être motivé par le service public pour résister aux attraits d’un secteur privé fortement séduisant dans ce contexte de grande croissance et de marché du travail tendu en raison de la faiblesse des nouvelles générations. Depuis, et pratiquement jusqu’à ces dernières années, l’objectif principal a été, au contraire, d’échapper au chômage. Les valeurs traditionnelles du service public ont été remplacées par la recherche de la sécurité d’emploi qu’il offre. La fonction publique est devenue un état comme un autre alors qu’il était souvent une « vocation », voire un « sacerdoce », le vocabulaire religieux y étant souvent fréquent.
- 10 Intervention de Mme Dorne-Corraze au colloque sur « La déontologie du fonctionnaire », Cahiers de l (...)
7Toutefois, cela concerne davantage les fonctionnaires de l’État que ceux des collectivités territoriales. Pour la plupart de ces derniers, la formation, indispensable pour diffuser la « culture de service public », est insuffisante et parfois manquante. De plus, certaines carences dans leur statut et dans leur gestion (absence de gestion décentralisée des cadres d’emplois, difficultés de reconversion professionnelle dues en particulier à l’insuffisance de la formation) leur rendent difficile la résistance à certaines pressions et peuvent atténuer le scrupule déontologique10. La décentralisation (à la suite des lois de décentralisation, les transferts de compétence ont eu lieu en 1986) a accru les difficultés. L’État a abandonné ses fonctions d’exécutif des départements et des régions. Il a pu s’ensuivre, faute d’expérience, nombre de manquements aux principes déontologiques et à l’éthique pour des fonctionnaires grisés par leurs nouvelles responsabilités et l’importance des budgets en cause. L’extension des compétences communales a pu également conduire les fonctionnaires territoriaux, sous la pression des élus parfois, à des dérives laxistes dans ce domaine.
8Plus la notion de fonctionnariat est forte, plus l’emploi public est sacralisé et plus la déontologie est intégrée par les agents. Lorsqu’il n’y a pas de différence absolue entre la nature de l’emploi public et de l’emploi privé, alors l’« employé », le « salarié » est renvoyé à sa conscience personnelle. Les codes, chartes ou guides sont alors d’autant plus nécessaires.
L’atténuation de la spécificité du travail dans l’administration publique
- 11 A. Supiot, « Introduction », p. 14 dans J.-L. Bodiguel, C.-A. Garbar et A. Supiot, Servir l’intérêt (...)
9La France a vécu et vit toujours sur une opposition binaire entre privé et public : « L’opposition du privé et du public conserve dans l’esprit du “grand public” (c’est-à-dire des personnes privées !) comme dans celui des gouvernants et même des juristes une force apparemment irrésistible. Lieu de stéréotypes socialement efficaces, la culture juridique dominante continue de dresser un mur entre le privé et le public11. » Malgré cette affirmation, et sans parler des pays qui dénient toute spécificité au travail dans les fonctions publiques, dans ce sanctuaire de la spécificité qu’est la France, l’évolution vers une forme de banalisation de l’emploi public est réelle. Le fonctionnaire n’est plus placé sur un piédestal. Les règles qui le régissent s’hybrident. Dans le statut, à côté et tout autour, le privé s’immisce dans le public et inversement. Les principes qui faisaient du fonctionnaire un citoyen différent se sont affaissés.
- 12 P. Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 1990, p. 59.
10Les conséquences sont aisées à cerner. Se sentant un travailleur comme un autre, le fonctionnaire abandonne (au moins pour partie) les valeurs assimilées à l’ordre ancien. Il s’affranchit plus facilement des règles déontologiques et adopte de nouveaux comportements qu’il pense être ceux du secteur privé. Maintenant, le fonctionnaire veut être considéré comme un professionnel qui dispose d’une marge de négociation et d’arrangement avec ses « clients » ; pour autant il échapperait à sa condition de pur instrument du pouvoir qui régit toute la tradition politique française depuis 178912. Celle-ci s’est opposée pendant un siècle et demi à l’octroi d’un statut qui aurait réduit sa dépendance à l’égard du pouvoir. Le fonctionnaire veut au contraire une marge de manœuvre, d’initiative, d’arbitrage.
11Ce changement des valeurs et le rapprochement avec le privé va se poursuivre. Les entreprises et les organisations étaient assurées de la loyauté de leur personnel. Aujourd’hui, une certaine sécurité (économique, alimentaire, de santé) permet à ce dernier, dans une certaine mesure et contrairement aux générations précédentes, de s’affranchir de l’autorité ou, plus exactement, de la contester sans prendre de risques trop importants. Son attachement à l’organisation (entendons ici l’administration, l’État) diminue et sa stratégie ne sera donc plus exclusivement basée sur le statut. Le fait d’avoir la capacité de faire des choix entre différents modèles et non plus le devoir de se conformer à des modèles préétablis fait qu’à la limite chacun a la faculté de s’inventer un modèle de vie et de le modifier au fur et à mesure de ses expériences. Les agents peuvent envisager de troquer la permanence contre un emploi intéressant. Le travail n’occupe plus la place prépondérante qu’il avait dans leur vie et ils ont le sentiment de pouvoir changer d’organisation, d’administration, d’entreprise avec moins de risques qu’auparavant.
- 13 F. de Singly et C. Thélot, Gens du privé, gens du public. La grande différence, Paris, Dunod, 1988.
12Tout cela imprègne fortement l’univers des fonctionnaires. Selon une théorie qui a longtemps dominé en France, la fonction publique était considérée comme une « classe » à part dans la société. Il devait y avoir coupure, séparation entre les univers de pensée et d’action des fonctionnaires et des salariés du secteur privé, et on s’est acharné à trouver la grande différence entre « gens du privé, gens du public13 ». Certes, il serait vain de nier les différences qui continuent à exister : la nébuleuse publique et son recrutement enferment encore les fonctionnaires dans des frontières assez étanches. La vie professionnelle des agents publics avec des salaires et des horaires inégaux tranche sur celle des salariés du privé, et il n’est pas jusqu’à la vie privée et le comportement politique qui différencieraient les deux mondes. Néanmoins, aujourd’hui, la coupure fondamentale réside plus entre les cadres et les employés du public et du privé qu’entre les fonctionnaires, d’une part, et les cadres et les employés du secteur privé, d’autre part. On en trouve la traduction dans les sondages (la confiance que les agents publics accordent à l’État, aux partis politiques et aux syndicats est du même niveau que celle de leurs homologues du secteur privé). Cette nouvelle situation se traduit fortement dans les valeurs auxquelles adhèrent les agents publics.
La question des valeurs
- 14 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Paris, E. de Boccard, 1927, p. 266.
- 15 C. Charle, Les hauts fonctionnaires en France au XIXe siècle, Paris, Gallimard, « Archives », 1980, (...)
- 16 Vivien, Études administratives, t. 1, Paris, Cujas, 1874 (3e éd.), p. 241.
13La doctrine française classique considère que les fonctionnaires « forment par eux-mêmes une classe sociale […] tout à fait distincte de celles des travailleurs de l’industrie14 », classe qui se définit par le lien de service et la permanence, par l’existence d’un « esprit administratif » fait non seulement de compétence mais aussi « d’amour » pour les affaires publiques, de « dévotion » pour les intérêts de l’État et des citoyens15. Le fonctionnaire, dans l’examen des affaires, se doit de « ne consulter que le bien de l’État et la loi qui en est l’expression écrite16 ». Ce bien de l’État, c’est l’intérêt général, permanent mais contingent, non définissable en soi mais qui doit être construit et reconstruit à chaque instant. Différent de la somme des intérêts particuliers, pluriel souvent, local ou national, intérêt du plus grand nombre mais parfois de quelques-uns contre tous, européen maintenant, c’est le « bien public », dont la notion a été développée au dix-huitième siècle. Le fonctionnaire du début du vingt et unième siècle paraît cependant bien loin des théories classiques sur la fonction publique pour lesquelles esprit de service public et intérêt général vont de pair avec un profond respect de l’État. La conception selon laquelle « servir l’État est un honneur », pour reprendre une phrase de Michel Debré dans Au service de la nation, s’est bien atténuée.
- 17 Voir, entre autres, CURAPP, Variations autour de l’idéologie de l’intérêt général, 2e vol., Paris, (...)
14Dans cette conception, les représentations idéologiques des fonctionnaires sont spécifiques, largement identiques et relativement stables malgré des ajustements constants. Le système de représentations est inculqué aux fonctionnaires par une socialisation soutenue, souvent de nature familiale en raison de leur assez forte hérédité professionnelle ; il est ensuite accentué par la formation. Fondée sur le droit public et le droit administratif, celle-ci véhicule tout un système de représentations de l’État et de l’administration ; enfin, elle est renforcée par une socialisation interne qui commence par le passage dans une école de formation. Tout ce système induit un comportement et des pratiques en adéquation avec l’idéologie acquise. Dans ses actes, le fonctionnaire reproduit les comportements attendus (représentant de l’État, il sert la collectivité avec désintéressement et assume sa charge comme un devoir et non comme une sinécure). Cependant, la restructuration politique de la Ve République s’est traduite dans l’idéologie des fonctionnaires par une évolution des valeurs administratives traditionnelles17, qui a tendu à réduire la part de spécificité et à rapprocher leur idéologie de celle de l’ensemble de la société.
15Un nouveau rapport public-privé, que l’on peut synthétiser brièvement, s’est développé. La notion d’intérêt général s’est modifiée. D’opposé par nature et par essence aux intérêts privés, l’intérêt général doit prendre en compte les intérêts particuliers. L’intérêt général n’est donc plus le monopole des fonctionnaires. C’est de la confrontation de tous les intérêts particuliers que doit naître l’intérêt général. Il faut donc une concertation avec les tenants de ces intérêts privés. Cela a changé les relations avec les usagers. L’influence a remplacé l’autorité. Ayant ainsi acquis une position nouvelle au sein de la société, les fonctionnaires sont plus accessibles aux valeurs sociales dominantes. En particulier, les valeurs de rentabilité et d’efficacité, au cœur de la logique capitaliste, peuvent s’appliquer à l’administration. Traditionnellement, les impératifs de sécurité, de stabilité et de régularité exigeaient qu’ils agissent avec sage lenteur et sans souci de rendement. Cela a contribué en partie à l’application des principes du management public (sur lesquels nous reviendrons) et à la création de politiques de remise en cause des structures, des finalités et des méthodes de l’administration. À la stricte séparation des fonctionnaires du monde privé (le service de l’État est à vie) a succédé un brassage, une osmose qui se traduit en France par le système du « pantouflage » (que nous retrouverons plus loin) et plus généralement par la perte de la ligne de démarcation entre secteur public et secteur privé. Enfin, cette administration tutélaire et lointaine a fait place à une autre où l’arbitrage a été largement remplacé par l’action et le changement. Présider à l’évolution a remplacé l’idée de maintenir la tradition.
- 18 « La déontologie du fonctionnaire », Cahiers de la fonction publique, déjà cité, p. 27.
- 19 J.-L. Bodiguel, « Les fonctionnaires en période de décroissance : moral, motivation et image », Pol (...)
16Ces évolutions ont des répercussions sur les principes déontologiques qui ont été élaborés à une époque où la population était assez régulièrement répartie sur le territoire et avait des besoins de nature différente. La modification de la relation avec le citoyen et avec l’entreprise modifie la donne. Les besoins de plus en plus variés des citoyens auront des prolongements « sur le comportement déontologique du fonctionnaire qui devra donc probablement être aménagé, modulé en fonction des demandes, des aspirations, des besoins des citoyens18 ». On trouve très concrètement l’illustration de ce nouvel état d’esprit dans un certain nombre de sondages que nous avons analysés19.
Le sens de l’État et de la puissance publique
17L’existence d’une identité collective comme d’un certain sentiment de solidarité entre fonctionnaires peut être mise en doute. L’accent porte plus sur ce qui différencie que sur ce qui unit. L’État n’apparaît plus comme un élément positif. Répressif, il n’est plus le garant de l’intérêt général. Dans bien des sondages consultés, son image est négative car il prend plus qu’il ne redistribue ; le fonctionnaire subit comme les usagers sa réglementation et n’a plus le sentiment d’être agent d’un État garant de la loi.
18Au fond, l’État est comme un patron qui ne fait pas de cadeau.
19Le rôle de l’État devient flou et l’agent public préfère alors occulter le débat sur ce point. Symptôme d’une angoisse due à une situation où l’État n’apparaît plus comme « le Modernisateur » mais comme un frein, le fonctionnaire craint de disparaître. Quel avenir existe-t-il pour une fonction publique quand de jeunes fonctionnaires de moins de trente-cinq ans se voient comme « une espèce en voie de disparition » ?
20L’État, pour le fonctionnaire, ne serait plus que ces acteurs lointains que sont le gouvernement, les cabinets ministériels, les énarques. Au fond, seuls les agents proches des centres de décision politique auxquels ils s’identifient auraient encore une conscience de l’État. Pour les autres, le sens de l’intérêt général paraît s’être émoussé. Les fonctionnaires s’assimilent de plus en plus aux gens.
L’identification à l’usager
- 20 Ces références à des sondages viennent de ibid.
- 21 SOFRES, Les Français et le service public industriel et commercial, 1980, non publié.
21C’est parmi les salariés du secteur public que se trouvent le maximum de personnes pour penser que des services publics comme EDF, les PTT ou la SNCF font plutôt la politique de la majorité au pouvoir que celle de la nation ; ceux du secteur privé ainsi que les travailleurs indépendants considèrent en beaucoup plus grand nombre qu’ils font la politique de la nation20. La logique d’une forte imprégnation de l’idéologie de service public et de l’intérêt général aurait plutôt voulu le contraire. Que penser, pour prendre un autre exemple, de la position des salariés du secteur public qui considèrent presque aux deux tiers qu’il convient de laisser aux habitants la possibilité de repousser un grand projet d’intérêt général, comme le passage d’une ligne à haute tension ou la construction d’une voie ferrée, qui risquerait de leur causer des inconvénients particuliers, alors que les autres Français sont beaucoup plus réticents à cette solution21 ? Deux fonctionnaires sur trois feraient donc passer des intérêts particuliers avant l’intérêt général.
- 22 Entretien avec une fonctionnaire de catégorie B habitant Paris, SOFRES, Le climat psychologique au (...)
22Dans de nombreux cas, comme l’appréciation du bon ou du mauvais fonctionnement des services publics, les salariés du secteur public se placent résolument non en agents de l’État mais en usagers et manifestent la même opinion que les autres salariés. Pour beaucoup de fonctionnaires, les « gens », « le service au public » devient ainsi une priorité. L’État prestataire de services à des usagers, tel est le nouveau rôle auquel ils sont sensibles. Cette nouvelle idéologie se traduit donc souvent par une identification avec ce public. Le fonctionnaire prend son parti, justifie son comportement même s’il est agressif, se place plus souvent comme usager que comme fonctionnaire. Certains en viennent à récuser le terme de fonctionnaire devenu péjoratif : « Je ne me sens pas fonctionnaire… Quand j’entends des critiques sur les fonctionnaires, ah les fonctionnaires, ils foutent rien… je ne me sens pas concernée, c’est pour ça que je ne me sens pas fonctionnaire22.» Sans prétendre que ces attitudes soient majoritaires, elles paraissent significatives d’une évolution profonde des valeurs d’un fonctionnariat qui doute, adopte et valorise celles du privé, qui parle de clientèle et de concurrence. Ce privé est sans doute mythique, mais on le privilégie en affirmant qu’on y ferait une carrière plus brillante en s’amalgamant à lui. Les conditions de travail sont dites identiques. On soutient qu’il existe aussi des réductions d’effectifs, une surcharge de travail, en particulier le travail au rendement depuis l’introduction de l’informatique. L’idée de passer dans le secteur privé – même si elle reste envisagée de façon abstraite – est présente dans le discours des employés.
La mobilité
- 23 Voir J.-L. Bodiguel, « Les fonctionnaires en période de décroissance… », art. cité.
23Les contraintes du service public sont récusées. La mobilité géographique, que l’on peut prendre comme exemple, est une constante dans la gestion des agents de l’État. Recrutés sur le plan national, ils savent qu’ils doivent aller travailler là où la société a besoin d’eux. Leur choix est très limité et souvent inexistant. Aujourd’hui, cette obligation est de plus en plus difficilement assumée. La première affectation, le plus souvent non souhaitée, engendre, dès le début, un traumatisme au point que, bien longtemps après, certains agents parlent de « bagne », de « purgatoire », d’« enfer ». Néanmoins, le jeune fonctionnaire s’habitue, souvent il se marie dans son lieu d’affectation et y a son premier enfant. La carrière est là qui lui permet de progresser mais l’obligation de mobilité en est le corollaire obligé. Toute promotion est indissociablement liée à l’idée de « mutation géographique » face à laquelle les agents ont une attitude de plus en plus négative et hostile. Certains l’acceptent par ambition jusqu’au moment où ils se sentent bien dans leur nouvelle région. Pour beaucoup d’autres, le refus de la mobilité est net. Ils ont le sentiment qu’on les persécute, qu’ils sont des pions que l’on déplace, qu’on cherche à les séparer de leurs collègues avec lesquels ils s’entendent bien23. L’obligation de mobilité s’est effacée au profit du « vouloir vivre au pays » et au détriment de leur fonction première : le service des citoyens. Les difficultés économiques et le chômage des années 1990 ont engendré un certain repli sur soi et ont provoqué un égoïsme qui s’allie mal avec les valeurs traditionnelles de « service à la collectivité » qui sont celles de la fonction publique. Les contraintes du service public sont mises en balance avec des valeurs plus personnelles comme la réalisation de soi.
24Ces évolutions se sont traduites dans le comportement de l’administration employeur. Elle est sans doute plus tolérante envers le comportement individuel du fonctionnaire dans sa vie privée, dans ses relations hiérarchiques, dans l’exercice de son devoir de réserve et même lorsqu’il oublie parfois son devoir de désintéressement.
Néolibéralisme, nouvelles règles de gestion, déclin de l’État
25La résurgence de la recherche d’éthique et de déontologie tient également à un néolibéralisme ambiant qui, entraînant un rapprochement avec le secteur privé, semble rendre obsolètes les règles déontologiques traditionnelles et, à tout le moins, les trouble et les rend floues.
Néolibéralisme et moins d’État
26Le choc pétrolier du début des années 1970, en ralentissant, voire en stoppant durablement une croissance économique pratiquement ininterrompue depuis la fin de la seconde guerre mondiale, a provoqué une prise de conscience du poids du secteur public dans le produit intérieur brut, ce qui a facilité la résurgence des théories dites néolibérales : déréglementation, dérégulation, privatisation, bref moins d’État. L’État est alors apparu comme un facteur improductif, un frein à la croissance et non plus, comme il l’avait été depuis la fin de la dernière guerre, comme un facteur de croissance et de modernisation du pays. Planification, aménagement du territoire, les instruments privilégiés de l’État gaullien modernisateur sont alors remisés aux oubliettes. Comment l’univers des fonctionnaires n’aurait-il pas basculé à voir affirmer par la gauche comme par la droite la primauté de l’entreprise et de l’initiative privée, à voir affirmer que l’État n’est que contrainte et qu’on doit se débarrasser des normes ? Comme on l’a vu avec les sondages rapportés plus haut, ils se sont rapprochés des valeurs du secteur privé, ou du moins des valeurs supposées être celles de ce secteur.
- 24 P. Rosanvallon, op. cit., p. 134.
27De nombreuses privatisations ont été opérées dans ce contexte. Comme le remarque Pierre Rosanvallon, la croissance de l’État ne se résume pas à l’extension de la sphère du public au détriment de celle du privé, elle résulte de la transformation des notions de privé et de public auxquelles l’État se trouve obligé de s’adapter24. La société qui avait chargé l’État de nombreuses tâches fait maintenant machine arrière et tente de les reconquérir estimant qu’elles seront mieux assurées par elle. Certains estiment donc que moderniser, c’est privatiser. Des analyses partisanes et superficielles ont eu vite fait de montrer le lien entre la complexité de l’État et le manque de compétitivité des entreprises. Imprégnés de l’idéologie néolibérale, beaucoup ont foncé dans le « moins d’État ». Or, cette vague de privatisations avait été précédée en France d’une vague de nationalisations effectuées par la gauche lorsqu’elle était revenue au pouvoir en 1981. Un certain nombre de ces entreprises ont été privatisées au retour de la droite en 1986 mais, ultérieurement, la gauche a poursuivi dans cette voie.
- 25 J.-L. Bodiguel et M.-C. Kessler, « Les directeurs d’administration centrale », dans P. Birnbaum (di (...)
- 26 Y. Mény, La corruption de la République, Paris, Fayard, 1992, p. 157.
28Ces allers et retours ont perturbé nombre de fonctionnaires. En l’espace de quelques années, il a été illicite, permis et de nouveau illicite d’aller travailler dans certaines entreprises. La notion de conflits d’intérêts s’est brouillée. Mais surtout, la notion d’intérêt général s’est étendue. Au début des années 1980, nous pouvions écrire, à propos des directeurs d’administration centrale : « Leur attachement à l’État est d’autant plus fort que l’entreprise exerce sur eux une répulsion véritable. Les valeurs du secteur privé : argent, profit, rentabilité, efficacité, responsabilité, hiérarchie et autorité, sanctions… sont à leurs yeux des “non valeurs”25.» Ensuite, il est apparu que travailler à la réussite d’une entreprise pouvait être considéré comme d’intérêt général. Aussi les idées exprimées au cours de notre enquête sur les directeurs d’administration centrale se sont modifiées. Alors que nombre d’entre eux estimaient qu’ils ne pouvaient gaspiller leur vie à vendre des petits pois, du coton, des pâtes… et que « la vie, c’est quand même autre chose que de vendre du savon ! », il est peu vraisemblable aujourd’hui que cette opinion, alors largement partagée, ait encore cours. Pour ces personnes, mais aussi pour une majorité de fonctionnaires, on peut donc se demander si la notion même de conflit d’intérêts avait un sens. Ce n’est pas dire qu’objectivement il n’y ait pas eu de conflits d’intérêts et de la corruption, mais la question ne se posait pas : « Les Français ne perçoivent pas le conflit d’intérêt, car ils ignorent pour la plupart – élites comprises – jusqu’à sa signification26.»
29Les privatisations et la multiplication des délégations de service public (par le biais d’associations ou de sociétés d’économie mixte) ont donc accru les tentations de corruption. Le volume des fonds gérés, une gestion privée parfois opaque, l’emploi d’une réglementation très allégée ont facilité, parfois outre mesure, le détournement de fonds publics. L’acuité particulière portée aux questions déontologiques provient donc de la modification du rôle de l’État et, plus précisément, d’un mélange qui s’est opéré sur son rôle. L’État est devenu interventionniste, médiateur et non plus seulement régalien ; il exerce des activités économiques et privatise des activités régaliennes. Les osmoses qui en sont résultées entre public et privé ont troublé les esprits.
De nouvelles règles de gestion
- 27 J. Siwek-Pouydesseau, « La critique idéologique du management », Revue française de science politiq (...)
- 28 A. A. Goldsmith souligne que tel outil managérial, la gestion stratégique, qui n’a guère eu de résu (...)
- 29 Voir l’analyse de F. Dreyfus, L’invention de la bureaucratie, servir l’État en France, en Grande-Br (...)
- 30 J.-M. Eymeri, op. cit., p. 15.
30Ce trouble a été accru par l’introduction de nouvelles règles de gestion. Résumées par le terme de « nouvelle gestion publique », ces règles, critiquées pourtant depuis longtemps27, forment une « pensée unique » ayant des répercussions profondes sur les valeurs véhiculées jusqu’alors par la fonction publique. Deux postulats traversent la doctrine managérialiste : d’une part, rien ne différencie les organismes publics des entreprises privées, d’autre part, les méthodes scientifiques de gestion sont d’application générale28. Malgré l’échec, à la fin des années 1960, de l’implantation du PPBS (planning programming budgeting system) et de la RCB (rationalisation des choix budgétaires), ce postulat n’a pas été remis en cause et on poursuit toujours la chimère d’une transformation de l’administration publique en entreprise privée. Les politiques administratives des gouvernements américains et britanniques, tant en ce qui concerne la gestion de l’administration que celle des « ressources humaines », sont sous-tendues par cette idée que la distinction public-privé doit s’effacer29. À propos de ces « ressources humaines » et malgré leurs différences, les Pays-Bas, la Suède ainsi que le Royaume-Uni ont développé une conception « désacralisée » de la notion de fonctionnaire. Contrairement à l’Allemagne ou à la France, il n’existerait pas de différence de nature entre fonctionnaire et salarié privé. Leurs administrations ont donc été largement réceptives au nouveau management public qui prône un alignement des structures organisationnelles publiques sur le modèle du privé et une forme de « privatisation » de l’emploi public30.
- 31 « La déontologie du fonctionnaire », Cahiers de la fonction publique, déjà cité, p. 111.
31Il n’est pas besoin de prendre de nombreux exemples pour souligner les conséquences sur la déontologie des agents publics de cet alignement des organismes publics sur l’entreprise. La contractualisation et le partenariat peuvent en donner des exemples. Dans cette nouvelle situation, le fonctionnaire ne participe plus à un pouvoir neutre au-dessus des partis, il est impliqué dans des politiques publiques longuement négociées, il est devenu, comme l’État d’ailleurs, un simple partenaire de l’action publique, parfois un simple exécutant car il participe de moins en moins à la création des normes. Qu’on songe aux répercussions sur la déontologie des contacts, des repas avec des partenaires contractuels, avant, pendant et après la conclusion des contrats. Si l’administration est une entreprise, faut-il que l’acheteur public soit intéressé aux économies qu’il fait faire à la collectivité ? Comment avoir une aussi bonne information que le fournisseur, comment bien connaître les mécanismes de fonctionnement de ses fournisseurs sans utiliser leurs moyens ? Armé du seul code des marchés publics et de sa déontologie, l’acheteur public peut être inefficace car « il ne suffit pas d’être un acheteur intègre pour être un bon acheteur public31».
- 32 Décret du 22 janvier 1990 relatif à l’évaluation de politiques publiques, Journal officiel, 24 janv (...)
- 33 R. Passet, L’illusion néo-libérale, Paris, Fayard, 2000, p. 187.
- 34 J.-C. Tait, De solides assises, rapport du groupe de travail sur les valeurs et l’éthique de la fon (...)
32La logique managériale engendre une morale différente de celle de la logique de service public. La référence à la rentabilité et à l’économie marchande remplace celle à l’efficacité sociale. L’affirmation, dans l’exposé des motifs du décret sur l’évaluation des politiques publiques, que cette logique managériale « constitue un élément de la modernisation de l’État, car une meilleure connaissance de l’efficacité réelle de l’action de l’administration exerce sur cette dernière une pression analogue à celle que le marché fait peser sur les entreprises32 » souligne l’apparition dans les administrations d’une idéologie nouvelle et radicalement différente. La conception de l’État qui s’en dégage est celle d’un employeur ordinaire qui se conforme aux lois du marché et, surtout, qui est soucieux de la rentabilité de la dépense. Cette soumission à l’économique a donc de profondes répercussions sur les valeurs, car dans cette conception, « le discours est celui de l’évacuation explicite des fins et des valeurs socioculturelles33 ». Cette nouvelle idéologie met à mal les grands principes traditionnels du service public, neutralité, mérite, etc. Comme il a été remarqué au Canada, « la tendance de plus en plus généralisée à substituer la terminologie de “clients” ou “abonnés” à celle de “citoyens” n’a rien d’innocent et pourrait avoir des conséquences à long terme aussi bien pour les valeurs de la fonction publique que pour la culture politique de nos sociétés. La “citoyenneté” solidarise, le “clientélisme” désolidarise. Donner satisfaction à des clients les uns après les autres n’est pas nécessairement servir le bien commun34.»
- 35 Ibid., p. 50.
- 36 P. Kéraudren, Réforme administrative, éthique et transparence : entre efficacité et identité admini (...)
- 37 R. Passet, op. cit., p. 189.
33Être bénéficiaire d’un contrat à durée déterminée engendre le risque de privilégier ses propres intérêts même si l’on s’est engagé à respecter tous les codes de conduite possibles. D’une manière générale, la précarité des carrières expose au risque de privilégier les intérêts particuliers : lobbies, électorat potentiel du ministre, etc. L’égalité de traitement disparaît lorsque l’on souhaite satisfaire des clients et non plus des citoyens considérés jusqu’à présent comme égaux devant la loi. Par ailleurs, la nouvelle gestion publique provoque une tension forte entre l’exigence de résultats et le respect des règles. La pression pour obtenir des résultats peut entraîner la mise à l’écart de règles gênantes35. Pour le managérialisme comme pour la théorie du choix public, l’éthique n’est au niveau individuel qu’un problème de cas de conscience, et au niveau collectif « un phénomène suspect d’obscurantisme […]. [C’] est la marque du monopole de l’expertise et de la décision par le bureaucrate qui, sous couvert d’attitudes morales, sert son intérêt personnel. Les défenseurs du managérialisme voient davantage l’éthique comme la revendication anachronique d’une culture professionnelle surannée qui enlise les fonctionnaires dans leur méfiance et leur refus de tout changement non conforme à la tradition administrative36. » On en serait donc réduit à une morale individuelle. Cette soumission des valeurs à l’économique n’est-elle pas cependant une illusion ? Partant du primat des valeurs (qui ne peuvent être définies par l’économie), René Passet justifie ainsi le primat du politique : « Confier les arbitrages sociaux à une quelconque rationalité économique, marchande ou non marchande, c’est substituer l’ordre de la partie à celui du tout, faire de l’instrument économique la finalité, et de la finalité humaine, l’instrument. […] C’est au niveau du politique et non du marché que s’affrontent et s’arbitrent les choix qui engagent toute la personne. Cette conception fonde la suprématie du politique sur l’économique37.»
L’hypocrisie de l’État français face à l’argent des fonctionnaires
34Une raison supplémentaire vient aggraver le besoin d’éthique. Elle découle de la conception que l’État en France se fait du fonctionnaire. Celui-ci ne reçoit pas un salaire qui serait la contrepartie du travail qu’il fournit. Il reçoit un traitement, que l’on peut définir comme la somme d’argent nécessaire pour qu’il puisse tenir son rang dans la société. Être fonctionnaire n’est pas un métier, c’est un honneur. Son traitement correspond donc à sa place dans la hiérarchie administrative et est fixé indépendamment de ses conditions d’emploi, de sa manière de servir et de son rendement. La participation du fonctionnaire à l’exercice du pouvoir, en même temps qu’elle lui donne du prestige et lui permet de s’élever dans la société, lui fournit la puissance et souvent l’argent. Mais les gouvernements du dix-neuvième siècle et encore plus ceux du vingtième n’ont pas eu les moyens de leurs ambitions et n’ont pu (ou voulu) rémunérer les élites qu’ils attiraient à leur service. Pour les retenir, il a fallu trouver des avantages annexes. Ce furent le « pantouflage » et les primes.
35Ce terme ésotérique et intraduisible, le « pantouflage », a un fondement historique. Il vient de la « pantoufle », somme d’argent que devait réunir le polytechnicien ne voulant pas, à l’issue de sa scolarité, entrer au service de l’État (rappelons que l’École polytechnique a été créée pour former les divers corps d’ingénieurs nécessaires à l’État pour sa défense, d’où son statut militaire). Pendant longtemps, les ingénieurs de l’État furent les seuls ingénieurs. Aussi, lorsque, à partir de 1840, de grands travaux furent entrepris, comme la construction des lignes de chemins de fer par des compagnies privées, celles-ci n’avaient pas les ingénieurs nécessaires. L’État permit donc à ses propres ingénieurs d’aller pour un temps ou définitivement dans ces jeunes entreprises de chemin de fer pour participer à ces grands travaux qu’on pouvait considérer comme d’intérêt général. On prit coutume d’appeler « pantouflage » ce départ des fonctionnaires dans les entreprises privées qui manquaient des cadres nécessaires à leur développement. Longtemps cantonné aux techniciens, il s’est progressivement étendu aux fonctionnaires administratifs et a été rendu plus facile par toute une série de mécanismes juridiques. Aucune autre fonction publique de carrière ne les a développés à ce point. Les cas de mise en disponibilité sont la procédure normale de départ vers le privé, mais le détachement le permet également dans certaines conditions. Les durées (jusqu’à six ans pour la disponibilité) comme les possibilités de renouvellement (cinq ans renouvelables pour le détachement) et les motifs qui les permettent le rendent aisément praticable. Dans ces positions, le fonctionnaire garde en outre un lien avec l’État et peut réintégrer la fonction publique.
- 38 Décret du 17 janvier 1991 qui définit les activités privées qu’en raison de leur nature un fonction (...)
- 39 Parmi d’autres, voir l’analyse du pantouflage de Y. Mény, op. cit., chap. iii.
36Aussi, bien que soumis aux aléas économiques, le pantouflage se porte bien : départs de plus en plus fréquents, de plus en plus jeunes, de longue durée et souvent définitifs. Il en résulte assurément un préjudice important pour l’État et les collectivités territoriales. Il est d’abord matériel, car l’investissement fait dans ces hommes et ces femmes est insuffisamment rentabilisé. Le coût des concours qu’ils ont passés et de la formation est considérable. S’y ajoute une perte de potentiel humain qui peut compromettre le bon fonctionnement du service public. Il est aussi moral par le discrédit qu’il apporte sur le service public et l’atteinte qu’il constitue à l’autorité de l’État. Le droit applicable en la matière n’était pas jusqu’à présent très sévère. Les dispositions statutaires relatives à la mobilité des fonctionnaires vers les entreprises privées et publiques étaient même très incitatives et non compensées par les dispositions pénales (art. 175-1 du Code pénal) et statutaires qui n’étaient pas appliquées. Le renforcement de la législation actuelle serait lié aux affaires ayant mis en évidence les rapports entre la politique et l’argent, la fonction publique ne pouvant rester à l’écart d’une tentative de moralisation-sanction. Cependant, malgré des textes devenus dissuasifs, dont beaucoup ont été adoptés ou modifiés depuis le début des années 1990 ou encore renforcés par la jurisprudence38, les contrôles déontologiques restent aléatoires et peu efficaces39.
- 40 Titres pris dans le journal Le Monde et, pour le dernier, dans Le Point du 23 avril 1990.
- 41 Le Monde, 3 avril 1984.
37De nombreux articles de presse en traitent régulièrement : « L’étrange privatisation du téléphone rose », « Un haut fonctionnaire chargé des ventes d’armes entre chez Dassault pour vendre des avions », « Quand les vérificateurs du fisc prennent le large », « Les jeunes inspecteurs des finances “pantouflent” de plus en plus tôt », « Trop de pilotes et de mécaniciens abandonnent l’armée de l’air au profit du secteur civil », « Pantouflards, la grande évasion »40. Et on se souvient de cette publicité passée dans le journal Le Monde qui fit scandale : « Offrez-vous un énarque41.»
- 42 J.-L. Bodiguel, « Le pantouflage comme mode de gestion », Cahiers de la fonction publique et de l’a (...)
38Les causes du phénomène sont connues : évolution et élargissement de la notion d’intérêt général et de service public, attrait de l’entreprise privée à une époque où l’idéologie néolibérale a paré de tous les attraits l’entreprise privée et où l’État serait devenu un frein à la modernisation, médiocrité générale des conditions de travail dans beaucoup d’administrations, incertitudes sur les perspectives de carrière en raison à la fois d’une politisation renforcée et d’une politique sociale de la fonction publique qui a conduit à un écrasement de la hiérarchie des traitements et à une diminution relative de ceux de la haute fonction publique, modification du profil des hauts fonctionnaires avec l’arrivée d’anciens élèves d’écoles de commerce dont l’attitude vis-à-vis du service public est plus détachée, etc. La plus ou moins grande tolérance ou sévérité à l’égard du pantouflage, si elle est dans l’air du temps, ne pose pas le véritable problème. En réalité, il est lié à la fonction assurée par les grandes écoles, constitue une tradition pour la haute fonction publique et fait partie des mécanismes de gestion de l’encadrement supérieur de l’État42.
39Les compléments de rémunération et les primes sont une autre pratique contestable. La conception selon laquelle le fonctionnaire reçoit un traitement en fonction de son rang dans la hiérarchie administrative a piégé l’État. En conformité avec cette conception, il a construit une grille générale des traitements où chacun peut se comparer à tous les autres. Or les « métiers » de la fonction publique ont chacun leurs exigences, leurs difficultés et surtout leur prix sur le marché. L’État ne pouvait pas prendre le risque de payer certaines catégories de fonctionnaires au prix du marché, en raison de la grille des traitements qu’il avait mise en place, car ce faisant il s’exposait aux revendications plus ou moins légitimes d’autres catégories. Il lui a fallu trouver des succédanés éthiquement contestables.
- 43 Ces avantages sont strictement réservés aux membres des corps techniques. Un fonctionnaire administ (...)
40L’un d’eux est l’intéressement aux travaux effectués par les ingénieurs de l’État au profit des collectivités territoriales. Celles-ci en effet peuvent ou doivent (selon la loi) recourir aux services techniques de l’État pour concevoir, réaliser certains équipements. En contrepartie, les personnels concernés perçoivent une rémunération complémentaire, dont le montant est variable mais qui représente une partie importante de leur rémunération totale43. Ces fonctionnaires ne pouvaient que pousser à la multiplication des investissements, source d’importants profits pour eux (notre réseau de routes secondaires est remarquable et on comprend pourquoi). Moyennant quoi, certains agents de l’État pouvaient consacrer jusqu’à 90 % de leur temps à ces activités annexes. Depuis 1970, le système a été moralisé mais reste pervers : juridiquement légitime, moralement contestable.
41Bien des fonctionnaires n’ont pas les possibilités qu’ont beaucoup de leurs collègues des corps techniques. Faute de pouvoir augmenter les traitements de certains pour l’élévation de leur niveau de formation, une technicité plus grande, etc., la fonction publique a développé outre mesure les « primes de rendement » en en pervertissant l’esprit. Légalement, ce sont des indemnités à caractère personnel et variable, différenciées suivant les agents en fonction d’une appréciation discrétionnaire de l’administration. Accordées trop souvent de manière égalitaire, elles sont devenues de simples augmentations de traitement. Ces primes sont donc une médiocre réponse de l’État employeur à la pression du marché ou à la force de certaines catégories de fonctionnaires. Elles sont déontologiquement contestables dans la mesure où, ne permettant plus de récompenser un agent performant, elles portent atteinte à leur moral, l’agent peu performant, voire paresseux, étant récompensé.
42La législation a par ailleurs reconnu la légitimité d’activités extérieures rémunératrices qui peuvent présenter l’intérêt d’accroître l’expérience professionnelle, alors que, normalement, le fonctionnaire doit l’intégralité de son temps de travail à son service. Mais l’équilibre à trouver entre les deux types d’activités fait parfois problème. C’est encore là une question d’éthique.
43Si donc l’éthique des fonctionnaires est mise à mal par l’idéologie ambiante, les possibilités qu’ils ont de biaiser avec la déontologie de la fonction publique sont largement le fait du comportement « non éthique » de l’État en France dans la situation qu’il offre à ses propres agents. Au fond, il a légalisé la possibilité d’un comportement contraire à l’idéologie du service public et à la déontologie qui en découle. Vœu pieux sans doute, la priorité ne nous paraît pas dans l’élaboration de nouvelles règles et de nouveaux codes, mais dans une réflexion sur certaines pratiques, légales certes, mais parfois discutables de l’État. Éviter le laxisme des autorités hiérarchiques qui ne procèdent pas à un examen sérieux de la situation du candidat au pantouflage, réduire la durée d’exercice d’une activité privée par un agent public et faire qu’elle entraîne après un certain délai une démission automatique, reconnaître que la fonction publique est composée de métiers, rapprocher progressivement leurs rémunérations de celles du marché (en tenant compte de l’avantage considérable de la garantie d’emploi), etc.
- 44 K. Kernaghan, L’ère de l’éthique dans l’administration publique canadienne, Ottawa, Centre canadien (...)
44Depuis la fin des années 1970, on assiste à un double rapprochement. On a vu qu’en France, et vraisemblablement dans d’autres pays latins, les textes sur la déontologie qui, depuis longtemps, étaient censés assurer aux fonctionnaires un comportement éthique n’apparaissaient plus opérants. La réaction est allée dans une double direction : d’abord actualiser et renforcer la législation principalement sur les conflits d’intérêts et, parallèlement, commencer à mettre en place des codes de déontologie spécifiques à certaines professions. Dans certains pays anglo-saxons, le Canada par exemple, les gouvernements ont pris conscience que les ententes et les règles tacites ne suffisaient plus pour obtenir de la bureaucratie une conduite conforme à l’éthique. Ils se sont alors engagés dans la rédaction de codes, parfois de lois. C’est ainsi que le gouvernement canadien a édicté en 1985 un Code régissant les conflits d’intérêts et l’après-mandat s’appliquant à la fonction publique, bien que le groupe de travail qui l’avait préparé ait recommandé une loi44. Beaucoup de pays tendent donc à se retrouver sur les méthodes pour obtenir de l’éthique. Cependant, ces règles déontologiques de plus en plus formalisées sont souvent mal connues et les agents ne savent pas toujours la conduite à adopter pour avoir un comportement éthique. La formation peut aider à régler partiellement ce problème. Mais elle a ses limites car l’éthique est liée à la conception que la société se fait de l’État, d’où découle la conception de la fonction publique et donc la manière d’obtenir des agents publics un comportement éthique. Le besoin d’éthique est un symptôme d’une interrogation actuelle sur l’État et ses missions en ce début du vingt et unième siècle.
Notes
1 C. Vigouroux, Déontologie des fonctions publiques, Paris, Dalloz, 1995.
2 Voir « Le devoir d’État selon Jean Crasset (1675) », p. 11-19, dans G. Thuillier, La bureaucratie en France aux XIXe et XXe siècles, Paris, Economica, 1987.
3 Ces exemples sont pris dans J.-M. Eymeri, L’éthique dans le secteur public : l’accès des fonctionnaires à des activités privées, trente-cinquième réunion des directeurs généraux responsables de la fonction publique des États membres de l’Union européenne, 9-10 novembre 2000, Institut européen d’administration publique, p. 6-7.
4 Conseil de l’Europe, Le statut des agents publics en Europe, Strasbourg, Éditions du Conseil de l’Europe, novembre 1999 ; Le statut des agents publics en Europe, Recommandation no R (2000) 6 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, 24 février 2000, Strasbourg, Éditions du Conseil de l’Europe, juin 2000 ; Codes de conduite pour les agents publics, Recommandation no R (2000) 10 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe, 11 mai 2000, Strasbourg, Éditions du Conseil de l’Europe, janvier 2001.
5 Le colloque du 7 novembre 1996 qui s’est tenu à l’École nationale d’administration sur ce sujet apporte beaucoup d’éléments pour notre propos : « La déontologie du fonctionnaire », Cahiers de la fonction publique, numéro spécial (supplément au no 153), 1997.
6 Le terme « déontologie » n’apparaît que dans cinq paragraphes du traité de A. Plantey, La fonction publique (Paris, Litec), réédité de nombreuses fois depuis le début des années 1970.
7 P. Legendre, Histoire de l’administration de 1750 à nos jours, Paris, PUF, 1968, p. 538.
8 A. Darbel et D. Schnapper, Les agents du système administratif, Paris, Mouton, 1969.
9 J.-L. Bodiguel, « La socialisation des hauts fonctionnaires : les directeurs d’administration centrale », dans curapp, Haute administration et politique, Paris, PUF, 1986, p. 84.
10 Intervention de Mme Dorne-Corraze au colloque sur « La déontologie du fonctionnaire », Cahiers de la fonction publique, déjà cité, p. 35-36.
11 A. Supiot, « Introduction », p. 14 dans J.-L. Bodiguel, C.-A. Garbar et A. Supiot, Servir l’intérêt général, droit du travail et fonction publique, Paris, PUF, 2000.
12 P. Rosanvallon, L’État en France de 1789 à nos jours, Paris, Seuil, 1990, p. 59.
13 F. de Singly et C. Thélot, Gens du privé, gens du public. La grande différence, Paris, Dunod, 1988.
14 L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, Paris, E. de Boccard, 1927, p. 266.
15 C. Charle, Les hauts fonctionnaires en France au XIXe siècle, Paris, Gallimard, « Archives », 1980, p. 9.
16 Vivien, Études administratives, t. 1, Paris, Cujas, 1874 (3e éd.), p. 241.
17 Voir, entre autres, CURAPP, Variations autour de l’idéologie de l’intérêt général, 2e vol., Paris, PUF, 1978 et 1979, ainsi que CURAPP, Discours et idéologie, Paris, PUF, 1980.
18 « La déontologie du fonctionnaire », Cahiers de la fonction publique, déjà cité, p. 27.
19 J.-L. Bodiguel, « Les fonctionnaires en période de décroissance : moral, motivation et image », Politiques et management public, vol. 7, no 2, juin 1989, p. 59-79.
20 Ces références à des sondages viennent de ibid.
21 SOFRES, Les Français et le service public industriel et commercial, 1980, non publié.
22 Entretien avec une fonctionnaire de catégorie B habitant Paris, SOFRES, Le climat psychologique au sein de la fonction publique, étude qualitative, 1985, non publiée.
23 Voir J.-L. Bodiguel, « Les fonctionnaires en période de décroissance… », art. cité.
24 P. Rosanvallon, op. cit., p. 134.
25 J.-L. Bodiguel et M.-C. Kessler, « Les directeurs d’administration centrale », dans P. Birnbaum (dir.), Les élites socialistes au pouvoir, 1981-1985, Paris, PUF, 1985, p. 205-206.
26 Y. Mény, La corruption de la République, Paris, Fayard, 1992, p. 157.
27 J. Siwek-Pouydesseau, « La critique idéologique du management », Revue française de science politique, vol. 24, no 5, septembre 1974, p. 966-993.
28 A. A. Goldsmith souligne que tel outil managérial, la gestion stratégique, qui n’a guère eu de résultats dans le secteur privé, « ne paraît pas susceptible non plus d’engendrer des améliorations quantifiables dans le secteur public » (« Expérience du secteur privé en matière de gestion stratégique : récits édifiants pour l’administration publique », Revue internationale des sciences administratives, vol. 63, no 1, mars 1997, p. 42).
29 Voir l’analyse de F. Dreyfus, L’invention de la bureaucratie, servir l’État en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis (XVIIIe-XXe siècle), Paris, Découverte, 2000, p. 239-264.
30 J.-M. Eymeri, op. cit., p. 15.
31 « La déontologie du fonctionnaire », Cahiers de la fonction publique, déjà cité, p. 111.
32 Décret du 22 janvier 1990 relatif à l’évaluation de politiques publiques, Journal officiel, 24 janvier 1990, p. 951.
33 R. Passet, L’illusion néo-libérale, Paris, Fayard, 2000, p. 187.
34 J.-C. Tait, De solides assises, rapport du groupe de travail sur les valeurs et l’éthique de la fonction publique, Ottawa, Centre canadien de gestion, janvier 2000, p. 37.
35 Ibid., p. 50.
36 P. Kéraudren, Réforme administrative, éthique et transparence : entre efficacité et identité administratives, conférence annuelle du groupe européen d’administration publique, Strasbourg, 7-10 septembre 1990, non publié, p. 5-6.
37 R. Passet, op. cit., p. 189.
38 Décret du 17 janvier 1991 qui définit les activités privées qu’en raison de leur nature un fonctionnaire qui a cessé définitivement ses fonctions ou qui a été mis en disponibilité ne peut exercer ; loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (qui crée un service central de prévention de la corruption) ; décret du 17 février 1995 relatif à l’exercice d’activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions.
39 Parmi d’autres, voir l’analyse du pantouflage de Y. Mény, op. cit., chap. iii.
40 Titres pris dans le journal Le Monde et, pour le dernier, dans Le Point du 23 avril 1990.
41 Le Monde, 3 avril 1984.
42 J.-L. Bodiguel, « Le pantouflage comme mode de gestion », Cahiers de la fonction publique et de l’administration de l’État à la commune, no 147, juin 1996, p. 11-13 ; ce numéro contient tout un dossier sur le sujet.
43 Ces avantages sont strictement réservés aux membres des corps techniques. Un fonctionnaire administratif participant, de par ses fonctions, à ces travaux annexes n’en bénéficie pas.
44 K. Kernaghan, L’ère de l’éthique dans l’administration publique canadienne, Ottawa, Centre canadien de gestion, 1996, p. 8.
Haut de pagePour citer cet article
Référence électronique
Jean-Luc Bodiguel, « Pourquoi a-t-on tant besoin d’éthique ? », Éthique publique [En ligne], vol. 4, n° 1 | 2002, mis en ligne le 15 mai 2016, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethiquepublique/2476 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ethiquepublique.2476
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page