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La prévention en action

L’insuffisance de l’apprentissage culturel et éthique en gestion des risques

Thierry C. Pauchant et Daniel Parent

Résumés

Dans cet article, nous évaluons l’exécution actuelle des recommandations formulées après le déluge du Saguenay. L’étude de ce cas permet également d’analyser de façon critique la nouvelle loi au Québec sur la Sécurité civile, en la comparant aux avancées de l’éthique dite « postmoderne ». En regroupant ces recommandations en cinq catégories, il devient évident que leur exécution, plus de six ans après l’événement, reste surtout limitée à trois domaines spécifiques : les changements légaux, les changements technologiques et ceux qui sont reliés aux télécommunications. Nous verrons que ces changements n’ont pas encore touché en profondeur ni les problématiques stratégiques, ni celles relatives au tissu culturel, incluant les considérations éthiques. Sur la base d’une évaluation de la littérature existante, des études détaillées de cette crise et des entrevues conduites avec douze personnes qui connaissent bien ce dossier, nous avons identifié la nature des blocages qui sont à l’origine de ces manques d’apprentissage et nous proposons des stratégies de déblocage.

En s’appuyant sur un cas concret, cet article offre une lecture actuelle du manque d’intégration de considérations et de mesures éthiques dans le domaine de la gestion des risques et des crises. Il suggère en outre que les enjeux éthiques sont en compétition avec d’autres enjeux et que souvent la priorité est accordée à ces derniers.

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Texte intégral

  • 1 Sur cette question, on consultera P. Cazalis, A. Ouellet et T. C. Pauchant, Évaluation de l’interve (...)

1La problématique abordée dans cet article touche à la fois la définition que nous donnons des risques et des crises dans nos sociétés et aux méthodes que nous mettons en œuvre pour les prévenir ou mieux les gérer. Au lieu d’adopter un point de vue théorique, nous proposons une étude de cas, le déluge du Saguenay de juillet 1996. L’étude minutieuse de cet exemple est particulièrement intéressante pour la mise au jour des apprentissages que nous avons réalisés ou non collectivement depuis 1996 en matière de risques majeurs1. Elle permet en outre d’analyser de façon critique le contenu de la nouvelle loi sur la sécurité civile, fort attendue depuis l’événement et enfin promulguée au Québec en décembre 2001. Notre hypothèse est que l’on ne peut attribuer l’insuffisance de l’apprentissage au seul facteur du temps. Une longue période de six années s’étant écoulée, seuls des facteurs culturels et sociaux profonds peuvent expliquer cette insuffisance.

2La lecture de ce cas pourra paraître banale à ceux qui connaissent bien le domaine de l’éthique. Comme nous le montrerons, les déficits d’apprentissage révélés par cette catastrophe touchent en particulier les points mis en avant depuis une cinquantaine d’années par des éthiciens et des philosophes qui se sont, officiellement ou non, inspirés du courant postmoderne. Cet état de fait révèle l’important clivage actuel entre la réflexion éthique et la réalité concrète des sociétés. Résorber ce clivage, qui demandera des efforts de tous, est, à notre avis, une tâche urgente.

  • 2 Voir, par exemple, J. Derrida, Marges de la philosophie, Paris, Minuit, 1972 ; J.-F. Lyotard, La co (...)
  • 3 A. Beauchamp, Gérer le risque, vaincre la peur, Montréal, Bellarmin, 1996.

3Une vision postmoderne du monde comporte notamment une remise en question des croyances établies dans une société, fussent-elles religieuses, culturelles, scientifiques ou politiques2. Ces remises en question ont des implications majeures pour la gestion des risques et des crises. Cela inclut, par exemple, une méfiance envers des prévisions présentées comme « objectives », une attitude plus critique à l’égard de la science et la technologie, la volonté d’établir des relations nouvelles entre populations, experts et pouvoirs publics, ou le désir d’établir des procédures qui tentent de garantir des décisions équitables3.

  • 4 M. Heidegger, « La question de la technique », dans Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1958, (...)
  • 5 H. Jonas, Le principe responsabilité, Paris, Cerf, 1992, p. 13 ; H. Arendt, La condition humaine, P (...)
  • 6 K.-O. Apel, Discussion et responsabilité, Paris, Cerf, 1996, p. 15.
  • 7 M. Foucault, Histoire de la folie, Paris, « 10/18 », 1964, et Surveiller et punir, Paris, Gallimard (...)
  • 8 J. Habermas, Morale et communication, Paris, Flammarion, 1986, p. 125.
  • 9 D. Bohm, D. Factor et P. Garrett, Dialogue, a Proposal, Hawthorne Cottage, Broad Marson Lane, Micke (...)

4Il est aussi important de noter que tous les éthiciens et philosophes qui se réfèrent à des notions postmodernes (soit en les adoptant, soit en les critiquant) ont proposé des perspectives éthiques qui ouvrent des voies pour faire face à une condition relativement nouvelle dans nos sociétés : l’avènement du risque majeur dans différents domaines, incluant les dangers de l’énergie atomique, les risques du secteur biotechnologique ou les menaces envers la santé écologique de notre planète. Le point commun entre ces perspectives – parfois très différentes – consiste à éviter le fondationnalisme des éthiques formelles classiques. Par exemple, Martin Heidegger a sévèrement critiqué la culture technicienne, un thème cher à Simone Weil4. Hans Jonas, le père du « principe responsabilité », a dérivé son œuvre du fait que « la promesse de la technique moderne s’est inversée en menace », un thème aussi exploré par Hannah Arendt5. Karl-Otto Apel a proposé une « éthique de la discussion » dont le but est, « par-delà la responsabilité morale de l’individu […], d’organiser à l’échelle planétaire la responsabilité de l’humanité quant aux conséquences et aux effets secondaires de ses actes collectifs [scientifiques et technologiques]6 ». Michel Foucault, de son côté, a décrit les travers de la raison, un thème popularisé récemment par John Saul7. De même, Jürgen Habermas, le père de « l’éthique discursive », a suggéré, après avoir dénoncé la croissance du risque majeur dans nos sociétés, que « le principe d’une éthique de la discussion se réfère à une procédure qui consiste […] à honorer par la discussion des exigences normatives de validité8 ». Pour donner un dernier exemple, la voix d’un physicien de la théorie des quanta se mêlant à celles de philosophes, David Bohm a suggéré une « éthique du dialogue » comme « un moyen d’explorer les sources des crises multiples auxquelles fait face l’humanité aujourd’hui9 ».

  • 10 Une troisième branche de la philosophie, dont nous ne parlerons pas ici, l’esthétique, tente de dis (...)

5Il est très important de noter que tous tentent, chacun à sa manière, de retrouver un équilibre entre épistémologie et éthique. Ces deux piliers de notre culture sont pourtant de nature différente : la première tente d’établir ce qui est « vrai » et ce qui est « faux », la seconde, elle, poursuit la quête de la « bonne vie », distinguant entre les « bonnes » et les « moins bonnes » actions10. La science est encore à l’heure actuelle fortement dominée par la recherche du « vrai » : est considéré comme scientifique ce qui peut être prouvé de façon objective, si possible chiffres à l’appui. En organisation et dans la pratique de la gestion, la quête du « vrai » est de même souvent mesurée de façon financière : une activité « vraie » et « légitime » est celle qui est performante et qui rapporte.

  • 11 Première partie de la citation : M. Serres, « Nous entrons dans une période où la morale devient ob (...)

6Cependant, et vu la croissance concrète des risques majeurs, on tente de plus en plus d’établir un meilleur équilibre entre la quête du « vrai » et celle du « bien ». Le pari que nous avons fait au siècle des Lumières de « maîtriser la nature », par la raison, la science, la technologie, et maintenant l’économie, a été gagné. Nos prouesses scientifiques et technologiques et les dangers qu’elles recèlent nous acculent à la moralité, à la philosophie, à l’éthique. Cependant, ce nouvel équilibre ne renie en rien la quête du « vrai », mais tisse des liens entre cette quête avec celle du « bien ». Comme le dit Michel Serres, l’une des voix éloquentes sur ce sujet, « nous maîtrisons le monde et devons donc apprendre à maîtriser notre propre maîtrise. Voyez le retournement rapide des choses : que nous puissions faire ceci ou cela, nous devons, immédiatement, gérer cette faculté. Dominons-nous la planète ou la reproduction ? Alors aussitôt, nous devons décider, j’allais dire sagement, sous probables menaces, de tous les éléments de cette domination. Sans nous en apercevoir, nous sommes passés du pouvoir au devoir, de la science à la morale, et l’iceberg a pivoté. Exemple : Pourrons-nous choisir le sexe de nos enfants ? Que faire, alors, si les futurs parents choisissent tous ou des garçons ou des filles ? […] Oui, nous sommes acculés à la morale et à la philosophie ! […] La question “disons-nous vrai ?” converge vers la question “faisons-nous bien ?” À quels dangers de violence, de famine, de douleurs, de maladies, de mort… ces mondes nouvellement créés exposent-ils nos contemporains et leurs successeurs, les générations futures ? Le problème, épistémologique, du faux converge donc vers le problème, éthique, du mal. La loi “dis vrai” converge vers la règle “tu ne tueras point”11

7Si éthiciens, philosophes et scientifiques postmodernes ont proposé un certain nombre de nouvelles mesures qui tentent de retrouver un équilibre entre le « vrai » et le « bien », nous verrons également que les apprentissages que nous avons réalisés collectivement depuis le déluge du Saguenay n’incluent que timidement ces nouvelles mesures, demeurant fortement enracinés dans la recherche de ce qui est considéré comme « vrai » et « performant ». Afin de mesurer ce décalage, il nous faut analyser rigoureusement le cas.

Rappel du cas et méthodologie

  • 12 M.-U. Proulx (dir.), op. cit. ; D. Parent, op. cit.

8Les pluies diluviennes et les inondations qui ont ravagé les régions du Saguenay, du Lac-Saint-Jean, de la Côte-Nord, de Charlevoix et de la Haute-Mauricie en juillet 1996 sont parmi les plus dévastatrices à avoir frappé le Québec aux cours des dernières années. Même si ces inondations n’ont pas eu l’ampleur de certaines autres catastrophes vécues dans le monde, le bilan de ce sinistre fut lourd pour le Québec : dix morts, plus de seize mille personnes évacuées, quatre cent vingt-six résidences principales détruites et plus de deux mille endommagées. Les coûts ont été évalués à plus d’un milliard de dollars, sans compter les multiples traumatismes psychosociaux qu’il a occasionnés12.

  • 13 R. Nicolet et al., Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages, Québec, Public (...)

9Vu l’ampleur de ce sinistre, le gouvernement du Québec a décidé d’étudier ses causes en détail et d’y voir une occasion d’apprendre et de changer. Roger Nicolet a ainsi présidé une commission scientifique et technique sur la gestion des barrages, et Pierre Cazalis, Aubert Ouellet et Thierry Pauchant ont mené une étude sur la gestion administrative de l’événement13. Ces deux études ont proposé un total de cent neuf recommandations de changements au printemps 1997. Malheureusement, aucune modalité ne fut établie pour évaluer l’application de ces recommandations.

  • 14 T. C. Pauchant et I. I. Mitroff, La gestion des crises et des paradoxes. Prévenir les effets destru (...)

10Afin de procéder à cette évaluation, nous avons synthétisé les recommandations, soixante-neuf provenant de l’étude technique et quarante de l’étude administrative, en trente-quatre recommandations, et les avons regroupées en cinq catégories générales. Ces catégories regroupent les actions visant la prévention et la gestion des sinistres et des crises et touchent des domaines d’activités qui sont à la fois différents et complémentaires14 : 1. Les changements réglementaires et légaux ; 2. L’utilisation de nouvelles technologies et infrastructures ; 3. La gestion de l’information et des communications ; 4. Les orientations stratégiques des organisations et leurs relations avec d’autres organisations et leur environnement ; 5. Les changements touchant le tissu psychosocial des personnes, des organisations et de la société, incluant les problématiques éthiques.

11Après avoir constitué cette grille d’analyse, nous l’avons soumise à douze personnes qui connaissent bien le dossier du déluge du Saguenay, ainsi que les changements effectués ou non depuis ce sinistre. Dans les entrevues, nous avons demandé d’évaluer l’état de l’exécution des trente-quatre recommandations, de suggérer les principaux blocages qui, d’après eux, sont à l’origine du défaut de mise en œuvre de certaines recommandations et de proposer des stratégies de déblocage. Nous reprenons cette structure ci-après en présentant une par une chacune des cinq catégories de recommandations. Les personnes que nous avons interrogées ont eu l’occasion de commenter une version préliminaire de cet article. Les conclusions que nous en tirons, cependant, n’engagent que nous et nous avons préféré protéger l’anonymat de nos informateurs, certains occupant des postes importants.

Changements réglementaires et légaux

12Le projet de loi 173, intitulé Loi sur la sécurité civile, a été adopté le 19 décembre 2001. Cette nouvelle loi fait partie d’un plan d’action gouvernemental qui vise à coordonner les efforts en matière de sécurité incendie (projet de loi 112 sur la sécurité incendie adopté au mois de juin 2000) et de sécurité publique (projet de loi 19 concernant l’organisation des services policiers adopté le 21 juin 2001) dans un contexte global de réforme municipale (projet de loi 124 modifiant la loi sur l’organisation territoriale municipale). Certains aspects de la nouvelle loi sur la sécurité civile répondent positivement aux attentes des intervenants en sécurité civile et constituent un pas de plus vers la réorganisation municipale promise il y a plusieurs années déjà. La Loi sur le régime des eaux a aussi franchi une étape importante lorsque le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement a déposé en mai 2000 un volumineux rapport devant orienter la future politique de gestion de l’eau au Québec. Ce rapport a été déposé presque en même temps que la Loi sur la sécurité des ouvrages de retenue des eaux, adoptée le 23 mai 2000.

13Les recommandations visant la création d’une autorité responsable de la sécurité des barrages et l’adoption d’une législation particulière pour les barrages et les digues orphelins ont été précisées lors du dépôt du projet de la Loi sur la sécurité des ouvrages de retenue des eaux. Il fut déterminé que le ministère des Eaux et Forêts garderait la responsabilité de l’application de la loi.

14Enfin, la recommandation qui consiste à renforcer la législation reliée à l’aménagement du territoire n’a pas progressé de façon très significative depuis juillet 1996 à cause notamment de l’incertitude provoquée par les restructurations municipales. Les personnes rencontrées estiment de plus que l’abandon du programme de cartographie des zones inondables par les deux ordres de gouvernement et le manque de précision de certaines parties de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme sont en partie responsables de la situation. Cette réglementation est en outre difficile à appliquer et n’a pas toujours le soutien des élus. Bien souvent, ces derniers peuvent difficilement refuser les offres de promoteurs qui envisagent des projets immobiliers le long de cours d’eau ou ne peuvent remettre en question certains droits acquis de propriétaires riverains qui veulent reconstruire leur résidence au même endroit. Cette situation a fait dire à un interlocuteur, de façon ironique : « On n’aide pas ceux qui voudraient se déplacer, mais plutôt ceux qui seront engloutis. »

15Les personnes rencontrées ont invoqué différentes raisons qui contribuent à expliquer certains délais relatifs au dépôt de ces différentes lois ainsi que leurs limitations. Par exemple, les fréquents remaniements à la tête du ministère de la Sécurité publique, les nombreux changements de personnel dans des postes clés en matière de sécurité civile, l’objectif d’un déficit zéro, les nombreuses compressions budgétaires, les répercussions de la tempête de verglas de 1998, etc. D’autres ont aussi souligné la complexité des dossiers à traiter. Par exemple, pour ce qui est de la révision de la Loi sur le régime des eaux, si elles considèrent que ce qui a été proposé jusqu’à présent est en principe accepté, le nombre considérable d’intervenants et le fait que la problématique se soit élargie au captage des eaux souterraines sont venus complexifier le dossier. Selon elles, aussi bien le ministère des Eaux et Forêts que le ministère des Ressources naturelles ne semblent pas réellement pressés d’en arriver à une politique définitive.

16Trois stratégies de déblocage ont été suggérées comme pouvant faire avancer ces dossiers. En premier, de nombreux interlocuteurs pensent que l’introduction concrète de changements est de nature stratégique, menant à l’intégration véritable de considérations d’aménagement du territoire à celles de sécurité civile. D’après eux, des changements réels ne pourront être effectifs que si, d’une part, certaines catégories d’édifices, d’installations ou d’aménagements sont interdites dans les zones inondables et si, d’autre part, l’aide gouvernementale n’est pas obligatoirement disponible lorsque des inondations affectent de nouvelles installations construites dans ces zones. De plus, ils estiment que le fait de renforcer une législation ne règle pas tous les problèmes et que les changements demanderont une sensibilisation du public et des élus. « On doit dépasser l’approche paternaliste où l’on traite le monde comme des enfants. Il faut que les gens et les municipalités se prennent en main. L’aménagement du territoire, on doit s’en rendre compte, c’est important. » En second lieu, certains considèrent que seule une vision intégrée de la problématique de la gestion des ressources hydriques permettrait des changements majeurs. Même s’ils déplorent que cette intégration fasse encore défaut, plusieurs sont d’avis que le projet de loi sur la sécurité des ouvrages de retenue des eaux clarifie plusieurs interrogations, par exemple, celles concernant les normes de conception, d’exploitation, de maintenance et de surveillance des ouvrages, l’intégration des effets de chaque ouvrage sur l’ensemble du bassin et la création d’une unité autonome de gestion responsable de l’application de la loi.

  • 15 R. Nicolet et al., Pour affronter l’imprévisible. Les enseignements du verglas de 1998, Commission (...)
  • 16 T. C. Pauchant et I. I. Mitroff, op. cit.

17Enfin, la majorité sont d’avis que les travaux de la commission sur la tempête du verglas, présidée elle aussi par M. Nicolet15, ont permis d’entamer un débat sur le rôle et les moyens qui doivent être mis en place, par le gouvernement du Québec, afin d’assurer la sécurité des citoyens. À leur sens, la population semble plus exigeante envers les décideurs après la tempête du verglas qu’elle ne l’avait été après les inondations du Saguenay. Certains pensent que l’effet cumulatif de ces deux sinistres permet à la population en général de mieux se rendre compte que « la haute technicité de notre société actuelle est aussi porteuse de problèmes », nécessitant des changements de politiques, eux-mêmes fondés sur des changements culturels, incluant une vision éthique des risques et des crises. Cependant, bien que la nouvelle loi sur la sécurité civile ait été présentée comme la réponse du gouvernement du Québec aux recommandations du rapport Nicolet relatif à la tempête du verglas et aux deux rapports du déluge du Saguenay, nous sommes encore fort loin de cet objectif. Sans vouloir être pessimiste, il semble que l’un des déblocages les plus efficaces en matière de gestion éthique des sinistres soit l’expérience répétée de sinistres majeurs ! Cette constatation a été confirmée par une étude portant sur cent dix gestionnaires qui ont affirmé qu’un réel effort dans le domaine ne peut s’effectuer qu’après « l’expérience personnelle de plusieurs crises majeures16 ».

Utilisation de nouvelles technologies et infrastructures

18La recommandation visant à localiser les centres de coordination suivant les vulnérabilités locales et celle visant à déterminer des immeubles pouvant servir à des fins de sécurité civile à l’intérieur des municipalités ont quelque peu progressé. Certains progrès ont été accomplis dans plusieurs régions du Québec, notamment dans les municipalités de taille moyenne et dans la région de Montréal. « La plupart du temps, dans les petites localités, les centres de coordination ne sont pas réellement équipés. On a prévu l’hôtel de ville, l’école, mais il n’y a pas d’équipements spécifiques, pas de génératrice, pas de moyen de télécommunication ou d’informatique », dit l’un de nos interlocuteurs. Plusieurs considèrent que cette lenteur s’explique par le manque de ressources financières pour ce type d’investissements et le manque de volonté politique.

19La recommandation qui suggère d’établir au Québec une cartographie des zones homogènes de vulnérabilité par la géomatique a progressé sensiblement à la Sécurité civile, après les inondations du Saguenay. Quelques expériences ont été réalisées, entre autres, pour le risque de panne électrique lors de la crise du verglas. Mais pour de nombreuses personnes interrogées, ces progrès sont encore timides. « La géomatique devrait connaître un essor considérable au cours des prochaines années. Nous devons prendre le leadership dans ce domaine et y investir d’avantage. »

20La recommandation portant sur l’inspection des systèmes d’évacuation des ouvrages de retenue des eaux est incluse dans la Loi sur la sécurité des ouvrages de retenue des eaux. « En pratique, le ministère des Eaux et Forêts utilise de façon plus rigoureuse les normes. Cette pratique est maintenant garantie par un encadrement législatif et réglementaire satisfaisant. »

21Pour les personnes que nous avons rencontrées, une stratégie de déblocage serait d’utiliser des infrastructures déjà existantes en les modifiant pour des fins de sécurité civile, réduisant ainsi considérablement les coûts d’investissement. L’approche préconisée par la Sécurité civile consiste à repérer des endroits ou des sites existants qui s’adaptent facilement ou qui sont déjà dotés de services indispensables, comme un centre de congrès ou un grand hôtel, plutôt que de bâtir des centres dans des sites prédéterminés. Cette approche pourrait être utilisée de façon flexible, aussi bien pour les centres de coordination régionaux et municipaux que pour tout autre centre de soutien, tels les centres d’hébergement, de réception et de distribution de biens matériels et d’entreposage.

22De façon générale, on estime qu’au Québec l’utilisation des nouvelles technologies à des fins de sécurité civile reste à l’état embryonnaire. Seules quelques expériences en géomatique ont été réalisées.

23De nombreux interrogés suggèrent que le développement de ces technologies demande la collaboration de partenaires multiples. Des initiatives qui semblent prometteuses sont, par exemple, celle conduite par le Centre de sécurité civile de Montréal sur la problématique d’écrasement d’avions, réalisée en collaboration avec le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, ou celle concernant les inondations, réalisée en collaboration avec l’université du Québec à Montréal. Ils sont également nombreux à estimer que seule une structure intermunicipale de taille suffisante permet de mener à bien de tels projets dans l’ensemble des régions du Québec. « Quand il n’y a pas d’entité à une échelle intermunicipale formellement organisée, avec du personnel à plein temps, il est inutile de penser qu’il va y avoir quelque chose de sérieux de fait en matière de sécurité civile. »

Gestion de l’information et des communications

24Les trois premières recommandations de cette catégorie ont eu des échos mitigés depuis le déluge du Saguenay. La première, qui vise la mise sur pied au Québec d’un service central d’alerte et de traitement de l’information, a été implantée. Ce travail est maintenant accompli par un personnel qualifié et à plein temps. L’utilisation des données météorologiques cumulées à des fins de sécurité civile, elle, n’a cependant pas connu beaucoup de développement. Un de nos interlocuteurs a relevé qu’il manque actuellement un système qui permettrait de collecter et d’utiliser concrètement ces données à des fins de sécurité civile. Enfin, le projet de développer un réseau intégré de moyens et de services d’urgence en télécommunication n’a pas vraiment progressé malgré l’intérêt qu’on lui avait porté après les inondations. Malgré les efforts considérables qui ont été investis, entre autres par le projet gouvernemental de développement et d’implantation au Québec d’un réseau intégré de moyens et de services d’urgence en télécommunication (projet MSUT), les coûts financiers substantiels et le nombre élevé d’intervenants aux intérêts souvent divergents sont venus à bout de la bonne volonté qui s’était manifestée après le déluge. « La technologie existe, les compagnies sont prêtes à mettre des choses sur pied, mais il n’y a pas encore de volonté politique. »

25Les trois recommandations suivantes – inviter les partenaires essentiels pour chaque type de sinistre au sein des centres de coordination, instaurer des conférences quotidiennes de coordination et d’information en période de crise, disposer de centres de presse et de communication – ont été en majeure partie concrétisées. On a suggéré que ces changements ont été rendus possibles en raison de leur faible coût. « L’intégration des partenaires au sein des centres de coordination n’est pas une question d’argent mais plutôt une question de bonnes relations et de volonté de s’intégrer à l’organisation des mesures d’urgence. » Une ombre à ce tableau semble être liée, dans un grand nombre de cas, à un manque de coordination intermunicipale. « Lorsque l’on parle de décision de terrain, les municipalités ne se parlent pas encore tout à fait. La Sécurité civile est souvent obligée de faire le lien entre elles. » De plus, la recommandation de désigner des personnes différentes du personnel de coordination pour l’accompagnement des responsables politiques a provoqué des réactions diverses. Pour certains, il est essentiel de conscientiser les élus, pour d’autres, on s’interroge encore sur le bien-fondé de standardiser ce processus.

26La recommandation ayant trait à la nécessité de mettre au point des moyens afin de communiquer d’une manière efficace avec les citoyens en période de crise n’a pas non plus progressé. Cela s’explique en partie par le fait qu’il est habituellement difficile de communiquer avec des populations sinistrées et souvent isolées. De façon générale, une bonne part de la population du Québec semble favorable à la procédure habituelle de visite des domiciles par les pompiers ou les policiers lors d’inondations. Cependant, l’ampleur du territoire touché lors de la tempête du verglas est venue remettre en question cette façon habituelle de procéder, d’autant plus qu’un grand nombre d’intervenants étaient eux-mêmes sinistrés. « On a réellement tenté, durant la crise du verglas, de joindre le plus de monde possible. Mais pour faire encore plus, il aurait fallu avoir plus de monde et plus de ressources financières. »

27La recommandation de traiter la phase de rétablissement avec le même sérieux que les autres phases semble avoir été entendue. Cependant, plusieurs interrogations subsistent au sujet du processus d’indemnisation financière, malgré les nouvelles dispositions prévues par la loi. Si certains sont ouverts au recours à des décrets par le gouvernement, suivant la spécificité de chaque sinistre, d’autres dénoncent le caractère pervers de telles mesures. On a par exemple déclaré : « Les citoyens qui sont victimes deviennent rapidement des sinistrés et développent un comportement de sinistrés aussitôt qu’on les considère comme tels. »

28Enfin, la recommandation de dresser et de tenir à jour un répertoire complet des ouvrages de retenue des eaux était une condition préalable à l’adoption de la Loi sur la sécurité des ouvrages de retenue des eaux. Cet inventaire a été réalisé par le ministère des Eaux et Forêts au coût de 2,8 millions de dollars, et on attend les résultats du règlement relatif à l’application de la loi pour évaluer le sérieux du suivi de cet inventaire.

29Plusieurs stratégies de déblocage ont été suggérées afin d’accroître la concrétisation des recommandations dans cette catégorie d’intervention. Afin de resserrer davantage les liens de collaboration entre les intervenants et les partenaires, on suggère de multiplier les possibilités d’échange entre eux. Pour y parvenir, certains proposent d’utiliser différents mécanismes, tels que l’accroissement de la formation dans le domaine, l’ajout de plusieurs ministères et partenaires au sein du Comité de sécurité civile du Québec, l’organisation de simulations d’urgence engageant divers intervenants et partenaires, et finalement la mise à contribution des conférences administratives régionales qui existent dans les diverses régions administratives du Québec. « En matière de sécurité civile, comme dans d’autres domaines, politiques ou ailleurs, la collaboration est primordiale. Là où les personnes se connaissent, elles sont complices et elles s’aident. »

30Cette collaboration est également primordiale pour assurer la communication avec les citoyens. De nombreux interlocuteurs proposent que la responsabilité de cette communication n’incombe pas seulement aux organisations publiques, mais qu’elle requière de plus la collaboration de multiples partenaires, entreprises privées, chaînes de télévision, radios communautaires, etc., ainsi que l’organisation de visites personnelles, la possibilité de produire et de distribuer des brochures, etc. Ils notent que la nouvelle loi sur la sécurité civile vise surtout le gouvernement et les organisations publiques sans grande intégration des autres partenaires, bien que les générateurs de risques soient maintenant tenus de déclarer leurs risques à la population et d’adopter des mesures de prévention et de préparation.

31Concernant la mise sur pied d’un système de télécommunication indépendant du système traditionnel, on note que la mise en place d’un tel réseau nécessitera l’engagement politique du gouvernement, vu l’ampleur des investissements requis. Les personnes interrogées sont nombreuses à croire que la création d’un tel système ne s’effectuera pas avant l’émergence d’autres sinistres d’envergure au Québec.

32Enfin, plusieurs attendent l’application de la loi sur la sécurité civile afin de voir comment sera instauré le processus d’alerte et de mobilisation. Ils affirment, cependant, que ce processus devra comporter prioritairement la préparation du personnel au niveau local.

Orientations stratégiques des organisations et leurs relations avec d’autres organisations et leur environnement

33L’organisation des efforts de sécurité civile selon les vulnérabilités locales et régionales a quelque peu progressé depuis les inondations du Saguenay. Des expériences concluantes ont été réalisées dans des cas isolés, par exemple à Bécancour, pour le risque nucléaire, dans la Beauce, pour le risque d’inondation, à Asbestos, pour le risque technologique. Les personnes interrogées ont noté que connaître ces vulnérabilités est fort complexe dans la mesure où ces connaissances découlent elles-mêmes de connaissances préalables du territoire, des ressources disponibles et des risques potentiels, présents et futurs, ainsi que de nombreux autres facteurs. En outre, « l’effort de la sécurité civile, quand on parle de vulnérabilité locale ou régionale, devrait se matérialiser davantage en termes de ce que l’on doit faire pour prévenir ou atténuer l’effet des sinistres potentiels. Le gouvernement devrait être prêt à investir beaucoup plus de moyens au niveau de la prévention. »

34On salue le fait que le fonds d’indemnisation des victimes en cas de sinistre soit en place actuellement. Cependant, certains suggèrent qu’il ne devrait pas être exclusivement réservé à l’indemnisation des victimes, mais qu’il faudrait aussi inclure des ressources financières destinées à nourrir des efforts de prévention, de formation et de développement de la culture en sécurité civile.

35Les mêmes préoccupations financières concernent le renforcement des moyens de la sécurité civile au Québec. « Les réductions et compressions budgétaires dans la fonction publique se sont appliquées à la sécurité civile comme ailleurs, démontrant qu’elle n’est pas considérée comme une priorité nationale. » On note pourtant une légère augmentation du nombre de conseillers en sécurité civile, mais déplore le statut précaire de certains de ces postes et l’insuffisance de leur nombre.

36La recommandation visant à regrouper les efforts de sécurité civile à des niveaux plus régionaux, comme les municipalités régionales de comté, les zones homogènes de risque, les zones industrielles, les bassins versants, ainsi que celle portant sur le développement de plans d’urgence à ces niveaux régionaux, ont fait quelques progrès ces dernières années. La perspective de n’avoir qu’une centaine d’interlocuteurs sur le territoire du Québec, au lieu des mille quatre cents municipalités, comme c’était le cas auparavant, risque, à terme, de réduire les problématiques politiques et culturelles observées tant au niveau des municipalités qu’au niveau du gouvernement.

  • 17 Ibid., p. 106.

37La recommandation qui vise à prévoir un titulaire et deux substituts pour chaque poste a progressé sensiblement au niveau des institutions gouvernementales, mais son application est encore fort inégale dans les municipalités. Un interlocuteur estime que ce manque d’actualisation s’explique en grande partie par deux croyances tenaces, celle que « les sinistres n’arrivent pas chez nous » et celle que « si quelque chose arrive, le gouvernement va nous sauver ». Ces deux convictions sont d’ailleurs reconnues comme étant deux des plus communes et des plus contraignantes pour le développement d’efforts en sécurité civile et gestion des crises17.

38Certains progrès ont été constatés à propos de la nomination d’organisations habilitées à recueillir et à distribuer les dons en argent et en nature, ainsi qu’à propos de l’élaboration d’ententes types entre les divers intervenants. Si certains félicitent la Sécurité civile d’avoir signé des protocoles d’entente avec plusieurs partenaires, d’autres déplorent le manque d’intégration existant encore à l’échelle de la province.

39Enfin, la recommandation portant sur la création des « comités de bassin » a été concrétisée avec la création de quelques comités dans certaines régions du Québec. Certains considèrent que des expériences pilotes se sont déroulées de manière satisfaisante au Saguenay, entre autres le comité de bassin de la rivière Chaudière ou celui du réservoir Kénogami, et que ces exemples devraient entraîner la mise sur pied d’autres comités à travers le Québec. Ils sont cependant d’avis que ces organismes puissent bénéficier de ressources financières suffisantes pour pouvoir continuer leurs activités de prévention et d’éducation des populations riveraines.

40D’après les personnes interrogées, plusieurs stratégies de déblocage pourraient être adoptées afin de faire avancer la concrétisation de ces recommandations. L’organisation de l’effort de sécurité civile selon les vulnérabilités locales et régionales potentielles semble transparaître d’avantage dans la nouvelle législation en matière de sécurité civile. D’après nos interlocuteurs, la nouvelle loi s’oriente dans cette direction. Cependant, ils considèrent important de promouvoir, dans la population en général et chez les élus en particulier, une meilleure compréhension de la notion de vulnérabilité locale et régionale, et ce par l’entremise de séances de consultation, de débats publics, de projets pilotes, de séances de formation ou des études sur des risques spécifiques et les moyens d’intervention et d’atténuation.

41D’autres proposent de s’inspirer de systèmes qui ont fait leurs preuves dans d’autres pays. Par exemple, la France a réussi à créer un fonds spécial de sécurité civile pour l’indemnisation des sinistrés ainsi que pour le financement d’activités de prévention, de formation et de recherche, grâce à une contribution de 9 % prélevée sur les contrats d’assurances.

42Enfin, on a proposé de combiner les philosophies de centralisation et de décentralisation au lieu de favoriser une seule tendance au détriment des autres. Cela est particulièrement important pour le regroupement des municipalités afin d’optimiser les efforts en sécurité civile. « La loi va permettre une responsabilité de coordination régionale sans enlever la responsabilité aux municipalités et aux maires ou aux coordonnateurs municipaux. Cela permettra d’avoir une plus grande flexibilité dans l’organisation. »

Changements touchant le tissu psychosocial et l’éthique des personnes, des organisations et de la société

43Les trois premières recommandations de cette catégorie, considérées comme fondamentales par la majorité des personnes rencontrées, ont été très peu suivies depuis le déluge. Qu’il s’agisse d’instituer un débat public sur la place que devrait prendre la sécurité civile dans la société, de développer une véritable « culture de sécurité civile » dans la population en général, ou d’informer et d’éduquer régulièrement la population sur les risques de son environnement, la nouvelle loi sur la sécurité civile reste silencieuse. Tout au plus affirme-t-on dans l’article 5 que « toute personne doit faire preuve de prévoyance et de prudence à l’égard des risques ». Cependant, les modalités de ce souhait ne sont pas explicitées, et aucun moyen, ni structurel ni culturel ni financier, n’est précisé. Si certains se félicitent que la nouvelle loi admet, au moins en principe, la nécessité de développer une « culture de sécurité civile », ils attendent encore des politiques précises sur ce sujet et ils s’interrogent sur les acteurs qui devraient prendre l’initiative sur ces questions. Qui du gouvernement, des municipalités, des entreprises privées ou publiques ou des citoyens eux-mêmes devrait prendre cette responsabilité ? Déplorant le manque de débat public sur ces questions et le manque de volonté politique d’instaurer un tel débat, on a déclaré : « Il est difficile d’instituer un débat public sur cette question en dehors d’un contexte de sinistre. »

44Les deux recommandations qui portent sur la réévaluation des orientations, des contenus et de la pédagogie des programmes actuels de formation en sécurité civile et sur l’établissement d’un profil de compétences des conseillers en sécurité civile n’ont pas non plus évolué depuis six ans. Certains suggèrent de revoir les programmes de formation afin qu’ils répondent davantage aux besoins des intervenants, d’améliorer leur flexibilité et leurs modalités d’accès, d’étudier les stratégies de financement de ces programmes et d’implanter des modalités qui leur permettront d’accroître le nombre de formateurs. Tout au plus, la nouvelle loi sur la sécurité civile attribue ces responsabilités au ministre de la Sécurité publique.

45Enfin, la recommandation qui vise à soutenir les projets de recherche et de développement dans le domaine de la sécurité civile a très peu progressé malgré deux sinistres majeurs au cours des dernières années. Plusieurs jugent que ces déficiences proviennent d’un manque de direction et de moyens financiers. Comme l’a déclaré l’un d’eux : « On ne peut penser investir dans la recherche alors que nous avons des difficultés financières dans nos propres programmes de fonctionnement. » De nouveau, la nouvelle loi sur la sécurité civile ne prévoit aucune innovation dans ce domaine, s’en remettant aux décisions qui devront être prises par le ministère de la Sécurité publique.

46Les personnes que nous avons interrogées ont suggéré plusieurs stratégies de déblocage afin de faciliter l’application de ces recommandations. Pour elles, instituer une véritable culture de sécurité civile qui favorise la sensibilisation et l’éducation de la population et des organisations sur les risques potentiels n’est possible que par l’entremise d’un processus graduel et continu. Cela devrait s’accompagner d’une responsabilisation et d’une sensibilisation de tous, tant au niveau des instances gouvernementales et municipales qu’à celui des divers organismes publics, des entreprises privées et de la population en général. Plusieurs proposent de profiter des retours d’expérience sur les sinistres vécus ou les « quasi-sinistres », dans le but de mener le débat sur la place publique. D’autres de mettre en place une approche sociétale, semblable à celle adoptée par la Régie de l’assurance automobile du Québec pour l’alcool au volant ou à celle des programmes de prévention des incendies. D’autres encore ont aussi insisté sur la nécessité d’introduire les problématiques de sécurité civile dans les programmes d’enseignement, au primaire, au secondaire, dans les collèges et dans les universités, ce qui demanderait la mise au point d’un matériel didactique approprié et le recrutement de formateurs compétents. Quelques tentatives louables de sensibilisation ont été réalisées auprès des enfants d’âge scolaire, soit par la mise sur pied d’un site internet qui leur a été dédié ou par des projets spéciaux dans les écoles. Certains souhaitent accroître la diffusion de notions en sécurité civile par le biais de documents destinés au grand public, écrits ou vidéos, diffusés avec la coopération des médias. Et il y en a enfin qui souhaitent la création au Québec d’un organisme de recherche dédié à la gestion, à la prévention et à l’apprentissage des sinistres et des crises. Le rôle de cet organisme serait de devenir un « centre structurel et virtuel » pour la recherche, le développement et la formation en sécurité civile, et cela en collaboration avec les nombreuses entreprises, organisations, organismes, institutions et universités qui travaillent déjà dans le domaine au Québec, au Canada et à l’étranger.

  • 18 E. Morin, « Pour une crisologie », Communications, no 25, 1976, p. 149-163.

47Une hypothèse soulevée par certains est que le peu de moyens attribués à la « culture de sécurité civile » provient aussi d’un manque relatif de connaissances en « culture du risque » chez certaines des personnes qui ont préparé le texte de la nouvelle loi, et chez certaines autres personnes qui ont voté à l’Assemblée nationale. Ce manque de connaissances de la « culture du risque » transparaît, par exemple, dans la définition des « phases » d’actions à développer face aux risques, aux sinistres et aux crises, retenue dans le texte de loi. Ce texte répertorie quatre phases majeures, la prévention, la préparation des interventions, les interventions en situation de sinistre et le rétablissement. Il est notable que cette définition n’inclut pas une phase d’apprentissage. Cette cinquième phase, qui touche les quatre précédentes, a été proposée comme une stratégie obligatoire face à des enjeux complexes, ce que sont sans aucun doute les sinistres et les crises. Dans cette optique, les crises ne sont pas vues seulement comme négatives, mais aussi comme permettant à un système d’apprendre de ses – douloureuses – expériences. Ainsi, d’après Edgar Morin, les crises sont aussi un révélateur de la réalité et un effecteur potentiel de changement, malgré leurs aspects négatifs18. Ces aspects révélateurs et effecteurs permettent potentiellement non seulement à un système « le rétablissement de la situation après le sinistre », comme le suggère le texte de la loi, mais aussi la transformation de ce système lui-même.

  • 19 T. C. Pauchant et I. I. Mitroff, op. cit.

48Cette transformation peut notamment s’effectuer par de nouvelles stratégies qui mènent beaucoup plus loin qu’au seul rétablissement, par exemple l’arrêt de production d’une technologie (comme dans le cas des gaz CFC), ou la modification structurelle de la production d’une technologie (comme dans le cas de l’amiante). Bien que le texte de la nouvelle loi ne soit évidemment pas opposé à l’apprentissage, il est cependant notable qu’il ne stipule ni qu’une enquête ou une recherche scientifique soient conduites après l’occurrence de chaque sinistre majeur, ni qu’une analyse rigoureuse des changements qui ont eu lieu et ceux qui n’ont pas eu lieu après un temps donné soit entreprise. Cela aurait laissé entendre qu’on avait compris que, face à des enjeux complexes, on ne peut pas seulement tenter de prévenir ou de planifier, il faut aussi apprendre et, parfois, de façon radicale. De même, le texte de la loi ne prévoit pas le transfert des connaissances entre organisations, ce qui aurait facilité l’apprentissage collectif. Enfin, cette nouvelle loi ne recommande en aucune manière la conduite d’exercices ou de simulations, qui sont des stratégies particulièrement riches pour l’apprentissage dans un environnement complexe. Certains auteurs ont d’ailleurs suggéré qu’il existe trois « générations » de gestion des crises et des sinistres19 : la première génération est réactive, réagissant à l’occurrence de sinistres ; la seconde est, de plus, préventive, comme exprimé dans le texte de la nouvelle loi ; et la troisième – la plus complexe – ajoute aux deux premières l’apprentissage de la complexité elle-même.

49Ce manque relatif de connaissances en matière de « culture de risque » et « culture de la complexité » est aussi particulièrement visible dans la nature des risques proposés dans le texte de loi. Chose positive, celle-ci oblige maintenant dans son article 8 les générateurs de risques de sinistres majeurs à déclarer ces risques aux municipalités locales où la source des risques se situe. Cette mesure a été rendue obligatoire aux États-Unis dès 1988. Cependant, la loi stipule que cette déclaration doit, pour le territoire qui peut être affecté, décrire les conséquences prévisibles d’un sinistre. Cette insistance sur un territoire donné et sur la prévisibilité suggère l’absence d’une réelle intégration d’une culture de risque. En premier lieu, l’expérience de sinistres majeurs démontre que leurs effets ne sont pas confinés à des territoires prédéfinis. Événements complexes par excellence, mettant en interrelation de multiples variables – biologiques, géologiques, géographiques, météorologiques, technologiques, politiques, sociales, etc. –, on ne peut aujourd’hui simuler leurs effets réels. Par exemple, d’après cette loi, Hydro-Québec aurait dû avertir la quasi-majorité des municipalités du Québec avant la tempête de verglas ; de même, les opérateurs de la centrale atomique de Tchernobyl auraient dû avertir des centaines de milliers de municipalités de par le monde de la possibilité du passage de nuages radioactifs !

50On peut aussi se demander qui avertir pour les risques inhérents à la biotechnologie.

51Pour les mêmes raisons de complexité, on ne peut aujourd’hui dicter quelles seront les conséquences exactes et prévisibles d’une crise majeure. Qui aurait pu prédire les conséquences multiples d’un événement tel que l’attaque terroriste du World Trade Center ? La « gestion de l’imprévisible » est justement le point fondamental dans la gestion, la prévention et l’apprentissage des crises et des sinistres majeurs. Ne pas comprendre ce point revient à confondre les domaines de l’épistémologie et de l’éthique, du « vrai » et du « bien », un sujet que nous avons déjà abordé dans l’introduction de cet article.

Une question éthique

  • 20 K.-O. Apel, op. cit. ; A. Beauchamp, op. cit.; J. Habermas, De l’éthique de la discussion, Paris, F (...)
  • 21 J. Russ, La pensée éthique contemporaine, Paris, puf, « Que sais-je ? », 1994.

52Il est important de noter que peu de personnes conçoivent encore actuellement que la nature ultime de la gestion des risques et des crises relève du domaine de l’éthique20. Cela est d’autant plus déconcertant que la loi sur la sécurité civile vise à protéger l’existence, la vie et l’intégrité des personnes, en plus de l’intégrité des biens. Il est important de comprendre également que, si l’éthique a une longue histoire en théologie et en philosophie, bon nombre de ses développements modernes (et post-modernes) ont été dérivés de la notion de « risque technologique majeur21 ».

  • 22 Commission des communautés européennes, Communication sur le principe de précaution, Bruxelles, 2 f (...)

53Il est cependant malheureux de constater que fort peu de critiques et de mesures nouvelles, proposées par les éthiciens ainsi que par les scientifiques qui placent l’éthique au cœur de la gestion des risques et des crises, soient aujourd’hui intégrées. À ce sujet, nous voudrions faire deux remarques. La première est qu’un meilleur équilibre entre l’épistémologie et l’éthique est actuellement proposé par le biais d’un principe innovateur et prometteur, le « principe de précaution22 ». Ce principe propose que l’absence de certitudes scientifiques ne doit pas retarder l’adoption de mesures de prévention des risques et de gestion des crises. Il ne vise ni à atteindre un niveau de risque nul, chimère impossible à réaliser, ni à surmultiplier les mesures de précaution. Par contre, ces mesures se doivent d’être proportionnelles à la gravité des dangers potentiels, au degré de protection recherché, et à l’avancée et la fluctuation des connaissances scientifiques sur les problématiques en jeu. Suivant ces facteurs, les mesures de précaution peuvent inclure l’interdiction de développer une technologie ou un projet, une suspension provisoire, l’imposition de restrictions, l’obligation d’informer le public, l’instauration d’un système de veille, le développement de mesures préventives et de préparation en cas d’accident, etc. Mais, surtout, ce principe de précaution renforce la nécessité de recherche scientifique en inversant la charge de la preuve et en demandant, dans le cas d’incertitude, qu’un effort de recherche scientifique soit entrepris.

  • 23 A. Beauchamp, op. cit. ; Y. Boisvert, « L’éthique comme suppléant politique », dans G. Giroux (dir. (...)

54La seconde remarque est que différentes stratégies ont déjà été proposées et appliquées afin d’inclure un grand nombre de parties prenantes lorsque des décisions impliquent des risques importants : les conférences de citoyens, les cercles de dialogue démocratique, les conférences d’exploration et de décision, les forums publics, les audiences publiques, etc.23. Au Québec, l’expérience conduite par le Bureau d’audience publique est particulièrement intéressante et mériterait d’être incorporée au plus vite dans la pratique quotidienne de la gestion des risques et des crises.

  • 24 A. Awad et T. C. Pauchant, « L’apprentissage systémique des crises : une approche pragmatique », Co (...)

55L’évaluation de l’exécution actuelle des recommandations proposées à la suite du déluge du Saguenay nous a permis d’établir que la majorité des apprentissages et changements réalisés à ce jour concernent les domaines légaux, technologiques et de communication, et que les domaines stratégiques, culturels et éthiques sont encore largement délaissés. Cette tendance à donner priorité à des considérations technocratiques et technologiques avant de traiter les problématiques stratégiques de fond et les dimensions socioculturelles, cruciales mais plus diffuses, est malheureusement commune. Que cela soit dans les entreprises privées, dans le domaine municipal, dans les organisations publiques ou les organismes gouvernementaux, cette même tendance a été observée24.

  • 25 B. McKibben, « A Special Moment in History », The Atlantic Monthly, mai 1998, p. 55-78 ; J. Dufour, (...)

56Cette tendance est particulièrement dangereuse quand on considère l’accroissement actuel des risques dits « humains-techno-naturels ». Trois facteurs majeurs et interdépendants sont susceptibles d’accroître le nombre et les conséquences de ces risques dans un avenir rapproché. Premièrement, nous assistons à un accroissement exponentiel de l’importance et de la sophistication des technologies dans de multiples domaines, ainsi qu’à une augmentation de la dépendance des populations vis-à-vis de ces technologies. Deuxièmement, des changements climatiques planétaires, engendrés ou non par l’intervention humaine, modifient de façon significative de nombreux facteurs que nous considérions jadis comme relativement stables. Par exemple, au cours des dernières décennies, le nombre de tempêtes a augmenté de 20 % à travers la planète et celui des hivers rigoureux de 10 %25. Enfin, la population humaine de la planète s’accroît, dépassant actuellement les six milliards d’individus. Il va sans dire que la combinaison de ces trois facteurs augmente la probabilité et les conséquences néfastes des risques « humains-techno-naturels ».

57Dans notre monde complexe, il devient de plus en plus difficile de distinguer clairement les risques naturels des risques technologiques ou humains. C’est l’une des leçons que nous devrions retenir du déluge du Saguenay. Il semble évident que si les pluies diluviennes s’étaient abattues sur une région non habitée et non transformée de façon technologique par des barrages et des plans d’eau, les conséquences de cette crise auraient été minimes. La tempête de verglas de 1998 a démontré des interrelations similaires entre les mondes humains, technologiques et naturels : les conséquences de cette crise ont été très importantes vu l’interrelation complexe qui existe entre des variations climatiques et la dépendance d’une population dense à l’égard du réseau électrique et autres infrastructures critiques.

  • 26 U. Beck, Risk Society : Towards a New Modernity, Beverly Hills, Sage, 1992 ; Conseil pour la préven (...)

58S’appuyant sur le fait que des crises de l’envergure d’un Bohpal, d’un Exxon-Valdez ou d’un Tchernobyl, par exemple, ne pouvaient techniquement se produire au siècle dernier, de nombreux observateurs ont suggéré que nos décisions technologiques intègrent un point de vue éthique26. Certains proposent même que nous devrions considérer les conséquences néfastes de ces risques « humains-techno-naturels » au même titre que nous le faisons pour les risques courus par les populations en matière de sécurité nationale. Il est en effet parlant que, peu après la tragédie du World Trade Center en septembre 2001, plus d’un milliard de dollars ait été débloqué rapidement par le gouvernement fédéral canadien, et qu’aux États-Unis le budget militaire ait augmenté de 15%, atteignant une enveloppe totale de 366 milliards, ce qui dépasse le budget voté sous Ronald Reagan. Bien que la sécurité nationale et la sécurité civile touchent toutes les deux la sécurité des personnes et des biens, force est de constater que la première est considérée comme beaucoup plus importante que la seconde. Cela suggère le chemin qui nous reste encore à parcourir afin de développer une gestion éthique des risques et des crises.

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Notes

1 Sur cette question, on consultera P. Cazalis, A. Ouellet et T. C. Pauchant, Évaluation de l’intervention de l’organisation de Sécurité civile du Québec lors des inondations du Saguenay en juillet 1996, Québec, Publications du Québec, 1997 ; P. Cazalis et T. C. Pauchant, « Leçons stratégiques pour la gestion de la sécurité civile », dans M.-U. Proulx (dir.), Une région dans la turbulence, Sainte-Foy, Presses de l’université du Québec, 1998, p. 153-170 ; D. Parent, L’apprentissage systémique des crises. Le cas du déluge du Saguenay, mémoire de maîtrise, École des HEC, Montréal, 2001 ; D. Parent et T. C. Pauchant, « Proposition d’une méthode pour le débriefing post-crise : le dialogue démocratique », Colloque interdisciplinaire sur les conséquences des catastrophes et des événements traumatiques, université du Québec à Chicoutimi, 24-26 octobre 2001.

2 Voir, par exemple, J. Derrida, Marges de la philosophie, Paris, Minuit, 1972 ; J.-F. Lyotard, La condition postmoderne, Paris, Minuit, 1979 ; H. Willmott, « Towards a New Ethics ? The Contribution of Postmodernism and Posthumanism », dans M. Parker (dir.), Ethics and Organizations, Londres, Sage, 1998, p. 76-122.

3 A. Beauchamp, Gérer le risque, vaincre la peur, Montréal, Bellarmin, 1996.

4 M. Heidegger, « La question de la technique », dans Essais et conférences, Paris, Gallimard, 1958, p. 9-49 ; S. Weil, L’enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs de l’être humain, Paris, Gallimard, 1949.

5 H. Jonas, Le principe responsabilité, Paris, Cerf, 1992, p. 13 ; H. Arendt, La condition humaine, Paris, Calmann-Lévy, 1983.

6 K.-O. Apel, Discussion et responsabilité, Paris, Cerf, 1996, p. 15.

7 M. Foucault, Histoire de la folie, Paris, « 10/18 », 1964, et Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975 ; J. Saul, Les bâtards de Voltaire. La dictature de la raison en Occident, Paris, Payot, 1992.

8 J. Habermas, Morale et communication, Paris, Flammarion, 1986, p. 125.

9 D. Bohm, D. Factor et P. Garrett, Dialogue, a Proposal, Hawthorne Cottage, Broad Marson Lane, Mickelon, 1991.

10 Une troisième branche de la philosophie, dont nous ne parlerons pas ici, l’esthétique, tente de distinguer le « beau » et le « laid ».

11 Première partie de la citation : M. Serres, « Nous entrons dans une période où la morale devient objective », dans Les grands entretiens du Monde, vol. 2, Paris, Le Monde, 1994, p. 95-96 ; seconde partie : Atlas, Paris, Julliard, 1994, p. 244.

12 M.-U. Proulx (dir.), op. cit. ; D. Parent, op. cit.

13 R. Nicolet et al., Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages, Québec, Publications du Québec, 1997 ; P. Cazalis et al., op. cit.

14 T. C. Pauchant et I. I. Mitroff, La gestion des crises et des paradoxes. Prévenir les effets destructeurs de nos organisations, Montréal, Québec Amérique, « Presses hec », 1995.

15 R. Nicolet et al., Pour affronter l’imprévisible. Les enseignements du verglas de 1998, Commission scientifique et technique chargée d’analyser les événements relatifs à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998, Québec, Publications du Québec, 1999.

16 T. C. Pauchant et I. I. Mitroff, op. cit.

17 Ibid., p. 106.

18 E. Morin, « Pour une crisologie », Communications, no 25, 1976, p. 149-163.

19 T. C. Pauchant et I. I. Mitroff, op. cit.

20 K.-O. Apel, op. cit. ; A. Beauchamp, op. cit.; J. Habermas, De l’éthique de la discussion, Paris, Flammarion, 1992 ; T. C. Pauchant et I. I. Mitroff, op. cit.

21 J. Russ, La pensée éthique contemporaine, Paris, puf, « Que sais-je ? », 1994.

22 Commission des communautés européennes, Communication sur le principe de précaution, Bruxelles, 2 février 2000 ; O. Godard, « Précaution légitime et proportionnalité », Risques, no 47, 2001, p. 95-100 ; A. Beauchamp, « Risque : Évaluation et Gestion », dans G. Hottois et J. N. Missa (dir.), Nouvelle encyclopédie de bioéthique, Bruxelles, De Boeck, 2001, p. 709-716.

23 A. Beauchamp, op. cit. ; Y. Boisvert, « L’éthique comme suppléant politique », dans G. Giroux (dir.), La pratique sociale de l’éthique, Montréal, Bellarmin, 1997, p. 49-75 ; J. Patenaude, « L’intervention en éthique : contrôle ou support réflexif ? », dans A. Lacroix et A. Létourneau (dir.), Méthodes et interventions en éthique appliquée, Montréal, Fides, 2000, p. 23-40 ; T. C. Pauchant et al., op. cit. ; B. Sinclair-Desgagné, « La régulation des risques industriels majeurs », Risques, no 47, 2001, p. 101-104.

24 A. Awad et T. C. Pauchant, « L’apprentissage systémique des crises : une approche pragmatique », Colloque interdisciplinaire sur les conséquences des catastrophes et des événements traumatiques, université du Québec à Chicoutimi, 24-26 octobre 2001 ; A. Beauchamp, op. cit. ; H. Denis, Comprendre et gérer les risques sociotechnologiques majeurs, Montréal, Éditions de l’école polytechnique de Montréal, 1998 ; J. B. Guindon, T. C. Pauchant, M. Doré et M.-C. Therrien, Évaluation des mesures administratives prises par la Communauté urbaine de Montréal durant la tempête du verglas de janvier 1998, Centre de sécurité civile de la communauté urbaine de Montréal, Montréal, 1998 ; G.-Y. Kerven et P. Rubise, L’archipel du danger. Introduction aux cindyniques, Paris, Economica, 1991 ; P. Lagadec, La gestion des crises. Outils de réflexion pour décideurs, Paris, McGraw-Hill, 1991 ; T. C. Pauchant, C. Lamarche, A. Awad, A. L. Perron et S. Collette, Le réseau de la santé et des services sociaux de la Montérégie, ses partenaires et les citoyens face à la tempête du verglas de l’hiver 1998. Évaluation et recommandations, Régie de la santé et des services sociaux de la Montérégie, 1998 ; C. Roux-Dufort, La gestion des crises. Un enjeu stratégique pour les organisations, Bruxelles, De Boeck, 2000.

25 B. McKibben, « A Special Moment in History », The Atlantic Monthly, mai 1998, p. 55-78 ; J. Dufour, « Les catastrophes naturelles exogènes et l’effet de serre », dans M.-U. Proulx (dir.), op. cit., p. 197-206.

26 U. Beck, Risk Society : Towards a New Modernity, Beverly Hills, Sage, 1992 ; Conseil pour la prévention et la gestion des sinistres et des crises (cpgsc), Les apprentissages stratégiques à tirer du déluge du Saguenay et de la tempête de verglas, mémoire présenté le 15 septembre 1998 à la Commission scientifique et technique chargée d’analyser les événements relatifs à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998, Québec, 1998.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Thierry C. Pauchant et Daniel Parent, « L’insuffisance de l’apprentissage culturel et éthique en gestion des risques »Éthique publique [En ligne], vol. 4, n° 2 | 2002, mis en ligne le 17 avril 2016, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ethiquepublique/2213 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ethiquepublique.2213

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Auteurs

Thierry C. Pauchant

Thierry C. Pauchant est professeur de management, titulaire de la Chaire en management éthique des organisations, HEC Montréal.

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Daniel Parent

Daniel Parent est candidat au DBA, faculté d’administration, université de Sherbrooke.

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Droits d’auteur

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