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AccueilNuméros8La dernière migration des Indiens...

Résumés

À plusieurs reprises dans leur histoire les Houmas ont fait l’expérience de l’exode, une échappatoire réitérée en réponse aux pressions coloniales. Ce repli stratégique les a progressivement conduits vers les marécages côtiers de Louisiane, un territoire deltaïque aujourd’hui en voie de disparition et qui augure un nouveau départ. Cet espace en péril (érosion accélérée) est en effet le théâtre d’une entropie protéiforme, résultant à la fois des actions humaines (domestication du Mississippi, industrie pétrolière) et de processus naturels (ouragans à répétition), voire hybrides (hausse du niveau des océans) qui se traduisent localement par de multiples catastrophes (Katrina, marée noire) dont les effets cumulatifs annoncent l’effondrement du système au sein duquel opèrent les Amérindiens. Si la résilience caractérise toujours nombre d’acteurs indigènes (transformation de l’architecture, création d’îles flottantes), la déterritorialisation est en cours et, sur mode individualiste, nombreux sont les résidents qui ont déjà pris le chemin de l’exil. Un tel éparpillement spatial ayant la dislocation communautaire pour corollaire constitue une menace au regard du leadership tribal qui craint à terme que ce relâchement du tissu social au sein d’un territoire éclaté ne préside à l’anéantissement du groupe. Afin d’éviter cette alternative mortifère, des stratégies de relocalisation collective se dessinent, sans pour l’instant embrayer sur une gestion effective des flux migratoires. Outre la difficulté à trouver un territoire de substitution susceptible de satisfaire les besoins d’un ensemble tribal fort de 20.000 membres, se pose enfin le problème identitaire lié à toute tentative de reterritorialisation. Mais si se reconstruire à distance du littoral imposerait de facto une nouvelle mutation culturelle (métiers non-traditionnels, savoirs inédits), loin de sonner le glas d’une culture indigène, cette ultime métamorphose pourrait être alors prélude à une vision dynamique et négociée de la tradition, condition sine qua non pour les Houmas de se réinventer afin de perdurer là où l’exode encore indiscipliné voudra bien les mener.

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Texte intégral

  • 1  Un tel opportunisme marqué par la percée d’une pensée individualiste devint monnaie courante à l’é (...)

1Dans le cas des Houmas de Louisiane, il serait loisible d’évoquer une tradition de l’exode si ce terme ne renfermait une dimension coercitive. Un regard posé sur le passé de cette société forte d’environ 20 000 membres révèlera d’emblée plusieurs épisodes migratoires placés sous le sceau de la contrainte. Le premier coïncide avec le début de la colonisation française dans la vallée du Bas-Mississippi, période durant laquelle les intérêts divergents des puissances coloniales engendrèrent de multiples déplacements de populations. C’est dans ce contexte géopolitique instable que les Indiens chickasaws, alliés aux Anglais et spécialisés dans le négoce des esclaves terrorisèrent la région en quête de captifs, forçant ainsi les Tunicas à délaisser leurs terres ancestrales et à trouver refuge auprès des Houmas avant de les massacrer en 1706 (Swanton 198). Cet événement (Fig. 1) conduisit au premier exode des Houmas qui, abandonnant leur territoire escarpé situé au sud de celui des Natchez, s’établirent en aval du fleuve, au niveau de l’embranchement du Mississippi et du Bayou Lafourche. Après sept décennies installés dans cette plaine fertile et propice aux travaux agricoles, un de leurs chefs, Calabee, séduit par l’appât du gain, vendit à de riches planteurs les terres tribales sans l’approbation de sa communauté, un acte de vente de facto caduc au regard des Indiens (Fig. 2).1 La zizanie s’emparant alors du groupe (Campisi 635-6), celui-ci se morcela et, sous la direction du chef Tiefayo, plusieurs familles houmas entamèrent un second exode vers des terres toujours plus australes (Miller 161). Vers la fin du XVIIIe siècle, nous les retrouvons ainsi dans la paroisse Terrebonne où, très vite, un vif sentiment de compétition territoriale résultant des flux migratoires de la population cadienne (cajun) exerça de fortes pressions sur cette société amérindienne (Brasseaux 1998 : 26 ; Brasseaux 2005 : 127). Un incident survenu dans les années 1850, l’incendie criminel de la maison de leur chef Rosalie Courteaux, incita nombre d’entre eux à se réfugier dans les marécages jouxtant le golfe du Mexique (Sillery 41).

Fig. 1. Cette plaque commémorative située à l’emplacement du village originel des Houmas fait référence à une série d’évènements historiques (cf. la visite d’Iberville en 1699), mais passe sous silence le massacre perpétré en ces lieux (Angola, 2012).

Fig. 1. Cette plaque commémorative située à l’emplacement du village originel des Houmas fait référence à une série d’évènements historiques (cf. la visite d’Iberville en 1699), mais passe sous silence le massacre perpétré en ces lieux (Angola, 2012).

Fig. 2. Autre pancarte répertoriant le patrimoine louisianais et faisant mention de la « vente » du territoire des Houmas en 1774, oublieuse du manquement à l’éthique inhérent à cette transaction (Burnside, 2012).

Fig. 2. Autre pancarte répertoriant le patrimoine louisianais et faisant mention de la « vente » du territoire des Houmas en 1774, oublieuse du manquement à l’éthique inhérent à cette transaction (Burnside, 2012).
  • 2  Citation traduite de l’anglais par l’auteur.

2À la déterritorialisation des Houmas sous l’emprise du colonialisme et de l’expansionnisme européen succéda une phase plus tardive de reterritorialisation symbolique où, comble d’ironie, l’ethnonyme houma perdura jusqu’à s’intégrer à une culture populaire locale dans laquelle la figure tutélaire de l’Indien semblait donner son aval à toute entreprise de révisionnisme historique en peuplant in absentia ces espaces confisqués. Ainsi, sous le couvert de l’euphémisme, les exodes à n’en point douter traumatisants se voient réduits au silence, comme en témoignent ces lieux de mémoire à usage touristique qui se nourrissent de références obsolètes, comme si les Houmas avaient de leur plein gré déserté leurs territoires successifs. En 1959, une étude ethnographique sur les Amérindiens de Dulac (paroisse Terrebonne) n’hésitait pas à évoquer une forme de déportation débonnaire, oublieuse du passé agricole de cette société :« Les colons français forcèrent petit à petit les Indiens à quitter les terres hautes et arables pour celles des zones marécageuses. Cela ne parut pas ennuyer les Indiens car ils n’étaient pas un peuple agricole » (Roy 118)2. Désormais, les forces se sont inversées. Ce n’est plus tant l’axe historique et ses agents perturbateurs (colons ou nations indiennes en conflit) qui servent d’élément de catalyse à un nouvel exode que l’espace stricto sensu qui, au fil des jours, se dérobe et ne laisse dans son sillage qu’un paysage évanescent. Ce même sud (relocalisation en aval du Mississippi, puis le long du golfe du Mexique) qui offrit le point cardinal à leurs dérobades successives constitue dorénavant la menace (du fait de l’érosion du littoral et de l’élévation du niveau des océans) et, en un mouvement de reflux, préside à la dispersion actuelle de ce groupe vers l’intérieur des terres. Cet essai tentera d’apporter un instantané de cet environnement côtier par essence labile et des décisions communautaires parfois contradictoires, partagées entre résistance et délocalisation. Si la prospective se révèle être une tâche peu aisée tant les variables abondent, au moins se dessine-t-il quelques lignes de force qui, comme dans ces histoires à tiroirs de Jorge Luis Borges, offrent en ligne de mire quelques futurs possibles.

Entropies

  • 3  Une carte datant de 1718 et représentant le sud-est de la Louisiane indique ainsi l’emplacement du (...)
  • 4  Grâce à un système de mesures d’altitude topographique par détection optique (LIDAR) qui a permis (...)

3La cartographie se révèle souvent heuristique. En dépit de leur imprécision, les cartes antiques qui dessinaient aux confins du monde connu des monstres marins mettaient ainsi en scène l’imaginaire, le mythologique suppléant en quelque sorte les manques d’une science encore à ses balbutiements (Fall 179-81 ; Perron 19). Plus tard, l’administration coloniale de la Louisiane généra ses propres modèles, plus rigoureux certes, mais où la mention anthropophages (Indiens attakapas) consignait encore des aires culturelles perçues aberrantes et où, au hasard des villages longeant le Mississippi, il était loisible de suivre à la trace les Houmas dans leurs déplacements imposés par l’histoire3. Depuis, l’espace semble lancé à la conquête du temps et l’anticipation anime les cartes de la postmodernité d’une dimension cinétique. L’étude de deux spécimens illustrera l’ampleur des mutations écologiques qui se profilent à l’horizon et contraindront les Houmas à prendre des décisions radicales. Un premier document (Fig. 3) indique l’aire de répartition de cette société amérindienne, éparpillée le long du littoral du sud-est louisianais. Soulignons un détail d’importance pour l’ensemble de ce territoire déjà privé de relief : les Houmas occupent la section méridionale de cet espace côtier, c’est-à-dire celle des basses terres jouxtant le golfe du Mexique et constituées essentiellement de marécages. L’autre document (Fig. 4) offre en revanche une projection de ce qu’il adviendra du delta du Mississippi en 2050. Les zones figurées en rouge symbolisent l’espace qui sera alors immergé, avec un recul bien plus septentrional de la bordure littorale. Il suffit de faire glisser cette image conçue par la futurologie qui, au passage, ne résulte point de l’esprit fertile d’un auteur de science-fiction mais de l’analyse scientifique4 la plus rigoureuse, pour comprendre les enjeux auxquels les Houmas sont aujourd’hui confrontés. En effet, leur territoire tribal ne résistera pas à cette géographie soustractive qui aura accompli son œuvre dans une génération tout au plus.

Fig. 3. Aire de répartition des Indiens houmas avec, pour épicentre, les paroisses Terrebonne et Lafourche. Document fourni par la Nation Houma Unie

Fig. 3. Aire de répartition des Indiens houmas avec, pour épicentre, les paroisses Terrebonne et Lafourche. Document fourni par la Nation Houma Unie
  • 5  Le terme anthropogénique fait référence à l’activité humaine. Si les scientifiques (Steffen et al) (...)
  • 6  Le protocole en matière d’extraction pétrolière en milieu marécageux exigerait d’injecter en sous- (...)
  • 7  U.S. Global Change Research Program, un organisme fédéral, a appliqué ce facteur soumis à diverses (...)

4Il est important de préciser que ce marasme environnemental a une origine humaine, le delta du Mississippi constituant une des régions du monde les plus altérées d’un point de vue anthropogénique5. Les mécanismes de cet écocide sont connus (Allamel 2012, 65-7), mais seront brièvement énoncés pour les besoins de l’analyse. Il y a d’abord l’endiguement du Mississippi orchestré par le Corps du Génie militaire et dont l’objectif était de mettre un terme aux inondations saisonnières parfois dévastatrices du fleuve. Si le but a été atteint, la plaine deltaïque a en revanche perdu ses apports alluviaux déposés par les crues successives et qui compensaient avantageusement l’affaissement naturel du terrain. L’autre acteur principal est l’industrie pétrolière qui, en quadrillant le territoire d’une multitude de canaux, a précipité d’une part l’envahissement marin et, en exploitant les gisements en terrain marécageux, a accéléré d’autre part l’érosion du littoral.6 Pour faire image, cette région côtière perd chaque année l’équivalent de l’île de Manhattan, une superficie définitivement submergée par les eaux du golfe du Mexique. Ces mutations anthropogéniques ont atteint en ce lieu une telle ampleur que la nature même du delta (lequel appartenait antérieurement à ces manipulations à la catégorie peu fréquente des estuaires façonnés par les forces bâtisseuses du fleuve) a désormais basculé dans le type deltaïque le plus fréquent, celui dominé par l’océan qui, par le jeu des courants marins, des marées et de la salinisation, impose désormais sa loi (Campanella 3-7), au point d’établir cette région en tant que cible prochaine d’une « crise globale » (Campanella 132) au regard de laquelle l’ouragan Katrina fait office de signe précurseur. Jouant aux apprentis sorciers, ingénieurs et industriels sont donc parvenus à métamorphoser jusqu’à l’hydrologie et la géologie de ce delta, provoquant à brève échéance sa perte. À cet état des lieux pour le moins sinistré s’ajoute la menace surplombante du réchauffement climatique avec, pour corollaire, le relèvement prévisible du niveau de la mer, un facteur aggravant potentiellement exponentiel7.

Fig. 4. Projection du sud-est louisianais en 2050. USGS NWRC Map ID 2006-16-0001 (document fourni par l’USGS). Les zones rouges indiquent les terres déjà perdues ansi que celles qui seront perdues entre 1932 et 2050 si les tendances actuelles se maintiennent.

Fig. 4. Projection du sud-est louisianais en 2050. USGS NWRC Map ID 2006-16-0001 (document fourni par l’USGS). Les zones rouges indiquent les terres déjà perdues ansi que celles qui seront perdues entre 1932 et 2050 si les tendances actuelles se maintiennent.
  • 8  Ce phénomène d’eutrophication des océans aussi connu sous le nom d’hypoxie fait référence au faibl (...)
  • 9  Des témoignages, recueillis par l’anthropologue Frank Speck lors de ses enquêtes de terrain en 194 (...)

5Pionnier en la matière, Claude Lévi-Strauss avait démontré combien l’entropie caractérisait les sociétés dites « avancées » (Charbonnier 38) et au nombre desquelles les États-Unis font office de figure emblématique. Au sein du territoire américain, cette zone deltaïque aurait presque valeur de pléonasme tant les dysfonctionnements abondent. Pollution et overshoot (point de dépassement des capacités de la Terre) semblent en effet régir un milieu côtier à ce point mortifère que l’observateur croirait parfois assister à une expérience en laboratoire au cours de laquelle un corps vivant se retrouverait agressé par des substances nocives avec, pour résultat, le déclin progressif de ses défenses immunitaires. Si la partie nord de ce vaste triangle que constitue le delta du Mississippi a hérité d’un sobriquet explicite (Cancer Alley) qui, aux dires de la communauté scientifique (Johansen 2003 : 117-24), caractérise un environnement pathogène résultant d’une industrialisation extrême, les zones plus méridionales offrent à l’avenant un spectacle de désolation écologique (cf. Dead Zone)8 traversé d’épiphénomènes pour le moins violents : stockage à l’air libre de déchets chimiques toxiques dans la communauté amérindienne de Grand Bois (Roberts et al. 136-63), déversement de vastes quantités d’hydrocarbures et utilisation massive de produits dispersants lors de la marée noire de 2010… Autant d’agents mutagènes qui participent à l’anéantissement de cet écosystème. Mais le pathos n’est pas seul en jeu et les activités industrielles induisent également un ethos peu favorable aux minorités ethniques souvent frappées par le paupérisme. L’expression crazy curse développée par l’anthropologie du pétrole (Behrends et al. 19) souligne ainsi le paradoxe de régions riches en ressources pétrolières qui, pourtant, ne profitent guère aux sociétés indigènes. Ce cas de figure s’applique aussi en partie aux Houmas dont le différend (expropriation foncière, lobbies industriels œuvrant à l’encontre de leur reconnaissance fédérale, etc.) avec les compagnies de pétrole remonte à la découverte de l’or noir dans la région9.

6La notion d’entropie se révéla surtout féconde dans le domaine de l’anthropologie des catastrophes (Dyer). Dans cette perspective, Christopher L. Dyer s’attacha à l’analyse des effets cumulatifs des désastres et proposa le concept d’entropie ponctuée, auquel nous adjoignons pour variante l’entropie transversale (Fig. 5). Dans sa version ponctuée, nous pouvons ainsi mesurer les séquelles d’une calamité conventionnelle (cf. ouragans Katrina et Rita en 2005 ; Gustav et Ike en 2008 ; marée noire en 2010) sur une communauté humaine. Après une période de crise dévastatrice d’une durée variable — un semestre dans le cas de Deepwater Horizon, l’installation offshore de BP dont l’explosion provoqua la plus grande catastrophe pétrolière jamais enregistrée aux États-Unis (Freudenburg et al. ; Steffy) — la société concernée finit généralement par rebondir, mais sans ne jamais atteindre toutefois les capacités du départ. La répétition de ces épisodes ou événements perturbateurs provoque donc une baisse graduelle de la résilience jusqu’au moment où, face à l’adversité, la créativité sociale ne parvient plus à générer des parades opératoires et où, par conséquent, s’ensuit l’effondrement logique du système. La version transversale, plus systémique, inclut pour sa part des paramètres stables tels l’eutrophication des océans et surtout l’érosion côtière, lesquelles finissent par priver les communautés de pêche de leurs prises et les résidents du sol même où leurs ancêtres s’étaient établis. En ce qui concerne les Indiens houmas, nous sommes justement au seuil d’un effondrement de ce type qui voit l’environnement se dérober et leur société se disloquer. À ce moment charnière de leur histoire, les discours parfois les plus contradictoires s’entrechoquent, certains Amérindiens prônant la résistance jusqu’au-boutiste, alors que d’autres sont déjà enclins à l’exode…

Fig. 5. Modèle combinant les effets de deux types entropiques aboutissant à l’effondrement du système environnemental et social

Fig. 5. Modèle combinant les effets de deux types entropiques aboutissant à l’effondrement du système environnemental et social

Résilience en sursis

  • 10  Présente dans la région depuis les années 1760 lorsque la Louisiane bascula dans le giron de l’Esp (...)
  • 11  Actuellement, les autorités paroissiales et FEMA (Federal Emergency Management Agency) exigent une (...)

7Dans un autre contexte, l’artiste Jean Dubuffet avait créé le concept d’habitat grimpant (Dubuffet). Loin des spéculations esthétiques, les résidents de cet espace côtier semblent s’en être empiriquement emparé, au point que l’ethnographe a littéralement vu pousser les maisons de plusieurs mètres en une quinzaine d’années (Fig. 6). Il est vrai qu’aux lames de fond et autres inondations qui saccagent avec régularité les zones littorales, le modèle sur pilotis emprunté aux communautés philippines10 apporte une parade rationnelle aux aléas climatiques en permettant aux eaux du golfe de circuler, voire stagner au-dessous des habitations sans pour autant endommager l’intérieur de celles-ci. Depuis le début des années 2000, encore marquées par un habitat de plain-pied, l’architecture télescopique s’est donc graduellement imposée au point d’en devenir la norme, alimentant au passage tout un secteur lucratif du bâtiment en charge de surélever les maisons (Fig. 7)11. Il ressort de nos nombreux entretiens que vivre avec l’océan pour voisin de palier ne saurait toutefois constituer une solution d’avenir, et ceci pour plusieurs raisons. D’abord, le niveau des eaux ne cesse de croître à chaque occurrence, puis s’installe pour des durées toujours plus longues avant de laisser au moment de la décrue un désert de sel qui ronge les dernières terres. Enfin, les maisons ainsi perchées évitent peut-être les affres des crues, mais se retrouvent d’autant plus exposées à la virulence des vents cycloniques. Chaque ouragan laisse donc de profondes cicatrices dans les zones de peuplement et, las de reconstruire, nombreux sont les sinistrés qui finissent par opter pour l’exil. Le long du Bayou Grand Caillou, le bourg amérindien de Dulac s’est ainsi vidé de 40 % de sa population en dix ans, et le phénomène n’est pas près d’être enrayé (Allamel 2016 :191).

  • 12  Après avoir été déboutée dans sa demande de reconnaissance fédérale en 1994, la NUH (17.000 membre (...)

8Si la croissance des maisons résulte de décisions individuelles, ou du moins prises au niveau de la parenté, il existe des formes plus collectives de résilience active qui s’emparent non de cette unité minimale de résistance qu’est la cellule architecturale, mais des écosystèmes au sens large. Les îles flottantes comptent parmi ces entreprises communautaires ayant pour objectif de faire perdurer le territoire. En octobre 2011, la Nation Houma Unie (UHN) orchestra en ce sens une action spectaculaire (McMains). En effet, en partenariat avec Restore America’s Wetland Foundation,une organisation œuvrant à la réhabilitation du littoral, un groupe de volontaires amérindiens installa une série de tapis herbacés flottants à proximité de l’Isle à Jean Charles. Cette intervention ostentatoire (présence des médias) se présentait tel un acte inaugural dans la reconquête des marécages perdus, ces îles étant censées se substituer aux surfaces végétales précédemment submergées. Si une telle technique a fait ailleurs ses preuves (lacs du Midwest), il est évident que l’immensité de l’espace côtier louisianais et son exposition à des conditions météorologiques extrêmes offrent un terrain moins propice à un retournement de situation. En fait, et même si les acteurs étaient sincères dans leurs intentions écologiques, les mobiles de cet acte étaient avant tout symboliques et politiques. D’abord, il convenait de contraster le volontarisme tribal avec l’inertie coutumière des élus ; l’espérance inhérente à cette action d’éclat aurait voulu que, confondu par cette jacquerie agissante, le politique prenne enfin le relais d’une restauration massive de ce littoral en péril. Enfin, l’Isle à Jean Charles constitue le noyau dur de la dissidence12 ; par conséquence, agir pour le bien-être des insulaires revient à assurer en amont leur retour au sein de la tribu majoritaire. Cinq ans après et à l’épreuve des faits, comme en témoignent nos enquêtes ethnographiques, cette stratégie orchestrée par le leadership de l’UHN demeure orpheline et l’érosion ne cesse de s’amplifier.

Fig. 6. Maison sur pilotis (Isle à Jean Charles, 2012).

Fig. 6. Maison sur pilotis (Isle à Jean Charles, 2012).

Fig. 7. Une des nombreuses pancartes publicitaires pour une compagnie spécialisée dans l’installation de pilotis pour habitat préexistant (Pointe aux Chênes, 2012).

Fig. 7. Une des nombreuses pancartes publicitaires pour une compagnie spécialisée dans l’installation de pilotis pour habitat préexistant (Pointe aux Chênes, 2012).
  • 13  Communément appelée Morganza Levee, « Morganza to the Gulf Hurricane Protection Project » consiste (...)

9En dépit d’une créativité culturelle exemplaire, la résilience connaît ses limites et les parades inventées pour faire face à l’écocide ne suffisent plus. L’effondrement du système prévu par Dyer se révèle imminent… En 2005, l’ouragan Katrina offrit un tel spectacle de désolation que certains scientifiques suggérèrent de ne pas rebâtir La Nouvelle-Orléans (Kusky). En effet, la raison pousserait à abandonner cette citadelle indéfendable et à battre en retraite devant cette marée montante que rien ne semble plus arrêter dans sa course. Du reste, plusieurs études des plus sérieuses appellent au déplacement des populations littorales du golfe du Mexique afin d’abandonner graduellement et avant l’état d’urgence un espace voué inexorablement à disparaître (“Greenhouse Effects and Sea Level Rise”). Un tel repli stratégique faciliterait la mise en place d’actions concrètes sur une ligne de front plus septentrionale, c’est-à-dire là où le relief laisse envisager une riposte efficace. En outre, la marée noire de 2010 accéléra le déclin d’un secteur économique fondamental pour cette communauté, celui de la pêche (“Economic Impact of the Deepwater Horizon Oil Spill”). C’est dans ce contexte de zone sacrifiée qu’évoluent les Houmas, même si le non-dit en la matière fait encore office de discours officiel. Nul signe objectif ne symbolise mieux cette volonté de renoncement que la Ligne Morganza,13 une digue censée protéger les communautés côtières et qui n’inclut pas les résidents de l’Isle à Jean Charles et ceux situés au sud de Dulac. Écartés pour des raisons économiques (rapport coût-bénéfice jugé négatif par les autorités fédérales) de ce système défensif que d’aucuns jugent déjà obsolète, les insulaires incarnent cette renonciation au plus haut niveau de l’État et qui explique in fine la léthargie du politique. Nombreux sont ceux dans les rangs de la société indigène à l’avoir compris et qui déjà ont pris le chemin de l’exode. La communauté de Bayou La Butte ? Disparue sous les eaux. Celle de Mauvais Bois ? Entièrement abandonnée. Après plus d’un quart de siècle passé à sillonner ce territoire, l’ethnologue est souvent confondu par l’ampleur de cette mutation ultra rapide du paysage. Rien d’étonnant à ce que le cinéaste Benh Zeitlin (Beast of the Southern Wild, 2012) ait choisi l’Isle à Jean Charles pour incarner son conte apocalyptique.

Prospective

  • 14  Citation traduite de l’anglais par l’auteur.
  • 15  En 2012, l’ouragan Isaac (pourtant seulement de catégorie 1) a submergé l’Isle à Jean Charles sous (...)

10Vice-chef de la NUH, Michael Dardar évoquait à ce propos une inquiétude de nature ontologique : « Si les foyers de peuplement sont abandonnés et les populations autorisées à se disperser, avec eux s’en ira l’intégrité culturelle de notre peuple » (Sturgis)14. Si le dépeuplement des zones côtières est effectivement enclenché, celui-ci demeure avant tout l’expression d’actes individuels, moins motivés par l’attraction d’un quelconque lieu d’accueil que par la nausée générée par une accumulation d’expériences insoutenables servant de catalyse au départ. Lorsque son logis n’est plus que ruines (Fig. 8) ou a tout simplement disparu (Fig. 9), et que la proximité du golfe se fait chaque jour plus pressante et menace de tout engloutir, nombreux sont alors les candidats à l’exil volontaire.15 Ainsi, au gré des opportunités d’emploi ou de logement, la communauté amérindienne se disperse, cédant à un éparpillement fort préjudiciable du point de vue de la socialité. Jadis fédérateurs d’un inaliénable esprit de groupe aujourd’hui mis à mal par l’éloignement, la solidarité familiale et les circuits d’entraide communautaire s’effilochent, d’autant que la distance accrue avec les lieux de pêche favorise les reconversions professionnelles vers d’autres secteurs économiques, dont celui de l’industrie du pétrole. De par cette rupture avec le territoire tribal et la parenté fonctionnant jusque là en réseau, le lien social s’érode et le sentiment identitaire se voit soumis à rude épreuve. Quant à la vision du monde étroitement rivée à l’espace marécageux (Allamel 2012 : 59-64), celle-ci s’estompe progressivement au profit d’autres alternatives plus durables (urbaine, industrielle, etc.). À terme, c’est l’existence même de cette société qui se trouve remise en question, soit que les plus résilients ont fini par lâcher prise faute de point d’ancrage, soit que les migrants ont appris à vivre autrement et en d’autres lieux, là où leurs semblables font déjà figures de lointains.

Fig. 8. Maison abandonnée (Isle à Jean Charles, 2009).

Fig. 8. Maison abandonnée (Isle à Jean Charles, 2009).

Fig. 9. Bricolage architectural (habitat originel de plain-pied agrémenté d’un mobile-home sur pilotis recouvert d’un auvent) aujourd’hui disparu (Isle à Jean Charles, 2009).

Fig. 9. Bricolage architectural (habitat originel de plain-pied agrémenté d’un mobile-home sur pilotis recouvert d’un auvent) aujourd’hui disparu (Isle à Jean Charles, 2009).
  • 16  Parmi ces efforts de planification il convient de mentionner le programme How Safe, How Soon ? (Al (...)
  • 17  Les entretiens menés auprès des communautés de pêcheurs amérindiens corroborent la problématique e (...)

11Une telle déterritorialisation assumée sur un mode solitaire n’a pas manqué d’interpeller les leaderships tribaux, inquiets à juste titre de la menace que laissent planer des initiatives individualistes de ce type. À l’image de l’environnement déliquescent, le vivre-ensemble semble parfois épouser les contours du paysage jusqu’à devenir inconsistant, en particulier lorsque les terres d’asile s’éloignent de la côte et font déjà songer à l’exil. Désormais persuadés de l’ineptie d’une résilience à long terme, les responsables de la NUH aussi bien que des groupes rivaux réfléchissent à une gestion rationnelle et durable de l’exode16. À leurs yeux, la reterritorialisation ne peut s’effectuer que dans une perspective groupale, faute de quoi l’odyssée de leur peuple toucherait à sa fin. Trouver dès lors un lieu suffisamment vaste pour accueillir tous les déplacés environnementaux devient un objectif prioritaire. Mais le temps où leurs mouvements migratoires empiétaient sur unewilderness encore disponible est définitivement révolu et de tels lieux manquent d’autant plus que l’espace louisianais se rétrécit telle une peau de chagrin. Des micro-territoires fonctionnant en réseau pourraient à la rigueur fournir un compromis acceptable. En outre, si la recherche de hautes terres est centrale à toute idée de relocalisation, encore faut-il que ces secteurs de substitution ne soient point trop éloignés du littoral pour que puissent perdurer des pans essentiels de leur culture vernaculaire. Outre la disponibilité spatiale se pose encore le coût de telles transactions immobilières. Les Houmas n’étant pas reconnus au niveau fédéral, les aides financières font cruellement défaut et, de l’aveu même du leadership de la NUH interrogé à ce sujet, il n’y a guère à espérer du côté d’un mécénat industriel que, par leur critique acerbe à l’égard des compagnies de pétrole, les Amérindiens se sont définitivement aliénés. Si la question de la reterritorialisation en d’autres lieux constitue actuellement le pivot de toutes les réflexions au niveau tribal, le cas semble pour l’instant insoluble, à l’exception d’un récent développement énoncé plus loin, et aucune proposition collective concrète ne vient contrecarrer ce goutte-à-goutte de l’exode aux trajectoires multiples — même si, individuellement, les migrants appliquent les mêmes schèmes de pensée que les conseils tribaux et s’efforcent de trouver refuge en des communautés voisines (La Pointe aux Chênes, Bourg, Houma, etc.) où il serait encore loisible de maintenir leurs métiers traditionnels et leurs relations familiales élargies17.

  • 18  Le pow-wow de Grand Bois représente un espace-temps privilégié durant lequel les Houmas mettent en (...)
  • 19  Lorsqu’en 2009 le Corps du Génie militaire prit la décision de ne pas inclure l’Isle à Jean Charle (...)
  • 20  Le chef Albert Naquin nous fit le récit détaillé de cette réunion du conseil lors d’un entretien l (...)

12Outre qu’il se charge de la gestion du quotidien, régulièrement ponctuée de crises (ouragans, marée noire), le conseil tribal de la NUH s’efforce donc de localiser des sites susceptibles à la fois d’y poursuivre les activités liées à l’environnement et d’y maintenir l’être-ensemble, condition sine qua non de la retransmission culturelle. Déjà amplement peuplée d’Amérindiens, la communauté de Grand Bois (paroisse Terrebonne) rassemble d’emblée certains avantages aussi bien matériels que symboliques (cf. entretiens avec Brenda Dardar, 15 juin 2009). D’abord, sans pour autant parler d’altitude, celle-ci offre un sentiment relatif de sécurité par rapport aux basses terres environnantes ; ensuite, sa proximité avec les lieux de pêche ou de collecte des huîtres serait de nature à satisfaire les populations concernées. Enfin, Grand Bois est aussi un lieu important de rassemblement pantribal avec son pow-wow annuel qui théâtralise l’indianité du groupe18. Pour l’heure, les tractations semblent toujours au point mort et l’espace d’une réserve auto-proclamée demeure encore à pourvoir. Même phénomène d’attente du côté de la dissidence. Albert Naquin (chef de la Bande de l’Isle à Jean Charles) caressa un temps un projet de relocalisation collective dans le village voisin de Bourg.19 Ayant déjà montré l’exemple en fuyant l’île pour La Pointe aux Chênes, son choix s’arrêta un temps sur une propriété disponible où il envisageait de fonder un lotissement tribal. C’était sans compter avec certaines contraintes sociologiques qui caractérisent l’état des mentalités au sud de la Louisiane. Essentiellement peuplé de Cadiens, Bourg vit à l’occasion ressurgir des thèmes jadis prépondérants à l’époque de la ségrégation, officiellement abolie en 1964. Un conseil municipal particulièrement houleux à l’évocation de ce thème souleva nombre de phobies parmi lesquelles se retrouvent pêle-mêle la dépréciation foncière, la baisse du niveau scolaire ou encore la hausse de la criminalité, autant de paramètres qui présidaient au refus massif de la société hôte d’ouvrir ses frontières ethniques20. En matière de cohabitation, nombreux sont ceux qui préfèrent avoir les Indiens comme lointains plutôt que voisins.

13Les responsables tribaux ont tous pris la juste mesure des dangers encourus à trop vouloir rester là où la terre même se dérobe sous leurs pieds et, en dépit d’un profond sentiment de déchirement, se sont donc résignés à accepter l’idée d’une ultime migration. Plutôt que de subir l’exode, ils feignent jusqu’ici de l’organiser, mais en vain. Moins faute de volonté politique cependant que du fait de contingences extérieures (territoriales, économiques, sociales) qui brident cet élan collectif, ne permettant guère qu’aux entreprises individuelles de passer au travers des mailles de ce filet coercitif. Les Houmas offrent le paradoxe d’une société contrainte au départ, mais qui arriverait déjà trop tard sur l’échiquier des flux migratoires, comme si aucune case ne se retrouvait disponible pour les recevoir en tant qu’entité spécifique et unifiée. Pour l’instant, aucune parade autre que le morcellement communautaire ne semble se dessiner, avec le danger surplombant d’une acculturation accélérée.

Terre exogène

14Si l’exode de dimension collective constitue la seule alternative viable pour pérenniser la société houma, on est en droit cependant de s’interroger sur ce que serait la spécificité de cette culture indigène ainsi transplantée en d’autres espaces. Prenons le cas de l’hypothétique lotissement à Bourg. Greffer une communauté insulaire au mode de vie amphibie dans un quartier suburbain soulève de nombreuses questions. L’habitat pavillonnaire, avec de surcroît ses habitus hautement normés et ses attentes comportementales, laisse transparaître un lieu de vie fondamentalement autre, ou pour le moins une structure d’accueil susceptible de calibrer maints aspects de cette culture amérindienne pour les rendre acceptables. Il est à craindre que l’image familière d’un logis cerné de pirogues et de cages à crabes fasse entorse aux codifications en matière de logement. De même, l’insertion de cette unité d’habitation dans un tissu urbain laisse présager de nouveaux réseaux sociaux (écoles, autres lieux de travail, grandes surfaces, etc.) avec, à terme, la dilution des structures tribales jusqu’ici préservées par une relative autarcie. Comment envisager la perpétuation du modèle endogame au sein d’une société désormais ouverte ? Comment maintenir le pouvoir coutumier largement symbolique lorsque s’imposent d’autres figures de l’autorité (maire, conseillers municipaux) aux attributions bien plus concrètes ? Comment perpétuer les savoirs ethnobotaniques des guérisseurs alors même que les plantes médicinales ne poussent pas dans leurs jardinets périurbains ? À cette perspective de plus en plus impérieuse d’un transplant en terre exogène, un ancien chef de la NUH laissait entrevoir le doute, mais aussi un accroissement du champ des possibles, soit une dérivation culturelle inédite qui ferait une fois de plus toute sa place à la créativité sociale :

  • 21  Entretien en français houma avec Kirby Verret, le 12 juin 2009.

La communauté c’est quelque chose vous pouvez pas déplacer. […] On avait parlé d’acheter une part de terre autour et amener le monde à une nouvelle place. […] Je crois si vous faites quelque chose comme ça, ça va être juste quelque chose de nouveau. […] Si vous perd une génération et c’est pas passé à notres traditions, c’est fini, mais vous pouvez commencer nouveau. Mais vous pouvez pas clamer c’est le vieux. C’est quelque chose nouveau ; y a rien de mauvais de ça.21

15Cette réflexion émanant d’un dignitaire de la Nation unie houma recèle plusieurs paramètres essentiels. D’abord, elle exprime toute la difficulté que peut rencontrer un peuple indigène dès lors qu’il s’agit de s’extraire du sol dans lequel s’enracine depuis plusieurs générations l’être-ensemble communautaire. Le sociologue Michel Marié soutenait même que « le lien social ne peut être détaché d’un lieu » (Marié 141), une équation qui, si elle devait être rompue, signifierait la fin de l’houmanité telle que nous la connaissons aujourd’hui et établirait ces Indiens des marais désormais embarqués dans l’exode en des « hommes non-lieux » pour user d’une expression de Joël Bonnemaison, « c’est-à-dire des hommes dont l’identité culturelle ne naît pas d’un rapport organique à la terre » (Guillaud et al 428). Certes, cette rupture prévisible de l’organicité introduit l’idée d’une finitude, mais pas nécessairement une fin en soi. D’où l’idée d’un recommencement, peut-être pas ex nihilo, mais suffisamment décontextualisé pour exiger une refonte culturelle du groupe. À l’image de leurs cimetières déjà engloutis et qui privent par anticipation les Houmas de ces lieux de mémoire, dont en particulier celle des ancêtres, il serait alors loisible, dans l’esprit de Roland Barthes, d’envisager pour mythologie contemporaine un Atlantide en version locale, soit un récit référentiel et fédérateur face au déracinement. Bien sûr, ce sont aux Houmas eux-mêmes de dessiner les contours de ce qu’ils deviendront, mais ce monde « nouveau » pose pour problématique la métamorphose à laquelle sont confrontés les peuples premiers dans leur volonté d’exister à l’ère de la (post)modernité.

  • 22  Le terme génocide appliqué aux Amérindiens demeure polémique, moins par le nombre de victimes que (...)

16La mondialisation est souvent perçue en termes de perte du point de vue des populations indigènes, comme si toute intrusion au sein de celles-ci devait inexorablement se traduire par une disparition. Sans occulter les actions génocidaires qui décimèrent de nombreux groupes ethniques, notamment aux Amériques22, et sans minimiser non plus l’impact de l’acculturation sur des communautés confrontées parfois brutalement au changement social (Bodley), il convient de conserver à l’esprit la capacité des sociétés traditionnelles à se transformer afin de perdurer.

  • 23  Citation traduite de l’anglais par l’auteur.

Beaucoup de peuples indigènes ont en effet été tués ; des langues ont été perdues, des sociétés perturbées. Mais beaucoup ont tenu, en adaptant et en recombinant les vestiges d’un mode de vie ininterrompu. Ils remontent sélectivement à des traditions adaptatives profondément enracinées : créant de nouvelles voies en une postmodernité complexe. L’endurance culturelle est un processus visant à devenir (Clifford 2013 : 7)23.

  • 24  Citation traduite de l’anglais par l’auteur.

17Il serait donc futile d’évoquer la notion de pureté culturelle, d’autant plus spécieuse que le point de référence résulterait du pur arbitraire ; en effet, dans le cas des Houmas, leur système culturel actuel de type « aquacentrique » ne remonte pas aux temps immémoriaux et, de ce point de vue, nous avons déjà affaire à une société bicéphale : traditionnelle, certes, mais pourtant fortement marquée en interne par le changement social. En outre, les outils méthodologiques qui permettraient d’établir le point de non-existence d’une culture indigène font aussi défaut. Jadis peuple agricole et pour ainsi dire montagnard, les Houmas sont parvenus à assurer leur propre mutation en devenant pêcheurs-piégeurs en zone marécageuse et en renonçant de facto à leur passé terrien. Cette transmutation exemplaire servant de précédent, il est alors permis d’imaginer d’autres formulations encore à pourvoir. Pourquoi ne point dès lors accepter une ultime métamorphose qui, après avoir pris les chemins de l’exode, en ferait des Amérindiens de l’urbain, et laisser ainsi aux ethnographes de demain le soin d’en rendre compte ? James Clifford a énoncé en guise d’aporie heureuse la formule de « futurs traditionnels » (Clifford 2004 : 152-68) qui rompt avec la paire oppositionnelle tradition-modernité pour le moins statique, puis intègre les processus transformationnels et fait toute sa place à une nouvelle ethnogenèse fortement enracinée dans des références collectives (dans ce cas la solidarité tribale, voire le lien émotionnel envers une terre engloutie). « La tradition n’est pas un retour salutaire aux voies du passé, mais une sélection pratique et un examen critique des racines » (Clifford 2004 : 157)24, en d’autres termes une négociation stratégique et identitaire pour affronter un monde d’autant plus changeant qu’il imposera sous peu d’autres paysages. Il ne nous appartient pas malgré les épreuves qui s’annoncent de rédiger l’épitaphe de cette société, mais de l’accompagner dans ses stratégies de survie et de s’abstenir de tout déni de ce qu’elle pourrait légitimement devenir.

Épilogue

18Enquêter au sein de ces communautés côtières, exposées à la fulgurance des changements environnementaux, exige de la part de l’ethnographe, généralement plus enclin à scruter le temps long, d’insérer l’actualité la plus versatile dans son analyse. Si l’événement se caractérise la plupart du temps in situ par une longue litanie de désastres, janvier 2016 devait pourtant apporter à ce constat affligeant un élément de contradiction. En effet, coup de théâtre, les résidents de l’Isle à Jean Charles se virent alors attribuer une enveloppe fédérale à hauteur de 48 millions de dollars, faisant d’eux la « première communauté de réfugiés climatiques officiels » aux Etats-Unis (Hansen).25 Si cette décision émanant du Département du Logement et du Développement urbain n’indique en rien une reconnaissance des insulaires en tant que groupe ethnique, au moins a-t-elle le mérite de faciliter leur relocalisation à titre collectif. Un cahier des charges inclut cependant un calendrier contraignant avec, pour ultime étape et non des moindres, la demande impérative d’avoir utilisé toutes ces ressources financières d’ici 2022. En six années à peine, il convient donc de trouver un consensus autour d’une terre d’asile disponible et, après en avoir pris possession de ce nouveau territoire, de mener l’intégralité des travaux de construction. L’évolution de ce projet fera à l’évidence l’objet d’un suivi ethnographique et il serait prématuré d’en tirer par avance quelque conclusion. Notons pour l’heure que la dimension consensuelle fait défaut. D’abord, tous les insulaires ne se placent pas sous l’autorité du chef coutumier Albert Naquin. Ensuite, d’autres riverains, et quelle que soit l’appellation tribale (NUH ou Bande de l’Isle à Jean Charles), font preuve de jusqu’au-boutisme dans leur volonté de demeurer sur l’île. Enfin, s’il est loisible et déjà fort dispendieux d’assurer le déménagement de plusieurs dizaines de familles confinées dans un espace restreint, cela ne préfigure aucunement une décision analogue pour des milliers de Houmas dispersés sur six paroisses côtières. Comme l’affirme avec le plus grand pragmatisme Mark Davis, le directeur du Tulane Institute on Water Resources Law and Policy : « Si vous éprouvez de la difficulté à déménager des douzaines de personnes, il devient impossible de n’importe quelle manière organisée et juste de déplacer des milliers, voire des centaines de milliers ou, si vous regardez les prédictions pour le sud de la Floride, peut-être même des millions » (Davenport et al.).26

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Notes

1  Un tel opportunisme marqué par la percée d’une pensée individualiste devint monnaie courante à l’époque coloniale, une tendance que l’ethnohistoire évoque en ces termes : « .Contre la volonté du peuple, des chefs acceptèrent des pots de vin et vendirent des terres que personne ne voulait abandonner » (Perdue et al. 82). Citation traduite de l’anglais par l’auteur.

2  Citation traduite de l’anglais par l’auteur.

3  Une carte datant de 1718 et représentant le sud-est de la Louisiane indique ainsi l’emplacement du village des « Oumas » à la jonction du Bayou Lafourche et du Mississippi, ainsi que l’aire de répartition des « Anthropophages » le long du littoral. Pour accéder à ce document rédigé en français, voir www.rootsweb.ancestry.com/~laterreb/1718map.htm

4  Grâce à un système de mesures d’altitude topographique par détection optique (LIDAR) qui a permis d’établir en 2000 une cartographie très précise de la région (Gesch 2009).

5  Le terme anthropogénique fait référence à l’activité humaine. Si les scientifiques (Steffen et al) parlent depuis peu de l’anthropocène pour caractériser l’ultime ère de notre système planétaire, désormais conditionné par l’action des hommes, c’est pour insister sur la dimension anthropogénique en tant que phénomène perturbateur jusqu’au niveau du temps géologique.

6  Le protocole en matière d’extraction pétrolière en milieu marécageux exigerait d’injecter en sous-sol l’équivalent des ressources prélevées. Sans cette méthode compensatoire, les forces liées à la gravité imposent un affaissement du terrain qui, dans la région, avoisine 1cm par an (Johansen 2002 : 166-7), en sachant que le point culminant de la paroisse Terrebonne est de 4 mètres.

7  U.S. Global Change Research Program, un organisme fédéral, a appliqué ce facteur soumis à diverses variables (hausse du niveau des océans allant de 30 cm à 80 cm pour la période 2010-2060) à la Louisiane méridionale afin d’anticiper les pertes territoriales. Les cartes ainsi générées ressemblent étrangement à celles de la Fig. 4, amplifiant pour le coup les processus de dislocation liés à l’érosion côtière. Source : www.globalchange.gov/browse/multimedia/projected-land-loss-sea-level-rise-coastal-louisiana

8  Ce phénomène d’eutrophication des océans aussi connu sous le nom d’hypoxie fait référence au faible taux d’oxygène dissous dans l’eau, lequel atteint un niveau si bas qu’il ne parvient plus à soutenir la vie marine ou la reproduction des espèces (Coastal Challenges 54-7).

9  Des témoignages, recueillis par l’anthropologue Frank Speck lors de ses enquêtes de terrain en 1941, soulignent cette pratique émanant de l’industrie pétrolière et qui consistait à s’approprier, pour une somme modique (généralement une vingtaine de dollars), des terres jusque-là détenues par des Houmas en usant de la ruse (actes de vente présentés comme de simples baux et d’autant plus spécieux que les Indiens, analphabètes et francophones, ne pouvaient saisir la teneur de ces documents rédigés en anglais) et, au besoin, de la malveillance (actes de sabotage) envers ceux qui ne se pliaient pas à ce cadre stratégique (cité dans Dardar 49-51).

10  Présente dans la région depuis les années 1760 lorsque la Louisiane bascula dans le giron de l’Espagne qui comptait cet archipel parmi ses colonies, la communauté originaire des Philippines influença la culture locale dans le domaine de l’architecture vernaculaire (villages sur pilotis) qui finit par convaincre les populations voisines du bien-fondé de cet habitat en zone côtière. Pour plus de détails sur cette minorité ethnique, voir Westbrook.

11  Actuellement, les autorités paroissiales et FEMA (Federal Emergency Management Agency) exigent une structure sur pilotis pour (re)construire une maison et la hauteur minimum requise est de quatre mètres, une dépense exorbitante pour les plus démunis qui, déjà privés de contrats d’assurance (du fait de leur situation en zone à hauts risques en matière d’inondations, les compagnies résilient à tour de bras ou imposent des tarifs astronomiques), n’ont d’autre échappatoire que l’exode (Wilson).

12  Après avoir été déboutée dans sa demande de reconnaissance fédérale en 1994, la NUH (17.000 membres) a dû faire face à un vent de rébellion, encouragé par le Bureau des Affaires Indiennes qui sous-entendait que des entités plus restreintes auraient plus de chances de voir leur requête aboutir (Miller 175). Plusieurs groupes dissidents (environ 3 000 membres au total) s’opposent donc aujourd’hui à la NUH : la Tribu de la Pointe-au-Chien et la Confédération Muskogéenne Biloxi Chitimacha, laquelle comprend plusieurs bandes locales dont celle de l’Isle à Jean Charles.

13  Communément appelée Morganza Levee, « Morganza to the Gulf Hurricane Protection Project » consiste en une digue de 115 kilomètres de long, 17 mètres de large et 2 mètres de haut. Entrepris en 2007, et faisant suite à de longues enquêtes préliminaires, les travaux de construction sont toujours en cours. Édifiée par le Corps du Génie militaire, cette barrière défensive est conçue comme un rempart contre les inondations venues du golfe, mais ferait plutôt songer à la Ligne Maginot. Déjà, de multiples défaillances sont à déplorer, un état de fait qui culmina lors du passage de l’ouragan Isaac (26 août 2012) lorsque ce dernier créa une brèche de 15 mètres de large au niveau de Montegut. Si certaines digues doivent être consolidées afin d’assurer la sécurité des riverains, nombre d’auteurs préconisent un moratoire en la matière et dénoncent leur aspect faussement protecteur qui attire par ses vertus sécuritaires tout en constituant ultimement un piège lorsque les inondations affectent des quartiers résidentiels qui auraient dû être logiquement classés en zone inconstructible (Campanella 182).

14  Citation traduite de l’anglais par l’auteur.

15  En 2012, l’ouragan Isaac (pourtant seulement de catégorie 1) a submergé l’Isle à Jean Charles sous plus de deux mètres d’eau. Se basant sur les escaliers de leurs maisons sur pilotis en tant qu’échelle référentielle des inondations, les insulaires, utilisant les marches comme repères, n’ont alors aucune difficulté à indiquer le niveau des crues aux visiteurs.

16  Parmi ces efforts de planification il convient de mentionner le programme How Safe, How Soon ? (Allamel 2016 :188-91) élaboré par la NUH en collaboration avec certains quartiers à hauts risques de La Nouvelle-Orléans (cf. Lower Ninth Ward, épicentre de la catastrophe humanitaire liée à Katrina). Après l’évacuation et la résilience pour les plus réfractaires, le troisième volet de cette initiative communautaire cible la reterritorialisation raisonnée du groupe sur des terres collectives (d’après un entretien avec le chef Brenda Dardar, le 15 juin 2009).

17  Les entretiens menés auprès des communautés de pêcheurs amérindiens corroborent la problématique exposée par les divers conseils tribaux, à savoir la nécessité de trouver des lieux alternatifs de proximité, faute de quoi leur culture ne saurait faire face aux forces démultipliées de l’acculturation.

18  Le pow-wow de Grand Bois représente un espace-temps privilégié durant lequel les Houmas mettent en scène leur identité amérindienne. À l’occasion de ce festival communautaire, et même si les emprunts aux Indiens des Plaines sont nombreux (coiffes de plumes, bijoux de perles, tipis, etc.), un style ethnique s’impose avec la construction de maisons en latanier, la vente d’un artisanat fait de mousse espagnole et autres sarbacanes (Allamel, 1991). Sur les pow-wow en tant qu’outil identitaire, voir Ellis.

19  Lorsqu’en 2009 le Corps du Génie militaire prit la décision de ne pas inclure l’Isle à Jean Charles dans le périmètre protégé de la Ligne Morganza et suggéra le déplacement de cette communauté entière, Naquin compara d’abord cette requête à une variation contemporaine du Trail of Tears (déportation des Indiens cherokees en 1838-1839), avant de se ranger et faire siennes les analyses des ingénieurs (entretien avec « chef Albert » le 18 février 2010). Sans pour autant le taxer de cynisme, cette décision au niveau de l’État confortait a posteriori sa thèse sur la nécessité d’un repli stratégique vers de plus hautes terres.

20  Le chef Albert Naquin nous fit le récit détaillé de cette réunion du conseil lors d’un entretien le 18 février 2010.

21  Entretien en français houma avec Kirby Verret, le 12 juin 2009.

22  Le terme génocide appliqué aux Amérindiens demeure polémique, moins par le nombre de victimes que par l’intention délibérée de mettre en pratique un nettoyage ethnique. L’analyse de Brenden Rensink qui fait le point sur ce débat consigne plusieurs cas « de ce qui peut être considéré, faute d’une meilleure terminologie, comme des évènements génocidaires » (Rensink 18-21).Citation traduite de l’anglais par l’auteur.

23  Citation traduite de l’anglais par l’auteur.

24  Citation traduite de l’anglais par l’auteur.

25  Pour plus de détails sur ce processus d’attribution, voir http://www.coastalresettlement.org

26  Citation traduite de l’anglais par l’auteur.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1. Cette plaque commémorative située à l’emplacement du village originel des Houmas fait référence à une série d’évènements historiques (cf. la visite d’Iberville en 1699), mais passe sous silence le massacre perpétré en ces lieux (Angola, 2012).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/elohi/docannexe/image/929/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 20k
Titre Fig. 2. Autre pancarte répertoriant le patrimoine louisianais et faisant mention de la « vente » du territoire des Houmas en 1774, oublieuse du manquement à l’éthique inhérent à cette transaction (Burnside, 2012).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/elohi/docannexe/image/929/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 32k
Titre Fig. 3. Aire de répartition des Indiens houmas avec, pour épicentre, les paroisses Terrebonne et Lafourche. Document fourni par la Nation Houma Unie
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/elohi/docannexe/image/929/img-3.jpg
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Titre Fig. 4. Projection du sud-est louisianais en 2050. USGS NWRC Map ID 2006-16-0001 (document fourni par l’USGS). Les zones rouges indiquent les terres déjà perdues ansi que celles qui seront perdues entre 1932 et 2050 si les tendances actuelles se maintiennent.
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Titre Fig. 5. Modèle combinant les effets de deux types entropiques aboutissant à l’effondrement du système environnemental et social
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/elohi/docannexe/image/929/img-5.jpg
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Titre Fig. 6. Maison sur pilotis (Isle à Jean Charles, 2012).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/elohi/docannexe/image/929/img-6.png
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Titre Fig. 7. Une des nombreuses pancartes publicitaires pour une compagnie spécialisée dans l’installation de pilotis pour habitat préexistant (Pointe aux Chênes, 2012).
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Titre Fig. 8. Maison abandonnée (Isle à Jean Charles, 2009).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/elohi/docannexe/image/929/img-8.png
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Titre Fig. 9. Bricolage architectural (habitat originel de plain-pied agrémenté d’un mobile-home sur pilotis recouvert d’un auvent) aujourd’hui disparu (Isle à Jean Charles, 2009).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/elohi/docannexe/image/929/img-9.png
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Pour citer cet article

Référence électronique

Frédéric Allamel, « La dernière migration des Indiens houmas »ELOHI [En ligne], 8 | 2015, mis en ligne le 01 juillet 2015, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/elohi/929 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/elohi.929

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Auteur

Frédéric Allamel

Docteur en anthropologie sociale (EHESS) et en sociologie (Paris V), Frédéric Allamel enseigne à Indianapolis (International School of Indiana, Butler University). Ses recherches actuelles sur la société des Houmas gravitent essentiellement autour de la destruction de leur environnement et de leurs relations conflictuelles avec l’industrie du pétrole. Depuis peu, ses enquêtes de terrain se sont élargies aux Indiens shipibo du Pérou et concernent les mêmes thématiques.
Frédéric Allamel (International School of Indiana, Butler University) holds a doctorate in social anthropology (EHESS) and sociology (Paris V). His current research on the Houma community focuses on the disappearance of its environment and the conflict with the oil industry. Recently, his fieldwork expanded to the Shipibo Indians of Peru, and addresses the same topics.

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