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Linguistique et interdisciplinarité

Linguistique et archéologie (et paléogénétique)

Linguistics and archaeology (and palaeogenetics)
Jean-Paul Demoule

Résumés

Les relations entre archéologie et linguistique sont consubstantielles, dans la mesure où l’archéologie a d’abord été définie comme une « science auxiliaire de l’histoire », l’essentiel des sources étant les textes, que l’archéologie ne venait que compléter. Au cours du XXe siècle l’archéologie, en développant de nouvelles méthodes, a pris son indépendance pour devenir l’étude des sociétés à travers leurs vestiges matérielles. Parmi ces méthodes, l’informatique a joué très tôt un rôle essentiel afin de traiter des masses de données, ce qui impliqua leur formalisation. Par ailleurs, préhistoire et linguistique ont convergé dans la recherche problématique d’une « langue-mère », recherche très en vogue dans les années 1990, avant de l’être moins ensuite. En revanche, cette même association, maintenant complétée par la génétique, s’est efforcé depuis deux siècles d’expliquer historiquement l’existence de grandes familles linguistiques, celle des langues indo-européennes avant tout, mais aussi austronésiennes et langues bantoues. À ce stade de nos connaissances, il semble que les modèles purement migrationnistes et arborescents méritent d’être complétés par des modèles en réseaux.

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Texte intégral

1L’archéologie entretient avec la linguistique, tout comme avec son ancêtre la philologie, des relations de longue date et de diverses manières. On en détaillera ici quatre principales, à savoir l’archéologie comme « discipline auxiliaire de l’histoire », cette dernière censée détenir la vérité ultime de par l’autorité des textes laissés par les sociétés passées ; la linguistique comme modèle de formalisation possible des raisonnements dans les sciences humaines ; les recherches et spéculations sur les origines préhistoriques des langues et du langage ; et enfin la linguistique historique dans ses buts, en commun avec l’archéologie (et maintenant la paléogénétique), de reconstitution d’éventuels mouvements historiques, et notamment migratoires.

L’archéologie et les textes anciens

  • 1 Alain Schnapp, La conquête du passé, Paris, Éditions Carré, 1993, p. 14 sqq.

2Si l’intérêt pour les objets du passé est une constante des sociétés humaines, puisque l’une des plus anciennes mentions d’une fouille archéologique remonte à Nabonide, roi de Babylone au VIe siècle avant notre ère, fouillant et restaurant le temple plus vieux de quinze siècles du célèbre roi Hammourabi1, l’archéologie au sens moderne ne remonte qu’à la Renaissance, lorsque la Bible comme explication totale du passé commence à lentement laisser place à d’autres interrogations. Cette archéologie-là est pour l’essentiel romaine, puisque la Grèce et une partie de l’ancien empire romain se trouvent alors dans l’Empire ottoman. Princes, d’église ou laïcs, et papes en premier lieu, entreprennent de collectionner les œuvres retrouvées au hasard des travaux d’urbanisme dans la capitale. Ainsi se constituent les « Cabinets de curiosités et d’antiques », qui seront l’amorce des futurs musées. Pétris de la lecture des textes antiques, redécouverts grâce aux copistes qui les avaient pieusement recopiés au fil des siècles au fond de leurs monastères, ces notables redécouvrent en même temps l’art gréco-romain, qui influencera durablement celui de l’Occident.

3Pour les périodes plus anciennes, en l’absence de textes, les interprétations fluctuent. Les restes de mammouths découverts dans des carrières sont attribués aux éléphants d’Hannibal, les haches polies ou les pointes de flèches en silex du néolithique sont vues comme des phénomènes naturels, dues à la foudre pour les premières (qu’on appellera donc des « céraunies ») et « langues de serpents » (« glossopètres » en grec ancien) pour les secondes. Et lorsque l’on commence à s’intéresser aux dolmens et aux menhirs, quand on ne les attribue pas à Gargantua, on ne peut que les rattacher aux Gaulois, le plus ancien peuple connu par les textes sur le territoire français – et en faire des tables à sacrifices sanglants.

  • 2 Sebastian Brather, « Ethnische Interpretationen in der frühgeschichtlichen Archäologie. Geschichte (...)

4Mais pour l’essentiel, l’archéologie reste celle des mondes gréco-romains et orientaux. Dès 1846, peu après l’indépendance de la Grèce, la France ouvre à Athènes l’un des premiers instituts archéologiques au monde, et bientôt un autre à Rome, à l’instar de la plupart des grandes nations européennes. Le service archéologique égyptien sera longtemps dirigé par un Français, tout comme celui de la Syrie durant l’éphémère mandat français de l’entre-deux-guerres. D’ailleurs le grand musée du Louvre n’expose au public que des objets venus de ces mêmes mondes méditerranéens. Ces civilisations sont censées être bien connues par les textes, et l’archéologie n’est donc bien, selon la définition qui en est régulièrement donnée dans les manuels, et jusqu’au milieu du XXe siècle, « une discipline auxiliaire de l’histoire ». L’histoire véritable se fonde sur l’étude des textes anciens, et l’archéologie n’est là que pour l’illustrer modestement. Ses découvertes sont des faits matériels et concrets, mais en eux-mêmes, ils seraient muets. « Les archéologues sont les analphabètes de l’histoire », déclara un jour dans une conférence, vers la fin du XIXe siècle, le grand historien allemand Theodor Mommsen2.

  • 3 Jean-Paul Demoule, François Giligny, Anne Lehoërff & Alain Schnapp, Guide des méthodes de l’archéol (...)

5La découverte de la préhistoire, obligée, en l’absence de textes, d’élaborer des méthodes de recherche propres, fit progressivement, au cours du XXe siècle, évoluer ce regard sur la discipline, d’autant que le recours aux diverses sciences naturelles et physico-chimiques, puis informatiques, tout comme des méthodes de fouilles beaucoup plus minutieuses que sur les grands chantiers de l’archéologie classique, apportaient dorénavant une foule de données qui ne devaient rien aux textes. Une nouvelle définition s’esquissait peu à peu, celle d’une étude des sociétés humaines, anciennes ou non, à travers leurs traces matérielles – tout comme l’histoire les étudiaient à travers leurs textes, et la sociologie ou l’ethnologie à travers leurs comportements3. Par contrecoup, les archéologues des périodes historiques entreprirent de s’aventurer hors des textes, étudiant par exemple les humbles villages de la Grèce ancienne ou du Moyen Âge, délaissant sanctuaires et palais. On découvrit alors que les textes étaient, selon la formule, « partiels et partiaux » : ils ne reflétaient qu’une partie de la société, en général vue du côté des dominants – chroniques royales, comptabilités étatiques, textes religieux, épopées, etc. Mais rien, ou presque, sur la vie quotidienne, l’alimentation, l’hygiène, l’économie, ou encore les techniques. Les textes peuvent même être contredits par les réalités concrètes des fouilles archéologiques.

6Il s’est donc établi désormais un rapport apaisé entre textes et archéologie, leur confrontation critique permettant finalement un enrichissement de la connaissance historique, donnant aussi un sens plus large à la notion d’histoire.

Vers la formalisation des données

  • 4 Jean-Claude Gardin (dir.), Archéologie et calculateurs – Problèmes sémiologiques et mathématiques, (...)

7Parmi les méthodes d’approche qui ont transformé l’archéologie, figure à partir des années 1960-1970 l’informatique. Paradoxalement, cette science des sociétés anciennes fut l’une des toutes premières à utiliser ces nouvelles techniques. L’archéologie a souvent à traiter de très nombreux objets (des milliers, voire des millions de fragments de silex ou de poteries, par exemple), mais qui peuvent être relativement faciles à décrire de manière standardisée. Dès 1969 eut lieu le premier congrès international sur l’informatique en archéologie4, organisé par Jean-Claude Gardin, qui avait fondé et dirigeait à Marseille le Centre d’analyse documentaire pour l’archéologie (CADA) du CNRS, dédié à ces questions. Or ce mouvement de formalisation, mené en parallèle dans d’autres sciences humaines, avait la linguistique pour modèle. On sait que le structuralisme, d’abord apparu en linguistique au début du XXe siècle, s’était étendu peu à peu à d’autres sciences humaines, en commençant par l’ethnologie (ou anthropologie sociale), ne serait-ce que par les relations entre Roman Jakobson et Claude Lévi-Strauss – lequel proposait dans l’Anthropologie structurale un embryon de formalisation technique des mythes. Ainsi, l’archéologie emprunta un temps explicitement les notions linguistiques d’ -etic et -emic pour distinguer ce qui relèverait de la pure description objective d’objets matériels, et ce qui relèverait de leur interprétation, par exemple en termes de chronologie, d’aire géographique ou encore de fonction – technique ou culturelle.

  • 5 Mario Borillo et Jean-Claude Gardin (dir.), Les banques de données archéologiques, Paris, CNRS, 197 (...)
  • 6 Serge Cleuziou et Jean-Paul Demoule, « Situation de l’archéologie théorique », Les Nouvelles de l’A (...)
  • 7 Jean-Claude Gardin, Une archéologie théorique, Paris, Hachette, 1979.

8Les années 1970 seront donc marquées par un grand enthousiasme dans les sciences humaines autour des nouvelles possibilités offertes par l’informatique, de la reconnaissance des formes à l’intelligence artificielle, et du stockage massif de données 5aux classifications automatiques et aux analyses des correspondances 6. Gardin lui-même estimait que ce mouvement devait déboucher, dans un avenir encore lointain, sur un degré de formalisation qui ferait un jour les sciences humaines et sociales les égales des sciences dites exactes. C’est pourquoi, après avoir beaucoup travaillé sur les systèmes descriptifs préalables à tout traitement formel, son laboratoire testa également les systèmes experts, susceptibles de reproduire les raisonnements interprétatifs de l’archéologie7.

9En réalité, ce programme très ambitieux ne fut jamais réalisé sous cette forme. Certes, l’enregistrement et le traitement informatisés des données archéologiques sont devenus depuis longtemps la règle sur les chantiers archéologiques, mais souvent selon des protocoles propres à chaque équipe, et pas nécessairement compatibles d’un chantier à l’autre. De même, les publications exhaustives sur papier d’une fouille archéologique laissent peu à peu la place à une mise en ligne d’une partie des données. Mais la formalisation des raisonnements, du moins sous la forme envisagée à l’origine, n’a pas eu lieu. Et d’une certaine façon la linguistique n’a plus exercé la même fascination sur les autres sciences humaines et sociales. Il est vrai que le courant postmoderne, très présent dans certaines disciplines dans les années 1980-1990 et notamment dans l’archéologie et l’anthropologie anglo-saxonnes mais depuis lors en reflux, a fait passer à l’arrière-plan l’exigence du raisonnement et de la preuve, au profit d’un certain relativisme, tout ne devenant que « grands récits », dépendant en grande partie de la position de leur émetteur.

Évolution humaine et origine du langage

  • 8 Bernard Laks, Serge Cleuziou, Jean-Paul Demoule et Pierre Encrevé (dir.), Origin and Evolution of L (...)

10Après ces deux modes de rencontre, de statut plutôt épistémologique, entre l’archéologie d’une part, et la langue et la linguistique de l’autre, on envisagera maintenant l’apport de la linguistique à la connaissance archéologique, et plus précisément préhistorique. Le premier apport a trait aux recherches sur l’origine du langage8. On se souvient du fameux article 2 des statuts de la Société de linguistique de Paris, qui précisait : « La société n’admet aucune communication concernant soit l’origine de langage, soit la création d’une langue universelle ». Il s’agissait en fait d’une sage précaution, pour écarter toutes les spéculations vaines qui fleurissaient alors sur ce sujet.

  • 9 Claudine Cohen, Nos ancêtres dans les arbres – Penser l’évolution humaine, Paris, Le Seuil, 2021, p (...)
  • 10 Jean-Louis Heim, Louis-Jean Boë et Christian Abry, « La parole à la portée du conduit vocal de l’ho (...)

11Depuis, nos connaissances en paléontologie humaine se sont considérablement enrichies, tout comme dans le domaine de la communication animale, en particulier chez les primates. Si l’on s’abstrait de toute considération téléologique, on peut même supposer, comme c’est le cas actuellement, que si le développement du langage est bien lié à l’accroissement du volume cérébral à la faveur de la sélection naturelle, ses organes pourraient être un cas d’exaptation, c’est-à-dire d’utilisation secondaire d’organes qui n’étaient pas prévus pour cela à l’origine 9. On a renoncé de même à l’idée que le langage articulé n’aurait été possible qu’à partir de la descente du larynx propre à homo sapiens, puisque ladite « descente » se retrouve chez d’autres primates 10. Le langage n’est donc pas surgi de nulle part, pas plus que homo sapiens n’est l’aboutissement d’une file indienne, abondamment représentée, du singe accroupi à l’homme blanc barbu fièrement dressé, mais le produit d’un buissonnement permanent, de métissages et d’entrecroisements. Entre les différentes formes humaines, actuellement reconnues depuis sept millions d’années, il n’y eut, dans leur rapport au langage, que des différences de degré, dans une tendance générale à une complexification croissante.

  • 11 André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, Paris, Albin Michel, 1964.

12André Leroi-Gourhan avait d’ailleurs mis en rapport la double articulation du langage avec l’évolution du rapport à la taille des outils. Si au début, du temps d’homo erectus et même avant, on sculpte en quelque sorte la pierre afin d’obtenir un outil tranchant, à partir de 300 000 ans environ, notamment avec Neandertal, ce n’est plus le bloc de départ, mais les éclats qui en sont détachés qui sont le but de la taille, et qui deviennent les outils11.

  • 12 François Rastier, « Le langage a-t-il une origine », Revue française de psychanalyse, 71, 2007, p. (...)

13Finalement, comme le rappelle François Rastier, « la question de l’origine du langage ne se pose pas si l’on admet que le langage est une création culturelle : son histoire n’est autre que celle des langues et se confond avec celle des sociétés humaines »12. Ce qui nous amène aux relations entre l’archéologie, pré- et protohistorique, et la linguistique historique.

La langue des origines ?

14Si l’on fait remonter à 300 000 ans l’émergence d’homo sapiens, et si les plus anciennes langues connues, soit le sumérien et l’égyptien ancien, n’ont été écrites qu’il y a environ 5 000 ans, nous ne disposons donc d’un enregistrement sur l’évolution des langues humaines que sur 1,7 % environ de la durée totale de sapiens, et sur à peine plus de 1 % si l’on s’intéresse cette fois aux seules langues indo-européennes, dont les trois plus anciennement connues sont le sanscrit védique, le grec mycénien et le hittite. On peut cependant supposer que durant ces 300 000 ans la complexité cognitive du cerveau de sapiens a continué de se développer, puisque c’est seulement il y a 40 000 ans qu’apparaissent les premières représentations figurées en divers points de l’Eurasie.

  • 13 Arno Borst, Der Turmbau von Babel, Geschichte der Meinungen über Ursprung und Vielfalt der Sprache (...)
  • 14 Morris Swadesh, The Origin and Diversification of Language, Taylor & Francis, 1971.
  • 15 Merritt Ruhlen, L’origine des langues – Sur les traces de la langue-mère, Paris, Belin, 1996.
  • 16 Laurent Métoz, Nathalie Vallée, Isabelle Rousset, Louis-Jean Boë, Pierre Bessière, « Des formes pho (...)

15À défaut des origines du langage, la recherche de la langue des origines est, on le sait, une quête ancienne. Tant que la Bible fut la seule explication du monde, l’hébreu a pu même passer pour cette langue, puisque c’était apparemment celle qui était parlée au Paradis Terrestre, tandis que les hypothèses n’ont cessé de se multiplier13. On se souvient sans doute que Morris Swadesh, pionnier de la glottochronologie, avait dans les années 1960, au moyen de listes de mots de base, construit au moyen de la glottochronologie un arbre de toutes les langues du monde dont il avait daté le point origine il y a 40 000 ans, qui était aussi la date, à l’époque, que l’on donnait à l’émergence d’homo sapiens14. La tentative la plus récente et la plus médiatisée a été celle de Joseph Greenberg et de Merritt Ruhlen, pour réduire les quelque 6 000 langues connues en une douzaine de macrofamilles, elles-mêmes dérivées d’une unique langue primitive, celle qui aurait été parlée, à une date non précisée, par les premiers sapiens avant leur dispersion dans le monde entier15. Ruhlen put même établir la liste d’une trentaine de proto-mots ancestraux, comme aq’wa (eau), kuan (chien), (m)ama (mère), (p)apa (père), maliq’a (sein ou allaiter), puti (vulve), tik (doigt ou le chiffre un), tika (terre). Il n’utilisa néanmoins que des ressemblances lexicales, mais non de morphologie ou de syntaxe. Les critiques n’ont évidemment pas manqué. En effet, en ne choisissant qu’une langue par grande famille de langues, en étant très flexible sur les différents sens possibles d’un proto-mot (ainsi aq’wa peut signifier boire, pleuvoir, nuage, rivière, sucer, soif, hors de l’eau, laver, etc.), mais en étant tout aussi flexible sur les différentes formes que peut prendre le proto-mot dans les différentes langues (ainsi aq’wa peut se retrouver sous des formes aussi variées que kwe, uuku, agu-d, hoko, gugu, k’oy, waho, ku, etc.), on se donnait finalement 100 % de chance de trouver des ressemblances16.

  • 17 Luigi Luca Cavalli-Sforza, Qui sommes-nous ? Une histoire de la diversité humaine, Paris, Flammario (...)

16Mais en outre, l’arbre Greenberg-Ruhlen de toutes les langues du monde fut ensuite confronté à l’arbre de tous les gènes du monde, construit cette fois dans les années 1980 par le généticien Luigi Luca Cavalli-Sorza17. Réunis sous l’appellation médiatique de « Nouvelle Synthèse », la réunion des deux arbres pouvait sembler frappante : groupes génétiques et groupes linguistiques, et donc culturels, semblaient coïncider optiquement. En réalité, la chose était moins évidente dans le détail. Par exemple, les populations parlant des langues indo-européennes dans la moitié nord de l’Inde sont beaucoup plus proches génétiquement de celles de la moitié sud, qui parlent des langues dravidiennes très différentes, qu’elles ne le sont des populations européennes parlant des langues indo-européennes. De même, les populations de l’Éthiopie sont plus proches génétiquement de celles de l’Afrique subsaharienne voisine, que des groupes linguistiquement apparentés mais éloignés dans l’espace. En réalité, une bonne partie de ces proximités génétiques tient à une proximité géographique – la proximité linguistique tenant souvent aussi à une proximité géographique.

  • 18 Patrick Sims-Williams, « Genetics, Linguistics and Prehistory: Thinking Big and Thinking Straight » (...)

17Là encore, les critiques se sont accumulées18. Et de fait, l’enthousiasme pour la Nouvelle Synthèse, prospère dans les années 1990, s’est peu à peu dissout au fil du temps.

Naissance de la grammaire comparée

18Si le sumérien et l’égyptien ancien sont restés confinés aux vallées respectives du Tigre et de l’Euphrate pour le premier, et du Nil pour le second, il n’en est pas de même pour d’autres familles linguistiques, d’une beaucoup plus grande extension. Un certain nombre ont fait l’objet de recherches approfondies, parfois de longue date, et avant tout les langues indo-européennes, les langues austronésiennes et les langues bantous.

19La grammaire des langues indo-européennes est à la source même de la linguistique générale. L’historiographie officielle anglo-saxonne, omniprésente dans la littérature scientifique, date invariablement et solennellement la découverte de cette famille d’une certaine conférence du magistrat colonial William Jones donnée à Calcutta en 1786 et d’une phrase de cette conférence indéfiniment reproduite :

  • 19 William Jones, « The Third Anniversary Discourse: On the Hindus », in Lord Teignmouth (dir.), The W (...)

la langue sanscrite, quelle que soit son antiquité, est d’une merveilleuse structure ; plus parfaite que le grec, plus riche que le latin, et plus délicatement raffinée qu’aucun des deux, elle entretient avec l’un et l’autre une affinité plus forte dans les racines de ses verbes et ses formes grammaticales que ce qu’aurait pu produire le hasard ; si forte même, qu’aucun philologue ne peut les examiner tous les trois sans penser qu’ils ont dû jaillir d’une source commune, qui peut-être n’existe plus : il y a une raison identique, bien que moins péremptoire, pour supposer que le gothique et le celtique, bien qu’amalgamés avec un idiome très différent, ont la même origine que le sanscrit ; et le vieux persan pourrait être ajouté à la même famille19.

20Mais on oublie en général de lire l’article jusqu’au bout, qui par ailleurs ne comporte aucune démonstration linguistique à l’appui de son affirmation. Jones en effet peut généraliser avec audace :

  • 20 Ibid., p. 45-56 ; les italiques sont de Jones. Voir Jean-Paul Demoule, On a retrouvé …, op. cit., p (...)

Les Hindous [...] ont une immémoriale affinité avec les anciens Perses, Éthiopiens et Égyptiens, Phéniciens, Grecs et Tuscans, Scythes ou Goths, et Celtes, Chinois, Japonais, et Péruviens ; comme il n’y a aucune raison de penser qu’ils furent une colonie de l’une de ces nations, ou que l’une de ces nations fut colonisée par eux, nous pouvons assurément conclure qu’ils proviennent tous d’une quelconque région centrale, dont l’identification fera l’objet de mes prochaines conférences20.

21Cette conférence annoncée n’eut jamais lieu et Sir Jones mourut huit ans plus tard. On objectera que peu importe, car de nombreuses découvertes scientifiques peuvent avoir à l’origine leur part de mythologie ou d’illusion. L’essentiel est que lui ont succédé trois générations de philologues germaniques consciencieux et érudits, la première avec Franz Bopp et Rasmus Rask, qui posèrent les fondements de la grammaire comparée des langues indo-européennes ; la seconde avec le botaniste darwinien August Schleicher, le premier à avoir tracé un arbre généalogique (Stammbaum en allemand) des langues indo-européennes et à s’être même risqué à écrire une petite fable (celle « des moutons et des chevaux ») en proto-indo-européen reconstitué ; la troisième avec les « néogrammairiens » (Junggrammatiker) de Leipzig, comme Berthold Delbrück ou Karl Brugmann, qui rédigèrent les premiers manuels et établirent une série de lois de correspondances phonétiques « qui ne sauraient avoir aucune exception ». C’est au contact de ce milieu scientifique que le jeune Ferdinand de Saussure fondera la linguistique générale à partir de la fin du XIXe siècle, tandis que la grammaire comparée poursuivra son œuvre, enrichie au XXe siècle par la découverte du tokharien et du hittite, avec des savants comme Antoine Meillet puis Émile Benveniste, son disciple.

22Dès que l’existence de cette famille fut solidement établie, se posa le problème de son histoire. On appliqua donc le seul modèle connu à l’époque, celui du latin, imposé dans une partie de l’Europe et du bassin Méditerranée par les conquêtes de Rome, et qui avait donné naissance aux différentes langues romanes modernes (italien, français, occitan, roumain, portugais, romanche, etc.). On entreprit donc de rechercher ce Latium préhistorique, la patrie primitive (Urheimat en allemand), où le peuple primitif (Urvolk) avait parlé la langue primitive (Ursprache). Pourquoi d’ailleurs, pendant tout le XIXe siècle, la grammaire comparée fut-elle exclusivement allemande, au point qu’indo-européen se dit toujours en allemand indo-germanisch ? Même si le terme fut forgé à l’origine par un Danois devenu francophone, Conrad Malte-Brun, il ne fut utilisé que dans les pays de langue allemande, à l’exclusion de tout autre. Au-delà du sérieux bien établi de la recherche universitaire germanique, il n’est pas inutile de rappeler que, alors que France et Royaume-Uni, fort peu intéressés par cette question, étaient des entités politiques unifiées de longue date, l’Allemagne fut jusqu’en 1871 éclatée en de nombreux royaumes et principautés diverses – et même encore aujourd’hui diverses populations germanophones vivent en dehors des frontières politiques allemandes. La langue était donc ce qui faisait l’unité des Allemands et les enracinait dans leur histoire. Il fallut d’ailleurs un chercheur de formation germanique, Michel Bréal, pour introduire finalement ce champ de recherche en France. Et c’est de même en Allemagne que se formera Ferdinand de Saussure, son continuateur en France dans ce même domaine, avant qu’il n’élargisse singulièrement ses problématiques.

À la recherche du berceau

  • 21 James Patrick Mallory, À la recherche des Indo-Européens, Paris, Le Seuil, 1997, p. 166 ; voir auss (...)
  • 22 Otto Schrader & Alfons Nehring (dir.), Reallexikon der indogermanischen Altertumskunde: Grundzüge (...)

23Le berceau fut d’abord recherché sur les contreforts de l’Himalaya et dans la région de la Bactriane. L’auteur de cette hypothèse, le Suisse Adolphe Pictet, avait pour ce faire développé une méthode, dite de « paléontologie linguistique ». Il suffisait de faire la liste des mots communs à la plupart des langues indo-européennes pour avoir une bonne idée de ce que pouvaient être leurs paysages, leurs techniques, leur culture matérielle. C’est grâce à cette méthode qu’à peu près toutes les régions de l’Europe et de l’Asie occidentale furent proposées, à chaque fois avec de bons arguments, sans oublier l’Égypte et le Pôle Nord21. En effet, comme on le sait depuis lors, les mots voyagent, peuvent changer de sens ou être empruntés. Au fil des propositions, on peut néanmoins dégager une logique historique générale, celle d’un rapatriement progressif vers l’Europe, quittant les steppes de l’Asie centrale vers celles de l’Europe orientale (thèse défendue notamment par Otto Schrader avec des arguments purement philologiques22), puis vers l’Europe centrale, et enfin vers l’Europe du nord-ouest. On n’oubliera pas néanmoins la thèse d’une origine proche-orientale, classiquement soutenue par les tenants du ex oriente lux.

  • 23 Gustaf Kossinna, « Die indogermanische Frage archäologisch beantwortet », Zeitschrift für Ethnolog (...)

24La thèse d’une origine nordique, comprenant la Scandinavie (voire le Pôle Nord) et le nord de l’Allemagne, fut défendue dès la fin du XIXe siècle, dans la logique de l’appellation indo-germanisch, par certains archéologues ou philologues nationalistes allemands, dont le plus célèbre est Gustaf Kossinna, professeur de préhistoire à Berlin, et inspirateur d’une partie des thèses « aryennes » du national-socialisme, même s’il mourut en 193123. Ce terme d’Aryens, utilisé fréquemment au XIXe siècle en parallèle à Indo-Européens, provient d’une lecture biaisée des hymnes védiques de l’Inde ancienne, où de nobles Aryas combattent avec succès des Dasyas, fourbes et noirauds. On y a donc vu assez tôt le récit de l’entrée des Indo-Européens dans le nord de l’Inde, refoulant les indigènes locuteurs de langues dravidiennes. Toutefois, ces Dasyas sont parfois décrits comme ayant trois têtes, ce qui pourrait replacer ces récits dans le champ du mythe plutôt que de l’histoire. Néanmoins le terme d’Aryen sera retenu par le nazisme, et repris par la politique antisémite de Vichy.

  • 24 Jean Haudry, Les Indo-Européens, Paris, Que-sais-je ?, PUF, 1983.
  • 25 Colin Renfrew, L’énigme indo-européenne - Archéologie et langage, Paris, Flammarion, 1990 ; contra, (...)
  • 26 Peter Bellwood & Colin Renfrew (dir.), Examining the Farming/Language Dispersal Hypothesis, Cambrid (...)

25À partir de la fin du XIXe siècle les fouilles archéologiques entrent en scène, resserrant le faisceau des hypothèses, sans pour autant qu’une seule puisse être définitivement retenue. La thèse scandinave sera donc défendue par Kossinna et ses émules ; elle ne l’est plus de nos jours, faute de tout argument archéologique, que par des mouvements d’extrême-droite contemporains24. La thèse proche-orientale a été reprise dans les années 1980 par l’archéologue britannique Colin Renfrew, avec un certain succès. En effet, elle fait coïncider l’arrivée des Indo-Européens putatifs avec la colonisation néolithique de l’Europe à partir du VIIe millénaire par des pionniers agriculteurs venus du Proche-Orient, un mouvement migratoire d’ampleur dont l’existence fait par ailleurs consensus25. Colin Renfrew tenta d’ailleurs d’intégrer la question indo-européenne dans la « Nouvelle Synthèse » évoquée plus haut, ainsi qu’en reprenant aussi l’hypothèse développée par Peter Bellwood d’une association entre la diffusion de l’agriculture et la diffusion des grandes familles linguistiques26.

  • 27 V. Gordon Childe, The Aryans. A Study of Indo- European Origins, New York, Alfred A. Knopf, 1926.
  • 28 V. Gordon Childe, « Retrospect », Antiquity, 32, p. 69-74.
  • 29 Marija Gimbutas, « The First Wave of European Steppe Pastoralists into Copper Age Europe », Journal (...)
  • 30 James Patrick Mallory, À la recherche des Indo-Européens, op. cit. ; David Anthony, The Horse, the (...)

26L’autre hypothèse est celle d’une origine steppique. Après Otto Schrader, elle fut reprise et développée par l’archéologue australien Gordon Childe, professeur à Londres et l’un des principaux protohistoriens de l’entre-deux-guerres27. Il la renia néanmoins à la fin de sa vie, affirmant dans un texte testamentaire qu’elle lui paraissant beaucoup trop simpliste, et même childish (enfantine) et non childeisch (childienne)28. Elle fut remise au goût du jour, après le quart de siècle de déconsidération de l’hypothèse indo-européenne qui suivit l’effondrement du nazisme, par l’archéologue lituano-américaine Marija Gimbutas à partir des années 197029, et prolongée pas son principal élève, James Mallory, puis d’autres30.

Paléogénétique, linguistique et archéologie

  • 31 Wolfgang Haak et al., « Massive Migration from the Steppe is a Source for Indo-European Languages i (...)
  • 32 https://www.shh.mpg.de/105110/lag_conference
  • 33 E. Heyer et al., « Sex-specific demographic behaviours that shape human genomic variation », Molecu (...)
  • 34 Martin Furholt, « De-contaminating the aDNA–Archaeology Dialogue on Mobility and Migration Discussi (...)

27Cette hypothèse, qui reprenait le classique schéma des invasions de l’est, depuis les Huns jusqu’aux Mongols (voire l’Armée Rouge), a été renforcée à partir de 2015 par l’essor des analyses de paléogénétique, en progrès constant, qui ont confirmé un apport de populations originaires des steppes d’Europe orientale à partir du début du IIIe millénaire avant notre ère31. Un grand enthousiasme a suivi ces résultats préliminaires, et dès la même année fut réuni à Iéna, siège de l’un des laboratoires de paléogénétique, un colloque international (j’y participai) présenté comme The First International Symposium Linguistics, Archaeology & Genetics – Integrating new Evidence for the Origin and Spread of the Indo-European Languages32. Néanmoins, le consensus qui en fut la conclusion était qu’il n’y avait toujours pas de consensus. En effet, si cet apport génétique semblait indéniable, il ne s’accompagnait pas, sans entrer dans les détails, de preuves archéologiques indiscutables. On pouvait même craindre un certain réductionnisme biologique, avec une équivalence entre gènes et « peuples », sinon « cultures », ce qui nous ramènerait aux temps de la craniologie du XIXe siècle. De fait, sans nier de tels mouvements de populations, d’autres explications sont possibles, pour une diffusion génétique, que celle d’une invasion plus ou moins violente. Cette diffusion peut aussi tenir au système matrimonial, et s’échelonner sur un temps long33. De fait, après un premier temps de sidération face à une science dite « exacte », les archéologues spécialistes de ces périodes se sont ressaisis et ont proposé des interprétations plus complexes34.

  • 35 Johannes Schmidt, Die Verwandtschaftsverhältnisse der indogermanischen Sprachen, Hermann Böhlau, 18 (...)
  • 36 Hugo Schuchardt, Hugo Schuchardt-Brevier: ein Vademecum der allgemeinen Sprachwissenschaft, als Fes (...)

28De fait, les généticiens s’efforçaient effectivement de coller au plus près de l’hypothèse classique du Urvolk parti d’un foyer originel qu’il ne restait plus qu’à déterminer. Or l’hypothèse d’un arbre généalogique (Stammbaum) partant du point unique d’une langue originelle (Urprache) n’est pas la seule possible proposée par les linguistes. Dès le XIXe siècle, deux élèves de Schleicher avaient exploré d’autres modèles. Johannes Schmidt d’une part, avait proposé un modèle « en vagues » (Wellentheorie) où des innovations parties de lieux différents finissaient pas se croiser entre elles comme les différentes vaguelettes concentriques issues de plusieurs cailloux jetés à la fois dans l’eau35. Hugo Schuchardt d’autre part fut le premier à s’intéresser aux créoles et aux mélanges de langues, affirmant dans une phrase célèbre que « il n’existe aucune langue qui soit totalement sans mélange » (Es gibt keine völlig ungemischte Sprache)36. D’autres alternatives au Stammbaum ont été régulièrement proposées depuis lors.

  • 37 Russell D. Gray & Quentin Atkinson, « Language-tree divergence times support the Anatolian theory o (...)

29Le perfectionnement des techniques informatiques dites phylogénétiques, permettant la construction d’arbres, n’a pas non plus permis d’avancer de façon notable. Ainsi deux tentatives récentes ont proposé de manière contradictoire, l’une un point origine de l’arbre vers 7 000 avant notre ère, donc en accord avec l’hypothèse anatolienne liée à la diffusion, désormais bien datée, du néolithique vers l’Europe, l’autre un départ vers 5 000, confortant l’hypothèse steppique37.

Des Indo-Européens

  • 38 Jean-Paul Demoule, Mais où sont passés…, op. cit. ; Id., « L’hypothèse indo-européenne (entretien a (...)

30J’ai donc souhaité exposer dans un livre, déjà mentionné, à la fois la vaste historiographie de cette question, et l’état actuel des débats dans les champs divers de l’archéologie, de la génétique, de la mythologie comparée et de la linguistique. N’étant pas linguiste moi-même, j’ai néanmoins travaillé avec des linguistes et tâché d’exposer les différents points de vue qui pouvaient se rencontrer dans la littérature scientifique38. L’idée d’un strict arbre généalogique (Stammbaum) reliant toutes les langues indo-européennes n’est en effet pas le seul modèle retenu par un certain nombre des spécialistes de ces langues, pas plus que celle d’un peuple originel unique. Ce livre a été plutôt bien reçu, aussi bien de la part de divers spécialistes de sciences humaines et sociales, que de la part du grand public intéressé.

  • 39 Xavier Delamarre, « L’éclairage de Xavier Delamarre – On a retrouvé les Indo-Européens », Éléments, (...)
  • 40 Thomas Pellard, Laurent Sagart et Guillaume Jacques, « L’indo-européen n’est pas un mythe », Bullet (...)

31Les réactions hostiles sont évidemment venues de l’extrême droite, ce qui n’avait rien de surprenant, que ce soit dans des articles de revues de cette tendance ou de manière anonyme sur internet. J’y étais notamment traité de « négationniste » puisque j’étais censé remettre en cause l’existence du peuple indo-européen originel – un de ces détournements sémantiques dont l’extrême droite est certes coutumière, mais dont l’allusion à la Shoah est particulièrement indécente39. J’ai même dû demander une médiation à propos des notices de Wikipedia me concernant, en raison d’attaques récurrentes, ce à quoi les médiateurs de cette encyclopédie collaborative ont su répondre avec équilibre et compétence – des attaques continuant néanmoins de manière sporadique. Trois linguistes spécialistes de langues asiatiques mais également proches de la nouvelle revue d’études indo-européennes Wekwos où j’avais été attaqué avant même la parution de mon livre, ont néanmoins publié dans le Bulletin de la société de linguistique de Paris un article à charge, qui faisait montre d’une lecture inexacte et biaisée de mon livre40. J’y étais traité d’« idéologue », comparé à Martin Bernal, l’auteur de Black Athena, coupable de « nombreuses erreurs et contre-sens », (dont seul un très petit nombre était présenté, dans un texte très allusif), tout comme de ne pas présenter un contre-modèle « réfutable » – ce qui n’avait pourtant, jamais et explicitement, été mon propos. Les auteurs repoussaient totalement l’existence de langues mixtes, classant sans appel le yiddish parmi les langues germaniques ce qui, dans leur logique, ferait de ses locuteurs d’authentiques Germains. Ils s’emparaient par ailleurs, sans beaucoup de recul et avec quelques inexactitudes, des premiers résultats de la paléogénétique, pour estimer la question indo-européenne définitivement résolue dans les termes de la grande migration steppique.

  • 41 Gabriel Bergounioux et Jean-Paul Demoule, « L’indo-européen entre épistémologie et mythologie » : h (...)

32Tout débat scientifique étant normalement justifié, sinon fructueux, le linguiste Gabriel Bergounioux et moi-même avons proposé au même Bulletin un article qui n’était pas strictement un droit de réponse, mais une proposition pour élargir la discussion et explorer les différents modèles interprétatifs possibles41. Les responsables de la revue nous en ont refusé catégoriquement la publication, arguant de trois rapports (anonymes comme il est d’usage) très négatifs, dont les propos les plus aimables étaient, entre autres, ceux de « délire interprétatif », « thèse inacceptable », « information biaisée », « propagande et désinformation », « arguments disparates, décousus, incohérents, sans pertinence », « ignorance profonde du domaine », « lacune grossière », « poudre aux yeux », « texte d’amateur non-éclairé », « malhonnêteté intellectuelle », etc.

  • 42 À paraître aux éditions du Seuil. On trouvera une mise au point intermédiaire dans mon livre Homo M (...)

33Les lecteurs curieux pourront se faire leur propre opinion en lisant notre contribution mise en ligne. Néanmoins, cette agressivité un peu inusuelle de la part de chercheurs certainement très compétents est un symptôme intéressant en termes de sociologie des sciences. La question ultime est en effet de savoir si un peuple unique a parlé à un moment donné, il y a au moins plusieurs millénaires quelque part en Eurasie, une langue homogène dont descendraient toutes les langues indo-européennes connues. Question qui pourrait rester limitée à un champ purement érudit. En réalité, cela ne l’a jamais été car, sans même évoquer les dérives extrêmes, ce qui est en jeu, consciemment ou inconsciemment, est l’histoire de l’Occident tout entier, en tant que ses langues (ou au moins quatre ou cinq d’entre elles) ont été imposées à la plus grande partie de la planète. À cela s’ajoute sans doute la crainte peu fondée d’une remise en cause de la linguistique historique dans sa version néogrammairienne, dont on voit pourtant mal ce qui pourrait la menacer – remise en cause qui ne figure nulle part dans mon livre. Dans tous les cas, je publierai prochainement une réponse aux diverses critiques, qui tienne également compte de l’évolution des recherches depuis 2014, notamment dans le domaine de la paléogénétique42.

De l’Asie au Pacifique

  • 43 Sur les langues bantoues, voir une brève mise au point et la bibliographie récente dans mon livre H (...)

34La famille indo-européenne, même si elle dispose d’un riche enregistrement documentaire étalé sur trois millénaires, n’est pas la seule où les chercheurs se sont efforcés de croiser linguistique, archéologie et maintenant génétique. C’est aussi le cas des langues austronésiennes et des langues bantous – il ne sera traité ici que des premières43. Les problèmes rencontrés sont aussi les mêmes, et en particulier celui du modèle arborescent centrifuge, de la conception de « peuples », de « cultures » et de « langues » comme entités parfaitement délimitées et s’engendrant les unes les autres.

35L’origine des langues austronésiennes, celles qui partirent à la conquête des îles du Pacifique en réalisant la plus large expansion linguistique ancienne, est actuellement située par les spécialistes dans l’île de Taïwan. Ce sont les langues dites formosanes, parlées par les populations insulaires originelles, mais colonisées à date récente par la Chine et devenues désormais très minoritaires. Comme ces populations sont nécessairement venues du continent, on a essayé de les rattacher à certaines des familles linguistiques continentales. On estime que le premier peuplement de l’Asie orientale et de l’Océanie par des homo sapiens remonterait à environ 60 000 ans et que leurs descendants correspondraient aux populations regroupées parfois sous le terme de Negritos dans les îles Andamans, la Malaisie et les Philippines, ainsi qu’aux Papous et aux Aborigènes australiens, avec leurs langues spécifiques (la plupart des Negritos auraient perdu les leurs originelles). Rien n’indique d’ailleurs que ce peuplement aurait eu lieu en une fois, étant donné la très grande diversité linguistique de ces populations et il s’est certainement agi de mouvements complexes et étalés dans le temps. Une famille beaucoup plus homogène, pouvant correspondre à un peuplement plus récent serait celle des langues dites austroasiatiques, dont on dénombre plus de cent-cinquante, dont les langues munda du nord-est de l’Inde et les langues môn-khmers, parmi lesquelles le khmer et le vietnamien. Enfin une dernière famille, la seconde au monde en nombre de locuteurs (près d’un milliard et demi) est celle des langues sino-tibétaines, au nombre de plus de trois cent, regroupant les langues chinoises, tibétaines et aussi birmanes.

  • 44 Randy J. LaPolla, « The role of migration and language contact in the development of the Sino-Tibet (...)
  • 45 Laurent Sagart, Roger Blench & Alicia Sanchez-Mazas, The peopling of East Asia, Routeledge Curzon, (...)

36Si l’on met de côté les premières langues mentionnées, celle des populations Negritos, Papoues et Aborigènes australiennes, l’articulation entre les langues austroasiatiques, sino-tibétaines et austronésiennes a fait l’objet de nombreuses spéculations. Le renfort des techniques de calcul dites phylogénétiques dont la finalité est la construction d’arbres, a permis d’en proposer, d’abord internes, pour la famille sino-tibétaine44. L’homogénéité de la famille austroasiatique fait l’objet de débats. Les relations entre ces familles, et notamment la possible filiation de la famille austronésienne à partir des langues sino-tibétaines, ont également été explorées45.

  • 46 Hugh McColl et al., « The prehistoric peopling of Southeast Asia », Science, 361, 6397, 2018, p. 88 (...)

37On devra cependant garder à l’esprit que ces essais comparatifs portent essentiellement sur le lexique, qui est le plus sujet à l’emprunt, et que tant que les langues n’ont pas été standardisées dans le cadre récent d’États-nationaux, la réalité linguistique était celle de milliers de dialectes parlés par des sociétés tribales la plupart du temps multilingues, du fait des échanges matrimoniaux et économiques, voire des affrontements guerriers. Il n’est donc pas certain que l’arbre, ou les arbres, soit le seul modèle possible. De fait, les différentes langues est-asiatiques, au-delà des apparentements proches, ont un certain nombre de particularités propres, comme les tons. Les sociétés et leurs langues ne se succèdent donc pas nécessairement comme des boîtes fermées, mais on doit penser également en termes de métissages et de refontes permanents. Il reste donc encore beaucoup de chemins pour que la confrontation des données respectives de la linguistique, de l’archéologie et de la génétique puisse reconstituer par le menu l’histoire de l’Asie orientale des derniers millénaires46.

  • 47 Alexandre François, « Trees, Waves and Linkages: Models of Language Diversification », in Cl. Bower (...)
  • 48 Mark Lipson et al., « Population Turnover in Remote Oceania Shorly after Initial Settlement », Curr (...)

38La diffusion des langues austronésiennes dans le Pacifique est en revanche relativement assurée. Il s’agit à la fois d’événements plus récents, puisque certaines îles, comme la Nouvelle Zélande ou l’île de Pâques, n’ont été abordées pour la première fois qu’au début du second millénaire de notre ère, et que cette colonisation a porté sur des territoires jusque-là inhabités. On peut suivre assez bien, en particulier, la diffusion de certains types de poteries, comme la céramique dite Lapita et ses décors géométriques en pointillé, de proche en proche vers l’est. Toutefois, il ne s’est pas agi non plus d’un mouvement purement linéaire et acquis une fois pour toutes. Les données même de la linguistique suggèrent en effet des modèles plus complexes47, que l’articulation avec celles de l’archéologie mais aussi avec celles de la génétique dont les résultats préliminaires suggèrent des mouvements migratoires beaucoup moins simples que supposés initialement48, ne pourront qu’enrichir dans les années qui viennent.

39On mesure ainsi la richesse des problématiques que suggère la rencontre entre la linguistique et l’archéologie, et maintenant la paléogénétique. S’il en était au moins une leçon à retenir, ce serait celle, somme toute banale, que les modèles en réseaux sont sans doute plus riches et pertinents que les modèles simplement arborescents pour rendre compte d’un certain nombre de faits historiques, qu’ils concernent, comme ici, l’archéologie, la linguistique ou encore les migrations humaines. Et que, dans tous les cas, c’est par le dialogue interdisciplinaire que ces différentes sciences peuvent avancer de conserve.

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Notes

1 Alain Schnapp, La conquête du passé, Paris, Éditions Carré, 1993, p. 14 sqq.

2 Sebastian Brather, « Ethnische Interpretationen in der frühgeschichtlichen Archäologie. Geschichte, Grundlagen und Alternativen », Reallexikon der germanischen Altertumskunde, Ergäzungsband 42, De Gruyter, 2004, p. 2.

3 Jean-Paul Demoule, François Giligny, Anne Lehoërff & Alain Schnapp, Guide des méthodes de l’archéologie, Paris, La Découverte, 2020 (4e édition).

4 Jean-Claude Gardin (dir.), Archéologie et calculateurs – Problèmes sémiologiques et mathématiques, Paris, CNRS, 1970.

5 Mario Borillo et Jean-Claude Gardin (dir.), Les banques de données archéologiques, Paris, CNRS, 1972.

6 Serge Cleuziou et Jean-Paul Demoule, « Situation de l’archéologie théorique », Les Nouvelles de l’Archéologie, 3, 1980, p. 7-15 ; Id., « Enregistrer, gérer, traiter les données archéologiques », in Alain Schnapp (dir.), L’archéologie aujourd’hui, Paris, Hachette, 1980, p. 87-134.

7 Jean-Claude Gardin, Une archéologie théorique, Paris, Hachette, 1979.

8 Bernard Laks, Serge Cleuziou, Jean-Paul Demoule et Pierre Encrevé (dir.), Origin and Evolution of Languages: Approaches, Models, Paradigms, Sheffield, Equinox, 2008.

9 Claudine Cohen, Nos ancêtres dans les arbres – Penser l’évolution humaine, Paris, Le Seuil, 2021, p. 197 sq.

10 Jean-Louis Heim, Louis-Jean Boë et Christian Abry, « La parole à la portée du conduit vocal de l’homme de Neandertal. Nouvelles recherches, nouvelles perspectives », C. R. Palevol 1, 2002, p. 129-134.

11 André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, Paris, Albin Michel, 1964.

12 François Rastier, « Le langage a-t-il une origine », Revue française de psychanalyse, 71, 2007, p. 1481-1496.

13 Arno Borst, Der Turmbau von Babel, Geschichte der Meinungen über Ursprung und Vielfalt der Sprachen und Völker, Stuttgart, Deutscher Taschenbuch, 1957-1963, 6 vol.

14 Morris Swadesh, The Origin and Diversification of Language, Taylor & Francis, 1971.

15 Merritt Ruhlen, L’origine des langues – Sur les traces de la langue-mère, Paris, Belin, 1996.

16 Laurent Métoz, Nathalie Vallée, Isabelle Rousset, Louis-Jean Boë, Pierre Bessière, « Des formes phonétiques aux proto-formes de la langue originelle. Analyse méthodologique et évaluation des limites », XXIVèmes Journées d’Étude sur la Parole, Nancy, 24-27 juin 2002, p. 37-40 : https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00089115 ; Louis-Jean Boë, Pierre Bessière, Nadia Ladjili et Nicolas Audibert, « Simple Combinatorial Considerations Challenge Ruhlen’s Mother Tongue Theory », in Barbara L. Davis & Krisztina Zajdo (dir.), The Syllable in Speech Production: Perspectives on the Frame Content Theory, Laurence Erlbaum Associates, 2008, p. 63-92 ; Laurent Métoz, De la glottochronologie à la Nouvelle Synthèse. Histoire de la linguistique comparative américaine de 1950 à nos jours : concepts et méthodes, thèse de l’école normale supérieure lettres et sciences humaines de Lyon, 2005, 2 vol.

17 Luigi Luca Cavalli-Sforza, Qui sommes-nous ? Une histoire de la diversité humaine, Paris, Flammarion, 1997.

18 Patrick Sims-Williams, « Genetics, Linguistics and Prehistory: Thinking Big and Thinking Straight », Antiquity, 72, 277, 1998, p. 505-527 ; Jean-Paul Demoule, On a retrouvé les Indo-Européens – Le mythe d’origine de l’Occident, Paris, Le Seuil, 2014, p. 311-313 et 517-520.

19 William Jones, « The Third Anniversary Discourse: On the Hindus », in Lord Teignmouth (dir.), The Works of Sir William Jones, with the Life of the Author, John Stockdale, vol. 13, 1807, p. 34-35.

20 Ibid., p. 45-56 ; les italiques sont de Jones. Voir Jean-Paul Demoule, On a retrouvé …, op. cit., p. 22-24.

21 James Patrick Mallory, À la recherche des Indo-Européens, Paris, Le Seuil, 1997, p. 166 ; voir aussi Jean-Paul Demoule, Mais où sont passés…, op. cit.

22 Otto Schrader & Alfons Nehring (dir.), Reallexikon der indogermanischen Altertumskunde: Grundzüge einer Kultur- und Völkergeschichte Alteuropas, De Gruyter, 1917-1929, 2 vol.

23 Gustaf Kossinna, « Die indogermanische Frage archäologisch beantwortet », Zeitschrift für Ethnologie, 34, 1902, p. 161-222.

24 Jean Haudry, Les Indo-Européens, Paris, Que-sais-je ?, PUF, 1983.

25 Colin Renfrew, L’énigme indo-européenne - Archéologie et langage, Paris, Flammarion, 1990 ; contra, Jean-Paul Demoule, « Colin Renfrew’s hypothesis on the Near-Eastern origin of the original Indo-European people: an evaluation », in Bernard Laks et al. (dir.), The Origin and Evolution of Languages: Approaches, Models, Paradigm, sheffield, Equinox Editions, p. 215-240 ; Id., Mais où sont passés…, op. cit., p. 353-384.

26 Peter Bellwood & Colin Renfrew (dir.), Examining the Farming/Language Dispersal Hypothesis, Cambridge, McDonald Institute for Archaeological Research, 2002.

27 V. Gordon Childe, The Aryans. A Study of Indo- European Origins, New York, Alfred A. Knopf, 1926.

28 V. Gordon Childe, « Retrospect », Antiquity, 32, p. 69-74.

29 Marija Gimbutas, « The First Wave of European Steppe Pastoralists into Copper Age Europe », Journal of Indo- European Studies, 5, 1977, p. 277-338 ; Id., The Kurgan Culture and the Indo- Europeanization of Europe: Selected Articles Form 1952 to 1993, Institute for the Study of Man, 1997.

30 James Patrick Mallory, À la recherche des Indo-Européens, op. cit. ; David Anthony, The Horse, the Wheel, and Language: How Bronze-Age Riders from the Eurasian Steppes Shaped the Modern World, Princeton University Press, 2007.

31 Wolfgang Haak et al., « Massive Migration from the Steppe is a Source for Indo-European Languages in Europe », Nature, 2015, 522, p. 207-211 ; M. E. Allentoft et al., « Bronze Age Population Genomics of Eurasia », Nature, 522, 2015, p. 167-172 ; Kristian Kristiansen et al., « Re-theorising mobility and the formation of culture and language among the Corded Ware Culture in Europe », Antiquity, 9, 2017, p. 334-347.

32 https://www.shh.mpg.de/105110/lag_conference

33 E. Heyer et al., « Sex-specific demographic behaviours that shape human genomic variation », Molecular Ecology, 21, 2012, p. 597-612 ; Id., « Patrilineal Populations Show More Male Transmission of Reproductive Success Than Cognatic Populations in Central Asia, Which Reduces Their Genetic Diversity », American Journal of Physical Anthropology, 157(4), 2015, p. 537-543 : T. Ch. Zeng et al., « Cultural hitchhiking and competition between patrilineal kin groups explain the post-Neolithic Y-chromosome bottleneck », Nature Communications, 9, Article number: 2077 (2018).

34 Martin Furholt, « De-contaminating the aDNA–Archaeology Dialogue on Mobility and Migration Discussing the Culture-Historical Legacy », Current Swedish Archaeology, 27, 2019, p. 53-68 ; Svend Hansen, « Noch einmal: Abschied von den Indogermanen », in S. Hansen, VI.I. Molodin, L.N. Mylnikova (dir.), Mobilität und Migration: Konzepte, Methoden, Ergebnisse, Novosibirsk, IAET SA RAW Verlag, 2019, p. 44-60.

35 Johannes Schmidt, Die Verwandtschaftsverhältnisse der indogermanischen Sprachen, Hermann Böhlau, 1872.

36 Hugo Schuchardt, Hugo Schuchardt-Brevier: ein Vademecum der allgemeinen Sprachwissenschaft, als Festgabe zum 80. Geburtstag des Meisters zusammengestellt und eingeleitet von Leo Spitzer, Niemeyer, 1922.

37 Russell D. Gray & Quentin Atkinson, « Language-tree divergence times support the Anatolian theory of Indo-European origin », Nature, 426, 2003, p. 435-439 ; W. Chang et al., « Ancestry-constrained phylogenetic analysis supports the Indo-European steppe hypothesis », Language, 91, 2015, p. 194-244.

38 Jean-Paul Demoule, Mais où sont passés…, op. cit. ; Id., « L’hypothèse indo-européenne (entretien avec Arnaud Macé et Aurélien Aramini) », Romantisme – Revue de la Société des études romantiques et dix-neuviémistes, Dossier « L’hypothèse indo-européenne », n° 185, 3, 2019, p. 14-25 ; Id., « Le préhistorien et les langues (entretien avec Paule Petitier et Fabien Simon) », Écrire l’Histoire, n° 19, 2019, Dossier « L’historien et les langues », Paris, CNRS Éditions, p. 139-150.

39 Xavier Delamarre, « L’éclairage de Xavier Delamarre – On a retrouvé les Indo-Européens », Éléments, 166, 2017, p. 40-42.

40 Thomas Pellard, Laurent Sagart et Guillaume Jacques, « L’indo-européen n’est pas un mythe », Bulletin de la société de linguistique de Paris, 113 (1), 2018, p. 79-102.

41 Gabriel Bergounioux et Jean-Paul Demoule, « L’indo-européen entre épistémologie et mythologie » : https://hal.archives-ouvertes.fr/halshs-02924306/

42 À paraître aux éditions du Seuil. On trouvera une mise au point intermédiaire dans mon livre Homo Migrans, de la Sortie d’Afrique au Grand Confinement, Paris, Payot, 2022, p. 77-92.

43 Sur les langues bantoues, voir une brève mise au point et la bibliographie récente dans mon livre Homo Migrans, op. cit., p. 73-75.

44 Randy J. LaPolla, « The role of migration and language contact in the development of the Sino-Tibetan language family », in A.Y. Aikhenvald et R.M.W. Dixon, Areal Diffusion and Genetic Inheritance: Problems in Comparative Linguistics, Oxford University Press, 2001, p. 225-254 ; Id., « The origin and spread of the Sino-Tibetan language family », Nature, vol. 569,‎ 2019, p. 45-47 ; M. Zhang et al., « Phylogenetic evidence for Sino-Tibetan origin in northern China in the Late Neolithic », Nature, vol. 569, 2019, p. 112-115 ; Laurent Sagart et al., « Dated language phylogenies shed light on the ancestry of Sino-Tibetan », Proceed. National Academy of Sciences, 116 (21), 2019, p. 10317-10322.

45 Laurent Sagart, Roger Blench & Alicia Sanchez-Mazas, The peopling of East Asia, Routeledge Curzon, 2005.

46 Hugh McColl et al., « The prehistoric peopling of Southeast Asia », Science, 361, 6397, 2018, p. 88-92.

47 Alexandre François, « Trees, Waves and Linkages: Models of Language Diversification », in Cl. Bowern & B. Evans (dir.), The Routledge Handbook of Historical Linguistics, Routledge, 2014, p. 161-189.

48 Mark Lipson et al., « Population Turnover in Remote Oceania Shorly after Initial Settlement », Current Biology, 28, 7, p. 1157-1165 ; Cosimo Posth et al., « Language continuity despite population replacement in Remote Oceania », Nature Ecology & Evolution, vol. 2, 2018, p. 731-740 ; Pontus Skoglund, « Genomic insights into the peopling of the Southwest Pacific », Nature, 538 (7626), p. 510-513.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Paul Demoule, « Linguistique et archéologie (et paléogénétique) »Essais [En ligne], 21 | 2024, mis en ligne le 29 janvier 2024, consulté le 24 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/essais/13283 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/essais.13283

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Auteur

Jean-Paul Demoule

Professeur émérite d’archéologie à l’Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne, membre honoraire de l’Institut universitaire de France et ancien président de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
jean-paul.demoule[at]univ-paris1.fr

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