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Lieu de formation à l’analyse et à la pratique littéraire
Entretiens et témoignages de masterantes de l’Université Bordeaux Montaigne (M1 REEL – Recherches en études littéraires)

Brève autothéorie
sur mon mémoire de littérature
contemporaine

A brief self-theory
on my dissertation in contemporary
literature
Amandine Dumas

Notes de l’auteur

(Phrases en italique tirées des Règles de l’art de Bourdieu mais versifiées dans une logique de libre interprétation).

Texte intégral

  • 1  Pierre Bourdieu, « Questions de méthode », in Les Règles de l’art, Paris, Seuil, coll. « Points », (...)

Convertir
en programme de recherches empiriques
réellement intégrées et cumulatives
l’ambition légitime de systématicité
qu’enferment les prétentions totalisantes
de la « grande théorie »1

1Ma conception de la recherche en littérature est partiellement fondée sur cette proposition méthodologique tirée des Règles de l’art de Bourdieu. J’ai pour ambition de produire un raisonnement scientifique qui prendrait ses racines dans l’expérience esthétique car je m’intéresse à la littérature dans ses potentialités concrètes, hic et nunc. Je me penche alors sur la branche de la théorie littéraire contemporaine qui propose d’articuler théorie et pratique dans son processus d’écriture (Sophie Divry) et s’ouvre à la question des conditions de réception (Yves Citton). Je suis influencée par les textes fondateurs des réflexions sur la littérature en général (Aristote et Sartre principalement), mais je privilégie des lectures critiques sur les procédés d’écriture et leurs enjeux de réception à notre époque pour aiguiser mon regard sur la production littéraire d’aujourd’hui. J’envisage plus facilement les problématiques du champ de production de la littérature contemporaine puisque je me situe dans le même contexte que ces théoricien·nes.

  • 2  Ibid., p. 297.

Considérer l’œuvre
dans le système de relations objectives
constitutif de l’espace de concurrence
qu’elle forme avec tous les autres2

  • 3  Aline Mura-Brunel, Bruno Blanckeman, Marc Dambre, « Vers une cartographie du roman français depuis (...)
  • 4  Michel Chaillou, « L’extrême-contemporain, journal d’une idée », Poésie, « L’extrême contemporain  (...)
  • 5  Sophie Divry, Rouvrir le roman, Paris, J’ai lu, 2018.

2Mais pourquoi choisir un programme de recherche contemporain alors que je lis principalement des auteur·ices des XIXe et XXsiècles ? Par curiosité pour la littérature postmoderne, j’ai eu envie de comprendre dans quelle mesure les expressions du doute, de l’angoisse et de la violence sont souvent des thèmes centraux3 dans les textes de l’« extrême contemporain »4 – et en quoi elles symbolisent inconsciemment les conditions de production5. Je réfléchis donc à dresser un panorama subjectif des enseignements à tirer de ces thématiques ultra-contemporaines – qui sont en fait très marquées par l’histoire de la philosophie et de la littérature des XIXe et XXsiècles. L’autre point de bascule dans le choix de cette période d’étude concerne la question de la légitimité de l’analyse des textes contemporains. Même si j’ai découvert par hasard quelques auteur·ices, tel·les que Laurent Mauvignier, Cécile Coulon, Hervé Le Corre, Sarah Chiche ou Camille de Toledo, je n’avais pas encore vraiment d’outils critiques pour les comparer afin de saisir leurs disparités et leur homogénéité en les considérant au sein d’un même champ littéraire. En fait, étudier la littérature contemporaine me permet de saisir les enjeux politiques sous-jacents qu’elle questionne.

  • 6  Frédéric Barbier, Histoire du livre en Occident, [Nouvelle édition], Malakoff, Armand Colin, coll. (...)

3Dans une dimension plus pragmatique, mon approche de la littérature contemporaine est largement marquée par mon expérience des métiers du livre qui m’a amenée à choisir, pour mon mémoire, des auteur·ices qui font l'unanimité en librairie – mais qui ont aussi un intérêt esthétique particulier afin de pouvoir être étudié·es dans le cadre universitaire (Pierric Bailly, Cécile Coulon et Laurent Mauvignier). Du point de vue de l’éditeur, le livre est pensé dans une logique financière (trouver le futur best-seller), ce qui forge l’identité du texte en tant que bien de consommation. Ainsi, les textes sont caractérisés comme « littéraires » lorsqu’ils font éprouver un plaisir immédiat au/à la lecteur·ice. Même si ce rapport à la lecture est une thématique critique ancestrale6, étudier la spécificité de la littérature commerciale de nos jours met en lumière des pratiques éditoriales systématiques et permet d’élaborer une grille de lecture analytique afin de mieux reconnaître les thèmes et styles littéraires canoniques dans le panorama éditorial contemporain.

  • 7  Pierre Bourdieu, « Trois états du champ », op. cit., p. 165.

Peindre médiocrement l’extraordinaire
(dans sa définition la plus ordinaire),
évoquer des situations et des personnages hors du commun,
mais selon la logique du sens commun,
et dans le langage le plus quotidien,
propre à en donner une vision familière7

4Aussi, j’accorde une puissance réflexive à tous les textes – même à la littérature commerciale – car je n'associe pas la littérarité à l’excellence ou au raffinement de l’écriture, je préfère l’associer à sa capacité à changer (à sa minuscule échelle) l’imaginaire collectif sur un sujet. Plus précisément, je me suis intéressée à des récits romanesques qui se situent à la campagne car ils ont la capacité de renouveler la manière de représenter certains espaces marginalisés du monde actuel. C’est aussi un moyen de subvertir la notion de littérarité et de croire au pouvoir de la littérature (même s’il est limité). Plus précisément, je m’intéresse à la question du traitement de la violence dans les récits romanesques ruraux des années 2000, en utilisant le prisme de l’esthétique de la violence pour démontrer qu’elle se distingue grâce à sa capacité à mettre en lumière l’oralité de la langue contemporaine, permettant aussi de mettre en scène de manière poétique des catégories de population marginalisées. L’enjeu se déploie du thème littéraire vers la question de la fonction politique de la langue afin de se fixer sur le sujet des potentialités des territoires littéraires dans la littérature des années 2020. J’essaie à mon tour de lier théorie (littéraire) et pratique (des territoires).

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Notes

1  Pierre Bourdieu, « Questions de méthode », in Les Règles de l’art, Paris, Seuil, coll. « Points », 1998, p. 303.

2  Ibid., p. 297.

3  Aline Mura-Brunel, Bruno Blanckeman, Marc Dambre, « Vers une cartographie du roman français depuis 1980 », in Aline Mura-Brunel, Bruno Blanckeman, Marc Dambre (éds.), Le roman français au tournant du XXIe siècle, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2004, p. 8.

4  Michel Chaillou, « L’extrême-contemporain, journal d’une idée », Poésie, « L’extrême contemporain », Paris, n° 41, 1987. URL :https://po-et-sie.fr/les-archives-de-la-revue/les-numeros-thematiques, consulté le 17 avril 2024.

5  Sophie Divry, Rouvrir le roman, Paris, J’ai lu, 2018.

6  Frédéric Barbier, Histoire du livre en Occident, [Nouvelle édition], Malakoff, Armand Colin, coll. « Mnémosya », 2020.

7  Pierre Bourdieu, « Trois états du champ », op. cit., p. 165.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Amandine Dumas, « Brève autothéorie
sur mon mémoire de littérature
contemporaine »
Essais [En ligne], 22 | 2024, mis en ligne le 09 décembre 2024, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/essais/14057 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12wqo

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Auteur

Amandine Dumas

Master REEL, Université Bordeaux Montaigne (M1)
amandinedumas1001[at]gmail.com

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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