Navigation – Plan du site

AccueilNuméros46Hors thèmeEndettement et parentalité intens...

Hors thème

Endettement et parentalité intensive : les difficultés de remboursement chez les parents du Québec 

Debt and Intensive Parenting: Difficulties in Paying Off Debts among Parents in Quebec
Deuda y parentalidad intensiva: dificultades de reembolso entre los padres quebequenses
Maude Pugliese et Magalie Quintal-Marineau

Résumés

Cadre de recherche : Bien que l’endettement puisse favoriser l’ascension socioéconomique des familles, par exemple en facilitant l’achat d’une résidence, il peut aussi mener au surendettement, engendrant du stress, de l’isolement social et de la précarité. Dans ce contexte, de nombreuses études cherchent à comprendre les sources d’endettement et à identifier les ménages les plus vulnérables au surendettement, mais peu se sont penché sur l’effet d’avoir des enfants à charge.

Objectifs : Nous analysons la situation d’endettement des parents par rapport à celle des personnes qui n’ont pas (ou plus) d’enfants à charge au Québec. En nous appuyant sur les recherches sur la parentalité intensive, nous développons l’argument que les parents sont nombreux à recourir au crédit pour répondre aux besoins de leurs enfants, engendrant chez eux des niveaux d’endettement et un risque plus élevé de surendettement par rapport aux personnes sans enfants.

Méthodologie : Nous utilisons les données de l’Enquête sur l’endettement des ménages québécois, menée en janvier et février 2022 (N : 4 433). Grâce à des régressions logistiques, linéaires et ordinales, nous comparons la probabilité d’avoir des dettes, les montants dus, l’expérience de difficultés de remboursement des dettes et le stress qu’elles engendrent chez les parents et les personnes qui n’ont pas d’enfant à charge.

Résultats : Cette étude révèle que les parents sont plus susceptibles d’être endettés que les personnes qui n’ont pas d’enfants à charge. Ils rencontrent plus de difficultés à rembourser leurs dettes et éprouvent davantage de stress à leur égard que les personnes sans enfants, particulièrement s’ils sont seuls ou remis en couple. Près de 20 % des parents identifie les dépenses liées à l’épanouissement de leurs enfants comme une raison de dettes.

Conclusions : Les parents sont substantiellement plus endettés et plus à risque de surendettement que les personnes sans enfants à charge. Nous relions ce phénomène à la montée d’une norme de parentalité intensive qui exige des parents, particulièrement des mères, des niveaux sans précédents d’engagement dans le développement de leurs enfants.

Contribution : Cette étude comble un vide en examinant l’endettement des parents. Elle met en évidence les défis particuliers auxquels sont confrontés les parents endettés. Elle révèle que même dans un contexte où les politiques publiques soutiennent les familles, les difficultés financières persistent.

Haut de page

Texte intégral

Introduction

1La dette des ménages s’est accrue dramatiquement dans les dernières décennies dans de nombreux pays, dont le Canada (Lizotte, 2017 ; Rona-Tas et Guseva, 2018). Si l’endettement peut constituer un levier d’avancement socio-économique (Lizotte, 2017 ; Dwyer, 2018), notamment quand il facilite l’achat d’une propriété, il devient difficile dans certains cas à soutenir, les échéances de remboursement étant trop lourdes et atteignables qu’au prix de sacrifices de plus en plus dommageables à la qualité de vie. Pour certains auteurs, il s’agit d’un état de surendettement et les dettes représentent dans cette situation une source de stress pouvant mener à l’isolement social (Pérez-Roa, 2014 ; Henchoz et al., 2021 ; Hiilamo, 2021). De plus, les éventuels défauts de paiement sur les dettes approfondissent la précarité puisque les dossiers de crédit sont souvent considérés dans la sélection des locataires et des employés (Thorne et Anderson, 2006 ; Maroto, 2012).

2En lien avec ces réalités, un corpus croissant d’écrits scientifiques investigue le phénomène de l’endettement et la prévalence du surendettement, particulièrement en vue d’en comprendre les facteurs sous-jacents et d’identifier les ménages les plus à risque de faire face à cette problématique (Lazarus et Morival, 2016). Nous contribuons à ce champ de recherche en posant les questions suivantes : quelle est la situation d’endettement des parents et comment se compare-t-elle à celle des personnes qui n’ont pas (ou plus) d’enfants à charge à la maison ? De nombreuses recherches font état d’une norme de « parentalité intensive » dans les sociétés occidentales contemporaines (notamment Hays, 1996). Il s’agit d’un modèle culturel incontournable préconisant des investissements importants en temps et en argent dans l’éducation des enfants au sein duquel l’ensemble des parents négocient leurs propres pratiques. Dans ce contexte, nous formulons l’hypothèse que plusieurs d’entre eux recourent au crédit pour atteindre cet idéal. Pour cette raison, ils sont plus susceptibles d’avoir un niveau de dettes élevé, particulièrement de dettes à la consommation et hypothécaires, et d’éprouver des difficultés à les rembourser comparativement aux personnes sans enfants à charge, surtout s’ils ne sont pas en couple avec l’autre parent de leurs enfants. Nous examinons ces propositions à l’aide des données de l’Enquête sur l’endettement des ménages québécois, qui fût réalisée auprès d’un échantillon de 4 816 adultes résidant au Québec en 2022. Dans cet article, nous passerons d’abord en revue la recherche existante sur les causes d’endettement et de surendettement. Ensuite, nous nous appuierons sur les études sur la parentalité intensive pour dériver des hypothèses concernant la situation d’endettement et de surendettement des parents d’enfants à charge selon leur situation conjugale. Nous terminerons en présentant et en discutant notre méthodologie et nos résultats.

Contexte

État des lieux de la recherche sur l’endettement et le surendettement

3Au Canada, la dette des ménages est passée d’environ 90 % du revenu disponible à près de 180 % entre 1990 et 2019 (Société canadienne d’hypothèque et de logement, 2020), faisant écho à une augmentation de l’endettement observée dans plusieurs autres pays occidentaux (Rona-Tas et Guseva, 2018 ; Wiedemann, 2021). Qu’est-ce qui explique une telle croissance et pourquoi certains ménages rencontrent-ils éventuellement des difficultés de remboursement de leurs dettes ? Plusieurs auteurs mettent en exergue le développement rapide de l’offre de crédit aux particuliers, notamment par la création de nouveaux produits (marges de crédit, prêts en ligne, etc.) et une plus grande inclusion financière de groupes minorisés, dont les personnes à faible revenu et celles qui sont racisées (Duhaime, 2003 ; Krippner, 2012 ; Rona-Tas et Guseva, 2018 ; Wherry et al., 2019 ; Robinson, 2020 ; Wiedemann, 2023). D’autres auteurs indiquent qu’à une offre plus abondante de produits de crédit, s’ajoute une demande accrue des individus et des familles pour ces derniers. Dans les pays occidentaux, le motif de dettes le plus courant est l’achat d’une résidence, la dette hypothécaire constituant au Canada plus de la moitié de la dette totale des ménages (Société canadienne d’hypothèque et de logement, 2020). Ce type de dette s’est fortement accru au cours des dernières années dans un contexte d’augmentation des coûts d’habitation des ménages (Société canadienne d’hypothèque et de logement, 2020). La dette hypothécaire n’est pas typiquement associée à un haut niveau de difficulté de remboursement ou de stress à l’égard des dettes, puisqu’elle est liée à des taux d’intérêt relativement bas et à la possession d’un actif collatéral important (Dwyer et al., 2016). Or, cette situation semble changer des suites de l’augmentation rapide des taux d’intérêt depuis 2022 et de l’appréciation du coût de l’habitation depuis plusieurs années (Pugliese et al., 2023). Le financement des études postsecondaires constitue une autre source de dette importante et en croissance depuis les dernières années en raison notamment de la hausse des frais de scolarité (Houle, 2014 ; Zaloom, 2019 ; Galarneau et Gibson, 2020 ; Fiset et Pugliese, 2021). À l’instar de la dette hypothécaire, les dettes d’études n’ont traditionnellement pas été associées à un haut risque de difficultés de remboursement. Ce risque est toutefois en augmentation puisque les revenus d’emploi des jeunes diplômés suffisent de moins en moins au remboursement de leurs dettes (Pérez-Roa, 2018).

4Les dettes à la consommation sont aussi en hausse importante en Amérique du Nord et dans plusieurs autres régions du monde (Board of Governors of the Federal Reserve System, 2024). Elles comprennent les dettes par carte de crédit, les marges de crédit hypothécaires et les prêts de la finance alternative (non bancaire) affichant de taux d’intérêt très élevés, comme les prêts sur salaire ou les prêts personnels en ligne (Chang et al., 2016). En lien avec leur coût plus élevé, ces dettes sont fortement associées aux difficultés de remboursement, aux défauts de paiement et à la faillite (Duhaime, 2003). Pour expliquer le recours croissant à ce type de crédits et les situations de surendettement qui s’en suivent souvent, plusieurs auteurs mettent en évidence que la diffusion rapide des crédits à la consommation s’est effectuée sans éducation financière ou protection adéquates des consommateurs. Ils sont susceptibles de trop s’endetter par rapport à leur revenu et d’éventuellement faire face à des difficultés de remboursement (Duhaime, 2003 ; Gathergood, 2012 ; Lusardi et Tufano, 2015 ; Lazarus, 2022). D’autres études avancent plutôt que le crédit à la consommation est une solution de dernier recours en cas de difficultés financières. Cette solution est de plus en plus inévitable alors que les inégalités et la précarité s’amplifient et que le filet social s’effrite (Houle et Berger, 2017 ; Leandro et Botelho, 2022 ; Wiedemann, 2023).

5Quelques auteurs soulignent que le crédit à la consommation est couramment mobilisé par les individus pour faire face à leurs propres difficultés financières, ainsi que pour venir en aide à leurs proches, notamment leurs enfants adultes, afin de leur permettre de poursuivre leurs études ou d’acheter une résidence (Wherry et al., 2019 ; Zaloom, 2019 ; Pugliese et al., 2021a). Ces études soulèvent que les normes de solidarité familiale, combinées à la réduction des mesures publiques de protection sociale, poussent les individus à utiliser tous les moyens à leur disposition, incluant le crédit, pour soutenir les membres de leurs réseaux. Dans ce qui suit, nous alimentons ce champ de recherche reliant l’endettement et le surendettement aux normes d’obligations familiales en avançant que l’idéal de parentalité intensive incite les parents ayant présentement des enfants à charge à s’endetter fortement pour assurer le bien-être de leur progéniture. Ils sont donc plus susceptibles d’éprouver des difficultés à rembourser leurs dettes et de traverser des épisodes de stress en lien avec leur situation financière.

Parentalité intensive : définition et bref historique d’une nouvelle norme parentale

6Il est bien documenté que le temps et l’argent dédié aux enfants par les parents se sont accrus au cours des dernières décennies (Kornrich et Furstenberg, 2013 ; Bandelj et Grigoryeva, 2021). Cette tendance observée dans de nombreuses régions, notamment au Québec, illustre que le rôle des parents s’est complexifié et intensifié, nécessitant désormais un haut niveau d’engagement de leur part (Lalancette et Germain, 2018 ; Faircloth, 2021). Dans son ouvrage séminal, Hays (1996) démontre que ces mutations sont d’abord associées à un impératif social enjoignant les mères à se consacrer pleinement au développement intellectuel, physique, social et émotionnel de leurs enfants. Elle définit la maternité intensive (intensive mothering) comme une approche centrée sur les besoins de l’enfant, guidée par des experts et requérant un investissement considérable de temps, d’énergie, d’engagement émotionnel et d’argent (Hays, 1996). Les pères n’échappent pas non plus à ce cadre normatif d’une parentalité intensive qui serait bénéfique, voire nécessaire, à la pleine réalisation du potentiel de l’enfant (Wall et Arnold, 2007 ; Shirani et al., 2012 ; Craig et al., 2015). Ainsi, les travaux sur les parents hélicoptères (Lee et Macvarish, 2020), la mère parfaite ou le new momism (Douglas, 2004 ; Lalancette et Germain, 2018) et le parent soucieux (concerned parenting) présentent une variété de types de parents intensément engagés dans toutes les sphères de la vie des enfants. En somme, être parent ne serait plus un statut, mais plutôt un rôle social exigeant l’éducation des enfants en vue de contribuer à l’amélioration de la société (Lee et al., 2014 ; Martin et Leloup, 2020).

  • 1 « New brain research further emphasizes the important role of intensive mothering in optimizing chi (...)

7Comment expliquer les profondes transformations du rôle parental ? Pour certains auteurs, elles sont intimement liées à celles qui ont touché l’enfance. Comme l’a éloquemment démontré Zelizer (1994), la valeur économique des enfants s’est graduellement transformée en valeur sentimentale au courant du 20e siècle, engendrant l’idée que les enfants sont des êtres innocents, inestimables et à protéger. Cette notion prend d’autant plus d’importance à partir des années 1970 avec la croissance rapide de la psychologie du développement, qui pose que les premières années de l’enfance sont déterminantes dans la réalisation du potentiel cognitif de l’enfant (Wall, 2010 ; Lee et al., 2014). L’investissement parental, particulièrement des mères, devient alors névralgique au « développement cérébral et intellectuel futur de l’enfant »1 (Wall, 2010) dans un contexte où il est considéré vulnérable et à risque (Faircloth, 2014). Il incombe aux parents une responsabilité accrue de protection, de surveillance, de stimulation et d’intervention auprès de leur progéniture afin d’assurer son sain développement, qui doit s’incarner dans des actions démontrant concrètement qu’ils sont préoccupés (concerned parenting) et qu’ils mettent tout en œuvre pour performer adéquatement leur rôle parental (Brusdal et Frønes, 2013 ; Lalancette et Germain, 2018). Selon Furedi (2008), ces préoccupations de plus en plus centrales quant au développement des enfants et aux risques omniprésents planant sur ces derniers font émerger une « paranoïa parentale » qui accentue en retour les pressions sur la performance des parents. Pour l’auteur, cette tendance s’inscrit dans une logique de « déterminisme parental » qui pose une causalité entre les actions des parents et les performances des enfants, attribuant les difficultés vécues par les enfants aux lacunes des pratiques parentales.

8D’autres travaux montrent que l’idéal de la parentalité intensive répond au contexte économique incertain et à l’accroissement des inégalités sociales des 30 dernières années (Martin, 2014 ; Faircloth, 2021). Ces réalités poussent les parents à tout mettre en œuvre pour protéger leurs enfants et les prémunir contre les risques de cet environnement précaire (Schneider et al., 2018). Les valeurs néolibérales de responsabilité individuelle et de gestion des risques viennent moduler l’exercice du rôle parental et la nécessité pour les « bons parents » d’investir davantage dans leurs enfants afin d’assurer leur avenir (Wall, 2010 ; Bandelj et Spiegel, 2023). Aux États-Unis, Nelson (2010) documente notamment que les professionnels de la classe moyenne sont particulièrement anxieux de sécuriser les avantages de leurs enfants face à l’augmentation des inégalités économiques, résultant en une « parentalité démesurée » (parenting out of control), sans limites quant au niveau d’implication attendue de ces parents dans la vie de leur progéniture en vue d’optimiser leur rendement futur. Cette logique marchande associant les « investissements parentaux » à des rendements chez les enfants, implique qu’il y ait de bonnes et de mauvaises stratégies, confrontant les parents à la pression d’effectuer les choix « optimaux » selon les possibilités parentales se présentant à eux (Doepke et Zilibotti, 2019).

9Nonobstant ce climat d’incertitudes économiques, le retrait (désengagement) des états dans les sphères du social alimenterait aussi cette culture de parentalité intensive. Faircloth (2020) suggère que dans des États sociaux-démocrates comme la Norvège, ou le Québec, où l’état assure la prestation de services liés au développement des enfants (garderies, écoles publiques, université d’état, etc.), la concurrence pour l’accès à ces services est moins intense. Or, l’appauvrissement du système public dans plusieurs (notamment au Québec) états engendre une pression accrue sur les parents confrontés au choix d’un système public de plus en plus dysfonctionnel – parce que de moins en moins soutenu par sa classe politique – et une éducation dans le marché privé où les meilleurs rendements sont associés à des coûts élevés (Mathieu, 2019). Ainsi, la marchandisation de ces sphères de la vie des parents et des enfants intensifie le rôle parental, particulièrement celui des mères (Mathieu, 2016 ; Cooper, 2017 ; Calarco, 2024).

10En somme, la notion de parentalité intensive fait référence à une mutation du rôle parental depuis les dernières années, qui émerge de transformations culturelles quant au rôle social des enfants et aux modalités de leur développement cognitif tout en étant ancrée dans la croissance des inégalités combinées au retrait de l’état.

Les répercussions économiques de la parentalité intensive et ses conséquences possibles sur l’endettement

11La parentalité intensive suppose de nombreuses implications sur les finances des parents, en s’accompagnant d’injonctions à la consommation pour favoriser le bien-être et le développement des enfants. Dans ce contexte, les dépenses liées à la parentalité connaissent une forte croissance depuis les dernières années (Pugh, 2009 ; Kornrich et Furstenberg, 2013), augmentation qui est d’autant plus impressionnante dans les régions avec plus d’inégalités et de contraintes économiques (Schneider et al., 2018 ; Doepke et Zilibotti, 2019 ; Gauthier et de Jong, 2021) et dans celles où l’accessibilité et la qualité des services pour enfants dépendent de la capacité de payer de chacun. Les pôles de dépenses attendues pour les enfants sont variés. À titre d’exemple, un marché particulièrement dispendieux s’est développé visant la sécurité et la surveillance des enfants (Nelson, 2010). Il est proposé toute une gamme de produits technologiques qui permettent aux parents de surveiller leur progéniture (par ex. baby monitors, forfait cellulaire pour enfant, GPS, etc.), calmant temporairement la « paranoïa parentale » quant à la sécurité de leurs enfants, tout en l’alimentant sur le long terme (Furedi, 2008).

12De manière analogue, la consommation croissante de jouets éducatifs et d’activités d’enrichissement sportive, créative ou de tutorat visant à stimuler le développement des enfants et de leur donner une « longueur d’avance », signale le degré d’investissement des parents dans l’éducation de leurs enfants (Vincent et Ball, 2007 ; Pugh, 2009 ; Brusdal et Frønes, 2013 ; Le-Phuong Nguyen et al., 2017). Le recours de plus en plus fréquent à des experts pour guider les parents dans leur rôle est devenu une pratique courante et valorisée, qui a de fortes implications financières (Gauthier et de Jong, 2021). Par ailleurs, la propriété de la résidence, en particulier d’une maison pavillonnaire, est largement vue comme étant propice au bien-être des enfants dans plusieurs régions du monde, dont le Québec (Pugliese, 2021). Les quartiers résidentiels dispendieux sont fortement associés à la proximité d’écoles jugées supérieures et à un sentiment de sécurité, ce qui pousse nombre de parents à rechercher à tout prix cette forme résidentielle qu’est la propriété d’une maison bien située (Lareau et Goyette, 2014 ; Pugliese, 2021). Les dépenses parentales s’étendent souvent bien au-delà de la petite enfance et de l’adolescence, alors que les enfants adultes quittent le foyer parental de plus en plus tard, et que les parents réservent désormais des fonds pour financer les études postsecondaires de leurs enfants (Bandelj et Grigoryeva, 2021).

13Comme le soulignent Brusdal et Frønes (2013), cette croissance de la consommation parentale visant les enfants est directement liée à « l’économie morale d’une parentalité soucieuse ». Elle repose sur la valeur morale inscrite dans les produits et services destinés au développement optimal des enfants qui implique une adéquation entre l’amour que portent les parents à leurs enfants et leurs dépenses pour la nourriture, les activités, et autres produits jugés optimaux pour leur développement (Vincent et Ball, 2007 ; Lalancette et Germain, 2018). Dans ce contexte, certaines études suggèrent que les niveaux élevés de dépenses attendues pour les enfants au sein de la norme de parentalité intensive puissent participer à l’endettement croissant des familles et au risque de surendettement (del Solar et al., 2020 ; Rosen et Faircloth, 2020). Les parents pourraient être susceptibles de recourir aux dettes à la consommation lorsque leurs ressources sont insuffisantes pour couvrir les produits et services jugés essentiels à l’exercice d’une parentalité adéquate et d’accumuler une dette hypothécaire substantielle pour s’assurer de la meilleure situation d’habitation possible (Pugliese, 2021). Considérant que la norme de parentalité intensive exige un niveau élevé non seulement de dépenses, mais aussi de temps consacré aux enfants, l’endettement pourrait se présenter pour les parents, en particulier les mères, comme solution à la tension entre la nécessité de travailler pour assurer des revenus suffisants et celle d’être disponible pour soutenir leurs enfants au quotidien (Daly et Farley, 2004 ; Yalnizyan, 2009 ; Leigh et al., 2012).

14Si ces dernières études suggèrent des liens possibles entre l’endettement et les responsabilités parentales dans un contexte de parentalité intensive, peu d’entre elles documentent empiriquement la situation d’endettement des parents, particulièrement dans le contexte canadien. Les quelques études portant sur l’endettement parental évaluent plutôt l’effet des dettes sur le bien-être des enfants (Nepomnyaschy et al., 2021 ; Liu et al., 2024). Dans cette étude, nous comblons cet angle mort en explorant les hypothèses suivantes dérivées des constats issus des écrits sur la parentalité intensive :

15Hypothèse 1 : Les parents d’enfants à charge sont plus susceptibles d’avoir des dettes hypothécaires et à la consommation que les personnes qui n’ont pas (ou plus) d’enfants vivant avec eux et leur montant total de dettes est plus élevé.

16Hypothèse 2 : Dans le contexte culturel associant l’ampleur de l’amour et du sens des responsabilités parentales aux services et produits consommés pour le bien-être des enfants, nous nous attendons à ce que les parents avec enfants à charge soient plus susceptibles de s’endetter à des niveaux insoutenables et d’éventuellement vivre des difficultés de remboursement et du stress lié à leurs dettes que les personnes qui n’ont pas (ou plus) d’enfants vivant avec eux.

17Hypothèse 3 : Nous nous attendons aussi à ce que les parents avec enfants à charge qui ont des dettes identifient les dépenses visant le développement et le bien-être de leurs enfants comme l’une des sources de leurs dettes.

Parentalité, endettement et diversité des formes familiales

18La présente étude reconnait que la parentalité intensive est un modèle culturel incontournable au sein duquel l’ensemble des parents négocient leurs propres pratiques (Hays, 1996 ; Quéniart et Vennes, 2003 ; Caputo, 2007 ; Pylypa, 2011 ; Rosen et Faircloth, 2020 ; Hamilton, 2022). Cependant, la pression de conformité à ce modèle n’affecte pas tous les parents de la même manière, en particulier au plan financier. Les pratiques valorisées dans le cadre de la parentalité intensive sont issues principalement des modes de vie des classes aisées et blanches et elles présupposent (bien souvent en creux) une dynamique familiale biparentale (Dow, 2019). Pour ces familles, l’arrimage des pratiques aux attentes de la parentalité intensive engendre déjà des pressions financières significatives, mais elles peuvent être encore plus lourdes pour les familles appartenant à d’autres groupes sociaux (Heintz-Martin, Recksiedler, et Langmeyer 2022). Les parents racisés à plus faible revenu atteignent encore plus difficilement le niveau de dépenses attendues pour les enfants que les familles blanches et mieux nanties et elles sont donc plus à risque de s’endetter pour y arriver, comme le suggèrent Bandelj et Grigoryeva (2021) en ce qui a trait au financement des études supérieures des enfants.

19En outre, il y a lieu de croire que les pères et les mères n’étant plus en couple avec l’autre parent de leur(s) enfant(s) peinent davantage que les parents qui sont en situation de « famille intacte » à se procurer les services et produits préconisés pour les enfants. La séparation parentale constitue un choc économique important, engendrant des baisses de revenus et des frais sur des années, particulièrement pour les femmes (Le Bourdais et al., 2016 ; Biland, 2019). Les coûts associés au soin des enfants sont à plusieurs égards dédoublés pour les parents seuls – pensons entre autres aux frais d’habitation. La remise en couple peut, certes, réduire le niveau de dépenses pour ces parents (Pugliese et al., 2021b). Néanmoins, même les familles recomposées font souvent face à des charges importantes comparativement aux familles intactes, en particulier si les deux conjoints ont des enfants d’unions antérieures, ce qui multiplie leur nombre dans le foyer et les dépenses. Il faut aussi noter que les politiques fiscales canadiennes et québécoises tendent à pénaliser la remise en couple pour les parents qui ont vécu une période de célibat, en réduisant les allocations familiales et les crédits d’impôt pour services de garde après la formation d’une nouvelle union, ce qui peut se traduire en sommes considérables dues à l’État (Genest-Grégoire, 2023). Nonobstant les coûts plus élevés que doivent assumer les parents seuls ou remis en couple, le sentiment de culpabilité, les tensions avec l’autre parent des enfants et les inégalités de revenus entre eux sont répandus après la séparation (Saint-Jacques et al., 2023). Ceci pourrait alimenter une compétitivité entre les parents et le souci d’assurer la meilleure qualité de vie possible aux enfants par des investissements en temps et en argent chez les parents qui sont seuls ou remis en couple. Ces constats nous mènent à poser l’hypothèse additionnelle suivante :

20Hypothèse 4 : Le niveau d’endettement et de difficultés de remboursement des dettes est encore plus grand chez les parents seuls ou remis en couple que chez ceux qui sont toujours avec l’autre parent de leurs enfants et les premiers sont encore plus susceptibles d’identifier les besoins de leurs enfants comme une source de leurs dettes que les derniers.

Méthodologie

Données

21Les données proviennent de l’Enquête sur l’endettement des ménages québécois (EEMQ). Le questionnaire (créé par l’équipe de recherche) a été testé (en décembre 2021) et livré par la firme de sondages canadienne Léger en janvier et février 2022, par téléphone (génération de numéros aléatoires, N : 1800) et via leur panel web Léo (N : 3016), pour un total de 4 816 répondants. L’échantillon comprend d’ailleurs un suréchantillonnage de 500 personnes avec un revenu personnel sous la moyenne québécoise (approximativement 45 000 $) pour faciliter les analyses au sein de ce groupe. Au sein du panel web, 300 personnes nées entre le 1er octobre 1999 et le 30 septembre 2001 se sont ajoutées pour une analyse auprès de jeunes de cet âge. Il est de plus en plus courant de combiner des panels téléphoniques et en ligne, car ces derniers atteignent plus efficacement des populations plus jeunes (Dillman et al., 2014). Des études ont montré que les données obtenues par Internet et par téléphone présentent des distributions similaires, comme nous l’avons aussi observé dans cette étude (Yeager et al., 2011). Le taux de réponse (proportion des membres du panel de 18 ans ou plus qui ont répondu à l’invitation) pour le volet web de l’enquête est de 16,27 %, tandis que celui du volet téléphonique est détaillé au Tableau A1 à l’Annexe A. Certaines variables mobilisées dans l’étude comportent une forte proportion de valeurs non observées, que nous avons imputées (voir les détails dans la section Données manquantes). Au total, 383 cas présentaient des valeurs manquantes pour une ou plusieurs variables après la procédure d’imputation (ceux-ci comprennent 9 personnes ayant indiqué « autre » comme sexe, que nous avons dû exclure en raison de la petite taille de l’échantillon). Ces 383 cas ont été omis de l’échantillon analytique, pour une taille d’échantillon finale de 4 433 répondants.

22Léger a calculé une pondération en post-stratification pour tenir compte des suréchantillonnages. Elle a également été ajustée pour que les distributions de plusieurs facteurs sociodémographiques correspondent plus étroitement à celles du recensement 2016 (le plus récent disponible au moment de lancer l’enquête). Ces ajustements ont été calculés en fonction de l’âge, du sexe, de la région, de la langue maternelle et du revenu. Les échantillons par téléphone et web ont été pondérés indépendamment en utilisant les mêmes profils démographiques. Les facteurs de pondération ont été déterminés par un ajustement proportionnel itératif. Toutes les analyses présentées ici emploient ces pondérations. Le Tableau A2 de l’annexe compare la distribution de différentes caractéristiques sociodémographiques au sein de l’EEMQ et du recensement.

Variables et mesures

23Une première série de variables dépendantes visent à mesurer le niveau d’endettement des répondants. Nous utilisons sept variables binaires indiquant respectivement le fait d’avoir des dettes ou non des types suivants : hypothèque, carte de crédit, marge de crédit, prêt étudiant, prêt auto, factures impayées, autres dettes, au minimum une dette parmi ces dernières. Une variable continue révèle pour les personnes ayant au moins une dette la valeur totale des dettes personnelles au moment du sondage. Cette variable est basée sur les réponses à la question suivante : selon votre estimation, quelle est la valeur totale de vos dettes ? Pour celles qui sont conjointes avec quelqu’un d’autre, ne considérez que la partie qui vous revient (par exemple la moitié d’une hypothèque conjointe). Il faut noter que les données ne contiennent pas d’information sur les montants des différents types de dettes, ce qui constitue une limite importante.

24Deux variables rendent compte du niveau de difficultés que vivent les répondants avec des dettes à l’égard de celles-ci. La première mesure les difficultés perçues de remboursement, elle est basée sur la question : en ce qui concerne le remboursement de vos dettes, lequel des énoncés suivants décrit le mieux la manière dont vous vous en tirez ces temps-ci ? Nous distinguons trois groupes de réponses : le remboursement se fait 1) sans problème, 2) parfois difficilement et 3) difficilement, très difficilement ou je n’y parviens pas. Les trois dernières catégories sont regroupées, car les effectifs sont faibles dans les deux dernières. La seconde variable mesure le stress engendré par les dettes évalué par les répondants sur une échelle de 1 à 10, où 1 signifie « aucun stress » et 10 « stress extrêmement élevé ».

25Une dernière variable dépendante indique si les parents avec des dettes identifient les dépenses pour leurs enfants comme une source de leurs dettes. Elle est basée sur la question : Les dettes peuvent s’accumuler en raison d’une multitude de contraintes et d’aléas de la vie. Parmi les choix suivants, lesquels décrivent le mieux les évènements ou les facteurs qui vous ont conduit à contracter vos dettes actuelles ? Plusieurs choix étaient proposés, les répondants pouvant sélectionner tous ceux s’appliquant à leur situation. La variable mobilisée ici révèle si les répondants ont choisi ou non l’option suivante : d’efforts pour assurer l’épanouissement général de vos enfants et leur niveau de vie.

Tableau 1. Statistiques descriptives (N : 4 433)

Moyenne

Proportion

Variables dépendantes

Ayant des dettes (Réf. : oui)

67 %

Dette(s) possédée(s)

Hypothèque

35 %

Carte de crédit

25 %

Marge de crédit

14 %

Prêt étudiant

9 %

Prêt pour automobile

26 %

Factures impayées

5 %

Tout autre dette

3 %

Au moins une dette

Valeur des dettes personnelles ($CAD)

62 198,7

Facilité de remboursement des dettes

Sans problème

72 %

Parfois difficilement

18 %

Difficilement ou plus

10 %

Stress engendré par les dettes

3,7

Variables indépendantes/de contrôle

Statut conjugal

Mariés

31 %

En union libre

30 %

Pas en union

39 %

Situation parentale

Personne sans enfant à charge

72 %

Parent en couple avec autre parent de ses enfants

14 %

Parent séparé ou remis en couple

14 %

Âge

49,1

Femmes (Réf. : hommes)

49 %

Personne immigrante (Réf. : personne née au Canada)

16 %

Identification ethnoraciale (Réf. : blanche)

85 %

Niveau d’éducation

Secondaire au moins

29 %

Diplôme collégial/cégep

37 %

Diplôme universitaire

34 %

Revenu personnel

52 401,4

Revenu du ménage

91 194,4

Valeur des actifs personnels ($CAD)

297 765,9

Peut compter sur l’aide financière d’au moins un membre de la famille ou amis en cas de besoin, excluant celle du conjoint (Réf. : non)

33 %

Connaissances financières

Mauvaise réponse

36 %

Bonne réponse

64 %

26Notre variable indépendante principale indique si les répondants avaient des enfants à charge vivant avec eux au moment du sondage. Nous distinguons entre les personnes qui n’ont pas (ou plus) d’enfants vivant chez eux, les parents dont tous les enfants vivant chez eux sont communs avec le conjoint actuel (parents en « famille intacte ») et les parents seuls ou remis en couple (dont au moins un de leurs enfants vivant chez eux est issu d’une union antérieure). Les enfants peuvent être en garde partagée avec un autre parent ou exclusive par eux. Cette variable est basée sur les réponses à des questions sondant si les répondants ont des enfants vivant avec eux et, si oui, si un ou plusieurs d’entre eux sont 1) communs avec le conjoint actuel, 2) en garde partagée, ou 3) en garde exclusive. Pour évaluer comment le statut conjugal peut moduler la situation des parents seuls ou remis en couple, une seconde variable indique si les répondants étaient mariés, en union libre ou pas en union au moment du sondage. Il n’est pas usuel de réunir les parents remis en couple et les parents seuls dans les écrits scientifiques sur les familles. Les parents remis en couple sont souvent groupés avec les parents qui sont en couple avec l’autre parent de leurs enfants. Or nos analyses préliminaires ont montré que les parents remis en couple étaient plus près des parents seuls en matière de risque de surendettement et d’endettement. Nous avons fait le choix de les mettre dans la même catégorie que ces derniers et d’ajouter une autre variable mesurant le statut conjugal en raison de petites tailles d’échantillon pour caractériser la situation des parents seuls et celles des parents remis en couple. Cette façon de faire nous permet de mieux distinguer l’« effet » statistique de la charge d’enfant de celui associé au statut conjugal.

  • 2 Il n’existe pas de moyen direct de comparer la proportion de valeurs manquantes à ce qui est observ (...)

27Nous incluons plusieurs variables de contrôle pouvant être corrélées avec l’endettement et la situation parentale, dont l’âge (et l’âge au carré pour tenir compte de la non-linéarité de la relation entre l’âge et l’endettement), le statut d’immigration (né au Canada ou à l’extérieur) et le niveau d’éducation (diplôme d’études secondaires ou moins, diplôme collégial ou professionnel, diplôme universitaire). Nous ajustons aussi pour les conditions économiques des répondants grâce à ces trois variables : le revenu personnel annuel, le revenu du ménage annuel, la valeur totale des actifs personnels. Cette dernière est mesurée par la question suivante : selon votre estimation, quelle est la valeur totale actuelle approximative de vos actifs ? Pour ceux possédés conjointement, ne considérez que la valeur de la partie qui vous revient. Le genre des répondants (homme ou femme) figure également dans la liste de contrôle, de même qu’une variable qui indique si les répondants ont identifié ou non une identité ethnique pouvant être considérée comme racisée au Québec2. Nous contrôlons aussi pour le niveau de connaissances financières grâce à une variable stipulant si les répondants ont donné ou non la bonne réponse à la question : selon vous, qu’est-ce qui peut affecter le montant d’intérêts total payé sur un prêt ? Les choix étaient : la cote de crédit de l’emprunteur ; la valeur du prêt ; la période de temps pris pour rembourser le prêt ; toutes ces réponses, la dernière étant la bonne. Enfin, une variable évalue si les répondant(e)s croient ou non pouvoir compter sur le soutien financier de leurs proches en cas de besoin. Cette variable indique si les répondants perçoivent ou non qu’au moins un de leur proche serait prêt à leur offrir une aide financière en cas de difficulté hors de leur contrôle.

Valeurs manquantes et imputation

  • 3 Il n’existe pas de moyen direct de comparer la proportion de valeurs manquantes à ce qui est observ (...)

28Certaines variables contiennent une proportion importante de valeurs manquantes, en particulier la valeur des actifs, les variables de revenu et la valeur des dettes. Les actifs n’ont pas été observés dans 34,72 % des cas. Environ 22 % des personnes interrogées n’ont pas répondu aux questions sur le revenu. La valeur de la dette comportait 11,32 % de valeurs manquantes3. La proportion de valeurs manquantes est inférieure à 3 % pour toutes les autres variables. Pour traiter la non-réponse, d’autres enquêtes sur le patrimoine et l’endettement au Canada et dans le monde imputent les données manquantes. L’Enquête canadienne sur la sécurité financière utilise l’imputation simple et la méthode du plus proche voisin (Statistique Canada, 2021). D’autres enquêtes, notamment le Panel socio-économique allemand (SOEP) et le Survey of Consumer Finances américain (SCF), emploient plutôt l’imputation multiple (Westermeier et Grabka, 2015 ; Board of Governors of the Federal Reserve System, 2024). Alors que l’imputation simple remplace chaque valeur manquante par une seule valeur attendue, l’imputation multiple consiste à remplacer chaque valeur manquante par au moins deux valeurs acceptables (appelées répliques) qui représentent une distribution de possibilités (Rubin, 1987 ; 1988). Les différentes répliques d’imputation sont obtenues en modélisant une valeur attendue basée sur les variables complètes de l’ensemble de données et en ajoutant un terme aléatoire. Chacun des ensembles de données imputées est ensuite analysé individuellement à l’aide d’une méthode commune d’estimation des données complètes. Enfin, ces résultats sont combinés pour obtenir des inférences valides (Harel et Zhou, 2007). Nous avons suivi les exemples du SOEP et du SCF et opté pour l’imputation multiple dans cette étude.

29Nous avons imputé les valeurs manquantes pour les variables économiques seulement (soit le revenu personnel, le revenu du ménage, la valeur des dettes et celle des actifs), vu leur ratio élevé de valeurs non observées. Les cas présentant des valeurs manquantes pour les autres variables ont été exclus de l’échantillon analytique (384, tel que mentionné plus haut à la section données). Nous avons utilisé la commande « mi impute chained » de Stata (Enders, 2022). Nous avons créé 20 répliques et utilisé la commande « mi estimate » de Stata pour combiner les résultats, ce qui a permis de calculer la moyenne des coefficients entre les imputations.

Stratégie analytique

30Pour analyser le niveau d’endettement selon la situation parentale, nous employons une série de régressions logistiques prédisant le risque d’avoir des dettes de différents types (hypothèque, carte de crédit, marge de crédit, prêt étudiant, prêt auto, factures impayées, autres dettes, au moins une de ces dettes) avec les variables indiquant la situation parentale, le statut conjugal et toutes les variables de contrôle. Nous appliquons ensuite une régression quintile conditionnelle prédisant la médiane des dettes avec ces mêmes variables parmi les personnes ayant au moins une dette (la distribution de cette variable n’étant pas normale, la régression linéaire n’est pas appropriée). Pour analyser le niveau de difficultés liées aux dettes selon la situation parentale, nous utilisons une régression ordinale prédisant le niveau perçu de difficulté de remboursement ainsi qu’une régression de poisson pour estimer le niveau de stress engendré par les dettes. Ces deux régressions incorporent la situation parentale, le statut conjugal et l’ensemble des variables de contrôle. Il faut noter que pour l’ensemble des modèles présentés, nous avons également testé une version incluant une interaction entre la situation parentale et le statut conjugal pour valider si l’effet de la charge d’enfants sur les dettes varie dépendamment du statut conjugal (en particulier s’il est différent pour les parents seuls ou en couple). Cette interaction n’étant significative dans aucun modèle, nous présentons uniquement les modèles ne l’incluant pas. L’analyse finale est descriptive et montre la proportion de répondants avec des dettes qui ont identifié les efforts pour assurer l’épanouissement général de vos enfants et leur niveau de vie comme source de leurs dettes selon leur situation parentale. L’ensemble des analyses ont été réalisées avec le logiciel Stata 15.

Résultats

  • 4 Les probabilités sont estimées grâce à la fonction mimrgns de Stata 15 à la valeur moyenne des autr (...)

31Le Tableau 2 présente les coefficients de régressions logistiques prédisant le fait d’avoir ou non différents types de dettes. Ces résultats révèlent que les parents sont bien plus susceptibles d’avoir des dettes que les personnes sans enfants à charge. Pour faciliter l’interprétation de cet effet, la Figure 1 indique les probabilités estimées à partir de ces modèles d’avoir des dettes de différents types selon la situation parentale4. Elle montre qu’à caractéristiques économiques et démographiques égales (et de valeur moyenne), 78 % des parents seuls ou remis en couple et 80 % de ceux qui sont en « famille intacte » ont au moins une dette, contre seulement 62 % des personnes sans enfants à charge. Comme attendu, la différence est particulièrement marquée entre ces groupes au plan de la dette hypothécaire et des dettes à la consommation. Seulement 29 % des personnes sans enfants ont une dette hypothécaire, contre 48 % des parents seuls ou remis en couple et 54 % des parents qui sont avec l’autre parent de leurs enfants. Les balances impayées sur une carte de crédit touchent 31 % des parents en « famille intacte » et 27 % des parents seuls ou remis en couple, contre 24 % des personnes sans enfants à charge. Il n’y a en revanche aucune différence statistiquement significative en matière de dettes d’étude selon la situation parentale. Le statut conjugal est aussi associé au risque d’avoir des dettes. Les personnes qui ne sont pas en couple sont moins susceptibles d’avoir des dettes, ce qui est lié principalement à leur plus faible propension d’avoir une dette hypothécaire ou automobile. Il n’y a pas de différence significative entre les personnes mariées et en union libre.

Tableau 2. Résultats de régressions logistiques prédisant le fait d’avoir différents types de dettes selon le statut de parent (coefficients de régression)

Au moins une dette

Hypothèque

Prêt automobile

Prêt étudiant

Carte de crédit

Marge de crédit

Factures impayées

Autres dettes

Situation parentale (Réf. : sans enfants à charge)

Parent en couple avec l’autre parent de leurs enfants

0,95***

1,22***

0,52***

-0,19

0,41**

0,55***

0,46#

0,33

Parent seul ou remis en couple

0,81***

0,94***

0,34**

0,16

0,18

0,51***

0,63**

0,31

Statut conjugal (Réf. : marié)

Union libre

0,04

0,13

-0,16

0,46#

0,19#

-0,33*

-0,13

0,07

Pas en union

-0,36***

-0,80***

-0,74***

0,47#

0,11

-0,46*

0,62*

0,46

*** : p<0,001 ** : p<0,01 * : p<0,05 : p<0,10

Note : Les régressions contrôlent pour : l’âge, le sexe, le statut matrimonial, le statut d’immigration, la racisation, le niveau d’éducation, le revenu personnel, celui du ménage, la valeur des actifs, l’accès à du soutien des proches en cas de besoin et les connaissances financières. Données de l’Enquête sur l’endettement parmi les ménages québécois. Les coefficients positifs indiquent que la variable correspondante est positivement associée avec le fait d’avoir les différents types de dettes. La présence d’étoiles (*) signale une association statistiquement significative.

Figure 1. Probabilités estimées de différents types de dettes selon la situation parentale

Figure 1. Probabilités estimées de différents types de dettes selon la situation parentale

Note : Probabilités estimées à partir des modèles de régression logistique présentés au Tableau 1.

  • 5 Les valeurs sont estimées grâce à la fonction mimrgns de Stata 15 à la valeur moyenne des autres va (...)

32Concernant les montants dus, le Modèle 1 du Tableau 3 révèle les résultats d’une régression quantile prédisant la valeur médiane totale des dettes personnelles parmi les personnes ayant des dettes. La Figure 2 montre la valeur médiane estimée des dettes à partir de ce modèle selon la situation parentale5. La médiane des dettes est près du double chez les parents en « famille intacte » que chez les personnes sans enfants (l’écart entre ces groupes étant de 32 878 $). La valeur des dettes est aussi supérieure chez les parents seuls ou remis en couple, mais l’écart par rapport aux personnes sans enfants à charge est un peu moins grand (à 23 675 $). Concernant le statut conjugal, la valeur des dettes est légèrement plus faible (par 8 075 $) chez les personnes qui ne sont pas en couple que chez les personnes mariées et il n’y a aucune différence significative entre ces dernières et les personnes en union libre, comme le montre le Tableau 3 (Modèle 1). Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que les parents d’enfants à charge sont plus susceptibles d’être endettés et qu’ils doivent des montants plus élevés quand ils le sont que les personnes sans enfants à charge. Le niveau d’endettement des parents seuls ou remis en couple n’apparaît pas plus élevé que celui des parents en couple avec l’autre parent de leurs enfants, ces derniers semblant même en général un peu plus endettés. Par ailleurs, les parents seuls pourraient avoir moins de dettes que les autres parents en « famille intacte » ou remis en couple, considérant que les personnes qui ne sont pas en union sont moins susceptibles d’avoir des dettes comparativement à celles qui le sont.

Tableau 3. Résultats de régressions prédisant la valeur des dettes, le niveau de difficulté de remboursement et le stress lié aux dettes selon le statut de parent parmi les personnes ayant des dettes

Modèle 1

Modèle 2

Modèle 3

Valeur totale des dettes

Difficultés perçues de remboursement

Stress engendré par les dettes

(Régression quantile)

(Régression ordinale)

(Régression de poisson)

Situation parentale (Réf. : sans enfants à charge)

Parent en couple avec l’autre parent de leurs enfants

32 878***

0,29#

0,09*

Parent séparé ou remis en couple

23 675**

0,49***

0,21**

Statut conjugal (Réf. : marié)

Union libre

2 084

0,23

0,02

Pas en union

-8 095**

0,58***

0,12**

*** : p<0,001 ** : p<0,01 * : p<0,05 : p<0,10

Note : Les régressions contrôlent pour : l’âge, le sexe, le statut matrimonial, le statut d’immigration, la racisation, le niveau d’éducation, le revenu personnel, celui du ménage, la valeur des actifs, l’accès à du soutien des proches en cas de besoin et les connaissances financières. Données de l’Enquête sur l’endettement parmi les ménages québécois. Les coefficients positifs indiquent que la variable correspondante est positivement associée avec les variables dépendantes de chaque modèle. La présence d’étoiles (*) signale une association statistiquement significative.

Figure 2. Valeur médiane estimée des dettes selon la situation parentale (parmi les personnes ayant des dettes)

Figure 2. Valeur médiane estimée des dettes selon la situation parentale (parmi les personnes ayant des dettes)

Note : Valeurs estimées à partir du Modèle 1 au Tableau 2.

33En ce qui a trait à la question du surendettement et des difficultés que peuvent susciter ces dettes, le Modèle 2 du Tableau 3 présente les résultats d’une régression ordinale prédisant le niveau perçu de difficultés à rembourser les dettes (sans difficulté, parfois difficilement ou difficilement/très difficilement/n’y arrive pas). La Figure 3 montre les probabilités estimées pour chacun de ces trois niveaux de difficulté selon la situation parentale issue de ce modèle. Par rapport aux personnes sans enfants à charge, le niveau de difficulté perçu de remboursement est plus élevé chez les parents seuls ou remis en couple et, dans une moindre mesure, chez les parents en couple avec l’autre parent de leurs enfants (ce dernier effet étant significatif seulement au niveau 10 %). Uniquement 66 % des parents seuls ou remis en couple ayant des dettes rapportent les rembourser sans aucune difficultés et 13 % d’entre eux éprouvent des difficultés sévères (ils remboursent difficilement, très difficilement, ou n’y parviennent plus du tout). Chez les personnes sans enfants à charge, 75 % affirment n’avoir aucune difficulté de remboursement et 8 % ont des difficultés sévères. Concernant le statut conjugal, le Modèle 2 du Tableau 3 montre que les personnes qui ne sont pas en couple et qui ont des dettes déclarent un niveau plus élevé de difficultés à les rembourser que les personnes mariées (les différences entre ces dernières et les personnes en union libre ne sont pas significatives statistiquement).

Figure 3. Distribution estimée des difficultés perçues de remboursement des dettes selon la situation parentale (parmi les personnes ayant des dettes)

Figure 3. Distribution estimée des difficultés perçues de remboursement des dettes selon la situation parentale (parmi les personnes ayant des dettes)

Note : Probabilités estimées à partir du Modèle 2 au Tableau 2.

34Les résultats d’une régression de poisson prédisant le stress engendré par les dettes parmi les personnes endettées (sur une échelle de 1 à 10) sont présentés au Modèle 3 du Tableau 3. La Figure 4 montre quant à elle le stress moyen estimé selon la situation parentale. Les personnes sans enfants à charge l’évaluent à 3,48 sur 10 contre 4,31 pour les parents seuls ou remis en couple et 3,84 pour les parents en couple avec l’autre parent de leurs enfants. Les résultats du Modèle 3 au Tableau 3 indiquent aussi que les personnes qui ne sont pas en couple rapportent un niveau plus élevé de stress que les personnes mariées et qu’il n’y a pas de différences significatives entre ces dernières et les personnes en union libre. En somme, ces résultats révèlent que, parmi les personnes ayant des dettes, les parents d’enfants à charge ressentent davantage de difficultés à les rembourser et de stress à leur égard que les personnes sans enfants à la maison. Cette réalité est particulièrement évidente chez les parents seuls ou remis en couple. En outre, les parents seuls vivent les difficultés et le stress supplémentaire associé au fait de ne pas être en couple. Toutefois, ceci pourrait être variable selon que le parent peut compter ou non sur l’aide financière de l’autre parent, un point sur lequel les données de l’enquête ne fournissent malheureusement aucune information (Le Pape et Helfter, 2023 ; Saint-Jacques et al., 2023).

Figure 4. Stress moyen engendré par les dettes estimé selon la situation parentale (sur une échelle de 1 à 10, parmi les personnes ayant des dettes)

Figure 4. Stress moyen engendré par les dettes estimé selon la situation parentale (sur une échelle de 1 à 10, parmi les personnes ayant des dettes)

Note : Valeurs estimées à partir du Modèle 3 au Tableau 2.

35La Figure 5 montre la proportion de répondants avec des dettes ayant identifié les efforts pour assurer l’épanouissement général de leurs enfants et leur niveau de vie comme l’une des sources de leurs dettes. Cette figure confirme qu’une proportion appréciable de parents d’enfants à charge considère que les dépenses pour maintenir leur niveau de vie et leur développement font partie des raisons pourquoi ils ont des dettes. Spécifiquement, 28 % des parents seuls ou remis en couple avec des dettes sont dans cette situation et 19 % pour ceux étant avec l’autre parent de leurs enfants. En mettant tous les parents ensemble et en factorisant le fait que 80 % des parents ont des dettes, nos résultats révèlent que près d’un cinquième (19,5 %) de l’ensemble des parents sondés déclarent s’être endetté en partie pour assurer l’épanouissement général de leurs enfants et leur niveau de vie. Il faut noter que 6 % des personnes ayant des dettes et pas d’enfants à charge (mais qui peuvent avoir des enfants plus vieux ou ne vivant pas avec eux) ont aussi rapporté s’être endettés en partie pour cette raison.

Figure 5. Proportion de répondants avec des dettes ayant identifié efforts pour assurer l’épanouissement général de leurs enfants et leur niveau de vie comme source de leurs dettes

Figure 5. Proportion de répondants avec des dettes ayant identifié efforts pour assurer l’épanouissement général de leurs enfants et leur niveau de vie comme source de leurs dettes

Note : Proportion simple estimée à l’aide des données de l’Enquête sur l’endettement parmi les ménages québécois.

Discussion et conclusion

36Les résultats présentés dans cet article montrent que les parents sont plus susceptibles d’avoir des dettes, particulièrement hypothécaires et à la consommation (carte de crédit, marge de crédit, factures impayées, etc.), comparativement aux personnes qui n’ont pas d’enfants à charge. Les parents doivent des montants plus importants que les personnes qui n’ont pas d’enfant vivant avec eux. Parmi les personnes ayant des dettes, les difficultés de remboursement et le stress engendré par les dettes sont plus grands chez les parents que chez les personnes sans enfants à charge. Nous constatons qu’une proportion importante de parents (près de 20 %) déclarent s’être endettés pour assurer l’épanouissement et le niveau de vie de leurs enfants.

37Ces résultats sont alignés avec notre Hypothèse 1 posant que, dans un contexte valorisant la parentalité intensive, les parents puissent être nombreux à recourir au crédit pour se procurer les biens et services jugés nécessaires au développement du plein potentiel des enfants et particulièrement susceptibles d’être endettés. Nos résultats sont également cohérents avec notre Hypothèse 2 qui stipule que l’adéquation culturelle entre amour parental et consommation pour les enfants puisse promouvoir chez les parents des niveaux d’endettement et de dépenses tels qu’ils sont à risque élevé d’être dans une situation de surendettement – de difficultés à rembourser leurs dettes. En lien avec notre Hypothèse 3, nos résultats montrent qu’une proportion appréciable de parents reconnaissent les besoins des enfants comme source de leurs dettes. Cependant, concernant notre Hypothèse 4 à propos des différences entre les parents qui sont toujours en couple avec l’autre parent de leurs enfants et ceux qui sont seuls ou remis en couple avec quelqu’un d’autre, elle n’est que partiellement validée. Contrairement à nos attentes, nos résultats indiquent que les parents seuls ou remis en couple ne sont pas plus susceptibles d’avoir des dettes que les parents en situation de « famille intacte ». Au contraire, les parents seuls semblent être moins à risque d’avoir des dettes que les autres parents, puisque le fait de ne pas être en union s’associe à une moindre propension à avoir des dettes et à des montants dus plus faibles. Cependant, nos résultats montrent que, parmi les personnes ayant des dettes, les parents remis en couple et les parents seuls sont plus susceptibles que les parents en « famille intacte » et les personnes sans enfants de déclarer des difficultés de remboursement tout en rapportant un niveau de stress plus élevé comparativement. Ils sont aussi plus susceptibles de déclarer avoir accumulé leurs dettes pour assurer le niveau de vie et l’épanouissement de leurs enfants.

38Une piste d’interprétation pour ces résultats contrastés tient dans la notion d’accès au crédit. En effet, cette accessibilité est facilitée par un haut niveau de revenu et la possibilité d’en combiner deux, particulièrement pour ce qui est du crédit hypothécaire (Wherry et al., 2019 ; Heintz-Martin et al., 2022). Or une telle mise en commun de revenus est impossible pour les parents seuls et elle pourrait également être plus ardue pour des parents remis en couple, par rapport à ceux qui sont avec l’autre parent de leurs enfants, en raison d’enjeux de confiance entre partenaires et de durée de la relation (Eickmeyer et al., 2019). Nos résultats pourraient indiquer, d’une part, que les parents en « famille intacte » bénéficient davantage d’options de crédit, ce qui les mène à de plus hauts niveaux d’endettement que les autres parents. Parmi les personnes qui ont accès au crédit et qui ont accumulé des dettes, les parents remis en couple et surtout ceux qui sont seuls font face à des défis d’endettement plus importants, en lien avec les difficultés plus grandes que soulèvent les attentes financières de la parentalité intensive. En outre, ces parents pourraient davantage vivre de pression à la conformité liée à la parentalité intensive que les parents en famille intacts. En cas de séparation des parents, les enfants se retrouvent à vivre dans deux milieux de vie pouvant offrir des conditions économiques distinctes, notamment si un des deux parents est moins nanti. Pour le parent à plus faible revenu, cet écart peut engendrer des pressions financières importantes afin d’offrir aux enfants des conditions et un niveau de vie comparable à l’autre parent, l’endettement devenant ainsi un outil à l’atteinte de cet objectif. Pour l’ensemble des parents séparés, l’endettement peut constituer un mécanisme pour maintenir le niveau de vie précédant la séparation et pour éviter aux enfants des situations affectant leur épanouissement. Dans un contexte où les enfants sont perçus vulnérables et où leur bien-être et leur réussite sont intimement liés aux pratiques parentales, ces considérations peuvent se matérialiser en pressions financières accrues pour les parents seuls ou remis en couple.

39Nos résultats offrent plusieurs contributions au sein des recherches antécédentes sur la parentalité intensive et les cultures parentales, en ajoutant aux études qui décrivent l’intensité des obligations financières incombant désormais aux parents. Si plusieurs études antérieures ont montré le niveau de dépenses croissant pour le développement des enfants et d’autres ont interrogés comment les différents marchés visant la consommation pour les enfants émergent et s’organisent, peu d’entre elles avaient systématiquement étudié la situation d’endettement des parents. Par ailleurs, les études existantes sur les injonctions à la consommation pour le bien-être des enfants avaient jusqu’ici porté peu d’attention à la diversité des formes familiales et aux défis spécifiques que peuvent vivre les nombreux parents qui ne sont pas en couple avec l’autre parent de leurs enfants, une situation particulièrement prévalente au Québec. Notre étude permet de combler ces manques et de montrer que les obligations financières associées à la parentalité se traduisent en une propension élevée d’avoir des dettes et de vivre des difficultés à les rembourser chez les parents, spécialement ceux qui sont seuls pour ce qui est des difficultés de remboursement.

40Cette étude innove en analysant les répercussions financières de la parentalité dans un contexte, celui du Québec, présentant un niveau très appréciable de soutien public aux familles. Comparativement aux autres provinces canadiennes et à plusieurs autres pays, les congés parentaux, les services de garde, et les allocations familiales y sont généreux (Van den Berg et al., 2017 ; Mathieu et al., 2020 ; Mathieu, 2023). En contraste, la plupart des études existantes sur la parentalité intensive et ses répercussions financières ont été réalisées dans des contextes anglo-saxons, tels que les États-Unis et la Grande-Bretagne, dont les politiques sont moins redistributives, notamment à l’égard des familles avec enfants (Kornrich et Furstenberg, 2013 ; Schneider et al., 2018 ; Bandelj et Grigoryeva, 2021 ; Gauthier et al., 2021). Ces contextes sont également caractérisés par un faible financement public des études supérieures et de très forts taux d’endettement pour études (Zaloom 2019). Le coût privé des études est moins important au Québec et les dettes d’études sont moins prévalentes, comme l’indiquent les résultats exposés ici. Notre étude permet de montrer que, même s’ils peuvent bénéficier de soutiens publics plus généreux, les parents ne sont pas pour autant à l’abri de difficultés financières, en particulier liées à l’endettement. Ce constat s’aligne avec l’idée que l’émergence de la parentalité intensive tient à de multiples causes, qui ne se résument pas qu’au retrait de l’État observé au Québec et incluent des facteurs comme la croissance des inégalités et la transformation du rapport social à l’enfance.

41Cet article contribue plus généralement aux écrits sur l’endettement, qui interroge les sources de la forte demande actuelle des ménages pour le crédit et sur les facteurs sous-jacents aux situations de surendettement. Quelques études sur ce sujet relient l’usage du crédit à la dynamique des obligations et des solidarités familiales, en montrant que le soutien financier offert aux proches s’associe d’une hausse des dettes par carte de crédit (Pugliese et al., 2021a) et que de plus en plus de parents s’endettent pour financer les études postsecondaires de leurs enfants adultes (Zaloom, 2019 ; Bandelj et Grigoryeva, 2021). Nous avons ici contribué au développement de cet angle d’approche en mettant en relation l’endettement particulièrement élevé des parents qui ont des enfants à charge en comparaison aux personnes sans enfants vivant avec eux et leur risque accru de surendettement avec la norme de parentalité intensive et les adéquations qu’elle suppose entre consommation pour les enfants et amour parental. Il importe toutefois de noter que, si la recherche sur la parentalité intensive fournit un cadre interprétatif utile pour mettre en contexte nos résultats sur les niveaux élevés d’endettement et de surendettement des parents, nos seuls résultats ne suffisent pas à établir un lien direct ou causal entre cette norme de parentalité intensive et l’endettement des parents. Ce type de conclusion appelle à des études mesurant directement le niveau d’appui des parents aux valeurs et pratiques associées à la parentalité intensive pour examiner sa relation avec leur niveau d’endettement. Alternativement, il est pertinent d’évaluer comment l’endettement et le stress financier des parents à évolué entre les années 1990, période d’institutionnalisation de la norme de parentalité intensive, et aujourd’hui. Il s’agit selon nous d’avenues de recherche fécondes, à poursuivre dans les études à venir.

42Notre étude comporte d’autres limites à pallier dans les recherches futures. Les données à notre disposition ne fournissent pas d’information sur l’âge des enfants des répondants ou leurs autres caractéristiques et elles offrent un aperçu de l’endettement des parents à un seul moment dans le temps. Par conséquent, nous n’avons pas pu évaluer à quel point du cycle de vie des enfants ni en lien avec quels besoins ou activités les dépenses augmentent et les parents s’endettent. Il sera pertinent pour les prochaines études d’adopter une perspective longitudinale afin de mieux comprendre dans quels contextes les parents sont susceptibles de s’endetter pour subvenir aux besoins de leurs enfants et comment, ainsi que sur quelle période se déroule le remboursement de ces dettes. De plus, les données mobilisées dans l’étude comportent des informations uniquement sur la valeur totale des dettes. Il sera essentiel dans de futures recherches de distinguer les montants de différents types de dettes afin d’explorer comment elles alimentent les difficultés d’endettement des parents. Il sera important de comprendre si les dettes à la consommation spécifiquement, comme les dettes par carte de crédit, sont à la source de difficultés d’endettement des parents, sachant qu’elles s’assortissent de taux d’intérêt généralement élevés. En raison des tailles d’échantillons disponibles et pour demeurer dans les limites d’un seul article, nous n’avons pas pu affiner davantage les catégories de parents que nous avons comparé. En ce sens, nous n’avons pas pu explorer comment le risque d’endettement et de surendettement de pères et de mères dans différentes situations parentales ou encore leur variation selon le niveau d’éducation, le statut d’immigration ou la racisation des parents. Nous recommandons que ces questions soient abordées dans des recherches à venir.

Haut de page

Bibliographie

Bandelj, N. et A. Grigoryeva. 2021. « Investment, Saving, and Borrowing for Children: Trends by Wealth, Race, and Ethnicity, 1998–2016 », The Russell Sage Foundation Journal of the Social Sciences, vol. 7, no 3, p. 50‑77.

Bandelj, N. et M. Spiegel. 2023. « Pricing the priceless child 2.0: children as human capital investment », Theory and Society, vol. 52, no 5, p. 805‑830.

Biland, É. 2019. Gouverner la vie privée: L’encadrement inégalitaire des séparations conjugales en France et au Québec, Lyon, ENS Éditions.

Board of Governors of the Federal Reserve System. 2024. Consumer Loans: Credit Cards and Other Revolving Plans, All Commercial Banks. https://fred.stlouisfed.org/series/CCLACBW027SBOG

Brusdal, R. et I. Frønes. 2013. « The purchase of moral positions: an essay on the markets of concerned parenting », International Journal of Consumer Studies, vol. 37, no 2, p. 159‑164.

Calarco, J. M. 2024. Holding It Together: How Women Became America’s Safety Net, New York, Penguin Random House.

Caputo, V. 2007. « She’s From a « Good Family » : Performing childhood and motherhood in a Canadian private school setting », Childhood, vol. 14, no 2, p. 173‑192.

Chang, B. Y., M. Januska., G. Kumar et A. Ushe. 2016. « La surveillance du secteur bancaire parallèle au Canada : une approche hybride », Banque du Canada. Revue du système financier, p. 27‑44.

Cooper, M. 2017. Family Values: Between Neoliberalism and the New Social Conservatism, New York, Zone Books.

Craig, L., A. Powell et J. E. Brown. 2015. « Co-resident Parents and Young People Aged 15–34: Who Does What Housework? », Social Indicators Research, vol. 121, no 2, p. 569‑588.

Daly, H. E. et J. C. Farley. 2004. Ecological Economics: Principles And Applications, Washington, Island Press.

Dillman, D. A., J. D. Smyth et L. M. Christian. 2014. Internet, Phone, Mail, and Mixed-Mode Surveys: The Tailored Design Method, Hoboken, Wiley.

Doepke, M. et F. Zilibotti. 2019. Love, Money, and Parenting: How Economics Explains the Way We Raise Our Kids, Princeton, Princeton University Press.

Douglas, S. 2004. The Mommy Myth: The Idealization of Motherhood and How It Has Undermined Women, Riverside, Free Press.

Dow, D. M. 2019. Mothering While Black: Boundaries and Burdens of Middle-Class Parenthood, Oakland, University of California Press.

Duhaime, G. 2003. La vie à crédit: consommation et crise, Sainte-Foy, Presses Université Laval.

Dwyer, R. E. 2018. « Credit, Debt, and Inequality », Annual Review of Sociology, vol. 44, p. 237‑261.

Dwyer, R. E., L. A. Neilson, M. Nau et R. Hodson. 2016. « Mortgage worries: young adults and the US housing crisis », Socio-Economic Review, vol. 14, no 3, p. 483‑505.

Eickmeyer, K. J., W. D. Manning et S. L. Brown. 2019. « What’s Mine Is Ours? Income Pooling in American Families », Journal of Marriage and Family, vol. 81, no 4, p 968‑978.

Eid, P. 2022. « Les effets croisés du statut d’immigrant, de la "race" et du genre sur le marché du travail », dans Nouvelles dynamiques de l’immigration au Québec, sous la dir. de M. Paquet, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, p. 179‑198.

Enders, C. K. 2022. Applied Missing Data Analysis, New York, The Guilford Press.

Faircloth, C. 2014. « Intensive Parenting and the Expansion of Parenting », dans Parenting Culture Studies, sous la dir. de E. Lee, J. Bristow, C. Faircloth et J. Macvarish, Londres, Palgrave Macmillan UK, p. 25‑50.

Faircloth, C. 2020. « Parenting and social solidarity in cross-cultural perspective », Families, Relationships and Societies, vol. 9, no 1, p. 143‑159.

Faircloth, C. 2021. « When equal partners become unequal parents: couple relationships and intensive parenting culture », Families, Relationships and Societies, vol. 10, no 2, p. 231‑248.

Fiset, É. et M. Pugliese. 2021. L’endettement étudiant au Québec. Des réflexions à l’égard de la littérature existante, Montréal, INRS Centre - Urbanisation Culture Société. http://chairejeunesse.ca/node/1528

Furedi, F. 2008. Paranoid parenting: why ignoring the experts may be best for your child, Londres, Continuum.

Galarneau, D. et L. Gibson. 2020. Tendances de l’endettement des diplômés postsecondaires au Canada : résultats de l’Enquête nationale auprès des diplômés de 2018, Ottawa, Statistique Canada. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-627-m/11-627-m2020058-fra.pdf

Gathergood, J. 2012. « Self-Control, Financial Literacy and Consumer Over-Indebtedness », Journal of Economic Psychology, vol. 33, no 3, p. 590‑602.

Gauthier, A., C. Bryson., L. Fadel., T. Haux., J. Koops et M. Mynarska. 2021. « Exploring the concept of intensive parenting in a three-country study », Demographic Research, vol. 44, no 13, p. 333‑348.

Gauthier, A. H. et P. W. de Jong. 2021. « Costly children: the motivations for parental investment in children in a low fertility context », Genus, vol. 77, no 1, p. 6.

Genest-Grégoire, A. 2023. Three Essays on Taxes and Canadian Families, thèse de doctorat en philosophie, Ottawa, Carleton University.

Hamilton, P. 2022. Black Mothers and Attachment Parenting, Bristol, Bristol University Press.

Harel, O. et X.-H. Zhou. 2007. « Multiple imputation: review of theory, implementation and software », Statistics in Medicine, vol. 26, no 16, p. 3057‑3077.

Hays, S. 1996. The Cultural Contradictions of Motherhood, New Haven, Yale University Press.

Heintz-Martin, V., C. Recksiedler et A. N. Langmeyer. 2022. « Household Debt, Maternal Well-Being, and Child Adjustment in Germany: Examining the Family Stress Model by Family Structure », Journal of Family and Economic Issues, vol. 43, no 2, p. 338‑353.

Henchoz, C., T. Coste et F. Plomb. 2021. Endettement et surendettement en Suisse : regards croisés, Paris, Editions L’Harmattan.

Hiilamo, H. 2021. « The Legacy of Economic Recession in Terms of Over-Indebtedness: A Framework and Review of the Evidence », Social Policy and Society, vol. 20, no 1, p. 111‑124.

Houle, J. N. 2014. « A Generation Indebted: Young Adult Debt across Three Cohorts », Social Problems, vol. 61, no 3, p. 448‑465.

Houle, J. N. et L. Berger. 2017. « Children with disabilities and trajectories of parents’ unsecured debt across the life course », Social Science Research, vol. 64, p. 184‑196.

Kornrich, S. et F. Furstenberg. 2013. « Investing in Children: Changes in Parental Spending on Children, 1972–2007 », Demography, vol. 50, no 1, p. 1‑23.

Krippner, G. R. 2012. Capitalizing on crisis: the political origins of the rise of finance, Cambridge, Harvard University Press.

Lalancette, M. et P. Germain. 2018. « Être une bonne mère »: représentations de la maternité dans deux magazines canadiens sur l’art d’être parent, Trois-Rivières, CEIDEF.

Lareau, A. et K. Goyette. (dir.) 2014. Choosing Homes, Choosing Schools, New York, Russell Sage Foundation.

Lazarus, J. 2022. Les politiques de l’argent, Paris, Presses universitaires de France.

Lazarus, J. et Y. Morival. 2016. « Redéfinir les frontières du surendettement : Quel problème pour quel public ? », LIEPP Policy Brief, no 26, p. 2-6.

Le Bourdais, C., S.-H. Jeon., S. Clark et É. Lapierre-Adamcyk. 2016. « Impact of conjugal separation on women’s income in Canada: Does the type of union matter? », Demographic Research, vol. 35, p. 1489‑1522.

Leandro, J.C. et D. Botelho. 2022. « Consumer over-indebtedness: A review and future research agenda », Journal of Business Research, vol. 145, p. 535‑551.

Le Pape, M.-C. et C. Helfter. (dir.) 2023. Les familles monoparentales: conditions de vie, vécu et action publique: un état des savoirs, Paris, La Documentation française.

Lee, E., J. Bristow., C. Faircloth et J. Macvarish. 2014. Parenting Culture Studies, Londres, Palgrave Macmillan UK.

Lee, E. et J. Macvarish. 2020. « Le « parent hélicoptère » et le paradoxe de la parentalité intensive au XXIe siècle », Lien social et Politiques, no 85, p. 19‑42.

Leigh, J. P., S. Pacholok., T. Snape et A. H. Gauthier. 2012. « Trying to do more with less? Negotiating intensive mothering and financial strain in Canada », Families, Relationships and Societies, vol. 1, no 3, p. 361‑377.

Le-Phuong Nguyen, K., V. Harman et B. Cappellini. 2017. « Playing with class: Middle-class intensive mothering and the consumption of children’s toys in Vietnam », International Journal of Consumer Studies, vol. 41, no 5, p. 449‑456.

Liu, J., X. He. et Y. Dong. 2024. « Household debt and children’s psychological well-being in China: The mediating role of parent–child relations », Children and Youth Services Review, vol. 157, p. 107387.

Lizotte, M. 2017. S’enrichir selon ses moyens: les effets de l’endettement sur les inégalités de patrimoine au Canada de 1999 à 2012, thèse de doctorat en sociologie, Québec, Université Laval.

Lusardi, A. et P. Tufano. 2015. « Debt literacy, financial experiences, and overindebtedness », Journal of Pension Economics & Finance, vol. 14, no 4, p. 332‑368.

Maroto, M. 2012. « The scarring effects of bankruptcy: Cumulative disadvantage across credit and labor markets », Social Forces, vol. 91, no 1, p. 99‑130.

Martin, C. (dir.) 2014. Être un bon parent. Une injonction contemporaine, Rennes, Presses de l’EHESP.

Martin, C. et X. Leloup. 2020. « La parentalisation du social », Lien social et Politiques, no 85, p. 5‑18.

Mathieu, S. 2023. Égalité, fécondité et maternité : le soutien aux familles au Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.

Mathieu, S. 2016. « From the Defamilialization to the « Demotherization » of Care Work », Social Politics: International Studies in Gender, State & Society, vol. 23, no 4, p. 576‑591.

Mathieu, S. 2019. « La transformation de l’offre de services de garde au Québec: une brèche dans la collectivisation du travail de reproduction sociale ? », Canadian Review of Sociology/Revue canadienne de sociologie, vol. 56, no 2, p. 204‑223.

Mathieu, S., A. Doucet et L. Mckay. 2020. « Parental Leave Benefits and Inter-Provincial Differences: The Case of Four Canadian Provinces », Canadian Journal of Sociology, vol. 45, no 2, p. 169‑195.

Nelson, M. K. 2010. Parenting Out of Control: Anxious Parents in Uncertain Times, New York, NYU Press.

Nepomnyaschy, L., A. Dwyer, K. Eickmeyer, M. R. Waller et D. P. Miller. 2021. « Parental Debt and Child Well-Being: What Type of Debt Matters for Child Outcomes? », The Russell Sage Foundation Journal of the Social Sciences, vol. 7, no 3, p. 122.

Pérez-Roa, L. 2018. « Debt management by young couples from Santiago, Chile: From family networks towards the financial system », Economic Sociology: The European Electronic Newsletter, vol. 20, no 1, p. 27‑33.

Pérez-Roa, L. 2014. « Et si la dette privée était un problème de société ? : Analyse critique de deux thèses populaires sur la compréhension du phénomène du surendettement chez les jeunes dans le contexte de la "révolution néolibérale" », Nouvelles pratiques sociales, vol. 26, no 2, p. 219‑233.

Pugh, A. J. 2009. Longing and Belonging: Parents, Children, and Consumer Culture, Berkeley, University of California Press.

Pugliese, M. 2021. « La propriété d’une maison détachée dans l’imaginaire de la famille : quelles conséquences financières ? », dans Des imaginaires aux réalités conjugales et familiales : Perspectives interdisciplinaires et internationales, sous la dir. de L. Charton et C. Bayard, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 271‑298.

Pugliese, M., H. Belleau., M. E. Longo., C. Côté-Lussier., P. Marier et M. Quintal-Marineau. 2023. Le surendettement parmi les ménages québécois, Montréal, Fonds de recherche Société et Culture Québec.

Pugliese, M., C. Le Bourdais et S. Clark. 2021a. « Credit card debt and the provision of financial support to kin in the US », Journal of Family and Economic Issues, vol. 42, p. 616‑632.

Pugliese, M., A.-M. Séguin et P. Fortier. 2021b. « L’expérience des difficultés économiques et les stratégies d’adaptation chez les personnes âgées canadiennes. Analyse comparée avec d’autres groupes d’âge », Enfances Familles Générations, no 36.

Pylypa, J. 2011. « Socialization for Intensive Mothering in the Single Parent, Transnationally Adoptive Family », Journal of the Motherhood Initiative for Research and Community Involvement, vol. 2, no 1, p. 213‑225.

Quéniart, A. et S. Vennes. 2003. « De la volonté de tout contrôler à l’isolement : l’expérience paradoxale de la maternité chez de jeunes mères », Recherches féministes, vol. 16, no 2, p. 73‑105.

Robinson, J. N. 2020. « Making Markets on the Margins: Housing Finance Agencies and the Racial Politics of Credit Expansion », American Journal of Sociology, vol. 125, no 4, p. 974‑1029.

Rona-Tas, A. et A. Guseva. 2018. « Consumer Credit in Comparative Perspective », Annual Review of Sociology, vol. 44, p. 55‑75.

Rosen, R. et C. Faircloth. 2020. « Adult-child relations in neoliberal times: insights from a dialogue across childhood and parenting culture studies », Families, Relationships and Societies, vol. 9, no 1, p. 7‑22.

Rubin, D. B. 1988. « An Overview of Multiple Imputation », Proceedings of the Survey Research Methods Section, vol. 79, p. 84.

Rubin, D. B. 1987. Multiple Imputation for Nonresponse in Surveys, New York, John Wiley & Sons.

Saint-Jacques, M.-C., C. Robitaille., É. Godbout., A. Baude et S. Lévesque. 2023. La séparation parentale et la recomposition familiale dans la société québécoise : les premiers moments, Québec, Presses de l’Université Laval.

Schneider, D., O. P. Hastings et J. LaBriola. 2018. « Income Inequality and Class Divides in Parental Investments », American Sociological Review, vol. 83, no 3, p. 475‑507.

Shirani, F., K. Henwood et C. Coltart. 2012. « Meeting the Challenges of Intensive Parenting Culture: Gender, Risk Management and the Moral Parent », Sociology, vol. 46, no 1, p. 25‑40.

Société canadienne d’hypothèque et de logement. 2020. La COVID-19 influe sur le fardeau de la dette des ménages. https://www.cmhc-schl.gc.ca/lobservateur-du-logement/2020-housing-observer/la-covid19-influe-sur-le-fardeau-de-la-dette-des-menages

del Solar, A. V., M. S. Galeas et I. S. Agoglia. 2020. « Parents’ economic efforts in the discourses of Chilean children: ethical reflexivity and reciprocal care », Families, Relationships and Societies, vol. 9, no 1, p. 59‑74.

Statistique Canada. 2021. Registered retirement savings plan contributions, 2019, Ottawa, Statistique Canada. https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/210309/dq210309c-eng.htm

Thorne, D. et L. Anderson. 2006. « Managing the Stigma of Personal Bankruptcy », Sociological Focus, vol. 39, no 2, p. 77‑97.

Van den Berg, A., C. Plante., H. Raïq., C. Proulx et S. Faustmann. 2017. Combating Poverty: Quebec’s Pursuit of a Distinctive Welfare State, Toronto, University of Toronto Press.

Vincent, C. et S. J. Ball. 2007. « « Making Up » the Middle-Class Child: Families, Activities and Class Dispositions », Sociology, vol. 41, no 6, p. 1061‑1077.

Wall, G. 2010. « Mothers’ experiences with intensive parenting and brain development discourse », Women’s Studies International Forum, vol. 33, no 3, p. 253‑263.

Wall, G. et S. Arnold. 2007. « How Involved Is Involved Fathering?: An Exploration of the Contemporary Culture of Fatherhood », Gender & Society, vol. 21, no 4, p. 508‑527.

Westermeier, C. et M. Grabka. 2015. « Significant Statistical Uncertainty over Share of High Net Worth Households », DIW Economic Bulletin, vol. 5, no 14/15, p. 210‑219.

Wherry, F. F., K. S. Seefeldt., A. S. Alvarez et J. Quinonez. 2019. Credit Where It’s Due: Rethinking Financial Citizenship, New York, Russell Sage Foundation.

Wiedemann, A. 2023. « A Social Policy Theory of Everyday Borrowing: On the Role of Welfare States and Credit Regimes », American Journal of Political Science, vol. 67, no 2, p. 324‑341.

Wiedemann, A. 2021. Indebted Societies: Credit and Welfare in Rich Democracies, Cambridge, Cambridge University Press.

Yalnizyan, A. 2009. Exposed: Revealing Truths About Canada’s Recession, Ottawa, Canadian Centre for Policy Alternatives.

Yeager, D. S., J. A. Krosnick., L. Chang., H. S. Javitz., M. S. Levendusky., A. Simpser et R. Wang. 2011. « Comparing the Accuracy of RDD Telephone Surveys and Internet Surveys Conducted with Probability and Non-Probability Samples », Public Opinion Quarterly, vol. 75, no 4, p. 709‑747.

Zaloom, C. 2019. Indebted: How Families Make College Work at Any Cost, Princeton, Princeton University Press.

Zelizer, V. 1994. The Social Meaning of Money, New York, Basic Books.

Haut de page

Annexe

Annexe 1. Détail sur les réponses à la portion téléphonique de l’Enquête sur l’endettement des ménages québécois

Échantillon de base

99 569

Numéros non valides

52 778

Pas de service

36 023

Non résidentiel

100

Fax/modem/cellulaire/téléavertisseur

16 655

Numéros hors échantillon

1252

Langue étrangère

477

Non qualifié

591

Quota atteint

184

Échantillon effectif

45 539

Entrevues non complétées

43 739

Refus

17 100

Pas de réponse

18 337

Répondeur

6185

Occupé

1150

Incomplet

124

Rendez-vous fixe

843

Entrevues complétées

1800

Annexe 2. Comparaison entre l’Enquête sur l’endettement des ménages québécois (EEMQ) et le recensement de 2016

EEMQ Données non pondérées

EEMQ

Données pondérées

Recensement 2016

(Québec seulement, 15 ans et plus)

Âge (%)

Moins de 34 ans

25

25,5

28,4*

35-64 ans

48,8

51,7

49,7*

Plus de 65 ans

26,2

22,8

21,9*

Genre (%)

Homme

45,5

48,7

49,2* #

Femme

54,3

51,1

50,8* #

Statut matrimonial (%)

Marié

29,6

31,4

34,3**

Union libre

30,5

29,7

22**

Célibataire

25,6

25,7

29,4**

Séparé/divorcé/veuf

14,2

13,3

14,3**

Immigrant (%)

12,3

15,7

16,8***

Revenu (%)

45 000 $ ou moins

66

67,2

66,7**** ##

Plus de 45 000 $

34

32,8

33,3**** ##

Niveau d’éducation

Secondaire

26,3

26,8

21,5*****

Collégial

30,6

30

34,5*****

Baccalauréat ou plus

33,9

34,2

20,5*****

*Source : Statistique Canada, 2020d

**Source : Statistique Canada, 2020b

***Source : Statistique Canada, 2020a

****Source : Statistique Canada, 2020e

*****Source : Statistique Canada, 2020 c

#Note : proportion concerne l’ensemble du Québec.

##Note : branches de revenu sont 44 999 $ et moins et 45 000 $ et plus et sont en dollars de 2015.

Haut de page

Notes

1 « New brain research further emphasizes the important role of intensive mothering in optimizing child brain development and for children’s future intellectual development » (Wall, 2010 : 253).

2 Il n’existe pas de moyen direct de comparer la proportion de valeurs manquantes à ce qui est observé dans les données d’autres enquêtes sur le patrimoine, car les répondants ont été invités à estimer la valeur totale de leurs actifs, de leurs dettes et de leurs revenus annuels dans notre enquête. Dans la plupart des autres enquêtes, il leur est demandé d’estimer la valeur de plusieurs types d’actifs, de dettes et de revenus. Les informations disponibles sur les données manquantes dans les deux principales enquêtes canadiennes sur le patrimoine suggèrent toutefois que la proportion de valeurs manquantes observée dans nos données est comparable. Dans l’Enquête canadienne sur les capacités financières menée en 2014 par Statistique Canada, 42,97 % des personnes possédant des actifs financiers (31,48 % de l’échantillon) n’ont pas déclaré la valeur de ces actifs, tandis que 24,80 % des personnes propriétaire d’une résidence, d’une voiture ou d’autres biens de valeur n’ont pas déclaré leur valeur combinée (Statistique Canada, 2021). Dans l’ensemble, ces chiffres indiquent que les données manquantes sont fréquentes dans les enquêtes sur le patrimoine au Canada, comme dans nos propres données, ce qui est probablement dû au fait que les personnes ne sont pas sûres de la valeur actuelle de leurs biens et de leurs dettes ou ne sont pas à l’aise pour communiquer ces informations dans une enquête. Il est possible que les personnes répondantes aient de meilleures connaissances financières ou plus à l’aise de partager des informations sur leurs finances. Ceci pourrait les rendre moins susceptibles d’avoir des dettes et des difficultés de remboursement.

3 Il n’existe pas de moyen direct de comparer la proportion de valeurs manquantes à ce qui est observé dans les données d’autres enquêtes sur le patrimoine, car les répondants ont été invités à estimer la valeur totale de leurs actifs, de leurs dettes et de leurs revenus annuels dans notre enquête. Dans la plupart des autres enquêtes, il leur est demandé d’estimer la valeur de plusieurs types d’actifs, de dettes et de revenus. Les informations disponibles sur les données manquantes dans les deux principales enquêtes canadiennes sur le patrimoine suggèrent toutefois que la proportion de valeurs manquantes observée dans nos données est comparable. Dans l’Enquête canadienne sur les capacités financières menée en 2014 par Statistique Canada, 42,97 % des personnes possédant des actifs financiers (31,48 % de l’échantillon) n’ont pas déclaré la valeur de ces actifs, tandis que 24,80 % des personnes propriétaire d’une résidence, d’une voiture ou d’autres biens de valeur n’ont pas déclaré leur valeur combinée (Statistique Canada, 2021). Dans l’ensemble, ces chiffres indiquent que les données manquantes sont fréquentes dans les enquêtes sur le patrimoine au Canada, comme dans nos propres données, ce qui est probablement dû au fait que les personnes ne sont pas sûres de la valeur actuelle de leurs biens et de leurs dettes ou ne sont pas à l’aise pour communiquer ces informations dans une enquête. Il est possible que les personnes répondantes aient de meilleures connaissances financières ou plus à l’aise de partager des informations sur leurs finances. Ceci pourrait les rendre moins susceptibles d’avoir des dettes et des difficultés de remboursement.

4 Les probabilités sont estimées grâce à la fonction mimrgns de Stata 15 à la valeur moyenne des autres variables du modèle.

5 Les valeurs sont estimées grâce à la fonction mimrgns de Stata 15 à la valeur moyenne des autres variables du modèle.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Figure 1. Probabilités estimées de différents types de dettes selon la situation parentale
Légende Note : Probabilités estimées à partir des modèles de régression logistique présentés au Tableau 1.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/efg/docannexe/image/20881/img-1.png
Fichier image/png, 48k
Titre Figure 2. Valeur médiane estimée des dettes selon la situation parentale (parmi les personnes ayant des dettes)
Légende Note : Valeurs estimées à partir du Modèle 1 au Tableau 2.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/efg/docannexe/image/20881/img-2.png
Fichier image/png, 19k
Titre Figure 3. Distribution estimée des difficultés perçues de remboursement des dettes selon la situation parentale (parmi les personnes ayant des dettes)
Légende Note : Probabilités estimées à partir du Modèle 2 au Tableau 2.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/efg/docannexe/image/20881/img-3.png
Fichier image/png, 30k
Titre Figure 4. Stress moyen engendré par les dettes estimé selon la situation parentale (sur une échelle de 1 à 10, parmi les personnes ayant des dettes)
Légende Note : Valeurs estimées à partir du Modèle 3 au Tableau 2.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/efg/docannexe/image/20881/img-4.png
Fichier image/png, 18k
Titre Figure 5. Proportion de répondants avec des dettes ayant identifié efforts pour assurer l’épanouissement général de leurs enfants et leur niveau de vie comme source de leurs dettes
Légende Note : Proportion simple estimée à l’aide des données de l’Enquête sur l’endettement parmi les ménages québécois.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/efg/docannexe/image/20881/img-5.png
Fichier image/png, 18k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Maude Pugliese et Magalie Quintal-Marineau, « Endettement et parentalité intensive : les difficultés de remboursement chez les parents du Québec  »Enfances Familles Générations [En ligne], 46 | 2024, mis en ligne le 14 octobre 2024, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/efg/20881

Haut de page

Auteurs

Maude Pugliese

Professeure agrégée, Institut national de la recherche scientifique, Centre Urbanisation Culture Société, maude.pugliese@inrs.ca

Articles du même auteur

Magalie Quintal-Marineau

Professeure agrégée, Institut national de la recherche scientifique, Centre Urbanisation Culture Société, magalie.quintalm@inrs.ca

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search