Mauro Carboni, María Giuseppina Muzzarelli, In Pegno: Oggetti in transito tra valore d’uso e valore di scambio (secoli XIII-XX)
Mauro Carboni, María Giuseppina Muzzarelli (éd.), In Pegno: Oggetti in transito tra valore d’uso e valore di scambio (secoli XIII-XX), Bologne, Mulino, 2013, 408 pages
Texte intégral
- 1 M. Douglas, B. Isherwood, The World of Goods, New York, 1979 ; D. Roche, Histoire des choses banale (...)
1Les objets ont une vie même si ce sont des choses inanimées. Dans notre vie de tous les jours, les choses nous aident à vivre, à travailler, à avoir du plaisir, etc.. Elles ont eu une vie propre, une vie d’objets, véritables témoignages de l’histoire des femmes et des hommes les ayant possédées. Ces trente dernières années, les objets ont beaucoup attiré l’attention des historiens, des anthropologues, des philosophes, et d’autres chercheurs, intéressés par la reconstruction des histoires individuelles et collectives1.
- 2 M. Carboni, M. G. Muzzarelli (éd.), I conti dei Monti. Teoria e pratica amministrativa nei Monti di (...)
2En Italie, le Centro studi sui Monti di Pietà e sul Credito Solidaristico travaille depuis dix ans comme centre de recherche de la Fondazione del Monte di Bologna e Ravenna. Ce centre a pour but la mise en valeur du grand patrimoine documentaire de la fondation et en particulier celle du mont-de-piété. L’ouvrage qui vient de paraître est le résultat de plusieurs séminaires consacrés à la thématique des biens en tant qu’objets du prêt sur gage. Il est divisé en 15 articles rédigés sous la direction, d’une part, de Maria Giuseppina Muzzarelli, Professeur d’Histoire Médiévale, d’Histoire de la ville et d’Histoire du costume et de la mode à l’Université de Bologne, et, d’autre part, de Mauro Carboni, Professeur d’Histoire Économique à l’Université de Bologne. Ensemble, ils ont déjà dirigé deux études intitulées I conti dei Monti et L’iconografia della solidarietà2.
3Le livre commence par l’article de Maria Giuseppina Muzzarelli. Elle fait un état de l’art sur la thématique des prêts sur gage et présente succinctement les articles contenus dans l’ouvrage. Armando Antonelli et Vincenzo Cassi prennent la suite et étudient le terme pignus (signifiant prêt sur gage et dont l’origine juridique est incontestable), dont il est possible de retrouver les traces dans des textes poétiques du XIIIe et XIVe siècle retrouvés en Toscane. Ce terme est utilisé dans une acception métaphorique, comme la garantie morale d’un amour.
4I Lombardi (les prêteurs du nord d’Italie) est la thématique abordée ensuite par Renato Bordone. Ce dernier souhaite, dans un premier temps, montrer l’engagement des créanciers dans ce type de prêt, du bas Moyen Âge à la première époque moderne. Les prêts étaient utilisés comme un mode ordinaire de crédit dans toute l’Europe car ils amplifiaient les possibilités d’accès au crédit pour la classe la moins aisée de la société. Il présente, dans un second temps, le rapport et la régularisation de cette pratique par les gouvernements de certaines villes européennes avec les créanciers provenant du Nord de l’Italie.
5L’ouvrage se poursuit par un article rédigé à quatre mains par Rossella Rinaldi pour la première partie et Germana Albertani pour la seconde. Ces deux auteurs collaborent pour présenter le fonctionnement de l’administration et le trafic de biens liés au prêt sur gage à Bologne au cours des XIIIe et XIVe siècles. L’étude permet d’instituer un point d’observation, utile pour connaître le niveau des besoins de consommation de la population. Le prêt sur gage devient une pratique de grande utilisation pour l’ensemble de la classe moyenne de la société, et la circulation des objets une constante de l’économie citadine. L’article examine également la pratique administrative de la commune face à ce phénomène.
6L’article La Pratica del Prestito su Pegno e le istituzioni ecclesiastiche nel tardo medioevo, rédigé par Federico Pigozzo, analyse quant à lui le rapport qu’entretenaient les institutions religieuses avec la pratique des prêts sur gage, tant au niveau éthique qu’au niveau pratique.
Dans l’unique article rédigé en langue espagnole (tous les autres étant écrits en langue italienne), Juan Vicente Garcia Marsila étudie ensuite le prêt sur gage dans la ville de Valencia à l’époque médiévale. Il y relève une énorme diffusion de ce processus.
7Les deux articles suivants enquêtent sur le prêt sur gage pratiqué par les juifs de Vénétie. Le premier, celui de Rachele Scuro, porte sur la fin de l’époque médiévale, quand les juifs avaient quasiment le monopole du prêt à la consommation dans cette zone géographique. Cette activité monopolistique était néanmoins compensée par la pénurie de circulation de la monnaie. L’auteur montre les différences éthiques entre le prêt juif et le prêt chrétien, ainsi que le rapport avec la publica fides. Le second, d’Isabella Cecchini, analyse les objets donnés en prêt sur gage à Venise pour la période comprise entre le XVIe et le XVIIe siècles et identifie la nature des groupes sociaux utilisant cette forme de crédit.
8L’article rédigé par Paola Pinelli décrit l’activité du mont-de-piété dans la ville d’Arezzo à la fin du XVe siècle. Il étudie attentivement les classes sociales concernées. Un objet similaire est étudié par Giulietta Gheller dont l’article porte sur l’activité du mont-de-piété d’Urbino dans les années 1970 et 1990 du XVe siècle. La comparaison entre ces deux articles est précieuse pour comprendre l’état de l’économie du duché des Montefeltro durant cette période.
9Ce sujet est également celui de Marida Corbo, pour le mont-de-piété de la ville de Novellara. Elle reconstruit la pratique du prêt sur gage pour l’époque moderne, en donnant une place particulière aux objets en ce qui concerne notamment leur conservation et leur vente aux enchères. Ensuite, Mauro Carboni analyse les typologies des prêts sur gage à Bologne à l’âge baroque et observe l’importance des objets comme « refuge » dans une période de crise ou en cas de besoin urgent d’argent.
10La même thématique est abordée pour l’époque contemporaine. Pegni dell’Urbe, de Donatella Strangio, veut reconstruire le rapport des Romains avec le mont-de-piété et comprendre si la demande de prêt était déterminée par le besoin. L’article de Matteo Troilo, quant à lui, se propose d’analyser le mouvement des prêts sur gage et la description des objets laissés en gage au mont-de-piété de Ravenne dans les années 1960.
Enfin, l’ouvrage s’achève sur la postface rédigée par Francesca Rigotti dont l’approche philosophique, à propos de la relation entre gage et engagement, nous renvoie au concept même du prêt sur gage.
11Ce livre nous fait revivre l’histoire d’hommes au travers d’objets, des histoires à la fois lointaines et proches, dans la mesure où le mont-de-piété est une institution encore en fonctionnement. Le prêt sur gage est un thème qui intéresse des domaines d’étude très divers tels que la mode, l’économie, l’éthique, l’histoire, etc. La thématique abordée est un point de rencontre entre différentes disciplines. Il s’agit d’un très bon ouvrage en même temps que d’un véritable hymne à l’interdisciplinarité, une belle partition jouée, comme dans un orchestre, par plusieurs auteurs de formations scientifiques différentes.
Notes
1 M. Douglas, B. Isherwood, The World of Goods, New York, 1979 ; D. Roche, Histoire des choses banales. Naissance de la consommation dans les sociétés traditionnelles (XVIIe-XIXe siècle), Paris, 1997 ; F. Rigotti, La filosofia delle piccole cose, Novare, 2004 ; F. La Rocca, Il tempo opaco degli oggetti, Milan, 2006 ; R. Ago, Il gusto delle cose: una storia degli oggetti nella Roma del Seicento, Rome, 2006 ; S. Ferret, La lezione delle cose: un iniziazione alla filosofia, Florence, 2007 ; R. Bodei, La vita delle cose, Rome-Bari, 2009.
2 M. Carboni, M. G. Muzzarelli (éd.), I conti dei Monti. Teoria e pratica amministrativa nei Monti di pietà fra Medioevo ed Età Moderna, Bologne, 2008 ; M. Carboni, M. G. Muzzarelli (éd.), L' iconografia della solidarietà. La mediazione delle immagini (secoli XIII-XVIII), Bologne, 2011.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Marco Conti, « Mauro Carboni, María Giuseppina Muzzarelli, In Pegno: Oggetti in transito tra valore d’uso e valore di scambio (secoli XIII-XX) », Essais, 5 | 2014, 150-152.
Référence électronique
Marco Conti, « Mauro Carboni, María Giuseppina Muzzarelli, In Pegno: Oggetti in transito tra valore d’uso e valore di scambio (secoli XIII-XX) », Essais [En ligne], 5 | 2014, mis en ligne le 13 avril 2021, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/essais/8334 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/essais.8334
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