Giovanni Azzaroni, Matteo Casari, Katja Centonze (éds.), Mishima Yukio e l’atto performativo. Drammaturgie di un artista
Giovanni Azzaroni, Matteo Casari, Katja Centonze (éds.), Mishima Yukio e l’atto performativo. Drammaturgie di un artista, Clueb, Bologne, 2023, 262 p.
Texte intégral
Note de traduction. Le présent volume collectif, tout en italien, comporte les articles suivants :
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Bonaventura Ruperti, « I teatri di Mishima Yukio, Attraverso lo sguardo di Takechi Tetsuji »,
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Kasai Akira, « Mishima Yukio e Kasai Akira »
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Katja Centonze, « Mishima Yukio: orditura di drammaturgie e atti performativi »,
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Maria Pia D’Orazi, « Mishima: il corpo, la spada e la danza d’avanguardia come modello »,
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Samantha Marenzi, « La Venere di Mishima. La carne e l’immagine nelle fotografie di Barakei di Hosoe Eikō »,
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Giorgio Amitrano, « Desiderio e paura. Rappresentazioni della morte nell’ultimo Mishima »,
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Matteo Casari, « Yūkoku/Patriottismo. Un altro no moderno di Mishima Yukio »,
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Doi Hideyuki, « Le scene di Mishima tra teatro e cinema »,
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Giovanni Azzaroni, « Isao: personaggio tragico epitome dell’eroe sconfitto »,
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Virginia Sica, « Il male della sensualità. Dai presagi dell’infanzia a un nuovo kabuki firmato Mishima »,
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Luciana Cardi, « Salomé e l’altro lato dell’Oriente: quando Mishima Yukio mette in scena Oscar Wilde »,
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Donatella Natili, « Il Nido delle Termiti e le opere di Mishima Yukio ispirate al Brasile »,
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Stefano Casi, « Sade, Hitler e la macchina del tempo negli spettacoli mishimiani di Andrea Adriatico »,
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Massimo Moricone, « Da Hanjo a Fatman Little Bastard: dagli anni “go ai” 10 del nuovo millennio ».
1Dans un article de 1955, « La tentation du drame » Ikyoku no yūwaku技曲の誘惑, Mishima Yukio affirmait :
« J’ai commencé à écrire des pièces de théâtre comme entraîné par un courant au fond de l’eau. Je porte en moi leur configuration dans un lieu plus profondément enfoui que celui du roman. Un lieu qui paraît plus instinctif, plus proche des jeux d’enfants. »
(Mishima, Écrits sur le théâtre, tr. par Thomas Garcin et alii, Paris, Atelier Akatombo, 2023)
2Et de fait, s’il n’écrivit pas moins de 34 romans, ses pièces de théâtre sont, selon certains décomptes, au nombre de soixante-sept, voire plus : 11 drames en plusieurs actes, 9 pièces en un acte, 8 « nō modernes », 8 opéras kabuki, un opéra pour marionnettes bunraku, et même des livrets de ballet et d’opérette et des pièces radiophoniques, soit un total de près d’un millier de pages.
3Lors de la célèbre exposition présentée en 1970 à Ikebukuro (Tokyo) peu avant son trépas, réaffirmant l’importance du théâtre dans sa vie et son œuvre, Mishima classa et désigna son activité théâtrale comme l’un des quatre « fleuves » dont le cours le guidèrent : le fleuve de la prose, le fleuve du corps, le fleuve de l’action et, enfin et surtout, « le fleuve du théâtre » butai no kawa 舞台の川.
4Quatorze chercheurs italiens et japonais étudient l’étendue et la profondeur de ce « fleuve du théâtre » dans cet ouvrage qui souligne son importance pour une vision plus complète de la personnalité de Mishima comme artiste aux multiples facettes, intéressé par nombre d’arts, nourri de suggestions et expériences qui mêlent tradition et avant-garde.
5Le volume est dédié à la mémoire de Bonaventura Ruperti (1959-2023), historien du théâtre japonais, dont l’essai au tout début du livre relit la carrière théâtrale de Mishima vue par les yeux de l’un de ses contemporains et amis, Takechi Tatsuji 武智鉄二 (1912-1988), metteur en scène et critique qui, comme Mishima, passa du kabuki au bunraku, du nō à la danse et au cinéma, et ce en une expérimentation libre et sans limites.
6D’autres contributions du livre, celles de Luciana Cardi, Stefano Casi et Samantha Marenzi, examinent les relations créatives que Mishima entretint avec des acteurs, des dramaturges et des artistes visuels japonais et occidentaux, tandis que le danseur de butō Kasai Akira 笠井叡 (né en 1943) et le chorégraphe Massimo Moricone (né en 1958) parlent de l’influence du théâtre de Mishima sur leur création. Doi Hideyuki, Giorgio Amitrano, Giovanni Azzaroni, Matteo Casari explorent sous divers angles les liens entre théâtre, cinéma et littérature. Donatella Natili consacre son essai aux relations méconnues de Mishima avec le Brésil. Virginia Sica reconstruit ensuite, en une analyse détaillée, le parcours de l’écrivain dans le monde du kabuki, à partir de sa formation théâtrale dans son enfance et des idées – mentionnées dans le roman Confessions d’un masque (Kamen no kokuhaku 仮面の告白) –, qu’inspirèrent au jeune Mishima les spectacles d’illusionnisme de l’actrice Shōkyokusai Tenkatsu 松旭斎天勝 (1886-1944) auxquels il assista.
7Outre les « nō modernes » les plus connus de 1956 et les drames historiques raffinés comme Madame de Sade, qu’on peut classer dans le cadre du théâtre de style européen shingeki, Mishima écrivit en effet des textes novateurs pour le kabuki, avec des hybridations audacieuses entre théâtre traditionnel et exigences de la scénographie moderne. La collaboration avec le grand interprète de rôles féminins Nakamura Utaemon VI 中村歌右衛門 (6代目) (1917-2001) inspira la célèbre nouvelle « Onnagata » 女方et engendra plusieurs œuvres du « nouveau kabuki mishimien », telle La vendeuse de sardines. Filet d’amour (Iwashiuri koi no hikiami 鰯売恋曳網), toujours interprétées par les générations suivantes d’acteurs de kabuki. À la même époque, Mishima rencontra la danse d’avant-garde, laquelle offre un champ d’enquête aux brillantes analyses de Katja Centonze et Maria Pia D’Orazi. En 1959, Mishima s’engoua pour la nouvelle anti danse de Hijikata Tatsumi 土方巽 (1928-1986), inventeur du butō, qui fit scandale avec une performance inspirée de son roman Couleurs interdites (Kinjiki 禁色), et resserra ses liens créatifs entre les arts du corps, du mot et de l’image, dont le produit le plus visible est l’album de photos Ordalie par les roses (薔薇刑 Barakei), réalisé avec Hosoe Eikō 細江英公 (né en 1933), œuvre pop théâtrale qui mêle Orient et Occident, décadentisme et avant-garde.
8Ce volume étudie en profondeur la relation de Mishima avec le corps, clé fondamentale pour analyser son œuvre et sa philosophie de vie. Le nikutai (« corps de chair ») engendre une lutte pour transposer en mots la réalité ontologique du corps, irréductible par définition. L’obsession de Mishima pour la beauté du corps est en même temps l’obsession pour la perfection de l’écriture. La forme devient performance, et réciproquement, le théâtre s’intègre à la construction littéraire.
9Mishima s’est dramatisé lui-même, allant jusqu’à théâtraliser sa propre mort, et ce d’abord dans la fiction, avec le film Patriotisme (Yūkoku 憂國) dont il fut le scénariste, le réalisateur et l’interprète inspiré par l’atmosphère du théâtre nō, puis dans la réalité de son suicide rituel. Et là où ses pièces de théâtre explorent diverses stratégies pour rendre la parole performative, ses romans révèlent une structure dramatique où les personnages agissent comme si le monde était un théâtre.
Pour citer cet article
Référence papier
Carmen Covito, « Giovanni Azzaroni, Matteo Casari, Katja Centonze (éds.), Mishima Yukio e l’atto performativo. Drammaturgie di un artista », Ebisu, 61 | 2024, 435-437.
Référence électronique
Carmen Covito, « Giovanni Azzaroni, Matteo Casari, Katja Centonze (éds.), Mishima Yukio e l’atto performativo. Drammaturgie di un artista », Ebisu [En ligne], 61 | 2024, mis en ligne le 25 décembre 2024, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ebisu/10599 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/13146
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