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Le patrimoine : une affaire de famille

Wealth: A Family Matter
Patrimonio: un asunto de familia
Céline Bessière et Maude Pugliese

Résumés

Cadre de la recherche : Depuis une dizaine d’années, la recherche en sciences sociales a été profondément renouvelée par une mesure des inégalités socio-économiques qui ne tient plus seulement compte des situations socio-professionnelles, des revenus d’emploi ou des diplômes, mais aussi des patrimoines. Or, le patrimoine – qu’il soit hérité, épargné ou accumulé par les rendements sur investissement – est une affaire de famille, qui met en jeu les trois grandes dimensions de la parenté : la filiation, la germanité et l’alliance.

Objectifs : Faire dialoguer la littérature sur les inégalités socio-économiques de patrimoine avec les sciences sociales de la famille.

Méthodologie : Cet article introductif s’appuie sur une revue de littérature de diverses disciplines en sciences sociales en économie, sociologie, démographie, histoire, anthropologie, philosophie politique et droit.

Résultats : Ce numéro de la revue Enfances Familles Générations est un plaidoyer pour que les sciences sociales tiennent compte tout à la fois des liens et des biens familiaux à partir des questions concrètes de l’héritage, du mariage, de l’endettement, de l’accession à la propriété immobilière. Le patrimoine, son accumulation, sa préservation et sa transmission sont en fait des préoccupations au sein des familles de tous les milieux sociaux.

Conclusion : Les dynamiques familiales - en interaction avec les multiples acteurs du champ familial – participent à la structuration des inégalités économiques intrafamiliales (notamment de genre) et interfamiliales (notamment de classe et de race). Mais l’exploration des inégalités en matière d’avoirs et de dettes permet aussi de mieux comprendre les rapports familiaux puisque le patrimoine est au cœur du faire famille.

Contribution :  Cet article introductif affirme l’importance d’étudier les stratégies patrimoniales familiales au sein de toutes les classes sociales et de multiplier les contextes historiques, nationaux et culturels d’étude.

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Texte intégral

1Ce numéro de la revue Enfances Familles Générations prend à rebours la tendance des études de la famille en sciences sociales depuis Émile Durkheim et tout au long du XXe siècle à s’intéresser aux liens plutôt qu’aux biens. Les articles présentés dans ce numéro thématique répondent à un appel à placer le patrimoine au centre des interrogations sur l’institution familiale, et la famille au cœur des questionnements sur les inégalités en matière d’avoirs et de dettes. Avant d’introduire les différentes contributions du numéro et afin de mieux les situer, nous présentons d’abord un état de lieux de la recherche sur le patrimoine et son inégale distribution, en soulignant sa tendance à occulter les liens familiaux.

Les inégalités de patrimoine : une question majeure pour les sciences sociales

2Depuis une dizaine d’années, notamment depuis la publication du livre de Thomas Piketty Le capital au XXIe siècle (2013), la recherche en sciences sociales a été profondément renouvelée par une mesure des inégalités socio-économiques qui ne tient plus seulement compte des situations socio-professionnelles, des revenus d’emploi ou des diplômes, mais aussi des patrimoines (Killewald et al., 2017 ; Duvoux et Papuchon, 2022 ; Waitkus et al., 2024). Cette notion de « patrimoine » (ou richesse/wealth en anglais) désigne le stock d’actifs – qu’ils soient financiers, professionnels, fonciers ou immobiliers — détenus par un individu à un moment donné. Le patrimoine brut ne tient compte que des avoirs, tandis que le patrimoine net est déduit de l’endettement. Cette ressource peut rapporter des revenus, donner accès au crédit, mais aussi faciliter la mise à son compte, permettre à ses enfants de faire des études supérieures ou encore de se loger dans les sociétés dominées par la propriété immobilière. Le patrimoine est aussi déterminant pour le bien-être des individus à la retraite, surtout dans les contextes où les pensions publiques sont relativement limitées, tel qu’au Canada, (Mo, 2010 ; Foster, 2011 ; Carrière et al., 2015 ; McCarthy, 2017), en plus d’être une source de pouvoir économique et politique, d’indépendance et d’appui matériel face aux aléas de l’existence (Beckert, 2024). Dans des temps économiques incertains, caractérisés par la précarité, tant dans les rapports de travail que de la vie personnelle (instabilité conjugale), la capacité à conserver ou accumuler du patrimoine est devenue cruciale, et elle contribue de plus en plus à définir la position sociale de tout un chacun et chacune aux différents stades de la vie (Adkins et al., 2020).

3Les inégalités de patrimoine se présentent pour ces raisons comme une question centrale pour l’ensemble des sciences humaines, sociales et économiques actuelles, incluant l’histoire (Les Annales, 2015), la sociologie (Bessière et Gollac, 2020 ; Savage, 2021 ; Duvoux et Papuchon, 2022) ou encore la philosophie politique et le droit (Schmidt am Busch et al., 2022 ; Plouviez, 2024). Les études montrent notamment que depuis les années 1980, les inégalités de patrimoine, qu’on les mesure à l’intérieur des pays ou globalement, s’accroissent fortement, pour atteindre des niveaux qui n’avaient pas été connus depuis les premières décennies du XXe siècle. En 2021, au niveau mondial, les 10% les plus riches possédaient plus de trois quart (76%) de la richesse, tandis que les 50% les plus pauvres n’en détenaient qu’à peine 2% (Chancel et al., 2022). Au niveau infranational la part des richesses au sein du décile des individus les plus fortunés varie, atteignant par exemple plus de 80% au Chili, plus de 70% aux États-Unis contre 60% en France et 58% au Canada (Pfeffer et Waitkus, 2021 ; Chancel et al., 2022). De fortes inégalités existent également entre les groupes raciaux minorisés et dominants, notamment entre les personnes afro- et euro-descendantes aux États-Unis (Derenoncourt et al., 2023). Les écarts de patrimoine entre les hommes et les femmes sont aussi impressionnants, c’est le cas notamment en Afrique du Sud (Casale et Oyenubi, 2024), au Québec (Pugliese, Benoit et al., 2023), en France (Frémeaux et Leturcq, 2020), en Allemagne (Trinh, 2024) et plusieurs autres pays d’Europe, où l’écart de genre, exprimé en proportion du patrimoine moyen des hommes, variait en 2017 entre 12.5% (en Croatie) et 42% (au Luxembourg), et dépassait les 25% dans la majorité des pays recensés par Kukk et ses collègues (2023). Contrairement aux inégalités salariales, les écarts de patrimoine selon le genre n’affichent aucun signe d’amoindrissement, ils semblent même s’approfondir dans certains pays, notamment les États-Unis ou la France depuis les années 1990 (Frémeaux et Leturcq, 2020 ; Lee, 2022).

Le patrimoine : une affaire de famille et une affaire pour les sciences sociales de la famille

4Or, le patrimoine est une affaire de famille. L’étymologie du mot en français en fournit un indice : du latin patrimonium, le patrimoine est ce qui vient du père (du latin pater : père, et munire : munir). De manière plus détaillée, il y a trois manières principales d’accumuler du patrimoine : en héritant/le recevant d’autrui, en épargnant ou via les rendements sur investissement. Dans tous les cas, cela implique des rapports familiaux. C’est évident concernant l’héritage et les transferts. Dans les pays régis par le Code civil, comme la France, une grande partie de l’Europe continentale et de l’Amérique du Sud, le droit favorise les transferts de patrimoine vers les descendant·es direct·es. En tant qu’héritier·es réservataires, les enfants quel que soit leur sexe ou rang de naissance ne peuvent pas être deshérité·es ; de surcroît, fiscalement ces transferts sont très avantagés. Toutefois, l’héritage n’est pas moins familial dans des contextes où règne la liberté testamentaire, soit le pouvoir de dicter la distribution post-mortem de ses biens (comme au Canada, aux États-Unis, et en Grande Bretagne). Aux Etats-Unis, par exemple, l’héritage est une pratique intergénérationnelle dans les mêmes proportions qu’en France (Wolff et Gittleman, 2014). tant et si bien que parents et enfants s’attendent à cette transmission (Schaeffer, 2014 ; Cotton, à paraître). Par ailleurs, les donations du vivant sont de plus en plus communes, et elles transigent, elles-aussi, principalement au sein des liens filiaux (Kim, 2024 ; Tisch et Schechtl, 2024). De façon moins évidente, l’épargne et les rendements d’investissement concernent aussi l’institution familiale, puisque les parents ne transmettent pas que des avoirs à leurs enfants, mais aussi des valeurs quant à l’épargne et des connaissances financières (Henchoz et al., 2014 ; Luhr, 2018 ; LeBaron et Kelley, 2021). Également, la capacité à mettre de l’argent de côté et à le faire fructifier dépend des revenus individuels, mais tout autant de la division du travail au sein des couples, des régimes matrimoniaux, ainsi que des modes familiaux de gestion budgétaire : qui, dans la famille, contrôle les entrées et sorties d’argent, qui est autorisé à dépenser quoi, pour qui, qui décide des stratégies concrètes de placements et d’acquisition de biens divers ? (Vogler et Pahl, 1994 ; Zelizer, 2005 ; Bennett, 2013).

5Dans ce contexte, les liens familiaux sont, d’une certaine manière, centraux dans toutes les recherches sur les inégalités de patrimoine, mais ils sont, paradoxalement, généralement entièrement sous problématisés. Prenons, par exemple, la théorie du cycle de vie, approche ayant longtemps été dominante en sciences économiques, et qui postule que le principal motif d’accumulation du patrimoine est la préparation à la retraite, le patrimoine se bâtissant par conséquent dans la période active pour être ensuite liquidé en âge avancé (Ando et Modigliani, 1963). Si cette théorie reconnaît qu’une majorité de personnes sera en couple durant au moins une partie de ses périodes d’accumulation et de décaissements pour la retraite, la manière dont les conjoint·es gèrent et se répartissent les avoirs n’est généralement pas considérée. Le plus souvent, on présume simplement que les conjoint·es s’entendent sur les stratégies d’épargne et se répartissent les sommes également (Bennett, 2013 ; Metzger, 2018). La théorie du cycle de vie intègre également fort mal l’héritage et les autres transferts des parents aux enfants comme motif d’accumulation pour les premiers et mode d’accès au capital pour les derniers. Certes, l’approche de l’équipe de Thomas Piketty et celle de plusieurs autres économistes et sociologues de la stratification sociale pallient en partie cette lacune en soulignant la part croissante de l’héritage dans le creusement des inégalités patrimoniales contemporaines, notamment parce que les taux de rendement sur le capital dépassent de plus en plus largement la rémunération du travail (Piketty, 2013 ; Piketty et al., 2014 ; Saez et Zucman, 2016 ; De Nardi et Fella, 2017 ; Elinder et al., 2018 ; Feiveson et Sabelhaus, 2018 ; Frémeaux, 2019 ; Palomino et al., 2022). Cependant, tout en reconnaissant que les héritages sont principalement intrafamiliaux et descendants, ces études n’investiguent que rarement pourquoi (Pfeffer et Killewald, 2018). La transmission post-mortem du patrimoine y est plutôt traitée comme un simple résidu impensé : ce qui n’a pas été consommé par le défunt durant sa vie est dirigé vers les descendant·es par altruisme, amour, habitude ou un cadre légal l’obligeant, comme le soulignait Anne Gotman (1988) au sujet de la France.

6Si les spécialistes des inégalités et de la stratification sociale se sont peu intéressés aux logiques de l’héritage et à la dimension familiale du patrimoine, on pourrait toutefois s’attendre à ce que les sociologues et les autres expert·es de la famille en ait depuis longtemps fait une question centrale à leur champ d’études. Pourtant, il n’en est rien. A la fin du XIXe siècle, Durkheim avait prédit que l’industrialisation compromettrait la place de la famille dans l’héritage, les testataires étant appelés à léguer plutôt aux organismes civils correspondant à leurs valeurs ou rien du tout (Schwartz, 1993). Or face à la contradiction évidente pour cette prédiction que soulève la persistance des transmissions successorales aux enfants, ces dernières sont demeurées, jusqu’à tout récemment, sous-étudiées par les spécialistes de la famille occidentale contemporaine. Les quelques analyses disponibles à leur sujet les ont typiquement réduites à leur dimension symbolique : les héritages servent à entretenir la mémoire des morts, à témoigner de la place de chaque enfant dans sa famille d’origine (Gotman, 1989 ; Finch et Mason, 2000 ; Ramos, 2005). L’analyse porte donc sur le « droit d’inventaire » de l’individu par rapport à une histoire familiale, sans accorder beaucoup d’importance aux questions d’argent, de montants, de biens ou de pouvoir, « toutes choses qui, pourtant, ne contribuent pas peu à la dévolution des statuts sociaux » (Barthélémy, 2004). De la même manière, les arrangements patrimoniaux des couples n’ont historiquement été que très peu étudiés par la sociologie, l’histoire ou l’anthropologie de la famille. La gestion des revenus et des dépenses courantes ont, certes, fait l’objet d’analyses approfondies (Pahl, 1989 ; Vogler, 1998 ; Henchoz, 2009 ; Belleau et Proulx, 2010), cependant l’abondante littérature sur l’accession à la propriété (de la résidence) ignore toujours presque complètement sa répartition entre conjoint·es (sauf quelques exceptions: Lersch et Vidal, 2016; Pugliese et Belleau, 2022), et les recherches au sujet de la gestion conjugale des patrimoines financiers sont rarissimes (comme le soulignait Pugliese et Belleau, 2021).

7Cette tendance à négliger les enjeux patrimoniaux familiaux est à situer au sein du « grand récit de la famille moderne » produit par les sciences sociales de la famille au cours du XXe siècle, qui les a rejetés au passé (dans les familles dites « traditionnelles »), à l’ailleurs exotique de sociétés supposées moins avancées sur le chemin de la modernité, ou, encore, confinés à certains groupes sociaux restreints des sociétés occidentales (les grandes fortunes, les indépendants, les entreprises familiales) (Bessière et Gollac, 2020 : 26‑30 pour une critique de ce grand récit qui se déploie principalement en sociologie, mais aussi en histoire et en anthropologie). Selon cette perspective, ce qui caractériserait « la famille moderne » serait l’épure des relations affectives interpersonnelles, dégagées des enjeux économiques, puisqu’ils sont pris en charge par l’État ou le marché, plutôt que la famille, au sein des sociétés industrielles et post-industrielles (Giddens, 1992 ; Beck et Beck-Gernsheim, 1995 ; De Singly, 2014). Au final, en conceptualisant ainsi « la famille moderne » comme le lieu de la construction de l’autonomie des individus au cours du XXe siècle, les sciences sociales de la famille ont détourné le regard de la montée – désormais bien documentée historiquement et statistiquement — des transmissions patrimoniales et de leur rôle déterminant dans la reproduction sociale des sociétés contemporaines, autant que de l’accumulation patrimoniale au sein des couples et des écarts de genre qu’elle peut sous-tendre. Ce faisant, elle laisse l’occupation de ces champs de recherche presqu’entièrement aux expert·es de la stratification sociale et des inégalités, qui ne pensent que peu la famille, entretenant à son égard des hypothèses souvent invalides, ou la réduisant, bien souvent, à une simple huile dans l’engrenage des rapports de force politico-économiques plus larges.

Inégalités patrimoniales inter- et intra-familiales

8La compréhension des inégalités de patrimoine gagne ainsi à être appréhendée par une sociologie, une histoire, une anthropologie de la famille renouvelées qui s’intéressent à la formation et à la circulation du patrimoine parmi les apparenté·es. Un champ de recherche en plein essor met depuis quelques années ces questions à l’avant plan, en soulignant l’importance d’étudier tout à la fois la formation des inégalités patrimoniales inter- et intra-familiales (Bessière et Gollac, 2020).

9Au niveau inter-familial, le concept de stratégies familiales de reproduction — emprunté à Pierre Bourdieu s’avère fécond (Bessière et Gollac, à paraître). Développé dans le cadre de l’analyse de la société paysanne du Sud-Ouest de la France dans les années 1960, ce concept permet de mettre l’accent sur les pratiques concrètes mises en œuvre par des groupes familiaux, mais aussi des individus en tant que père et mère, frère et sœur, conjoint·es, fils et fille, pour maintenir ou améliorer leur position dans l’espace social (Bourdieu, 2002 ; 1980). Les stratégies familiales de reproduction peuvent être de plusieurs ordres – stratégies matrimoniales, stratégies de fécondité, stratégies immobilières, successorales, éducatives, scolaires… - et elles font système entre elles (Bourdieu, 2002 [1972]). Dans le Béarn des années 1960 étudié par Bourdieu, la hiérarchie sociale s’établit essentiellement en fonction des terres : la conservation du patrimoine foncier est donc le principal moyen de reproduction sociale. Elle est assurée, notamment, par des stratégies matrimoniales et successorales qui supposent la formation d’habitus qui accordent, non sans tensions, les dispositions subjectives (par exemple avoir l’étoffe de l’héritier) et les conditions sociales objectives (par exemple être le fils aîné, ou du moins celui qui est en âge de prendre la tête de l’exploitation agricole au moment où le père se retire). Dans les sociétés contemporaines, caractérisées par la massification scolaire et la financiarisation de l’économie, il est nécessaire d’interroger les nouveaux modes d’articulation des capitaux économiques et culturels dans les stratégies familiales de reproduction, mais aussi d’engager une réflexion sur les groupes familiaux et les individus qui les composent, effectivement porteurs de ces stratégies (Bessière et Gollac, à paraître). Il est aussi nécessaire d’analyser le renouvellement de ces mécanismes en lien avec les bouleversements de l’institution familiale, notamment, dans de nombreux pays, la diminution du nombre de mariages, la fréquence des séparations conjugales, l’essor des familles monoparentales et recomposées, la légalisation des familles homoparentales, etc.

10Plusieurs travaux contemporains peuvent être lus dans cette perspective, explorant comment certaines familles monopolisent la richesse dans ses différentes formes et la conservent d’une génération à l’autre, tandis que d’autres familles sont durablement privées de toute possibilité d’accumulation patrimoniale, une reproduction des classes sociales par le patrimoine qui recoupe aussi des disparités ethno-raciales qui persistent au sein de ces mêmes sociétés (Conley, 1999 ; Shapiro, 2005 ; Addo et al., 2016). Par exemple, Lorraine Bozouls (2022, en région parisienne), Rachel Sherman (2017, à New York) et Luna Glucksberg (2018, à Londres) montrent le rôle crucial joué par les épouses dans l’entretien du patrimoine immobilier des classes supérieures urbaines : elles passent un temps conséquent à rechercher une maison qui combine les bonnes caractéristiques (en termes de quartier, de volume, de distribution des pièces) et assurent le travail couteux de décoration et maintenance des intérieurs, souvent sans reconnaître qu’il s’agit là d’un travail. Néanmoins, c’est bien une division du travail entre conjoint·es qui contribue à l’accumulation patrimoniale et au maintien du statut social de la famille – aux hommes les carrières professionnelles les plus rémunératrices dans des secteurs professionnels globalisés qui supposent une forte mobilité géographique et disponibilité temporelle (telle la finance), tandis que les femmes assurent le travail éducatif et le travail du style de vie. Hansen et Toft (2021) ont quant à elles montré le rôle crucial de l’accès au crédit hypothécaire comme manière de perpétuer la position sociale des familles d’une génération à l’autre en Norvège.

11Au niveau intra-familial, l’inégalité patrimoniale bien documentée entre les femmes et les hommes n’est pas seulement due aux inégalités de revenus dans la sphère professionnelle, mais prend aussi naissance au cœur des rapports familiaux. Les transmissions patrimoniales des parents aux enfants de leur vivant et par voie d’héritage ont des effets genrés, autant du point de vue des parents qui transmettent (Lersch et al., 2017 ; Maroto, 2019), que de leur progéniture, les réceptions de patrimoine variant selon l’ordre de naissance et le sexe des enfants (Bessière et Gollac, 2020 ; Gollac, 2013). En France (Bessière et Gollac, 2020), de même qu’en Allemagne (Tisch et Schechtl, 2024 ; Trinh, 2024) et à Taiwan (Chu et al., 2023), les fils (surtout les aînés) reçoivent davantage de parts d’entreprise et actifs immobiliers, mais aussi davantage de donations anticipées que leurs sœurs, parce qu’ils sont plus susceptibles d’être socialisés aux affaires familiales et d’être ainsi vus comme des gestionnaires plus habiles et légitimes au moment de la transmission. Ces inégalités de genre s’observent surtout parmi les familles les plus aisées en Allemagne, selon Trinh (2024), ainsi que dans celles qui transmettent une entreprise familiale (Bessière, 2010, au sujet des entreprises viticoles de Cognac ; Stamm, 2016, au sujet d’entreprises familiales en Allemagne ; Delabie, 2021, au sujet de familles industrielles en Picardie).

12Des études récentes s’intéressent aussi à l’organisation genrée des couples et à la gestion de leurs actifs, le plus souvent en se contentant de quantifier la copropriété versus l’individualisation des avoirs (Kan et Laurie, 2014 ; Lersch et Vidal, 2016 ; Nutz et Gritti, 2021 ; Pugliese et Belleau, 2021 ; Pugliese, Belleau et al., 2023), bien que certaines études fassent aussi état des valeurs, des significations et des motivations familiales qui régissent les aménagements des couples (Tisch et Lersch, 2021). De ces études ressort l’idée que les différentes composantes du patrimoine sont plus ou moins conjugalisées : si le patrimoine immobilier est le patrimoine détenu conjugalement par excellence (surtout la résidence principale, nettement moins l’immobilier de rapport ou les résidences secondaires, Gollac, 2017), il est plus susceptible d’être possédé individuellement dans les couples à revenu inégaux (Pugliese et Belleau, 2022). Le patrimoine financier est le plus souvent individualisé (Kan et Laurie, 2014), même s’il faut toutefois distinguer selon ses différentes composantes : des comptes en banque qui peuvent être individuels ou joints, aux portefeuilles d’actions, en passant par les contrats d’assurance vie qui apparaissent comme un moyen de transmettre le patrimoine à son conjoint ou ses enfants. Dans certains pays, les pensions de retraite constituent un patrimoine personnel, mais qui comporte une forte dimension conjugale (c’est le cas au Québec, par exemple : ou les conjoint.es marié.es et conjoint.es de fait obtiennent une rente de conjoint survivant au décès de leur partenaire). Dans d’autres pays comme la France, les droits à la retraite ne sont pas comptabilisés comme du patrimoine des individus, car dépendant de régulations collectives. De grandes variations existent également dans la transmission de biens au partenaire au décès : les conjointe·s figurent typiquement parmi les héritiers s’ils ou elles sont marié·es, beaucoup moins si non, surtout s’il s’agit d’une seconde union (Pugliese, Belleau et Biron-Boileau, 2023). Les inégalités patrimoniales intraconjugales s’articulent toutefois aux rapports de classe : plus les couples sont fortunés, moins les femmes ont de pouvoir économique dans leur couple (Herlin-Giret, 2019 ; Lareau, 2022), tandis que les femmes de familles moins bien nanties sont en première ligne pour gérer l’endettement et la pauvreté (Guérin, 2008 ; Perrin-Heredia et al., 2018). Aussi, si ces inégalités sont bien souvent masquées ou latentes en cours d’unions, leur fin en dévoile l’ampleur, comme le montre quelques études décrivant les conséquences particulièrement délétères des ruptures et des recompositions familiales pour le patrimoine des femmes (Halpern-Manners et al., 2015 ; Bessière et Gollac, 2020 ; Boertien et Lersch, 2021 ; Kapelle et Baxter, 2021).

13En explorant comment l’institution et les transitions familiales façonnent les inégalités patrimoniales, il est impératif de les situer dans leur contexte social, culturel et politique. Comme l’ont écrit plusieurs autrices et auteurs récemment dans le contexte états-unien, faire l’économie de cette tâche peut conduire à l’exagération et l’essentialisation de la famille comme moteur d’inégalités et au voilement de l’apport d’autres forces sociales, incluant le racisme (Parolin, 2021 ; Baker et O’Connell, 2022 ; Cross et al., 2022). Ultimement ceci facilite le développement de discours conservateurs prônant le retour aux valeurs familiales traditionnelles comme vecteur d’une prospérité partagée (Kearney, 2023). Répondant à cet appel, plusieurs études conceptualisent les couples et les familles au sein d’un champ familial, composé d’acteurs et d’institutions variés — étatiques, éducationnels, juridiques – qui encadrent et régulent leurs décisions et actions patrimoniales, autant que le spectre des possibilités se présentant à eux (Dandurand, 1995). L’impact du droit et de ses multiples professionnels apparait ici au premier plan, structurant les logiques familiales de répartition et de transmission du patrimoine, notamment chez les plus riches qui sont aussi les mieux entourés par des expert·es du droit et de la finance dédié·es à l’accumulation du patrimoine, allant des gestionnaires de fortune, aux banquiers, experts comptables, en passant par les avocats fiscalistes ou les notaires (Marcus et Hall, 1992 ; Harrington, 2016 ; Herlin-Giret, 2019 ; Bessière et Gollac, 2020 ; Bessière, 2022). Les familles aux moyens plus modestes sont quant à elles accompagnées dans des logiques plus apparentées à la surveillance et l’épreuve, pour reprendre le terme de Lazarus (2012), leur budget et, bien souvent, leur endettement étant scrutés par divers organismes privés (notamment les banques, les services de recouvrement des bailleurs) ou public (assistantes sociales, conseillères en économie sociale et familiale, juges…) (Perrin-Heredia, 2013 ; Lazarus, 2022 ; François, 2023). Dans une autre direction, Addo et Lichter (2013) ont relevé que les femmes noires états-uniennes ne sont pas aussi désavantagées au plan de l’accumulation patrimoniale par les trajectoires conjugales instables que les femmes blanches, les effets de la séparation se fondant en quelques sortes dans la multiplicité des désavantages institutionnels liés à la discrimination raciale qu’elles subissent. Cette analyse souligne puissamment l’importance de ne pas perdre de vue le contexte social et politique plus large en évaluant les conséquences patrimoniales de la séparation conjugale.

Le patrimoine est au cœur du faire famille

14Attention toutefois au mouvement de balancier : après avoir trop longtemps négligé les aspects économiques des rapports familiaux, il faut éviter d’adopter la posture inverse du « rien d’autre que » les aspects économiques. Dans un texte important consacré aux transactions intimes – soit, les échanges sociaux, très nombreux, qui reposent à la fois sur une relation de confiance réciproque et qui sont aussi des relations économiques - Viviana Zelizer nous met en garde contre deux manières polarisées, également inadéquates, mais néanmoins dominantes de les appréhender (Zelizer, 2005). D’un côté, la conception en « mondes hostiles », caractéristique « du grand récit de la famille moderne » considère qu’économie et famille appartiennent à deux régimes distincts, celui de la rationalité instrumentale versus celui de la solidarité affective, qui ne peuvent que se polluer mutuellement lorsqu’ils se rencontrent. De l’autre, les théories réductionnistes de type « rien d’autres que » posent que les relations familiales ne sont que l’expression d’une rationalité économique (dans la veine de l’économie de la famille de Gary Becker (1981) ou du courant law and economics) ou, à l’inverse, que des valeurs culturelles ou des rapports de pouvoir (ce qui constitue une tentation de la théorie féministe). Zelizer propose une troisième voie : différencier des « circuits d‘échange » en fonction du type de relation entre personnes, et étudier, pour chacun de ces types de circuit, les particularités des « canaux d‘échange » qui leur sont associés, en un mot le « travail relationnel » qui consiste à construire, reproduire et intensifier les relations intimes en adoptant le « bon » type d’échange, celui qui est culturellement approprié à la relation en question (Zelizer, 2001: 143).

15Ce programme de recherche rencontre directement celui de l’ethnographie économique (Weber, 2006 ; Dufy et Weber, 2007) qui cherche à analyser les pratiques des individus au croisement de différents mondes tout à la fois rituellement séparés et socialement imbriqués, notamment relevant de l’économie de marché et de l’économie domestique (Weber, 2000). En se situant dans cette perspective, on peut tout à la fois penser la famille comme une instance de reproduction des inégalités patrimoniales inter-familiales et intrafamiliales, mais aussi l’enjeu du patrimoine comme déterminant pour le faire famille. Il importe cependant de penser les deux ensembles de façon imbriquée : le patrimoine comme un point d’entrée pour saisir les dynamiques familiales contemporaine, la famille et ses évènements comme socle mouvant de l’accumulation patrimoniale. Les travaux de Sibylle Gollac (2005 ; 2019) illustrent la fécondité d’une telle approche. Si plusieurs auteurs et autrices pensent l’héritage comme une transmission de l’un (le plus souvent un parent) à l’autre (le plus souvent un enfant), Gollac montre que les multiples enfants héritiers d’une même entreprise familiale utilisent leurs héritages individuels selon une logique collective de maisonnée et de groupe de descendance. Ils et elles se coordonnent pour préserver ou liquider des biens immobiliers de façon à maintenir leur proximité résidentielle et à promouvoir l’entreprise familiale, dans un mouvement qui, d’un seul coup, définit les contours du réseau familial et légitimise les pertes des uns, les gains des autres. Dans un tout autre registre illustrant néanmoins tout aussi bien la pertinence de l’approche Zelizerienne, Hayes et O’Brien (2021) ont montré que les investisseurs financiers différencient leur niveau de risque et de rendement selon qu’ils agissent en leur nom propre ou au bénéfice d’un membre de leur famille, tel qu’un enfant ou un parent. Le lien familial est dès lors réaffirmé par la différentiation des stratégies financières, autant qu’il est au fondement du rendement obtenu.

Apports et limites du numéro

16L’objectif de ce numéro thématique est d’alimenter ce champ de recherche en plein essor qui vise à penser les liens entre famille et patrimoine. Il réunit des articles qui abordent autant la manière dont l’accumulation et la transmission du capital s’inscrivent dans le faire famille que le rôle des dynamiques familiales - en interaction avec les multiples acteurs du champ familial - pour l’accumulation du patrimoine et la structuration des inégalités, notamment au prisme du genre. Jusqu’ici, ce programme de recherche a démesurément consisté à regarder la société par ses élites (Beckert, 2022), l’hypothèse sous-jacente étant que les classes sociales les plus fortunées se détachent du reste de la société, notamment par le fait d’être particulièrement concernées par les questions patrimoniales. Or l’une des contributions importantes de ce numéro est de montrer que le patrimoine, son accumulation, sa préservation et sa transmission sont en fait des préoccupations au sein des familles de toutes les classes sociales.

17Par exemple, Camille Biron-Boileau chiffre, pour la première fois dans le contexte canadien, les réceptions d’héritage et leurs évolutions depuis 2005. Son analyse montre que la proportion des ménages déclarant avoir hérité a augmenté de 22% à 29% entre 2005 à 2019. Si certain·es analystes attribuent ce phénomène, aussi observé dans d’autres pays, au vieillissement de la population, l’autrice suspecte que d’autres mécanismes puissent être à l’œuvre, notamment une forte diffusion de la propriété de la résidence non seulement chez les classes aisées, mais aussi chez les classes moyennes et ouvrières, particulièrement au Québec, ainsi qu’une nouvelle norme de parentalité intensive qui contribue à la diffusion du désir de transmission patrimoniale aux enfants au sein de toutes les classes sociales. En lien avec ces hypothèses, l’ajustement statistique pour le changement d’âge moyen des chefs de ménages de 2005 à 2019 ne suffit pas à expliquer la tendance à la hausse des héritages au Canada. De surcroit, c’est au Québec et parmi les chefs de ménages les plus faiblement éduqués que la proportion d’héritiers a le plus fortement augmenté sur la période étudiée. Ce texte appelle à prendre plus au sérieux les dynamiques successorales parmi les classes moyennes et ouvrières, qui demeurent peu étudiées, particulièrement au Canada.

18L’une des contributions de l’article de Cécile Vignal est précisément de permettre des avancées en ce sens, dans le cadre d’une étude des familles populaires immigrées maghrébines qui deviennent propriétaires bailleurs dans le Nord de la France. Si l’immobilier locatif est souvent présenté comme caractéristique des classes aisées, Vignal montre que le groupe des propriétaires bailleurs est composé de près de 20% de ménages ouvriers en France. L’enquête de terrain décrit les stratégies d’accession à ce type de propriété en montrant leur dimension familiale, successorale, genrée ainsi que leur inscription au sein de trajectoires de mobilité sociale. Les investissements immobiliers de ces familles ouvrières et immigrantes ne visent pas l’enrichissement, ils répondent plutôt aux contingences de la désindustrialisation et visent à compléter des revenus modestes et instables. Possédés dans plusieurs cas par des femmes veuves ou séparées, une parenté élargie, constituée des enfants et beaux-enfants est mobilisée pour l’entretien que requiert les immeubles. Cet éprouvant « travail du domicile » témoigne d’une logique de maisonnée similaire à celle qu’ont observées Gollac (2017), Weber (2000) et d’autres, dans laquelle le travail manuel des hommes est explicitement reconnu, alors que l’administration portée par les femmes tend à être euphémisée, à l’instar de ce qu’a observé Glucksberg (2018) chez les ultra-riches londoniens. Si l’investissement immobilier ne constitue pas toujours un vecteur d’ascension sociale pour les générations en faisant l’acquisition, les biens seront légués à la suivante, qui a contribué à son entretien. Cet article vient ainsi utilement compléter la connaissance des stratégies immobilières des familles immigrées en France sur plusieurs générations, autant dans le pays d’accueil que d’origine (Delon, 2019 ; Bidet, 2021).

19L’article de Caroline Henchoz, Tristan Coste et Anna Suppa porte, quant à lui, le regard sur des personnes au prise avec des dettes importantes et un faible revenu. Leur contribution met en pleine lumière la manière dont le droit module les rapports patrimoniaux familiaux en abordant le contexte suisse, unique dans le niveau de familialisation des dettes qu’il impose. Les époux y sont solidaires de plusieurs types de dettes, notamment les dettes fiscales qui sont parmi les plus communes en Suisse. Les arriérés de paiement sur les primes obligatoires d’assurances maladie constituent l’autre principale forme de créance parmi les ménages à faibles revenus Suisses, et les enfants deviennent, à leur majorité, solidaires des impayés de leur parents. À l’instar de plusieurs études antérieures, notamment celles d’Isabelle Guérin et ses collègues (2023) en Inde, qui ont montré que les femmes sont les premières responsables du « debt jugglings », processus d’acquisition de nouvelles dettes pour payer celles qui arrivent à échéance, Henchoz, Costa et Suppa avancent que les femmes Suisses prennent en charge « le travail de la dette » au sein de leur famille, soit la gestion des dettes et de leurs conséquences. Or l’hyper-familialisation des dettes fait reposer sur elles une pression particulièrement forte d’éviter les retards de remboursement, renforçant le lien que font les femmes entre travail de la dette et travail de care. Pour maintenir l'harmonie familiale, face à des hommes qui refusent souvent de confronter les créanciers par stress ou fierté, et afin d'éviter le pire, voire l'inadmissible que représenterait la transmission de leurs dettes aux enfants à leur majorité, les femmes en négocient les termes, cherchent des solutions, tentent d’augmenter les revenus. Dans plusieurs cas, elles utilisent leurs économies personnelles pour rembourser des crédits qu'elles n'ont pas elles-mêmes contractés. La familialisation des dettes et le rapprochement entre travail de la dette et travail de care favorise ainsi la dé-patrimonialisation des femmes, les écarts entre elles et les hommes, tout en profitant aux créanciers, aux coffres de l’État et au secteur financier plus largement.

20Juliette Eyméoud aborde quant à elle les stratégies patrimoniales des élites économiques, comme l’ont fait plusieurs autres avant elle, mais sous un angle tout à fait original : celui des célibataires de la noblesse française au XVIIe siècle. Ce choix pourra a priori étonner le lectorat contemporain : dans les sociétés occidentales actuelles fondées sur la norme du couple (Roseneil et al., 2021), particulièrement chez les personnes aisées, les célibataires apparaissent au mieux comme un épiphénomène, au pire sous la forme caricaturale des vieux garçons et des vielles filles « tantôt farouchement agrippé‧es à leur pécule, tantôt jalousement attaché‧es à ruiner leur famille », comme l’écrit Eyméoud. Cependant, dans les quatre familles que l’autrice a suivi sur deux siècles, environ le tiers des 648 individus retracés sont morts célibataires. Aussi, par leur renonciation à l’alliance et à une progéniture, les célibataires (les hommes autant que les femmes) ne s’autonomisent pas des logiques de lignées patriarcales de l’époque « qui placent tous les espoirs de reproduction biologique et sociale dans l’aînesse masculine ». Bien au contraire, ils et elles en sont un ingrédient essentiel, alors que presque sans exception leurs transmissions patrimoniales sont destinées aux aînés masculins de leur lignée (frères, neveux, etc.), favorisant ainsi leur survie et leur prestige. Cet article illustre merveilleusement bien comment suivre le fil des transmissions et des actions patrimoniales donne à voir des modalités du faire famille qui peuvent autrement demeurer dans l’ombre. Comme le note Eyméoud : « rien n’oblige les célibataires à favoriser certains membres de leur parentèle, [et] aucune coutume ne leur indique de lignes prioritaires de transmission (contrairement aux individus mariés et surtout aux pères et mères) ». Cela ne les empêche cependant pas de disposer de leurs biens selon des schèmes remarquablement constants, qui révèlent en creux leurs définitions de la famille et de leur rôle en son sein.

21Ensemble ces articles affirment l’importance d’étudier les stratégies patrimoniales familiales au sein de toutes les classes sociales et de multiplier les contextes historiques, nationaux et culturels d’étude. Ils appellent aussi à pallier d’autres limites de la littérature existante que ce numéro thématique n’a pu combler. Les enjeux patrimoniaux de la séparation et du veuvage, notamment, demeurent trop peu explorés. S’il y a bien quelques études qui chiffrent les pertes moyennes de patrimoine suite aux séparations, comme nous l’avons noté, ces dernières ont été réalisées principalement en Allemagne (entre autres en raison de la disponibilité des données longitudinales requises pour de telles études (Boertien et Lersch, 2021 ; Kapelle et Baxter, 2021). Il serait important d’étudier ces conséquences dans tous les pays, notamment ceux où les droits de propriété des femmes sont plus restreints. En outre, au-delà de la quantification, des études qualitatives permettant de comprendre les dynamiques patrimoniales et familiales en contexte de séparation sont requises, comme l’ont proposé Bessière et Gollac (2020) en France. Si quelques études mettent de l’avant le rôle du droit et de ses professionnels dans la structuration des dynamiques patrimoniales familiales (incluant les contributions Eyméoud et de Henchoz, Coste et Suppa présentées dans ce numéro), elles demeurent peu nombreuses et réalisées principalement dans le contexte français du droit civil. L’application de cette approche dans des contextes de la common law apparaît toutefois pertinent, notamment en raison de la forme légale du « trust » (fiducie) qu’il permet (Harrington, 2012 ; Shiffer-Sebba, à paraître). Ce dispositif fait intervenir une tierce partie dans la transmission du patrimoine vers les descendant·es, et donne un grand pouvoir aux légataires de dicter les usages qui pourront être faits de leur patrimoine après leur mort, transformant potentiellement fortement les logiques d’héritage et ses fonctions.

22Malgré la financiarisation croissante du patrimoine, la gestion familiale des avoirs financiers et le rôle des professionnels de la finance demeurent également sous étudiés, du moins en dehors des élites. Les biens financiers soulèvent pourtant des enjeux forts différents pour les couples et les descendant·es comparativement aux autres types de biens, notamment immobiliers, surtout lorsque possédés dans le cadre de fonds capitalisés de pension, ce qui est de plus en plus fréquent en Europe et Amérique du Nord (Montagne, 2006). Par exemple, les comptes d’investissement enregistrés pour des bénéfices fiscaux ne peuvent typiquement pas être détenus à deux, forçant une individualisation du capital des couples, les fonds associés à des régimes de pension ne peuvent pas être vendus avant la retraite, sauf au prix de pénalités importantes. Dans le cas des régimes à prestations déterminées (qui fournissent une rente viagère), ils ne peuvent jamais être vendus ou transmis post-mortem, sauf aux époux ou épouses qui peuvent bénéficier d’une rente de survivant·e. Pour mieux saisir les implications de ces particularités, une avenue prometteuse est celle de l’approche comparative entre des pays qui, comme le Canada, font dépendre le bien-être à la retraite largement sur les pensions privées et les autres avoirs financiers, et d’autres qui, comme la France, fournissent une rente publique plus généreuse. L’approche comparative pourrait également faciliter la compréhension du rôle d’autres politiques publiques, notamment des politiques familiales (l’accès aux congés parentaux, aux services de garde, etc.), et celui de la fiscalité dans l’organisation des stratégies patrimoniales familiales et la création d’inégalités de patrimoine. Nous espérons que ce numéro contribue à stimuler dans les années à venir la recherche francophone en sciences sociales, nécessairement interdisciplinaire et comparative, pour mieux appréhender le patrimoine comme une affaire de famille.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Céline Bessière et Maude Pugliese, « Le patrimoine : une affaire de famille »Enfances Familles Générations [En ligne], 46 | 2024, mis en ligne le 14 octobre 2024, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/efg/20608

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Auteurs

Céline Bessière

Professeure de sociologie, Paris-Dauphine, PSL, Institut Universitaire de France

Maude Pugliese

Professeure agrégée, Institut national de la recherche scientifique

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