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Travail de la dette et inégalités de patrimoine : perspective de genre

Debt Work and Wealth Inequalities: A Gender Perspective
Trabajo de endeudamiento y desigualdades de riqueza: una perspectiva de género
Caroline Henchoz, Tristan Coste et Anna Suppa

Résumés

Cadre de la recherche : Les études existantes s’accordent sur le fait que le travail rattaché à la gestion des dettes et de leurs conséquences est majoritairement pris en charge par les femmes. On sait que ce travail de la dette implique plus de privations et de sacrifices, mais on ne connait pas ses effets sur le patrimoine féminin.

Objectifs : Cet article identifie des processus expliquant le lien entre le travail de la dette et l’érosion du patrimoine des femmes.

Méthodologie : Cet article s’appuie sur 44 entretiens semi-directifs menés en Suisse auprès de personnes surendettées en couple avec ou sans enfants dans le cadre de deux recherches sur l’endettement financées par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (2016-2022).

Résultats : Nous montrons que la prédominance féminine dans le travail de la dette peut s’expliquer par le fait que ce dernier n’est pas qu’un travail financier et administratif. Il est vécu comme un travail de care parental et conjugal. Le souci et la préservation du bien-être des membres de la famille, tout spécialement des enfants, conduit les femmes à y investir leur propre patrimoine. Perçu comme un moyen de « faire du genre » (doing gender) dans une situation de surendettement en agissant comme une « bonne » mère et conjointe, ce travail et les inégalités qu’il produit ne sont pas remises en question.

Conclusion : La financiarisation de la vie quotidienne implique de nouvelles formes de travail financier, comme le travail de la dette, qui participent à renforcer les inégalités patrimoniales au sein de la famille, le patrimoine masculin et celui des enfants étant préservé au détriment du patrimoine des femmes. En ce sens, les patrimoines individuels des membres de la famille ont des significations différentes, le patrimoine des femmes étant une variable d’ajustement en cas de difficultés économiques permettant de maintenir le statut familial et les bonnes relations familiales.

Contribution : En portant sur les charges financières assumées par les femmes, cet article propose une nouvelle clé de compréhension des processus genrés de constitution des inégalités de patrimoine qui jusque-là ont surtout porté sur l’accès genré à l’argent et à l’héritage.

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Texte intégral

Introduction

1L’augmentation du surendettement des ménages ces trente dernières années a généré un intérêt croissant de la part des scientifiques pour ce sujet (Bogan, 2022). La prédominance des économistes dans ce champ de recherche a favorisé l’analyse de la gestion des dettes au niveau du ménage, qui est alors appréhendé comme une unité économique homogène (Bogan, 2022). Les modalités relatives à la gestion des dettes au sein des couples hétérosexuels occidentaux sont par conséquent encore mal connues (Callegari et al., 2020 ; Henchoz et al., 2023). De récentes études rapportent néanmoins que les femmes prennent plus souvent en charge la gestion quotidienne des dettes, et ce d’autant plus si le ménage fait face à des difficultés financières (Callegari et al., 2020 ; Fehlberg, 1997 ; Guérin et al., 2023 ; Henchoz et al., 2023).

  • 1 Dans le même esprit, Sandra Colavecchia (2008) développe le concept de moneywork pour décrire l'ens (...)

2Le but de cet article est d’explorer différents processus mettant en lien ce travail invisible, informel et chronophage mobilisé quotidiennement pour gérer les dettes et arriver à boucler les fins de mois, que nous appelons « travail de la dette », et ses répercussions sur le patrimoine individuel1. Nous faisons le lien entre la gestion féminine des dettes et l’érosion du patrimoine féminin. Selon une étude française, l’écart de patrimoine entre femmes et hommes a quasi doublé entre 1998 et 2015 (Fremeaux et Leturcq, 2023). Ces inégalités, encore largement inexpliquées, seraient plus élevées au sein des couples (Niimi, 2022 ; Pugliese et al., 2023), ce qui remet en question le présupposé d’une redistribution équitable des ressources dans les familles (Grabka et al., 2015).

3Nous proposons dans cet article une piste d’explication rattachée à la financiarisation croissante de la vie quotidienne, c’est-à-dire à un contexte où les aspects systémiques de la finance se diffusent dans la vie courante, induisant de nouveaux risques et responsabilités financières dans les décisions les plus ordinaires (Karaagac, 2020). Nous suggérons qu’une partie des inégalités de genre en matière de patrimoine sont produites dans le cadre du travail de plus en plus conséquent effectué principalement par les femmes pour gérer les dettes des ménages.

4Pour notre démonstration, nous nous appuyons sur une approche qualitative fondée sur des entretiens menés en Suisse romande et allemande, la plus à même selon nous de rendre compte de cette nouvelle forme de travail autour de l’administration des dettes. Initialement, nos études ne portaient pas sur les liens entre endettement et patrimoine. La question du patrimoine est apparue lorsque nous avons étudié les multiples dimensions du travail de la dette et les raisons expliquant sa prise en charge par une majorité de femmes. La structure de l’argumentation qui sera développée dans cet article est la suivante : les femmes prennent plus souvent en charge le travail de la dette car il est perçu dans la sphère familiale comme étant un moyen de prendre soin des autres membres de la famille (un travail de care). Pour le mener à bien, elles piochent dans leur patrimoine ou compromettent sa constitution. Ces actions étant considérées comme les actes d’une « bonne » mère et conjointe, cette nouvelle forme de travail non rémunéré et les inégalités de genre qui en découlent sont peu, voire pas, remises en question.

5Dans un contexte où la plupart des recherches sur les dettes et sur le patrimoine sont basées sur des données au niveau du ménage (Bessière et Gollac, 2020 ; Callegari et al., 2020), cet article met à jour des liens entre le travail souvent invisible lié à la gestion des dettes et les processus d’appauvrissement individuel. Sans prétendre apporter une réponse complète, il vise à enrichir la compréhension des processus menant à des inégalités genrées de patrimoine en portant attention aux charges financières assumées par les femmes. Il contribue aux travaux sur la financiarisation de la vie quotidienne en déplaçant la perspective de l’accès à la finance vers la financiarisation vécue (Karaagac, 2020). Enfin, il participe aux études récentes explorant les liens entre l’endettement et le care (Karaagac, 2023 ; Montgomerie et Tepe-Belfrage, 2017).

La gestion des dettes et de leurs conséquences : un travail majoritairement pris en charge par les femmes

  • 2 Dans cet article, le surendettement fait référence aux situations où le remboursement des dettes ou (...)

6Les situations de surendettement2 induisent des efforts et des investissements de temps considérables pour arriver à gérer les dettes et leurs conséquences que nous synthétisons sous le terme de travail de la dette. Le modèle de l’iceberg développé dans les écrits féministes (Gibson-Graham, 1996) rend compte de l’ampleur de ce travail (Karaagac, 2020). Sa partie formelle et visible est relative à l’administration des finances et des dettes. Elle englobe des activités comme la gestion du budget, le paiement des factures, les contacts avec les créanciers et les démarches visant à échelonner les échéances. La partie cachée de ce travail fait référence à tout un ensemble de tâches invisibles, informelles et chronophages comme jongler avec les factures, emprunter à des proches, prendre en charge leurs dettes, accepter des emplois précaires et mal payés, protéger sa réputation, se rationner, se sacrifier, s’inquiéter. En ce sens, le travail de la dette comporte des dimensions financières, mais aussi affectives, émotionnelles, relationnelles, mentales et physiques. Il implique de l’anxiété et du stress, des tensions au sein du couple et de la famille ou encore des éléments de séduction et d’intimité, notamment dans les négociations avec les créanciers (Guérin et al., 2023 ; Henchoz et al., 2023 ; Karaagac, 2020).

7La nature du travail de la dette a conduit certains auteurs à faire le lien avec le travail de care, soit le travail informel, invisible et peu reconnu mis en œuvre pour prendre soin des autres membres de la famille (Karaagac, 2023 ; Montgomerie et Tepe-Belfrage, 2017). Le concept de caring for debts développé par Johnna Montgomerie et Daniela Tepe-Belfrage (2017) en est l’illustration. Leur analyse d’un forum anglais de discussion sur Internet destiné aux personnes endettées a mis à jour les conséquences des dettes sur les relations de care. Dans certaines circonstances, l’endettement constitue une ressource permettant de prendre soin des autres en finançant, par exemple, les dépenses de santé ou celles qui sont relatives à la prise en charge de personnes dépendantes (enfants, personnes âgées) (voir aussi Horton, 2022). Si l’endettement facilite la capacité à prendre soin de ses proches, il peut aussi l’entraver. Ses conséquences matérielles, mais aussi émotionnelles peuvent affecter les relations de care, en perturbant notamment l’intimité conjugale ou lorsque la réorganisation du budget oblige des membres de la famille à partager la charge du remboursement (Montgomerie et Tepe-Belfrage, 2017).

8Reprenant à son compte le concept de caring for debt, Esra A. Karaagac (2020 ; 2023) met en évidence une autre facette de ce lien, à savoir que l’administration des dettes est une nouvelle forme de travail gratuit, chronophage et invisible majoritairement pris en charge par les femmes. Ce constat semble valable pour les pays occidentaux (pour recension, Callegari et al., 2020) et les pays en développement (Guérin et al., 2023 ; Han, 2004). Cette prise en charge s’expliquerait par la nature même du travail de la dette qui comporte des dimensions administratives, domestiques, relationnelles et émotionnelles pour lesquelles les femmes sont considérées comme plus compétentes (Fehlberg, 1997 ; Siblot, 2006) et par la financiarisation de la reproduction sociale inhérente au recul de l’État Providence. Les activités quotidiennes mises en œuvre pour maintenir la vie, reproduire la force de travail et les futures générations passant désormais de plus en plus par le marché et les institutions financières, l’endettement devient un moyen pour les femmes de rétribuer le care qu’elles fournissaient autrefois par leur travail non rémunéré (Adkins et Dever, 2016 ; Federici, 2018 ; Karaagac, 2020).

Travail de la dette et inégalités de patrimoine 

9À notre connaissance, il n’existe pas d’études portant explicitement sur le lien entre les dettes et les inégalités de patrimoine. Cela s’explique par plusieurs raisons. D’une part, les recherches sur les dettes et sur le patrimoine se fondent surtout sur des données récoltées au niveau du ménage (Bessière et Gollac, 2020 ; Bogan, 2022). Par conséquent, elles partent du présupposé d’une répartition des ressources et de l’endettement au sein des ménages qui permet mal d’appréhender les enjeux individuels (Garbinti et al., 2017 ; Grabka et al., 2015 ; Hümbelin et al., 2023). D’autre part, les inégalités de genre en matière de patrimoine s’expliquent en général par des accès différenciés à l’argent. Les progressions de carrière et les salaires inégaux ainsi que la répartition du travail rémunéré et non rémunéré entre conjoints sont considérés comme centraux dans la constitution d’inégalités de genre en matière de patrimoine (World Economic Forum, 2022). Ces inégalités découlent aussi des modalités de la transmission familiale des actifs (Bessière et Gollac, 2020 ; Pugliese et Belleau, 2021), des héritages reçus (De Nardi et Fella, 2017 ; Piketty, 2013), ou encore de rapports différenciés à la planification, aux risques et aux connaissances financières (Lusardi, 2000). Cependant, une large part des disparités genrées de patrimoine, spécialement au sein des couples, reste encore inexpliquée (Pugliese et al., 2023). Nous proposons d’investiguer ici un autre pan possible de la constitution des inégalités de patrimoine, soit les charges financières qui pèsent diversement sur les hommes et les femmes.

10En ce qui concerne les situations de surendettement, on sait que les femmes gérant les dettes du ménage sont les membres de la famille qui subissent le plus de privations (Thorne, 2010), ce qui est cohérent avec les résultats des études sur les ménages en difficulté financière relevant des différences de genre, généralement au détriment des femmes, en matière de sacrifice financier et d’accès à de l’argent personnel, et ce d’autant plus si ce sont ces dernières qui administrent les finances (Nyman, 1999 ; Vogler et Pahl, 1994 ; Wilson, 1987).

11La situation financière défavorable des femmes est expliquée par les rôles de genre (Baron, 1995), la domination masculine (Harper, 2001), la coercition sociale qui affecte leur pouvoir de négocier des conditions économiques meilleures au sein de la famille (Sen, 1990) ou encore leur socialisation (Baron, 1995) qui participe à la production de dispositions genrées à l’autocontrainte permanente interdisant tout abus de pouvoir rattaché au rôle de gestionnaire des finances familiales (Perrin Heredia, 2018). S’occuper de l’argent du ménage favorise l’accès à l’ensemble des ressources pécuniaires et augmente la capacité à faire des choix liés à son propre bien-être, ce qui peut contribuer à réduire les inégalités de patrimoine entre conjoints (Grabka et al., 2015). Cependant, en cas de difficultés financières, cette fonction s’avère davantage une charge et une corvée qu’une source de pouvoir et une ressource personnelle (Pahl, 1989).

12Pour faire le parallèle avec les inégalités de revenu entre hommes et femmes qu’on explique notamment par la répartition du travail de care au sein de la famille (World Economic Forum, 2022), nous suggérons dans cet article qu’une partie des inégalités de patrimoine est relative à la répartition genrée du travail financier (Collavechia, 2008), en l’occurrence ici le travail de la dette qui est plus particulièrement endossé par les femmes.

La Suisse : un contexte propice à l’exploration du lien entre travail de la dette et inégalités de patrimoine

13La Suisse offre selon nous un terrain favorable à l’exploration du lien entre travail de la dette et inégalités de patrimoine. En effet, les inégalités de patrimoine y sont importantes et le contexte juridique propice à rapprocher le travail de la dette du travail de care.

14Malgré un niveau de vie élevé, la Suisse est un des pays du monde qui connait le plus haut niveau d’inégalité de patrimoine : les 10 % les plus riches possédaient 77,6 % de la richesse nationale en 2018, ce qui est en augmentation par rapport à ces dernières années (73,4 % en 2005) (The Swiss Federal Council, 2022). Durant toute leur vie, les femmes expérimentent plus de pauvreté et de privation matérielles que les hommes (Office fédéral de la statistique 2024a ; 2024b). Les inégalités de genre sont importantes à l’âge de la retraite : les femmes ont accumulé en moyenne environ 75 % de la fortune des hommes, ce qui est proche de ce qu’on peut observer en France (World Economic Forum, 2022). Ces écarts s’expliquent par les inégalités salariales, le fort taux d’activité féminin à temps partiel et la division du travail rémunéré et non rémunéré au sein des couples (World Economic Forum, 2022). Dans la majorité des couples hétérosexuels, le modèle normatif de la famille est celui du pourvoyeur principal de revenu et de la pourvoyeuse de care. Ainsi, l’homme exerce, en 2019, un emploi à plein temps et la femme à temps partiel ou est sans activité professionnelle dans plus de sept couples sur dix, les couples où les deux partenaires sont en emploi à temps plein représentant un peu plus d’un couple sur dix (Mosimann et al., 2021).

15Confirmant ce qui est observé ailleurs, la gestion de l’endettement est souvent prise en charge par les femmes. Ces dernières sont les gestionnaires uniques des finances et des tâches administratives dans plus de 50 % des ménages endettés à bas revenus et dans 40 % des ménages endettés à hauts revenus (alors qu’elles ne représentent que 27 % des gestionnaires sur l’ensemble des ménages) (Henchoz et al., 2023). Avec 40 % des ménages concernés, le taux d’endettement (hors endettement hypothécaire) est relativement faible en Suisse. Il prend des formes spécifiques qu’on ne retrouve pas dans d’autres pays occidentaux (Eberlein, 2021). Les arriérés (retards de paiement) sur les primes d’assurance maladie obligatoire et les impôts sont les principales causes d’endettement privé (Office fédéral de la statistique, 2022). Contrairement à d’autres pays, ces charges ne sont pas déduites directement du salaire ou financées par la collectivité, mais payées par acompte chaque mois, ce qui constitue la principale variable d’ajustement des ménages les plus précaires lorsqu’il s’agit de libérer des liquidités (Coste et al., 2020 ; Henchoz et al., 2021). Les crédits à la consommation et petits crédits sont plus rares (6,7 % des ménages) (Office fédéral de la statistique, 2022). Leur accès est soumis à un cadre légal relativement restrictif. Il est réservé aux personnes ayant les ressources financières suffisantes pour rembourser la totalité de la créance en 36 mois. Principalement contracté par les petites classes moyennes (Henchoz et Wernli, 2012), ce type de dettes implique généralement moins de difficultés financières que les arriérés de paiement. Ces derniers sont plus difficilement maitrisables en raison d’un cadre légal libéral en matière de frais administratifs et de frais de rappel qui participent à faire rapidement gonfler la créance de base, et dont les dérives sont souvent dénoncées (Noori, 2021).

16Le rôle central des femmes dans le travail de la dette peut également être mis en lien avec une spécificité du système helvétique : la privatisation et la familialisation de certaines dettes privées. La privatisation de la dette (Horton, 2022) renvoie au fait que l’endettement est stigmatisé et perçu comme un problème personnel et moral dont la responsabilité incombe aux ménages et aux individus (voir par exemple, Henchoz et al., 2021 ; Morvant-Roux et al., 2023). En Suisse, cela se concrétise notamment par la législation fédérale qui ne dispose pas de mesures spécifiques pour traiter et résoudre le surendettement privé. Le concept de familialisation (Esping-Andersen, 1999) fait référence quant à lui à la dépendance des individus vis-à-vis de leur famille en matière d’endettement. Selon le type de dettes, les membres de la famille sont solidaires devant la loi. Par exemple, les époux et les conjoints au bénéfice d’un partenariat enregistré sont solidaires des dettes contractées pour répondre à un besoin courant du ménage. Peu importe qui est le signataire de l’emprunt, le créancier peut poursuivre indifféremment l’un ou l’autre des conjoints ou les deux pour l’entier de la dette.

  • 3 À noter que ce n’est plus possible depuis janvier 2024.

17La solidarité entre les membres de la famille s’étend également aux principales dettes observées en Suisse, à savoir les dettes fiscales et les dettes liées aux assurances maladie. En cas de dettes fiscales, la loi sur l’impôt fédéral direct prévoit que les personnes mariées vivant en ménage commun en soient responsables solidairement. La solidarité s’éteint à partir du moment où il n’y a plus ménage commun (séparation, divorce ou ménage à part). Les enfants ne sont pas épargnés, car le principe de la solidarité familiale s’applique aux parents et aux enfants en ce qui concerne les dettes relatives au paiement des primes de l’assurance maladie. Le Code civil suisse oblige les parents à pourvoir à l’entretien de leur enfant jusqu’à sa majorité, ce qui inclut le paiement de l’assurance obligatoire des soins. La législation ne précise pas qui est débiteur à l’égard de l’assureur. Ce dernier peut par conséquent se retourner contre l’enfant une fois sa majorité atteinte pour lui réclamer le versement des montants impayés par ses parents lorsqu’il était mineur3.

Méthodologie

  • 4 FNS 188953 (2020-2024) « Étude pluriméthodologique des liens entre endettement et santé en Suisse » (...)
  • 5 Pour plus de données sociodémographiques, voir tableau 1. Salaire médian en 2022, 6788 CHF (Office (...)
  • 6 En Suisse, les époux remplissent une déclaration fiscale commune, la taxation commune étant établie (...)

18Pour tenter de mieux comprendre les processus expliquant le lien entre le travail de la dette et l’érosion du patrimoine féminin, notre analyse porte sur 44 entretiens individuels semi-directifs menés en Suisse francophone et germanophone entre 2016 et 2022 dans le cadre de deux recherches sur le surendettement, qui ont été financées par le Fonds national suisse de la recherche scientifique4 auprès de 26 femmes et 18 hommes endettés vivant ou ayant vécu en couple. 23 d’entre eux ont des enfants (13 femmes, 10 hommes). Le montant des dettes (hors dettes hypothécaires) des ménages se situe entre 2000 CHF et 350 000 CHF et le revenu des personnes interrogées entre 2000 CHF et 6400 CHF, ce qui les place dans la catégorie inférieure des revenus suisses5. Une partie des dettes privées étant familialisée, l’évaluation de l’endettement individuel au sein du couple est compliquée même pour les personnes concernées. La personne interrogée peut ignorer que son conjoint a des dettes et qu’elle est légalement co-responsable de certaines d’entre elles. Par exemple, une de nos interlocutrices a découvert, suite aux lettres de rappel de l’administration fiscale qu’elle a reçues après son divorce, qu’elle était endettée. Son conjoint n’ayant pas payé les tranches d’impôt du couple durant leur mariage6, elle est mise en demeure de les rembourser en l’absence de capacités financières de l’ex-époux.

  • 7 Plusieurs stratégies de collecte des données ont été mises en place : des appels à participation on (...)

19Nous avons privilégié un échantillonnage raisonné (Patton, 1990). Toutes les personnes retenues pour cette analyse partagent la même expérience. Elles vivent dans un ménage avec des arriérés de paiement (impôts et assurances maladie), mais leurs profils sociodémographiques en termes d’âge, de niveau de formation et de revenus, diffèrent. Dès lors, si notre méthodologie7 permet d’identifier des processus associant la gestion féminine des dettes à l’érosion du patrimoine féminin, nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer sur l’ampleur de ce phénomène. Les éléments de contexte décrits précédemment, de même que le constat de la prise en charge des finances des ménages endettés par une majorité de femmes, nous amènent à faire l’hypothèse que les processus décrits ne sont pas restreints aux cas rencontrés.

Résultats et discussion

Travail de la dette, travail de care parental et patrimoine féminin

20La première dimension que nous abordons dans l’analyse est celle qui a été la plus saillante dans les entretiens, à savoir que le travail de la dette est souvent mis en lien avec la préservation du bien-être matériel, physique et mental des enfants.

Comment le travail de la dette devient une obligation morale parentale

21Ne pas payer certaines charges mensuelles comme le loyer et, en Suisse, les primes d’assurance maladie et les acomptes d’impôt est une variable d’ajustement communément mobilisée par les ménages à bas revenu pour boucler les fins de mois (François, 2023). Marina, une ouvrière de 47 ans, mère de deux enfants, et son époux, Roberto, serveur travaillant dans la restauration sans contrat fixe, ont régulièrement renoncé à régler les factures d’assurance maladie.

« Les caisses maladie, on savait que l’État était obligé de couvrir, qu’on ne pouvait pas rester sans caisse maladie. […] En sachant qu’on était toujours couverts par la caisse maladie, parce qu’il y avait le truc cantonal qui prenait en charge, quand nous on ne pouvait pas payer, on laissait aller ».

  • 8 C’est toutefois à nuancer, dans certains cantons suisses alémaniques, les personnes endettées auprè (...)

22Ce dispositif impersonnel d’accès à l’argent est jugé peu couteux (Ducourant, 2009 ; François, 2023). Les dettes sont contractées à distance, sans action particulière à entreprendre ni confrontation personnelle avec un créancier. En outre, comme l’a relevé Marina, ne pas s’acquitter de ses factures est sans conséquence sur l’accès aux soins de santé8 pour autant que l’endettement soit de courte durée. À l’instar de beaucoup de personnes concernées, Marina ignorait qu’à leur majorité, les enfants peuvent « hériter », pour reprendre un terme couramment utilisé, des dettes de leur parent puisque les caisses maladie ont légalement le droit de se retourner contre eux pour exiger le montant dû. Elle l’apprend en lisant le journal. Cette information l’affecte d’autant plus que ces enfants seront bientôt majeurs.

« C’était la panique quand j’ai lu cet article. Je pense que j’ai pleuré pendant deux jours sans arrêt, j’ai dit à mon mari : Ce n’est pas possible, on a fait quoi ? Ils ne vont pas nous pardonner ! Je ne voulais pas qu’ils soient aux poursuites à leur âge par notre faute.

Avant cet article, vous ne saviez pas ?

Non, les factures étaient au nom de mon mari. Je ne savais pas qu’ils [les assureurs] pouvaient mettre les enfants aux poursuites pour des dettes que les parents avaient faites quand ils étaient mineurs. Parce qu’ils étaient mineurs, ils ne sont pas fautifs des dettes de leurs parents. […] J’ai appelé partout… j’ai appelé les assurances pour voir s’il y avait des poursuites. […] J’étais en panique totale. Surtout pas ! […] J’ai appelé les caisses maladie, j’ai dit : Les arriérés non payés, je ne veux pas que vous envoyiez la facture à eux [aux enfants]. La facture est au nom de mon mari, ça sera au nom de mon mari, je ne veux pas qu’ils reçoivent des rappels pour nos arriérés. » (Marina, 47 ans, mariée, 2 enfants)

23L’implication potentielle des enfants contribue à modifier le statut des dettes, notamment des dettes rattachées aux primes d’assurance maladie. D’outils budgétaires offrant une certaine marge de manœuvre, ces dettes deviennent une menace qui pèse directement sur l’intégrité financière des enfants.

« Pour mes enfants, je les avais mis quelque part dans la merde, parce que je ne savais pas. J’ai essayé de rattraper le coup pour mes enfants, pour pas qu’ils aient, eux, des dettes. » (Monica, 53 ans, divorcée, 2 enfants)

24Dans sa recension des écrits, Nina Bandelj (2020) relève différentes variantes du travail relationnel lié à la gestion des dettes comme les comptabilités émotionnelles, c’est-à-dire le fait que l’évaluation morale de la dette et des relations sociales qui sont concernées va influencer la manière dont les dettes seront réglées (Polletta et Tufail, 2014). Avec le risque que fait peser la créance sur les enfants, la gestion de certaines dettes devient une obligation familiale, un impératif moral et statutaire (François, 2018) qui enclenche un investissement accru dans le travail de la dette. Dans les entretiens menés, la gestion des dettes est explicitement mise en relation avec la volonté de préserver les enfants. Le contexte suisse de familialisation partielle de l’endettement privé renforce le lien entre les dettes et le travail parental de care. Il ne s’agit pas seulement de boucler les fins de mois et de protéger les enfants des conséquences relatives à un surendettement, mais aussi de parvenir à rembourser certaines créances afin d’éviter que ces derniers ne s’endettent à leur tour.

« Pour moi, une seule chose était claire : je devais simplement veiller à ce que mon fils s’en sorte jusqu’à ses 20 ans, qu’il n’ait pas de poursuites, qu’il puisse démarrer proprement. Qu’il ne se fasse pas remarquer de manière négative. Qu’il n’ait jamais affaire à la police. […] Oui, c’est la priorité absolue. Pas de police. Pas de dettes. Avoir une réputation irréprochable. » (Gertrude, 67 ans, divorcée, 1 enfant)

25Comme le relève Gertrude, l’obligation morale liée au remboursement de la dette est concomitante avec les obligations familiales relatives aux soins à accorder à ses enfants et à leur réputation. En ce sens, l’engagement des parents dans le travail de la dette peut être rattaché aux idéologies de la parentalité contemporaine. À l’instar de ce qu’on peut observer chez les parents en difficulté financière (Bennett, 2013 ; Daly et Kelly, 2015 ; Main et Bradshaw, 2016), préserver les enfants des soucis financiers, faire passer leurs besoins en priorité ou encore se sacrifier découle des rôles parentaux de pourvoyeurs de soins et d’argent. Thierry Kochuyt (2004) y voit le moyen de « faire famille ». Ces comportements sauvegardent l’honneur des parents et permettent de développer une relation avec les enfants marquée par l’affection, l’attention et la loyauté. En s’engageant dans le travail de la dette, les adultes se construisent un statut de parents responsables soucieux du bien-être de leurs rejetons. Dans un contexte financier de moins en moins maitrisable, c’est aussi un moyen de conserver leur capacité d’agir, certes limitée aux enfants, mais confortant le sentiment de maintenir un certain contrôle sur la situation.

Le travail de la dette et ses effets sur le patrimoine parental

26Les activités mises en place par les parents endettés pour préserver les intérêts de leurs enfants sont multiples. Elles sont liées au travail de la dette, par exemple en remboursant au plus vite les créances afin de ne pas mettre en danger le bien-être enfantin (François, 2023) ou en garantissant à sa progéniture un accès élevé à l’éducation, aux activités de loisirs et de consommation (Rao, 2022). Remplir ses obligations parentales implique des dimensions économiques, relationnelles et affectives (Rao, 2022) comme le fait de se priver pour le bien des enfants ou d’anticiper leurs inquiétudes potentielles en les maintenant dans l’ignorance des difficultés financières.

« On voulait qu’ils [les enfants] ne manquent de rien du tout […] et aussi parce qu’on ne voulait pas qu’ils sachent, on ne voulait pas qu’ils s’en rendent compte, parce qu’on ne voulait pas qu’ils voient qu’il y avait un manque […] À mes enfants, j’évite d’en [des dettes] parler. » (Marina, 47 ans, mariée, 2 enfants)

27Nos entretiens ont permis de distinguer quatre actions relatives au travail de la dette et au fait de remplir ses obligations parentales en situation de surendettement qui ont des conséquences sur les patrimoines individuels : les comportements de privation, la priorité budgétaire accordée aux dépenses des enfants, l’invisibilité du travail de la dette qui fait écho au silence des parents quant à la situation pécuniaire de la famille, et le refus de l’aide financière des enfants. Les deux premières ne se démarquent pas forcément de ce qu’on peut observer chez les familles précaires économiquement qu’elles soient ou non endettées (Bennett, 2013 ; Daly et Kelly, 2015 ; Main et Bradshaw, 2016). Il nous semble toutefois important de les mentionner afin de dresser un portrait plus complet des liens entre endettement et patrimoine.

« Ils ne le voient pas, parce que je préfère me sacrifier, moi, que mes enfants. En général, ils ont ce qu’il faut. […] Je pense qu’ils ne savent pas du tout. » (Jenny, 30 ans, divorcée, 2 enfants)

28Des comportements d’auto-privation sont fréquemment rapportés dans les entretiens des parents, car ils sont nécessaires au maintien du niveau de vie des enfants. Manu (55 ans, veuf, 1 enfant) rapporte les restrictions de nourriture dont il est coutumier.

« Normalement, j’achète à manger pour les deux, mais effectivement, il m’est arrivé de préparer un steak : elle mange le steak et moi, je mange l’accompagnement, des patates ou des pâtes ou du riz. Mais je n’ai pas l’impression que c’est un sacrifice, je pense que c’est normal. […] Je ne peux pas dire que je vais acheter de la viande rouge deux fois par semaine ou du poisson, je ne peux pas le faire. C’est un souci et ça m’embête. J’achète un petit peu, mais j’achète le minimum pour que ma fille puisse en manger. Je n’ai pas l’impression que ça soit tellement important pour moi, c’est plus important que ma fille ait un régime alimentaire équilibré. […] J’ai fait beaucoup de choses, parce que je me reprochais ce que j’infligeais à ma fille. […] Ce n’est pas tellement moi le problème, le problème, c’est ma fille. […] Maintenant je dois lui dire non. Je m’en veux, je me sens très coupable. »

29Les propos de Manu sont illustratifs du parent altruiste qui se prive pour le bien de son enfant. Les termes mobilisés (sacrifice, souci, reproche, infliger, s’en vouloir, coupable) sont le reflet de la moralisation du surendettement qui règne en Suisse. La « faute » est d’autant plus grave, que dans le contexte helvétique mal maitriser son endettement met potentiellement en danger la situation financière de ses enfants par l’héritage de dettes. Se priver est un signe de précarité financière. On peut aussi y voir une connotation morale, le rachat de sa « faute » qui est ici d’avoir manqué à ses devoirs de « bon » parent. Dans les propos de certaines personnes interrogées, l’acceptation des privations, c’est-à-dire le fait qu’elles soient vécues comme un destin (ou une punition) plus qu’une injustice, semble renvoyer, à l’instar du jeûne chrétien dont fait écho les privations de nourriture, au symbole de la pénitence, du repentir et de la rédemption.

30L’investissement du patrimoine du parent dans le bien-être de l’enfant est d’autant mieux accepté qu’il relève d’une obligation morale et familiale dont l’enjeu n’est pas de se désendetter à tout prix, mais de préserver les enfants à tout prix. Le travail de la dette implique une hiérarchisation des dépenses et des dettes (Laé et Murard, 1985), ce qui nous amène à la deuxième action susceptible d’affecter le patrimoine individuel. Comme le souligne Céline (42 ans, divorcée, un enfant) :

« Le calcul n’est pas : si j’offre quelque chose à mon enfant, cela va impliquer que je prenne ailleurs sur le budget et que je me prive. Sans doute. Mais [elle insiste sur le mot] si j’estime que c’est une priorité, je vais faire en sorte de le lui payer. »

31Tous les argents ne se valent pas, a déjà relevé Viviana Zelizer (2005). L’argent destiné aux enfants est prioritaire : il recouvre aussi bien leurs dépenses que les dettes dont ils peuvent potentiellement hériter. Cet arbitrage qui implique l’investissement des ressources parentales dans le bien-être des enfants contribue à prolonger l’endettement. Le remboursement des dettes n’entrainant aucun risque immédiat pour les enfants est reporté afin de favoriser les dépenses enfantines.

32Les deux dernières dimensions du travail de la dette susceptibles d’avoir des conséquences sur les patrimoines parentaux sont relatives à son invisibilité et incluent des dimensions relationnelles importantes (Bandelj, 2020). L’extrait de l’entretien de Marina est représentatif de ce qui se joue dans le fait de cacher sa situation financière aux enfants ou de tenter de conserver leur niveau de vie.

« J’ai envie de les préserver, je ne veux pas qu’ils sachent et j’ai un peu honte, oui, de me dire qu’aujourd’hui, j’aurais pu avoir une vie différente si on avait fait les choses différemment. Parce que ça vient de nous aussi, on aurait dû faire les choses différemment. » (Marina, 47 ans, mariée, 2 enfants)

33Au sein de la famille, l’enjeu du travail de la dette est matériel, statutaire, moral, relationnel et émotionnel. Il s’agit de préserver le patrimoine enfantin et le statut parental en évitant de se présenter comme des parents qui « n’ont pas su faire », et qui seraient de « mauvais » parents (Rao, 2022). À cela s’ajoute la crainte que les enfants « nous en veuillent de les avoir mis dans cette situation », pour reprendre les termes de Marina. Les adultes vont par conséquent éviter autant que possible d’impliquer leur progéniture afin de préserver une relation familiale de qualité. N’ayant pas conscience de la situation, les enfants ne réduisent pas leur consommation et quand bien même certains le pourraient, ils ne proposent pas d’aide financière. Le travail de la dette signifie par conséquent aussi renoncer à des ressources sociales, familiales et économiques qui seraient potentiellement disponibles, ce qui nous amène à la quatrième dimension susceptible d’affecter le patrimoine individuel. Lorsque les enfants devenus adultes offrent leur soutien (cela a été évoqué dans trois entretiens), il est refusé, car la préservation de leur patrimoine prime. Au sein des familles, le travail de la dette relève d’un travail relationnel visant à produire des rapports économiques familiaux cohérents avec des relations fondées sur un rapport générationnel où les parents sont chargés d’assumer les besoins des enfants et non l’inverse.

34Ces différents éléments nous conduisent à considérer le travail de la dette comme un travail parental de care. L’attention accordée à la protection des enfants et à la préservation de leur patrimoine façonne les modalités du travail de la dette et aura des conséquences sur le capital des parents. Ces derniers se privent et investissent leur patrimoine dans les besoins des enfants et, lorsque ces derniers sont au bénéfice d’un salaire, ils refusent de leur demander une aide financière, estimant que ce n’est pas leur responsabilité. Il ne s’agit pas ici d’une forme de transfert générationnel de patrimoine, mais d’une forme d’engagement du patrimoine des adultes visant à préserver le patrimoine actuel et futur des enfants.

Le genre du travail de la dette et ses conséquences sur le patrimoine féminin

35Dans nos entretiens, toutes les mères interrogées endossent le travail de la dette (contre 2 pères sur 10). Compte tenu de la thématique des entretiens, il y a un biais de sélection à prendre en compte. Toutefois, la nature même du travail de la dette peut expliquer pourquoi, dans les couples hétérosexuels, il est en majeure partie pris en charge par les femmes. Le travail de la dette comporte des aspects qui sont traditionnellement rattachés aux domaines de compétences féminins nous l’avons vu dans la partie théorique. Le contexte de familialisation des dettes existant en Suisse exacerbe la dimension genrée de ce travail. Aux attentes rattachées aux rôles de genre s’ajoutent des attentes relatives à la parentalité, comme le soin des enfants. Les femmes étant encore les principales productrices de care, il n’est pas étonnant qu’elles endossent le travail de la dette, à l’instar de Marina (47 ans, mariée, 2 enfants) qui reprend en main la gestion des finances et des dettes lorsqu’elle découvre que les intérêts de ses enfants sont menacés.

« Au départ, je ne connaissais pas, je n’étais pas au courant. Je croyais que les factures étaient payées, je ne gérais rien. Et finalement non, parce que monsieur sortait, et après, quand j’ai commencé à voir les problèmes pour [prénom des enfants] et les saisies de salaire, et tout […]. Après, j’ai tout repris en main. »

36En s’investissant dans le travail de la dette pour tenter de préserver les enfants, les femmes performent en tant que mères (François, 2018 ; Rao, 2022). Les activités financières sont dès lors guidées par les attentes et obligations familiales et de genre. La prise en charge du travail de la dette devient l’expression du maternage et du fait d’être une bonne mère (Montgomerie et Tepe-Belfrage, 2017). Pour ce faire les femmes vont piocher dans leurs propres ressources. Le lien entre le care, le travail financier et l’argent des femmes n’est pas propre à cette recherche. Dans tous les milieux sociaux, les femmes consacrent plus d’argent aux dépenses liées aux enfants que les hommes (Nyman, 2003 ; Pahl, 2005 ; Roy, 2006). Cela s’explique par le fait que les enfants et leurs frais sont considérés comme relevant principalement de la responsabilité féminine (Pahl, 2005 ; Shelley et al., 1998). Les études sur les familles à bas revenu vont dans le même sens. Les mères compromettent plus facilement leurs propres besoins que les pères pour combler ceux de leurs enfants (Daly et Kelly, 2015 ; Kempson, 1996 ; Mcintyre et al., 2003). Cela est encore plus notable lorsque les femmes gèrent les finances (Nyman, 1999 ; Vogler et Pahl, 1994).

37Dans les entretiens, deux hommes font explicitement le lien entre la gestion des dettes et leur responsabilité parentale. Dans les deux cas, il s’agit d’hommes qui ne sont plus en couple, ce qui est un indice supplémentaire de la dimension genrée du travail de la dette : celui-ci est pris en charge par les hommes en l’absence de femmes disponibles pour le faire.

« J’ai soudain réalisé que j’étais aussi responsable d’une autre personne. Et cela m’a donné l’envie d’en faire encore plus. Je suis alors lentement sorti du trou. […] J’ai cherché un travail encore meilleur. […] J’ai pris des responsabilités. J’ai payé toutes mes factures à temps. Ainsi, l’année dernière, j’avais même encore de l’argent pour ma fille. » (Jérôme, 61 ans, divorcé, 1 enfant)

38La situation de Jérôme est emblématique. Une partie de son surendettement est due aux pensions alimentaires qu’il ne payait pas quand sa fille vivait chez sa mère. Ce n’est donc pas uniquement la fonction parentale qui est en jeu lorsqu’il prend en charge le travail de la dette, mais bien le fait qu’il endosse, lorsque sa fille quitte sa mère pour déménager chez lui, une fonction qui était auparavant occupée par son ex-conjointe : celle de pourvoyeur de care.

Travail de la dette, travail de care conjugal et patrimoine féminin

39Si le patrimoine des femmes est mobilisé pour préserver le bien-être des enfants en situation de surendettement, on observe qu’il est également investi au profit de celui du conjoint. Ainsi, le compagnon de Tamara (25 ans, célibataire, sans enfant) fait l’objet d’une procédure de recouvrement des dettes. Une bonne partie de son salaire est saisi. Tamara finance l’ensemble des dépenses quotidiennes pour tenter d’équilibrer le budget du ménage.

« Il avait son assurance qui était à son nom, mais c’est moi qui payais pour lui. Puis, je me suis retrouvée avec toutes les factures à mon nom alors qu’on était deux […] Je me suis vraiment retrouvée avec des factures des deux à moi toute seule et donc, vu que c’était à mon nom, je ne voulais pas laisser passer ça. Donc je payais, je payais, et je me retrouvais avec rien sur mon salaire à la fin du mois. »

40Dans ce cas, le travail de la dette n’implique pas d’endosser une dette masculine (Harper, 2001), mais d’assumer les frais de son conjoint pour qu’il conserve sa solvabilité. Le patrimoine féminin est affecté par un transfert de charges et non de dettes. Ce processus de soutien à la solvabilité masculine est aussi observable dans le couple de Mauro (50 ans, marié, 2 enfants) qui s’est endetté lorsque son petit commerce a périclité. Afin de rembourser son passif, il contracte un petit crédit en incluant dans sa demande les fiches de salaire de son épouse, ce qui lui permet de recevoir un montant supérieur à ce qu’il aurait obtenu avec son seul revenu. Il peut alors rembourser ses dettes initiales, mais cela ne suffit pas à maintenir son commerce à flot. Mauro voit ses recettes diminuer drastiquement. Il est incapable de payer les traites du crédit. Sa conjointe se substitue alors à lui. Elle augmente son taux d’activité professionnelle et solde seule l’emprunt. Cosolidaire de ce prêt devant la loi, elle avait tout intérêt à rembourser le crédit si elle ne voulait pas entrer elle aussi dans un processus de surendettement.

41L’investissement du capital féminin au profit des hommes peut être le fruit d’un rapport de pouvoir conjugal qui conduit les femmes à endosser les dettes de leur conjoint (Harper, 2001). Cependant, dans ces deux exemples, il s’agit surtout de soutenir la solvabilité masculine. Cela nous conduit à interpréter ce processus comme la mise en œuvre d’une conception de la conjugalité où la solidarité financière en est une dimension essentielle (Henchoz, 2011 ; Henchoz et Poglia Mileti, 2016). En lien avec ce que nous avons pu observer pour les parents, les conjoints vont prendre des décisions financières appropriées aux relations qui sont concernées (Rao, 2022). Le travail de la dette peut dès lors s’analyser comme la performance d’une « bonne » conjointe attentive au bien-être matériel et émotionnel de son partenaire et au maintien de sa capacité à agir en tant qu’acteur économique. Cette explication a l’avantage de mieux intégrer une autre observation tirée des entretiens, à savoir que les femmes sont peu nombreuses à remettre en question l’investissement de leur patrimoine au profit d’autrui. Deux autres processus renforcent le lien entre les normes de genre rattachées à la conjugalité, le travail de la dette et l’érosion du patrimoine féminin.

Bonne entente conjugale et patrimoine féminin

42Une situation de surendettement suscite des tensions conjugales et des disputes (Jacoby, 2002 ; Turunen et Hiilamo, 2014). Outre l’effet du stress et des inquiétudes provoqués par une situation financière difficile à maitriser, on peut y voir les conséquences d’un renversement des rôles traditionnels de genre. Les femmes gérant les finances des ménages surendettés sont en position de contrôler potentiellement l’ensemble des revenus du ménage, car, en situation de difficultés financières, les ressources sont souvent mises en commun de manière à faciliter une gestion optimale (Pahl, 1989).

« On se dispute parce qu’il me dit : Chaque fois qu’on achète quelque chose après, tu dis : ouais, mais on n’aurait pas dû ! Des choses comme ça. Et il dit : C’est comme si tu voulais nous culpabiliser alors qu’on n’achète rien, on ne sort jamais, on ne fait jamais rien. Et moi, chaque fois je dis : Non, on ne devrait pas parce qu’on n’a pas l’argent pour ça ! […] donc ça crée de la tension. […] Même avec lui, je n’en parle plus [des dettes]. Enfin, le minimum nécessaire. » (Francesca, 23 ans, mariée, sans enfant)

43Lorsqu’elles endossent le travail de la dette, les femmes ont le « mauvais rôle ». Comme le mentionne Cindy (32 ans, mariée, 1 enfant) : « des mois et des mois à faire attention, à dire non. […] C’était toujours moi dans ce rôle-là : Non, on ne peut pas ! ». Outre le contrôle financier exercé par les femmes, les tensions peuvent s’exacerber par le fait qu’une situation de surendettement porte atteinte au rôle de pourvoyeur des revenus, qui est essentiel dans la construction identitaire masculine (Ben Salah et al., 2017 ; Lewis, 2001). Durant l’entretien, Joao (60 ans, marié, 2 enfants) affirme à plusieurs reprises qu’il « ne vaut plus rien », qu’il est « une merde ». Les propos d’Yvan confirment ce changement statutaire éprouvé par certains hommes :

« J’ai une conjointe, elle fait donc l’équilibre du ménage, elle paie la plus grosse part […] Je dois aussi m’effacer dans le couple. […] C’est ce qui fait peut-être le succès de notre couple, cette position de… ce n’est pas moi qui ramène le plus gros de l’argent du ménage, ça fait le succès dans le couple parce que je sais me taire. J’accepte la quasi-totalité de ses choix. » (Yvan, 48 ans, célibataire, sans enfant)

44Le travail relationnel relatif aux interactions financières est imbriqué dans les émotions (Bandelj, 2020). Il en suscite et il va différer selon les émotions éprouvées. Ainsi, travail relationnel et travail de la dette sont étroitement imbriqués. Une dimension relationnelle du travail de la dette peut consister par exemple pour les femmes à préserver les symboles et les privilèges masculins de manière à réduire les tensions et tenter de conserver une bonne entente conjugale (Hahn, 1991).

« Avec mon salaire, je payais une bonne partie des factures et lui [mon mari] ne se rendait pas compte de l’argent de poche qu’il prenait, ce qui est logique quand on gagne [de l’argent]. Il a un bon salaire alors qu’il puisse en profiter, on est d’accord, mais en vérité, il ne pouvait pas en profiter. Je ne sais même pas combien il s’allouait. » (Jane, 49 ans, mariée, 4 enfants)

45Ce maintien des privilèges masculins en situation de difficultés financières peut être interprété comme le résultat de la conscience qu’ont les femmes de leur pouvoir et du caractère subversif de l’inversion des rapports de genre inhérents à leur prise en charge du travail de la dette et de leurs tentatives de maintenir une situation plus conforme aux normes conjugales dominantes (Perrin Heredia, 2018). Il est le fruit d’un travail relationnel visant à préserver la bonne entente au sein du couple, mais aussi le résultat de ce travail.

« Parfois, c’était le trop-plein, le ras-le-bol, trop de fatigue. Un oui, c’était la bouffée d’air frais dans le quotidien qui était trop oppressant» (Cindy, 32 ans, mariée, 1 enfant)

46Le « trop-plein, le ras-le-bol, la fatigue » dont fait mention Cindy reflètent les conséquences émotionnelle et physique du travail de la dette et le besoin, parfois, de lâcher-prise sur le contrôle des finances pour « souffler un peu » et apaiser les tensions conjugales.

47L’autre forme de travail relationnel mis en évidence dans les entretiens pour conserver la bonne entente au sein du couple consiste à éviter de parler à son conjoint des difficultés financières et ne pas montrer ses sentiments. Marina (47 ans, mariée, 2 enfants) « garde son angoisse pour ne pas angoisser les autres ». Elle prend sa voiture et va pleurer en forêt plutôt que de révéler sa détresse et la partager avec son mari. Ce travail émotionnel (Hochschild, 2003) qui revient à dissimuler ses émotions, à assumer seule la charge mentale de la gestion des dettes, à cacher son stress et ses difficultés est étroitement imbriqué dans le travail relationnel puisqu’il contribue à préserver les relations conjugales. Il a toutefois des conséquences sur le bien-être et la santé mentale des femmes (Henchoz et al., 2023). En outre, ces dernières se retrouvent relativement isolées et seules pour faire face au travail de la dette. Cette invisibilité renforce également le lien entre travail de la dette et érosion de leur patrimoine.

Invisibilité du travail de la dette et patrimoine féminin

48Un travail de care réussi est un travail invisible, effectué en toute discrétion et, par conséquent, peu connu et reconnu au sein de la famille (Benelli et Modak, 2010). Comme le relève Jenny (30 ans, divorcée, 2 enfants), il est peu tangible pour les enfants et un certain nombre d’hommes qui « ne voient pas » et « ne savent pas ». Cette invisibilité au sein du couple peut s’expliquer par la cartellisation des compétences en matière de gestion des dettes, mais aussi par le travail relationnel produit par les femmes décrit plus haut. Faute de visibilité, certains conjoints méconnaissent l’ampleur et la pénibilité du travail de la dette effectué par leur compagne. Mauro (50 ans, marié, 2 enfants), dont l’épouse a remboursé à elle seule le petit crédit contracté pour éponger les dettes d’un commerce dont elle désapprouvait l’achat, parle d’un « beau cadeau » pour définir la contribution de sa femme. « Malgré tous les reproches qu’elle m’a fait [lorsqu’il a repris ce commerce], elle a toujours été solidaire des dettes », conclut-il en affirmant que « c’était une chose qui était vraiment positive : on était les deux mis devant le fait accompli et il n’y en a pas un des deux qui a baissé les bras ». Ces extraits d’entretien sont révélateurs. Mauro fait référence à un don en parlant d’un « beau cadeau ». Ces propos font davantage écho à la solidarité financière qui est censée être la norme au sein des couples (Henchoz, 2011 ; Henchoz et Poglia Mileti, 2016) qu’à un travail qui a impliqué des efforts et des sacrifices financiers de la part de sa conjointe.

49L’invisibilité du travail fourni par les femmes conduit certains hommes à être peu au fait de la situation financière du ménage. Fort de cette ignorance, ils ne remettent pas en question leurs dépenses personnelles, et ce d’autant plus s’ils travaillent à plein temps et estiment y avoir droit (Evertsson et Nyman, 2021). Or nous avons vu que ces prérogatives ne sont pas forcément contestées par des femmes soucieuses de conserver une bonne entente conjugale. Les problèmes financiers peuvent par conséquent être sous-estimés par les hommes et rattachés à des lacunes féminines en matière de gestion, ce qui va dans le sens des stéréotypes genrés associés à la femme dépensière incapable de gérer les finances (Henchoz, 2021) :

« C’était quand même moi qui gérais tout donc c’était forcément moi l’erreur. On ne pouvait pas accuser mon mari de quoi que ce soit puisqu’il ne faisait pas. » (Jane, 49 ans, mariée, 4 enfants)

50Les problèmes pécuniaires étant perçus comme la conséquence d’incompétences ou d’inconséquences de la part de la gestionnaire, le recours à l’argent du conjoint est jugé peu légitime. Pour tenter de financer les frais du ménage et d’en administrer tant bien que mal les dettes, Jane « pioche dans l’héritage » de sa grand-mère « qui est parti rapidement », nous renseigne-t-elle. Son salaire et son épargne y passent également. De son côté, son mari continue de financer une assurance-vie individuelle. Il conserve également l’argent qu’il gagne de ventes d’antiquités, effectuées en dehors de son emploi, pour ses dépenses personnelles.

51L’invisibilité du travail de la dette conduit à l’isolement et à l’absence de reconnaissance de celles qui le prennent en charge, les empêchant une fois de plus de recourir à des ressources sociales et familiales qui seraient potentiellement disponibles. Lorsque Monica (53 ans, divorcée, 2 enfants) se décide enfin à demander à son ex-mari une pension alimentaire pour ses enfants afin de tenter de gérer son endettement, son fils cadet « se retourne contre [elle] en disant : comment tu peux embêter papa ? » Craignant que cela n’envenime leur relation, elle renonce à sa démarche, car comme nous l’avons vu précédemment, les obligations parentales priment dans la gestion des dettes plus que les obligations financières (François, 2018).

52La nature cachée du travail de la dette favorise le maintien des privilèges financiers masculins. En le rendant visible, le lien entre patrimoine féminin et gestion de la dette se dessert. Lorsqu’elle va consulter un service social spécialisé en gestion de dettes et désendettement, Jane (49 ans, mariée, 4 enfants) découvre que ce n’était pas elle « la fautive », pour reprendre ses propres termes. Contrairement à ce que son entourage affirmait, « il n’y avait pas de miracles », les ressources financières dont elle disposait étaient largement insuffisantes pour tenir le budget d’un ménage de six personnes et payer les mensualités relatives aux dettes. La reconnaissance de la part d’un service spécialisé pour le travail qu’elle effectue lui confère enfin une certaine légitimité : « Maintenant quand je parle d’argent, on me prend plus au sérieux, on m’écoute ». Désormais, son mari a renoncé à une partie de ses privilèges : le financement de son assurance-vie. Il conserve toutefois son argent de poche, car relate-t-elle, « il a plus besoin de sortir que moi ».

Conclusion

53La dette restructure les relations familiales et contribue à reconfigurer les rapports de genre (Federici, 2018). On observe toutefois que le pouvoir qu’acquièrent les femmes en gérant les dettes est limité. Ce dernier leur offre la capacité d’agir pour préserver le bien-être des enfants et de leur conjoint, mais il participe à l’érosion de leur patrimoine et réduit leur capacité à en constituer un. Nous l’expliquons par le travail de la dette. Ce dernier n’a pas seulement des effets sur les relations de care, il peut être vécu comme un travail de care en tant que tel, c’est-à-dire un travail financier intrinsèquement lié au fait de se soucier des autres et de prendre soin d’eux. Cette perception du travail de la dette va conduire les femmes, en tant que principale pourvoyeuse de care au sein de la famille, à le prendre plus souvent en charge et à y investir leur propre patrimoine au profit de la préservation de celui des enfants et des hommes.

54En ce sens, les inégalités de genre en matière de patrimoine ne s’expliquent pas uniquement par l’accès différencié à des ressources financières, mobilières et immobilières. Elles peuvent aussi découler des modes de gestion des finances et des dettes adoptés par les couples et les familles. La constitution de ces inégalités est difficile à identifier et à combattre. Au sein des familles, ces inégalités ne semblent pas perçues comme des injustices. D’une part, elles sont peu visibles et peu reconnues. D’autre part, lorsqu’elles sont constatées, elles sont interprétées comme étant le reflet de la (in)capacité des femmes à agir en tant que gestionnaire des dettes ou les conséquences du travail d’une « bonne » mère et conjointe. Les femmes n’endossent pas uniquement des charges financières. Ce faisant, elles participent activement à la construction du couple et de la famille et, dans un contexte de difficultés économiques, se construisent en tant que femme, mère et épouse soucieuse de préserver l’intégrité mentale, physique et financière des autres membres de la famille.

55En considérant le travail de la dette comme un travail de care, nous rendons compte de mécanismes familiaux qui sous-tendent les inégalités patrimoniales. La dimension intrinsèquement genrée de ce travail conduit les femmes à une double peine : celle d’être « destinées » à endosser le travail de la dette et celle de devoir entamer ou renoncer à leur patrimoine (ou à une partie de celui-ci) pour y parvenir. En situation de surendettement, les patrimoines masculins, féminins et des enfants ont des significations différentes, le patrimoine des femmes servant de variable d’ajustement pour maintenir le statut familial (par le haut niveau de dépenses consacrées aux enfants et la préservation du patrimoine masculin et enfantin, par exemple) et les bonnes relations familiales.

56Dans un contexte de financiarisation progressive de la vie quotidienne, il est essentiel de poursuivre les recherches visant à mieux comprendre les implications de la répartition du travail financier au sein des familles sur les niveaux de vie et patrimoines individuels, notamment dans des environnements où la familialisation des dettes est moins notable qu’en Suisse. Notre recherche n’a fait qu’effleurer les mécanismes sociaux et culturels qui conduisent à la division genrée du travail financier et à la perpétuation des inégalités patrimoniales. Qu’en est-il dans d’autres cadres ? Qu’en est-il dans les couples non endettés ? Nos données ne nous permettent pas de chiffrer l’investissement financier individuel dans le travail de la dette. Peut-on évaluer son « prix » en fonction de la perte de patrimoine qu’il occasionne ? Une attention particulière devrait être accordée aux politiques sociales et juridiques visant à réduire les inégalités de genre et à soutenir l’autonomie financière des femmes. Dans quelles mesures contribuent-elles à atténuer l’aspect genré du travail de gestion des dettes et des finances ? Enfin, le lien entre les dettes, leur gestion et le patrimoine mériterait d’être approfondi. Le patrimoine se définit comme la soustraction des dettes aux actifs (cf. note 1). Jusqu’à présent, la constitution des actifs a surtout été explorée, qu’en est-il de la constitution des dettes et de l’interaction entre ces deux éléments ?

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Notes

1 Dans le même esprit, Sandra Colavecchia (2008) développe le concept de moneywork pour décrire l'ensemble du travail lié à la gestion de l'argent lors de périodes de difficultés économiques. Le patrimoine individuel (ou richesse ou capital selon les écrits consultés) comprend tout ce que possède une personne à un moment donné, soit les actifs économiques (actifs financiers, biens immobiliers, entreprises, etc.), nets de leurs dettes (Bessière et Gollac, 2020 ; Killewald et al., 2017 ; Spilerman, 2000).

2 Dans cet article, le surendettement fait référence aux situations où le remboursement des dettes ou des intérêts dépasse la capacité de paiement d’un ménage sur une période plus ou moins longue et implique une baisse du niveau de vie et une augmentation non maitrisée de l’endettement initial (Henchoz et al., 2021).

3 À noter que ce n’est plus possible depuis janvier 2024.

4 FNS 188953 (2020-2024) « Étude pluriméthodologique des liens entre endettement et santé en Suisse » ; FNS 159326 (2015-2019) « Quand la solution devient le problème. Analyse pluriméthodologique et comparative des processus d’endettement en Suisse ».

5 Pour plus de données sociodémographiques, voir tableau 1. Salaire médian en 2022, 6788 CHF (Office fédéral de la statistique, 2024c).

6 En Suisse, les époux remplissent une déclaration fiscale commune, la taxation commune étant établie sur leur revenu cumulé.

7 Plusieurs stratégies de collecte des données ont été mises en place : des appels à participation ont été diffusés dans des services de gestion des dettes et de désendettement à but non lucratif en Suisse romande et Suisse allemande, et par le biais de Dettes Conseils Suisse, une association faîtière regroupant les services de conseil en matière de dettes reconnues d’utilité publique en Suisse ; par boule de neige, certains participants nous ayant mis en contact avec d’autres participants potentiels ; par diffusion d’annonces sur des réseaux sociaux et sur des sites Internet (par exemple, l’Université de Zürich). Les entretiens biographiques semi-directifs de type compréhensif (Bertaux et de Singly, 1997 ; Kaufmann, 1996) ont été intégralement retranscrits et analysés via un logiciel conçu pour l’étude qualitative des données et les méthodes mixtes (MAXQDA). Conformément aux principes de la théorie ancrée, nous avons développé notre analyse par codage (Strauss et Corbin, 1997 ; voir aussi Blais et Martineau, 2006). Le codage ouvert favorise l’émergence de concepts (ou codes, ou catégories) regroupant différents indicateurs (les types d’activité rattachés à la gestion de l’endettement, par exemple) ; le codage axial vise à mettre en lien différents concepts (comme la gestion de l’endettement et le soin accordé aux enfants ou la gestion de l’endettement et le patrimoine masculin et féminin) ; et le codage sélectif permet d’identifier le concept central autour duquel vont s’articuler les autres (ici le travail de la dette). L’ensemble du processus de recherche respecte la charte éthique de la HETSL.

8 C’est toutefois à nuancer, dans certains cantons suisses alémaniques, les personnes endettées auprès de caisses maladie n’ont accès qu’aux soins de première nécessité.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Caroline Henchoz, Tristan Coste et Anna Suppa, « Travail de la dette et inégalités de patrimoine : perspective de genre »Enfances Familles Générations [En ligne], 46 | 2024, mis en ligne le 09 septembre 2024, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/efg/20437

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Auteurs

Caroline Henchoz

Professeure, Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL | HES-SO), Suisse, caroline.henchoz@hetsl.ch, identifiant ORCID : http://orcid.org/0000-0002-8489-7622

Articles du même auteur

Tristan Coste

Collaborateur scientifique, Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL | HES-SO), Suisse, tristan.coste@hetsl.ch

Articles du même auteur

Anna Suppa

Collaboratrice scientifique, Haute école de travail social et de la santé Lausanne (HETSL | HES-SO), Suisse, anna.suppa@hetsl.ch

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