Navigation – Plan du site

AccueilPremière série3Décrypter : Médiateur et métaphor...Médiateurs et métaphores 2: Intro...

Décrypter : Médiateur et métaphores 2

Médiateurs et métaphores 2: Introduction

Texte intégral

1Le présent numéro d'Égypte/Monde arabe poursuit la réflexion amorcée dans la précédente livraison sur le thème « Médiateurs et Métaphores » (voir dans EMA n° 2, l'introduction au premier volet de ce dossier). Cinq nouvelles contributions viennent s'y ajouter : sous le titre « Le vêtement comme métaphore », Jean-Charles Depaule s’attache à décrypter les multiples signes émis par le vêtement-langage, le vêtement-objet culturel, le vêtement-symptôme : ce qu'il cache et révèle, ce que « disent » - parfois à leur insu - ses « porteurs-émetteurs ». Lecture du vêtement tel qu'on le porte aujourd'hui en Égypte, plus particulièrement au Caire, et de ses métamorphoses récentes : avatars de la 'abâya masculine, de la 'abâya féminine, de leur version fantaisie. Glissements dans la manière de porter tel vêtement, l'endroit où le porter, le moment où le porter. Entre le jour et la nuit, l’« intérieur » et I'« extérieur », les limites ne sont pas étanches... « Ni retour à l'identique, ni pure innovation », c'est sans bouleversement que les métamorphoses sont introduites et peu à peu intégrées par la médiation de trois groupes qui sont, plus que d'autres, les initiateurs de l'innovation vestimentaire : les femmes, les jeunes, les émigrés de retour du Golfe…

2Pour finir, le vêtement-voile dans tous ses états, du plus sévère au plus coquet ; le vêtement-voile tel qu'on le parle, pour affirmer une identité, répondre à une inquiétude, conjurer une crainte. Vêtement-emblème, vêtement-valeur, signe de conformité et/ou de rupture.

3Reproduire une « conscience de soi » tel est le souci des institutions mises en place dès le xixe siècle par la communauté arménienne d'Égypte, dont Anne Kazazian retrace l'itinéraire depuis cette époque. Pas de vie associative pourtant sous Muhammad 'Ali, dont la politique suscite une importante immigration : c'est à l'édification d'un jeune État moderne, l'Égypte, que la communauté arménienne participe d'abord. A l'époque, une véritable conscience de soi n'est pas encore née, rien de tel ne se traduit notamment dans les pratiques linguistiques ou dans une « vie de quartier ». Il faut attendre 1863 pour que naisse un réveil « national » proprement arménien avec la « Constitution de la nation arménienne ». Ainsi la communauté arménienne commence-t-elle à se distinguer des autres communautés : s'associer devient possible. Autre facteur de réveil : les nouveaux immigrants, dont l'arrivée n'est plus suscitée par la politique d'accueil de l'Égypte mais résulte des difficultés croissantes qu'ils connaissent en Turquie. A l'aube du XXe siècle, les associations arméniennes émergent puis prolifèrent, de même que les journaux. Au coeur de leurs préoccupations, des questions proprement arméniennes, la défense d'une « patrie mentale » à défaut d'une patrie d'origine. Il s'agit moins de s'organiser pour lutter que de se souvenir, il s'agit de « ne pas disparaître à tout jamais ».

4« Quelle peut-être la situation d'un musulman croyant dans un pays de l'Est ? », s'interroge Alexandre Popovic en évoquant l'histoire, depuis 1945, des musulmans de Yougoslavie. Certes, en raison de la présence de nombreux pays musulmans à ses côtés dans le bloc des non-alignés, la Yougoslavie - qui avait mené dès la fin de la seconde guerre une politique anti-religieuse âpre - a octroyé à la communauté musulmane du pays un certain nombre de privilèges, notamment après Bandoeng. Mais c'est au prix d'une « collaboration » de cette communauté avec les autorités yougoslaves, « collaboration » qui passe par toute une série de codes (métaphores) et d'institutions (médiateurs), que les musulmans de Yougoslavie parviennent à sauvegarder leurs avantages. L'équilibre va durer vingt-cinq ans, à l'issue desquels le pouvoir, dépassé par son « libéralisme religieux », juge opportun de redresser la barre. Dès les années 1980, il lui faudra endiguer la naissance, en Bosnie-Herzégovine, du radicalisme islamique laïc (nationalisme musulman qui entend revaloriser un passé culturel jugé déformé) et celle du radicalisme islamique religieux...

5Ce qui distingue le discours « modéré » du discours « extrémiste » est une différence de degré et non de nature, affirme d'entrée de jeu Nasr Hâmid Abu Zayd pour introduire le lecteur à son analyse du discours religieux contemporain. Les deux types de discours, estime-t-il, reposent sur les mêmes postulats intellectuels, fonctionnent selon les mêmes mécanismes. Deux postulats : la souveraineté et le texte. Souveraineté que certains penseurs musulmans attribuent à la seule divinité, lui octroyant de ce fait le droit de légiférer à l'intention des hommes et appelant par conséquent à un soulèvement global des croyants « contre la souveraineté des hommes sous toutes ses formes ». Mais paradoxalement, le triomphe de ce concept aboutit à la consécration de régimes politiques autoritaires. Le discours religieux méconnaît par ailleurs l'historicité du texte ou, plus précisément, l'historicité des concepts dans le contenu des texte : se refusant à les interpréter si ce n'est dans des limites très restreintes, il les fige, les vide de leur sens. Cinq mécanismes sont communs aux deux types - modéré et extrémiste - du discours religieux contemporain, note encore Nasr Abu Zayd : l'amalgame entre pensée religieuse et religion, qui étend le champ d'intervention des textes religieux à tous les domaines de l'existence ; le rattachement de tout phénomène à un principe premier, qui aboutit à nier les lois de la causalité au profit d'un « déterminisme » global ; le recours à l'autorité du patrimoine, dont le discours religieux met en relief certains aspects et en occulte d'autres ; l'affirmation péremptoire d'« axiomes » qui n'admettent aucune divergence ; enfin, le mépris de la dimension historique avec ce qu'il suppose d'identification illusoire du passé et du présent.

6Proposer l'image la plus juste possible des médiateurs, qui représentent, dans les territoires occupés, la population palestinienne, c'est ce à quoi s'est attelé Jean-François Legrain à partir d'un certain nombre de documents, dont principalement un texte anonyme de 1988, désigné « Document Husaynî » : un projet de proclamation éventuelle d'indépendance d'un État couvrant les territoires occupés, suivi d'une liste des 152 personnalités de l'intérieur qui siégeraient alors dans le premier Parlement du nouvel État, en constituent le contenu. Première image nécessairement partiale qu'il s'agit de nuancer en la confrontant à d'autres documents du même ordre comme la liste, établie en 1989, de personnalités palestiniennes de l'intérieur, destinée à l'usage des visiteurs étrangers, et une autre liste de personnalités palestiniennes invitées par des ministres ou des chefs d'État de passage lors de rencontres récentes... Confrontation synchronique suivie d'une comparaison diachronique qui juxtapose d'autres documents encore.

7Si le « Document Husaynî », note J.-F. Legrain, ne peut constituer une représentation objective de la scène politique de l'intérieur, il n'en offre pas moins une image relativement libre et clairvoyante qui en reflète assez fidèlement la diversité. Mais le document, se demande-t-il en conclusion, ne représente-t-il pas un contexte antérieur au soulèvement ? Les personnalités citées dans la liste « Husayni » accepteront-elles d'intégrer progressivement les nouveaux leaders qui émergent et n'ont pas encore acquis de statut national ?

8La Rédaction

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

« Médiateurs et métaphores 2: Introduction »Égypte/Monde arabe [En ligne], 3 | 1990, mis en ligne le 08 juillet 2008, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ema/227 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ema.227

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search