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Dossier. Le Japon et ses doubles. Les territoires japonais et leur aménagement à travers les arts et la littérature

Shin Evangelion : quand Anno Hideaki retourne (à) la Terre

シン・エヴァンゲリオン : 庵野秀明が土に還る時
Shin Evangelion and Anno Hideaki: down to Earth at last?
Antonin Bechler et Kenjirō Muramatsu
p. 97-128

Résumés

La licence Evangelion, fondée sur la série et les films d’animation réalisés par Anno Hideaki, tient une place importante dans l’écosystème culturel japonais depuis 1995, en particulier par sa contribution au développement de la culture de consommation dite « otaku », caractérisée par sa propension à superposer délibérément réalité et virtualité, engendrant des phénomènes tels que le « tourisme d’animation ». Postulant qu’Evangelion témoigne de l’évolution du rapport au réel dans le Japon contemporain, cet article retrace le parcours de son réalisateur, les spécificités thématiques et filmiques des œuvres, en accordant une place particulière au dernier long métrage de 2021 et à son traitement du motif du « retour à la terre », à une « réalité » dont on interrogera les significations et le statut.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Nous désignerons par « Evangelion » la série télévisée Neon Genesis Evangelion (新世紀エヴァンゲリオン, 1995-9 (...)
  • 2 Le terme « otaku » (littéralement, « votre maison ») s’est d’abord répandu après la guerre comme pr (...)

1Evangelion a débuté en 1995 sous la forme d’une série d’animation télévisée écrite et réalisée par l’animateur et réalisateur Anno Hideaki 庵野秀明 (1960-) au sein du studio Gainax. Elle est devenue extrêmement populaire, en particulier auprès des jeunes, ce pour plusieurs raisons : son identité visuelle et sa mise en scène innovantes qui s’éloignaient des codes du genre de l’« animation de robots géants » en vogue au Japon depuis la décennie précédente ; son intrigue complexe adossée à des références ésotériques, ainsi que ses personnages et sa tonalité générale qui reflétaient l’atmosphère angoissante dans la société japonaise après l’éclatement de la bulle économique. Elle a suscité la création de plusieurs longs-métrages et la commercialisation de très nombreux produits dérivés, qui ont su trouver leur public jusqu’à nos jours1. Ces œuvres ont également joué un rôle important pour le développement de ce que l’on a pu qualifier de « culture otaku »2, dont le quartier d’Akihabara à Tokyo est devenu le symbole depuis la fin des années 1990. Du milieu des années 2000 à nos jours, soutenue par la diffusion des technologies numériques, celle-ci a contribué à l’établissement d’une culture de consommation qui mélange délibérément réalité et virtualité, à l’image du « tourisme d’animation » utilisant ses personnages pour promouvoir le tourisme local, ou encore des mascottes de villes provinciales inventées pour « vendre la fierté locale » aux consommateurs urbains (Sadakane 2015 : 134).

  • 3 Shin Evangelion gekijōban (シン・エヴァンゲリオン劇場版:||, 2021, ci-après « Shin Evangelion »). Ce film conclut (...)

2Le début du long métrage d’animation Evangelion 3.0+1.0 Thrice Upon a Time3 présente, pendant près de 40 minutes (0:16:18 - 0:55:37), un lieu de rétablissement de l’humanité et de l’environnement naturel anéantis par une catastrophe planétaire provoquée par l’homme, le Troisième village. Évoquant les ensembles de logements temporaires créés après la triple catastrophe du 11 mars 2011 dans le nord-est du Japon, cette séquence qui dépeint des scènes de vie et de travail manuel communautaires au contact de la nature, paraît tout à fait insolite dans le cadre de cette licence de science-fiction. Pourquoi et comment son réalisateur Anno Hideaki en est-il venu à représenter une telle séquence de « retour à la nature », qui semble si éloignée des problématiques portées par son œuvre ? Que signifie une telle représentation d’un territoire pour la culture de consommation dite otaku dont Evangelion fut l’un des catalyseurs, en particulier la tendance à « superposer » le virtuel à la réalité ?

3Pour répondre à ces questions, nous tenterons d’abord de resituer historiquement et sociologiquement Evangelion, à l’aube de la popularisation des tendances à la consommation d’objets virtuels comme substituts du réel. Puis, nous mettrons en évidence Evangelion comme produit emblématique de la culture otaku en retraçant la trajectoire d’Anno et la genèse du studio Gainax et de cette œuvre. Nous analyserons enfin l’univers diégétique d’Evangelion (1995-2021) et sa représentation comme « système de signes », traversé par un dilemme entre l’original et la copie, et problématisant sans cesse le rapport entre le virtuel et la réalité physique et objective.

I. L’animation au secours des territoires réels ?

1. Tourisme d’animation et culture otaku : un mariage réel / virtuel ?

4Pour sortir de la longue récession déclenchée par l’éclatement de la bulle économique au début des années 1990, le gouvernement a promulgué en 2006 la Loi fondamentale pour la promotion du pays comme destination touristique (Kankō rikkoku suishin kihonhō 観光立国推進基本法), mettant en avant la « culture » (et le soft power qu’elle génère) et le « territoire » (chiiki 地域) comme ressources essentielles. Dans ce contexte, le fait de visiter des lieux réels liés à des œuvres culturelles (roman, film, musique, dessin animé, etc.) est désormais promu comme « tourisme de contenus » (contents tourism) et encouragé comme moteur de développement local impliquant divers acteurs (collectivités, groupes de fans, sponsors, etc.) (Masubuchi 2009 ; Okamoto 2011). En ce qui concerne l’animation, ce type de visite appelé seichi junrei 聖地巡礼 (pèlerinage aux lieux saints) s’est généralisé sous l’étiquette « Anime tourism » (Sutō 2016 ; Maki 2019). Dans ces phénomènes, qu’ils contribuent ou non à développer l’économie locale, le « territoire » réel sert à la fois de source d’inspiration de l’œuvre et d’objet de création et de consommations « dérivées » (nijisōsaku 二次創作).

  • 4 Cf. par exemple le succès populaire du roman anonyme Densha Otoko 電車男, né de textes postés sur un f (...)
  • 5 Cf. le succès du groupe de jeunes chanteuses AKB48, qui porte le nom du quartier d’Akihabara et s’y (...)

5Pour comprendre cette évolution du rapport entre les produits culturels et le tourisme, il faut également prendre en compte le contexte social et culturel du milieu des années 2000, marquées notamment par une revalorisation de la culture otaku, jusque-là relativement mal considérée par le grand public4. Parallèlement, Akihabara, quartier de Tokyo abritant de nombreuses boutiques vendant des produits à l’effigie de personnages d’animation de type bishōjo 美少女 (jolies jeunes filles), et la culture qui s’établit autour de ces objets (Akiba culture), se popularisent auprès du grand public5. Plusieurs formes de consommation et de divertissement se développent alors, profitant de la démocratisation des terminaux numériques et du haut débit, à l’image du site web de partage de vidéos Niconico dōga ニコニコ動画 (2006-), qui favorise la formation de communautés d’utilisateurs, ou encore du logiciel de synthèse vocale Vocaloïd (Yamaha Corporation) au travers de sa mascotte Hatsune Miku (2007-), dont le succès sera bientôt mondial.

6Le développement du tourisme d’animation s’appuie sur la culture des jeunes caractérisée par ces formes de consommation et de divertissement « superposant » virtuel et réel. Il en va de même pour d’autres formes de valorisation des localités émergeant à la même période, des mascottes « cool » (yurukyara ゆるキャラ) animant les villes provinciales, à la promotion de plats populaires et régionaux « réinventés » comme de nouvelles spécialités locales bon marché pour attirer les touristes (Sadakane 2015 : 133-136). Sadakane Hideyuki souligne qu’à travers ces phénomènes, le patrimoine culturel et local a commencé à se transformer sous le regard des touristes et des consommateurs urbains, mais en dissimulant la réalité du déclin démographique et économique de ces territoires (ibid.).

2. Le tournant culturel de 1995 et Evangelion

  • 6 Le terme désigne l’investissement fantasmatique dans des personnages (majoritairement féminins) à l (...)

7Que recouvrent ces formes de consommation du virtuel ? Dans le domaine de la sous-culture ou du divertissement populaire, le phénomène existe depuis bien avant l’informatisation et la numérisation. Dans le sillage de la théorie du simulacre de Jean Baudrillard, Ōtsuka Eiji avait analysé la « consommation narrative » développée depuis le début des années 1980, qui encourageait à reconstituer les structures narratives livrées « en kit » dans des produits matériels ou culturels de divertissement, tendant ainsi à faire disparaître la distinction entre l’original et la copie, voire le producteur et le consommateur (Ōtsuka 2021 [1989]). Azuma Hiroki a prolongé cette idée en conceptualisant comme une « base de données » immatérielle l’ensemble des éléments distincts susceptibles d’être combinés pour générer des kyara キャラ (character, personnages attractifs) et/ou des récits dans les productions narratives et les jeux vidéo (Azuma 2001), à l’image des personnages de type « moé » (萌え)6 qui prolifèrent dans la culture otaku depuis les années 2000, souvent exploités dans le cadre du tourisme d’animation. Les territoires réels se retrouvent alors intégrés à leur tour dans ces structures symboliques, constituant des objets de consommation à la fois réels et virtuels.

  • 7 En 1997, on estime le poids économique de la licence Evangelion, intégrant également vidéogrammes, (...)
  • 8 Pour un autre exemple plus récent de transformation urbaine et sociale en lien avec la culture de c (...)

8Evangelion, entre sa première diffusion télévisée à l’automne 1995, et sa rediffusion accompagnant la sortie des premiers longs-métrages en 1997, est l’un des contenus qui a généré la popularisation massive de cette culture de consommation otaku. Bien sûr, l’intérêt pour les figurines de personnages de bishōjo et de robots ainsi que les séries d’animation de science-fiction et/ou de fantasy existait auparavant, mais il concernait presque exclusivement le public otaku. Le succès populaire d’Evangelion aurait ainsi contribué à transformer le quartier d’Akihabara, jadis spécialisé dans la vente d’équipements électro-ménagers et informatiques, en « ville otaku » à la fin des années 19907. Morikawa Ka.ichirō caractérise ce phénomène comme une extension de l’« espace personnel » de ces amateurs, avec un foisonnement de boutiques spécialisées dans tel ou tel élément de la culture otaku, créées sans planification urbaine ni intervention d’architectes8. Nous pouvons y voir une première forme de fusion entre l’espace public (la ville) et le hobby ou encore le fétichisme personnel des consommateurs. Le sociologue Miyadai Shinji analyse cette culture développée à Akihabara comme relevant d’une « réalisation de la fiction » (s’agissant de matérialiser d’« autres mondes » – isekai 異世界), par opposition à la sous-culture des jeunes « branchés » de cette époque (qualifiés alors de « nouvelle race d’humains », shinjinrui 新人類), développée principalement autour du quartier de Shibuya dans les années 1980, qui relèverait quant à elle d’une « fictionnalisation de la réalité » (s’agissant de « théâtraliser » – enshutsu 演出 – sa présence au monde) (Miyadai 2014 : 36-43). Selon lui, ces nouvelles sous-cultures sont nourries avant tout par le désir d’« homéostasie de soi », c’est-à-dire le souci qu’auraient les individus de préserver leur sécurité sentimentale et leur identité personnelle, dans le contexte d’un « présent éternel » sans aspérités ni repères (Miyadai 1998).

9Resituant ces observations dans un cadre temporel plus large, le sociologue Ōsawa Masachi (2008) considère qu’après l’éclatement de la bulle économique (1985-1991), lorsque le Japon est entré en crise, symboliquement marquée par l’enchaînement début 1995 du séisme de Kobe et de l’attaque au gaz sarin de la secte Aum Shinrikyō dans le métro de Tokyo, le pays serait passé de l’âge de la « fiction » (kyokō 虚構) à l’âge de l’« impossibilité » (fukanōsei 不可能性). 

  • 9 Ces deux formes de réaction à l’« impossibilité » du réel semblent présentes dans les parcours de j (...)

10 Selon lui, l’âge de la fiction (des années 1970-1980) a suivi la stabilisation de la croissance économique, ainsi qu’une saturation et un désenchantement vis-à-vis des idéaux structurants de l’après-guerre (le progrès, la révolution, etc.). Il se caractérise par une attitude détachée des problèmes réels de la société, relativisant ceux-ci par des univers de fiction bien délimités dans lesquels les individus peuvent se « réfugier » (à l’image de Tokyo Disneyland, inauguré en 1983). L’âge de l’« impossibilité » succède à la saturation de la culture de la fiction, et se caractérise par deux formes opposées de « retour » vers la réalité. Dans l’une, le sujet cherche à la plier à sa volonté au travers d’une confrontation brutale, par exemple l’acte concret de tuer ou de blesser sans motif, voire l’automutilation ou le suicide. L’autre consiste à « neutraliser » la réalité en en désamorçant la violence, que l’auteur appelle l’« altérité » (tashasei 他者性), soit la différence pure, inassimilable. La réalité se « neutralise » ici comme « altérité sans altérité », par la valorisation d’un ensemble de signes inoffensifs et consommables, à l’instar du café décaféiné, de la bière sans alcool, des échanges anonymes dans des communautés d’usagers sur internet ou encore des jeux vidéo érotiques offrant au joueur solitaire une simulation de lien affectif9.

11La tendance à la consommation de lieux réels « réenchantés » par la fiction, dont le tourisme d’animation relève, semble proche de ce second paradigme : les lieux réels sont « sécurisés » en fiction via leur esthétisation par le biais de retouches numériques, et sur place par des aménagements spécifiques (intégration de visuels de l’œuvre dans l’espace public, etc.).

12Ces questions de l’acceptation de soi et de l’« impossible » altérité se trouvaient au cœur de la diégèse d’Evangelion dès sa première itération en 1995, et ce dans les paradigmes mêmes dégagés par Miyadai et Ōsawa : besoin de reconnaissance de soi par l’autre, désir de supprimer l’altérité par la destruction du monde physique, ou de la neutraliser par un retour à un état originel et fusionnel. De plus, l’enjeu du devenir du monde y est systématiquement ramené à un choix personnel, indiquant clairement que pour Anno, le problème est celui de la perception et du rapport subjectif de l’individu à la réalité. Il débouchera, comme on va le voir, sur une remise en question critique de la culture otaku.

II. Anno Hideaki et Neon Genesis Evangelion

1. Anno Hideaki, créateur « amateur » de la première génération otaku

  • 10 Films et séries télévisées en prises de vues réelles « à effets spéciaux » (tokusatsu 特撮), ciblant (...)

13Né en 1960 dans une famille modeste au sein de laquelle on communiquait peu (Takekuma 1997 : 12-14), Anno a grandi dans une ville industrielle et provinciale (Ube, département de Yamaguchi). Grand consommateur de séries télévisées de science-fiction en animation (Space cruiser Yamato, 1974- ; Mobile Suit Gundam, 1979-) et tokusatsu10 (Ultraman, 1966- ; Kamen Rider, 1971-) dans son enfance et son adolescence, il revendique son appartenance à la « première génération otaku » (ibid. : 21).

  • 11 Evangelion a porté cette tendance autobiographique à son paroxysme, Anno affirmant avoir « distribu (...)

14Il se lance dès son entrée au lycée dans la création de films tokusatsu avec une caméra 8 mm, ainsi que dans l’animation sur papier. Après avoir intégré le département d’arts visuels de l’université des arts d’Osaka, il poursuit ces activités avec un groupe de camarades étudiants. Anno considère que sa propre trajectoire se caractérise par la prépondérance d’expériences « virtuelles » offertes par la télévision par rapport aux expériences réelles partagées avec autrui. Sa génération aurait grandi en s’imprégnant d’informations et d’une culture populaire uniformisées, sans être affectée par les conflits internationaux et les mouvements sociaux contestataires qui avaient marqué les précédentes (Ōizumi 1997 : 17). Il déplore ainsi son incapacité à produire des œuvres véritablement « originales » fondées sur ses propres expériences, mais seulement des créations « dérivées » de sources pré-existantes. De même, il explique que toutes ses œuvres ne seraient que des « copies » ou des « collages », et que sa seule source d’originalité serait en fait lui-même (sa vie, son identité). Autrement dit, on ne pourrait selon lui l’atteindre qu’en « mettant [s]on âme » (en se projetant) dans la création dérivée, cette propension à la « copie », la parodie, l’hommage et la citation qui constituent l’une des caractéristiques de la culture otaku (ibid. : 50). La tension et le conflit entre la dimension de création dérivée et d’autobiographie du créateur (individuel ou collectif) sont au cœur des travaux auxquels il participe dans le cadre du collectif Daicon Film (1981-1985)11, à l’image des courts-métrages d’animation Daicon III et Daicon IV, réalisés avec ses camarades en 1983 et 1984 pour des conventions d’amateurs de science-fiction à Osaka. La qualité plastique et la teneur hyper-référentielle de ces clips leur valent une première reconnaissance dans le milieu, et leur offre l’occasion de débuter en tant qu’animateurs dans des studios professionnels. C’est ainsi qu’Anno participe à la production du long métrage Nausicaä de la vallée du vent (Kaze no tani no Nausika 風の谷のナウシカ, 1984, Topcraft) de Miyazaki Hayao, avec qui il nouera des liens durables.

  • 12 Entre autres, la série de jeux vidéo Princess Maker (1991-, dirigée par Akai Takami).

15Anno fonde avec ses camarades le studio Gainax en 1984, dans le but de développer un projet de long métrage d’animation de science-fiction original, Les ailes d’Honnéamise (Ōritsu Uchūgun : Oneamisu no Tsubasa 王立宇宙軍 オネアミスの翼, 1987, réalisé par Yamaga Hiroyuki avec des compositions de Sakamoto Ryūichi), financé par la compagnie de jouets Bandai, auquel il participe comme animateur clé, chargé de la conception mécanique et des effets spéciaux. L’échec commercial relatif de ce film ambitieux et exigeant conduit le studio à s’orienter à nouveau vers le public otaku (ibid.) en se lançant dans le secteur des jeux vidéo érotiques alors encore peu développé12. Dans la foulée, Anno fait ses premiers pas de réalisateur avec Gunbuster (Toppu o nerae ! トップをねらえ !, 1988-1989), série de science-fiction en six épisodes distribués directement en vidéo, très référentielle et ciblant délibérément le public otaku, puis Nadia, le secret de l’eau bleue (Fushigi no umi no Nadia ふしぎの海のナディア, 1990-1991), une série télévisée plus grand public librement adaptée du roman Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne, sur une commande de la chaîne publique NHK. Mais l’équilibre financier du studio reste fragile, et Anno doit s’atteler à un nouveau projet « original » (Takekuma 1997 : 94) pour la télévision, Neon Genesis Evangelion, dont la préproduction démarre en 1993.

2. Neon Genesis Evangelion et sa réception

16Cette création s’inscrit dans un contexte socio-économique de plus en plus dégradé à la suite de l’éclatement de la bulle spéculative. Alors même qu’Evangelion entre dans sa phase finale de production, deux événements majeurs vont cristalliser ce douloureux « retour au réel ». En janvier 1995, le séisme de Kobe ravage la mégalopole, faisant plus de 6 000 victimes, tandis que le 20 mars, l’attaque au gaz sarin perpétrée dans le métro de Tokyo par la secte Aum en touche presque autant (treize morts, plus de 6 000 blessés) et choque la nation par son caractère à la fois spectaculaire et incompréhensible (Trinh 1998). Diffusée à partir d’octobre 1995 sur les chaînes du groupe TV Tokyo, la série d’Anno va être reçue dans ce contexte particulier et engendrer des réactions et interprétations multiples.

17Le premier épisode s’ouvre sur la baie de Tokyo en 2015. La cité a été détruite et submergée, comme une bonne partie du monde, à la suite d’un événement cataclysmique ayant eu lieu en 2000, le Second impact. Tandis qu’une créature monstrueuse attaque la ville où vient d’arriver le jeune Shinji, 14 ans, ce dernier est conduit en urgence à Tokyo-3 (l’actuelle Hakone) au quartier général de la NERV, une organisation dirigée par son père Gendō, qu’il n’a plus revu depuis la disparition de sa mère lors d’une expérience scientifique dix ans auparavant. L’adolescent y apprend qu’il fait partie des « Children », seuls à même de piloter les « humains de synthèse Evangelion », des androïdes de 80 mètres de haut destinés à combattre ces créatures géantes, dénommées « Anges » (« Angel », ou « shito 使徒 » i. e. « apôtres »). Installés dans leur « Eva » à laquelle ils sont connectés par le système nerveux, Shinji et ses coéquipières Rei et Asuka vont devoir vaincre ces Anges, qui cherchent à pénétrer au cœur de la NERV. Cette intrusion déclencherait un Troisième impact qui mettrait définitivement fin à toute vie sur Terre.

18Davantage encore que la qualité inhabituelle de l’animation, de la mise en scène et du design de ses personnages et créatures, l’intrigue présentée ici dans ses très grandes lignes, a vraisemblablement constitué la première source d’intérêt et de plaisir pour le grand public ayant découvert la série entre 1995 et 1997. En effet, Anno prend soin de ménager d’importantes zones d’ombres, entretient le suspense par la rétention d’informations essentielles, ou l’ambiguïté en inondant le spectateur de données parfois contradictoires, souvent détachées de leur contexte d’origine, à l’image des nombreuses références à la tradition judéo-chrétienne. Cette approche contribue au succès de la série, qui se montre ainsi en phase avec l’atmosphère du moment, marquée par un sentiment d’anxiété diffuse, voire de paranoïa, et une fascination croissante pour les théories du complot, l’ésotérisme et les discours millénaristes (Yoda 2006 : 20), visions apocalyptiques que l’on retrouve par ailleurs dans bien d’autres productions de la culture populaire japonaise à la même période (Napier 2005 : 29).

Fig. 01. Épisode 3 (1995) : dans Tokyo-3, l’Eva-01 (à droite) affronte un Ange (à gauche).

Fig. 01. Épisode 3 (1995) : dans Tokyo-3, l’Eva-01 (à droite) affronte un Ange (à gauche).

© KHARA.

  • 13 Les collaborateurs d’Anno sur Evangelion confirment qu’il dévorait alors des ouvrages de psychologi (...)

19C’est ainsi qu’outre les innombrables références à des œuvres appréciées du public otaku (Morikawa 1997), la série d’Anno n’hésite pas à multiplier les renvois plus ou moins transparents à la doctrine, aux activités et aux dérives de la secte Aum (Evangelion Roppongi I.inkai 1997 : 135-137), et à s’emparer des problématiques sociales qui font l’actualité depuis le début de la décennie : désagrégation scolaire et familiale, servitudes du milieu professionnel, contrôle social et injonctions normatives, patriarcat et subordination de la femme (Kotani 1997), ainsi que des difficultés qu’elles génèrent pour l’individu, en particulier les jeunes (Igarashi 1997), empruntant pour ce faire de nombreux concepts à la psychanalyse (Freud, Lacan, R. D. Laing, etc.)13.

  • 14 Déçu par les réactions des fans qui ne voient dans sa série Nadia qu’un support de fétichisme à tra (...)
  • 15 Ces deux derniers épisodes (25, 26) sont cependant l’une des causes majeures du succès d’Evangelion(...)

20Cependant, Evangelion reste avant tout un produit de consommation, sur lequel reposait la survie économique du studio Gainax. Si cette ouverture sur son temps a contribué à lui rallier un large public, ce sont bien les otaku qui ont fait de l’œuvre l’une des licences les plus rentables de l’animation japonaise, déterminés qu’ils furent à la consommer sous toutes ses formes (vidéogrammes, mangas, bandes originales et produits dérivés les plus divers qui emplirent les boutiques d’Akihabara). Ce succès laisse à Anno un sentiment amer14. En effet, ceux qui devaient être ses plus fidèles soutiens conspuent le tournant introspectif pris par la série et ses derniers épisodes qu’ils considèrent inachevés, l’abreuvant d’injures sur internet et jusque sur les murs de son studio15.

  • 16 Ōtsuka Eiji, « Ōmu o koeru hazu ga… » (オームを超えるはずが…, Aucune chance de dépasser Aum avec ça), Yomiuri (...)

21Anno y délaisse en effet le volet science-fiction du récit, omettant d’apporter des réponses concrètes aux questions soulevées par l’intrigue, pour un monde intérieur abstrait dans lequel son jeune (anti)héros est confronté de manière répétée à ses angoisses et son mal-être, par le biais de questions insistantes affichées sous la forme de cartons ou énoncées par ses proches. À l’issue du processus, il semble parvenir à s’assumer, et le récit s’achève sous les applaudissements de ces derniers. À sa diffusion en mars 1996, ce dénouement est fustigé par Ōtsuka Eiji dans les colonnes du Yomiuri shinbun16. En tant qu’éditeur puis critique, Ōtsuka fait partie de ces « grands témoins » ayant, à l’instar d’Okada Toshio (cofondateur du studio Gainax), joué un rôle prépondérant dans le développement du phénomène otaku puis dans l’élaboration de son espace discursif durant les années 1980-1990. Il considère que le dispositif proposé ici par Anno s’apparente à l’un de ces « séminaires de développement personnel » alors en vogue au Japon, soit un traitement « hors-sol », « artificiel » des difficultés personnelles des personnages, et à travers eux du réalisateur et de son public, pour une résolution qui ne saurait être que « purement formelle », à l’image des formules et gestes performatifs de félicitations au héros (et au public) qui viennent clore abruptement le dernier épisode.

Fig. 02. Épisode 26 (1996) : des croquis puis le script d’un dialogue plutôt que sa représentation animée.

Fig. 02. Épisode 26 (1996) : des croquis puis le script d’un dialogue plutôt que sa représentation animée.

© KHARA.

  • 17 Le traitement médiatique de l’affaire Miyazaki Tsutomu après son arrestation en 1989, qui assimile (...)

22Ōtsuka se montre plus positif envers le dénouement du long-métrage réalisé par Anno l’année suivante : The End of Evangelion conclut effectivement l’intrigue de manière exhaustive, mais est marqué par une tonalité générale extrêmement négative, voire nihiliste, qui semble traduire l’exaspération du réalisateur à l’égard de son public. Le film s’ouvre sur une séquence qui voit le protagoniste Shinji se masturber devant le lit d’hôpital sur lequel repose sa jeune équipière Asuka (l’une des égéries du public otaku), avant de déclencher la fin du monde, finissant par échouer dans ses ruines avec pour seule compagne la même Asuka, qu’il tente alors d’étrangler, se ravisant enfin quand celle-ci esquisse un geste consolatoire. Voyant dans cette scène un renvoi aux meurtres commis par Miyazaki Tsutomu17, Ōtsuka veut lire dans cette nouvelle conclusion un diagnostic acerbe mais lucide sur les causes de la souffrance adolescente au Japon depuis les années 1980 : la « désagrégation du rapport à autrui » et la tentation du « solipsisme » (Ōtsuka 2007 : 340-351). Les deux conclusions proposées par Anno à cette première incarnation d’Evangelion en 1996-1997 correspondent en effet aux deux versants du paradigme dégagé par Ōsawa Masachi (2008) : le désir de « sécuriser » le rapport au réel en neutralisant le contact avec l’altérité (intériorisée dans le processus contrôlé et l’environnement virtuel du « séminaire de développement personnel » qui clôt la série), et la tentation de son dépassement dans la confrontation violente et réificatrice, à l’image du comportement du protagoniste dans la version long-métrage.

Fig. 03. The End of Evangelion (1997) : Shinji tente d’étrangler sa partenaire inanimée.

Fig. 03. The End of Evangelion (1997) : Shinji tente d’étrangler sa partenaire inanimée.

© KHARA.

  • 18 Le document de cadrage de la série élaboré en 1993 (reproduit dans Kadokawa 1997 : 85-88) énonçait (...)

23Certains critiques portent cependant un regard plus positif sur la série d’Anno, dénouement compris. Il en va ainsi d’Azuma Hiroki, qui lit Evangelion comme un discours sur l’animation, ses formes, ses limites et leur dépassement18. Il souligne la manière dont Anno intègre les motifs visuels et les codes narratifs des grands genres de l’animation et des séries télévisées pour la jeunesse, pour proposer ensuite un terrain d’expérimentations qui permettrait de les renouveler. Ainsi, il proposerait un nouvel « essai » formel et thématique avec chaque épisode, jusqu’à l’abstraction des deux derniers, qui dépassent le cadre traditionnel de l’animation commerciale sur celluloïds, en allant jusqu’à intégrer les étapes du processus de fabrication (script, storyboard, rushes) au produit définitif vu par le spectateur, et à son propos sur l’identité et l’altérité (Azuma 2011 [1996] : 205-227).

24Spécialiste de Jacques Derrida, Azuma Hiroki s’inscrit dans le lignage des philosophes japonais du new academism qui, depuis le début des années 1980, se sont efforcés d’adapter au contexte local les travaux des penseurs occidentaux de la postmodernité, dans une volonté de solder les « grands récits » structurants de l’après-guerre (les années 1950-1960, soit l’âge des « idéaux » selon Ōsawa), et encouragent un rapport apaisé, voire décomplexé avec la société de consommation et ses biens matériels et culturels. C’est dans le prolongement de ce courant qu’Azuma salue Evangelion comme une expérimentation narrative et formelle jouant du collage et de la dérive sans fin du signifié pour interroger les modalités de ce changement de paradigme.

3. Evangelion comme système de signes

25En effet, le contexte des années 1990 n’est plus celui de la décennie précédente. Elles n’ont certes pas donné lieu à une réduction de ses tendances au simulationnisme, vécues et théorisées alors sur le mode ludique, mais plutôt, comme le développe Ōsawa Masachi à travers l’exemple de la secte Aum, à une accentuation doublée d’une polarisation sur le mode tragique (Ōsawa 2017 [1996]). Retraçant ces évolutions au niveau culturel dans un contexte global commun à l’ensemble des pays post-industrialisés, Japon compris, Perry Anderson ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme, à la suite du critique et théoricien marxiste Fredric Jameson, que « la postmodernité n’est pas une rupture. C’est l’indice culturel d’une nouvelle étape du mode de production capitaliste » (Anderson 2010 : 79), dans laquelle « la culture se voit étendue jusqu’à coïncider totalement avec l’économie », accompagnant une évolution profonde de notre rapport à la réalité. L’interface technologique y prend désormais une place essentielle, la médiatisation contribuant à « effacer les frontières entre perçu et représenté » (ibid. : 168), le tout dessinant un « monde de formes dans lequel la nature en tant que telle a été supprimée, un monde saturé de messages et d’informations, dont le réseau intriqué de marchandises peut être conçu comme l’archétype même d’un système de signes » (ibid. : 95).

  • 19 Pour le sociologue Yoshimi Shun.ya (1996), cette transformation implique au contraire un repli sur (...)

26C’est précisément ce système de signes que donne à voir Evangelion en 1995, avec une délectation morbide, très éloignée du discours triomphaliste qui avait accompagné l’achèvement de la transformation du Japon en « société de l’information » (jōhō shakai 情報社会)19 au cours de la décennie précédente.

Fig. 04. Épisode 12 (1995) : retransmise sur l’écran, l’image d’un Ange en approche depuis l’espace.

Fig. 04. Épisode 12 (1995) : retransmise sur l’écran, l’image d’un Ange en approche depuis l’espace.

© KHARA.

27Au niveau diégétique, le dispositif propose une mise en abyme constante de la médiation technologique : les personnages prennent connaissance de la réalité par l’intermédiaire d’écrans qui affichent des graphiques, des quadrillages contribuant à réorganiser la réalité perçue en système signifiant. L’omniprésence des croix n’a pas uniquement une connotation religieuse ici : comme viseurs ou comme grilles, elles contribuent à fixer cette médiation technique des outils de captation du réel.

  • 20 Une animation employant, généralement pour des raisons budgétaires, un nombre limité de dessins dif (...)

28L’écran impose également au monde un aplatissement, redoublé par les partis pris de réalisation qui mobilisent les conditions de l’animation limitée20 pour assimiler pleinement le message au médium. En privilégiant les plans fixes étirés indéfiniment ou enchaînés abruptement sur un rythme parfois à la limite du subliminal, conjugués à des angles de vue en plongée et contre-plongée parfaites et une perspective volontiers aplanie, Anno représente le monde comme une surface scripturaire sur laquelle peuvent s’inscrire sans contradiction les signes les plus divers, hautement polysémiques, des Anges aux croix et autres arbres séphirotiques, surface sans cesse commentée par les personnages à la fois acteurs et « lecteurs » de leur monde. Ainsi reformatée, la réalité n’est plus guère qu’un « texte » comme un autre, non privilégié sur les autres supports signifiants : diagrammes, graphiques et graphèmes de toutes sortes dont la représentation est caractérisée par un soin qui confine au fétichisme, jusque dans les polices de caractères ou les angles de prise de vues utilisés. Significativement, Anno montre rarement de face les écrans, pourtant les seuls éléments « de pure surface » représentés. Pour eux, il préfère les plans bancals, attirant notre attention sur le dispositif de médiation : ainsi s’affiche, sur l’écran du spectateur, un écran vu par un autre, affichant des signes à travers lesquels il décode l’information, qui renvoie enfin, en toute dernière instance, à la « réalité » de l’univers représenté.

  • 21 Cette volonté de faire dialoguer par l’animation la forme et le contenu narratif pour explorer la p (...)

29Ce dispositif est redoublé par le contenu diégétique de la série. Dans le monde d’Evangelion, la réalité physique avait, dès l’entame du récit, déjà largement disparu à la suite du Second impact. Ce qu’il en reste est progressivement infecté par des signes composites (à l’image des Anges, entités aux formes géométriques abstraites projetant des croix – autres symboles) qui poursuivent cette entreprise de destruction et le changent en monde artificiel, au second degré. Enfin est mis à exécution le « Plan de complémentarité de l’Homme », auquel travaille en secret le père du héros sous l’autorité d’un mystérieux comité international (la SEELE), qui vise à s’affranchir de la réalité sensible et du corps pour intégrer un espace de pure information manipulée par des êtres humains enfin « libérés » de toute contrainte physique21.

III. Shin Evangelion : pour un rapport fiction/réalité apaisé ?

1. Le Troisième village, au bout des simulacres

  • 22 Evangelion 1.0: You Are (Not) Alone (2007), 2.0: You Can (Not) Advance (2009), 3.0: You Can (Not) R (...)

30Ce processus de déréalisation du monde est représenté de manière encore plus nette au fil des quatre nouveaux films à travers lesquels Anno réimagine le récit d’Evangelion depuis 200722 : ce qui reste du monde diégétique est consciencieusement détruit, remplacé par des surfaces planes et des constructions artificielles de béton et d’acier aux contours réguliers, au rendu lisse et plastifié.

31L’image de synthèse, dont l’usage s’étend progressivement au fil des quatre longs-métrages, renforce cette représentation du monde comme pure simulation, avec ses paysages de fractales et ses objets modélisés (véhicules, bâtiments, produits de consommation souvent liés à des marques partenaires) reproductibles à l’infini, « signes commodifiés » systématiquement redoublés d’inscriptions, logos ou immatriculations pour signifier le plus clairement que le champ du symbolique a définitivement pris le dessus sur le monde physique. Au début du dernier film, il ne reste pratiquement rien de ce dernier, les personnages arpentent ce « désert du réel » dominé par la bichromie rouge/blanc, organisme dépecé dont il ne resterait que les os et la chair à vif : Anno a retourné la Terre et l’a transformée en système de signes artificiels « tatoués » sur une réalité à laquelle ils se substituent désormais.

  • 23 Dans la diégèse d’Evangelion, le terme « core » désigne le « noyau » constituant la source d’énergi (...)

32Sur le plan narratif, ce paysage est le résultat des événements décrits dans le film précédent, sorti en 2012, qui se solde par la catastrophe du « Near Third Impact ». Cette redite du Second impact empêchée in extremis non sans avoir encore sensiblement réduit l’espace habitable dans un monde déjà très diminué, a vraisemblablement été intégrée dans son récit par Anno en réponse au séisme et à l’accident nucléaire du 11 mars 2011. Ainsi, le phénomène de « corization コア化 »23 qu’elle a engendré et qui rend la majorité des zones terrestres inhabitables sans pour autant en modifier l’aspect (au-delà d’une teinte violacée et d’une démission des lois de la physique), agit comme une métaphore transparente à la fois de la radioactivité et de la dématérialisation d’un monde relu comme pure simulation. Le Troisième village, que rejoignent bientôt les héros, est une commune rurale solidaire occupée par des réfugiés de cette catastrophe.

Fig. 05. Shin Evangelion (2021) : le territoire japonais après la catastrophe, hanté par ses fantômes, contaminé par la corization.

Fig. 05. Shin Evangelion (2021) : le territoire japonais après la catastrophe, hanté par ses fantômes, contaminé par la corization.

© KHARA.

  • 24 Pour une approche critique de la représentation de la nature et de la ruralité dans Shin Evangelion (...)

33Malgré les connotations ironiques liées à la représentation de cette « hyper-nature » trop belle pour être « vraie », avec ses couleurs saturées et ses discrets hommages au Totoro de Miyazaki affichés dans la bibliothèque du village24, cet espace fonctionne comme une communauté rurale viable : on y interagit avec le réel non seulement par l’intermédiaire de machines contrôlées à distance via des écrans, mais en mettant les mains dans la terre. On n’y communique pas seulement par l’intermédiaire d’écrans et de combinés, mais en se parlant directement, quitte à ce que cette communication fasse souffrir, retourne l’estomac au point d’en vomir, à l’instar du héros Shinji, mutique depuis son arrivée.

34L’humain, semble ici nous rappeler Anno, serait donc bien avant tout un être biologique. Effectivement, sans la butée du réel, le glissement du sens se fait infini, et plus rien n’en a. C’est le monde physique qui donne ses contours à l’individu et un retour à ses actions, c’est l’autre qui donne un contour à son identité et un sens à ses paroles : ces limites sont constitutives de l’humanité. De manière extrêmement démonstrative, la longue séquence du Troisième village est l’occasion d’insister sur ces notions de corporéité, d’altérité, celles-là mêmes que le public otaku aspirerait à dépasser à travers la consommation de fictions, et préfère éviter de voir attachées à ses objets d’investissement fantasmatique, à commencer par les représentations de la grossesse et de l’enfantement, particulièrement présentes ici.

  • 25 Conformément aux structures narratives types du manga et de l’animation pour jeune public masculin. (...)

35Dans son incarnation originelle, Evangelion avait tendance à représenter le contact corporel (y compris intime) comme cause de souffrance physique et psychique, plus destructif que constructif. Il en allait autant du lien social, source d’incertitude et de rejet. Le mode d’interaction privilégié avec la réalité sensible et l’altérité était celui du conflit25. Anno avait bien identifié le corps et l’altérité comme points de tension auxquels lui et une partie de la communauté otaku de la première génération cherchaient à se soustraire en s’investissant aussi totalement dans l’animation, mais, jusqu’aux dernières secondes de la série d’origine (et de sa conclusion alternative au cinéma), il s’était refusé à les mettre en scène positivement.

Fig. 06. Evangelion 2.0 (2009) : aux champs, Shinji hume « l’odeur de la terre ».

Fig. 06. Evangelion 2.0 (2009) : aux champs, Shinji hume « l’odeur de la terre ».

© KHARA.

  • 26 Selon Fujita Naoya, Anno se serait orienté au début des années 2000 vers le thème de la « vitalité  (...)
  • 27 Pour Ōsawa, l’odeur corporelle est l’un des signes les plus « purs » et concrets de l’altérité (Ōsa (...)

36La nouvelle tétralogie est l’occasion de rééquilibrer cette « économie des contacts »26. Anno y multiplie les interactions positives avec la matière (la terre, les aliments) et autrui, en particulier dans cette séquence de vie rurale. Elle lui permet de relativiser quelque peu la « compulsion scopique » qui domine son univers et notre modernité (Virilio 1991 : 140), l’œil constituant l’organe privilégié de nos interactions médiates avec la réalité, en insistant sur le toucher, le goût et l’odorat (Mari, la nouvelle protagoniste de cette tétralogie, insiste sur la « bonne odeur » du héros, lui-même obnubilé par « l’odeur de la terre »27).

  • 28 Cette jeune albinos mutique, clonée à partir de la mère du héros Shinji et dont plusieurs incarnati (...)
  • 29 On peut relever également l’appel à la sauvegarde de la biodiversité figuré par l’« arche spatiale  (...)

37C’est ainsi qu’à travers le contact avec la réalité physique (travail manuel aux champs, bains, repas) et avec autrui, le personnage de Rei, simulacre par excellence28, réapprend l’humanité. Cette évolution se traduit avant tout par son apprentissage du langage, en particulier des énoncés performatifs fluidifiant le lien social (bonjour, merci, etc.). En d’autres termes, il s’agit pour elle d’entrer dans l’ordre symbolique (au sens lacanien) régissant le monde réel. La présence au cœur du village d’une bibliothèque que les habitants fréquentent assidûment, de même que la dépendance de cette micro-communauté envers un organisme extérieur transnational, le Kredit (Kapital eut été trop voyant) qui lui fournit ce qu’il ne peut produire, soulignent la lucidité d’Anno à l’égard des tentations de retour nostalgique à un agrarianisme primitiviste et au repli communautaire, au-delà des plans sur les éoliennes et les panneaux solaires, ou des injonctions didactiques sur la nécessité de préserver les réserves d’eau pure et de ne pas prélever dans la nature plus que nécessaire29. Anno semble ainsi souligner qu’il serait illusoire de prétendre « réinitialiser » la dépendance de l’homme au langage, ou aux signes qui en sont le support, même s’ils mènent à la condition postmoderne d’hyper-médiation qui l’éloigne toujours plus du réel.

Fig. 07. Shin Evangelion (2021) : Ayanami Rei apprend le repiquage du riz.

Fig. 07. Shin Evangelion (2021) : Ayanami Rei apprend le repiquage du riz.

© KHARA.

2. Vers un rapport fiction-réalité apaisé ?

38En ce sens, cette séquence rurale lui permet de rejouer en accéléré l’histoire de notre évolution, et dès le moment où le protagoniste a repris pied dans le langage et réintégré l’ordre symbolique, il est prêt pour la prochaine étape de son parcours initiatique, qui consiste à résoudre le conflit œdipien l’opposant à son père Gendō. Ce parcours verra Shinji s’efforcer d’épuiser, aux commandes de son Eva, l’infinité de configurations narratives et interprétatives possibles à partir des « signes » d’Evangelion, en éliminant un à un ces derniers.

  • 30 Des créatures identiques, pantins automoteurs au design dépouillé et sommairement colorées, partage (...)

39Ils se manifestent d’abord par les innombrables modèles alternatifs d’Eva que son père lui oppose, jusqu’aux myriades d’Eva infinity, « anciennes formes de vie commodifiées » (01:35:05 - 01:35:15) 30que le protagoniste doit laisser enfin derrière lui pour s’émanciper, à l’image des innombrables figurines articulées commercialisées depuis 1995 sous la licence Evangelion. Son père Gendō, transformé littéralement en signe vide (son visage fendu dévoile un crâne creux), a toujours le projet d’une humanité immortelle et réunie en une seule entité digitalisée, qui doit lui permettre de retrouver enfin son épouse disparue, seule à avoir fait preuve d’empathie et d’intérêt envers le jeune introverti qu’il fut lui-même. La clef pour déclencher ce plan est l’Eva Imaginary, une entité décrite comme « purement imaginaire » et qui apparaît comme la modélisation même du surinvestissement symbolique du public dans l’œuvre d’Anno. Le père explique ainsi au fils :

« … seuls les humains, capables de percevoir la fiction et la réalité au même niveau, sont à même de la voir. […] La réalité et l’imaginaire vont se fondre, et tout deviendra de l’information homogénéisée. Ainsi débute le processus qui recodera notre conscience, et donc le monde » (01:54:35 - 01:55:18).

40S’ensuit un affrontement qui voit Gendō et son fils, aux commandes de leur Eva respective, s’affronter dans les décors emblématiques de la licence (Tokyo-3, la NERV, la chambre d’hôpital et celle de Rei, la salle de classe, le décor de théâtre qui abritait les dernières séquences de la série, etc.). Cadrés en plans larges de profil, ces duels singent le mode de représentation type des jeux vidéo de combat en duel. Les incohérences au niveau des transitions et de l’échelle des plans nécessaires pour encourager cette lecture participent ici encore de ce jeu avec les conventions dont Anno est coutumier depuis la rupture formelle et narrative que fut le dénouement de la série originelle en 1996. Ainsi, l’usage de métalepses a fini par constituer à son tour une forme de convention au fil des itérations d’Evangelion, le spectateur étant conditionné pour interpréter l’œuvre à deux niveaux : diégétique d’une part, mais aussi méta-textuel, comme un discours portant sur la licence elle-même, et par-delà l’animation et sa consommation ; a fortiori dans ce dernier long-métrage dont la gestation interminable a fini par constituer elle-même un outil de promotion. Le spectateur vient assister au dénouement du récit Evangelion, mais également à la performance de la clôture sans cesse promise et repoussée de cette série de produits culturels qui aura contribué à l’éclosion puis accompagné le développement du marché otaku, de secteur de niche marqué par les polémiques et l’opprobre dans les années 1990, jusqu’à l’omniprésence commerciale et culturelle et la reconnaissance institutionnelle du « Cool Japan » dans les années 2000 et 2010.

Fig. 08. Shin Evangelion (2021) : Shinji s’apprête à « réinitialiser » le monde d’Evangelion tandis que sont projetés derrière lui des séquences et titres de la licence.

Fig. 08. Shin Evangelion (2021) : Shinji s’apprête à « réinitialiser » le monde d’Evangelion tandis que sont projetés derrière lui des séquences et titres de la licence.

© KHARA.

  • 31 Qualifiée de « malédiction des Eva » (Eva no noroi エヴァの呪い), une pathologie empêche les pilotes de g (...)

41Au niveau diégétique, l’éternel adolescent Shinji31 triomphant de son père se retrouve à sa place maître du destin de l’humanité, mais également – à ce niveau second d’Evangelion comme commentaire (auto)critique du produit culturel qu’il constitue – dans la situation du consommateur de fictions, manipulateur de signes artificiels qui peut créer les configurations signifiantes souhaitées dans une illusion d’omnipotence. Or, comme dans la précédente conclusion de 1997, il choisit le « retour au réel », l’occasion de dire adieu à « tout(es les) Evangelion » (02:20:40), ces modèles antérieurs qui s’affichent puis disparaissent un à un à l’écran, de même que les itérations antérieures du récit dont les titres apparaissent successivement en surimpression dans l’univers diégétique, tandis que Shinji déclenche une « nouvelle genèse » (« Neon Genesis », 02:18:41, sic dans la version originale) qui lui permet de réinitialiser puis recréer le monde à sa guise, dans une configuration conforme à son état d’esprit du moment.

  • 32 Les expérimentations d’Anno avec la prise de vues réelles, outre ses films amateurs de jeunesse du (...)

42Cette fois, plutôt qu’un champ de ruines « mortes » en celluloïds dans lequel il lui faudrait survivre vaille que vaille avec une nouvelle Eve qui le méprise, Anno montre Shinji et sa partenaire Mari, adultes et amoureux, laissant sur le quai d’en face les autres personnages du récit pour sortir en gare d’Ube-Shinkawa, dans le département de Yamaguchi, la ville natale du réalisateur filmée et représentée ici en prise de vues réelles32.

  • 33 Sayōnara subete no Evangelion : Anno Hideaki no 1214 nichi (さようなら全てのエヴァンゲリオン~庵野秀明の1214日~ Adieu Evan (...)

43Si ce dénouement peut apparaître « relativement convenu », comme l’admettait sans peine son bras droit Maeda Mahiro33, il faut tout de même saluer la lucidité d’Anno : la réalité qu’ont choisie ses personnages, ce n’est ni l’utopie régressive d’un Japon rural de carte postale, ni un territoire embelli par les calques d’un logiciel de création graphique, mais la morne ville industrielle d’Ube. De fait, comme le rappelle Fredric Jameson, la science-fiction consacre avant tout l’échec nécessaire de l’imagination. « Sa vocation profonde est au contraire de mettre en évidence […] notre incapacité à imaginer le futur ; de donner corps […] à l’atrophie actuelle de […] l’imagination utopique, l’imagination de l’altérité et de la différence radicale » (Jameson 2008 : 20). Mais l’échec volontaire d’Anno traduit également son rejet d’une « utopie » dégradée : celle d’une consommation solipsiste d’éléments d’attraction se substituant au réel.

Fig. 09. Shin Evangelion (2021) : Shinji et Mari quittent la gare d’Ube-Shinkawa.

Fig. 09. Shin Evangelion (2021) : Shinji et Mari quittent la gare d’Ube-Shinkawa.

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Conclusion

44La licence Evangelion (1995-2021) s’est imposée comme moteur de la popularisation de la culture otaku au milieu des années 1990, notamment autour du quartier d’Akihabara. Cette licence constitue l’une des sources de la culture de consommation actuelle d’objets virtuels, susceptibles de se substituer au réel ou de le réduire à un médium complémentaire de ce mode de consommation, tel que l’on peut le voir dans le tourisme d’animation en vogue depuis le milieu des années 2000.

45La genèse de cette licence constituait une réponse d’Anno Hideaki au dilemme générationnel auquel lui-même et son groupe de créateurs des années 1980-1990 étaient confrontés, à savoir la difficulté à trouver leur place entre réel et virtuel, original et copie. Elle a également coïncidé avec un tournant historique de la culture populaire du Japon, au moment où l’économie du pays commençait à décliner. Ce tournant est qualifié de passage de l’ère de la « fiction » vers l’ère de l’« impossibilité » par Ōsawa Masachi : l’individu s’y retrouve de plus en plus socialement et psychologiquement vulnérable et déchiré dans une réalité de plus en plus incertaine et difficile à maîtriser. C’est ainsi qu’Ōsawa, mais aussi Miyadai, Ōtsuka et plusieurs spécialistes de cette époque, rapprochent cette situation de celle de jeunes criminels ayant perpétré des meurtres en masse ou en série depuis la fin des années 1990. Ils auraient été pris entre le désir de se réfugier dans un univers hyper-fictionnalisé, et d’une confrontation brutale et destructrice avec la réalité.

46La réponse d’Anno fut dans sa version initiale exprimée par la série de 1995 et les films de 1997, comme une mise en abyme de cette culture dont ses œuvres étaient elles-mêmes parties prenantes, en poussant à l’extrême à la fois le reflet de sa propre personnalité et le récit de la prise de pouvoir des signes sur le réel. En revanche, la nouvelle version exprimée dans la tétralogie de 2007 à 2021 a montré une autre forme de retour vers la réalité « telle qu’elle est » (Fujita 2021 : 183), ordinaire, par une ouverture plutôt qu’un repli, via l’acceptation et le dialogue avec l’altérité et la vie.

47À l’instar des autres projets pilotés par Anno et proposant des réactualisations de films de monstres en prise de vues réelles, les Shin Gojira, Shin Kamen Rider et autres Shin Ultraman, l’épithète « shin » (シン) ne semble pas tant viser ici le novum (新) que l’authentique (真), le « vrai » Godzilla, Kamen Rider ou Evangelion : soit, paradoxalement, celui qui s’assume en tant qu’œuvre de fiction dérivative et qui n’essaie pas de se substituer, ni à la figure « divinisée » (神) de l’original, ni à la réalité sensible. Ainsi du choix de l’animation 2D pour les personnages d’Evangelion alors même qu’ils ont pu être « joués » par des acteurs en motion capture. Ainsi du rendu volontairement sommaire, « maquettes balsa » et « costumes latex » de Godzilla et Kamen Rider, alors même que ces œuvres intègrent par ailleurs d’innombrables effets spéciaux numériques. Tel serait le rendu « authentique » de la fiction selon Anno : celle qui s’assume « telle qu’elle est », comme « sincèrement fausse ».

48Enfin, on peut supposer qu’Anno avait en tête le « tourisme d’animation » au moment de mettre le point final (?) à une série de récits débutée 25 ans auparavant, dans un film dont la gestation difficile se sera étendue sur plus de huit ans, lorsqu’il a décidé de conclure sur une séquence centrée sur le cœur industriel épuisé qui aura façonné sa ville natale d’Ube. Non pas enjolivé par un traitement numérique qui en ferait une nouvelle colonie de la fiction animée, mais filmé par des drones en prise de vues réelles et présenté ici dans toute son altérité.

49Pourtant, de la même manière que sa série originelle avait encouragé la consommation fétichiste des produits d’une « culture otaku » qu’elle avait grandement contribué à légitimer, il est probable que ce dernier film génère à son tour une vague de « pèlerinages » sur le lieu désormais « sacré » d’Ube, à l’image de la ville de Hakone (alias Tokyo-3) et de la gare de Tenryū-Futamata (Hamamatsu), modèle du Troisième village. La carte, semble-t-il, est vouée à recouvrir le territoire.

Fig. 10. Shin Evangelion (2021) : dernier plan du film.

Fig. 10. Shin Evangelion (2021) : dernier plan du film.

© KHARA.

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Anime from Akira to Howl’s Moving Castle: Experiencing Contemporary Japanese Animation, New York, St. Martin’s Griffin.

Ōizumi Mitsunari 大泉実成 1997
Anno Hideaki Sukizo Evangelion 庵野秀明スキゾ・エヴァンゲリオン (Anno Hideaki : Evangelion schizo), Tokyo, Ōta shuppan 太田出版 (édition numérique).

Okada Toshio 岡田斗司夫 2000
Otakugaku nyūmon オタク学入門 (Introduction à l’otakuologie), Tokyo, Shinchōsha 新潮社.

Ōsawa Masachi 大澤真幸 2008
Fukanōsei no jidai 不可能性の時代 (L’ère de l’impossibilité), Tokyo, Iwanami shoten 岩波書店.

Ōsawa Masachi 2017 (1996)
Kyokō no jidai no hate 虚構の時代の果て (Au bout de l’ère des fictions), Tokyo, Chikuma gakugei bunko ちくま学芸文庫.

Ōtsuka Eiji 大塚英志 2007
“Otaku” no seishinshi – senkyūhyakuhachijūnendairon 「おたく」の精神史 一九八〇年代論 (Une histoire intellectuelle des « otaku » – Sur les années 1980), Tokyo, Asahi shinbunsha 朝日新聞社.

Ōtsuka Eiji 2021
Monogatari shōhi ron “bikkuriman” no shinwagaku 物語消費論 「ビックリマン」の神話学 (La consommation narrative : mythologie de “Bikkuriman“), Tokyo, Seikaisha 星海社 (édition numérique).

Ōtsuka Eiji 2022
Shin – ron : otaku to avangyarudo シン・論: おたくとアヴァンギャルド (Essai sur Shin : otaku et avant-garde), Tokyo, Ōta shuppan 太田出版.

Sadakane Hideyuki 貞包英之 2015
Chihōtoshi o kangaeru : “shōhishakai” no sentan kara 地方都市を考える: 「消費社会」の先端から (Penser les villes provinciales : depuis le front de la « société de consommation »), Tokyo, Kadensha 花伝社.

Sutō Shin.ya 周藤真也 2016
« Anime “seichi junrei” to “kankō no manazashi” : anime “hyōka” to Takayama no jirei o chūshin ni » アニメ「聖地巡礼」と「観光のまなざし」─アニメ『氷菓』と高山の事例を中心に─ (« Pèlerinage aux lieux saints » des animés et « regard touristique » : l’exemple de la série Hyōka et la ville de Takayama), Waseda shakai kagaku sōgō kenkyū 早稲田社会科学総合研究, 16 (2-3) : 51-71.

Takekuma Kentarō 竹熊健太郎 1997
Anno Hideaki Parano Evangelion 庵野秀明パラノ・エヴァンゲリオン (Anno Hideaki : Evangelion parano), Tokyo, Ōta shuppan 太田出版 (édition numérique).

Trinh Sylvaine 1998
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Yoshimi Shun.ya 吉見俊哉 1996
Reality transit : jōhōshōhishakai no genzai リアリティ・トランジット 情報消費社会の現在 (Réalité en transit : la société de consommation de l’information aujourd’hui), Tokyo, Kinokuniya shoten 紀伊国屋書店.

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Notes

1 Nous désignerons par « Evangelion » la série télévisée Neon Genesis Evangelion (新世紀エヴァンゲリオン, 1995-96, studio Gainax) et les longs-métrages qui l’ont suivie (1997, studio Gainax ; puis 2007, 2009, 2012, 2021, studio Khara), réalisés par Anno Hideaki (assisté de Maeda Mahiro, Masayuki, Tsurumaki Kazuya, Nakayama Katsu.ichi et al.).

2 Le terme « otaku » (littéralement, « votre maison ») s’est d’abord répandu après la guerre comme pronom personnel à la 2e personne (de registre neutre/poli) chez les jeunes générations. Fréquemment employé parmi des groupes de créateurs ou d’amateurs de manga et d’animation vers le début des années 1980, le terme s’est installé au cours de la décennie pour les dénommer en tant que catégorie (Okada 2000 : 10-13). Sur les rapports complexes du concept d’« otaku » en tant que construction discursive et la réalité du phénomène que le terme désigne, voir Galbraith 2016.

3 Shin Evangelion gekijōban (シン・エヴァンゲリオン劇場版:||, 2021, ci-après « Shin Evangelion »). Ce film conclut la tétralogie de longs-métrages produits depuis 2007 comme « ré-imaginations » (« rebuild ») de la série d’animation de 1995-1996 et des premiers longs-métrages de 1997.

4 Cf. par exemple le succès populaire du roman anonyme Densha Otoko 電車男, né de textes postés sur un forum internet, publié en 2004 et adapté au cinéma puis en série télévisée en 2005, qui retrace une idylle entre un otaku et une career woman.

5 Cf. le succès du groupe de jeunes chanteuses AKB48, qui porte le nom du quartier d’Akihabara et s’y produit dans une salle dédiée depuis 2005.

6 Le terme désigne l’investissement fantasmatique dans des personnages (majoritairement féminins) à l’apparence et au comportement codifiés par l’animation japonaise (Galbraith 2017).

7 En 1997, on estime le poids économique de la licence Evangelion, intégrant également vidéogrammes, livres, disques, jeux vidéo, figurines, maquettes et produits dérivés divers, à 30 milliards de yens (Morikawa 2014 : 307). Entre 1997 et 2000, les principaux magasins de maquettes et de figurines se regroupent dans le quartier d’Akihabara (ibid. : 197). Toujours en 1997, le succès de la rediffusion nocturne de la série par le groupe TV Tokyo le conduit à ouvrir ce créneau de programmation à l’animation « pour otaku » ; cette décision, vite suivie par d’autres diffuseurs, ouvre une nouvelle ère pour ce marché.

8 Pour un autre exemple plus récent de transformation urbaine et sociale en lien avec la culture de consommation otaku féminine, voir l’analyse ethnographique de son impact sur le quartier d’Ikebukuro à Tokyo par Ernest dit Alban (2019).

9 Ces deux formes de réaction à l’« impossibilité » du réel semblent présentes dans les parcours de jeunes criminels tels Katō Tomohiro, né en 1982 et exécuté en 2022 pour avoir tué sept personnes et blessé dix autres à Akihabara en 2008, et Aoba Shinji, né en 1978 et condamné à mort en 2023 pour avoir tué 33 personnes et blessé 17 autres en incendiant le studio Kyoto Animation en 2019 (Tokyo shinbun 東京新聞, 27/07/2022 ; Gendai bijinesu 現代ビジネス, 6/09/2023). Ayant subi des maltraitances de la part de leurs parents dans leur enfance et vécu des situations précaires et douloureuses dans leur jeunesse, tous deux ont cherché des lieux de refuge dans le virtuel (communautés sur internet pour Katō, jeux érotiques et animation de type « moé » pour Aoba). Le manque de reconnaissance qu’ils ont vécu dans ces milieux serait l’un des facteurs de leur passage à l’acte.

10 Films et séries télévisées en prises de vues réelles « à effets spéciaux » (tokusatsu 特撮), ciblant principalement le jeune public et produits avec un budget limité.

11 Evangelion a porté cette tendance autobiographique à son paroxysme, Anno affirmant avoir « distribué [sa] personnalité entre tous les personnages », à commencer par le protagoniste Shinji (Akita 1996 : 149, 156). Au niveau diégétique, elle se manifeste également à travers l’exploration des motifs de la copie (ou du clone) et de l’âme qu’elle pourrait ou non héberger.

12 Entre autres, la série de jeux vidéo Princess Maker (1991-, dirigée par Akai Takami).

13 Les collaborateurs d’Anno sur Evangelion confirment qu’il dévorait alors des ouvrages de psychologie (Takekuma 1997), un intérêt largement partagé au sein de la population japonaise durant les décennies 1980 et 1990, marquées par une « quête de soi » (watashi sagashi 私探し) qui se traduit par des « vogues » successives dans le domaine de la spiritualité, puis de la psychologie et du développement personnel (Ōtsuka 2007). Les termes et concepts cités, par exemple dans les titres des épisodes (Hedgehog’s Dilemma, Introjection, Mother is the first Other, etc.), étaient en circulation dans l’espace discursif de l’époque, et susceptibles d’être reconnus par les spectateurs.

14 Déçu par les réactions des fans qui ne voient dans sa série Nadia qu’un support de fétichisme à travers son personnage principal et son attirail technologique, Anno se montre de plus en plus circonspect sur les rapports de codépendance que le médium de l’animation télévisée entretient avec son public et ses créateurs (Lamarre 2009 : 179-180). Il semble avoir décidé en amont de profiter d’Evangelion pour les problématiser, comme le montre sa réinterprétation du « robot géant » en figure maternelle réincorporant son enfant fragilisé. Le tournant introspectif et critique de la série dans sa seconde partie est causé par des difficultés de planning et de budget, mais aussi par l’écœurement progressif d’Anno vis-à-vis de l’attachement fétichiste des fans pour son « produit », dont ils ignorent obstinément la dimension critique. Il les accuse a posteriori d’être des « consommateurs amorphes », « totalement dépendants à la télévision », uniquement guidés par le « principe de plaisir », et qui se complaisent dans un « virtuel » qu’ils privilégieraient au point qu’il leur est désormais « plus familier que le réel » (propos d’Anno dans Ōizumi 1997 : 14-16 ; Akita 1996 : 145-46, 157).

15 Ces deux derniers épisodes (25, 26) sont cependant l’une des causes majeures du succès d’Evangelion auprès du grand public. Leur diffusion en mars 1996 a généré énormément de réactions, y compris dans les grands médias (quotidiens Yomiuri et Asahi, etc.). On peut lire une sélection sous la plume de critiques dans Igarashi 1997, et de spectateurs dans Kadokawa 1997 : 170-175.

16 Ōtsuka Eiji, « Ōmu o koeru hazu ga… » (オームを超えるはずが…, Aucune chance de dépasser Aum avec ça), Yomiuri shinbun 読売新聞, 1/04/1996.

17 Le traitement médiatique de l’affaire Miyazaki Tsutomu après son arrestation en 1989, qui assimile ce jeune déséquilibré assassin de quatre fillettes à un otaku, va inscrire le terme dans l’espace public à l’échelle nationale, en lui associant pour longtemps les qualificatifs de « pervers » et « asocial » (Galbraith 2016 : 51-70).

18 Le document de cadrage de la série élaboré en 1993 (reproduit dans Kadokawa 1997 : 85-88) énonçait effectivement une volonté de « révolutionner l’animation de robots géants » dans sa forme et sur le fond.

19 Pour le sociologue Yoshimi Shun.ya (1996), cette transformation implique au contraire un repli sur soi généralisé, une baisse d’immunité biologique et sociale, ainsi que des risques d’emballement des systèmes. Dans ce processus, les individus « habitent » de plus en plus des espaces « en transit », flottants et dépourvus de base sociale et territoriale.

20 Une animation employant, généralement pour des raisons budgétaires, un nombre limité de dessins différents par seconde, réduisant ainsi la fluidité des mouvements. Souvent associée à la production télévisée, l’expression désigne également l’ensemble des procédés techniques et esthétiques visant à compenser (et tirer parti de) cette réduction : montage dynamique, effets de mise en scène ou d’appareil, notamment pour « dramatiser » des images fixes. Ainsi, la mise en scène d’Evangelion, saluée à sa diffusion comme le fruit de choix artistiques audacieux, est-elle aussi conditionnée par des contraintes économiques : il s’agit d’« économiser » des dessins afin d’en consacrer un maximum aux (brèves) séquences d’action.

21 Cette volonté de faire dialoguer par l’animation la forme et le contenu narratif pour explorer la place croissante de la médiation technologique dans le rapport entre l’homme et son environnement n’est évidemment pas spécifique à Anno. On la retrouve par exemple dans les longs-métrages réalisés par Oshii Mamoru à la même période, tels Patlabor 2 (1992) ou Ghost in the Shell (1995), cf. Demnati 2020 : 118-121, 135-145 sq.

22 Evangelion 1.0: You Are (Not) Alone (2007), 2.0: You Can (Not) Advance (2009), 3.0: You Can (Not) Redo (2012) et Shin Evangelion (2021), des longs-métrages développés au sein du studio Khara, structure créée en 2006 par Anno pour sécuriser le contrôle créatif et la propriété intellectuelle de la licence Evangelion.

23 Dans la diégèse d’Evangelion, le terme « core » désigne le « noyau » constituant la source d’énergie des Anges et des Eva, métaphore transparente de la production d’énergie nucléaire, récurrente depuis le cœur atomique d’Astro Boy (Tetsuwan Atomu 鉄腕アトム, 1951-, Tezuka Osamu).

24 Pour une approche critique de la représentation de la nature et de la ruralité dans Shin Evangelion et dans l’animation japonaise depuis les années 1930-1940, voir Ōtsuka 2022.

25 Conformément aux structures narratives types du manga et de l’animation pour jeune public masculin. Mais le conflit n’est pas représenté dans Evangelion sur le mode triomphaliste, celui de l’identification gratifiante et de l’accomplissement de souhait. Cette problématisation du conflit, de plus en plus nette au fil de la série originelle, fut l’une des sources du mécontentement du public otaku, celui-ci ne supportant pas que le récit puisse traiter avec cruauté ses personnages féminins fétiches (Azuma 2011 : 235).

26 Selon Fujita Naoya, Anno se serait orienté au début des années 2000 vers le thème de la « vitalité » (seimeiryoku 生命力) et « l’ouverture à l’altérité » avec ses films réalisés en prise de vues réelles, tels Shiki-jitsu (式日, 2000) et Cutie Honey (2004) (Fujita 2021 : 102-107). Ce tournant est confirmé par Anno en 2006 dans la note d’intention utilisée dans le cadre de la campagne publicitaire pour les nouveaux films d’Evangelion en préparation (reproduite dans le livret accompagnant la sortie en salles du premier opus) : alors que la culture otaku fait désormais l’objet d’une reconnaissance institutionnelle, mais est « consommée par un public de plus en plus âgé », la vocation de cette réitération d’Evangelion serait de proposer au « jeune public » une œuvre de « divertissement », pour lui faire ressentir le « plaisir physique de l’animation », et l’encourager au « contact humain », à se « frotter à la réalité » et « dépasser le contexte sociétal actuel de repli sur soi généralisé ».

27 Pour Ōsawa, l’odeur corporelle est l’un des signes les plus « purs » et concrets de l’altérité (Ōsawa 2008, chapitre V).

28 Cette jeune albinos mutique, clonée à partir de la mère du héros Shinji et dont plusieurs incarnations se succèdent au fil du récit, a constitué depuis 1995 le principal objet de consommation fétichiste du public d’Evangelion. Voir par exemple Morikawa 1997 : 98-105, Kotani 1997 : 105-142, Lamarre 2009 : 135-145 sq.

29 On peut relever également l’appel à la sauvegarde de la biodiversité figuré par l’« arche spatiale » contenant des graines de végétaux disparus, lâchées sur la Terre par les protagonistes avant l’affrontement final. Un projet analogue, consacré à la préservation de la faune marine et à la purification des océans, était déjà présent dans le second film de 2009. L’approche technosolutionniste privilégiée par ces projets et leur insertion par le biais d’une seule séquence autonome dans la trame narrative des films tendraient à confirmer a contrario l’intérêt tout relatif d’Anno pour la question écologique, qui ne constitue pas le sujet de ses œuvres.

30 Des créatures identiques, pantins automoteurs au design dépouillé et sommairement colorées, partageant un même modèle 3D, à l’image des « Mark.07 » et des Evangelion Infinity, présentées à l’écran en très grande quantité (contrairement aux affrontements en duel typiques des séries de robots géants et de tokusatsu dans la lignée desquelles s’inscrit Evangelion).

31 Qualifiée de « malédiction des Eva » (Eva no noroi エヴァの呪い), une pathologie empêche les pilotes de grandir. Elle fait ainsi d’eux, littéralement, des adult children.

32 Les expérimentations d’Anno avec la prise de vues réelles, outre ses films amateurs de jeunesse du genre tokusatsu, remontent à la première itération d’Evangelion : il envisageait de tourner l’intégralité du film de 1997 en vues réelles, et certaines prises ont effectivement été utilisées pour la promotion ou intégrées au long-métrage finalement réalisé en animation.

33 Sayōnara subete no Evangelion : Anno Hideaki no 1214 nichi (さようなら全てのエヴァンゲリオン~庵野秀明の1214日~ Adieu Evangelion ! Les 1 214 jours d’Anno Hideaki), documentaire diffusé sur la chaîne BS1 le 29/04/2021), 01:31:40.

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Table des illustrations

Titre Fig. 01. Épisode 3 (1995) : dans Tokyo-3, l’Eva-01 (à droite) affronte un Ange (à gauche).
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Titre Fig. 02. Épisode 26 (1996) : des croquis puis le script d’un dialogue plutôt que sa représentation animée.
Crédits © KHARA.
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Titre Fig. 03. The End of Evangelion (1997) : Shinji tente d’étrangler sa partenaire inanimée.
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Titre Fig. 04. Épisode 12 (1995) : retransmise sur l’écran, l’image d’un Ange en approche depuis l’espace.
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Titre Fig. 05. Shin Evangelion (2021) : le territoire japonais après la catastrophe, hanté par ses fantômes, contaminé par la corization.
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Titre Fig. 06. Evangelion 2.0 (2009) : aux champs, Shinji hume « l’odeur de la terre ».
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Titre Fig. 07. Shin Evangelion (2021) : Ayanami Rei apprend le repiquage du riz.
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Titre Fig. 08. Shin Evangelion (2021) : Shinji s’apprête à « réinitialiser » le monde d’Evangelion tandis que sont projetés derrière lui des séquences et titres de la licence.
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Titre Fig. 09. Shin Evangelion (2021) : Shinji et Mari quittent la gare d’Ube-Shinkawa.
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Titre Fig. 10. Shin Evangelion (2021) : dernier plan du film.
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Pour citer cet article

Référence papier

Antonin Bechler et Kenjirō Muramatsu, « Shin Evangelion : quand Anno Hideaki retourne (à) la Terre »Ebisu, 61 | 2024, 97-128.

Référence électronique

Antonin Bechler et Kenjirō Muramatsu, « Shin Evangelion : quand Anno Hideaki retourne (à) la Terre »Ebisu [En ligne], 61 | 2024, mis en ligne le 25 décembre 2024, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ebisu/9519 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/1313m

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Auteurs

Antonin Bechler

アントナン・ベシュレール

Antonin Bechler est chercheur à l’Institut français de recherche sur le Japon à la Maison franco-japonaise (Umifre 19, MEAE-CNRS) et maître de conférences à l’université de Strasbourg. Ses recherches portent sur la littérature et la culture populaire du Japon contemporain.

アントナン・ベシュレールは日本文学研究者で、日仏会館・フランス国立日本研究所研究員、ストラスブール大学日本学科准教授である。日本現代文学及びサブカルチャーを研究の対象にしている。

Antonin Bechler is an associate professor at Strasbourg University and a researcher at the French Research Institute on Japan at the Maison franco-japonaise (Umifre 19, MEAE-CNRS). He studies contemporary Japanese fiction, literature and sub-culture.

Kenjirō Muramatsu

村松研二郎

Kenjirō Muramatsu est maître de conférences à l’université Lyon III. Il étudie les relations entre la société de consommation et l’environnement naturel dans le Japon et l’Europe à travers des recherches sur l’agriculture, l’alimentation, les mouvements sociaux et la culture populaire.

村松研二郎は、人類学・社会学者で、リヨン第三大学准教授である。食と農、社会運動そして大衆文化(音楽、アニメ)の研究を通じて、日本とヨーロッパにおける消費社会と自然環境との関係性について研究している。

Kenjirō Muramatsu is an associate professor at Lyon III University. He studies the relationship between consumer society and the natural environment in Japan and Europe through research on agriculture, food, social movements and popular culture (music, animation).

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