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Décrypter : Anthropologies de l’Égypte 1

Les Égyptiens d'Edward William Lane

Ann Thomson
p. 59-74

Texte intégral

1Publié pour la première fois en 1837, l'ouvrage d'Edward William Lane, Account of the Manners and Customs of the Modern Egyptians1, est une sorte de monument. Dès sa parution, il a été considéré comme une description définitive de la vie des Égyptiens, voire de tous les musulmans, et par la suite, des écrivains comme Nerval s'en sont largement inspirés. Si l'on peut estimer excessive l'opinion de son neveu Stanley Lane Poole, selon lequel cet ouvrage constitue « le tableau le plus parfait de la vie d'un peuple qu'on n'ait jamais écrit »2, l'admiration pour cette description minutieuse est restée intacte jusqu'à aujourd'hui. En 1941, Bernard Lewis estime que c'est un « historical document of the first importance, and still indispensable to all students of Egypt »3. Quant à J. Aldridge, auteur d'un livre sur le Caire publié en 1969, il décrit l'ouvrage de Lane comme « the most truthful and detailed account in English of how Egyptians lived and behaved »4. Un biographe récent de Lane5 désigne encore son œuvre comme une source privilégiée pour la connaissance de la société islamique du xixe siècle, avant que l'influence de l'Occident ne se fasse sentir : le tableau brossé par Lane est fiable car tiré de la réalité, sans interférence de mythes ou de légendes, et c'est en sociologue que l'auteur tente de comprendre cette société selon ses propres critères.

2Lane lui-même insiste particulièrement sur la fiabilité et l'exactitude de sa description. Dès sa préface, il souligne sa propre connaissance de la langue arabe et de l'islam, et le fait qu'à la différence d'autres auteurs ayant écrit sur le pays, il a vécu uniquement avec les Égyptiens et de la même façon qu'eux, au point de feindre d'être musulman. Il dit s'être informé auprès des gens eux-mêmes et avoir cherché la confirmation de plusieurs détails auprès d'« autorités ». Son travail ferait ainsi preuve de rigueur scientifique au lieu de livrer simplement les impressions du voyageur de passage, dont il se démarque à plusieurs reprises. Bien que son livre ait été publié en 1837 par la « Bibliothèque des connaissances divertissantes », Lane affirme ne faire aucune concession, jusque dans son système de transcription des noms arabes. Il affirme rechercher exclusivement la « vérité », précisant que les illustrations ont pour fonction d'expliquer le texte et non d'embellir l'ouvrage et affirmant : « / do not scruple to assert that I am not conscious of having endeavoured to render interesting any matter that l have related by the slightest sacrifice of truth. »6

3Dans cette même préface, Lane prend soin de montrer la supériorité de son ouvrage sur ceux qui ont été écrits précédemment sur le même thème et auxquels on pourrait être tenté de le comparer. Tel ouvrage ne concernerait que les mœurs des Turcs. La partie moderne de la Description de l’Égypte — a laquelle il se réfère ironiquement en la désignant entre guillemets comme « le grand ouvrage français » — ne fournirait, sous le titre « Essai sur les mœurs des habitans modernes de l’Égypte », qu'une description de celles des Mamelouks7. Cet essai qui, loin de concerner uniquement les Mamelouks, décrit longuement les mœurs et coutumes des Égyptiens, semble d'ailleurs représenter pour Lane une sorte de modèle non avoué qu'il veut améliorer et remplacer par son ouvrage, autrement fiable. Il se présente donc comme un auteur tout spécialement qualifié pour « dévoiler » cette société : étant à la fois dedans et dehors, il peut être bien informé et impartial.

4Ces affirmations ont été mises en doute par certains critiques, qui ont surtout souligné la façon dont l'auteur se met en scène et tente de dominer son sujet. Dans Orientalism, E. Saïd, analysant longuement l'ouvrage de Lane tout en exprimant son admiration, l'interprète dans le cadre de la spécialisation et de l'institutionnalisation des connaissances concernant l'Orient. Il souligne non pas sa fiabilité mais la manière dont l'Anglais organise et manipule les données pour montrer son autorité et sa domination sur les Égyptiens8. Dans la même optique, Rana Kabbani souligne les préjugés occidentaux qui ont dicté l'ouvrage et la façon dont Lane traite comme une fiction le monde qu'il décrit9.

5Le but du présent article n'est pas de revenir sur ces interprétations divergentes, que nous ne citons que pour mémoire. Il s'agit plutôt d'étudier sa présentation des Égyptiens eux-mêmes. Certes, son ouvrage est tout entier consacré aux habitants de l’Égypte, ou plutôt à ceux du Caire, mais les Égyptiens ont tendance à disparaître sous une accumulation écrasante de détails touchant aux divers aspects de la vie cairote. Ce souci obsessionnel du détail ne peut manquer de frapper tout lecteur de Lane : souci de précision propre à l'observateur scientifique, que l'on retrouve dans la transcription des mots arabes — transcription qui, comme il le dit lui-même, ne fait aucune concession à l’ignorance du lecteur anglais, même pour les mots connus sous une orthographe différente10. Mais ces préoccupations ont pour résultat d'occulter en quelque sorte les Égyptiens eux-mêmes, rarement envisagés comme individus mais plutôt comme des types soumis à généralisation. Il suffit de regarder les illustrations qui accompagnent l'ouvrage, exécutées par Lane lui-même : si le souci du détail technique est évident, les personnes représentées sont dépourvues d'individualité. Les vêtements sont fidèlement reproduits mais les visages se ressemblent, n'ont ni personnalité ni expression. L'impression curieuse que dégagent ces illustrations se retrouve à la lecture du texte. À part le portrait, dans la préface, de son ami le « sheykh Ahmad », personnage plutôt original et pittoresque — au point de paraître ridicule —, les descriptions détaillées concernent des objets, des pratiques, des cérémonies plutôt que des individus, même quand l'auteur se délecte à dépeindre des phénomènes qu'il tient pour bizarres ou grotesques.

6Pour ce qui est des Égyptiens eux-mêmes, Lane n'évite guère les banalités : l'introduction s'ouvre sur des remarques générales concernant l'influence des particularités physiques d'un pays sur les mœurs, les coutumes et le caractère de ses habitants. Ces remarques sont suivies, comme on peut s'y attendre, d'une description du Nil et du climat puis, ce qui est moins attendu, de la ville du Caire et de ses maisons. Tout ceci est assez typique d'un livre qui fourmille de digressions. Le premier chapitre est consacré au caractère et à la tenue vestimentaire des Égyptiens musulmans. Les chapitres suivants traitent de la vie quotidienne et des cérémonies correspondant aux différents stades de la vie de l'individu et de la vie de la cité. Ce qui n'empêche pas Lane d'insérer un autre chapitre (xiii), intitulé « Caractère », entre celui consacré à la magie, à l'astrologie et à l'alchimie et celui consacré à l'industrie.

7Lieu commun des ouvrages écrits sur le pays, c'est la description physique des Égyptiens qui fait l'objet du premier chapitre. Lane s'en acquitte de façon assez superficielle, présentant les Égyptiens comme une « race mélangée » résultant de l'immigration de différents peuples arabes et de leur mariage avec les natifs du pays, ce qui a produit une race ressemblant assez aux Égyptiens anciens, « whose type was predominantly Caucasian, but inclining in various degrees towards that of the Negro ». Ainsi perçoit-on clairement chez eux des traces de l'« aboriginal African blood » (p. 25-26). Après une description physique rapide des hommes et des femmes, il indique brièvement ce qui différencie nomades, agriculteurs et habitants des villes, notant le changement de la couleur de la peau au fur et à mesure que l'on avance vers le sud. Mais là où ses prédécesseurs distinguaient « clairement » divers groupes parmi la population et classaient les Arabes selon leur provenance11, Lane se contente de quelques remarques assez vagues contrastant avec la précision dont il fait preuve lorsqu'il traite de l'appellation des natifs du Caire : il parle en termes généraux d'« Égyptiens musulmans » qu'il distingue selon leur classe sociale. Les fellahîn, par exemple, qui constituent les classes inférieures et dont la vie domestique est traitée à part, sont, selon Lane, les descendants de différentes tribus arabes mélangées à des coptes : ils n'ont pas une origine raciale distincte, comme c'est le cas chez Larrey, par exemple12. Il n'est guère étonnant que Lane se lance rapidement dans une description détaillée des vêtements puis des mœurs, qui l'intéressent visiblement davantage. Mais il ajoute néanmoins à son livre un supplément consacré aux coptes, qui avaient beaucoup intéressé ses prédécesseurs. Ce sont selon lui — et en cela, il suit la plupart des auteurs qui les avaient évoqués — les descendants des anciens Égyptiens, mais ils se sont mélangés à d'autres « races » : ils ne ressemblent plus à leurs ancêtres mais aux Égyptiens musulmans, avec lesquels ils se sont mêlés par alliance au cours des siècles. Ainsi écrit-il : « I find it difficult, sometimes to perceive any difference between a Copt and a Muslim Egyptian, beyond a certain downcast and sulIen expression of contenance which generally marks the former » (p. 530). Il se distingue ici de ses prédécesseurs européens qui, fascinés par les coptes, avaient tendance à souligner leur spécificité et à les considérer comme une partie bien distincte de la population égyptienne, ce qu'attesteraient leur religion et leurs coutumes. À la différence des voyageurs européens, Lane ne cherche pas à privilégier ce qui n'est pas musulman ; il affirme au contraire sa volonté de percevoir l’Égypte — et le monde arabe en général — à travers l'islam. Décrivant les croyances et les mœurs des coptes, qui l'intéressent davantage que leurs aspects physiques, il note à plusieurs reprises les caractéristiques qui les rapprochent des musulmans.

8D'un côté, il cherche à percevoir une unité dans le peuple égyptien ; de l'autre, ce sont les coutumes diverses qui retiennent avant tout son attention. Il faut également remarquer que Lane consacre nombre de pages à des détails « pittoresques » ou « exotiques » ; les superstitions, la magie, les derviches (qui semblent particulièrement le fasciner), les danseuses, les charmeurs de serpents, les conteurs et poètes (ce qui lui donne l'occasion de narrer des histoires), les fêtes publiques… Il donne fréquemment le récit d'aventures personnelles ou d'« histoires vraies », ce qui, tout en soulignant l'authenticité de ses descriptions, le rapproche de ses contemporains et l’éloigne d'un Thomas Shaw, qui l'avait précédé d'un siècle : Shaw évite soigneusement non seulement toute implication personnelle, mais également tout détail « pittoresque » ou « romanesque »13.

9Une clef de ce goût pour l'anecdote et le récit d’« histoires vraies » est donnée dans la préface du livre de Lane. Dans la note déjà citée, où il critique les ouvrages de ses prédécesseurs, il ajoute (p. xiv) :

There is one work, however, which presents most admirable pictures of the manners and customs of the Arabs, and particularity of those of the Egyptians; it is The Thousand and One Nights of Arabian Nights' Entertainments: If the English reader had possessed a close translation of it with sufficient illustrative notes, I might almost have spared myself the labour of the present undertaking.14

10Les histoires racontées par Lane dans Account… sont souvent, de fait, dans le style des Mille et Une Nuits. Cette remarque nous permet de comprendre clairement l'état d'esprit de l'auteur quand il aborde l’Égypte et les Égyptiens, ainsi que les limites de son objectivité et de sa rigueur scientifique. Notons, dans la citation qui suit, l'uniformité que Lane perçoit dans le mode de vie des Arabes, et son affirmation selon laquelle l’Égypte constitue le meilleur exemple de ce mode de vie. Ce qui rejoint l’opinion exprimée ailleurs dans son ouvrage, selon laquelle Le Caire, qui occupe l'essentiel de sa description, est la « capitale du monde arabe ». Ainsi, au début du premier chapitre, écrit-il ceci :

In every point of view, Masr (or Cairo) must be regarded as the first Arab city of our age; and the manners and customs of its inhabitants are particularly interesting, as they are a combination of those which prevail most generally in the towns of Arabia, Syria, and the whole of Northern Africa, and in a great degree in Turkey. There is no other place in which we can obtain so complete a knowledge of the most civilized classes of the Arabs. (p. 25)

11Ceci appelle deux remarques. D'une part, Lane s'attache à présenter la vie des « classes les plus civilisées », c'est-à-dire des citadins les plus aisés (ou, comme il le dit également, des classes moyennes et supérieures) et non du peuple, qui n'est pas absent de sa description mais qui est généralement occulté au profit des personnages cultivés parmi lesquels vivait l'auteur. Ainsi se différencie-t-il de ses prédécesseurs, qui étaient souvent fascinés par la vie des paysans ou des bédouins. D'autre part, nous constatons que pour Lane, la description du Caire constitue en même temps une description du monde arabe « civilisé » en général : c'est donc moins un seul pays ou une seule ville qu'il prétend décrire, que le mode de vie des citadins du monde arabe dans son intégralité, mode de vie également décrit dans les Mille et Une nuits.

12Ce qui permet à Lane d'affirmer une telle unité est évidemment la religion. Dans sa présentation initiale des habitants de l’Égypte (chapitre I), on note le lien immédiatement établi entre ces derniers et l'islam : il s'intéresse, comme je l'ai dit, aux « Égyptiens musulmans ». Il ne s'agit pas uniquement de les distinguer des coptes. Il interprète ce qu'il perçoit à travers la religion, qui semble le fasciner. Le chapitre XlIl, consacré au caractère, commence d'ailleurs par ces propos : « The natural or innate character of the modern Egyptians is altered, in a remarkable degree, by their religion, laws and govemment, as well as by the climate and other causes. » (p. 276) Et plus loin : « Of the leading features of their character, none is more remarkable than their religious pride. » (ibid.) Pour Lane donc, ce qui définit essentiellement la vie des Égyptiens, c'est la religion, dont il s'attache à décrire longuement les rites, fêtes, cérémonies, etc. Il semble lui-même attiré par l'islam, qu'il met en pratique, tout en prenant soin d'affirmer, pour le lecteur anglais, qu'il n'a jamais été infidèle à sa croyance chrétienne. C'est là un point non élucidé15. Quoi qu'il en soit, force est de constater que malgré ses affirmations initiales concernant l'influence de la géographie sur les peuples, et à part quelques remarques très générales, c'est surtout la religion et ses lois qu'il semble prendre en compte. Il faut remarquer par ailleurs qu'il condamne souvent des pratiques superstitieuses non conformes aux doctrines de l'islam et qu'il souligne les manquements des Égyptiens aux devoirs religieux (notamment l'interdiction de consommer du vin, qu'à la différence de ses amis cairotes il respecte à la lettre).

13Ce parti pris détermine toute sa présentation de la vie des Cairotes. Non seulement il s'attache, comme nous l'avons dit, à décrire dans le détail les croyances et cérémonies qui rythment la vie quotidienne, mais surtout, il tente d'expliquer la logique d'un système qui peut paraître incompréhensible à un regard occidental : son projet est de rompre avec les descriptions « extérieures » de certains voyageurs. Un exemple frappant du souci de Lane de « tout expliquer » concerne les enfants. Constatant que, tout en étant choyés, ces derniers sont sales et mal vêtus, il remarque : « The stranger here is disgusted by the sight of them, and at once condemns the modern Egyptians as a very filthy people, without requiring any other reason for forming such an opinion of them. » (p. 57)

14S'étant renseigné sur ce phénomène apparemment incohérent, il a appris qu'il provient de la peur du mauvais œil (p. 57). De même, relevant le respect « profond et digne de louanges » dont les enfants font preuve à l'égard de leurs parents, il souligne le fait que la loyauté, souvent considérée comme conséquence du « despotisme oriental », est en réalité partie intégrante de l'esprit d'obédience aux parents qui est enseigné par l'islam (p. 56). À l'appui de cette opinion, ajoutée dans la troisième édition de son ouvrage, il cite le livre d'Urquhart, The Spirit of the East, selon lequel « the structure of Eastern government is but the enlargement of the paternal roof ». Si cette remarque indique le souci de Lane de se distinguer des autres Occidentaux qui ont décrit l’Égypte et de rendre compréhensibles les mœurs des Égyptiens, nous constatons également qu'il est prêt à reprendre à son compte diverses généralisations sur l'Orient. La tension entre ces deux attitudes est perceptible tout au long de son livre. Sa description de mœurs censées être comprises « de l'intérieur » est constamment interrompue par des observations émanant de l'Anglais qu'il est, souvent dictées par des préjugés occidentaux. Ainsi formule-t-il de temps à autre des généralisations comme celle qui suit : « It is a very remarkable trait in the character of the people of Egypt and other countries of the east, that Muslims, Christians, and Jews adopt each other's superstitions while they abhor the leading doctrines of each other's faiths. » (p. 234) Ailleurs, il taxe les Arabes d’« inconséquence » (p. 279) ou d’« avarice » (p. 303).

15Mais c'est surtout au sujet des femmes que les préjugés de Lane apparaissent clairement. Comme nombre d'Occidentaux, il est fasciné par les Orientales : il évoque à maintes reprises leur mode de vie, leur beauté, livre de nombreuses anecdotes concernant les relations entre les sexes. Le mélange de fascination et d'hypocrisie avec lequel, comme maints de ses prédécesseurs, il décrit les danses des femmes publiques reflète bien les attitudes britanniques de l'époque. Ainsi consacre-t-il à ces dernières un chapitre à part. Tout en l'illustrant d'un dessin pudique, il évoque leur participation à des fêtes privées et bien arrosées et leur tenue indécente, en terminant par ces mots : « The scenes which ensue cannot be described » (p. 378-9). Ce voile pudique, qui aboutit surtout à titiller la curiosité du lecteur, contraste avec les descriptions nettement plus détaillées et explicites de la danse des almées dans la Description de l’Égypte16. Ce qui n'empêche pas Lane d'admirer ces femmes et de les décrire comme « les plus belles d'Égypte »…

16Par ailleurs, Lane se montre souvent choqué de la liberté de langage des femmes égyptiennes, notant par exemple, chez des gens bien éduqués, l'emploi d'expressions dignes des maisons closes :

Things are named. and subjects talked of, by the most genteel women, without any idea of their being indecorous, in the hearing of men, that many prostitutes in our country would probably abstain from mentioning. (p. 295)

17Ou, décrivant la densité de la foule dans une mosquée pendant une fête religieuse, il relève le fait qu'une « respectable-looking woman, in a state which rendered it rather dangerous for her to be present in such a crowded place », lui enjoint de la laisser passer avec une vulgarité typique, selon lui, des femmes arabes, et il cite en arabe l'expression incriminée (p. 467). De même, quand il parle des musahhir17 qui visitent des maisons, il évoque, « pour illustrer le caractère des musulmans », la manière dont les musahhir récitent, à la demande de femmes de familles respectables, des histoires grossières, ce qu'il commente en ces termes : « How incongruous are such sequels! What inconsistence of character do they evince! » (p. 476-77) Son attitude rejoint ici celle de Savary : « Toujours j'ai été surpris comment un peuple qui conserve en public un si grand respect pour les femmes, aime avec tant de passion ces danses lascives. »18

18Ce souci de la bienséance, qui semble être à l'origine des préjugés favorables de Lane sur la société musulmane, le conduit en revanche à manifester une hostilité ou, pour le moins, une incompréhension envers tout ce qui ne semble pas conforme aux enseignements de l'islam, tant en ce qui concerne les mœurs que les superstitions. Abordant la société égyptienne par le biais de la religion, il est d'autant moins capable d'en comprendre les écarts. Il distingue clairement les croyances en accord avec le Coran et les croyances contraires, décrites longuement, pour ces dernières, comme des bizarreries résultant le plus souvent de l'ignorance. Ainsi, malgré la sympathie de Lane envers la civilisation musulmane et son désir de corriger le regard occidental à son égard, l'impression qui se dégage de son ouvrage est finalement assez conforme à celle fournie par nombre de ses prédécesseurs et de ses contemporains ; un sentiment d'étrangeté, voire de répulsion, pour les pratiques les plus inattendues — automutilation dans des processions, par exemple (p. 168).

19Il est donc moins éloigné qu'il ne voudrait le faire croire de la Description de l’Égypte, le « grand ouvrage français » dont il parle avec condescendance dans sa préface et, en particulier, du mémoire de Chabrol qui, quoi qu'il en dise, n'est pas consacré essentiellement aux Mamelouks. Comme Lane, Chabrol souligne l'influence de la religion sur le caractère et les mœurs des Égyptiens et, même s'il ne manifeste que très peu de sympathie pour l'islam, comme pour la religion en général19, il tente cependant de comprendre les Égyptiens selon leurs propres croyances et critères. Nous trouvons dans les deux textes des remarques générales sur l'influence du climat. Les deux auteurs, comme l'ont déjà fait leurs prédécesseurs tels Savary, relèvent — caractéristiques attribuées au climat — l'« indolence » et l'« apathie » des Égyptiens. Pour Chabrol, « l'apathie des Égyptiens des grandes villes forme un si grand contraste avec nos mœurs qu'on les prendrait d'abord pour des hommes stupides ou hébétés », tandis que Lane souligne une indolence attribuée à la fertilité du pays20.

20Chez Lane, cette caractéristique est associée, plus encore que chez Chabrol, à la « sensualité » qu'il décrit à maintes reprises et qu'il attribue non seulement au climat, mais aussi à l'institution de la polygamie et à la facilité avec laquelle les Égyptiens peuvent divorcer, pratique également condamnée par Chabrol21. Il n'est pas si éloigné de Benoît de Maillet qui, au début du xviiie siècle, décrit en ces termes « le vrai génie égyptien » : « beaucoup d'ignorance et de mollesse, soutenues d'un faste outré et d'un penchant invincible pour la magnificence et pour le plaisir »22. Ces auteurs européens ont visiblement en commun une compréhension très réduite des mœurs différentes des leurs.

21Il est cependant un thème au sujet duquel Lane diffère nettement de ses prédécesseurs de l'expédition française : il s'agit du progrès. Ces derniers appellent de leurs vœux la modernisation et la civilisation du pays : Chabrol exprime à plusieurs reprises son désir de voir réussir les efforts entrepris pour réformer le gouvernement et pour rendre l’Égypte à la civilisation, aux sciences et aux arts en introduisant « les lumières de la civilisation européenne »23. Quand à Jomard, envers lequel Lane nourrit une certaine admiration, il écrit au sujet de la peste : « En général, les bienfaits de la civilisation et tous les moyens que suggère la science, éclairée par l'observation des faits naturels, ne s'introduiront en Égypte qu'avec les idées d'ordre et de justice et avec l'affaiblissement des préjugés religieux. » Ou encore : « La vérité est que les musulmans ne manquent d'aucune des vertus qui honorent l'humanité ; malheureusement, elles sont trop souvent sacrifiées à la religion ou à la politique. »24 Par ailleurs, dans un mémoire publié en 1836, juste avant l'ouvrage de Lane, Jomard vante les progrès accomplis en Égypte en matière d'industrie, d'administration, de justice, d'éducation…, pour conclure que « le fanatisme usé expire au nord-est de l'Afrique »25.

22Lane en revanche, loin d'être hostile à l’islam, comme nous l'avons vu, semble fasciné, même par ses manifestations les moins rationnelles. Il essaie de participer aux cérémonies des derviches et se penche très sérieusement sur la magie. Sa curiosité le pousse à en faire lui-même l'expérience, mais dans la description minutieuse qu'il en donne, il semble tiraillé entre le détachement scientifique et la tentation d'y attacher du crédit (p. 265-275).

23Son ambivalence relève d'une attitude globale qui le conduit à déplorer tout changement en Égypte. Dans le journal qu'il tient pendant sa deuxième visite, de 1833 à 1835 — visite durant laquelle il rédigera l'essentiel de son ouvrage —, il souligne surtout les changements intervenus depuis son premier voyage, et qu'il regrette pour là plupart. Hostile aux réformes de Muhammad 'Ali, il souligne notamment la pauvreté accrue et la misère des fellahs, résultat de l'enrôlement forcé des garçons dans l'armée. D'autres remarques sont plus symptomatiques de son regard sur le pays et ses habitants. Tout en commentant favorablement l'enlèvement des immondices que l'on trouvait aux abords du Caire, il regrette les transformations des ruelles où se tenaient les marchés. Celles-ci, auparavant couvertes, avaient été aménagées pour laisser passer les carrosses du pacha et les charrettes qui enlèvent les ordures, mesure qu'il commente en ces termes : « The appearance of the city is rapidly changing, and losing its Arabian aspect. » De même, il constate que de nombreux commerçants ont commencé à peindre leurs échoppes dans un style européen assez naïvement imité, avec le résultat suivant :

The appearance of these streets may now be compared to that of an old oriental garment, remarkable for the peculiarity of its form and work, patched over with pieces of European printed calico. I am sorry to observe that Masr is not only failing into decay, but that it is rapidly losing that uniform and unique style of architecture which has so long characterised it.26

24Il regrette également l'adoption, par les officiers du gouvernement, d'uniformes plus européanisés, et surtout le fait qu'ils ont perdu de leur éclat :

Formerly a grandee of Masr, with his retinue of twenty or more well-mounted men, clad in habits of various and brilliant hues, and with splendid accoutrements, the saddles covered with embroidered velvet and plates of gilt and embossed silver, and the bridles, headstalls, and other trappings ornamented in a similar manner and with rows of gold coins suspended to them, presented a strikingly picturesque & pompous spectacle. Sights of this description are no longer witnessed in the Egyptian metropolis. Even the Basha, when be occasionally rides through the streets, is followed by only three or four attendants, and is not more distinguished by the habits than by the number of his retinue. As dark colours, and particularly black, are now fashionable, among the Turks, and their dresses are generally embroidered with silk, instead of gold lace, there is much less contrast and variety observable in the costumes of the passengers in the crowded streets.27

25Ces passages témoignent de l'attraction exercée sur Lane par l'exotique et le pittoresque. En même temps, il trahit sa conviction que les Égyptiens ne peuvent atteindre le niveau des Européens s'ils essaient de les suivre sur leur terrain. Il décrit les boutiques mal peintes, ornées de dessins naïfs qu'il compare à ceux de très jeunes enfants (p. 75). De façon analogue, il se réfère à l'introduction des sciences européennes par Muhammad 'Ali. Sans critiquer cette initiative, il estime qu'elle n'aura aucun effet sur la situation intellectuelle et morale du pays. Dans un passage ajouté à la troisième édition, il affirme notamment que les Égyptiens rentrés au pays après quelques années passées en France « could not instil any of the notions acquired even into the minds of their most intimate friends » (p. 221 ).

26Nous pouvons là encore constater, semble-t-il, une tension chez Lane entre son image mentale de l’Égypte et des Égyptiens, et la réalité : il assimile l’Égypte à l'univers des Mille et Une Nuits, il la voit figée dans des us et coutumes millénaires, immuables, rythmées par la religion. En affirmant que le meilleur commentaire sur les Égyptiens se trouve dans ce livre, il semble croire que leur mode de vie est éternel, tandis qu'il ne cesse d'en constater l'évolution. Il n'y voit pas — ou ne veut pas y voir — de contradiction. Il est donc hostile à toute modernisation, qu'il estime vouée à l'échec. Un autre signe de son désir de voir l'Égypte rester fidèle à ce qu'il considère comme sa « nature » apparaît dans la remarque suivante concernant les, réformes de Muhammad 'Ali :

How great a change might have been effected in it by a truly enlightened government; by a prince who (instead of impoverishing the peasantry by depriving them of their lands, by his monopolies of the most valuable productions of the soil, and by employing the best portion of the population to prosecute his ambitious schemes of foreign conquest, and another large portion to the vain attempt to rival European manufactures) would have given his people a greater interest in the cultivation of the fields, and made Egypt what nature designed it to be, almost exclusively an agricultural country! Its produce of cotton alone would more than suffice to procure all the articles of foreign manufacture, and all the natural productions of foreign countries that the wants of its inhabitants demand. (p. 24)

27Une telle attitude ne devrait pas nous surprendre chez un ressortissant du pays qui, depuis le dernier quart du xviiie siècle, construit sa richesse et son pouvoir sur l'industrie du coton, dont la production est en grande partie exportée et qui ne veut pas être concurrencé sur ce terrain. Lane s'aligne sur les théories économiques contemporaines du libre-échange, selon lesquelles la vocation naturelle de la Grande-Bretagne est de bâtir des manufactures tandis que celle de pays comme l’Égypte est de lui fournir des matières premières28.

28L'Égypte doit donc rester un pays traditionnel, fidèle à un mode de vie inchangé depuis des siècles. Lane semble vouloir nier les changements dont il n'a que trop conscience. Dans le troisième supplément de son livre, intitulé « Of late innovations in Egypt », il indique clairement son désir de fixer une image du pays tel qu'il voudrait le voir demeurer :

European customs have not yet begun to spread among the Egyptians themselves; but they probably will ere long; and in the expectation that this will soon be the case, I have been most anxious to become well acquainted (before it be too late to make the attempt) with a state of society which has existed, and excited a high degree of interest, for many centuries, and which many persons have deemed almost immutable. (p. 557)

29II estime que l'imitation du luxe européen, y compris l'habitude de boire ouvertement du vin, alors limitée aux Turcs et à la classe dominante, ne tardera pas à s'étendre aux classes inférieures. Il semble oublier que ce qu'il décrit comme un signe de l'indifférence à la religion est déjà, selon lui, assez courant chez les Cairotes.

30Son désir de décrire une société archaïque transparaît également dans le discours qu'il prête aux Égyptiens. Sa traduction de leurs propos, comme celle des contes, des histoires qu'il rapporte et des Mille et Une Nuits, est effectuée dans un style archaïsant et biblique qui met immédiatement une distance entre le lecteur et la population décrite, repoussant celle-ci dans un passé immuable — sinon biblique, du moins moyenâgeux, puisqu'il compare les mœurs domestiques des Égyptiens à celles des Européens du Moyen-Âge (p. 154). Ce langage creuse assurément un fossé entre le lecteur anglophone et les populations décrites. Si les bédouins ont souvent été dépeints sous les traits des patriarches de l'Antiquité, cette façon de représenter tous les habitants de l'Orient (que l'on retrouvera notamment chez Doughty) était moins courante chez les prédécesseurs de Lane.

31Nous esquisserons ici une rapide comparaison entre Lane et un de ses contemporains, auquel il adressa des remerciements en 1842 dans l'avertissement de la troisième édition de son livre. David Urquhart publie, en 1838, un ouvrage intitulé The Spirit of the East. Ce récit de voyage en Roumélie comporte des réflexions sur l'incompréhension mutuelle des Européens et des « Orientaux » et, surtout, sur l'ignorance des Européens concernant la société turque, qu'il tente d'expliquer au lecteur britannique. Il souligne longuement, dans son introduction, les spécificités de cette société et la nécessité de lui consacrer des années d'études pour réussir à l'appréhender. Très favorable à l'islam, qu'en tant que calviniste il estime plus proche de la doctrine de la véritable église que « many sects of so-termed Christians »29, il est, comme Lane dont il loue le livre, inquiet de l'imitation des mœurs européennes qui se répand chez les Turcs30. Mais à la différence de Lane, son livre est moins la célébration d'une société figée, décrite dans ses moindres détails, qu'une tentative de rendre accessible et compréhensible cette société : en tant que diplomate et agent du gouvernement britannique, chargé en 1833 d'une mission secrète de renseignement sur les moyens d'étendre le commerce britannique en Orient, il est surtout préoccupé parle l’influence des Britanniques dans l’Empire ottoman et soucieux de contrecarrer la concurrence française. Le lecteur n'est ici ni noyé sous l'érudition de l'auteur ni tenu à distance par un langage démodé, il est plutôt distrait par un récit de voyage assez classique.

32La comparaison avec le parti pris de Lane nous permet encore une fois de saisir les limites de l'objectivité « scientifique » revendiquée par ce dernier, et de constater à quel point il privilégie le traditionnel, le religieux et même le « barbare ». Malgré son désir d'expliquer et de faire comprendre au public anglais la société égyptienne, les descriptions détaillées des coutumes les plus étranges ont pour effet de rendre les Cairotes encore plus étrangers aux Européens. Les Égyptiens, à ses yeux, sont facilement amusés par ce qu'un Européen éduqué trouverait ennuyeux mais, écrit-il, « the Egyptians enjoy them as much as we do the best of our entertainments » (p. 288). Ou encore, évoquant la fête donnée à l'occasion de l'ouverture du canal du Nil, minutieusement décrite, Lane fait remarquer : « The festival is highly enjoyed by the crowds who attend it, although there is little that a stranger would think could minister to their amusement. » (p. 495) Une telle attitude rappelle encore celle de Savary, qui souligne la monotonie de la vie ordinaire des Égyptiens pour conclure : « Nos spectacles, nos plaisirs bruyants, leur sont inconnus. Cette monotonie qui serait le supplice d'un Européen leur paraît délicieuse. » (p. 142)

33Les auteurs de la Description de l’Égypte, malgré la conscience de la supériorité que leur conféraient les Lumières, indiquaient clairement qu'Égyptiens et Européens faisaient partie d'une humanité commune et que les premiers devaient profiter des progrès accomplis par les seconds. Lane n'est pas totalement insensible à ce point de vue. Dans un passage ajouté à la troisième édition de son ouvrage en 1842, où il admet la difficulté de se forger une opinion définitive sur le règne de Muhammad 'Ali, il conclut :

The people he governs have been greatly impoverished under his rule; but they have exchanged anarchy for tranquillity and undisguised fanaticism for an affected toleration; while many of them have been instructed in sciences and arts which must eventually be highly beneficial to the nation at large. (p. 559)

34Une telle remarque (qui remplace une phrase où il était surtout question des souffrances du peuple provoquées par l'ambition de Muhammad 'Ali) semble atténuer quelque peu l'hostilité de Lane aux réformes du souverain et indiquer une concession à l'opinion britannique, plutôt favorable aux changements survenus en Égypte. Mais force est de constater que ce commentaire reste assez isolé. Si, selon Urquhart, l'ouvrage de Lane devait contribuer à améliorer la position des Britanniques en Orient, son auteur désirait surtout figer les Égyptiens dans un mode de vie qu'il craignait de perdre à jamais. Tout en dévoilant leur société jusque dans ses plus petits détails, Lane a pour effet de la rendre plus étrangère. Il semble vouloir préserver la distance entre ses compatriotes et les Cairotes, habitants d'un autre monde, celui des Mille et Une Nuits. Lane était le seul à pouvoir y pénétrer.

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Notes

1 Les indications de pages figurant directement dans le texte font référence à l'ouvrage de Lane.
2 Cité par l'éditeur de l'édition « Everyman » de l'ouvrage, Dent, Londres, s. d., p. vii.
3 Lewis B., British Contributions to Arabic Studies, Longman, Londres, 1941, p. 20, cité par Nasir S. J., The Arabs and the English, Longman. Londres, 2e éd., 1979, p. 62-63.
4 Aldridge J., Cairo, Londres, 1969, p. 12, cité par Kabbani R., Europe's Myths of Orient, Macmillan, Londres, 1986, p. 39.
5 Ahmed L., Edward W. Lane. A Study of his Life and Works and of British Ideas of the Middle East in the î9th Centufy, Longman, Londres, 1978, p. 17, 86.
6 Lane E. W., An Account of the Manners and Customs of the Modern Egyptians (written in Egypt during the years 1833-1835, partly from notes made during a former visit to that country in the years 1825-1828), 5e éd. par E. Stanley Poole, John Murray, Londres, 1860, p. xx (toutes les références concernent cette édition).
7 Lane E, W., An Account…, op. cit., p. xiv. L'« Essai sur les mœurs des habitans modernes de l’Égypte », écrit par Chabrol, se trouve dans la deuxième partie du tome XVIII de la Description de l’Égypte, 2e éd., Panckouke, Paris, 1826. Lane exprime néanmoins de l'admiration pour les contributions de Jomard à l'ouvrage français, sans doute pour sa description méticuleuse de la ville du Caire (« Description de la ville & de la citadelle du Kaire », t. XVIII, 2e partie, 2e édition).
8 Saïd E. W., Orientalism. Routledge, Londres, 1978, notamment p. 159-166.
9 Kabbani R., Europe's Myths of Orient, op. cit, p. 39.
10 Cette question de transcription le préoccupe au point que, suivant les conseils d'Urquhart, il la modifiera dans la 3e édition, expliquant que le système antérieur n'était pas satisfaisant (p. xxii).
11 Voir par exemple Volney, Voyage en Égypte et en Syrie, éd. J. Gaulmier, Mouton, La Haye, 1959, p. 60-61 ; Larrey, « Notice sur la conformation physique des Égyptiens et des différentes races qui habitent en Égypte ». Description…, op. cit., t. XVIII, 2e partie, 1829, p. 61; Jomard, « Observations sur les Arabes de l’Égypte moyenne », Description…, op. cit., t. XII, 1822, p. 267-326. Nélia Dias estime que Jomard, par la suite, changera d'attitude pour souligner l'unité culturelle du pays (« Une science nouvelle ? La géo-ethnotogie de Jomard », communication au séminaire L'invention scientifique de la Méditerranée, Paris, 1993, à paraître).
12 Lane E. W., Account…, op. cit., p. 195 ; Larrey, « Notice… », op. cit., p. 61.
13 Shaw T., Travels or Observations Relating to Several Parts of Barbary and the Levant, Oxford, 1738.
14 Lane devait par la suite traduire l'ouvrage, l'accompagnant de copieuses notes érudites (3 tomes, Londres, 1839-41).
15 L. Ahmed, dans sa biographie de Lane (op. cit., note 5), prend à la lettre les affirmations de ce dernier (Lane, Account…, op. cit., p. 99-100), mais il est permis d'avoir des doutes à ce sujet : l'hypothèse d'une éventuelle conversion semble pour le moins difficile à admettre.
16 Du Bois-Aymé & Jollois, « Voyage dans l'intérieur du Delta », Description…, op. cit., t. XV, 1826, p. 208 ; Chabrol, « Essai sur les mœurs des habitans modernes de l’Égypte », Description…, op. cit., t. XVIII (1), 1826, p. 212 ; Jomard, « Description de la ville et de la citadelle du Kaire », Description…, op. cit., t. XVIll (11), 1829, p. 441-442.
17 Le musahhir a en particulier pour fonction, pendant le Ramadan, de réveiller les croyants pour le suhhùr, dernier repas pris avant l'aube et la journée de jeûne (N.D.L.R.).
18 Savary, Lettres sur l'Égypte, nouvelle édition, 1786, t. III, p. 45.
19 Voir par exemple le chapitre V, consacré aux institutions. Chabrol y souligne le fait que la religion et le Coran sont la base des droits civils et, tout en se référant à des croyances naïves, il fait remarquer que les musulmans sont en cela semblables à tous les peuples (Description…, op. cit., t. XVIII, p. 199).
20 Savary, Lettres sur l'Égypte, op. cit., p.134 et s. ; description…, op. cit., t. XVIII, p. 32 ; Lane Account…, op. cit., p. 3, 294.
21 Voir Description…, op. cit., t. XVIII, p. 94 ; Lane, Account…, op. cit., p. 181, 295.
22 Description de l’Égypte, composée d'après les Mémoires de M. de Maillet par M. l’Abbé Le Mascrier, 2 vol., La Haye, 1740, t. ll. p. 220. On trouvé des remarques analogues chez R. Pococke, A Description of the East and some other Countries, Londres, 1743-45, p. 177.
23 Voir par exemple Description…. op. cit., t. XVIII, p. 94, 129, 132, 248.
24 « Description de la ville et de la citadelle du Kaire », Description…, op. cit. XVIII, 2e partie, p. 371,457.
25 Jomard A., Coup d'œil impartial sur l’état présent de l'Égypte comparé à sa situation antérieure, Imprimerie de Béthune & Plon, Paris, 1836, p. 54.
26 Reproduit dans Pooles S. L., Life of Edward William Lane, Londres, 1877. p. 46, 64, 74. Ces remarques sont partiellement reprises dans le 3e supplément de Account…. consacré aux innovations récentes (p. 557-9).
27 lbid.
28 T. Mitchell — dans Colonising Egypt, Cambridge, Cambridge, University Press, 1988, p. 40 —, souligne la façon dont les reformes fixent les paysans sur place pour en faire des producteurs de coton pour les usines européennes.
29 Urquhart D., The Spirit of the East. Illustrated in a Journal of Travels through Roumeli during an EventuaI Period, 2 vol., Henry Colbum, Londres, 1838, p. xxv.
30 Ibid., p. 369-70. Pour lui, le livre de Lane, qui constitue la seule description des mœurs orientales existant dans une langue européenne, est « eminently calculated to improve our position in the East, because it is now impossible for a traveller to proceed thither without knowing that there exists there a distinct code of manners and politeness, which he must study if he pretends to know the people or to judge them » (p. xxx).
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Pour citer cet article

Référence papier

Ann Thomson, « Les Égyptiens d'Edward William Lane »Égypte/Monde arabe, 24 | 1995, 59-74.

Référence électronique

Ann Thomson, « Les Égyptiens d'Edward William Lane »Égypte/Monde arabe [En ligne], 24 | 1995, mis en ligne le 08 juillet 2008, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ema/631 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ema.631

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Auteur

Ann Thomson

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