1L’engagement dans une union matrimoniale représente une étape importante dans le parcours de vie de nombreux individus (Fallu, 2015). Toutefois, il peut être source de défis, particulièrement lorsque les couples ne sont pas préparés à affronter les défis inhérents à la vie conjugale (Carroll et Doherty, 2003). La préparation au mariage se présente comme une stratégie préventive visant à renforcer les liens matrimoniaux (Kepler, 2015). Elle a pour objectif de fournir une formation aux couples en matière de communication efficace, de les doter des compétences essentielles pour résoudre les conflits et de les habiliter à développer les aptitudes nécessaires à l’établissement d’une relation conjugale épanouissante et pérenne (Kepler, 2015).
2Les écrits occidentaux sur la préparation au mariage restent limités (Monder, 2011). Cette pénurie d’écrits est encore plus prononcée au Liban où seulement deux programmes de préparation au mariage ont été élaborés de manière unilatérale, par la Commission épiscopale pour les affaires de la famille et de la vie au Liban en 2005 et par le prêtre Najib Baaklini en 2014. Le développement de ces deux programmes s’est effectué sans l’implication active des couples ciblés. Cette exclusion des futurs mariés a entravé la compréhension précise de leurs besoins et la satisfaction de leurs attentes.
3Dans ce contexte, nous avons choisi par initiative personnelle et dans le cadre d’une thèse de doctorat de développer un programme générique de préparation au mariage dans l’Église maronite au Liban, visant à susciter une plus grande motivation chez les couples en répondant spécifiquement à leurs besoins. Par le terme « générique », nous entendons que ce programme sera évolutif, adaptable, intégratif et prêt à accompagner les divers acteurs dans l’accomplissement des objectifs. Ainsi, les grandes lignes seront définies initialement, permettant aux personnes impliquées dans l’organisation de tels programmes de le mettre en œuvre selon leurs compétences et leurs ressources.
4Dans cet article, nous commencerons par énoncer la problématique de recherche, puis présenterons les deux composantes du cadre d’analyse : les visées préventives et promotionnelles du programme, ainsi que l’approche andragogique de sa conception et mise en œuvre. Nous exposerons ensuite le processus méthodologique suivi, et terminerons avec les principaux résultats de la phase 1 et la version générique du programme élaboré par démarche participative.
5Le terme « préparation au mariage », utilisé par l’Église catholique, désigne une activité éducative visant à préparer les couples avant le sacrement du mariage (Conseil pontifical pour la famille [CPF], 1996). Ce terme est adopté par de rares auteurs et chercheurs qui se sont penchés sur ce sujet au Liban et dans certains pays occidentaux (CPF, 1996).
6Caroll et Doherty (2003) ont identifié les objectifs clés que l’éducation prémaritale cherche à accomplir aux États-Unis. Cette intervention éducative a pour but d’aider les futurs conjoints à acquérir une meilleure compréhension de leur relation, à renforcer leurs compétences en matière de communication et de résolution de conflits. De plus, elle vise à les aider à développer les compétences nécessaires pour faire face aux défis et aux désaccords qui peuvent survenir au cours de leur vie conjugale (Carroll and Doherty, 2003).
7L’Église catholique considère la préparation au mariage comme étant essentielle pour aider les couples à comprendre les dimensions spirituelles et sacramentelles du mariage et à renforcer leur engagement dans une vie conjugale fondée sur la foi, l’amour et la responsabilité mutuelle (CPF, 1996). S’inscrivant dans cette visée, l’Église maronite au Liban a instauré en 2000 une obligation formelle de la préparation au mariage et exige des fiancés d’y participer avant la cérémonie nuptiale. Les formations prénuptiales sont dirigées soit par des responsables ecclésiastiques diocésains ou par des centres dédiés, supervisés par la Commission épiscopale pour les affaires de la famille et de la vie (Baaklini, 2014).
8Les références libanaises relatives à ce sujet sont quasi inexistantes. Le premier ouvrage publié par Baaklini en 2014 examine les forces et les faiblesses des activités de préparation au mariage mises en œuvre dans sept centres de préparation au mariage rattachés à l’Église maronite. La seconde référence concerne un document inédit élaboré en 2020 par un prêtre responsable d’un des centres de préparation au mariage traitant de la coordination du travail et proposant une vision unifiée de ces centres au sein de l’Église maronite.
9Ces deux références soulignent plusieurs défis dont souffre la préparation au mariage au Liban parmi lesquels le désintérêt et le manque de motivation des couples constituent le problème majeur. Ces difficultés relèvent de plusieurs facteurs tels que le caractère obligatoire de cette formation prénuptiale, l’idéalisation des nouvelles relations conjugales, le manque de motivation des futurs mariés, l’approche autoritaire et le manque de compétences des animateurs, ainsi que le contenu insatisfaisant des sessions (Baaklini, 2014; Khoury, 2020).
10Ces défis vont au-delà de l’Église maronite au Liban et même des contextes religieux dans lesquels ce type de programmes est mis en œuvre. Ils se révèlent de manière universelle, comme en témoignent plusieurs études internationales évaluant ce type de dispositifs (Olson & Olson, 1999; Stahmann, 2000; Tremblay, 1999). En effet, les couples manifestent généralement une certaine réticence à l’égard de ces formations, justifiée par diverses raisons relatives à la perception que leur relation est à la base solide et robuste, à leur désengagement envers les aspects religieux, ainsi qu’à leurs relations tendues avec les autorités ecclésiastiques (Bouchard, 1989; Monder, 2011; Pelletier, 1998).
11Cet état de fait remet en question la pertinence et l’adéquation de ces initiatives, ainsi que leur capacité à s’adapter aux besoins des couples. Monder (2011) explore de nouvelles perspectives pour la pratique de la préparation au mariage au sein de l’Église adventiste en France et en Suisse romande. Son travail conclut que ces programmes exigent une modernisation et une amélioration substantielles pour mieux répondre aux besoins des couples. Les ajustements requis incluent une approche plus individualisée, un renforcement des compétences des animateurs et la création d’espaces de dialogue sur des sujets conflictuels. Ces adaptations cherchent à accroître l’efficacité et la pertinence de la préparation au mariage, indépendamment de l’appartenance religieuse.
12La remise en question des programmes de préparation au mariage au sein de l’Église maronite au Liban témoigne d’une conscience accrue des évolutions sociales et des besoins spécifiques des couples contemporains. En reconnaissant la complexité des relations humaines et la diversité des parcours de vie, notre recherche vise à contribuer activement à la création de programmes plus adaptés et pertinents. Dans ce but, elle s’aligne sur les principes fondamentaux du travail social, pour mettre l’accent sur le bien-être individuel, avec l’ambition de créer un espace où les futurs mariés peuvent acquérir des compétences pratiques et explorer librement leurs propres valeurs, aspirations et attentes en matière de mariage.
13En effet, les principes clés du travail social prennent une signification particulière dans cette démarche (Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, 2005). Une importance primordiale est accordée au bien-être émotionnel et psychologique des individus, reconnaissant que des relations conjugales épanouissantes sont étroitement liées à la santé mentale et au bonheur personnel. De plus, l’accent est mis sur la liberté de choix, afin de créer un environnement où chaque couple peut façonner son propre chemin, basé sur ses convictions, sa spiritualité et ses aspirations uniques. Permettre aux futurs mariés de prendre des décisions éclairées et autonomes renforcera la fondation des unions durables et équilibrées au sein de la communauté maronite libanaise.
14Dans cette perspective du travail social, nous avons été interpellées par l’indifférence des couples envers les initiatives visant à promouvoir la stabilité et la durabilité de la relation conjugale à laquelle ils aspirent, une relation tributaire de leur bien-être émotionnel et psychologique. Cette problématique nous a motivées à élaborer un programme générique de préparation au mariage, adoptant une approche participative impliquant les responsables des centres ainsi que différents types de couples. Les objectifs spécifiques sont les suivants :
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Analyser du point de vue des acteurs concernés les bénéfices et les limites des programmes de préparation au mariage inclus dans cette étude.
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Identifier les besoins des couples.
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Définir les compétences attendues d’un programme de préparation au mariage.
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Concevoir un programme générique de préparation au mariage, en fonction des données collectées, incluant ses diverses composantes : contenu, approche et stratégies de formation, type et qualifications des ressources humaines, aspects de gestion, etc.
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Mettre en évidence le rôle crucial du travailleur social dans ce genre de programme.
15L’élaboration de ce programme générique revêt une importance capitale puisqu’il cherche à mieux répondre aux besoins des couples, à susciter leur motivation et à consolider leur adhésion et leur engagement.
16Le cadre de référence que nous avons adopté pour l’élaboration du programme de préparation au mariage privilégie un but à double portée : préventive et promotionnelle. La portée préventive vise à identifier et à traiter les problèmes potentiels avant qu’ils ne deviennent des obstacles majeurs à une relation saine et durable. Elle cherche notamment à renforcer les compétences de communication et de résolution de conflits des couples pour prévenir les crises éventuelles. Quant à la portée promotionnelle, elle se concentre sur l’encouragement des comportements positifs et le renforcement des aspects bénéfiques de la relation. Son objectif est de promouvoir le bien-être et l’épanouissement mutuel des partenaires en mettant en avant les ressources et les opportunités de croissance au sein du couple.
17Ces deux visées, préventives et promotionnelles, s’inscrivent dans la vision de l’Église pour la préparation au mariage, envisagée comme une « pastorale du lien » visant à renforcer l’amour conjugal, aider les couples à surmonter les moments difficiles et les orienter vers les ressources disponibles en cas de difficulté (Pape François, 2016).
18La conjugalité. Ce concept englobe les dimensions psychologiques, affectives, communicationnelles, pratiques, sociales et légales de la relation (Artigas Burr & Salcedo Robledo, 2016). Il évoque des notions clés qui soutiennent la stabilité du lien conjugal telles que l’individualisation, l’égalité et l’aspect émotionnel (Neyrand, 2016). Renforcer ce lien repose sur la reconnaissance des besoins de proximité et de distanciation ainsi que l’évolution vers une identité individuelle et conjugale (Duret, 2007). La qualité de la conjugalité unit les partenaires sur plusieurs plans (Bouffard, 2017). Cependant, certains facteurs peuvent contribuer à son usure, notamment l’arrivée d’un enfant, la dégradation de la sexualité, la mauvaise foi, la prévisibilité des comportements et les problèmes financiers (Duret, 2007). Ces aspects soulignent l’importance de compétences relationnelles, telles que la communication, la gestion des conflits et la compréhension des besoins mutuels (Moïsseeff, 2004; Kotsou, 2014).
19L’intimité émotionnelle. Elle concerne la capacité d’établir et de maintenir des connexions profondes et authentiques avec le partenaire, basées sur l’affection, la confiance, la compréhension mutuelle et le partage des émotions (Kaufmann, 2007). La création d’une intimité émotionnelle est un processus par lequel les partenaires développent un lien émotionnel profond et solide grâce à une communication ouverte, honnête et empathique ainsi qu’à la capacité de fournir un soutien émotionnel mutuel (Carstensen et al., 1995; Tremblay, 2011). Les couples jouissant d’une intimité émotionnelle solide se sentent en sécurité pour partager leurs sentiments, même négatifs, sans crainte de jugement ou de rejet (Aubert, 1982). La construction de cette intimité se déroule graduellement par un investissement continu des deux partenaires (Kaufmann, 2007).
20La qualité de l’amour conjugal. L’amour, considéré comme le pilier de la relation de couple et de sa durabilité, comprend la passion, l’intimité et l’engagement, jouant un rôle essentiel dans le renforcement du lien émotionnel et sexuel (Bouffard, 2017). La qualité de l’amour conjugal renforce de manière dynamique et continue le bonheur conjugal (Bouffard, 2017). Ce dernier repose sur la poursuite d’objectifs communs, les manifestations d’affection et de toucher, la validation mutuelle, ainsi que l’expression de réactions positives et constructives (Bouffard, 2017). Les partenaires sont appelés à fournir un soutien émotionnel, partager des responsabilités, prendre des décisions conjointes et gérer efficacement les conflits (Fincham & Beach, 2010). Des attitudes telles que la confiance, le pardon et la sollicitation de soutien en cas de besoin favorisent la pérennité de l’amour et du bonheur conjugal (Bouffard, 2017).
21La satisfaction conjugale. Défini comme la qualité des relations de couple, ce concept subjectif est lié à l’évaluation personnelle de la relation amoureuse (Leathead, 2017). Elle est tributaire de facteurs individuels liés à la personnalité et au type d’attachement, ainsi que de variables interpersonnelles concernant la perception positive du partenaire et une communication efficace (Gottman and Levenson, 2002; Leathead, 2017). Divers aspects de la vie de couple comme les relations avec la famille d’origine, les tâches ménagères et les relations sexuelles influencent la satisfaction conjugale (Leathead, 2017). Les couples satisfaits manifestent des émotions positives et entretiennent une communication plus neutre, tandis que les couples insatisfaits expriment une plus grande quantité d’émotions négatives (Carstensen et al., 1995).
22La satisfaction sexuelle. Ce concept concerne la manière dont une personne réagit affectivement à son évaluation des aspects positifs et négatifs de sa vie sexuelle. Il présente une association positive avec la satisfaction conjugale (Lawrance and Byers, 1995; Leathead, 2017). Maintenir une sexualité positive dans le couple favorise une meilleure cohésion entre les partenaires et contribue à diminuer les tensions et la détresse conjugale (Leathead, 2017). Les déterminants de la satisfaction sexuelle englobent la fréquence des rapports sexuels, le plaisir physique, la communication verbale et non verbale lors des rapports ainsi que la gestion des conflits liés à la sexualité (Kepler, 2015; Lawrance & Byers, 1995; Leathead, 2017).
23La communication. Ce concept implique des discussions sur les problèmes et les rôles cruciaux dans le mariage (Kaufmann, 2007). Une communication ouverte demeure fondamentale pour assurer une compréhension mutuelle des partenaires (Kepler, 2015). Le dialogue au sein du couple renforce la capacité à affronter les défis de la réalité issus de la désillusion, de la réduction de l’idéalisation de la relation, de la routine, de l’impact de l’enfant sur la dynamique conjugale et des difficultés dans la communication intime (Fincham and Beach, 2010 ; Kelly et al., 2008).
24La gestion des désaccords conjugaux et des conflits. Ce concept est crucial dans les relations du couple étant donné que la satisfaction conjugale est fortement liée au nombre de désaccords signalés (Levenson et al., 1993). La gestion efficace des conflits requiert des compétences en matière de régulation émotionnelle, d’empathie, de communication positive et de recherche de solutions mutuellement satisfaisantes ainsi qu’une culture de reconnaissance, équilibrant les affects positifs et négatifs. Divers domaines comme les finances, la répartition des tâches, les relations sexuelles et les interactions avec la famille d’origine sont identifiés comme sources potentielles de conflits majeurs au sein du couple (Levenson et al., 1993). Les désaccords sur ces différents sujets constituent un terrain propice au développement d’un conflit conjugal. Les styles de gestion de conflits, de la résolution constructive à la simple conformité, influent directement sur la satisfaction relationnelle (Gottman and Levenson, 2002 ; Scheeren et al., 2014).
25La responsabilisation parentale. Ce concept se réfère à l’engagement actif des parents dans le bien-être, l’éducation, et le développement de leurs enfants (Pothet, 2015). Il implique une initiation du couple conjugal à l’importance de leur rôle parental, la reconnaissance de leurs compétences parentales afin de répondre aux besoins de leurs enfants (Pothet, 2015). Une telle approche peut renforcer les liens familiaux et améliorer la communication entre les membres de la famille (Moïsseeff, 2004). Des parents responsables et engagés peuvent mieux gérer les conflits et le stress parental, contribuant ainsi à atténuer les tensions familiales et à promouvoir des relations familiales positives (Pothet, 2015).
26La prise de décision conjointe. Une relation de couple réussie se réfère au processus collaboratif où les deux partenaires participent aux choix impactant leur vie commune (Kaufmann, 2007). Cette approche renforce la confiance, la compréhension mutuelle et la coopération au sein du couple favorisant l’écoute, le respect mutuel ainsi qu’une résolution de problèmes plus efficace (Clawson et al., 2008).
27Les modèles positifs. Ils représentent des comportements, des attitudes et des valeurs saines au sein d’une relation conjugale (Conférence des évêques catholiques des États-Unis, 2020). Ils servent d’inspiration et d’orientation aux couples, facilitant l’interaction constructive et épanouissante tout en prévenant les problèmes relationnels. En établissant de tels modèles, le couple peut instaurer un environnement familial de coopération et de respect mutuel. Adopter des modèles positifs passe par des routines et des limites claires, une expression émotionnelle saine, la responsabilité et l’autonomie, ce qui contribue à une approche à la fois préventive et promotionnelle d’une relation conjugale épanouissante (Radu-Lefebvre et Laviolette, 2011).
28Sur le plan pédagogique, le programme repose sur les principes de l’andragogie puisque la préparation au mariage s’adresse à une population adulte tout en tenant compte de modalités pratiques et de stratégies optimisant la motivation et l’engagement des couples.
29L’approche andragogique renforce la motivation des couples fiancés dans les programmes de préparation au mariage (Chiousse, 2001; Rachal, 2002). En favorisant la participation active des apprenants et en mettant l’accent sur l’autonomie et l’autodirection (Hachicha, 2006), cette méthode stimule la motivation intrinsèque des adultes (Keller, 1987). En participant à des activités interactives, en partageant leurs expériences et en engageant des discussions significatives, l’andragogie crée un environnement d’apprentissage stimulant, contribuant à l’acquisition de connaissances et de compétences, ainsi qu’à maintenir un haut niveau de motivation tout au long du processus (Hachicha, 2006).
30La principale difficulté recensée dans les programmes de préparation au mariage se rapporte au manque de motivation des couples participants, ce qui peut entraver leur participation à ces programmes conçus pour les soutenir. Pour surmonter ce défi, nous nous appuyons sur la théorie de l’autodétermination de Ryan et Deci (2000) ainsi que sur le modèle de Keller (1987). La motivation humaine, selon Ryan et Deci (2000), repose sur trois besoins psychologiques fondamentaux : autonomie, compétence et appartenance sociale, essentielles pour susciter la motivation intrinsèque. Le modèle de Keller (1987) complète cette compréhension avec les quatre composantes de la motivation humaine, à savoir l’Attention, la Pertinence, la Confiance et la Satisfaction (APCS).
31En combinant ces deux approches, nous pouvons concevoir un programme de préparation au mariage qui tient compte des besoins et des attentes individuels des couples participants. L’utilisation de stratégies andragogiques favorise l’attention en rendant le programme interactif et engageant. La pertinence est assurée en adaptant le contenu du programme aux besoins spécifiques de chaque couple. La confiance est renforcée en conférant aux couples un rôle actif dans leur apprentissage, les responsabilisant vis-à-vis de leur préparation au mariage. Enfin, la satisfaction est atteinte en veillant à ce que les couples réalisent leurs objectifs et perçoivent la valeur du programme.
32Notre recherche vise à formuler un programme générique de préparation au mariage, suscitant l’intérêt des couples et favorisant leur participation. Cette démarche s’inscrit dans une approche de recherche-développement inductive, basée sur un positionnement constructiviste (Harvey et Loiselle, 2009). La recherche-développement comprend l’analyse systématique du processus d’élaboration d’un objet, incluant la conception, la réalisation et les essais, en tenant compte des données collectées à chaque phase (Harvey et Loiselle, 2009).
33Cependant, notre recherche ne tendait pas initialement à réaliser et tester le programme conçu. Nous avons adopté l’analyse des besoins « souvent considérée comme la première étape dans le développement et de la planification d’un nouveau programme » (Massé, 2010 : 75) englobant l’évaluation des besoins et la conceptualisation.
34Notre approche constructiviste soutient que la connaissance émerge à travers les interactions sociales et culturelles, soulignant que la réalité sociale est interprétée par les individus et les groupes, influencée par des mécanismes sociaux spécifiques (Avenier, 2011; Baumard, 1997; Charreire et Huault, 2001). Ainsi, les besoins des couples expriment ces dynamiques et tout programme visant à les motiver devrait refléter leur vécu et leur subjectivité.
35L’Église maronite, la première à instaurer de tels programmes au Liban (Baaklini, 2014), a constitué notre contexte de recherche. Dans ce cadre, nous avons impliqué cinq centres de préparation au mariage affiliés à cette Église et situés dans des zones rurales et urbaines. Ces centres nous ont permis de contacter les responsables de la création et gestion des programmes ainsi que des couples bénéficiaires de trois profils : fiancés, récemment mariés, et en procédure de divorce.
36Ayant privilégié une approche qualitative inductive, le choix des centres ainsi que des participants a été effectué selon une méthode d’échantillonnage non probabiliste, basée sur le choix typique des participants (Massé, 2010). En raison de la difficulté de contacter les dix centres de préparation au mariage de cette Église, nous avons sélectionné cinq centres, dont trois parmi les plus anciens en zones urbaines et deux couvrant une vaste région montagneuse. Nous avons mené des entretiens avec six directeurs des programmes de préparation au mariage, l’un des centres étant dirigé par deux personnes. Cet échantillon comprend trois prêtres et trois laïcs, dont un homme et deux femmes.
37Quant à l’échantillon de couples, il a été formé sur la base de la participation volontaire en sollicitant des couples détenant des caractéristiques spécifiques, selon la méthode de choix typique. Ce choix a été principalement basé sur deux critères : leur implication dans une activité de préparation au mariage, qu’il s’agisse d’une formation en groupe ou en individuel et la diversification de leur expérience. Trois profils distincts ont été recherchés : 1) des couples récemment mariés (ayant entre 1 et 5 ans de mariage), 2) des couples en préparation au mariage participant à des sessions en cours dans les centres choisis, et 3) des ex-couples qui divorcent au cours des cinq premières années de leur mariage. Cette décision a été prise dans le but de permettre une comparaison de diverses expériences.
38L’échantillon des couples récemment mariés et fiancés a été constitué à partir d’une liste fournie par les responsables des centres, comprenant des couples répondant aux critères de sélection et ayant consenti à la divulgation de leurs coordonnées téléphoniques. Quant aux conjoints en instance de divorce, un échantillon de volontaires a été recruté en collaboration avec des avocats exerçant dans les tribunaux confessionnels, qui ont obtenu l’approbation de certains de leurs clients pour participer à la recherche. En raison de la nature confidentielle des données et de la sensibilité du sujet, la taille de cet échantillon a été limitée.
39Ainsi, nous avons pu rejoindre vingt-neuf couples de trois profils différents : 13 couples récemment mariés, 13 couples en cours de préparation au mariage et 3 anciens couples en cours de divorce au cours des premières années de leur mariage.
40L’approche empirique de cette recherche comprend deux phases : une première phase d’analyse des besoins et une deuxième phase axée sur l’élaboration du programme.
41L’analyse des besoins est une procédure systématique visant à comprendre les besoins, les aspirations et les attentes des personnes au sein d’une communauté ou d’un groupe particulier (Mayer et Ouellet, 1991). Le processus mis en œuvre durant cette phase a été planifié suivant plusieurs dimensions précisées par Massé (2010) comme indispensable pour ce genre de démarche. Après avoir défini les objectifs visés, déterminé la population cible et constitué l’échantillon, nous avons procédé à la collecte des données par le biais d’entretiens semi-dirigés auprès des responsables et des couples des trois profils susmentionnés.
42L’entrevue semi-dirigée est utilisée pour recueillir des informations scientifiques au moyen de la communication verbale (Massé, 2010). Cet instrument de collecte de données repose sur une interaction directe et personnelle avec les participants (Mayer et Ouellet, 1991). Elle se distingue par sa capacité à fournir à la fois des données objectives et subjectives, ce qui en fait une technique d’observation riche en informations (Massé, 2010).
43Dans le cadre d’une analyse des besoins, l’entrevue semi-dirigée est pertinente pour recueillir des informations sur des besoins précis sans accumuler des données disparates (Sylvain, 2000). Un guide d’entrevue, aligné sur les objectifs de l’étude, a été élaboré pour les quatre types de répondants. Ces guides couvrent l’analyse des bénéfices et des limites du programme suivi, les besoins liés à ces programmes, les compétences attendues et certains aspects opérationnels à considérer dans l’élaboration du programme générique visé. Une question finale portait sur le rôle spécifique du travailleur social dans ce type de programme. Chaque guide comportait des questions spécifiques supplémentaires pour chaque type de répondant. Les couples fiancés ont été interrogés sur leurs attentes concernant la formation dispensée. Pour les couples mariés, une question a porté sur la manière dont la préparation au mariage pourrait les aider à surmonter les défis conjugaux. Les conjoints en instance de divorce ont été questionnés sur la contribution éventuelle de la préparation au mariage dans la gestion des conflits conjugaux. Enfin, les responsables ont été interrogés sur les forces des programmes qu’ils gèrent et les stratégies pour renforcer la participation des couples à ces programmes.
44Toutes les entrevues ont été transcrites manuellement et soumises à une analyse de contenu qualitative (Mayer et Ouellet, 1991). Ce processus s’est articulé en cinq étapes : la transcription complète des entrevues, une lecture attentive et répétée du matériel, le codage, la précision des thèmes, sous-thèmes et indicateurs, ainsi que la présentation des résultats obtenus.
45L’étape de codage revêt une importance cruciale dans le processus d’analyse de contenu, car elle engage la quête de signification (Mayer et Ouellet, 1991). Nous avons opté pour un modèle mixte de catégorisation, englobant à la fois des catégories préétablies et la création de nouvelles catégories ou le remplacement de certaines en cours d’analyse. Dans ce contexte, nous avons veillé à respecter les cinq règles fondamentales en matière d’analyse de contenu, à savoir : l’exhaustivité, l’exclusivité, la pertinence, l’univocité et l’homogénéité (Mayer & Ouellet, 1991).
46Cette analyse a permis d’accumuler les données et de les structurer de manière à les rendre compréhensibles et exploitables donnant lieu à une description systématisée des résultats. En s’appuyant sur ces résultats et en référence au cadre d’analyse privilégié, une version initiale du programme générique de préparation au mariage à l’Église maronite au Liban a été formulée lors de cette première phase de la recherche.
47La phase 2 de la recherche consiste à finaliser le programme lors d’un forum communautaire interactif basé sur l’implication active des répondants. Cette phase porte sur la discussion des résultats de l’étude pour obtenir un consensus de support avec le plus grand nombre de participants possible (Massé, 2010; Mayer & Ouellet, 1991). Le forum remplit une triple fonction : recueillir des informations de qualité, réaliser un processus de réflexion autour d’une question précise et favoriser la participation de la communauté dans la recherche de solutions à des préoccupations sociétales (Tétreault et al., 2013).
48Le forum communautaire que nous avons organisé a été structuré en trois temps. Après un discours d’accueil présentant les objectifs de la démarche et incitant à la participation active, les résultats de l’analyse des besoins ont été restitués, mettant en lumière les besoins et attentes des couples. Ensuite, la version initiale du programme formulée à l’issue de la phase 1 a été exposée, comprenant des sections quasi finalisées et des sections à développer.
49Le deuxième temps a consisté en des ateliers de travail en petits groupes. Les participants ont été invités à débattre des différentes sections de la version initiale présentée pour valider celles jugées complètes, apporter des ajouts ou modifications là où nécessaire, et élaborer les sections manquantes. Chaque groupe a désigné un représentant pour rapporter les points clés des discussions lors de la séance plénière.
50La plénière, troisième et dernier temps du forum, a impliqué une présentation des travaux des groupes suivie d’une prise de décision collective évaluant l’importance de chaque proposition selon une échelle de 0 (peu important) à 2 (très important). Les propositions les mieux notées ont été retenues pour l’élaboration de la version finale du programme générique résultant de cette démarche de recherche.
51Cette recherche a reçu l’approbation du comité d’éthique de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth le 10 juin 2019. Les considérations éthiques inhérentes à la recherche scientifique ont été rigoureusement respectées tout au long des deux phases.
52Tous les participants ont consenti librement et de manière éclairée à participer à la recherche et ont permis l’enregistrement des données aux deux étapes, sur la base d’un formulaire d’information et de consentement. Ce document explicite clairement leur liberté de choix pour participer, se désister à tout moment ou s’impliquer partiellement selon leur préférence. Il réaffirme également les objectifs de la recherche, explique les mesures assurant la confidentialité et le respect de l’anonymat des participants. De plus, il garantit que seule la chercheuse aurait accès aux enregistrements, lesquels seraient détruits après transcription.
53Le forum communautaire a fidèlement respecté les principes éthiques recommandés par Dikert et Sugarman (2005), en protégeant les participants et en partageant la responsabilité de la recherche. Il a encouragé l’expression des opinions de tous, tout en exposant les avantages de la participation.
54Nous avons adopté une position neutre dans cette recherche, sans conflit d’intérêts ni affiliation à l’Église catholique ni à des institutions ou organisations susceptibles d’influencer les résultats. Nous avons maintenu un équilibre rigoureux entre objectivité et rigueur scientifique, garantissant l’intégrité des données sans manipulation.
55L’analyse des données de la phase 1 a permis de mettre en lumière trois thèmes principaux des résultats obtenus : la conviction profonde de la pertinence de la préparation au mariage, l’état des lieux des programmes actuels, leurs défis et la nécessité d’une révision, ainsi que les besoins spécifiques des couples. Ces résultats sont illustrés par des verbatims, soutenus par des abréviations pour alléger le texte : les responsables des centres sont abrégés en « Res. », les couples fiancés en « CF », les couples nouvellement mariés en « CM » et les conjoints en instance de divorce en « CD ».
56Les couples interviewés des trois profils semblent avoir une forte croyance en la nécessité de cette démarche préalable au mariage. La préparation au mariage est perçue comme un élément essentiel pour le succès et la stabilité des unions matrimoniales. Cette activité éducative parait étroitement liée aux traditions familiales et religieuses de la communauté maronite libanaise et symbolise la fin du célibat en concrétisant le rapprochement du mariage.
« Pour nous, c’était ipso facto […] nous sommes engagées à l’Église, c’est normal pour nous de participer et c’est un plus. » CF
« Nous préparons pour pouvoir consolider toutes les étapes de notre chemin ensemble et passer des fiançailles au mariage. » CF
57Selon les responsables, à l’issue de l’expérience, la formation desservie s’avère être positivement appréciée par certains participants dénotant ainsi une évolution par rapport au manque de motivation éprouvé au préalable. Même pour les couples qui se montrent initialement résistants et confiants en leurs propres capacités, leur positionnement évolue au cours de l’expérience. Un état de motivation émerge au fur et à mesure de leur parcours, marqué par une reconnaissance croissante des compétences et des connaissances acquises lors de la formation de préparation au mariage.
« Après tout, j’ai été surpris, car cela s’est avéré être le contraire de ce que je croyais. » CF
« Ils finissent par changer d’avis, par apprécier la préparation et leurs commentaires sont très positifs. » Res.
58La préparation au mariage est obligatoire pour les fiancés catholiques au Liban, donnant lieu à une attestation de participation nécessaire pour le dossier administratif du mariage. Les programmes actuels des centres participants sont gérés par des responsables pastoraux ou par des laïcs. Chaque centre conçoit son programme en alignement avec le programme type élaboré en 2005 par la commission épiscopale pour les affaires de la famille et de la vie, tout en l’adaptant en fonction des ressources disponibles. Les formations dispensées incluent une variété de thèmes qui peuvent sensiblement varier d’un centre à l’autre. Ces thèmes portent sur la psychologie du couple, la sexologie, l’engagement spirituel, les législations du mariage catholique, la gestion financière, les défis de la première année de mariage, la communication, la prière et les valeurs familiales chrétiennes.
« Les avantages du programme sont qu’il offre des informations aux fiancés pour qu’ils puissent comprendre leur vie future au niveau spirituel, physique, social et au niveau de leur communication ensemble. » Res.
59Les responsables des centres expriment une satisfaction générale quant au contenu actuel malgré des ressources financières et humaines limitées. Cependant, ils évoquent à l’unanimité un manque de motivation des couples, qu’ils considèrent comme la principale limite de la préparation au mariage.
« Certaines personnes viennent parce qu’elles sont obligées de le faire. » Res.
« Beaucoup de couples pensent tout connaitre. » Res.
60Seule une minorité des couples interviewés montre un réel intérêt pour la préparation au mariage dans sa forme actuelle. Ces couples estiment que cette activité éducative renforce leurs capacités à affronter les défis du mariage et consolide leur appartenance à l’Église. En revanche, de nombreux couples déplorent l’insuffisante adaptation des programmes actuels à leurs besoins évolutifs, leur reprochant un manque d’innovation et de créativité. Ils perçoivent ces initiatives obligatoires comme des sources d’information élémentaire sans impact significatif sur leur future relation conjugale.
« Ça ressemblait plutôt à une visite mondaine, une conversation à la marge, c’est-à-dire nous ne sommes pas rentrés dans les détails […]. Nous n’avons pas beaucoup participé d’ailleurs, il n’y avait pas d’occasions pour le faire. » CF
« Je pense que l’Église et la préparation sont figées dans une certaine époque, n’évoluent pas. » CM
61Par ailleurs, ces couples pensent que pour attirer la nouvelle génération et les motiver à participer aux formations de préparation au mariage, il est crucial de moderniser et de promouvoir ces programmes de manière attractive. En mettant en avant les bénéfices concrets, les couples seront plus en mesure de saisir l’importance de cette préparation, ce qui peut ainsi susciter leur intérêt accru.
« Les formations ont besoin de marketing pour les rapprocher de la nouvelle génération, la rendant motivée à y participer. » CF
« Rappeler aux couples l’importance de cette préparation au mariage. » CF
62Les résultats indiquent clairement que l’aspect promotionnel initialement stipulé dans la vision de l’Église n’est pas concrètement présent dans les formations. Ces résultats mettent davantage l’accent sur l’aspect préventif. Ce dernier, ainsi que sa contribution à la consolidation de la relation des couples avec leur Église, est élucidé dans les propos des responsables et des couples interrogés. Quant à l’aspect promotionnel, il n’apparaît pas de manière évidente dans leurs discours. Cette vision limitante de la préparation au mariage comme approche préventive des problèmes conjugaux pourrait aider à comprendre le manque de motivation des couples à y participer.
« La préparation au mariage contribue essentiellement à réduire les problèmes et le couple sera capable d’agir avec souplesse dans sa relation conjugale. » Res.
63En somme, toutes les parties prenantes, responsables du programme ou couples, s’accordent de manière unanime pour affirmer que les programmes actuels ne répondent pas pleinement aux défis et enjeux contemporains auxquels les couples sont confrontés. Par conséquent, elles considèrent qu’une révision de ce genre de programme s’avère impérative, dans le but de mieux aligner l’acquisition des compétences préalables au mariage avec les expériences concrètes vécues par les couples. Cette approche vise à encourager activement leur implication dans le processus de préparation au mariage.
« La préparation au mariage a besoin d’être recyclée, tout doit être amélioré : des conférences, aux intervenants. » CD
« En fait, c’était difficile pour eux et avec eux parfois à cause du manque de temps, de la rapidité […] ou d’une mauvaise gestion adéquate du temps. » Res.
64De nombreux défis et obstacles entravent la mise en œuvre de ces programmes, soutenant la nécessité de les réviser. Un premier défi découle de lacunes dans le contenu transmis, compromettant la réalisation des objectifs. Il est également question de problèmes de gestion interne liés au manque d’information préalable communiquée aux couples concernant l’utilité de ce type de formation, le contenu proposé et les modalités prévues. Ce manque d’information est principalement dû à une certaine lacune dans l’approche des prêtres paroissiaux, premiers interlocuteurs des couples chargés de les orienter vers ces programmes.
« Franchement, tout ce qui est dit n’est pas nouveau pour moi et je le connais déjà. » CM
« Le prêtre nous a raconté peu de choses, mais c’était insuffisant. Nous sommes allés à l’aveugle sans informations préalables. » CM
« Nous avons essayé d’expliquer aux prêtres paroissiaux l’importance de leur rôle de référents pour les couples, mais un grand nombre d’entre eux n’est pas convaincu de l’importance de la préparation au mariage. » Res.
65Les besoins exprimés par les couples répondants, de différents profils, ciblent des sujets que la préparation au mariage gagnerait à traiter, à savoir le discernement libre et la connaissance mutuelle, l’adaptation à la vie conjugale, la consolidation de la relation conjugale, la socialisation du couple et la préparation à la parentalité.
66Favoriser un discernement libre et une connaissance mutuelle. Les couples considèrent le mariage comme une étape cruciale, demandant une réflexion approfondie et une prise de responsabilité significative. Ils aspirent à être soutenus par la préparation au mariage afin de mieux connaitre leur partenaire et d’évaluer leur compatibilité, favorisant ainsi une décision éclairée avant de s’engager dans le mariage.
« Se marier est la décision la plus importante qu’une personne puisse prendre. » CF
« Ce n’est pas facile d’être marié, il y a beaucoup de responsabilités envers la famille, les enfants et je ne pense pas que c’est une décision facile. Les fiancés ont besoin de mieux se connaitre sous le regard des spécialistes. » CF
67S’adapter à la vie conjugale. Les couples reconnaissent que le mariage nécessite une adaptation constante à de nouvelles situations. Ils expriment le besoin de développer des habiletés d’adaptation, notamment en ce qui concerne la gestion du budget familial, la répartition des tâches domestiques, l’adaptation au changement et la gestion des conflits.
« Quand ils seront sous un même toit, ils découvrent qu’il y a beaucoup de responsabilités, de changements […] on ne le réalise pas avant, à la préparation au mariage, il faut qu’ils comprennent que ce qui les attend diffère de ce qu’ils vivent durant les fiançailles. » CD
68Consolider la construction d’une relation conjugale autonome. Les couples considèrent l’amour comme un atout pour surmonter les difficultés de la vie conjugale. Ils soulignent l’importance de discuter des fondements de la relation, notamment la confiance, l’engagement, la compréhension, l’acceptation des différends, le partage, la liberté d’expression et l’empathie. Ils estiment qu’il est incontournable de se libérer des préjugés et des connaissances erronées pour consolider la relation conjugale.
« Nous espérons recevoir de l’aide pour édifier notre relation en nous appuyant sur des valeurs essentielles telles que la confiance et l’engagement. » CF
69Socialiser et se faire des amis. Les couples répondants ressentent le besoin de développer des liens sociaux en dehors de leur relation de couple. Ils disent chercher à s’intégrer aux règles de vie de leur société en établissant des liens avec leur famille et leurs amis. Ils expriment le désir de rencontrer d’autres couples dans le cadre de la préparation au mariage pour partager leurs expériences, leurs inquiétudes et leurs défis. Cela leur permet de se sentir plus sûrs dans leurs propres choix et décisions.
« Il serait bénéfique de pouvoir rencontrer d’autres couples […] nous passons la plupart de notre temps ensemble, nous sortons peu, nous avons peu d’amis et nous ne savons pas à qui nous adresser en cas de difficulté. » CF
70Se préparer à la parentalité. Les couples répondants fiancés et nouvellement mariés se voient comme de futurs parents et disent ressentir de l’anxiété et du stress face aux responsabilités liées à l’éducation des enfants. Ils expriment le besoin de se préparer à la parentalité afin de normaliser ces nouvelles responsabilités et de trouver des solutions adaptées.
« Il est nécessaire d’aborder la question de l’éducation des enfants et de notre rôle en tant que parents même si c’est un peu tôt, c’est toujours une préoccupation cruciale. » CF
71Les besoins des couples ont été essentiels dans la conception du programme générique de préparation au mariage, permettant d’identifier les domaines nécessitant guidance et préparation pour construire des relations solides et épanouissantes. Basé sur une approche par compétence, le programme développe des compétences pratiques et des connaissances appliquées, favorisant le développement personnel et conjugal. Il accompagne les couples dans la découverte réciproque, le discernement de leur choix, la réflexion sur leur projet de vie commune et la construction d’une relation épanouissante, tout en promouvant la croissance individuelle et l’engagement mutuel des futurs mariés.
72Ce programme est à visée préventive et promotionnelle se déclinant dans des objectifs stratégiques. Dans cette perspective, le programme aspire à cultiver des compétences fondamentales telles que la prise de décision éclairée, le maintien d’une relation intime et gratifiante, la communication ouverte et constructive, la gestion efficace des conflits ainsi que la responsabilité parentale.
73Les compétences visées par le programme sont interdépendantes en ce qui a trait aux deux dimensions préventive et promotionnelle. Le tableau suivant présente le cadre logique proposé. Les propositions concernant les éléments de contenu sont de nature générique et non exhaustives, servant davantage d’illustrations.
Compétences visées
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Visée préventive
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Visée promotionnelle
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Concepts de base
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Résultats d’apprentissage
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Éléments du contenu
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Prendre une décision éclairée du mariage
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Comprendre les motivations personnelles sous-jacentes au mariage.
Analyser les compatibilités entre ses caractéristiques et celles du partenaire potentiel.
Renforcer la confiance en soi et la confiance mutuelle.
Évaluer la décision du mariage en termes de changements possibles.
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Discuter de manière ouverte et honnête.
Prendre des décisions éclairées et mutuellement satisfaisantes.
Établir des objectifs communs et travailler ensemble pour les atteindre.
Prendre en compte les conséquences financières et légales du mariage.
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La conjugalité
La communication
La prise de décision conjointe
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Décider de former un couple solide et durable, basé sur une connaissance mutuelle respectueuse de l’unicité de chacun et basé sur le respect, la confiance, la compréhension et l’amour.
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Processus de prise de décision.
Théorie des transitions.
Confiance et estime de soi.
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Développer et maintenir une relation de couple intime et satisfaisante sur le plan relationnel, émotionnel et sexuel
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Cultiver la passion et l’engagement mutuel.
Maintenir une communication ouverte et honnête permettant de comprendre et négocier les besoins et les désirs en matière de sexualité.
Gérer les finances ensemble de manière efficace et responsable.
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Reconnaître et apprécier les aspects positifs de la relation conjugale.
Maintenir une relation affectueuse et attentionnée avec son partenaire.
Préserver des limites claires et saines dans la relation.
Entretenir la romance et le plaisir dans la relation.
Connaître et décider d’utiliser des méthodes de contraception convenables aux deux membres du couple.
Gérer les transitions de vie ensemble : changements d’emploi, naissances et pertes.
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La conjugalité
La satisfaction conjugale
La satisfaction sexuelle
La communication
La gestion des conflits
La qualité de l’amour conjugal
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Nourrir une relation amoureuse saine et durable et renforcer l’affection et la complicité entre les partenaires.
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Éducation sexuelle.
Psychologie du couple.
Théorie des systèmes.
Théorie de la communication.
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Établir une communication interpersonnelle ouverte, honnête et constructive
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Être à l’écoute de ses besoins et sentiments.
Être à l’écoute de l’autre, de ses besoins et de ses sentiments.
Comprendre les différences individuelles et les styles de communication.
Renforcer sa capacité à communiquer de manière ouverte, honnête et constructive.
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Exprimer clairement ses propres besoins et sentiments.
Permettre à l’autre d’exprimer clairement ses propres besoins et sentiments.
S’entendre sur une répartition équitable de ses tâches et responsabilités.
Créer un environnement familial positif.
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La conjugalité
La communication
La construction de l’intimité émotionnelle
La qualité de l’amour conjugal
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Construire des limites claires pour préserver leur relation de couple des interférences externes.
Communiquer ensemble d’une façon ouverte, honnête et constructive.
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Théorie de communication.
Analyse transactionnelle.
Dynamique de la relation conjugale.
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Identifier, gérer et résoudre les conflits de manière efficace et constructive
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Identifier précocement les sources des conflits et des problèmes et les analyser de manière objective.
Gérer sa colère et celle de l’autre.
Gérer les émotions négatives de manière constructive.
Développer ses habiletés à gérer les malentendus et les conflits.
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S’offrir un soutien mutuel.
Gérer les tâches quotidiennes de manière équitable et collaborative.
Partager équitablement la responsabilité de la gestion financière et des soins apportés aux enfants.
Prendre les décisions importantes en concertation.
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La communication
La gestion des conflits
La qualité de l’amour conjugal
La recherche de soutien en cas de difficulté
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Gérer les conflits et les différends selon une approche gagnant-gagnant.
Occulter complètement la violence et les comportements destructeurs.
Communiquer de manière efficace et maintenir une relation stable et harmonieuse.
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Affirmation de soi positive au sein du couple.
Processus de résolution des conflits.
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Se familiariser à la notion de parentalité efficace
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Décision éclairée de devenir parent et son importance.
Reconnaître le changement apporté par la présence d’un enfant.
Comprendre l’altérité des rôles parentaux.
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S’initier au partage actif et équilibré des responsabilités.
Renforcer leur intimité émotionnelle et sexuelle durant la grossesse et avec la présence de l’enfant.
Préserver une relation conjugale distincte.
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La communication
La construction de l’intimité émotionnelle
La responsabilisation parentale
Les modèles positifs
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Comprendre et trouver les moyens pour s’adapter aux changements occasionnés par la parentalité éventuelle.
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Contraception.
Théorie des systèmes.
Adaptation au changement.
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74Ce programme de préparation au mariage privilégie des rencontres de groupe pour favoriser l’apprentissage actif, l’échange d’idées et le développement de compétences sociales. Cependant, il reconnaît que les approches individuelles sont préférées par certains apprenants adultes. Il suggère une variété de modalités d’apprentissage, y compris une formation individuelle avec le même contenu que la formation de groupe. Les rencontres de groupe peuvent être au nombre de six, s’étendent sur une période de six semaines, chacune d’une durée de trois heures. Les couples intéressés ont la possibilité d’approfondir en privé des thèmes spécifiques bénéficiant ainsi de l’encadrement d’un professionnel expert dans le domaine choisi.
75L’approche pédagogique privilégiée adopte une orientation participative et interactive, mettant l’accent sur le développement des compétences des couples. Cette approche intègre les principes de l’andragogie et s’aligne sur la motivation, visant à répondre de manière optimale aux besoins des couples tout en maximisant leur engagement actif. Elle se distingue par une formation à la fois simple, théorique, appuyée sur des données probantes et ancrée dans la pratique. Les activités proposées ont pour dessein de susciter la réflexion et le partage entre les couples, les encourageant à participer activement, à partager leurs expériences et à poser des questions aux formateurs.
76Cette approche pédagogique puise dans l’andragogie des stratégies interactives et motivationnelles pour la transmission des compétences. Elle met particulièrement l’accent sur la collaboration entre les couples fiancés et les formateurs, ainsi que sur l’interaction mutuelle entre les participants. Ces stratégies sont destinées à motiver les couples à apprendre et à maintenir leur intérêt pour le processus d’apprentissage. Elles peuvent inclure des éléments tels que la rétroaction positive, la reconnaissance des efforts et des réalisations, la création d’un environnement d’apprentissage positif et de soutien, ainsi que l’utilisation de techniques de communication claires et engageantes.
77Les stratégies privilégiées pour la transmission des compétences sont la simulation, la pratique et l’apprentissage par l’expérience, ce qui incite les fiancés à une participation active et à des interactions mutuelles. Ces approches engagent les couples dans des mises en situation, des jeux de rôle et des exercices pratiques, afin de renforcer leurs aptitudes en communication, résolution de conflits et gestion des émotions. Le recours à des méthodes interactives, la présentation de témoignages de vie, un curriculum imprimé des thématiques abordées et un soutien continu tout au long du processus de préparation au mariage sont intégrés à cette démarche.
78Le programme de préparation au mariage doit être régulièrement révisé pour maintenir sa pertinence et son efficacité, en se basant sur les évaluations et les retours des participants. Ces révisions sont conduites par une équipe compétente qui analyse minutieusement les points forts et les faiblesses du programme. Cette équipe propose ensuite des améliorations aux compétences visées, aux contenus, aux méthodes pédagogiques et à la gestion du programme afin d’optimiser l’expérience des couples.
79L’évaluation est structurée selon trois modalités : 1) une évaluation formative et sommative de chaque session de formation, évaluant à la fois le contenu enseigné et les méthodes pédagogiques utilisées ; 2) une évaluation annuelle globale du programme, se concentrant sur l’atteinte des objectifs fixés, la gestion du programme et les stratégies de marketing mises en œuvre pour attirer les participants ; 3) une évaluation triennale pour assurer l’adaptabilité constante du programme aux défis contemporains et aux nouvelles opportunités dans le domaine.
80L’évaluation annuelle et l’évaluation triennale peuvent être effectuées par le biais d’une analyse SWOT détaillée, identifiant les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces du programme. Des indicateurs clés de performance peuvent également être utilisés pour mesurer la satisfaction et la motivation des participants, ainsi que l’efficacité des formateurs et l’adaptabilité du programme aux besoins changeants.
81Les évolutions du mariage au Moyen-Orient, en particulier au Liban, sont incontestablement influencées par les conceptions des sociétés industrialisées, tout en maintenant le mariage comme norme prédominante, ancrée dans les notions d’alliance et de descendance (Drieskens, 2008). Au sein de l’Église catholique, le mariage est considéré comme un sacrement, engageant les époux dans une relation d’amour et de fidélité indissoluble (Aubert, 1982). La préparation au mariage au Liban revêt une grande importance, abordant diverses dimensions psychologiques, physiologiques, spirituelles et humaines pour faciliter la transition du « je » au « nous » et le développement des compétences relationnelles (Baaklini, 2014).
82Néanmoins, cette activité éducative est confrontée à des défis tels que l’adaptation aux besoins contemporains des couples, la disponibilité des ressources et la formation des accompagnateurs. Certains couples témoignent d’un désintérêt pour cette préparation, cherchant à l’esquiver ou à obtenir une dispense. Par conséquent, il était impératif de concevoir un programme générique de préparation au mariage impliquant les couples et se proposant de répondre à leurs besoins tout en permettant une adaptation aux divers acteurs concernés. Nous avons entrepris cette démarche dans le cadre d’une thèse de doctorat en travail social. Dans ce but, nous avons privilégié une approche participative dans l’élaboration d’un programme générique de préparation au mariage basé sur la participation de tous les acteurs, afin de favoriser une meilleure adhésion des couples.
83Ce programme vise deux objectifs fondamentaux : la prévention et la promotion. Dans une visée préventive, il habilite les couples à discerner les potentialités de conflits avant qu’ils ne prennent des proportions majeures, afin de promouvoir une résolution proactive et la prévention de tensions ultérieures. Il prépare également les couples aux différents défis de la vie conjugale, tels que la gestion quotidienne, les choix financiers, la résolution des conflits et la communication efficace. Du côté promotionnel, ce programme se propose de contribuer au renforcement de la relation conjugale en améliorant la compréhension mutuelle, en encourageant une communication sincère et ouverte, en développant des compétences de résolution de problèmes et en fournissant des stratégies pour soutenir l’engagement et la motivation sur le long terme.
84Dans cette optique, une attention particulière est accordée à la phase post-mariage, avec des sessions de consolidation des acquis pour les couples nouvellement mariés. Deux options sont proposées : des groupes d’accompagnement mensuels animés par des formateurs professionnels et des couples mariés, offrant un espace de partage adapté aux différentes étapes de la vie conjugale, et un accompagnement individuel sur demande par des experts du domaine psychosocial (travailleur social, conseiller conjugal, psychologue) et spirituel (aumônier).
85En parallèle au cadre logique et des modalités pédagogiques privilégiées qui ont été développées dans cet article, le programme de préparation au mariage généré par cette thèse établit une structure de base pour la préparation au mariage comprenant des procédures d’accueil, d’inscription, de suivi et d’évaluation. Cette structure, par nature flexible, peut être ajustée pour répondre de manière spécifique aux besoins des couples engagés dans des activités éducatives similaires au sein de différentes institutions. De plus, le programme intègre des stratégies de motivation stimulant l’engagement actif des couples participants et renforçant ainsi leur responsabilité envers la réussite de leur union conjugale.
86La révision régulière du programme est essentielle afin de préserver sa pertinence et son efficacité. Les résultats des évaluations et les retours des participants servent de base pour identifier ses forces et ses faiblesses. Ce processus de révision continue vise à s’ajuster aux besoins évolutifs des couples. Un cycle de révision triennal du programme peut être envisagé pour assurer son adaptabilité constante.