Philologie, histoire du livre, ecdotique : le texte des Essais et son édition critique
Résumés
La philologie n’est pas une approche critique et un usage des Essais parmi d’autres ; elle est, avec l’ecdotique, à la base de toutes les approches critiques et de toutes les interprétations que l’on peut en proposer. La première établit le meilleur texte : non pas la reconstruction d’un texte idéal, mais l’édition d’un texte réel, porteur d’autorité ; la seconde le donne à lire en une forme moderne et à le comprendre dans toute sa complexité à l’aide d’un appareil critique. L’histoire de l’édition savante des Essais a été confondue avec celle du débat entre les tenants respectifs de l’édition posthume (1595) et de l’exemplaire de Bordeaux. La véritable question philologique porte en réalité sur la nature des deux textes ; la question ecdotique, sur la manière de les éditer de façon rigoureuse.
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- 1 Les Essais, éd. Ernest Courbet et Charles Royer, Paris, A. Lemerre Éditeur, 1972-1900.
- 2 Les Essais, éd. Fortunat Strowski [et François Gebelin], Bordeaux, Imprimerie Nouvelle F. Pech & Ci (...)
1En 2007, les promoteurs de la nouvelle édition des Essais dans la « Bibliothèque de la Pléiade » entendaient revenir à l’esprit de méthode et à l’exigence philologique dont avaient témoigné, sur des bases antagonistes, à la fois la savante édition procurée par Royer et Courbet entre 1872 et 1900, fondée sur le texte de l’édition posthume1, et l’édition dite municipale (1906-1919, puis 1922-1933 pour les suppléments) dirigée à l’origine par Fortunat Strowski, fondée sur l’exemplaire dit « de Bordeaux2 ». Leur but était d’offrir au lecteur contemporain, un texte à la fois lisible et fiable, sur la base d’une méthode critique renouvelée, faisant la somme de l’érudition montaigniste.
- 3 Michel de Montaigne, Les Essais, éd. Jean Balsamo, Michel Magnien, Catherine Magnien-Simonin ; édit (...)
- 4 Marc Fumaroli, Le Monde, vendredi 15 juin 2007, supplément, p. 3.
- 5 Sur cette querelle, voir Jean Balsamo, « EB vs 95 : un débat bien français pour une question mal po (...)
2Cette publication suscita un vif intérêt en Allemagne, en Angleterre, en Italie surtout, des pays de longue tradition d’études philologiques et d’histoire du livre. Recensions, articles de presse, tables rondes et présentations publiques mirent en évidence les enjeux auxquels cette édition entendait répondre : l’importance d’un texte bien établi, accompagné d’un appareil critique exhaustif et pourvu d’une annotation cumulative, pour une meilleure compréhension de l’œuvre de Montaigne3. En France même, le livre connut un grand succès et fut plusieurs fois réimprimé. L’événement que constituait un « Montaigne dans la Pléiade » fut largement salué dans la presse et les médias. Ce fut l’occasion d’une légitime célébration de Montaigne comme penseur ou comme figure historique. En revanche, la portée savante de cette réalisation et sa nouveauté en termes critiques ne furent guère soulignées et encore moins replacées dans le cadre historique de l’édition des Essais au XXe siècle : celle d’un sinistre avéré, dont le constat n’avait pas été fait. Seul Marc Fumaroli fit la comparaison attendue avec la nouvelle édition du Don Quichotte par Francisco Rico ; il considérait cette édition des Essais « comme le mètre étalon de ce maître-livre4 », l’édition de référence. Le plus souvent, on réduisit cette publication à un épisode de la querelle séculaire qui opposait les tenants de l’édition posthume à ceux de l’Exemplaire de Bordeaux5. Le fait que le texte de l’édition posthume publiée en 1595 par Marie de Gournay avait été choisi à nouveau comme base de la nouvelle édition figea même certains antagonismes, et l’on crut suffisant d’exhiber quelques leçons sorties de leur contexte, pour prétendre déconsidérer dans son ensemble l’édition critique, alors que celle-ci donnait l’ensemble des variantes textuelles distinguant les deux traditions.
- 6 Les Essais de M. de Montaigne, éd. Pierre Villey, Paris, F. Alcan, 1922-1923 ; 1930-1931 ; réimprim (...)
- 7 Roy E. Leake, Concordance des Essais de Montaigne, Genève, Droz, 1981.
- 8 Les Essais, éd. Villey, p. v-vi.
- 9 Philippe Desan (éd.), Reproduction en quadrichromie de l’Exemplaire de Bordeaux avec notes manuscri (...)
- 10 Montaigne, Essais, éd. E. Naya et alii, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2009.
3Plus généralement, à côté du ressentiment et des frustrations que suscite d’ordinaire une publication dans la collection la plus prestigieuse de l’édition française chez ceux qui n’en ont pas été chargés, la nouvelle édition des Essais fut reçue avec réserve parce qu’elle venait bouleverser une vulgate vieille de près de trois quarts de siècle, le « Montaigne » de Pierre Villey (1879-1933)6, et les habitudes de lecture liées à celle-ci. L’édition Villey, publiée en 1922, avait fait l’objet d’une mise à jour en 1965 ; elle avait de surcroît fait l’objet d’une indexation, qui rendait son utilisation d’autant plus facile7. Pourtant, dans la préface qu’il avait donnée au volume, V.-L Saulnier faisait preuve d’une étonnante réserve, en s’interrogeant sur la bonne méthode de « publier un texte connu en versions diverses », et en renvoyant au public pour dire si l’édition Villey était vraiment la meilleure des Essais8. Mais faute de concurrence, c’est elle que l’on continua pendant longtemps à prescrire dans les programmes, en particulier à l’agrégation, en dépit des critiques de plus en plus nombreuses que portaient sur elle, depuis la fin des années 1990, les chercheurs qui réclamaient un retour au « texte authentique » de l’Exemplaire de Bordeaux. Celui-ci fut rendu accessible, en 2002, par une reproduction en quadrichromie9. En 2010, l’édition Villey fut enfin écartée du programme de l’agrégation des lettres au profit d’une édition économique, établie à partir du texte de l’Exemplaire de Bordeaux, et qui profitait des avancées permises par l’édition de la Pléiade10.
- 11 Voir en particulier Philippe Desan, « Cinq siècles de politique éditoriale des Essais », in Montaig (...)
- 12 Montaigne, Œuvres complètes, éd. Dr. Armaingaud, Paris, Louis Conard, 1924-1941, 12 volumes.
- 13 En 2005, à l’occasion de son centenaire, la STFM publia une édition en fac-similé des Essais (1582) (...)
4L’édition procurée par Villey occupe une place centrale dans l’histoire de l’édition montaignienne11. Celle-ci se caractérise précisément par la constitution de vulgates, dans une tension entre la vulgarisation non critique et la rigueur savante, en relation aussi à des rivalités éditoriales et des contraintes commerciales. Les éditions originales étaient souvent hors de portée des chercheurs ; les éditions savantes de Courbet et Royer, comme l’édition municipale étaient réservées à des bibliophiles érudits, de même que l’édition des Œuvres complètes de Montaigne, dirigée par le Dr Armaingaud12. Pour des raisons diverses, la Société des textes français modernes, vouée par ses statuts à offrir au plus large public des éditions critiques de haute qualité et qui publia une des meilleures réalisations de l’édition savante française, les Œuvres de Ronsard procurées par Paul Laumonier, ne parvint jamais à mettre en chantier une édition des Essais13.
- 14 Sur ce point, voir Jean Balsamo, « Montaigne ou l’art d’écrire », Montaigne Studies, vol. XXVII, 20 (...)
5Le succès de l’édition Villey se comprend enfin, en France même, en relation à une histoire de l’institution universitaire, qui reste encore mal étudiée. Au sein des études littéraires érigées en une discipline, que Gustave Lanson avait définie en termes rigoureux et en faisant la part belle aux sciences du texte, elle marque la prépondérance de l’histoire intellectuelle, vouée à expliquer la « pensée » des écrivains, en l’occurrence, chez Montaigne sa philosophie, suivie dans ses sources et ses développements. Ce choix, par ses simplifications et son schématisme, passe aussi par un refus des exigences philologiques et de la complexité textuelle que celles-ci seules mettent en évidence ; il a pour conséquence de négliger les Essais en tant que discours et partant, en tant qu’œuvre littéraire14.
6Aussi, dans le cadre d’une réflexion consacrée aux approches critiques des Essais, convient-il de revenir sur la question de l’édition d’un grand texte littéraire, c’est-à-dire son établissement et son annotation, fondements de toute interprétation possible. Cette question est d’abord celle de la justification de cette pratique éditoriale. Les Essais ont connu en effet par le passé plus de 250 éditions en langue française, depuis la première, publiée en 1580. Le texte n’existerait-il pas comme un préalable ? Demande-t-il vraiment à être « établi » sur de nouveaux frais ? Ne suffirait-il pas de réimprimer l’une de ces éditions ? La question en fait n’est pas tant celle de la disponibilité d’un texte, amplement diffusé sous la forme du livre, et désormais largement disponible sous forme numérisée, que celle de la nature de ce texte, de sa qualité, qui ne se confond pas avec sa présentation, et par là même, celle de la relation que le lecteur moderne pourra entretenir avec lui. Le problème est d’ordre philologique et ecdotique ; il recouvre l’ensemble des questions posées par l’édition d’un texte ancien, afin d’en donner la représentation la plus exacte, la plus rigoureuse et la plus utilisable, une représentation critique, bien éloignée d’un fac-similé ou un « mode image ».
La question du texte de base
- 15 Sur l’histoire des éditions des Essais, voir Les Essais (2007), p. xxxii-lxiv ; Philippe Desan, Bib (...)
- 16 George Hoffmann, Montaigne’s Career, Oxford, Clarendon Press, 1998, en particulier p. 108-129.
7La démarche philologique française est d’ordre historique. Elle vise à donner à lire un texte tel qu’il a été publié ou préparé pour la publication, en son temps, à la différence de certaines tentations idéalisantes visant à reconstruire un texte parfait, par le choix et la combinaison des meilleures leçons et d’heureuses conjectures. Les Essais ont été profondément modifiés et renouvelés à travers les éditions successives publiées du vivant même de Montaigne et dans l’édition posthume préparée par ses soins15. Pas un seul chef-d’œuvre des lettres françaises n’a été aussi densément et intensément remanié. Le texte des Essais toutefois n’est pas un texte « ouvert » ou incertain. Montaigne considérait chaque édition nouvelle comme la dernière, rendant obsolète la précédente, comme une édition « provisoirement définitive » selon la logique du privilège d’éditeur, analysée par George Hoffmann16. Sans doute, pour les lecteurs de la fin du XVIe siècle, les choses étaient-elles indifférentes. Pendant deux générations au moins, différentes éditions ont pu circuler et coexister, donnant des textes différents. Certains lecteurs lurent l’édition posthume dès sa parution, alors que d’autres lisaient encore des éditions antérieures et moins complètes pendant les premières décennies du XVIIe siècle. Aucun lecteur de cette époque ne semble s’être soucié de relever sur son exemplaire les variantes des éditions antérieures. Il en va différemment pour un éditeur moderne, qui doit prendre en considération le dernier état du texte établi par l’auteur, et en même temps, dans une perspective historique et heuristique, examiner en termes génétiques les états antérieurs que l’auteur avait corrigés, afin de comprendre le processus créateur qui aboutit au dernier état.
8La question de savoir laquelle des éditions choisir comme texte de référence ne se posa que tardivement et en termes plus limités. Durant l’âge classique, on réédita le texte de l’édition posthume, régulièrement mis à jour et adapté du point de vue linguistique. Les savants du XIXe siècle ne proposèrent jamais un simple retour à la première édition bordelaise, dont la reproduction était destinée aux érudits et aux curieux, ils ne contestèrent jamais la primauté du dernier texte, le plus complet et auquel Montaigne avait donné son autorité. Le choix qu’ils affrontaient était de fait plus restreint : à l’intérieur de la tradition posthume, il opposait le texte de l’édition publiée en 1595 par Marie de Gournay et celui qu’offrait l’Exemplaire de Bordeaux, découvert à la fin du XVIIIe siècle, dont une première et sommaire comparaison vers 1800 avait fait apparaître les différences de statut (dans un cas, une édition achevée et publiée, un brouillon dans l’autre) et les innombrables variantes.
- 17 En 1912, l’Exemplaire de Bordeaux fit l’objet d’une première reproduction photographique, sur laque (...)
- 18 Montaigne, Les Essais, éd. Jean Céard, Paris, Le Livre de poche, coll. « Classiques modernes », 200 (...)
9L’Exemplaire de Bordeaux fit l’objet d’une première édition critique, dite Édition municipale. La nouveauté de celle-ci résidait dans l’interprétation de l’objet lui-même ainsi présenté et transcrit. Développant une argumentation qui se durcit progressivement, l’éditeur, Fortunat Strowski, alla jusqu’à dénier toute authenticité au texte posthume tel qu’il avait été édité par Marie de Gournay. Il prétendait que ses leçons, quand elles n’étaient pas un simple retour à des brouillons antérieurs perdus, ne pouvaient être que des « erreurs ou des falsifications ». Contre toute évidence, il présentait au contraire le texte de l’Exemplaire de Bordeaux non seulement comme le texte définitif qu’aurait laissé Montaigne à sa mort, mais aussi comme sa forme achevée, destinée à être imprimée en l’état. Au prix d’un important travail de restitution, fondé sur une laborieuse transcription et sur l’utilisation subreptice de l’édition posthume pour lire les parties manuscrites et compléter leurs lacunes, les promoteurs de l’Édition municipale prétendaient offrir le texte authentique, présenté en une édition définitive des Essais qui donnait à lire l’ultime étape de l’évolution de l’art et de la pensée de l’écrivain. En 1922, Pierre Villey publia cette reconstitution sous une forme simplifiée, comme s’il s’agissait d’un ensemble homogène et définitif, et sans appareil critique, afin de mettre à la disposition d’un public élargi les progrès réalisés par la critique. C’est son édition qui fut abusivement considérée dès lors comme l’édition de référence reproduisant l’Exemplaire de Bordeaux17. Contre cette tradition, l’édition de la Pléiade revient au texte posthume de 1595. Elle avait été précédée dans son choix par une édition modernisée, publiée sous la direction de Jean Céard18. Ce choix est fondé sur des raisons philologiques, éclairées par une collation systématique des variantes et par les données de la bibliographie matérielle et de l’histoire éditoriale. À la différence de l’Exemplaire de Bordeaux, l’édition posthume offre en effet un état publié du texte des Essais, destiné à être lu et qui a constitué la forme effective de sa réception. Son texte surtout est plus abouti dans ses rédactions et plus complet. Il est le seul qui puisse servir de base sans artifice à une édition critique.
L’analyse philologique
10La comparaison entre le texte de l’édition posthume et celui de l’Exemplaire de Bordeaux fait apparaître, sur un fonds commun, de nombreuses variantes textuelles. Si quelques phrases ou propositions présentes sur l’Exemplaire ne figurent pas dans l’édition, des passages beaucoup plus nombreux de l’édition ne figurent pas sur l’Exemplaire. Les lacunes, que la critique a voulu attribuer à l’incompétence de l’éditeur ou du typographe, sont presque toutes interprétables comme des choix d’auteur :
- 19 Les Essais, I, XXV, éd. 1595, p. 92 ; éd. cit. (2007), p. 169 ; Exemplaire de Bordeaux, f. 59v ; le (...)
Je n’y trouve autre remede, sinon qu’on le mette patissier dans quelque bonne ville : fust il fils d’un Duc.
ie ny treuue autre remede sinon que de bone heure son gouvernur l’estrangle, s’i<l est> sans tesmoins ou qu’on le mette pattissier dans quelque bone uille fut il filx d’un duc […]19.
- 20 Les Essais, éd. 2007, II, 37, p. 799.
11Loin d’offrir une expression adoucie, le texte posthume renforce ici son ironie. Les passages qui ne figurent pas dans l’Exemplaire, parfois des phrases entières, sont nombreux : cinquante dans le livre I, répartis sur 23 chapitres, cinquante dans le livre II, sur vingt chapitres, cent soixante-quinze dans le livre III. Leur fréquente portée autobiographique, ainsi l’émouvante précision « et me contente de gémir sans brailler20 », interdit qu’on les considère comme de simples interpolations de l’éditeur. Outre ces ajouts, l’édition posthume propose de nombreuses rédactions différentes, qui dans quelques cas n’ont qu’un lien ténu avec la rédaction esquissée sur l’Exemplaire.
- 21 Les Essais, II, 32, éd., 1595, p. 479 ; éd. 2007, p. 761-762 ; Exemplaire de Bordeaux, f. 309v ; le (...)
Il semble à chascun que la maistresse forme de l’humaine nature est en luy : selon elle, il faut regler tous les autres. Les allures qui ne se rapportent aux siennes, sont faintes et fausses. Luy propose l’on quelque chose des actions ou facultez d’un autre ? la premiere chose qu’il appelle à la consultation de son jugement, c’est son exemple : selon qu’il en va chez luy, cela va selon l’ordre du monde. O l’asnerie dangereuse et insupportable !
Il semble a chacun que la maistresse forme de nature est en luy : touche [tourne corrigé] et raporte a celela toutes les autres formes [Stupidement, et bestialement biffé] Les allures qui ne se reglent aus sienes sont feintes et artificielles Quelle bestiale stupidité21.
- 22 Sur le détail de ces corrections absentes de l’Exemplaire de Bordeaux, voir J. Balsamo, « EB vs 95… (...)
12Enfin, alors que plusieurs pages de l’Exemplaire de Bordeaux ne portent ni ajout ni même de correction du texte imprimé, l’édition posthume modifie plus systématiquement le texte de l’édition de 1588, suivant un processus de correction et de ponctuation conforme aux usages de Montaigne, mis en l’œuvre dès la première édition22.
13L’étude comparative systématique des leçons de l’exemplaire de Bordeaux et de l’édition posthume menée dans le cadre de l’édition de la Pléiade conduit à ne plus considérer celles-ci comme des défauts par rapport aux leçons de l’Exemplaire, mais comme des variantes d’auteur. Elles permettent d’établir que le texte édité en 1595 ne repose pas sur une transcription erronée de l’Exemplaire, mais constitue aboutissement d’une tradition textuelle plus complexe, dans laquelle l’Exemplaire n’est lui-même qu’une étape. Cette tradition, partant de l’édition de 1588 revue, corrigée et augmentée, aboutissait à une mise au net des différents brouillons et exemplaires de travail de Montaigne sur une « copie d’auteur » portant ses ultimes modifications. Une transcription de cette copie a été envoyée à Marie de Gournay, sur laquelle celle-ci établit son édition.
L’histoire du livre et son apport
- 23 Voir Jacob Zeitlin, « The relation of the text of 1595 to that of the Bordeaux copy », in The Essay (...)
14Les raisons philologiques conduisant à donner la préférence à l’édition posthume ont été appuyées par les travaux d’histoire du livre, principalement d’origine anglo-américaine23. La succession des éditions originales, de 1580 à 1598, met en évidence deux points. Le premier est bien connu. Il s’agit de l’évolution du texte, ses réécritures successives, son enrichissement et sa transformation stylistique. Le second est la relation de dépendance du texte des Essais à des pratiques éditoriales. Ce point n’a généralement été évoqué par la critique que pour disqualifier l’édition posthume et les éditions postérieures, celles de l’âge classique (XVIIe et XVIIIe siècle), prétendument soumises à l’arbitraire des éditeurs et des typographes, et pour valoriser l’authenticité du seul manuscrit autographe. Cette relation de dépendance caractérise en réalité toutes les éditions publiées du vivant de Montaigne et sous son contrôle.
- 24 Sur ces procédures, voir Jean Balsamo, « Mises au net, copie d’auteur, copie d’imprimeur : notes su (...)
15Toutes ces éditions suivaient un certain nombre de procédures auxquelles Montaigne, en tant qu’auteur publiant un livre, avait lui-même souscrit24. Elles reproduisaient une « copie d’imprimeur » servant aussi de maquette, préparée par un copiste (un écrivain), suivant un ensemble de normes orthotypographiques et de présentation, sur une « copie d’auteur », établie sous le contrôle de l’auteur à partir de ses manuscrits. Cette copie n’était généralement pas autographe, mais constituait une pièce déterminante parmi l’ensemble des textes rédigés et transcrits sous son autorité. Plusieurs passages des Essais évoquent le double travail auquel Montaigne s’était livré : d’une part, chapitre après chapitre, la dictée du texte in progress à des secrétaires, remplacée après 1588 par une élaboration et une rédaction autographes ; d’autre part, la dictée de cette rédaction à un secrétaire pour sa mise au net. Il serait vain de considérer le passage des manuscrits à l’imprimé, en fait d’un manuscrit de travail autographe à une copie mise au net, puis de celle-ci à une copie d’imprimeur, comme la « trahison » des idiotismes de l’auteur en matière de graphies, de ponctuation, voire de style. C’était le passage obligé pour faire d’un texte privé un livre publié. Il est important de comprendre cet écart, ne serait-ce que pour nuancer la conception qui se développa au cours du XXe siècle selon laquelle le texte « authentique », offrant un Montaigne « authentique », ne pouvait être porté et transmis que par un manuscrit autographe, sans que l’on s’interrogeât sur le statut même de ce manuscrit dans la procédure éditoriale.
- 25 Sur ces corrections, voir Günter Abel, « Juste Lipse et Marie de Gournay : autour de l’exemplaire d (...)
16L’autre apport de l’histoire du livre concerne les procédures de validation et de contrôle du livre en cours d’impression et une fois qu’il avait été imprimé. Quelques feuillets de l’Exemplaire de Bordeaux font apparaître ce type de corrections ; ils constituaient un jeu d’épreuves qui, pour des raisons inconnues, n’a pas été utilisé. L’examen attentif de l’édition posthume (1595) fait apparaître le soin extrême avec lequel elle a été préparée par Marie de Gournay, puis corrigée en cours d’impression, après tirage, par la constitution de tables d’errata et l’ajout de corrections à la main sur de nombreux exemplaires. Cette correction se poursuivit par une nouvelle collation de la copie d’auteur, attestée par deux exemplaires annotés ; elle servit à l’établissement de la seconde édition, publiée en 159825. Cette suite de corrections a été prise en considération dans l’établissement du texte de l’édition de la Pléiade, après la collation de plusieurs dizaines d’exemplaires de l’édition de base et le relevé systématique des variantes de l’édition de 1598.
Choix ecdotiques
17Les questions ecdotiques portent sur la présentation du texte. Elles impliquent en premier lieu la définition et la mise en œuvre des critères de transcription et d’intervention ; ceux-ci sont aujourd’hui bien établis et conduisent à une intervention limitée au passage du code ortho-typographique ancien au code moderne, à des harmonisations destinées à faciliter la lecture, qui ne touchent pas aux choix d’auteur, au respect de la ponctuation originale, à la correction des coquilles.
- 26 Les Essais [sic] de Michel de Montaigne, éd. M. de Sacy, Paris, Le Club français du livre, 1962.
18Dans le cas de l’Exemplaire de Bordeaux, un objet hybride combinant imprimé et manuscrit, dans des graphies hétérogènes, et à l’intérieur des parties manuscrites, rédactions génétiques et mises au net provisoires, le problème est délicat à résoudre. L’Édition municipale n’est pas une transcription diplomatique de l’Exemplaire, et elle ne respecte pas la disposition de celui-ci. Les éditeurs reproduisaient en romain le texte imprimé de 1588, en le modifiant selon les indications de Montaigne et en y insérant en italiques les ajouts manuscrits portés en marge, dont ils respectaient la graphie originale, mais non pas la ponctuation. Il s’agit déjà d’une restitution, donnant à voir, par la différence des caractères, le dernier état du texte porté par l’Exemplaire. Certaines des éditions établies sur l’Édition municipale reproduisent la distinction entre l’imprimé et les passages manuscrits ; c’est le cas de l’intéressante édition procurée par Samuel de Sacy26 et de l’édition publiée dans la collection « Folio ». L’édition Villey en revanche ne respecte pas cette distinction et propose un texte entièrement homogène, mais arbitrairement établi et restitué. Présentée comme « conforme au texte de l’Exemplaire de Bordeaux », cette édition est en fait un bricolage. Son titre même reproduit celui de l’édition posthume ; le texte repose sur l’harmonisation des parties imprimées et des parties manuscrites de l’Exemplaire, en une même typographie, ce qui peut se justifier, mais aussi l’harmonisation des graphies, l’orthographe particulière de Montaigne, marquée par la leçon de Peletier du Mans, étant modifiée selon le modèle en usage dans l’édition posthume ; la ponctuation est entièrement modernisée ; enfin, le texte dans son ensemble est segmenté en paragraphes.
19À la manière des restaurations-restitutions de Viollet-le-Duc, l’édition procurée par Pierre Villey offre un texte-monument qui n’a jamais existé, mais que l’on peut aujourd’hui considérer comme un bon témoignage des pratiques pseudophilologiques françaises du premier XXe siècle, comme un « lieu de mémoire ».
20L’édition de la Pléiade, établie sur l’édition de 1595, reproduit sans problème la disposition de celle-ci. Elle suit également en termes critiques la ponctuation originale et les majuscules, non par respect fétichiste, mais pour rendre le style « coupé » caractéristique de la dernière manière de Montaigne, qu’une ponctuation suivant l’usage moderne estomperait. Cette ponctuation diffère de celle de l’Exemplaire de Bordeaux, aussi bien dans les parties imprimées, qu’elle corrige, que dans les parties manuscrites de celui-ci, qu’elle complète, menant à terme un processus à l’œuvre depuis les corrections portées sur la première édition. Enfin, dans l’édition de la Pléiade, la disposition typographique du texte renoue avec celle des éditions originales, sans paragraphes qui le découpent selon un sens arbitraire, pour offrir sa continuité et son articulation fondée sur les citations, en imposant la lecture continue voulue par l’auteur.
Choix ecdotique 2 : l’appareil de variantes
- 27 Voir Reinhold Dezeiméris, Recherches sur la recension du texte posthume des Essais de Montaigne, Bo (...)
- 28 Voir Alain Legros, « Des prieres ». Édition annotée des sept premiers états du texte avec une étude (...)
21La constitution et la présentation de l’appareil critique ont constitué pendant longtemps un problème inhibant pour les éditeurs des Essais : ils étaient confrontés à l’existence de différentes éditions originales et d’une tradition manuscrite, offrant des textes différents. À partir des années 1850, les érudits redécouvrirent ces états antérieurs des Essais, qui leur semblaient parfois plus lisibles que l’état définitif auquel ils étaient habitués par la vulgate, et aussi importants pour connaître en profondeur l’écrivain et le moraliste. Leur curiosité suscita deux types d’initiatives : d’une part, des éditions que l’on pourrait qualifier de documentaires, donnant le texte de 1580-1582 et celui de 1588 ; d’autre part, au prix de bien des complications, des éditions synoptiques, qui expérimentaient diverses formes typographiques (en colonnes, en caractères particuliers, voire en différentes couleurs) donnant à lire les différents états du texte27. Le chapitre « Des prières » a été édité naguère sous une forme analogue28. Ces pratiques sont en parfaite contradiction avec le dessein de l’auteur, faisait disparaître de chaque édition les traces de l’édition antérieure au profit d’un texte nouveau fait de digressions et d’exemples inédits modifiant l’argumentation précédente.
- 29 Les Essais, éd. Pierre Villey, p. xv.
22Ce qui peut se concevoir et est possible dans le cas limité d’un chapitre de quelques pages ne l’est pas pour l’ensemble des Essais. Villey innova en proposant une solution hybride, mais économique. Il découpa le texte des Essais en strates, indiquées par les lettres A, B, C, destinées à « faire le départ29 » entre les trois couches successives de la rédaction : 1580, 1588, additions manuscrites postérieures à l’édition de 1588. Ce système provenait en fait d’une suggestion de l’édition municipale, dans laquelle les éditeurs avaient balisé le texte par des lettres en petites capitales, mais en ajoutant en bas de page un relevé aussi précis que possible des variantes manuscrites, repentirs et biffures, ainsi que des variantes de 1588, et en faisant suivre le texte d’un appareil critique donnant les leçons de 1580 et de 1582 ainsi qu’un choix de celles de 1595. Variantes et marques de strates ne faisaient pas alors double emploi : les unes donnaient l’histoire du texte, les autres étaient une aide à la lecture. Dans l’édition Villey en revanche, les variantes disparurent au profit des seules marques, à l’exception de rares leçons d’éditions antérieures perdues parmi les notes explicatives en bas de page. Or ces strates ne reproduisent pas le texte d’origine ni ses modifications :
- 30 Essais, chapitre 37, « Du jeune Caton », éd. Pierre Villey, p. 229 ; éd. Bordeaux, S. Millanges, 15 (...)
[A] Je n’ay point cette erreur commune de juger d’un autre selon que je suis. J’en croy aysément des choses diverse à moy. [C] Pour me sentir engagé […]
[1580] Je n’ai point céte erreur commune de juger d’autruy selon moy, et de rapporter la condition des autres hommes à la mienne. Je croy ayséement […]30.
23Cette simplification fut érigée en modèle ; elle fut suivie sous différentes formes par les autres éditeurs modernes, qui se dispensaient ainsi de la fatigue d’établir un véritable appareil critique, tout en donnant l’illusion d’une approche philologique. Elle conduisait surtout à transformer une aide à la lecture et un balisage du texte en un système d’interprétation, présentant les Essais comme un empilement de couches successives, mais négligeant le processus de réécriture et de corrections mis en œuvre par Montaigne. Selon Villey, ces signes servaient moins à indiquer le texte des différentes éditions originales qu’à permettre au lecteur de reconnaître « à quelle époque chaque idée a sa place dans les Essais ».
24L’édition de la Pléiade offre à la fois un texte continu et, à la suite de celui-ci, un appareil critique détaillé, donnant toutes les variantes textuelles des éditions précédentes et de l’exemplaire de Bordeaux, ainsi que les différentes rédactions préparatoires de celui-ci. Cet appareil critique permet au lecteur de reconstituer aisément l’histoire du texte, à la fois dans le détail des différentes éditions et dans sa continuité d’un état à l’autre, de façon complète et exacte.
Choix ecdotiques 3 : l’annotation
25L’approche philologique, au sens large, vise à donner à comprendre le détail du texte. À cette fin, l’édition critique est traditionnellement enrichie de notes de langues et de notes érudites. L’édition municipale était complétée d’un tome consacré aux Sources des « Essais », publié en 1920. Les éditeurs suivants proposaient une annotation limitée, souvent reprise de leurs prédécesseurs. Ils n’avaient voulu garder que ce qui était « strictement nécessaire », en prétendant comme Jean Plattard, que l’indication des sources n’était pas indispensable, mais que la connaissance de celles-ci restait utile parfois pour l’étude de la pensée de Montaigne. Or l’annotation fait partie intégrante de l’édition des Essais depuis le XVIIe siècle. Marie de Gournay la première, avait fait traduire et identifier les citations latines ; aux XVIIIe et XIXe siècles, l’annotation dans sa forme la plus développée, avait accompagné le texte de la vulgate, suivant le modèle éditorial et pédagogique des éditions variorum inventé par les libraires hollandais. En 1854 parut précisément une première édition variorum des Essais, dans laquelle le texte était enrichi d’une annotation abondante, de tables, d’index, d’un résumé des recherches consacrées à Montaigne et de quelques variantes. Dans cette tradition, l’annotation a toujours été distincte du commentaire et de la glose, matière d’ouvrages particuliers. Sa place même, en bas de page ou en fin de volume ne devant prêter à aucune confusion.
26L’édition Villey est accompagnée d’un abondant paratexte, qui fait contraste avec la faiblesse de son appareil critique : après une biographie de Montaigne, un long catalogue de ses livres, puis une série d’appendices relatifs à l’influence et à la fortune des Essais en France et en Angleterre, une anthologie de jugements sur Montaigne, un « aperçu sommaire des sources et annotations diverses », un index, ainsi qu’une notice ouvrant chaque chapitre, indiscrètement placée entre le titre et le début du texte, comme si elle faisait partie de l’œuvre. L’édition de la Pléiade propose en fin de volume une annotation savante très détaillée, destinée à donner les références des citations et des exemples, et à éclairer les innombrables allusions d’un livre de lecteur, fondé sur une immense culture humaniste, qu’illustre la partie consacrée aux « Notes de lectures », établie par Alain Legros.
27Une véritable édition savante doit aussi savoir élargir et amplifier les modes de lecture et la compréhension en profondeur de l’œuvre. L’annotation ne se réduit pas à la seule identification des sources explicites et aux références des citations. Ainsi dans le chapitre II, 2, « De l’yvrognerie », Montaigne, après avoir longuement traité des usages de boire, ajoute dans sa dernière rédaction une comparaison entre les vices de son temps et les vertus attribuées à la génération précédente. Cette comparaison lui permet de tracer un portrait de son père, Pierre Eyquem de Montaigne, construit sur une succession de phrases nominales, caractéristiques de ses ultimes interventions :
- 31 Les Essais (2007) II, 2, p. 362-363.
Le port, il l’avoit d’une gravité douce, humble, et très modeste. Singulier soing de l’honnesteté et decence de sa personne, et de ses habits, soit à pied, soit à cheval. Monstrueuse foy en ses paroles : et une conscience et religion en general, penchant plutost vers la superstition, que vers l’autre bout.31
28La formule « monstrueuse foy » prend un sens particulier si l’on sait qu’elle est traduite de Juvénal, « prodigiosa fides » (Satires, XIII, 62) et qu’elle est tirée d’une suite de quatre vers que Montaigne avait déjà cités, dès 1588, dans le chapitre II, 17, à propos de lui-même, au milieu d’un développement entièrement paraphrasé du poète latin, dans lequel, non sans ironie, il dénonçait la corruption de son temps qui lui permettait par contraste de passer pour vertueux à bon compte. L’annotation ici ne cherche pas à indiquer une « source » ni à donner, à travers l’identification d’un livre lu et relu par Montaigne, un indice pour permettre de dater l’évolution de sa pensée ; elle met en évidence à la fois le réseau de références qui organise les Essais dans leur ensemble, une formule de Juvénal citée en latin, que Montaigne a gardée en mémoire et qu’il utilise ailleurs, et une culture lettrée, entièrement assimilée, sans plus rien de scolaire ni de pédant, qui ordonne tout ce que Montaigne peut écrire de plus personnel et de plus intime ; il ne s’agit plus d’une référence ostensible à Juvénal, mais l’intertexte liant Montaigne à son père, à travers deux chapitres distincts des Essais, en une liaison capitale pour comprendre la genèse et le sens du livre, un grand livre de piété filiale à la romaine et une célébration aristocratique du père.
29Les Essais (ou Les Essais selon le titre de 1595) sont une œuvre difficile et exigeante et l’ont toujours été. Marie de Gournay le notait déjà dans sa préface. Cette difficulté vient de Montaigne, de son style paradoxal et abrupt, plus qu’elle ne vient de l’étrangeté en quelque sorte matérielle d’une édition critique offrant des variantes ou d’un texte ancien et de ses particularités graphiques, ni même d’une langue que glossaires et notes explicatives servent à éclairer plus précisément que ne le ferait une version modernisée, voire une traduction en français moderne. Cette difficulté provient de la rupture complète de notre société avec la tradition lettrée et de la disparition des humanités dans l’enseignement. Montaigne est difficile à lire pour qui n’a pas été formé aux lettres et à la lecture, au latin et à la rhétorique, pour qui Virgile et Juvénal sont à peine des noms, pour qui ignore que la magnanimité a été un idéal de perfection. C’est cette rupture qui marque la limite du travail exquis et sans doute vain aujourd’hui qu’est l’établissement d’une édition savante.
Notes
1 Les Essais, éd. Ernest Courbet et Charles Royer, Paris, A. Lemerre Éditeur, 1972-1900.
2 Les Essais, éd. Fortunat Strowski [et François Gebelin], Bordeaux, Imprimerie Nouvelle F. Pech & Cie, t. I-III, 1906-1909 [sic pour 1919] ; t. IV, « Les Sources des Essais », éd. Pierre Villey, 1920 ; t. V, « Lexique de la langue des Essais », éd. Pierre Villey et G. Norton, 1933.
3 Michel de Montaigne, Les Essais, éd. Jean Balsamo, Michel Magnien, Catherine Magnien-Simonin ; édition des « notes de lecture » et des « sentences peintes » par Alain Legros, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2007, 2014.
4 Marc Fumaroli, Le Monde, vendredi 15 juin 2007, supplément, p. 3.
5 Sur cette querelle, voir Jean Balsamo, « EB vs 95 : un débat bien français pour une question mal posée », Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne, vol. 56, 2012, p. 269-281.
6 Les Essais de M. de Montaigne, éd. Pierre Villey, Paris, F. Alcan, 1922-1923 ; 1930-1931 ; réimprimée sous la direction et avec une préface de V.-L. Saulnier, Paris, Presses Universitaires de France, 1965. L’Exemplaire de Bordeaux, établi sur l’édition de 1588, conserve le titre Essais. L’édition posthume porte en revanche Les Essais.
7 Roy E. Leake, Concordance des Essais de Montaigne, Genève, Droz, 1981.
8 Les Essais, éd. Villey, p. v-vi.
9 Philippe Desan (éd.), Reproduction en quadrichromie de l’Exemplaire de Bordeaux avec notes manuscrites marginales des Essais de Montaigne (Exemplaire de Bordeaux), Fasano, Schena Editore – Chicago, Montaigne Studies, 2002.
10 Montaigne, Essais, éd. E. Naya et alii, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2009.
11 Voir en particulier Philippe Desan, « Cinq siècles de politique éditoriale des Essais », in Montaigne dans tous ses états, Fasano, Schena Editore, 2001, p. 121-192.
12 Montaigne, Œuvres complètes, éd. Dr. Armaingaud, Paris, Louis Conard, 1924-1941, 12 volumes.
13 En 2005, à l’occasion de son centenaire, la STFM publia une édition en fac-similé des Essais (1582), avec une introduction par Philippe Desan.
14 Sur ce point, voir Jean Balsamo, « Montaigne ou l’art d’écrire », Montaigne Studies, vol. XXVII, 2015, p. 3-10.
15 Sur l’histoire des éditions des Essais, voir Les Essais (2007), p. xxxii-lxiv ; Philippe Desan, Bibliotheca Desaniana. Catalogue Montaigne, Paris, Classiques Garnier 2011.
16 George Hoffmann, Montaigne’s Career, Oxford, Clarendon Press, 1998, en particulier p. 108-129.
17 En 1912, l’Exemplaire de Bordeaux fit l’objet d’une première reproduction photographique, sur laquelle a été établi un reprint publié en 1987 par les Éditions Slatkine : Reproduction en phototypie de l’Exemplaire avec notes manuscrites des Essais de Montaigne, introduction par F. Strowski, Paris, Hachette, 1912. Suivit une édition dite typographique : Les Essais. Reproduction typographique de l’exemplaire annoté par l’auteur, avertissement par M. E. Courbet, Paris, Imprimerie nationale, 1913.
18 Montaigne, Les Essais, éd. Jean Céard, Paris, Le Livre de poche, coll. « Classiques modernes », 2001.
19 Les Essais, I, XXV, éd. 1595, p. 92 ; éd. cit. (2007), p. 169 ; Exemplaire de Bordeaux, f. 59v ; le texte résulte déjà d’une première mise au net ; Édition municipale, t. I, p. 210-211.
20 Les Essais, éd. 2007, II, 37, p. 799.
21 Les Essais, II, 32, éd., 1595, p. 479 ; éd. 2007, p. 761-762 ; Exemplaire de Bordeaux, f. 309v ; le passage n’est pas ponctué, il n’y a pas de marque d’insertion ; Édition municipale, t. II, p. 531, ponctuation modifiée.
22 Sur le détail de ces corrections absentes de l’Exemplaire de Bordeaux, voir J. Balsamo, « EB vs 95… », art. cit., p. 278-285.
23 Voir Jacob Zeitlin, « The relation of the text of 1595 to that of the Bordeaux copy », in The Essays of Michel de Montaigne, trad. Jacob Zeitlin, New York, A. Knopf, 1934, t. I, p. 421-434 ; David Maskell, « Montaigne correcteur de l’exemplaire de Bordeaux », Bulletin de la Société des Amis de Montaigne, n° 25-26, 1978, p. 57-71 ; Id., « Quel est le dernier état authentique des Essais de Montaigne ? », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, vol. XL, 1978, p. 85-104.
24 Sur ces procédures, voir Jean Balsamo, « Mises au net, copie d’auteur, copie d’imprimeur : notes sur les formes de l’autographie dans la genèse éditoriale », in Genèse éditoriales, éd. Anne Réach-Ngô, Seizième siècle, vol. 10, 2014, p. 15-30 ; sur la fabrication du livre, voir Jeanne Veyrin-Forrer, « La composition par forme et les Essais de 1580 », in Éditer les Essais de Montaigne, éd. Claude Blum et André Tournon, Paris, H. Champion, 1997, p. 23-44.
25 Sur ces corrections, voir Günter Abel, « Juste Lipse et Marie de Gournay : autour de l’exemplaire d’Anvers des Essais de Montaigne », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, vol. 35, 1973, p. 117-129 ; Richard Sayce, « L’édition des Essais de Montaigne de 1595 », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, vol. 36, 1974, p. 115-141.
26 Les Essais [sic] de Michel de Montaigne, éd. M. de Sacy, Paris, Le Club français du livre, 1962.
27 Voir Reinhold Dezeiméris, Recherches sur la recension du texte posthume des Essais de Montaigne, Bordeaux, G. Gounouilhou, 1866 ; Id., Plan d’exécution d’une édition critique des Essais de Montaigne, Bordeaux, 1903.
28 Voir Alain Legros, « Des prieres ». Édition annotée des sept premiers états du texte avec une étude de genèse et commentaire, Genève, Droz, 2003.
29 Les Essais, éd. Pierre Villey, p. xv.
30 Essais, chapitre 37, « Du jeune Caton », éd. Pierre Villey, p. 229 ; éd. Bordeaux, S. Millanges, 1580, p. 350.
31 Les Essais (2007) II, 2, p. 362-363.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Jean Balsamo, « Philologie, histoire du livre, ecdotique : le texte des Essais et son édition critique », Essais, Hors-série 3 | 2016, 16-29.
Référence électronique
Jean Balsamo, « Philologie, histoire du livre, ecdotique : le texte des Essais et son édition critique », Essais [En ligne], Hors-série 3 | 2016, mis en ligne le 26 février 2021, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/essais/6629 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/essais.6629
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