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Littérature contemporaine et Université. Interactions et interférences - l’exemple français
Avant-propos

Contemporary literature and the university. Interactions and interferences - The French example
Foreword
Mathilde Buliard, Heiata Julienne-Ista et Laure Sauvage

Texte intégral

  • 1  Rédaction épicène, langage dégenré ou neutre, écriture inclusive : la variété des appellations pou (...)
  • 2  Bernard Lahire, La Condition littéraire : la double vie des écrivains, Paris, La Découverte, 2006, (...)
  • 3  Dana Gioia, Que reste-t-il de la poésie ?, trad. Renaud Toulemonde, Paris, Allia, 2021.

1L’Université et la littérature contemporaine ne forment pas deux corps distincts : de nombreuses études ont montré que les auteur·ices1 exercent bien plus souvent que le reste de la population une activité professionnelle dans l’enseignement. Dans son enquête du début des années 2000 sur les auteurs de la région Rhône-Alpes, Bernard Lahire montre que parmi celles et ceux qui exercent ou ont exercé un second métier (98,6 %), les personnes travaillant ou ayant travaillé dans l’enseignement représentent 31,7 % des femmes et 22,9 % des hommes2. La figure de l’universitaire, qui cumule souvent les fonctions de chercheur·euse et d’auteur·ice, est particulièrement représentée. Si la présence des écrivain·es dans l’enseignement et la recherche n’est certes pas nouvelle, et si, depuis longtemps, les chercheur·euses sont aussi des auteur·ices, la tendance s’accroît à la faveur des modifications profondes qui affectent le monde de la culture. La situation, relativement récente en France, a déjà fait polémique aux États-Unis3. Elle n’est pas sans conséquences éthiques et méthodologiques.

  • 4  Sur la professionnalisation des auteur·ices, voir Gisèle Sapiro, Cécile Rabot (éd.), Profession ? (...)
  • 5 Voir Violaine Houdart-Merot, Christine Mongenot (éd.), Pratiques d’écriture littéraire à l’universi (...)
  • 6  Dominique Viart, Bruno Vercier, La Littérature française au présent : héritage, modernité, mutatio (...)
  • 7  Il s’oppose au corpus restreint présenté par Dominique Viart et Bruno Vercier en montrant la maniè (...)

2Du côté des auteur·ices, des indices suggèrent que l’activité littéraire est de plus en plus conçue comme une profession à part entière4. Pour ce faire, ils et elles multiplient les activités connexes (interventions dans des espaces culturels publics ou privés, musées, librairies). Plusieurs impliquent directement l’institution universitaire : participation à des ateliers, à des résidences, invitation à des colloques pour des tables rondes, des conférences, des lectures, des performances. Avec l’essor des masters de création littéraire5, certain·es parviennent même à obtenir une chaire dans l’enseignement supérieur. Du côté universitaire, l’étude de textes immédiatement contemporains s’est progressivement normalisée. Au tournant du XXIe siècle, Dominique Viart et Bruno Vercier ont permis à une certaine littérature contemporaine d’entrer à l’Université6. Plus récemment, Pascal Mougin a proposé de déplacer ce corpus pour prendre en compte une littérature intermédiale, despécifiée, recontextualisée et selon lui spécifiquement « contemporaine »7.

  • 8  Marc Dambre (éd.), Pour l’engagement critique, Les Rencontres de Fontevraud, 20 et 21 octobre 2012(...)
  • 9  Marie-Odile André, Mathilde Barraband (éd.), Du « contemporain » à l’université : Usages, configur (...)

3L’enchevêtrement des mondes universitaires et artistiques touche les pratiques théoriques, réflexives, critiques mais aussi les lieux d’activités professionnelles et sociales ainsi que le statut des personnes. La porosité entre les mondes de l’Université et de la littérature contemporaine semble n’avoir jamais été aussi importante. Un premier point d’étape a été réalisé en 2015 avec la publication de Pour l’engagement critique8 et Du « Contemporain » à l’université9. Jalons majeurs dans la compréhension des interactions entre le monde universitaire et la littérature récente, ces ouvrages étudiaient notamment l’avènement du « contemporain » dans les universités françaises à l’orée des années 1990 : notre réflexion s’inscrit dans leur sillage. Mais depuis dix ans, les paysages littéraires et universitaires ont continué à évoluer, nous engageant à repenser nos pratiques et à adopter une attitude réflexive. Les logiques déjà identifiées en 2015 se sont accentuées et de nouvelles mutations ont vu le jour.

  • 10  Jérôme Meizoz, Faire l’auteur en régime néo-libéral : rudiments de marketing littéraire, Genève, S (...)
  • 11  Justine Huppe, « “Faire cailler l’annexion de la recherche-création à l’économie libérale” : hypot (...)
  • 12  Florent Coste, Explore : investigations littéraires, Paris, Questions théoriques, coll. « Forbidde (...)

4Tout d’abord, dans un contexte néolibéral, alors que l’attention s’est déplacée de l’œuvre vers l’artiste, sous l’influence conjointe du recul structuraliste et de la prégnance du modèle de l’art contemporain10, alors que, dans une économie tertiarisée, les compétences scripturales et narratives créent de la valeur ajoutée, les parcours de creative writing se multiplient11. Florent Coste et Justine Huppe, qui ont tiré les conséquences esthétiques, politiques et théoriques de la dévaluation des Humanités, prônent une critique prospective et tâchent d’examiner comment il serait possible de tirer parti d’une position somme toute marginale12. Parmi les contemporanéistes, la fonction traditionnellement conservatoire de l’Université cède le pas aux fonctions prescriptives et critiques ; le combat des universitaires rejoint parfois celui des auteur·ices qui demeurent aux périphéries du marché du livre.

  • 13  Vanessa Springora, Le Consentement, Paris, Grasset, 2020.
  • 14  Pour plus de précisions à ce sujet, voir Anna Mantey, Fanny Portalier, Laurine Labourier, « Retour (...)
  • 15  Marie-Jeanne Zenetti, « Que fait #MeToo à la littérature ? », Revue critique de fixxion française (...)
  • 16  Gisèle Sapiro, Peut-on dissocier l’œuvre de l’auteur ?, Paris, France, Seuil, 2020.
  • 17  Hélène Merlin-Kajman, La Littérature à l’heure de #MeToo, Genève, Éditions d’Ithaque, 2020.

5Parallèlement, la déferlante #Metoo, suite à l’affaire Weinstein (2017), a trouvé un écho littéraire particulièrement fort. La littérature s’est fait le relais de la prise de conscience de l’ampleur et de la gravité des violences sexistes et sexuelles, notamment autour de la publication du Consentement de Vanessa Springora13. Les secousses générées par le phénomène #Metoo n’ont pas épargné le monde de la recherche et de l’enseignement universitaire. En atteste la récente polémique au sujet du poème « L’Oaristys » au programme de l’agrégation en 201914. Face à des textes mettant en scène des violences sexistes et sexuelles, faut-il privilégier une position esthète ou référentielle15 ? Face à des auteur·ices aux positions idéologiques condamnables ou reconnu·es coupables de violences, peut-on, pour reprendre le titre de l’ouvrage de Gisèle Sapiro, dissocier l’œuvre de l’auteur16 ? Ces deux questions attestent des réflexions qui traversent le champ de la recherche et de l’enseignement littéraire à l’heure de #Metoo17.

  • 18 Sur les processus de légitimation relatifs à la littérature francophone, nous renvoyons à Madeline  (...)
  • 19  Sur la bipartition de l’enseignement de la littérature aux États-Unis, voir Chad Harbach (éd.), MF (...)
  • 20  Pascale Casanova, La République mondiale des Lettres, Paris, Seuil, 1999.

6Nos analyses se sont principalement organisées autour de trois pôles : les effets symboliques de la recherche en littérature, ses enjeux éthiques et ses particularités méthodologiques. Nous avons choisi de nous concentrer uniquement sur la création contemporaine française18 et sur les universités françaises, l’organisation de l’enseignement supérieur – et, de ce fait, la place accordée à la recherche et son poids dans les processus créatifs – variant largement d’un pays à l’autre19. Malgré cette partition, le fonctionnement de chaque espace littéraire est fonction de sa place dans la « République mondiale des Lettres »20.

Lire, enseigner, transmettre la littérature contemporaine à l’Université. Effets sur le long terme

  • 21  Via le Centre National du Livre, les institutions publiques (écoles, musées, médiathèques…), ou en (...)
  • 22  Sur la distinction entre reconnaissance et renommée, voir Gladys Engel Lang, Kurt Lang, « Recognit (...)
  • 23  Alain Viala, « Qu’est-ce qu’un classique ? », Littératures classiques, vol. 19, n °1, 1993, p. 11- (...)
  • 24  Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art : genèse et structure du champ littéraire, Paris, Points, col (...)

7Les littératures qui s’adressent à un public relativement large et qui bénéficient de chiffres de ventes confortables, comme le roman policier ou la littérature Young Adult, s’inscrivent généralement dans le temps bref des rentrées littéraires et trouvent dans le marché une source d’indépendance. Il n’en est pas de même pour une grande partie de la production contemporaine, la poésie, la littérature dite expérimentale, de recherche ou hybride, qui intéresse principalement les universitaires et dont la survie repose en grande partie sur des aides de l’État21. Cette littérature tend à s’inscrire dans un temps plus long, celui de la reconnaissance par les pairs, puis celui de la renommée (notoriété auprès du grand public22). Or, l’Université demeure peut-être aujourd’hui l’institution la plus à même de perpétuer ces textes, bien qu’elle risque, chemin faisant, de désamorcer leur portée critique. C’est elle qui assure en grande partie la postérité des auteur·ices du pôle de production restreinte et peut faire d’eux des classiques23. Bourdieu le signalait déjà : « La réussite symbolique et économique dépend […] du système d’enseignement, seul capable d’offrir, à terme, un public converti »24.

  • 25  Aline Marchand, « Les paradoxes de la reconnaissance au présent : les poètes contemporains de lang (...)
  • 26  Brigitte Chapelain, Sylvie Ducas (éd.), Prescription culturelle : Avatars et médiamorphoses, Ville (...)
  • 27  Bruno Blanckeman défend par exemple l’intérêt d’une histoire littéraire (universitaire) « à chaud  (...)
  • 28  Jérôme Meizoz, Faire l’auteur en régime néo-libéral, op. cit., p. 219-220.

8Bien qu’elle ne soit pas toujours aux avant-postes de la prescription littéraire25, l’Université joue un rôle déterminant dans le parcours des auteur·ices vers la postérité. À travers ses programmes et ses syllabus, elle fait gonfler les ventes, encourage les rééditions critiques ou les publications en livre de poche. Mais pour la période contemporaine, l’Université est-elle un intermédiaire et un prescripteur culturel comme les autres26 ? Les frontières entre critique universitaire et critique journalistique27, entre médiation et médiatisation28, ne sont pas toujours claires. Par leurs activités de recherche, certain·es professeur·es ont un rôle de passeur·euse voire de prescripteur·ice participant activement à l’émergence de jeunes auteur·ices.

Doubles casquettes : superpositions croissantes des champs littéraire et universitaire

9Ce sont également des enjeux éthiques qui sont soulevés par les interactions entre littérature contemporaine et Université. L’étroitesse de leurs liens se traduit par plusieurs dynamiques qui appellent une réflexion que l’on pourrait qualifier de déontologique.

  • 29  « Chloé Delaume : une œuvre intermédiale », Colloque international des 17, 18 et 19 janvier 2024. (...)
  • 30  Jacques Dubois, L’Institution de la littérature, Bruxelles, Espace Nord, coll. « Espace Nord », 20 (...)

10D’abord, les relations interpersonnelles entre universitaires, écrivain·es et éditeur·ices ont une forte influence sur la recherche. S’il n’y a pas de confusion entre les milieux littéraire et académique, leur porosité est prononcée. Elle se manifeste par exemple très concrètement par l’invitation d’écrivain·es dans des manifestations académiques qui intègrent parfois une part créative : on peut citer le récent colloque sur l’œuvre de Chloé Delaume lors duquel deux soirées à la Maison de la poésie de Paris ont été imaginées et portées par l’autrice29. En 1978, Jacques Dubois remarquait déjà l’accointance des milieux littéraires et de la recherche : « La conjonction, dans débats et colloques, des professeurs et des écrivains n’est pas rare aujourd’hui, et l’on assiste de la sorte à un nouveau cumul des fonctions qui ne saurait être sans incidence »30.

  • 31  Pierre Mertens, L’Agent double : sur Duras, Gracq, Kundera, etc., Paris, PUF, 1989. Le livre a don (...)
  • 32  Cela peut mener à une pratique pseudonymique, qui traduit le besoin de séparation entre deux postu (...)

11De façon paroxystique, ces liens s’observent aussi à l’échelle des individus, certain·es universitaires ayant plusieurs statuts, notamment celui d’écrivain·e et/ou d’éditeur·ice. Il est à cet égard significatif que Pierre Mertens ait évoqué, à propos de sa double activité d’auteur et de commentateur/critique, une posture d’« agent double »31. L’expression, en dénotant la duplicité, prend une teinte péjorative qui traduit la persistance de réserves réciproques des deux pôles. Le fait d’écrire est traditionnellement mal considéré par l’institution32. Cette dépréciation, qui paraît tout à fait ambivalente et qui gagnerait à être nettement nuancée aujourd’hui, nous le verrons dans les textes de ce numéro – peut notamment s’expliquer par certains effets de cette interaction entre logiques sociale et scientifique.

  • 33  Voir Jean-Luc Bayard, Anne-Marie Mercier-Faivre (éd.), Vous avez dit contemporain ? : enseigner le (...)
  • 34  On pourrait élargir cette réflexion en questionnant la force d’influence de l’enseignement supérie (...)

12Ces réseaux servent une légitimation mutuelle contribuant à la reconnaissance symbolique réciproque des agent·es. Ses effets sont également économiques. Le fait d’être étudié·e à l’Université et a fortiori de figurer au programme des concours de l’enseignement occupe une place fondamentale dans le processus de canonisation des écrivain·es33, et donne donc aux acteur·ices de cette institution une place particulière34. Il en va de même du lien entre l’Université et les autres acteur·ices du monde du livre, dont dépendent des enjeux économiques : nous pensons notamment aux festivals, mais aussi aux librairies.

13Or, l’endogamie sociale relative que nous avons mentionnée ainsi que l’interaction entre les deux logiques sociale et scientifique ont une influence sur les objets de recherche mais aussi la façon de s’en emparer. En ce qui concerne les premiers, on pourrait alors supposer qu’elle conduit à la non-représentativité des œuvres et auteur·ices étudié·es à l’Université (aussi bien dans l’enseignement que dans la recherche) par rapport à l’ensemble de la production contemporaine, en ce qu’elle visibiliserait une littérature blanche, masculine et française, voire bourgeoise et parisienne, au détriment d’autres écrits. Elle peut aussi éclairer la difficulté à prendre en compte la littérature dite populaire ou grand public, en vertu de ce principe de légitimation réciproque. Elle a, au-delà, une incidence sur la façon d’aborder les œuvres et le discours tenu sur elles. Mentionnons seulement l’auto-censure que peut susciter d’éventuels conflits d’intérêts.

14Ces interactions complexes, par les questionnements qu’elles soulèvent, appellent une certaine posture de la part des chercheur·euses. Inévitables, elles sont aussi souhaitables parce qu’elles contribuent à décloisonner la recherche et à en enrichir les perspectives. Mais elles exigent une réflexivité constante de la part des chercheur·euses qui doivent se focaliser particulièrement sur leur propre place dans ces dynamiques afin de garantir la scientificité de leur discours. C’est alors une réponse méthodologique qui permettra d’intégrer à la recherche la situation de leur point de vue.

Gageures méthodologiques : étudier une littérature transartistique

  • 35  Estelle Mouton-Rovira, « Périodiser les temps présents : paradoxes et intérêts d’une pratique », i (...)
  • 36  Jean-Max Colard, « Bienvenue dans un monde post-littéraire », article publié dans AOC, le 6 septem (...)
  • 37  Magali Nachtergael, « Le devenir-image de la littérature : peut-on parler de “néo-littérature” ? » (...)
  • 38  Gaëlle Théval, « Non-littérature ? », Itinéraires, [En Ligne], 2017-3 | 2018, mis en ligne le 15 j (...)

15Aux traditionnelles difficultés méthodologiques qui se présentent à tout·e chercheur·euse travaillant sur le contemporain (délimitation, périodisation et caractérisation d’un corpus), s’ajoutent aujourd’hui des obstacles spécifiques35. « Formes post-littéraires »36, « néo-littérature »37, « non-littérature »38 : ces expressions forgées récemment attestent des difficultés à caractériser puis à analyser de nouvelles conceptions de l’objet littéraire. Se rapprochant d’autres pratiques artistiques (les arts visuels et plastiques notamment) et mobilisant les méthodologies des sciences sociales (la sociologie, l’anthropologie et la géographie par exemple), la littérature contemporaine est foncièrement hétéroclite.

  • 39  Dominique Viart, « Histoire littéraire et littérature contemporaine. », Tangence, [En Ligne], 2013 (...)
  • 40  Mathilde Roussigné, Terrain et littérature, nouvelles approches, Saint-Denis, Presses universitair (...)
  • 41  Alexandre Gefen, L’Idée de littérature : de l’art pour l’art aux écritures d’intervention, Paris, (...)

16L’hybridation disciplinaire invite à importer des outils scientifiques traditionnellement rattachés à d'autres disciplines : l’entretien, la fouille d’archives ou encore l’analyse quantitative de données sont autant de méthodologies mises à l’essai par des chercheur·euses en littérature. Quelle place accorder à ces outils ? Comment les adapter aux spécificités du monde littéraire ? Enfin, quelle place reste-t-il pour les méthodes traditionnellement rattachées à la littérature ? Répondre à ces questions revient à s’emparer de la notion de terrain, centrale dans l’identification des bornes chronologiques du contemporain, marqué par le « retour au réel »39 et à la transitivité. Comme l’a récemment montré Mathilde Roussigné, se sédimente autour de ce concept un certain nombre de pratiques et d’imaginaires, à la fois du côté de la création et des discours critiques qui se construisent autour de celle-ci40. Dans le sillage des analyses d’Alexandre Gefen41, la chercheuse appelle à voir les traits saillants des productions contemporaines comme des invitations à penser ces productions en dehors de nos catégories traditionnelles et à questionner les pratiques de recherche.

  • 42  Alexandre Gefen, Claude Perez, « Extension du domaine de la littérature », Elfe XX-XXI, [En ligne] (...)
  • 43  Nancy Murzilli, « Formes littéraires à l’essai. Sur l’agentivité collective des écritures hors du (...)
  • 44  Alexandre Gefen, L’Idée de littérature : de l’art pour l’art aux écritures d’intervention, op. cit(...)
  • 45  À ce sujet, nous renvoyons aux analyses d’Alexandre Gefen, ibid., p. 31.

17Parce qu’elle modifie notre manière d’aborder l’objet littéraire, la littérature contemporaine fait éclater certaines catégories d’analyse, et ce particulièrement au sein de l’institution universitaire. L’hybridation disciplinaire des productions contemporaines fait signe vers « une extension du domaine de la littérature »42 et déplace par la même occasion les interrogations concernant les œuvres, désormais analysées au prisme de leur agentivité43 ou des formes d’intervention44 qu’elles proposeraient sur le réel. Ce faisant, comme le souligne Alexandre Gefen, ce sont les notions d’autonomie, de désintéressement et d’intransitivité, dominantes jusqu’alors dans l’appréhension des œuvres, qui se trouvent remises en question45.

  • 46  Magali Nachtergael, « Écritures plastiques et performances du texte : une néolittérature ? », in E (...)
  • 47  Jérôme Game, Sous influence. Ce que l’art contemporain fait à la littérature, Vitry-sur-Seine, MAC (...)
  • 48  Olivia Rosenthal, Lionel Ruffel, « Introduction », Littérature, 2010/4 – n° 160, « La Littérature (...)

18Parallèlement, une partie de la littérature contemporaine « consubstantiellement transartistique »46 ébranle deux traditions centrales en recherche littéraire : le texto-centrisme et l’importance de l’objet livre. Prenant acte de la contamination réciproque des différentes pratiques artistiques, les chercheur·euses s’interrogent sur « ce que l’art contemporain fait à la littérature »47. Surgissent des modes d’écriture alternatifs qui s’inspirent de l’art contemporain et/ou l’intègrent à l’œuvre elle-même, dans un processus qui fait advenir des créations intermédiales (qui mobilisent en leur sein plusieurs médias) ainsi que des réalisations transmédiatiques (qui se déploient et s’enrichissent via différents médias). « Exposée »48, la littérature repousse alors les frontières du livre qui a longtemps constitué l’objet d’analyse privilégié de la théorie littéraire. Hors du livre, la littérature emprunte de nouvelles voies de publication, notamment par le biais du numérique, de la performance ou encore de la lecture publique. Là encore, les changements des modalités de création induisent de nouvelles méthodologies de recherche.

  • 49  Selina Follonier, « La muse et le magnétophone : les archives sonores de la poésie », Acta fabula, (...)

19Alors que les études de lettres se sont longtemps appuyées sur des archives existantes – manuscrits, correspondances, notes des auteur·ices –, la production littéraire contemporaine invite parfois les chercheur·euses à faire advenir l’archive (entretiens, valorisation de fonds privés, recueil de témoignages sur des performances parfois anciennes…), dans le but de perpétuer mais aussi de créer la mémoire d’une œuvre49. Il s’agit alors de rassembler les matériaux gardant trace d’une réalisation, dans un geste qui redéfinit les pratiques de recherche en passant d’une analyse rétrospective à une enquête prospective.

  • 50  Florian Pennanech a donné à cette pente mimétique le nom de « principe de Béguin » (Poétique de la (...)
  • 51  Sur le sujet, voir Florent Coste, Explore. Investigations littéraires, op. cit. et Justine Huppe, (...)
  • 52  Yves Citton, Lire, interpréter, actualiser : pourquoi les études littéraires ?, Paris, Éditions Am (...)
  • 53  Ivan Jablonka, L’Histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales, (...)
  • 54  Stanislav Nikolaevitch Smirnov, « L’approche interdisciplinaire dans la science d’aujourd’hui : fo (...)
  • 55  Extrait de l’appel à communication de la journée d’étude des jeunes chercheur·euses de la SELF XX- (...)

20Le renouvellement des productions contemporaines implique donc en retour une transformation des approches du fait littéraire. De ce point de vue, une nette convergence est à souligner : auteur·ices et chercheur·euses s’entendent sur la capacité de la littérature à intervenir sur le réel. Au-delà de l’homologie entre productions littéraire et universitaire50, cette convergence est à réinsérer dans un contexte de dépréciation des œuvres et des savoirs littéraires51. Proclamer l’utilité de la littérature apparaîtrait comme un des moyens de sauver du même coup études et productions littéraires52. Enfin, ce renouveau méthodologique, à la croisée de plusieurs savoirs, est à relier au récent regain des approches interdisciplinaires. À rebours de l’autonomisation progressive des différentes disciplines académiques au cours du XXe siècle, on observe aujourd’hui une tendance à la convergence disciplinaire dans une phase qualifiée de « post-disciplinaire »53. Entendue comme « un certain rapport d’unité, de relation et d’action réciproque […] entre diverses branches du savoir »54, l’interdisciplinarité redéfinit les champs de la connaissance et des objets d’étude, au sein de l’institution universitaire et plus spécifiquement des départements de littérature. Si cette tendance n’est pas nouvelle, elle connaît une nette accélération depuis le dernier quart du XXe siècle, notamment grâce à l’introduction dans le champ français des studies, que celles-ci soient relativement anciennes (gender et postcolonial studies) ou plus récentes (animal et environmental studies)55. Ces nouvelles approches induisent une appropriation mutuelle des méthodes propres à chaque discipline et ancrent l’idée selon laquelle les analyses de la littérature ne sont pas réductibles aux seules études littéraires.

Ouvertures et enclaves des études de lettres : les défis de l’interdisciplinarité

  • 56  Jean-Marie Schaeffer, Petite écologie des études littéraires, Vincennes, Thierry Marchaisse, 2011, (...)
  • 57  Patrick Trabal, Cécile Collinet, Philippe Terral, « Faire preuve d’interdisciplinarité. Un mot d’o (...)
  • 58  Pierre Bottura, Le Cadavre bouge encore : précis de réanimation littéraire, Paris, Léo Scheer, 200 (...)

21Les questions qu’aborde ce volume sont foncièrement interdisciplinaires. Malgré nos efforts, ce sont surtout des personnes issues de la neuvième section du CNU (Conseil national des universités), « Langue et littérature françaises », en littérature contemporaine, qui se sont manifestées – alors que des contributions académiques en histoire des institutions ou sur le droit de la propriété intellectuelle auraient par exemple été les bienvenues. Preuve, s’il en était encore besoin, des clivages disciplinaires persistants au sein de l’Université française, alors même que cet enjeu est au cœur de notre réflexion. « On connaît la difficulté d’établir une réelle interdisciplinarité dans le champ des sciences de l’homme, surtout lorsqu’elles partagent les mêmes objets d’étude. Chaque discipline construit sa petite maison, ou son petit village, et tente de s’y installer en minimisant les contacts avec les disciplines installées dans les vallées avoisinantes »56 écrit Jean-Marie Schaeffer. Malgré les discours institutionnels qui font de l'interdisciplinarité un outil essentiel de la recherche scientifique actuelle, les chercheur·euses se trouvent parfois confronté·es à des situations contradictoires, entre encouragement à participer à des projets interdisciplinaires et absence de reconnaissance scientifique hors de sa discipline de formation57. La « crise » des études littéraires, abondamment commentée dans les années 200058, peinerait-elle à se résoudre ?

  • 59  Mathilde Roussigné, « Terrain littéraire. La littérature contemporaine au miroir des partis pris d (...)

22La richesse des contributions réunies dans ce numéro révèle qu’une refonte des études de lettres vers plus d’interdisciplinarité est bel et bien en cours, mais qu’elle est majoritairement effectuée de l’intérieur, au sein de la section 9 du CNU. Grâce à des méthodes traditionnellement rattachées à d’autres disciplines, chaque chercheur·euse a tâché de restituer les œuvres, les pratiques et les phénomènes étudiés dans leur écosystème culturel, économique et social. Comme le rappelle Mathilde Roussigné, « [l]es études de la littérature sont loin d’être l’apanage des études littéraires stricto sensu : la sociologie de la littérature, l’histoire du livre et du littéraire, les études culturelles, la philosophie du langage et l’analyse du discours, entre autres, se sont emparées de l’objet littéraire »59. En retour, ces disciplines ont progressivement et largement influencé les méthodologies, objets, outils et postures des chercheur·euses en littérature. Si cette dynamique concerne l’ensemble des textes, périodes et mouvements littéraires, elle semble, comme en atteste ce numéro, particulièrement active dans les études contemporaines : l’hybridité des productions encourage l’interdisciplinarité des perspectives critiques. Aussi les articles du présent volume rendent-ils compte d’enjeux socio-symboliques prédéterminés par les politiques culturelles, analysent-ils le champ littéraire contemporain à l’aune des gender studies, usent-ils abondamment des entretiens semi-directifs, abordent-ils des difficultés que l’on rencontre fréquemment en ethnologie et en sociologie, dans l’observation directe ou dans les rapports entre enquêteur·ice et enquêté·es.

23Nous avons tâché de prolonger ce geste d’ouverture des points de vue, des disciplines et des formats académiques. Parce que nous abordons les liens qui se tissent entre l’Université et la littérature contemporaine, il nous semble nécessaire d’ouvrir cette réflexion non seulement aux chercheur·euses en littérature, mais aussi à l’ensemble des personnes la fréquentant et la faisant vivre. Une partie du volume est ainsi constituée d’entretiens et de témoignages d’acteur·ices du monde culturel également impliqué·es, à des degrés divers, dans des activités de recherche : doctorant·es, artistes, théoricien·nes, professeurs d’université ayant publié des ouvrages de fiction, performeur·euses, sociologues de la littérature, poètes·ses, bibliothécaire, étudiant·es de Lettres modernes, romancier·es.

Présentation des contributions (articles, témoignages, entretiens)

24La première partie de ce numéro, constituée d’entretiens et de témoignages, est centrée sur les différents lieux de transmission au sein de l’Université. Jean-Marie Gleize revient d’abord sur sa direction du CEP (Centre d’études poétiques) au sein de l’École Normale Supérieure de Lyon entre 1999 et 2009. Il témoigne des interactions suscitées par ce lieu entre étudiant·es, chercheur·euses et poètes·ses lors de séminaires et de lectures. Il aborde également son lien avec les tendances qui ont structuré la création poétique française dans les années 1990, pour montrer que le CEP ne s’est pas contenté de rendre compte du champ expérimental de la poésie, mais qu’il a joué un rôle dans sa diffusion et sa légitimation. Ensuite, Quentin Cauchin, doctorant en poésie contemporaine et Cyrille Martinez, poète et bibliothécaire, s’intéressent aux fonctions de la bibliothèque universitaire et notamment au fonds de poésie contemporaine de la bibliothèque Georges-Ascoli (Sorbonne Université). Ils développent une réflexion sur sa fonction critique, sur son rôle dans la transmission de la poésie et dans la légitimation de certaines pratiques littéraires. Dans son article « Les résidences d’auteur à l’Université : le malaise dans la littérature ? », Anna Krykun, maîtresse de conférences en littérature française, analyse, dans une perspective sociologique, ce dispositif comme un révélateur de la structuration actuelle des champs littéraire et universitaire. Après avoir resitué le cadre institutionnel des résidences d’auteur·ices à l’Université, elle interroge le renouvellement des pratiques d’enseignement et de recherche en littérature contemporaine qu’il implique.

25Dans un deuxième temps, l’Université est envisagée comme lieu de formation à la pratique et à la création littéraire. Pour commencer, Benoît Toqué, écrivain, performeur et doctorant, retrace son parcours. Il questionne les enjeux de « sa double casquette » d’écrivain-performeur et de chercheur, et revient sur l’influence de sa formation universitaire dans sa pratique artistique, tout particulièrement de son master de création littéraire, ainsi que sur les logiques sociales qui la sous-tendent. Nous avons également interrogé trois étudiantes au sujet de leur rapport à la littérature contemporaine et de l’enseignement dont elles bénéficient pendant leur cursus universitaire. Elisabeth Damiens, Judith Mazières et Nina Nunes, masterantes en lettres, ont répondu à un entretien croisé qui permet d’apprécier les échos mais aussi les écarts qui se dessinent entre leurs différents parcours d’étudiantes-lectrices. Enfin, nous avons sollicité auprès de deux étudiantes des textes aux formats plus souples. Dans un témoignage sur son parcours d’étudiante de lettres exerçant par ailleurs le métier de libraire, Caroline Poincheval, masterante en lettres, décrit les dissonances que cette double condition a créées en elle. Entre les différences de pratiques et d’approches de la littérature propres à chaque milieu dans lesquels elle évolue, il lui a fallu trouver un équilibre qu’elle présente dans son texte « Le Devenir-Funambule ». Dans un texte intitulé « Brève autothéorie sur mon mémoire de littérature sur l’extrême contemporain », Amandine Dumas, elle aussi masterante, revient sur son choix de composer pour son mémoire de recherche un corpus d’œuvres contemporaines à succès. Volonté de renouveler les approches du fait littéraire, souhait de ne pas hiérarchiser les productions entre elles : elle détaille les lignes qui dirigent son appréhension et son étude de la littérature contemporaine.

26La troisième partie du numéro place les doubles statuts des acteur·ices de l’Université au cœur de la réflexion. Estelle Mouton-Rovira, maîtresse de conférences en littérature contemporaine, et Emmanuelle Pireyre proposent un entretien centré sur les différentes modalités de présence et d'intervention de cette dernière à l’Université. Autrice, performeuse et tout récemment docteure, Emmanuelle Pireyre évoque son travail de thèse en recherche-création, mais aussi son enseignement à l’Université et sa pratique de la performance pour mettre en avant les questionnements, notamment méthodologiques et déontologiques que la diversité et le métissage de ces activités fait naître. Un entretien croisé entre Arthur Brügger, doctorant et romancier, et les deux chercheurs et écrivains Jérôme Meizoz et Daniel Maggetti interroge ensuite la tension et les affinités entre leurs deux fonctions. Ils évoquent la perception, par l’institution universitaire, de leur activité d’écriture littéraire, mais aussi la différence de geste ainsi que de posture entre leurs pratiques de recherche et la création. Enfin, Alex Lachkar se penche sur les relations personnelles qu’il tisse avec les auteur·ices sur lesquel·les il travaille actuellement dans le cadre de sa thèse. En soulignant leur appartenance à une même communauté, il questionne les interactions entre amitié, séduction et recherche, ainsi que l’identification et la légitimation réciproques qu’elle suscite. En faisant valoir la façon dont ces liens humains informent voire orientent la recherche, il aborde la question de la distance réflexive et critique nécessaire pour garantir la scientificité des travaux.

27Enfin, dans une quatrième partie, nous aborderons l’Université comme lieu de constitution d’un canon littéraire : les textes qui y sont étudiés informent sur ce que l’institution considère comme digne d’intérêt, mais font aussi apparaître, en négatif, un ensemble de productions qu’elle laisse de côté. Dans son article, « Écrire et lire les violences sexuelles aujourd’hui : un mouvement #Metoo littéraire ? », Claire David, doctorante en littérature française, explore la spécificité des processus de légitimation au sein de l’Université des récits contemporains de violences sexuelles. En les replaçant dans une histoire littéraire récente, elle interroge les nécessaires changements d’outils et d’analyse qu’implique un travail sur ces récits, que ces derniers relèvent de la fiction ou du témoignage. Anna Levy, doctorante en littérature française, se penche quant à elle sur le corpus des performances littéraires, relativement absent au sein de l’Université, ainsi que sur les processus de légitimation concurrentiels qui émergent en dehors de ses murs, par le biais du festival littéraire. Dans son article « Le festival littéraire : une instance de légitimation de la littérature performée et un espace de redéfinition du canon littéraire en dehors de l’Université ? », elle scrute le positionnement de l’Université face à des productions qui résistent à ses catégories d’analyse. En réfléchissant sur le nécessaire renouvellement des méthodologies pour aborder des objets qui, chacun à leur manière, repoussent les frontières de la littérature, les deux chercheuses adoptent sur la discipline littéraire un nouveau regard, imprégné des études de genre et des outils de la sociocritique.

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Notes

1  Rédaction épicène, langage dégenré ou neutre, écriture inclusive : la variété des appellations pour décrire les tentatives de faire de la langue un espace de reconnaissance et de représentativité pour tous·tes reflète la variété des usages qui en sont faits. En tant que directeur·ices du numéro, nous avons fait le choix de ne pas lisser les différentes pratiques d’écriture inclusive afin de respecter les convictions de chaque contributeur·ice.

2  Bernard Lahire, La Condition littéraire : la double vie des écrivains, Paris, La Découverte, 2006, p. 145. Voir également CNL, « Enquête sur les activités et revenus des auteurs affiliés à l’Agessa », 2016, p. 45-48. URL : https://centrenationaldulivre.fr/donnees-cles/enquete-sur-les-activites-et-revenus-des-auteurs-affilies-a-l-agessa, consulté le 1er mars 2024.

3  Dana Gioia, Que reste-t-il de la poésie ?, trad. Renaud Toulemonde, Paris, Allia, 2021.

4  Sur la professionnalisation des auteur·ices, voir Gisèle Sapiro, Cécile Rabot (éd.), Profession ? Écrivain, Paris, CNRS, 2017.

5 Voir Violaine Houdart-Merot, Christine Mongenot (éd.), Pratiques d’écriture littéraire à l’université, Paris, Honoré Champion, 2013 et Violaine Houdart-Merot, La Création littéraire à l’université, Vincennes, Presses universitaires de Vincennes, 2018.

6  Dominique Viart, Bruno Vercier, La Littérature française au présent : héritage, modernité, mutations, Paris, Bordas, 2005. En choisissant explicitement de ne s’intéresser qu’à une littérature dite « déconcertante », ils laissent de côté de nombreuses littératures (fanfictions, littérature policière, science-fiction) qui sont pourtant de plus en plus étudiées à l’Université.

7  Il s’oppose au corpus restreint présenté par Dominique Viart et Bruno Vercier en montrant la manière dont la rémanence du paradigme moderniste à l’Université aurait conduit à l’occultation d’un pan entier de la production contemporaine. Pascal Mougin, Moderne/contemporain : art et littérature des années 1960 à nos jours, Dijon, Les Presses du réel, 2019. Voir aussi, sur cette notion problématique, Lionel Ruffel (éd.), Qu’est-ce que le contemporain ?, Nantes, Cécile Defaut, 2010.

8  Marc Dambre (éd.), Pour l’engagement critique, Les Rencontres de Fontevraud, 20 et 21 octobre 2012, Saint-Nazaire, MEET, coll. « Les Rencontres de Fontevraud », 2015.

9  Marie-Odile André, Mathilde Barraband (éd.), Du « contemporain » à l’université : Usages, configurations, enjeux, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2015.

10  Jérôme Meizoz, Faire l’auteur en régime néo-libéral : rudiments de marketing littéraire, Genève, Suisse, Éditions Slatkine, 2020.

11  Justine Huppe, « “Faire cailler l’annexion de la recherche-création à l’économie libérale” : hypothèses théoriques sur les masters universitaires en écriture créative », Relief, vol. 14, n° 2, 2020, p. 87-101.

12  Florent Coste, Explore : investigations littéraires, Paris, Questions théoriques, coll. « Forbidden Beach », 2017 ; Justine Huppe, La Littérature embarquée, Paris, Amsterdam, 2023.

13  Vanessa Springora, Le Consentement, Paris, Grasset, 2020.

14  Pour plus de précisions à ce sujet, voir Anna Mantey, Fanny Portalier, Laurine Labourier, « Retour sur “l’Affaire Chénier” » Master Genre, littératures, cultures, [En Ligne], mis en ligne le 7 mai 2020. URL : https://genrelittculture.hypotheses.org/654, consulté le 12 février 2024.

15  Marie-Jeanne Zenetti, « Que fait #MeToo à la littérature ? », Revue critique de fixxion française contemporaine [En ligne], 24 | 2022, mis en ligne le 15 juin 2022. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/fixxion/2148, consulté le 12 février 2024.

16  Gisèle Sapiro, Peut-on dissocier l’œuvre de l’auteur ?, Paris, France, Seuil, 2020.

17  Hélène Merlin-Kajman, La Littérature à l’heure de #MeToo, Genève, Éditions d’Ithaque, 2020.

18 Sur les processus de légitimation relatifs à la littérature francophone, nous renvoyons à Madeline Bedecarré, La Francophonie à tout prix : le rôle de la Francophonie institutionnelle dans l’accès à la reconnaissance des écrivains africains d’expression française, thèse de doctorat sous la direction de Gisèle Sapiro, Paris Sciences et Lettres, 2018 ; José Domingues De Almeida, « La légitimité des littératures francophones », Carnets. Revue électronique d’études françaises de l’APEF, deuxième série, 2017, n° 9 ; Björn-Olav Dozo, François Provenzano, « Comment les écrivains sont consacrés en Belgique », COnTEXTES. Revue de sociologie de la littérature, n° 7, 2010 ; Musanji Nglasso-Mwatha (dir.), Littératures, savoirs et enseignement, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2007 ; Jean-Marc Moura, Littératures francophones et théorie postcoloniale, Paris, PUF, 2019 [1999].

19  Sur la bipartition de l’enseignement de la littérature aux États-Unis, voir Chad Harbach (éd.), MFA vs NYC: The Two Cultures of American Fiction, New York, Farrar, Straus and Giroux, 2014.

20  Pascale Casanova, La République mondiale des Lettres, Paris, Seuil, 1999.

21  Via le Centre National du Livre, les institutions publiques (écoles, musées, médiathèques…), ou encore le financement des festivals.

22  Sur la distinction entre reconnaissance et renommée, voir Gladys Engel Lang, Kurt Lang, « Recognition and Renown: The Survival of Artistic Reputation », American Journal of Sociology, vol. 94, n° 1, 1988, p. 79-109.

23  Alain Viala, « Qu’est-ce qu’un classique ? », Littératures classiques, vol. 19, n °1, 1993, p. 11-31.

24  Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art : genèse et structure du champ littéraire, Paris, Points, coll. « Essais », 2006 [1992], p. 244.

25  Aline Marchand, « Les paradoxes de la reconnaissance au présent : les poètes contemporains de langue française à l’Université », in Marie-Odile André, Mathilde Barraband (éd.), Du « contemporain » à l’université : Usages, configurations, enjeux, op. cit., p. 75-85.

26  Brigitte Chapelain, Sylvie Ducas (éd.), Prescription culturelle : Avatars et médiamorphoses, Villeurbanne, Presses de l’ENSSIB, coll. « Papiers », 2019.

27  Bruno Blanckeman défend par exemple l’intérêt d’une histoire littéraire (universitaire) « à chaud » qui ne se confondrait pas avec le journalisme : « Pour une histoire littéraire à chaud », Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 113, n° 3, 2013, p. 559‑568.

28  Jérôme Meizoz, Faire l’auteur en régime néo-libéral, op. cit., p. 219-220.

29  « Chloé Delaume : une œuvre intermédiale », Colloque international des 17, 18 et 19 janvier 2024. URL : https://www.fabula.org/actualites/117920/colloque-international-chloe-delaume-une-oeuvre-intermediale.html, consulté le 12 février 2024.

30  Jacques Dubois, L’Institution de la littérature, Bruxelles, Espace Nord, coll. « Espace Nord », 2019 [1978], p. 153.

31  Pierre Mertens, L’Agent double : sur Duras, Gracq, Kundera, etc., Paris, PUF, 1989. Le livre a donné son titre à un collectif réfléchissant aux interactions entre écriture théorique et critique d’une part et écriture créative d’autre part (Lise Gauvin (éd.), Les Écrivains-critiques, des agents doubles ?, Études françaises, vol. 33, n° 1, printemps 1997).

32  Cela peut mener à une pratique pseudonymique, qui traduit le besoin de séparation entre deux postures. Inversement, la figure de l’universitaire-écrivain ou éditeur peut être discréditée du point de vue de la création.

33  Voir Jean-Luc Bayard, Anne-Marie Mercier-Faivre (éd.), Vous avez dit contemporain ? : enseigner les écritures d’aujourd’hui, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2007. Plus largement, sur les processus d’émergence, de canonisation et de consécration en littérature, consulter les numéros 7 (« Approches de la consécration en littérature ») et 17 (« De l’émergence à la canonisation ») de la revue COnTEXTES.

34  On pourrait élargir cette réflexion en questionnant la force d’influence de l’enseignement supérieur sur l’enseignement secondaire et réciproquement du point de vue de ces processus de légitimation. Contentons-nous, en accusant prudemment la corrélation entre les deux, de remarquer que la canonisation dans l’enseignement secondaire, via l’entrée dans des programmes nationaux, se situe à une échelle bien supérieure du point de vue du public touché. Les enjeux économiques sont alors bien plus importants.

35  Estelle Mouton-Rovira, « Périodiser les temps présents : paradoxes et intérêts d’une pratique », in Michèle Rosellini, Alain Trouvé (éd.), Découper le temps II. Périodisations plurielles en histoire des arts et de la littérature, 2016, p. 157-171.

36  Jean-Max Colard, « Bienvenue dans un monde post-littéraire », article publié dans AOC, le 6 septembre 2018.

37  Magali Nachtergael, « Le devenir-image de la littérature : peut-on parler de “néo-littérature” ? », in Pascal Mougin (éd.), La Tentation littéraire de l’art contemporain, Dijon, Les Presses du réel, 2017, p. 139-152.

38  Gaëlle Théval, « Non-littérature ? », Itinéraires, [En Ligne], 2017-3 | 2018, mis en ligne le 15 juin 2018. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itineraires/3900, consulté le 13 février 2024.

39  Dominique Viart, « Histoire littéraire et littérature contemporaine. », Tangence, [En Ligne], 2013 | 102, mis en ligne le 10 février 2014. URL : https://id.erudit.org/iderudit/1022660ar, consulté le 14 février 2024.

40  Mathilde Roussigné, Terrain et littérature, nouvelles approches, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, coll. « L'Imaginaire du texte », 2023.

41  Alexandre Gefen, L’Idée de littérature : de l’art pour l’art aux écritures d’intervention, Paris, Éditions Corti, 2021.

42  Alexandre Gefen, Claude Perez, « Extension du domaine de la littérature », Elfe XX-XXI, [En ligne], 8 | 2019, mis en ligne le 10 septembre 2019. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/elfe/1701, consulté le 12 février 2024.

43  Nancy Murzilli, « Formes littéraires à l’essai. Sur l’agentivité collective des écritures hors du livre », Littérature, vol. 192, n° 4, 2018, p. 19-30.

44  Alexandre Gefen, L’Idée de littérature : de l’art pour l’art aux écritures d’intervention, op. cit., p. 12.

45  À ce sujet, nous renvoyons aux analyses d’Alexandre Gefen, ibid., p. 31.

46  Magali Nachtergael, « Écritures plastiques et performances du texte : une néolittérature ? », in Elisa Bricco (éd.), Le Bal des arts. Le sujet et l’image : écrire avec l’art, Quodlibet/Open Edition, coll. « Ultracontemporanea », p. 307-325.

47  Jérôme Game, Sous influence. Ce que l’art contemporain fait à la littérature, Vitry-sur-Seine, MAC/VAL, 2011.

48  Olivia Rosenthal, Lionel Ruffel, « Introduction », Littérature, 2010/4 – n° 160, « La Littérature exposée », Paris, Armand Colin, p. 3-13.

49  Selina Follonier, « La muse et le magnétophone : les archives sonores de la poésie », Acta fabula, [En Ligne], vol. 21, n° 6, Essais critiques, mis en ligne le 15 juin 2020. URL : http://www.fabula.org/acta/document12977.php, consulté le 12 février 2024.

50  Florian Pennanech a donné à cette pente mimétique le nom de « principe de Béguin » (Poétique de la critique littéraire. De la critique comme littérature, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2019, p. 85).

51  Sur le sujet, voir Florent Coste, Explore. Investigations littéraires, op. cit. et Justine Huppe, La Littérature embarquée, op. cit.

52  Yves Citton, Lire, interpréter, actualiser : pourquoi les études littéraires ?, Paris, Éditions Amsterdam, 2007.

53  Ivan Jablonka, L’Histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales, Paris, Seuil, coll. « La Librairie du XXIe siècle », 2014.

54  Stanislav Nikolaevitch Smirnov, « L’approche interdisciplinaire dans la science d’aujourd’hui : fondements ontologiques et épistémologiques, formes et fonctions », Interdisciplinarité et sciences humaines, vol. 1, Paris, Unesco, 1983, p. 53.

55  Extrait de l’appel à communication de la journée d’étude des jeunes chercheur·euses de la SELF XX-XXI, « Nouvelles interdisciplinarités des études littéraires (XXe-XXIe siècles) », organisée par Aurélien d’Avoult (Université de Rouen) et Esther Demoulin (Sorbonne Université), 27 novembre 2021. URL : https://self.hypotheses.org/files/2021/02/Nouvelles-interdisciplinarites.pdf, consulté le 1er mars 2024.

56  Jean-Marie Schaeffer, Petite écologie des études littéraires, Vincennes, Thierry Marchaisse, 2011, p. 29.

57  Patrick Trabal, Cécile Collinet, Philippe Terral, « Faire preuve d’interdisciplinarité. Un mot d’ordre, ses interprétations et ses ajustements », Terrains & travaux, 2017/1 (n° 30), p. 209-229.

58  Pierre Bottura, Le Cadavre bouge encore : précis de réanimation littéraire, Paris, Léo Scheer, 2002 ; Richard Millet, Le Dernier écrivain, Saint-Clément-de-Rivière, Fata Morgana, 2004 ; William Marx, L’Adieu à la littérature. Histoire d’une dévalorisation, XVIIIe-XXe siècle, Paris, Éd. de Minuit, 2005 ; Dominique Maingueneau, Contre Saint Proust ou la fin de la Littérature, Paris, Belin, 2006 ; Richard Millet, Désenchantement de la littérature, Paris, Gallimard, 2007 ; Tzvetan Todorov, La Littérature en péril, Paris, Flammarion, 2007. Sur les enjeux et le contexte d’émergence de ces discours, voir Laurent Demanze, Dominique Viart (éd.), Fins de la littérature ?, Paris, Armand Colin, 2012.

59  Mathilde Roussigné, « Terrain littéraire. La littérature contemporaine au miroir des partis pris des universitaires », SELF XX-XXI, Journée de jeunes chercheurs « Nouvelles interdisciplinarités des disciplines littéraires », (dir. Aurélien d’Avoult, Esther Demoulin), 2022. URL : https://self.hypotheses.org/publications-en-ligne/nouvelles-interdisciplinarites-des-etudes-litteraires-2022/regards-reflexifs-2, consulté le 29 février 2024.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Mathilde Buliard, Heiata Julienne-Ista et Laure Sauvage, « Littérature contemporaine et Université. Interactions et interférences - l’exemple français
Avant-propos »
Essais [En ligne], 22 | 2024, mis en ligne le 09 décembre 2024, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/essais/13816 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12wqe

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Auteurs

Mathilde Buliard

Doctorante, ATER à l’Université Bordeaux Montaigne
mathilde.buliard[at]u-bordeaux-montaigne.fr

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Heiata Julienne-Ista

Doctorant, ATER à l’Université Jean-Moulin-Lyon-III
heiata.julienne-ista@u-bordeaux-montaigne.fr

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Doctorante, ATER à l’Université Bordeaux Montaigne
laure.sauvage[at]u-bordeaux-montaigne.fr

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