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Extraits de presse: Islam et crise du Golfe, Annexes I à XII

Crise du Golfe, annexe IV : Des forces étrangères en Arabie

Akhir Sâ’a, 29 août 1990
Hasan ‘Alam
p. 234-239

Texte intégral

1Les ulémas ont affirmé qu'un État musulman peut à juste titre faire appel à des forces étrangères alliées quelle que soit leur religion, dés lors qu’il se trouve en situation de devoir défendre légitimement son existence face à tout autre agresseur, fût-il musulman : nécessité fait loi.

2Des témoignages dignes de foi affirment à ce propos que le Prophète a eu recours à des non musulmans au cours de ses guerres, il est donc juste que le royaume saoudien fasse appel à toute force étrangère pour sauvegarder son territoire et les Lieux saints dans l'éventualité d'une invasion menaçant là stabilité du pays. Leurs excellences le grand imam Chaykh d'Al-Azhar et le mufti de la République soutiennent ce point de vue tout en réfutant les propos du président Saddam Hussein concernant la répartition des richesses entre États inégalement pourvus.

3Al-Tayyîb Al-Naggar, ancien président de l'université d'Al-Azhar, président du Centre Al-Sîra wa-l-Sunna, membre de l'Académie de langue arabe et du Centre de recherches islamiques : « En ce qui concerne la position actuelle de l'Arabie Saoudite vis-à-vis de la présence des forces étrangères – américaines et autres, musulmanes ou non – c'est un fait que les circonstances imposent, et nécessité fait loi. Un exemple : supposons qu'une bande agresse une personne chez elle et menace son intégrité, son honneur et ses biens. Cette personne appelle à l'aide des passants ou des voisins. C'est une chose envisageable que d'appeler au secours, abstraction faite de la religion de l'agresseur ou de celle de l'agressé. Telle est la situation de l'Arabie Saoudite et des États du Golfe. Un musulman agressé par un autre musulman peut donc légalement avoir recours à des étrangers pour empêcher son agresseur de lui porter tort. La position adoptée par l'Irak est infâme. Il est inadmissible que cet État se pose en défenseur des Lieux saints : ceux qui règnent sur ces Lieux s'acquittent parfaitement de cette tâche. Et nous pouvons affirmer sans exagération que si plusieurs pays se réunissaient pour faciliter aux pèlerins l'accès des Lieux saints, ils ne pourraient remplir leur mission comme le fait le serviteur de ces Lieux, le roi Fahd Ibn 'Abd Al-'Aziz...

4Au prétexte invoqué par le président Saddam Hussein pour justifier son invasion – mieux répartir les richesses entre les différentes nations – nous répondons que ces richesses leur ont été attribuées par Dieu et qu'il les a réparties à sa convenance :

« Dieu a favorisé certains d'entre vous, plus que d'autres,

  • 1  Sourate XVI (Les Abeilles), v. 7t. (Trad. D. Masson)

Dans la répartition de ses dons. »1

5Cela signifie que les pauvres ne doivent pas envier les riches, que se soit au niveau des individus ou des États.

6Dr Ahmad Chalabî, professeur de civilisation islamique à l’Université du Caire : « Si les musulmans pouvaient à eux seuls repousser l'agression d'un musulman par un autre, nous n'aurions pas besoin de non musulmans. Le Coran évoque clairement le cas :

« Si deux groupes de croyants se combattent.

Rétablissez la paix entre eux.

Si l'un d'eux se rebelle encore contre l'autre,

Luttez contre celui qui se rebelle

  • 2  Sourate XLIX (Les Appartements privés), v. 9. (id.)

Jusqu’à ce qu’il s'incline devant l'ordre de Dieu ».2

7Ne nous en déplaise, les musulmans sont incapables de remplir ce rôle et de riposter à l'agression. Il est donc tout naturel que l'agressé ait recours à une force supérieure qui se joindra aux forces musulmanes pour le défendre.

8L'histoire musulmane témoigne de tels faits. Après l'hégire, il y avait trois sortes d'habitants à Médine : les musulmans (compagnons mekkois et partisans), les Juifs, les Arabes non encore convertis. Le Prophète avait établi un pacte entre ces groupes : chacun avait sa spécificité politique et religieuse. La liberté religieuse était garantie pour tous. Les habitants de Médine, musulmans et non musulmans, coopéraient matériellement, moralement et militairement. Ils devaient se prêter mutuelle assistance si la ville était attaquée.

9Pendant la guerre des musulmans contre les Perses, le chef musulman eut recours aux chrétiens de Taghtab qui jouèrent un grand rôle dans la victoire musulmane. »

10Muhammad Chawqî Al-Fangarî, professeur d'économie islamique : « Tant que l'État se trouve en situation de légitime défense, il prend les mesures qui s'imposent pour sauvegarder son identité et son existence. C'est un droit fondamental défini légalement et reconnu à l’échelon international. Le Coran nous dit :

« Nul péché ne sera imputé

  • 3  Sourate II (La Vache), v. 173. (id.)

À celui qui serait contraint ». [...]3

11S'il existait une puissance arabe ou islamique capable de repousser l’invasion, il aurait été normal de notre part de faire appel à elle en premier lieu. En l'absence d'une telle puissance, on peut demander l'aide de toute autre force –même non musulmane – pour se défendre. »

  • 4  Sourate LIX (Le Rassemblement), v. 7. (id.)

12Réagissant aux propos du président irakien justifiant l'annexion du Koweït au nom de la répartition des richesses, Muhammad Chawqî al-Fangarî en défend le principe mais en désapprouve la méthode : « L'islam garantit une juste répartition des richesses de sorte qu'aucun groupe ou État ne les monopolise. Le Coran est explicite à ce sujet : « [...] afin que ce ne soit pas attribué à ceux d'entre vous qui sont riches »4.

13Autrement dit, l'argent ne doit pas être accaparé par une minorité ou par un État en particulier. Les bienfaits sont destinés à tous, l'argent appartient à Dieu et l'homme en dispose. C'est un principe islamique incontestable destiné à préserver l'équilibre économique entre individus et entre États.

14Ce qui arrive aujourd'hui au Koweït est un châtiment que Dieu lui inflige pour avoir accaparé les richesses... Mais je n'en désapprouve pas moins le président irakien d'avoir eu recours à l'agression pour y remédier ! »

15Pour le penseur musulman 'Abd al-Galîl Chalabi, l'on peut admettre qu'un État islamique fasse appel à un État étranger – musulman ou non – pour assurer sa protection : « L'État agresseur est responsable de cette situation puisqu'il contraint l'État agressé à demander de l'aide. De plus, le fait n'est pas nouveau et l'on a déjà vu des infidèles ou des non musulmans combattre aux côtés de musulmans. [...] L'islam ne l'interdit pas. L'homme doit-il se laisser anéantir sans se défendre ?

16En outre, les forces étrangères appelées par l'Arabie Saoudite se trouvent très éloignées des Lieux saints. Et on trouve dans la région, depuis fort longtemps, des étrangers exerçant divers métiers – ingénieurs, médecins, enseignants, ouvriers... Avoir recours à eux pour divers types d'activités n'est pas illicite. Il en est de même en ce qui concerne la présence de ces troupes étrangères...

17Quant à la question du partage des richesses soulevée par le président Saddam Hussein, j'estime que ce qui provient de la terre – minerais, ressources naturelles... – revient exclusivement à l'État dans lequel on les trouve. Un État islamique pourvoit d'abord à ses besoins, puis il envoie son tribut, ou ce qui reste, au calife. Mais de nos jours, il n'y a plus de calife [...]. Le président irakien n'est pas, comme il le prétend, le calife des musulmans. » [...]

18Pour Ahmad 'Umar Hachim, vice-président de l'université d'Al-Azhar, « tout État arabe ou islamique a le droit d'appeler à l’aide des forces étrangères, non arabes et même non musulmanes, pour défendre son territoire. Il a même le droit de les appeler à l'aide si une guerre menace sa sécurité et sa stabilité. Nous en avons de nombreux exemples. [...]

19Qu'est-ce qui a contraint l'Arabie Saoudite à faire appel à ces troupes, américaines ou autres ? N'est-ce pas l'invasion irakienne, la concentration des soldats et des équipements militaires irakiens, des armes de destruction irakiennes dont l'usage est proscrit par les lois internationales ? Les armes chimiques ne représentent-elles pas le plus grand des périls ? L'Irak a provoqué tout cela. Il a dispersé un peuple entier, a pillé ses biens, a attenté à son honneur... [...] De plus, ces forces étrangères n’ont pas pénétré dans les lieux saints. Elles se trouvent à la frontière, donc à quelque 1 500 km des lieux saints... Et Dieu se charge de protéger ces lieux. »

20Son Excellence Gadd al-Haqq 'Alî Gadd al-Haqq, chaykh d'Al-Azhar, s'adressant au monde arabe et islamique, affirme que le recours à des forces arabes et islamiques ou étrangères pour défendre les Lieux saints est un acte légitime au regard de l'islam. Il s'agit d'empêcher l'agresseur d'étendre ses menaces.

21Le chaykh d'Al-Azhar demande au président Saddam Hussein « d'écouter la voix de l'islam et du droit, de renoncer à la logique de la force, de prendre en considération son appartenance à la communauté arabo-islamique, enfin d'abandonner des plans qui font obstacle au progrès et au développement de la nation arabe, la mettent dans une situation périlleuse, font chuter son crédit auprès des nations, se privant ainsi elles-mêmes de la coopération et du dialogue qui existaient entre elles. Tout cela parce qu'un groupe de dirigeants s'est écarté du droit chemin, envahissant un pays et un peuple paisibles. Ce pays assumait son rôle dans tous les domaines. Saddam Hussein a arraché brutalement à leur sommeil des femmes, des enfants, des vieillards... Ce n'est pas là le comportement d'un musulman. [...]

22Si les pays voisins du Koweït, surpris et accablés par l'invasion, ont demandé assistance à divers États – islamiques et autres – dont les forces sont comparables à celles de l'armée irakienne, il n'y a pas d'inconvénient à cela puisque ce recours repose sur les principes des accords et traités internationaux. Ce pays a le droit de se défendre, de protéger son territoire et son honneur contre ce frère perfide dépourvu de parole et dé sens moral. Les prétentions irakiennes d'agir en mujâhid ne sont pas fondées. Le Jihâd ne peut consister en l'invasion d'un pays frère musulman.

23De même, l'argument selon lequel les armées étrangères auraient profané les Lieux saints est sans fondement puisqu'elles sont venues avec l'aval des dirigeants saoudiens pour repousser l'invasion. Ce sont des troupes musulmanes ou des troupes qui leur sont alliées. Une telle alliance est légitime en islam. Combattre la tyrannie fait partie des principes de l'islam et des devoirs du musulman. [...]

24Dieu permet de combattre l'agresseur :

« Luttez contre celui qui se rebelle,

  • 5  Sourate XLIX (op. cit.)

Jusqu’à ce qu'il s'incline devant l'Ordre de Dieu. »5

25Les troupes arabes et islamiques appelées à secourir les pays touchés par cette catastrophe ont tenté d'y mettre fin pour que ceux qui ont perpétré ce forfait - l'occupation, par une force militaire supérieure, d'un pays arabe et musulman qui jouissait du respect de ses voisins – dressent un bilan de leurs actes : Qu'ils prennent garde, ceux qui tentent de diviser et de détruire la région après avoir porté atteinte à une terre et à son peuple. Qu'y ont-ils gagné en comparaison de ce qu'a perdu la nation ?

26La nation a subi un grave préjudice dans sa dignité et dans ses valeurs. Si l'armée irakienne et ses dirigeants ont volé et assassiné, cela ne leur sera d'aucun profit. Dieu a prohibé de tels actes, a averti de leurs conséquences et ordonné de s'y opposer.

27Les troupes qui ont envahi le Koweït s'y étaient préparées et ontattaqué sans crier gare. Les dirigeants irakiens s'étaient engagés à ne pas intervenir, à négocier. La surprise fut de taille... Armements lourds, missiles... tout l'arsenal d'une guerre moderne. Les Arabes ne lèvent le glaive que contre celui qui porte le glaive. Ils n'attaquent pas un ennemi désarmé. L'armée des agresseurs aurait-elle renoncé à son identité arabe bâtie sur les principes de l'islam ?

28L'institution d'Al-Azhar, désireuse de surmonter ces douloureux événements et d'y porter remède, prie les dirigeants irakiens de renoncer à leur entreprise, de retirer leurs armées et de permettre le retour du gouvernement légitime du Koweït. Mieux vaut renoncer à l'erreur et de revenir à la rectitude plutôt de s'entêter dans l'aberration. Le meilleur des coupables est celui qui revient vers Dieu.

29Le chaykh Muhammad Sayyid Tantawi, mufti de la République, a publié un communiqué exigeant le retrait des forces irakiennes, se référant aux principes de l'islam qui interdisent d'agresser un tiers. Il a demandé « que les armées musulmanes se solidarisent pour combattre l'agresseur jusqu'à ce que ce dernier revienne aux commandements de Dieu, afin d'épargner à la nation la guerre, et l'effusion de sang et de défendre l'intégrité des pays frères. »

30Choisir les dirigeants d'un pays, les porter au pouvoir, les destituer, c'est l'affaire des représentants de son peuple et de personne d'autre. La paix est le principe. On n'a recours à la guerre qu'en cas d'injustice, d'atteintes à la foi, aux personnes, à l'honneur, aux biens ou à la patrie. La chari'a prohibe fermement l'agression de personnes désarmées. Elle édicte également les principes qui régissent la guerre, interdisant notamment la trahison, la rupture d'engagements, l’attaque par surprise de populations paisibles, qu'elles soient ou non musulmanes. Il est inadmissible qu'un État musulman en paix, ou en situation de non agression, en agresse un autre, musulman ou non, sans avertissement. Il fait alors montre de trahison. Les paroles de Dieu l'attestent :

« Si tu crains vraiment une trahison

De la part d'un peuple,

Rejette son alliance

Pour pouvoir lui rendre la pareille.

  • 6  Sourate VIII (Le Butin), v. 58. (id.)

- Dieu n'aime pas les traîtres. »6

31Autrement dit, lorsqu'on sait que le pays avec lequel on a signé un traité est sur le point de le rompre, il faut dénoncer ce traité et, avant de déclarer la guerre, en informer clairement ce pays. Il a libéré de son engagement. Car Dieu n'aime pas les traîtres à leurs paroles.

32Nos vénérables ancêtres appliquaient parfaitement ces usages. Abu Dawwûd rapporte, dans sa version de la sunna, que Mu'âwiyya avait passé un traité avec (les chrétiens ?). Quand le traité fut rompu, Mu'âwiyya voulut les envahir. Mais voilà qu'un cavalier, s'adressant à lui, lui dit : « Dieu est le plus gand, il est fidète et loyal ». Mu'âwiyya demanda : « Que veux-tu ? » Il répondit : « J'ai entendu le Prophète expliquer qu'il avait passé un accord avec une tribu. Il ne l'attaqua point avant qu'elle en fût avertie ou que les deux parties aient rompu leur alliance ». Mu'âwiyya entendit ces paroles et se retira avec ses troupes.

33Si l'affaire concernait des non musulmans... mais il s'agit en l'espèce d'un dirigeant musulman qui ordonne à ses hommes d'envahir un État musulman sans l'avertir, occupe ses territoires, s'empare de ses biens en quelques heures alors que ce peuple était plongé dans le sommeil....

34Si cette abomination n'est pas une trahison, qu'appellerons-nous trahison ? »

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Notes

1  Sourate XVI (Les Abeilles), v. 7t. (Trad. D. Masson)

2  Sourate XLIX (Les Appartements privés), v. 9. (id.)

3  Sourate II (La Vache), v. 173. (id.)

4  Sourate LIX (Le Rassemblement), v. 7. (id.)

5  Sourate XLIX (op. cit.)

6  Sourate VIII (Le Butin), v. 58. (id.)

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Pour citer cet article

Référence papier

Hasan ‘Alam, « Crise du Golfe, annexe IV : Des forces étrangères en Arabie »Égypte/Monde arabe, 3 | 1990, 234-239.

Référence électronique

Hasan ‘Alam, « Crise du Golfe, annexe IV : Des forces étrangères en Arabie »Égypte/Monde arabe [En ligne], 3 | 1990, mis en ligne le 08 juillet 2008, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ema/1886 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ema.1886

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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