Oser prêcher : les audaces éditoriales de Samuel Chappuzeau, prédicateur éphémère
Résumés
À la bibliothèque municipale de Rouen se trouve une édition oubliée du premier traité de prédication, accompagné de sermons, de Samuel Chappuzeau (1625-1701), polygraphe français de confession réformée. La particularité de Chappuzeau en la matière est qu’il n’était pas pasteur. Cet ouvrage d’« amateur », c’est-à-dire de non-professionnel de la chaire, que nous examinons, non comme élément isolé, mais pris dans une chaîne de réécriture et de publication, nous apparaît intéressant à deux titres. Dans la mesure où il questionne la légitimité d’une parole non institutionnalisée, la manière dont elle se présente est assurément importante. Ensuite, dans la mesure où il met en lumière une pratique particulière, nous étudions les procédés de réécriture, d’amplification, de republication, comme caractéristiques principales de la pratique de cet amateur, statut auquel Chappuzeau, écrivain longtemps méprisé, a toujours été renvoyé.
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Converser de vive voix ou à distance avec Antoinette Gimaret, Julien Léonard et Claire Czinczhenheim au sujet de cet article a enrichi la réflexion proposée ici. Aussi, je les remercie chaleureusement.
- 1 Samuel Chappuzeau, Traité de la manière de bien prêcher, suivi de quatre discours, prononcés en div (...)
- 2 Andreas Hyperius publie son traité en latin en 1553, De Formandis concionibus sacris, puis une trad (...)
1En 1657, Samuel Chappuzeau (1625-1701) publie à Amsterdam un ouvrage intitulé Traité de la manière de bien prêcher, suivi de quatre discours, prononcés en divers temps à Cassel1. Ce jeune homme français de trente-deux ans, issu de la noblesse de robe (son père a été avocat au parlement de Paris), de confession réformée, a prêché (quatre fois) à Cassel en Allemagne, nous dit-il, devant des Grands, à leur demande. Or Samuel Chappuzeau n’est ni pasteur, ni théologien, ni professeur dans une académie. Nonobstant sa jeunesse, son inexpérience et son absence de reconnaissance institutionnelle, il n’a pas peur, non seulement de publier ses prêches – qu’il n’ose cependant intituler « sermons », confesse-t-il dans la préface de l’ouvrage –, mais encore de rédiger et de rendre public un traité sur la prédication. Rares sont, à l’époque, les traités d’homilétique réformée en français : une traduction de celui du théologien Andreas Hyperius (1511-1564) paraît dans la deuxième moitié du XVIe siècle, à laquelle s’ajoute le traité du célèbre pasteur de Charenton, Michel Le Faucheur (1585-1657), au mitan du XVIIe – encore s’agit-il d’un traité d’éloquence non exclusivement réservé à la chaire2. On est donc surpris de la hardiesse d’un non-spécialiste dans ce domaine ; hardiesse que la rhétorique de Chappuzeau entend faire accepter à force de déclarations d’humilité. L’écrivain reconnaît ses faiblesses, mais cherche à tout prix à faire accepter son ouvrage. C’est la caractéristique de ce polygraphe méprisé, infatigable voyageur, toujours renvoyé à un statut d’amateur, que de vouloir absolument se faire une place dans la République des Lettres.
- 3 Voir Alain Viala, Naissance de l’écrivain : sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, (...)
2En nous intéressant à Chappuzeau, et plus spécifiquement à l’ouvrage dont il a été question plus haut, nous voudrions réfléchir à la figure de l’amateur – non à l’amateur des belles-lettres mais à l’amateur en littérature dont le modèle serait le « pauvre diable » décrit par Robert Darnton3 – et à ses pratiques, dans le domaine bien particulier de la prédication, en dressant d’abord le portrait d’un polygraphe longtemps méprisé, victime d’une mauvaise réputation tenace, puis en étudiant comment ses motivations d’auteur transparaissent dans son ouvrage de prédication, enfin en examinant la réception de l’ouvrage. Sur ces axes de réflexion se greffe une problématique liée particulièrement au genre de la prédication, du sermon, qui relève de l’éloquence sacrée, de la parole inspirée. Quelle place peut occuper « l’amateur », c’est-à-dire le non-professionnel, ou encore, pour le dire autrement, le prédicateur qui n’est pas ordonné pasteur ? Pourrait-il être davantage inspiré que le prédicateur institué ? Luther ayant établi le sacerdoce universel des baptisés, la question est sans doute encore plus complexe chez les réformés que chez les catholiques. Or on sait que sous le régime de l’édit de Nantes, dans cette période de haute concurrence entre les confessions, la revendication de la vérité, de la légitimité, de l’autorité de la parole sont des enjeux essentiels.
Les tribulations d’un écrivain voyageur
- 4 Pour une biographie détaillée, nous renvoyons au seul ouvrage, à notre connaissance, consacré à Sam (...)
- 5 Samuel Chappuzeau, Défense du Sr Samuel Chappuzeau, contre une satire intitulée “L’Esprit de Mr Arn (...)
- 6 Samuel Chappuzeau, Le Théâtre françois, Christopher J. Gossip (éd.), Tübingen, Gunter Narr Verlag ( (...)
- 7 Nicolas Schapira a étudié les étapes de cette affaire qui agita l’Église de Charenton de 1656 à 166 (...)
- 8 Voir la lettre d’Adrien Daillé du 22 août 1662 à François Turrettini (Bibliothèque publique et univ (...)
- 9 Voir la chronologie de Christopher J. Gossip dans : Samuel Chappuzeau, Le Théâtre françois, p. 39.
3La vie de Chappuzeau4 – assez longue, il est mort à l’âge de soixante-seize ans – n’est pas un parcours linéaire : elle fut ponctuée de multiples vicissitudes qui entraînèrent des voyages, des exils, notamment à l’étranger. S’il n’alla pas jusqu’aux Indes où pourtant, selon ses dires, Jean-Baptiste Tavernier (1605-1689) aurait voulu l’emmener5, il séjourna, plus ou moins longuement et parfois à diverses reprises dans différents pays européens (Angleterre, Allemagne, Hollande, Suisse, Italie). Suivre son itinérance géographique, qui témoigne de son parcours social, n’est pas chose aisée. Samuel Chappuzeau a constamment joué de malchance : d’abord précepteur en Écosse, la mort de son élève l’oblige à quitter l’Angleterre en 16486 et à chercher une autre place ; puis c’est la mort, en août 1651, de la comtesse Amélie-Élisabeth, qui le protégeait à la cour de Hesse-Cassel, qui le contraint à nouveau au départ. Dix ans plus tard, alors qu’il est, depuis à peine deux ans, à La Haye, le précepteur de Guillaume III, prince d’Orange, la mort de la mère de celui-ci, la princesse royale Marie Henriette Stuart, le 24 décembre 1660, met fin à sa charge à la cour et l’oblige, une fois de plus, à rentrer en France, en avril 1661. C’est là qu’il ouvre, semble-t-il, un pensionnat pour jeunes gens et que commencent pour lui les déboires liés à l’affaire Morus, dont Nicolas Schapira a retracé l’histoire7, et qui lui valurent, en 1662, une interdiction de Cène pendant six mois8 et la vindicte du pasteur Alexandre Morus (1616-1666), dont il avait dénoncé la légèreté des mœurs devant le consistoire de Charenton. Cette situation l’obligea à quitter la France pour Genève. Mais là encore son séjour ne fut pas de tout repos puisqu’un propos malheureux dans une publication lui valut une condamnation9.
- 10 Malgré ce que certains ont pu affirmer : Orentin Douen, La Révocation de l’édit de Nantes à Paris, (...)
- 11 Samuel Chappuzeau, L’Orateur chrétien, ou Traité de l’excellence et de la pratique de la chaire, Pa (...)
4Voyageur bon gré mal gré, il fut aussi précepteur, secrétaire, correcteur d’imprimerie (à Lyon), professeur, gouverneur des pages à la fin de sa vie (en Allemagne), écrivain, et aussi prédicateur. Mais s’il étudia bien la théologie à l’académie de Montauban, probablement de 1643 à 1645, il ne fut jamais pasteur10 : s’il ne poursuivit pas dans la voie du ministère alors qu’il était proposant et qu’une possible carrière s’ouvrait à lui, c’est en raison, confie-t-il, d’une santé fragile11. Cette profession lui aurait pourtant, peut-être, permis d’échapper à l’indigence puisque son père étant mort en 1645, et ses beaux-frères l’ayant dépouillé de son héritage, selon ses dires, il se retrouve à vingt ans sans le sou. Sa production d’écrits est variée et abondante (il espérait en vivre), son champ d’activité ne se limitant pas à la prédication mais investissant le domaine théâtral et poétique : outre la production de poèmes, il est l’auteur d’une histoire du Théâtre françois (1674) et de sept pièces de théâtre. Il pratiqua également le roman (Ladice ou les Victoires du grand Tamerlan, 1650), la traduction (Entretiens familiers d’Érasme, 1662), la compilation de connaissances (Lyon dans son lustre, 1656, son projet de Bibliothèque universelle), de curiosités (L’Europe vivante, 1666), et il fut de surcroît lexicographe (Dictionnaire nouveau français et allemand et allemand et français, qu’accompagne le latin, 1675). Mais jamais il n’obtint de reconnaissance et il fut toujours considéré comme un écrivain sans talent, pratiquant les lettres en amateur.
- 12 Il fut marié deux fois et eut douze enfants.
- 13 Ironiquement, ce propos a pour source, d’après Le Grand Dictionnaire historique de Louis Moréri (Pa (...)
- 14 Alain Viala, Naissance de l’écrivain.
5S’il y eut beaucoup de « beaucoup » dans sa vie (beaucoup de voyages, beaucoup d’ouvrages, beaucoup de mésaventures, beaucoup d’enfants aussi12), il y eut néanmoins une permanence : la pauvreté. État dont on lui fit aussi grief comme preuve de son absence de talent : les biographes se plaisant à rappeler qu’il finit sa vie « vieux, aveugle et pauvre »13. L’indigence, qui semble avoir été la compagne de Chappuzeau sa vie durant, a fait également peser un soupçon sur son œuvre, celui de l’opportunisme, à une époque où pourtant, comme l’a bien montré Alain Viala, le clientélisme est un système14.
Un écrivain de second ordre ?
- 15 Lacroix et Monval rééditent des pièces de Chappuzeau et les accompagnent de notices biographiques : (...)
- 16 Friedrich E. F. Meinel, Samuel Chappuzeau, 1625-1701, Leipzig, R. Noske, 1908.
6La vie et l’œuvre de Samuel Chappuzeau ont bénéficié d’éclairages importants ces dernières années ; d’abord avec l’édition critique de son Théâtre françois par Christopher Gossip (2009), qui propose une chronologie détaillée de sa vie, ensuite avec la monographie de Neil Jennings et Margaret Jones, A Biography of Samuel Chappuzeau, a Seventeenth-Century French Huguenot Playwright, Scholar, Traveller, and Preacher (2012), dont le titre, comme on le voit, met bien en lumière la variété des activités de cet écrivain polygraphe, et dont le sous-titre, An Encyclopedic Life, met en relief l’entreprise de réhabilitation d’un auteur longtemps minoré par la critique. C’est donc essentiellement grâce aux travaux de la critique anglo-saxonne que Samuel Chappuzeau connaît un regain d’intérêt, et cet élément est loin d’être anodin. Si jusqu’aujourd’hui Chappuzeau a été considéré comme peu intéressant, c’est que la critique française a, du vivant même de l’auteur, méprisé à la fois l’homme et l’œuvre. Puis l’œuvre a été déconsidérée parce que l’homme était jugé vil – en raison tant de l’affaire de mœurs à laquelle il avait été mêlé que d’une réputation d’écriture servile. Dans le courant du XIXe siècle, pourtant, Chappuzeau a bénéficié de deux dynamiques de la critique littéraire, qui se rejoignent d’une certaine manière en sa personne : l’intérêt des bibliophiles comme Paul Lacroix pour les écrivains mineurs vient croiser l’intérêt pour l’histoire du théâtre, notamment celle du XVIIe siècle, identifié comme berceau du genre dramatique avec les travaux de l’archiviste de la Comédie-Française Georges Monval15. Chappuzeau est alors gratifié de propos moins défavorables, parfois même élogieux. Enfin en 1908, en Allemagne, Friedrich E. F. Meinel soutient sa dissertation inaugurale16 sur cet auteur, qui ne refera ensuite surface que très ponctuellement au cours du XXe siècle, avant de faire l’objet d’un nombre un peu plus important de publications au XXIe siècle.
7Nombreux furent donc les commentaires dépréciatifs à son sujet, et il souffrit tout au long de sa carrière d’une piètre réputation en France, qui ne fit que s’aggraver par la suite alors même qu’il était reçu dans les cours princières étrangères.
- 17 Victor Fournel, Les Contemporains de Molière, Paris, Librairie de Firmin Didot frères, fils et cie, (...)
C’est un écrivain à l’affût des occasions, exploitant l’à-propos, tirant parti de tout et faisant de chacun de ses livres un instrument de gain. Il compose moins par vocation que par calcul. Cependant il n’est pas dépourvu de talent et ses pièces de théâtre en particulier ont quelque valeur, malgré le dédain de la plupart des critiques et des bibliographes qui s’accordent avec une unanimité un peu suspecte, à les taxer d’une médiocrité extrême17.
- 18 Eugène et Émile Haag, La France protestante, col. 19-20.
- 19 Auguste Jal, Dictionnaire critique de biographie et d’histoire, Paris, H. Plon, 1867, p. 362.
8Aux propos de Victor Fournel font écho ceux de La France protestante : « il n’écrivit qu’en vue du gain, exploitant avec calcul, sinon avec adresse les occasions qui s’offraient à lui »18. Symptomatique d’une critique qui se lie et se copie, l’article d’Auguste Jal dans son Dictionnaire critique de biographie et d’histoire (1867) reproduit les propos de Louis-Gabriel Michaud : « Mauvais poète, mauvais traducteur et mauvais historien, dit la Biographie-Michaud dans un article sur cet auteur ». Jal a toutefois l’honnêteté de signaler son emprunt et il avoue : « dont je ne connais ni les histoires, ni les traductions, ni les vers »19.
- 20 Déborah Blocker, « Publier la gloire du “Théâtre françois” », in Groupe de recherches interdiscipli (...)
- 21 Voir Samuel Chappuzeau, Armetzar ou les Frères ennemis (1658), édition critique établie par Damien (...)
9Significativement, il n’y a pas d’article sur lui dans le Dictionnaire du Grand Siècle de François Bluche, mais il est mentionné dans l’article « Comédiens » (grâce à son Théâtre françois) et dans celui consacré à Louis Moréri (1643-1680) puisqu’il poursuivit la rédaction d’un certain nombre d’articles de ce dernier pour son Grand Dictionnaire historique. En fait, c’est son ouvrage sur le théâtre qui tend à lui donner un peu de visibilité encore que Déborah Blocker, dans une analyse très fine et captivante, mais aussi très critique, du Théâtre françois qu’elle trouve écrit de manière brouillonne, montre comment ouvrage et auteur se sont autorisés l’un par l’autre et ont pu bénéficier d’une gloire posthume20. Son théâtre intéresse encore avec sa tragi-comédie Armetzar (1658) et les éditions récentes de quelques-unes de ses pièces21. En revanche, son œuvre de prédicateur, ses sermons, ses traités sont globalement négligés.
Chappuzeau, prédicateur épisodique
- 22 Pierre Jurieu, L’Esprit de Mr Arnaud. Seconde partie, Deventer, héritiers de J. Colombius, 1684, p. (...)
10En 1684, dans un épais ouvrage intitulé L’Esprit de Mr Arnaud, le pasteur Pierre Jurieu (1637-1713) s’en prend violemment à Samuel Chappuzeau, victime collatérale de la colère de Jurieu contre Jean-Baptiste Tavernier. Le récit Six voyages (1679), objet du grief, est en effet un ouvrage que Tavernier a rédigé avec l’aide de Chappuzeau, dans lequel le voyageur fait « une violente satyre contre la Hollande »22. Chappuzeau est successivement présenté par Jurieu comme un comédien, un prédicateur et un marchand. Le mot « prédicateur » apparaît comme un intrus dans cette liste qui l’accuse de s’adonner à de viles activités (celles du théâtre et du commerce), à moins que le mot ne soit entendu ironiquement – comme le fait remarquer Chappuzeau lui-même dans sa réponse – et sous-entende soit que Chappuzeau ait été un piètre prédicateur soit qu’il ait prêché sans avoir la permission institutionnelle de le faire. Mais Jurieu ne précise pas ses propos, et il ne semble pas qu’on n’ait jamais reproché à Chappuzeau son activité de prédicateur – ce qui ne laisse pourtant pas d’interroger, nous y reviendrons. Deux autres interprétations, au moins, sont possibles : Jurieu reprocherait à Chappuzeau d’avoir prêché, et par ailleurs péché en écrivant pour Tavernier des propos mensongers (incompatibilité de ces actions) ; ou enfin il serait incompatible de s’adonner aux métiers de comédien et de marchand, professions sans moralité, et d’être aussi prédicateur, charge la plus estimable du ministère dans la confession réformée. Chappuzeau prend alors la plume, pour réparer son honneur dit-il, et contre-attaque méthodiquement en dissociant les accusations et en les reprenant une à une. Dans la manière dont il se défend se lit une certaine satisfaction d’avoir à aborder le sujet.
- 23 Samuel Chappuzeau, Défense du Sr Samuel Chappuzeau…, p. 10.
- 24 Friedrich E. F. Meinel, Samuel Chappuzeau, 1625-1701, p. 7.
- 25 Samuel Chappuzeau, Sermon adressé devant Leurs Altesses de Hesse, Cassel, S. Schadewitz, 1650 (Murh (...)
11En effet, Chappuzeau confirme avoir prêché à plusieurs reprises hors de France23 : d’abord à Marbourg, dit-il ; ensuite devant une assemblée de Français à Brême ; à Cassel durant l’hiver 1650-1651 ; à Ligourne (Livourne) durant l’hiver 1663 au sein de la communauté protestante française ; à Venise, deux fois, durant la semaine de Pâques, probablement en 1665 ; enfin en 1684 à Celle. Et il prêcha parfois apparemment fort bien, au point que le Sénat de Brême aurait, d’après Meinel24, tenté de le recruter. Il reste des traces de sa pratique de la prédication, puisqu’en 1650 paraît un sermon qui semble être sa première publication25 ; d’autres suivront en 1657. Il écrit aussi deux artes predicandi à vingt ans d’écart, le premier (Traité de la manière de bien prêcher) alors qu’il réside à la cour de Cassel, le second (L’Orateur chrétien ou Traité de l’excellence et de la pratique de la chaire) à la cour de Celle. Meinel le désigne même, lors de son séjour à Cassel, comme prédicateur de cour. Dans la défense de Chappuzeau, ce qui frappe, c’est la prudence de ses propos en même temps qu’une forme de complaisance lorsqu’il s’étend sur ses expériences de la chaire. Pourtant, jamais il n’emploie le mot « sermons », mais des périphrases telles que « discours de piété », ou des substituts comme « discours », « exercices pieux », « actions ». Il ne fait référence ni à sa formation théologique, ni justement à ses traités de prédication – qui, on peut le penser, pourraient lui donner une certaine autorité –, en revanche, il détaille les occasions qu’il a eues de prêcher devant – de surcroît à leur demande – des personnalités qu’il nomme avec précision. La mention du titre et du nom de ces Grands a deux effets : tout en autorisant cette prise de parole toute particulière qu’est le sermon, elle donne une certaine aura à ses discours et, de fait, à sa personne.
12Samuel Chappuzeau n’est ni théologien, ni pasteur, ni même fils de pasteur. Quelle légitimité avait-il donc pour écrire un ouvrage tel que celui-ci ? Chappuzeau lui-même devance dès 1657 les objections qu’on pourrait lui faire.
- 26 Samuel Chappuzeau, « Traité de la manière de bien prêcher, adressé à un jeune Proposant », in Disco (...)
Quelques uns me pardonneront si j’ose dire mon sentiment touchant la manière de parler au peuple, où je treuve aujourd’huy beaucoup de defauts, & où les predicateurs de l’une & de l’autre communion pechent en cent sortes. Qu’on ne me reproche point ny ma jeunesse ny mon ignorance, qu’on ne crie point que n’estant pas du mêtier, je suis incapable de juger de ces matieres, & que je devrois baiser les pieds de ceux qui annoncent l’Evangile, sans entreprendre de censurer leurs discours26.
- 27 Voir Thierry Wanegffelen, « Un cléricalisme réformé : le protestantisme français entre principe de (...)
- 28 Voir Julien Léonard, « Un pasteur français au service des Provinces-Unies. Le ministère de Samuel D (...)
13Si la prédication eût été impossible pour Chappuzeau en France (du moins hors statut de proposant) car la Discipline y encadre fortement le ministère de la prédication, et ce, dès le XVIe siècle27, à l’étranger il n’en est pas de même. À côté des églises nationales ou locales qui engagent parfois des pasteurs français (on peut penser à Samuel Des Marets aux Provinces-Unies, dont le cas a été étudié par Julien Léonard28), des puissances royales, des Grands, mais aussi des autorités civiles font visiblement appel à des laïcs pour des prédications de circonstance.
14Le dispositif rhétorique choisi par Chappuzeau pour encadrer son premier traité de prédication est significatif de la prudence avec laquelle il s’engage dans cette voie littéraire en tant que non-professionnel de la chaire. En effet, il a recours à une situation d’énonciation particulière : la lettre à un proposant. Ce cadre lui permet de justifier son texte à deux niveaux : celui de la légitimité (ce texte n’est pas à son initiative, il répond à une demande), et celui de la pédagogie (il s’adresse directement à un étudiant en théologie) :
- 29 Samuel Chappuzeau, Traité de la manière de bien prêcher, suivi de quatre discours…, p. 1.
Puis que vous vous montrez opiniâtre à vouloir tirer de moy quelques preceptes pour l’exercice de la saincte charge où vous aspirez, & que vous faites jusqu’icy parêtre une deference aveugle pour tous mes conseils, je ne veux pas vous les refuser en ce rencontre, ou il s’agit & de la gloire de Dieu, & de l’édification du prochain. Je ne pretens pas pourtant que mes sentimens particuliers passent pour des loix, & je me fâcherois qu’on crust que j’ose faire icy leçon à nos Maîtres29.
15Simple artifice d’écriture ? Pour autant, il ne semble pas qu’on lui ait fait reproche de son livre. Encore faut-il que le texte ait été connu et lu.
Du Traité de la manière de bien prêcher à L’Orateur chrétien
16Chappuzeau est l’auteur de deux artes predicandi : le premier, Traité de la manière de bien prêcher (1657), est la matrice du second, L’Orateur chrétien, ou Traité de l’excellence et de la pratique de la chaire (1675) (fig. 1).
- 30 Samuel Chappuzeau, Discours chrétiens prononcés à Cassel en présence de Leurs Altesses de Hesse ave (...)
- 31 Cinthia Meli, « Le prédicateur et ses doubles : Actio oratoire et jeux scéniques dans le Traité de (...)
- 32 Comme le suggère à nouveau Cinthia Meli dans un récent article : « Derniers regards sur la prédicat (...)
17Le passage du premier au deuxième est ponctué d’étapes qui relèvent de stratégies de publication mais aussi d’un processus de réécriture. Le Traité de la manière de bien prêcher connaît en effet une nouvelle édition en 1658, sous un titre modifié qui inverse l’ordre de présentation des éléments sur la page de titre : Discours chrétiens prononcés à Cassel en présence de Leurs Altesses de Hesse30. Cette fois, ce sont les sermons, les « discours chrétiens », qui sont mis en avant, tandis que la partie prescriptive n’occupe que la deuxième place ; et, ce faisant, elle connaît elle aussi une présentation un peu différente puisque le Traité de la manière de bien prêcher devient, dans l’édition de 1658, le Traité de l’action et du geste de l’orateur touchant la manière de bien prêcher. Le texte reste pourtant rigoureusement le même. S’agit-il, pour Chappuzeau, de pointer une proximité avec le Traité de l’action de l’orateur ou De la prononciation et du geste que Le Faucheur venait tout juste de publier, et d’en tirer bénéfice ? Du reste, il est vrai qu’il abordait la question de l’action et du geste dans le traité initial de 1657, et qu’il l’aborde donc à nouveau dans L’Orateur chrétien, sans pourtant y dédier un chapitre. Le Faucheur en fait, lui, un point essentiel, mais son traité n’est pas exclusif à la prédication en chaire puisqu’il aborde aussi l’éloquence du barreau. Bizarrerie tout de même pour l’ouvrage d’un pasteur ; on s’étonne de l’absence de toute allusion à la confession réformée, à une époque où la concurrence entre les deux confessions est très importante, même si la théorie de la porosité entre les écrits catholiques et réformés sur l’éloquence, avancée par Cinthia Meli, est convaincante31. D’ailleurs, Chappuzeau lui-même, de manière répétée, gomme dans ses propos les différences confessionnelles confirmant l’hypothèse d’une acculturation de la prédication réformée à la prédication catholique32. Après avoir conseillé au proposant de ne pas choisir pour sa prédication de textes trop difficiles, il suggère de ne pas aborder non plus, toujours dans la perspective d’une adaptation à l’auditoire, des points de doctrine trop ardus et il prend pour exemples deux sujets essentiels chez les réformés : la prédestination et la Grâce. Il est probable qu’il tienne à apaiser des tensions liées à ces sujets polémiques, le sermon n’étant pas, dit-il, le lieu approprié pour exprimer des positions controversées, position à rebours de la pratique.
18Disons-le d’emblée, sur le fond, il n’y a pas de différence majeure entre les deux traités mais, passant d’un texte de 97 pages à un autre de 240, la thèse de Chappuzeau connaît un approfondissement. Néanmoins, elle reste la même : l’éloquence est absolument nécessaire au sermon. Samuel Chappuzeau s’en fait le défenseur et la juge indispensable dans la chaire. L’écrivain tient ici une position assez dangereuse (mais c’est, du reste, celle de Le Faucheur dont le livre, il est vrai, ne paraît qu’après sa mort), car chez les réformés, tout comme dans les milieux catholiques, la polémique était alors vive concernant le recours à l’éloquence dans le discours sacré.
- 33 Samuel Chappuzeau, L’Orateur chrétien…, p. 6-7. Voir Traité de la manière de bien prêcher, suivi de (...)
Quelques gens […] diront […] que la parole de Dieu a d’elle-même assez de vertu, & qu’il n’est pas besoin de l’accompagner de tant d’artifice. Je le leur accorde : mais ils doivent m’accorder aussi, que cette parole quelque puissante qu’elle soit, de quelque efficace qu’elle se trouve remplie, est souvent portée à des oreilles sourdes, à des cœurs de fer, qu’il est difficile de percer sans le secours de l’art que nôtre doctrine ne defend point, puisqu’elle en souffre l’usage dans nos Ecoles33.
La parole du prédicateur a besoin, pour se faire entendre, du soutien de l’éloquence, et les pasteurs, en la matière, doivent bénéficier de conseils qui leur permettront de rendre leurs sermons plus efficaces. L’écrivain renverse d’ailleurs la critique de l’éloquence en assurant que le problème ne vient pas tant d’une parole qui serait inefficace que d’une imperméabilité de l’auditoire à cette parole, ce que soulignent les oxymores « oreilles sourdes » et « cœurs de fer ». Mais il ne manque pas de s’élever contre une forme d’hypocrisie qui consiste à enseigner l’éloquence et la rhétorique dans les académies pour ensuite les condamner dans les sermons.
- 34 Dans ses Dissertationes theologicae […], Saumur, I. Desbordes, 1670, et notamment dans la troisième (...)
19L’Orateur chrétien, ou Traité de l’excellence et de la pratique de la chaire (1675) est donc une forme amplifiée du Traité de la manière de bien prêcher (1657) dont il reprend le plan de manière plus structurée et visible. Mais, curieusement, dans l’ouvrage de 1675, Chappuzeau ne fait pas référence à son propre livre publié vingt ans plus tôt, alors qu’il mentionne deux traités d’homilétique : l’ouvrage en latin d’Étienne Gaussen34 et celui de Michel Le Faucheur. On peut s’étonner de cette absence d’« auto-publicité », qui pourrait être une forme d’humilité, ou l’abandon dans les limbes de l’oubli d’un ouvrage qui ne connut aucun succès, ou encore un silence stratégique pour éviter de pointer soi-même la tactique de reprise et d’amplification d’un ouvrage déjà écrit (ce qui aurait peut-être pu lui être reproché). Le deuxième traité a donc doublé de volume. Le début s’est enrichi d’une sorte d’avant-propos intitulé « Dessein de l’ouvrage où il est traité De la Dignité de l’Orateur Chrétien & de l’importance de sa charge ». La structure initiale du Traité de la manière de bien prêcher, composé de « cinq articles » (choix des matières, disposition, mémoire, prononciation, style) – en réalité six puisque l’auteur ajoute « & je donnerai ensuite une petite atteinte aux Auditeurs » –, est conservée, avec toutefois l’ajout d’un chapitre supplémentaire : « Chapitre IV. De l’Usage de la Prédication », le dernier chapitre, VII, étant consacré au « Devoir des Auditeurs ». L’Orateur chrétien (1675) est bien une version augmentée du Traité (1657). Mais du Traité de la manière de bien prêcher à L’Orateur chrétien, de 1657 à 1675, ce sont en réalité quatre ouvrages qui nous intéressent : le Traité de la manière de bien prêcher, initialement publié en 1657, est réédité en 1658 comme nous l’avons dit ; de même, L’Orateur chrétien, paru en 1675, connaît une nouvelle édition en 1676. À chaque fois, des variations dans le dispositif apparaissent, et chaque différence entre ces ouvrages témoigne d’une tactique. Enfin, on a l’impression d’une publication un peu hâtive pour l’édition de L’Orateur chrétien en 1675 car elle est assez sobre : la page de titre ne mentionne pas le nom de l’auteur, il n’y a pas d’épître dédicatoire, une permission est annoncée en page de titre mais elle est absente dans l’ouvrage que nous avons consulté. En revanche, l’édition de 1676 a une page de titre plus dense et plus ornée et elle indique le nom de l’auteur « Par le Sr Chappuzeau, cy-devant Precepteur de son Altesse Royale Monseigneur le Prince d’Orange ». Le prestige de la charge occupée à peine deux ans, quinze ans plus tôt, est donc encore revendiqué par l’écrivain. Cette édition contient une épître dédicatoire à la duchesse de Brunswick-Lunebourg-Celle, « De Paris, le 4. De Novembre 1676 », et, au dos de la table des chapitres, une approbation signée de deux pasteurs.
Fortunes et infortunes de l’ouvrage
- 35 Traité de la manière de bien prêcher, suivi de quatre discours, prononcés en divers temps à Cassel, (...)
- 36 Alain Niderst, Madeleine de Scudéry, Paul Pellisson et leur monde, Paris, PUF, 1976, p. 98, n. 668.
- 37 Neil Jennings et Margaret Jones, A Biography of Samuel Chappuzeau…, p. 144, n. 531.
- 38 Nous soulignons. Cité par Antoine Péricaud l’aîné, Notes et documents pour servir à l’histoire de L (...)
- 39 Voir l’approbation, en tête de l’ouvrage, signée de Jean Daillé fils (1628-1690) et de Jean Mesnard (...)
- 40 Recueil Conrart, t. 16, Ms Arsenal 4121, p. 1230.
20Le livre qui nous intéresse particulièrement, le premier, Traité de la manière de bien prêcher, suivi de quatre discours prononcés en divers temps à Cassel, ne rencontre guère d’écho à sa parution en 1657 ; c’est peut-être la raison pour laquelle, dans une perspective de stratégie commerciale, il est republié en 165835 avec une nouvelle page de titre, qui n’indique plus le nom de l’auteur et qui met en avant les discours chrétiens plutôt que la partie prescriptive. Alain Niderst – qui n’a pas connaissance de la publication de 1657 – indique qu’un traité De l’action de l’orateur a circulé de manière manuscrite selon lui par le biais de Conrart ; il assure en note que ce traité est de Chappuzeau sans toutefois donner sa source36. Mais, ainsi que le soulignent Neil Jennings et Margaret Jones, il est possible que l’ouvrage en question soit plutôt celui de Le Faucheur37 dont la publication a en effet été prise en charge par Conrart. Les seules références, au XVIIe siècle, au texte de Chappuzeau, nous les avons trouvées dans les écrits de Chappuzeau lui-même. D’abord dans une lettre adressée à Charles Spon et datée du 15 mars 1657, dans laquelle il évoque la récente publication d’un livre de son ami Jan Comenius (1592-1670) : « Le Livre s’est imprimé aux frais de celui à qui j’ay dédié le petit traité que je vous envoye, et dont M. Daillé a daigné me donner, par lettres, beaucoup de louanges »38. L’ouvrage de Comenius est Lux in tenebris, publié en 1657 avec l’aide de Laurens de Geer, qui est précisément le dédicataire de l’épître de Chappuzeau placée en tête de son Traité de la manière de bien prêcher de 1657. Le propos livre une autre information importante : le traité de prédication – si c’est bien de lui dont il s’agit, mais nous le présumons fortement – a été apprécié par un des pasteurs de Charenton. Il lui rend d’ailleurs hommage dans l’avis au lecteur. C’est le fils de ce même pasteur, Jean Daillé, qui formulera l’approbation ajoutée en tête de L’Orateur chrétien quelque vingt ans plus tard39. Chappuzeau fait encore référence à la publication de ses textes de prédication, de manière assez floue toutefois, dans une lettre adressée au consistoire de Charenton ; de manière orientée aussi, puisqu’il s’agit d’une déposition contre le pasteur Alexandre Morus en même temps que d’une sorte d’attestation de bonne moralité pour ce qui le concerne. Il a, dit-il, en effet écrit « des ouvrages de pieté […] qui ont esté generallement bien receu »40. Comme on lui fait grief de ses pièces de théâtre (qui pourraient être la preuve d’une moralité douteuse), il met en avant ses productions religieuses et les validations (celle de Daillé implicitement) dont elles ont pu faire l’objet.
- 41 Nicolas Schapira, Un professionnel des lettres au XVIIe siècle…, p. 319.
- 42 Pierre Richelet, Dictionnaire français, Genève, J.-H. Widerhold, 1680, art. « Action » : « L’éloque (...)
- 43 « Monsieur Gaussen l’un des derniers qui a écrit sur cette matiere, s’en est heureusement aquité, (...)
21Dans sa correspondance, Guy Patin (1601-1672) mentionne la publication de certaines œuvres de Chappuzeau : en 1656, Le Cercle des femmes et Lyon dans son lustre, puis, en 1666, L’Europe vivante, mais pas le Traité de la manière de bien prêcher – l’ouvrage de 1657, publié à Amsterdam, ne semble pas avoir eu d’audience. Sa réédition en 1658 sous le titre Discours chrétiens non plus. Ces deux ouvrages ont peut-être souffert d’avoir été publiés à l’étranger et sans doute de la récente publication, au début de l’année 1657, du livre de Michel Le Faucheur, pasteur célèbre qui venait de mourir. L’ouvrage de celui-ci bénéficie de deux atouts par rapport à celui de Chappuzeau, d’une part il a été rédigé par un professionnel de la parole en chaire, et d’autre part il a bénéficié des soins de Valentin Conrart, « figure d’autorité »41 dans la communauté réformée parisienne, pour sa publication. Signe de son succès et de sa notoriété, le traité de Le Faucheur42 est cité en exemple à l’article « Action » des dictionnaires de Richelet (1680) et de Furetière (1690), et Chappuzeau lui-même y fait référence dans la version longue de son traité, celle de 167543. Dans le Traité de la composition d’un sermon (1688) de Jean Claude (1619-1687), pasteur à Charenton, son fils, qui a publié l’ouvrage après la mort de son père, fait lui aussi référence au traité de Le Faucheur. Il mentionne également d’autres textes, mais les juge trop partiels ou superficiels pour être d’une réelle importance – il ne cite d’ailleurs pas leurs titres. Parle-t-il ici des traités de Samuel Chappuzeau ?
- 44 Antoine Albert, Dictionnaire portatif des prédicateurs français, Lyon, P. Bruyset Ponthus, 1757, p. (...)
22Un siècle plus tard, le silence qui entoure la publication du traité de Chappuzeau s’estompe un peu. Il semble que son œuvre ait eu davantage d’audience à une époque où « l’on se fait comme une espèce de devoir de transmettre à la postérité la plus reculée jusqu’aux moindres écrits qui paraissent & les noms de leurs Auteurs »44, explique le père Albert dans la préface de son dictionnaire des prédicateurs. Celui-ci mentionne le traité de 1675 sous le titre Traité de l’excellence et de la pratique de la chaire (en réalité il s’agit du sous-titre de L’Orateur chrétien), sans l’attribuer ; en effet, l’édition de 1675 est anonyme. Voici ce qu’il en dit :
- 45 Ibid., p. 479.
Cet Ouvrage n’est pas proprement un Traité d’éloquence, dit Mr l’Abbé Goujet [en note : Bibliothèque françoise, tome 2, p. 62]. L’Auteur supposant son Orateur bon Rhétoricien, se contente de faire sur toutes les matières qui regardent le Prédicateur, des réfléxions qui peuvent être fort utiles à ceux qui veulent prêcher l’Évangile avec édification & avec fruit. Mais son style est sans feu et sans énergie45.
- 46 Jean-Baptiste Ladvocat, Dictionnaire historique portatif, contenant l’histoire des Patriarches, des (...)
23Mais c’est bien à l’édition de 1657 que fait référence l’abbé Ladvocat (1709-1765) dans son article consacré à Chappuzeau46, article assez élogieux (Ladvocat prend le parti du dramaturge dans le différend qui l’opposa à Jurieu) :
[F]écond écrivain du XVIIe s. Après avoir été précepteur de Guillaume III, Roi d’Angleterre, fut Gouverneur des Pages auprès de George Duc de Brunswyk-Lunebourg. Il a publié des Vers, l’Europe vivante, un Traité de la manière de bien précher, suivi de 4 Sermons prononcés à Cassel.
24Les propos de ces deux prêtres du XVIIIe siècle sont la preuve que l’acculturation se fait également dans l’autre sens. Notons aussi que si Chappuzeau sort un peu de l’ombre à cette époque, c’est à ces deux érudits catholiques qu’il le doit, la communauté protestante restant silencieuse à son sujet.
Un caméléon à la stratégie défaillante
25Contraint sans cesse aux déplacements pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa nombreuse famille, Samuel Chappuzeau a dû s’adapter, chercher des emplois, des protecteurs. Penser qu’un grand nombre de ses textes ont été écrits pour satisfaire aux nécessités de son existence est possible, mais doit-on lui faire grief de cet opportunisme quand la pratique des écrits de circonstance est courante à l’âge classique, même chez les auteurs aujourd’hui institutionnalisés ? Les textes religieux rendent la question cependant plus sensible : l’inspiration divine peut-elle s’accommoder de l’opportunisme ? Chappuzeau présente comme des commandes l’écriture de ces textes (ce qui ne résout pas complètement le problème posé), arguant ainsi qu’il n’a fait que répondre à des demandes. Mais que dire alors de leur publication ? Bien entendu, les pièces liminaires (avis au lecteur, épîtres) éclairent la démarche en précisant que la publication n’a été faite qu’à contrecœur, que sur la demande insistante d’amis, etc. Ces propos très convenus se trouvent en tête de tous les sermons ou recueils de sermons publiés à l’époque. Dans le cas de Chappuzeau, ils résonnent de manière un peu différente puisque sa parole n’est pas institutionnelle. Elle n’a pas été – et n’aurait pu l’être – publiée oralement en France, mais sa publication écrite a reçu l’aval de Charenton par l’intermédiaire du pasteur Jean Daillé. Le fait que Chappuzeau ait été lui-même proposant dans ses jeunes années l’a sans doute tacitement autorisée. Pour autant, ses écrits n’ont eu aucun écho et Chappuzeau, qui n’appartient pas à la puissante caste des pasteurs, n’en a tiré aucun bénéfice.
- 47 Alain Viala, Racine. La stratégie du caméléon, Paris, Seghers, 1990.
26Quand on replace sa trajectoire dans l’histoire sociale, on ne peut manquer de relever qu’il est difficile pour un homme sans fortune, sans appuis, de survivre et plus encore de se faire un nom dans la République des Lettres. Car Chappuzeau, en France, est seul. Il ne fréquente apparemment ni les salons, ni les académies ; les avantages liés à ce type de sociabilité lui échappent donc. Néanmoins, se faire une place, ou du moins tenter de le faire, est déjà en soi tout un métier, comme l’a souligné Viala au sujet de Racine47. Il apparaît, de plus, que son métier d’homme de théâtre ait desservi Chappuzeau au sein de la communauté réformée de Charenton – auprès de laquelle il aurait pu trouver des appuis –, comme le suggère la lettre qu’il envoie aux membres du consistoire de Paris pour se disculper dans l’affaire Morus, affaire dans laquelle il n’était, finalement, que secondairement impliqué :
- 48 Recueil Conrart, t. 16, Ms Arsenal 4121, p. 1230-1231.
Si mon nom est affiché aux carrefours, le nom de quelques autres autheurs reputez tres-gens de bien & d’honneur y paroit aussi, quoy que je leur cede à tous la gloire de mieux ecrire. Je ne fais pas seulement des pièces comiques, qui sont les plus difficiles ; je travaille aussi au grand cothurne & au serieux, & mes poèmes sont trouvez assez bons pour estre recitez devant le roi. Je vous avouë pourtant Messieurs que la seule necessité, & la crainte que j’ay de tomber sur les bras de mes amis m’a fait entreprendre des ouvrages de théâtre, où je trouve quelques émoluments ; mais pour lesquels j’ay une aversion naturelle, & à quoy je ne penserois jamais si j’avois lieu d’occuper ma plume à escrire quelque belle histoire ou a coucher des lettres ou a quelque chose de cette nature, d’où je pusse tirer quelque utilité48.
Manque d’habileté ? Dans cet extrait, Samuel Chappuzeau se défend gauchement. Tout en condamnant implicitement l’activité théâtrale qu’il dit n’avoir pratiquée que par nécessité, il en fait aussi l’éloge en faisant mention « des auteurs reputez tres gens de bien » qui ont eux aussi leur nom placardé dans les rues et en soulignant qu’écrire des comédies requiert un vrai savoir-faire.
- 49 « Il n’est guère de discours ou de récits de l’époque […] qui, même brièvement, n’évoquent sa figur (...)
27Plus adroit, mieux intégré dans les réseaux de sociabilité mondaine et de la République des Lettres, Valentin Conrart, qui a croisé la route de Samuel Chappuzeau à plusieurs reprises, est son exact contraire. À eux deux, ils illustrent bien la manière dont pouvait se construire – ou pas –, à cette époque, une carrière d’homme de lettres. Tous deux protestants, l’un est un intellectuel sans œuvre mais reconnu, pourvu d’une autorité mais pas d’une auctorialité, tandis que l’autre est un dramaturge avéré mais méconnu, infatigable écrivain mais méprisé par ses contemporains. Comme l’a bien montré Nicolas Schapira, Valentin Conrart, censeur à la Chancellerie, a aidé un certain nombre de ses coreligionnaires à publier. Conrart connaissait Chappuzeau, qui était né à Paris, dont la famille protestante fréquentait le temple de Charenton. Certes, il n’est jamais resté à Paris très longtemps mais, comme on l’a vu, il a entretenu des liens avec les Daillé père et fils. Écrivain, fréquentant des pasteurs, il était connu de Conrart mais Chappuzeau ne semble pas avoir fait partie de ses bénéficiaires. Contrairement à Chappuzeau, Conrart fut l’objet de « nombreux témoignages élogieux » de la part d’écrivains du XVIIe siècle49. Et l’un passa à la postérité comme un professionnel des lettres tandis que l’autre conserva, dans les dictionnaires qui voulurent bien l’évoquer, le statut d’amateur au sens dépréciatif du terme.
- 50 Alain Viala, Naissance de l’écrivain…, p. 278.
28Deux éléments frappent dans l’écriture de Samuel Chappuzeau : la présence de l’auteur lui-même – il se met en scène très souvent dans ses ouvrages – et, de manière récurrente, les protestations en humilité qui tournent parfois à l’obséquiosité. On pourrait trouver contradictoire, peut-être hypocrite, le fait de se présenter toujours de manière très humble et le fait de parler très souvent de soi. Il ne nous appartient guère de juger de la sincérité de l’écrivain ; toujours est-il que cette double posture est indéniablement, pour Chappuzeau, un moyen d’exister sur la scène littéraire, dans et par ses livres. C’est la première caractéristique, propre peut-être à Chappuzeau, de sa pratique d’amateur. La deuxième concerne, nous semble-t-il, les procédés de réécriture, d’amplification, de republication, que nous avons observés au sujet de son traité sur la prédication mais qui, en réalité, ont concerné bien d’autres de ses œuvres, comme sa traduction des colloques d’Érasme et plusieurs de ses pièces de théâtre. La reprise, la réécriture, sont les manifestations de cette pratique de l’amateur. Ce ne sont pas des œuvres abouties qui sont publiées, mais des versions toujours à réécrire ou à réexploiter (ce qui pose la question du texte lui-même et de ses limites, texte fini ? texte ouvert ?). Ce point n’a pas seulement trait à l’écriture, il touche aussi au phénomène de la publication, car un écrivain au XVIIe siècle, comme l’a souligné Alain Viala, s’appuyant sur Furetière, est un auteur qui publie50.
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- 51 Voir Eugène et Émile Haag, La France protestante, col. 19 : « il semblerait que son nom disgracieux (...)
- 52 Jean Firmin Goetinck, « Bayle et Chappuzeau », in Essai sur le rôle des Allemands dans le “Dictionn (...)
- 53 Déborah Blocker, « Publier la gloire du “Théâtre françois” », p. 197 et n. 13, p. 332 in Groupe de (...)
- 54 « M. Chappuzeau avoit plus de goût que de talent pour la Poësie Dramatique. Son Histoire du Théatre (...)
29Samuel Chappuzeau fut, au regard de sa trajectoire, un professionnel de l’amateurisme. La formule peut apparaître facile et provocatrice, mais, d’une certaine manière, elle reflète bien deux éléments contraires : d’une part, les tentatives multiples de réussir, de percer dans la République des Lettres, pour obtenir de la reconnaissance ; d’autre part, son échec constant dans la construction de son autorité d’écrivain. Cet amateurisme lui a toujours été reproché. Il n’a jamais pu obtenir de légitimité, obtenir l’assentiment de ses pairs, jusqu’à son nom qu’on a trouvé ridicule51. Pourtant, il est le premier à avoir écrit une histoire du théâtre français et son ouvrage est aujourd’hui considéré comme une source historique précieuse sur le sujet, son érudition était grande, il a composé des livres encyclopédiques, Bayle et Moréri ont fait appel à lui pour des conseils en vue de leurs propres dictionnaires52, son livre Lyon dans son lustre a été moqué, critiqué et néanmoins imité53, de même que son Théâtre françois, dénigré par les frères Parfaict au XVIIIe siècle dans leur propre ouvrage qui s’inspire précisément de celui de Chappuzeau54 ; il a composé des pièces qui annoncent celles de Molière ; enfin, il a rédigé un traité de prédication qui n’a rien à envier à celui de Le Faucheur, mais, en l’absence de sociabilité, de réseaux de solidarité en France, il a été condamné au mépris dans son pays et contraint d’aller chercher à l’étranger les protections nécessaires à son existence.
Notes
1 Samuel Chappuzeau, Traité de la manière de bien prêcher, suivi de quatre discours, prononcés en divers temps à Cassel, en présence de Leurs Altesses de Hesse, par Samuel Chappuzeau, et dédiés à Mr Laurens de Geer, Amsterdam, C. Le Brun, 1657. Accessible à la bibliothèque municipale de Rouen sous la cote Mt p-3732.
2 Andreas Hyperius publie son traité en latin en 1553, De Formandis concionibus sacris, puis une traduction en français paraît à Genève chez Jean Crespin en 1564, Enseignement à bien former les Saintes Prédications et sermons ès Églises du Seigneur : contenant vraie méthode d’interpréter et appliquer populairement les Saintes Écritures par lieux communs, artifices et observations nécessaires. Michel Le Faucheur, Traité de l’action de l’orateur ou De la prononciation et du geste, Paris, A. Courbé, 1657.
3 Voir Alain Viala, Naissance de l’écrivain : sociologie de la littérature à l’âge classique, Paris, Minuit, 1985 (pour l’amateur de belles-lettres) et Robert Darnton, Gens de lettres, gens du livre, Paris, O. Jacob, 1992. Le premier chapitre du livre de Darnton est consacré à un de ces pauvres diables, l’abbé Le Senne, emblématique de ces écrivains du XVIIIe siècle, tombés dans l’oubli, qui, par leur infatigable labeur écrit, contribuèrent à diffuser les idées de leur époque tout en menant une vie fort misérable faite d’expédients. L’idée du parallèle entre l’abbé Le Senne et Samuel Chappuzeau est celle de Nicolas Schapira dans : Un professionnel des lettres au XVIIe siècle. Valentin Conrart : une histoire sociale, Seyssel, Champ Vallon, 2003, p. 328.
4 Pour une biographie détaillée, nous renvoyons au seul ouvrage, à notre connaissance, consacré à Samuel Chappuzeau, celui de Neil Jennings et Margaret Jones publié en 2012 et non traduit à ce jour, dont il sera question un peu plus loin : Neil Jennings et Margaret Jones, A Biography of Samuel Chappuzeau, a Seventeenth-Century French Huguenot Playwright, Scholar, Traveller, and Preacher : An Encyclopedic Life, Lewiston, Edwin Mellen Press, 2012.
5 Samuel Chappuzeau, Défense du Sr Samuel Chappuzeau, contre une satire intitulée “L’Esprit de Mr Arnaud”, s. l., s. n., 1691, p. 7.
6 Samuel Chappuzeau, Le Théâtre françois, Christopher J. Gossip (éd.), Tübingen, Gunter Narr Verlag (Biblio 17 ; 178), 2009, p. 30.
7 Nicolas Schapira a étudié les étapes de cette affaire qui agita l’Église de Charenton de 1656 à 1664, affaire liée à la personnalité et aux mœurs libertines du pasteur Alexandre Morus que Chappuzeau avait rencontré en Hollande. Le volet « Chappuzeau » se situe en 1662. Voir Nicolas Schapira, Un professionnel des lettres au XVIIe siècle…, p. 319-337.
8 Voir la lettre d’Adrien Daillé du 22 août 1662 à François Turrettini (Bibliothèque publique et universitaire de Genève, Ms Fr 486/244 et 245) dans la Correspondance de Jean Daillé fils ministre à Charenton (1628-1690) présentée et annotée par Jean-Luc Tulot, en ligne à l’adresse suivante : http://jeanluc.tulot.pagesperso-orange.fr/Daillefils.pdf.
9 Voir la chronologie de Christopher J. Gossip dans : Samuel Chappuzeau, Le Théâtre françois, p. 39.
10 Malgré ce que certains ont pu affirmer : Orentin Douen, La Révocation de l’édit de Nantes à Paris, d’après des documents inédits, Paris, Fischbacher, 1894, t. 1, p. 230 ; Émile G. Léonard, Histoire générale du protestantisme [1961], Paris, PUF (Quadrige), 1988, vol. 2, p. 345. Les deux le présentent comme « ancien pasteur ». La source en est probablement : Eugène et Émile Haag, La France protestante, 2e éd., Henri Bordier (dir.), Paris, Fischbacher, t. 4, 1884, qui affirme (col. 10) qu’il « fut admis au ministère évangélique ».
11 Samuel Chappuzeau, L’Orateur chrétien, ou Traité de l’excellence et de la pratique de la chaire, Paris, O. de Varennes, 1675, p. 111.
12 Il fut marié deux fois et eut douze enfants.
13 Ironiquement, ce propos a pour source, d’après Le Grand Dictionnaire historique de Louis Moréri (Paris, Les libraires associés, 1759, t. 3, p. 474), un sonnet de Chappuzeau lui-même, composé sur son lit de mort.
14 Alain Viala, Naissance de l’écrivain.
15 Lacroix et Monval rééditent des pièces de Chappuzeau et les accompagnent de notices biographiques : Le Théâtre françois (de S. Chappuzeau) divisé en trois livres […], publié et annoté par Paul Lacroix, Bruxelles, A. Mertens et fils, 1867 ; Le Théâtre françois, réédité par Georges Monval, accompagné d’une préface et de notes, Paris, J. Bonnassies, 1875.
16 Friedrich E. F. Meinel, Samuel Chappuzeau, 1625-1701, Leipzig, R. Noske, 1908.
17 Victor Fournel, Les Contemporains de Molière, Paris, Librairie de Firmin Didot frères, fils et cie, t. 1, 1863, p. 358-359.
18 Eugène et Émile Haag, La France protestante, col. 19-20.
19 Auguste Jal, Dictionnaire critique de biographie et d’histoire, Paris, H. Plon, 1867, p. 362.
20 Déborah Blocker, « Publier la gloire du “Théâtre françois” », in Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire du littéraire (GRIHL), De la publication entre Renaissance et Lumières, Christian Jouhaud, Alain Viala (dir.), Paris, Fayard, 2002, p. 193-210.
21 Voir Samuel Chappuzeau, Armetzar ou les Frères ennemis (1658), édition critique établie par Damien Fortin, mémoire de master I réalisé sous la direction de Georges Forestier, université Paris-Sorbonne – Paris 4, 2004-2005 ; Samuel Chappuzeau, Le Cercle des femmes ; L’Académie des femmes, Joan Crow (éd.), Exeter, University of Exeter, 1983.
22 Pierre Jurieu, L’Esprit de Mr Arnaud. Seconde partie, Deventer, héritiers de J. Colombius, 1684, p. 410.
23 Samuel Chappuzeau, Défense du Sr Samuel Chappuzeau…, p. 10.
24 Friedrich E. F. Meinel, Samuel Chappuzeau, 1625-1701, p. 7.
25 Samuel Chappuzeau, Sermon adressé devant Leurs Altesses de Hesse, Cassel, S. Schadewitz, 1650 (Murhardsche Bibliothek der Stadt Kassel, lieu indiqué par Neil Jennings et Margaret Jones dans : A Biography of Samuel Chappuzeau…, p. 211).
26 Samuel Chappuzeau, « Traité de la manière de bien prêcher, adressé à un jeune Proposant », in Discours chrétiens prononcés à Cassel en présence de Leurs Altesses de Hesse avec un Traité de l’action et du geste de l’orateur touchant la manière de bien prêcher, Amsterdam – Charenton, O. de Varennes, 1658, p. 8-9.
27 Voir Thierry Wanegffelen, « Un cléricalisme réformé : le protestantisme français entre principe de sacerdoce universel et théologie de la vocation au ministère (XVIe-XVIIe siècles) », communication au « Reformation Studies Colloquium », Birmingham, Royaume-Uni, avril 2004, en ligne sur HAL : https://hal.science/hal-00285083.
28 Voir Julien Léonard, « Un pasteur français au service des Provinces-Unies. Le ministère de Samuel Des Marets à Maastricht (1632-1636) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, no 65 (2), 2018, p. 97-130.
29 Samuel Chappuzeau, Traité de la manière de bien prêcher, suivi de quatre discours…, p. 1.
30 Samuel Chappuzeau, Discours chrétiens prononcés à Cassel en présence de Leurs Altesses de Hesse avec un Traité de l’action et du geste de l’orateur touchant la manière de bien prêcher, Amsterdam – Charenton, O. de Varennes, 1658.
31 Cinthia Meli, « Le prédicateur et ses doubles : Actio oratoire et jeux scéniques dans le Traité de l’action de l’orateur de Michel Le Faucheur », Cahiers du GADGES, no 3, 2006, p. 118-119. Voir aussi Céline Borello, « L’art de l’éloquence en chaire comme indice des contacts cléricaux au XVIIIe siècle », in Prêtres et pasteurs. Les clergés à l’ère des divisions confessionnelles, XVIe-XVIIe siècles, Julien Léonard (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, p. 181-191.
32 Comme le suggère à nouveau Cinthia Meli dans un récent article : « Derniers regards sur la prédication réformée du Grand Siècle : Jean La Placette, Jean-Frédéric Ostervald et Pierre Roques », XVIIe siècle, no 293, octobre 2021, p. 311-322.
33 Samuel Chappuzeau, L’Orateur chrétien…, p. 6-7. Voir Traité de la manière de bien prêcher, suivi de quatre discours…, p. 2.
34 Dans ses Dissertationes theologicae […], Saumur, I. Desbordes, 1670, et notamment dans la troisième dissertation, p. 255, Étienne Gaussen (1638-1675) fait allusion à l’ouvrage de Michel Le Faucheur.
35 Traité de la manière de bien prêcher, suivi de quatre discours, prononcés en divers temps à Cassel, en présence de Leurs Altesses de Hesse, par Samuel Chappuzeau, et dédiés à Mr Laurens de Geer, Amsterdam, C. Le Brun, 1657 (bibliothèque municipale de Rouen [Mt p-3732]) ; Discours chrétiens prononcés à Cassel en présence de Leurs Altesses de Hesse avec un Traité de l’action et du geste de l’orateur touchant la manière de bien prêcher, Amsterdam – Charenton, O. de Varennes, 1658.
36 Alain Niderst, Madeleine de Scudéry, Paul Pellisson et leur monde, Paris, PUF, 1976, p. 98, n. 668.
37 Neil Jennings et Margaret Jones, A Biography of Samuel Chappuzeau…, p. 144, n. 531.
38 Nous soulignons. Cité par Antoine Péricaud l’aîné, Notes et documents pour servir à l’histoire de Lyon, Roanne, Ferlay, 1858-1860, p. 101. En note, Péricaud ajoute : « Les biographes de Chappuzeau ne m’apprennent pas quel est le titre de ce petit traité ».
39 Voir l’approbation, en tête de l’ouvrage, signée de Jean Daillé fils (1628-1690) et de Jean Mesnard (1644-1727), alors pasteurs à Charenton.
40 Recueil Conrart, t. 16, Ms Arsenal 4121, p. 1230.
41 Nicolas Schapira, Un professionnel des lettres au XVIIe siècle…, p. 319.
42 Pierre Richelet, Dictionnaire français, Genève, J.-H. Widerhold, 1680, art. « Action » : « L’éloquence dépend des choses, des paroles & de l’action de l’Orateur. Voiez le Faucheur, traité de l’action de l’Orateur » ; Antoine Furetière, Dictionnaire universel, La Haye – Rotterdam, A. et R. Leers, 1690, t. 1, art. « Action » : « Le Faucheur a fait un joli traitté de l’Action de l’Orateur ».
43 « Monsieur Gaussen l’un des derniers qui a écrit sur cette matiere, s’en est heureusement aquité, & il donne de grans eloges à l’élégant Traité de l’action de l’Orateur, dont chacun sçait que le Public est redevable aux soins de Monsieur Conrart, qui nous l’a fait voir dans une perfection, où son Auteur, que la mort prevint, n’avoit pû le mettre. Dans son genre c’est un ouvrage achevé. Mais j’ay embrassé une matiere plus ample, & j’ay voulu rassembler toutes les parties qui font un parfait Predicateur », Samuel Chappuzeau, L’Orateur chrétien…, p. 5.
44 Antoine Albert, Dictionnaire portatif des prédicateurs français, Lyon, P. Bruyset Ponthus, 1757, p. I.
45 Ibid., p. 479.
46 Jean-Baptiste Ladvocat, Dictionnaire historique portatif, contenant l’histoire des Patriarches, des Princes hébreux, des Empereurs, des Rois et des grands Capitaines […], nouv. éd., La Haye, D. Aillaud, 1754, t. 1, col. 272, art. « Chappuzeau ».
47 Alain Viala, Racine. La stratégie du caméléon, Paris, Seghers, 1990.
48 Recueil Conrart, t. 16, Ms Arsenal 4121, p. 1230-1231.
49 « Il n’est guère de discours ou de récits de l’époque […] qui, même brièvement, n’évoquent sa figure, de manière massivement laudative quand il s’agit de textes produits de son vivant », Nicolas Schapira, Un professionnel des lettres au XVIIe siècle…, p. 8-9.
50 Alain Viala, Naissance de l’écrivain…, p. 278.
51 Voir Eugène et Émile Haag, La France protestante, col. 19 : « il semblerait que son nom disgracieux, qui dut lui nuire souvent dans le beau monde qu’il aspirait à hanter, ait continué de lui nuire encore après sa mort ».
52 Jean Firmin Goetinck, « Bayle et Chappuzeau », in Essai sur le rôle des Allemands dans le “Dictionnaire historique et critique” (1697) de Pierre Bayle, Tübingen – Paris, Gunter Narr Verlag – J.-M. Place, 1982, p. 28.
53 Déborah Blocker, « Publier la gloire du “Théâtre françois” », p. 197 et n. 13, p. 332 in Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire du littéraire (GRIHL), De la publication entre Renaissance et Lumières, Christian Jouhaud, Alain Viala (dir.).
54 « M. Chappuzeau avoit plus de goût que de talent pour la Poësie Dramatique. Son Histoire du Théatre François, est un Ouvrage très-informe, des plus médiocre, & qui n’est recommandable, que parce qu’on y trouve, à peu près, l’état des Spectacles de son temps », François et Claude Parfaict, Histoire du théâtre français, Paris, P.-G. Le Mercier – C. Saillant, 1746, t. 8, p. 151.
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Titre | Fig. 1 – Traité de la manière de bien prêcher, 1657. Bibliothèque municipale de Rouen (Mt p-3732). |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/elseneur/docannexe/image/1398/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 831k |
Pour citer cet article
Référence papier
Christabelle Thouin-Dieuaide, « Oser prêcher : les audaces éditoriales de Samuel Chappuzeau, prédicateur éphémère », Elseneur, 38 | 2023, 15-34.
Référence électronique
Christabelle Thouin-Dieuaide, « Oser prêcher : les audaces éditoriales de Samuel Chappuzeau, prédicateur éphémère », Elseneur [En ligne], 38 | 2023, mis en ligne le 14 novembre 2023, consulté le 16 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/elseneur/1398 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/elseneur.1398
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