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1. Traversées/Crossings
Across genres and genders

Mortelle traversée : The Comfort of Stangers, roman de Ian McEwan (1981), scénario de Harold Pinter (1989) et film de Paul Shrader (1990)

Fatal Crossing: The Comfort of Stangers, Novel by Ian McEwan (1981), Screenplay by Harold Pinter (1989) and Film Directed by Paul Shrader (1990)
Isabelle Roblin

Résumés

Dans The Comfort of Strangers (1981), son deuxième roman, McEwan retravaille à sa façon le trope littéraire éculé du voyage en Italie : deux jeunes touristes anglais, Colin and Mary, retournent à Venise (jamais explicitement nommée), pensant y ranimer la flamme vacillante de leur passion. À la traversée géographique entre la Grande-Bretagne et l’Italie et au dépaysement qu’ils éprouvent correspondent une plongée au plus profond d’eux-mêmes et une exploration de leurs désirs et fantasmes ordinairement dissimulés sous un vernis culturel et intellectuel qui ne va pas résister à la défamiliarisation induite par leur passage dans un autre monde. La ville et ses habitants exercent sur eux une fascination morbide et seront fatals à leur couple : La mort à Venise, qui sans jamais être cité imprègne le texte de McEwan, pourrait être le sous-titre cette œuvre. C’est également à un autre genre de traversée, intermédiale celle-ci, que je m’intéresserai puisque je me propose en parallèle d’étudier les stratégies d’écriture scénaristique mises en place par Harold Pinter dans son adaptation du roman pour Paul Shrader. En effet, le passage d’un pays, d’une culture à l’autre y est conçu non pas comme un enrichissement personnel mais au contraire comme « a brutality », pour reprendre la citation de Cesare Pavese mise en exergue et dont le titre du roman s’inspire.

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Texte intégral

  • 1 Selon les termes de l’appel à communications pour l’atelier « La nouvelle de langue anglaise » (Jou (...)
  • 2 Diaries 1935-50, publiés à titre posthume en 1952 sous le titre Il mestiere di vivere.
  • 3 J’entends par intertextes les différentes variations possibles à partir d’un modèle le plus souvent (...)

1Si on peut effectivement affirmer que « l’imaginaire anglais », et notamment la littérature, « s’est nourri d’expériences de traversées, et des rencontres qu’elles suscitent »1, la défamiliarisation que celles-ci entraînent et la découverte de l’autre sont généralement envisagées de deux manières totalement opposées. Elles sont soit globalement positives et enrichissantes (comme dans les relations liées au Grand Tour et les écrits de Byron et Shelley, par exemple), soit au contraire inquiétantes et même anxiogènes. Dans The Comfort of Strangers (1981), le deuxième roman de Ian McEwan, la seconde épigraphe, dont le titre du roman s’inspire, est tirée du journal de Cesare Pavese : « Travelling is a brutality. It forces you to trust strangers and to lose sight of all that familiar comfort of home and friends. You are constantly off balance. »2 Elle suggère d’emblée une piste de lecture relevant sans équivoque de la thématique de l’angoisse et de la violence intimement liées au voyage en tant que passage d’un lieu familier à un lieu autre, étrange aussi bien qu’étranger, au dépaysement. C’est bien cette seconde interprétation qui va être privilégiée non seulement dans le roman de McEwan mais aussi dans le film qui en a été adapté par Harold Pinter (1988-1989) pour Paul Schrader (film de 1990). En effet, dans ces deux intertextes3, la représentation de la « brutalité » liée à la terrifiante découverte de l’autre et de soi lors de ce passage est un aspect essentiel, comme le constate Desmond O’Rawe : « in adapting McEwan’s novel for cinema, Pinter chose to emphasize a mise en scène that would fully dramatize the sinister otherness of Venice […] [I]n Shrader’s film, the city’s denizens become crucial to the sinister otherness of the place, accomplices in the tragedies that affect the visitors » (O’Rawe 227). La manière dont ce lieu autre — Venise — et ses habitants sont représentés dans le roman comme dans le film fera l’objet de ma première partie. J’examinerai ensuite l’effet destructeur produit par ce dépaysement, au sens propre comme au sens figuré, sur les jeunes touristes anglais Colin et Mary, et notamment, à la suite de leur rencontre avec Robert, authentique vénitien, et sa femme Caroline, sur leur appréhension de leur propre sexualité. Cette découverte, loin d’être libératrice, leur sera au contraire fatale.

2Le nom de la ville italienne où vont se perdre, au sens littéral comme au sens figuré, Colin et Mary, et qui est bien, comme l’a justement noté un critique, le cinquième personnage du roman (Slay 73), n’y est pourtant jamais explicitement mentionné. Dominic Head, en particulier, fait la constatation suivante : « because the setting is unnamed, […] we are tacitly instructed not to associate the sense of threat with a particular location: the threat, rather than an attribute of place, is human sponsored; and it comes from within, as well as without » (Head 59). Pour Jack Slay, en revanche, c’est précisément son anonymat qui fait de la ville étrangère un lieu inquiétant : « ultimately, the unnamed city becomes a symbolic Everycity, representative of all that is foreign and strange » (Slay 73). Cependant, de nombreux indices et descriptions (et McEwan lui-même dans un entretien, Haffenden 177-178) indiquent au lecteur un tant soit peu attentif qu’il s’agit bel et bien de Venise. Ainsi, les allusions à ce qui ne peut être que le campanile de la basilique Saint Marc et aux cafés de la place éponyme ainsi qu’à ses détestables pigeons permettent au lecteur de l’identifier facilement :

to walk to the hotel, it was necessary to walk across one of the great tourist attractions of the world, an immense wedge-shaped expanse of paving, enclosed on three sides by dignified arcaded buildings and dominated at its open end by a redbrick clock tower, and beyond that a celebrated cathedral of white domes and glittering façade, a triumphant accretion, so it had often been described, of many centuries of civilization. Assembled on the two longer sides of the square, facing across the paving stones like opposing armies, were the tightly packed ranks of chairs and round tables belonging to the long established cafés; adjacent orchestras […] played simultaneously martial and romantic music, waltzes and extracts from popular operas with thunderous climaxes. Everywhere pigeons banked, strutted and excreted […] (McEwan 32)

  • 4 Steven Gale note que les prénoms des deux jeunes gens représentent l’innocence et la vulnérabilité, (...)

3Cependant, ce refus délibéré du narrateur de nommer l’évidence maintient le lecteur dans une ambiguïté et une incertitude troublantes qui ne font qu’accroître ce sentiment de malaise et de désorientation qui s’instaure à la lecture du court texte de celui qu’on appelait alors Ian MacAbre. De plus, dans le roman, les quatre personnages principaux — Colin et Mary, les jeunes touristes anglais4, et Robert et Caroline, leurs « hôtes » vénitiens — n’ont pas de nom de famille et leur anonymat renforce l’idée sous-jacente selon laquelle ce qui leur arrive pourrait bien en fait arriver à tout un chacun : « At first the couple seems somewhat universal—lovers from anywhere on holiday in Venice […] The novelist additionally signals the allegorical nature of his tale and the roles of his characters by giving none a surname » (Tucker 48). Dans le film au contraire, non seulement les personnages sont incarnés par des acteurs connus (Rupert Everett, Natasha Richardson, Christopher Walken et Helen Mirren) mais de plus dans son script Pinter les individualise davantage encore en leur fournissant un état-civil plus complet. Colin et Mary sont chacun dotés d’un nom de famille typiquement anglais (Kenway pour Mary, Mayhew pour Colin). Les prénoms des enfants de Mary (Cathy et Jack) sont également mentionnés à plusieurs reprises. Leur anglicité — et le fait qu’ils sont étrangers à Venise — est donc encore plus soulignée dans l’adaptation cinématographique.

4Contrairement au roman, la première didascalie du scénario indique clairement le lieu de l’action : « INT. ROBERT’S APARTMENT. VENICE. EVENING » (Pinter 245). Le film de Paul Schrader joue en ouverture sur le cliché et la reconnaissance quasiment instantanée par le spectateur des topoï les plus familiers et les plus rassurants de Venise (les canaux, les gondoles, la place Saint Marc et le palais des Doges…). Mais cette familiarité de surface est très rapidement battue en brèche et le spectateur est mis en position de voyeur alors que les plans sont interrompus par le déclic répété d’un appareil photo caché. À leur insu, Colin et Mary sont l’objet de la curiosité malsaine d’un inconnu qui les suit et les épie : « the couple’s first experience of tourist pleasure and romantic intimacy is secretly photographed » (O’Rawe 226). Ces photos volées auront une grande importance dans la suite de l’histoire, puisqu’elles constituent une première appropriation par Robert des jeunes gens (et en particulier de Colin) : « this reflexive device intensifies our own voyeuristic involvement in the action and creates a Venice that refuses to release Colin and Mary from a panoptical nightmare » (O’Rawe 227).

  • 5 Citons entre autres Summer Madness de David Lean (1955), Don’t Look Now de Nicolas Roeg, d’après la (...)
  • 6 Le Chambers English Dictionary définit Pinteresque ainsi : « in the style of the characters, situat (...)

5« Any film set in Venice is inevitably haunted by a whole host of cinematic, literary and theatrical echoes » (Billington 317) : cette remarque de Michael Billington illustre bien l’idée selon laquelle le voyage à Venise est un trope éculé, qui est ici remis en cause aussi bien dans le film que dans le roman par le biais de l’intertextualité. Colin et Mary sont en effet les héritiers d’une longue tradition littéraire et cinématographique5 de flâneurs vénitiens. « Où va-t-on quand on veut du jour au lendemain échapper à l’ordinaire, trouver l’incomparable, la fabuleuse merveille ? » (Mann 33) : cette question, purement rhétorique et tout empreinte d’une cruelle ironie dramatique, du narrateur de La Mort à Venise (1922), pourrait résumer la vision stéréotypée de la Venise des cartes postales qui sert de négatif, au sens photographique du mot, à la fois à la nouvelle de Mann et au court roman de McEwan. Dans la nouvelle de l’auteur allemand, dont McEwan était alors un lecteur assidu (Louvel 1), l’exclamation du contrôleur, décrit comme un être vulgaire et grimaçant : « Vous allez à un bel endroit ! Ah ! Venise ! Quelle ville ! Quel charme pour les gens cultivés ! et son passé — et ce qu’on y voit aujourd’hui — irrésistible ! » (Mann 33-34) renforce cette dénonciation du stéréotype auquel veut pourtant croire Gustav von Aschenbach : « il interrogeait son cœur grave et las, se demandant s’il serait donné au touriste venu pour flâner de trouver ici un nouvel enthousiasme, et si ne l’attendait pas peut-être quelque tardive aventure sentimentale » (Mann 36-37). C’est également l’espoir de Colin et Mary, qui sont venus dans cette ville étrangère pour faire le point sur leur couple et ranimer la flamme vacillante de leur passion : eux aussi croient aux vertus érotisantes du dépaysement induit par le passage d’un lieu par trop familier à un autre, Venise, associée dans l’imaginaire collectif à « l’aventure sentimentale » recherchée notamment par Aschenbach. Cette attente est encore plus explicite dans le scénario et le film, en particulier dans ce dialogue typiquement « pinteresque »6 quant à son utilisation des pauses et des silences :

MARY: Actually, I remember why we came. We thought we’d find out what to do. Didn’t we? What to do about you and me. Well … have you found out?
[Colin] is silent.
I haven’t. I just want to go home. To my own bed. And my kids.
Pause.
Or maybe you have. Maybe you’ve decided what you want—what you want to do.
Pause.
Have you?
COLIN: No.

(Pinter 276, DVD chapitre 6)

6Comme Gustav von Aschenbach, plutôt que l’amour, ou la réponse à leur problème de couple, c’est en fin de compte la mort qui les attend à Venise. McEwan lui-même l’explique lors d’un entretien : « the city, and their relationship to it, was littered with notions of possible death. In the first chapter I posit a stranger for whom they’re getting dressed, so that they conjure him up, and that was long before I had a title for the book » (Haffenden 181).

  • 7 « [T]heir crews set to inexplicably with their mallets and chisels » (McEwan 1).
  • 8 « [T]hree postcards, addressed to them and all written on the first day, still lay on the bedside t (...)

7Ce malentendu fondamental quant à la nature de la ville est d’autant plus manifeste que les deux jeunes gens sont à plus d’un titre des « touristes incompétents » : « [they] fail […] to explore the area with any degree of proficiency » (Slay 73), comme le note Jack Slay. La ville où ils sont de passage pour la deuxième fois reste pour eux un mystère, et l’adverbe inexplicably est d’ailleurs employé dès le premier paragraphe du roman7. Ils ne parviennent même pas à accomplir le geste rituel du touriste de base : envoyer des cartes postales à leurs proches, restés « à la maison ». Ainsi les cartes que Mary destinait à ses enfants8 resteront lettres mortes. À la fin du roman, juste avant d’aller se recueillir à la morgue sur la dépouille de Colin et de quitter enfin la ville mortifère pour rentrer en Grande-Bretagne, retrouver ses enfants et tenter de reprendre sa vie normale, elle place les cartes dans son passeport (McEwan 99), où elles témoignent de cette brutalité du voyage dont parle Cesare Pavese dans la deuxième épigraphe du roman et de son expérience traumatique de ce passage à Venise qui aura, ainsi que le texte le laisse entendre, des répercussions durables sur sa vie émotionnelle.

8Colin et Mary se font également humilier par un serveur et ne parviennent pas non plus à se faire comprendre et à obtenir ce qu’ils veulent :

Colin raised his hand tentatively as a waiter whirled towards them bearing a tray of empty bottles; but the man had passed them and was several feet away before the gesture was half-complete (McEwan 34)

The waiter straightened and a short hiss escaped his nostrils. ‘Water?’ he said distantly. […] He took a step backwards and nodded towards a corner of the square: ‘Is a tap.’ As he began to move away, Colin span round in his chair and caught his sleeve. ‘No, but waiter’, he pleaded. ‘We also wanted some coffee and some…’
The waiter shook his arm free. ‘Coffee!’ he repeated, his nostrils flared in derision. ‘Two coffees?’
‘Yes, yes!”
The man shook his head and was gone. (McEwan 35-36)

9Enfin, les deux jeunes gens ne réussissent pas non plus à maîtriser la topographie la plus élémentaire de la ville. Ils se perdent sans cesse et, dans un acte manqué réitéré, oublient systématiquement leur plan à l’hôtel : « they should have brought the maps », au pluriel, revient comme un leitmotiv sous une forme ou sous une autre à travers le texte (10, 12, 28, 37, 58, etc). Les différents types de plans dont ils disposent sont pourtant longuement décrits mais aucun ne remplit sa fonction première et tous contribuent au contraire à renforcer leur sentiment de désorientation :

A variety of maps was on sale. The least significant were produced by commercial interests and, besides showing the more obvious tourist attractions, they gave great prominence to certain shops or restaurants. These maps were marked with the principal streets only. Another map was in the form of a badly printed booklet and it was easy, Mary and Colin had found, to get lost as they walked from one page to another. Yet another was the expensive, officially sanctioned map which showed the whole city and named even the narrowest of passageways. Unfolded, it measured four feet by three and, printed on the flimsiest of papers, was impossible to manage outdoors without a suitable table and special clips. Finally there was a series of maps, noticeable by their blue-and-white striped covers, which divided the city into five manageable sections, none of them, unfortunately, overlapping. The hotel was in the top quarter of map two, an expensive, inefficient restaurant at the bottom of map four […] (McEwan 9-10)

10Dans le scénario de Pinter et le film de Paul Schrader, cette désorientation permanente des jeunes gens, qui se perdent, reviennent sur leurs pas et n’aboutissent qu’à des impasses, est rendue par les prises de vue d’en haut, notamment de nuit, des ruelles étroites et désertées de Venise : « neon signs that indicate absence, a fluorescent blue shop window inhabited by mannequins » (O’Rawe 226). Dans ce cas précis, elles prennent le contre-pied des vues panoramiques de la ville sur lesquelles s’ouvrait le film : « Venice’s opulence disintegrates amidst spiritual decadence and death; its cathedrals and languid canals, piazze and palaces, are transformed within a narrative structure and Gothic mise en scène that serves to annihilate light, movement, space and possibility » (O’Rawe 224-225). De plus, la partition d’Angelo Badalamenti, adoptant les codes du film d’horreur, joue un rôle déterminant dans la création de l’atmosphère de ces scènes, comme le souligne Steven Gale :

[M]any scenes, including those in which the younger couple, Mary and Colin, are lost in the maze of Venice’s back alleys late at night, would not create a feeling of tension and apprehension in the viewer if it were not for the background music, which, as in a regular horror movie, quite clearly signals that they are in the presence of something sinister and dangerous. (Gale 323)

11Dans le scénario et le film, c’est un agent extérieur, le portier de nuit de leur hôtel, un natif dont la maîtrise de l’anglais est assez rudimentaire, comme celle du serveur du café de la place Saint Marc, qui, refusant de prêter son plan aux jeunes gens, est en quelque sorte involontairement responsable de leur perte :

CONCIERGE: Is quite late. Too late. All closed. But I know a very good bar; late-night bar. Nice sandwich, good drinks. Very nice place. Very easy to find.
COLIN: Fine. Can I take the map?
CONCIERGE: Is my only one. Sorry.
MARY: Let me look.
She peers at the map. The Concierge points to a section of it.
CONCIERGE: Here. You see? Very nice. You go straight out of here. (He makes a swiveling movement.) And then you … is right ahead. (He points to map.) Right here.
MARY: Uh-huh…

(Pinter 259, DVD chapitre 4)

  • 9 « C’était Venise, l’insinuante courtisane, la cité qui tient de la légende et du traquenard, dont l (...)

12Comme Aschenbach « ne sachant plus s’orienter, étant donné que toutes les ruelles, les canaux, les passerelles et les places du labyrinthe se ressemblaient, n’étant même plus sûr de quel côté se trouvait l’hôtel » (Mann 102), Colin et Mary en arrivent à considérer la ville comme « la cité qui tient de la légende et du traquenard »9 (Mann 83), comme une vaste prison (McEwan 35, Pinter 275), vaguement menaçante et incitant à la claustrophobie : de lieu de passage, Venise devient un lieu d’enfermement. Le motif du labyrinthe (McEwan 33), thème récurrent dans les premières nouvelles de McEwan (Louvel 5), est ici particulièrement pertinent puisque, faute du fil d’Ariane que pourrait leur fournir la connaissance de la ville étrangère, de sa langue et de ses us et coutumes, Colin et Mary sont particulièrement vulnérables et seront une proie facile pour Robert le Minotaure qui lui, en tant qu’autochtone, est parfaitement à l’aise dans le dédale des rues de la Sérénissime : « his prowess is reflected in his ability to navigate the streets of Venice. In a number of shots with sinister overtones, Pinter depicts Robert appearing almost out of thin air and disappearing in the crowds like a Venetian god. [] Later, of course, it becomes clear that he is stalking the couple » (Hall 90). La remarque de Desmond O’Rawe quant à la transformation progressive de la vision de la ville est particulièrement pertinente : « [the film] explicitly subvert[s] Venice’s touristic image: Venice becomes a place where it is better to be lost than to be found [] [T]he primacy of the tourist gaze in The Comfort of Strangers becomes displaced by the looks, whispers, and intrigue (the indigenous gaze) of those around them » (O’Rawe 227).

  • 10 « [S]everal cut-throat razors arranged in a fan » (Pinter 245).

13La dernière réplique de Blanche DuBois dans A Streetcar Named Desire (1947) : « I have always depended on the kindness of strangers » (Williams 225), ô combien empreinte d’ironie tragique rétrospective, a d’une part peut-être également inspiré le titre du roman et d’autre part s’applique parfaitement à Colin et Mary qui, pour leur plus grand malheur, s’en remettent eux aussi à la trompeuse gentillesse des étrangers, en l’occurrence Robert et Caroline. Leur deuxième rencontre, apparemment fortuite, avec Robert, leur paraît de prime abord rassurante : « they recognized him at once and watched, mesmerized [] They continued to watch as he came closer, compelled by the novelty of recognizing someone in a foreign town, by the fascination of seeing without being seen » (McEwan 37). Même si les termes employés (« mesmerized », « compelled », « fascination ») les placent d’emblée en tant qu’étrangers dans une position d’infériorité et de passivité par rapport au natif, ils ont l’impression flatteuse de ne pas être simplement des touristes de passage, comme le remarque Christopher Hudgins : « lost in an unfamiliar city, both yield to the potential delight of being with a non-tourist, a real local—which always has its potential dangers » (Hudgins 60). Colin et Mary ne peuvent résister à la proposition qu’il leur fait de les emmener chez lui : « I will make you so comfortable you’ll forget your terrible night », leur dit-il, et ils font aveuglément confiance à l’étranger (McEwan 38). Hossein Payandeh a bien noté cette dependence : « Colin and Mary choose to rely on the comfort provided by the strangers despite obvious indications that their relationship with Robert and his wife may expose them to grave danger » (Payandeh 152). Les signes de danger sont en effet pourtant clairs : dès leur première rencontre, Robert est décrit comme une créature inquiétante, primitive, mi-homme, mi-singe, mais aussi, d’une certaine manière, probablement ironique, comme l’incarnation même du stéréotype du latin lover : « He was shorter than Colin, but his arms were exceptionally long and muscular. His hands too were large, the backs covered with matted hair […] On a chain round his neck hung a gold imitation razorblade which lay slightly askew on the thick pelt of chest hair » (McEwan 15). Alors que dans son scénario Pinter conserve presque mot pour mot cette description, le réalisateur du film, Paul Shrader, fait au contraire de Robert un modèle d’élégance classique, habillé par Giorgio Armani. Le pendentif en forme de rasoir — indice trop évident ? — disparaît. Cependant, pour compenser, la collection de rasoirs de Robert, au nom prémonitoire de cut-throat, décrite dès la première page du scénario10 apparaît au générique du film, qui commence par un panoramique horizontal du superbe appartement vénitien qu’occupent Robert et Caroline :

The camera-as-camera appears to have both wide-angle and close-up access to all of the contents of the apartment, a position that implies the camera’s superior ability to ferret out truth […] Here, in this early stage of the screenplay, they foreshadow the brutal events that will occur by the end of the film, as well as, importantly, offering us some insight into the violent underside of the beauty of Venice. (Hall 88, 89)

14Le motif du rasoir, emblématique de Robert, revient à plusieurs reprises dans le texte (43, 54, 96) mais les deux jeunes gens ne saisissent pas l’avertissement proleptique qui leur est ainsi adressé ou plutôt choisissent de l’ignorer. Pour Kiernan Ryan, l’aveuglement des jeunes gens est lié à la défamiliarisation induite par le passage à une autre culture dont ils ne maîtrisent pas les codes :

The fact that they are abroad in an alien environment, isolated in their hotel room from the routines and fixtures of their life back home, accelerates their dislocation from their normal identities […] Their mental and emotional derangement is compounded by their physical disorientation in Venice. (Ryan 34)

  • 11 Le narrateur hétérodiégétique ne fournit aucune explication à cette décision tacite commune. Pinter (...)

15Ainsi Colin et Mary retournent une deuxième fois chez Robert et Caroline11 alors que non seulement ils sont en désaccord total avec leurs opinions politiques et leurs propos misogynes et homophobes et que lors de leur première visite Mary s’est rendu compte que leur hôte photographiait Colin à son insu et que Robert, sans raison apparente, a violemment agressé Colin avant de lui faire des avances à caractère sexuel :

[A]s [Colin] straightened Robert struck him in the stomach with his fist, a relaxed, easy blow which, had it not instantly expelled all the air from Colin’s lungs, might have seemed playful. Colin jack-knifed to the floor at Robert’s feet […] Robert […] helped Colin to his feet, and made him bend at the waist and straighten several times. Colin […] glared blearily […] at Robert who was lighting a cigarette and walking towards the kitchen door. Before he reached it he turned and winked at Colin. (McEwan 55-56)

  • 12 « Audiences are willing to identify with the most peculiar of protagonists: just give them a little (...)

16La deuxième visite confirme les sombres pressentiments du lecteur : « it is as if the apartment ensnares them, as if they are powerless to act in any other way. They do not speak of Robert and Caroline, yet in novel and screenplay there appears to be a tacit agreement that their route will take them there » (Renton 53). C’est également ce que Schrader expliquait dans un fax daté du 7 juillet 1989 à Pinter, suggérant au scénariste d’expliciter davantage la décision des jeunes gens, afin d’aider le spectateur moyen (« Jo and Joanne Mall Moviegoer », ainsi que les surnomme Schrader avec un certain mépris) à s’identifier davantage aux jeunes gens12 : « The cuts to Robert’s apartment have just the touch and probably do the trick. Perhaps an idle half-spoken speculation by Colin or Mary about Robert and Caroline would make it clear that they are drawn back to the palazzo. This is not happenstance, coincidence. They want, they need to return » (The British Library, Pinter Archive, MS 88880/2/13). Colin et Mary choisissent en effet délibérément de descendre au « mauvais » arrêt du vaporetto et de continuer leur route à pied, par un chemin qui les fait nécessairement passer sous les fenêtres de l’appartement de Robert et Caroline : « Colin and Mary are not so much disorientated by Venice as re-orientated by its invisible currents, toward catastrophe » (O’Rawe 227). Cette ultime visite s’achève par une scène sadomasochiste particulièrement troublante. Sous les yeux de Mary qui, droguée par Caroline, est incapable de bouger et réduite au rôle de voyeuse impuissante (comme le lecteur et le spectateur), le couple, de concert, agresse sexuellement Colin, qui est clairement l’objet de leur désir commun :

Caroline had placed her hand on Colin’s chest and was stroking him as she spoke […] She began to pull his T-shirt free of his jeans. Robert leaned his outstretched arm against the wall at the level of Colin’s head, boxing him in. Caroline was caressing his belly, gently pinching the skin between her fingers […] Robert’s free hand was exploring Colin’s face, probing his lips apart with his fingers, tracing the lines of his nose and jaw. (McEwan 94)

17Colin tente alors de s’enfuir (« banging Caroline’s face out of his path with his forearm, catching Robert on the shoulder » [McEwan 95]) mais après une brève lutte, il est rattrapé par Robert et cesse alors toute résistance, s’abandonnant totalement aux fantasmes du couple infernal :

  • 13 Dans le scénario et le film, c’est Caroline qui embrasse ainsi Colin : le motif de l’homosexualité (...)

[Caroline] collected blood from her lower lip on her forefinger and daubed it on Colin’s lips. He did not resist her […] Caroline transferred more of her blood on the end of her finger till Colin’s lips were completely and accurately rouged. Then Robert […] kissed him deeply on the mouth13, and as he did so, Caroline set her hand over Robert’s back. (McEwan 95)

  • 14 Il lui tranche la gorge dans le film, ce qui est sans doute plus spectaculaire.
  • 15 « Robert and Caroline kissing [] Over [Mary’s] face, excited incoherent whispers, gasps, moans, wh (...)
  • 16 « an unfocused mating dance » (Pinter 324).

18Enfin, Robert, ouvre les veines de Colin14 avec l’un de ses rasoirs « coupe chou » à plusieurs reprises décrits dans le roman et montrés à l’écran et le laisse lentement se vider de son sang, geste que Brigitte Gauthier qualifie à juste titre de rituel (« ultimate sexual death ritual » [Gauthier 127]). La suite est envisagée du point de vue de Mary, semi inconsciente : « All through the night that followed she dreamed of moans and whimpers, and sudden shouts, of figures locked and turning at her feet […] calling out for joy » (McEwan 97). Ann Hall établit de façon convaincante le parallèle entre les deux couples : « what she sees as a narcotized spectator is the dark side of the erotic world that both she and Colin have misinterpreted as a solution to their own relationship problems » (Hall 97). Les didascalies du scénario sont plus explicites encore quant à l’excitation sexuelle des époux assassins15 et ils se livrent dans un arrière-plan un peu flou à une sorte de danse érotique et macabre16. De plus, dans le film, Robert et Caroline qui, jusqu’alors, n’ont parlé entre eux et avec Colin et Mary (qui ne parlent pas italien) qu’en anglais, la langue véhiculaire, retournent dans leur dernière réplique au vernaculaire, la langue de leur intimité, en s’interpellant mutuellement avant de quitter, enlacés, la scène du crime : « Roberto [] Carolina » (DVD épisode 15) : Colin et Mary, étrangers de passage à Venise, sont exclus de cet échange.

19C’est bien la ville elle-même, à la fois raffinée et cruelle à l’image de ses habitants, qui agit comme révélatrice des fantasmes les plus secrets des jeunes gens, ainsi que l’a pressenti Michael Billington : « Venice forces outsiders to confront the reality of their lives and that this Borgesian labyrinth of a city is an agent of change and transformation » (Billington 317). Ce thème est en effet un aspect essentiel à la fois du roman et de son adaptation cinématographique. McEwan commentait ainsi l’œuvre de Milan Kundera lors d’un entretien avec l’auteur tchèque en 1984 (soit trois ans après la parution de The Comfort of Strangers) : « You write very well about the desire to be a victim; being a victim, according to you, is not simply something which happens to someone, it is also something that someone, the victim, dreams » (McEwan 1984, 217). Dans un autre entretien, un an plus tard, il appliquait directement cette analyse à son propre roman :

[T]he violence that Robert does to Colin […] has a lot to do with people’s perceptions of their own exercise of power, and the pleasures they find in exercising power. What is interesting is the extent to which people will collude in their own subjection, which is true not only of Caroline in relation to Robert but also of Colin. There is something about Colin’s behaviour which suggests from the beginning that he is a victim; he goes along with Robert and is easily manipulated, which suggests an unconscious contractual agreement. I think such an agreement can exist between oppressor and victim [...] I did think there was a sense in which Colin and Mary had agreed about what was going to happen to them. (Haffenden 181)

Hossein Payandeh pousse l’analyse plus loin :

[S]uch a fatal event [as Colin’s murder] would have been predictable from Robert and Caroline’s portentous behaviour, and yet Colin and Mary return to seek comfort from the strangers, McEwan suggests, because, like their hosts, they do not distinguish between pain and pleasure […] Their return to the strangers’ apartment at the end of the novel is, therefore, symbolic of their willingness to associate with the people who share their (hidden) perversions. (Payandeh 154-155)

  • 17 « They […] lay still on their separate beds » (McEwan 1).
  • 18 « This was no longer a great passion. Its pleasures were in [] the familiarity of its rituals and (...)
  • 19 « Walking back from the apartment to the hotel, they had held hands all the way; that night they ha (...)

20Car, en fin de compte, les deux jeunes gens ne sont pas si différents de leurs aînés et, comme le constate Kiernan Ryan, la traversée géographique qui les emmènent du pays natal à un autre est également l’occasion d’un voyage intérieur où ils découvrent leur véritable nature, qu’ils étaient jusque-là parvenus à refouler : « [they] have screened out their true natures, and thus are left at the mercy of their own repressed appetites » (Ryan 34). Au début du roman, leur mésentente sexuelle est mise en relief par le fait qu’ils dormaient dans deux lits séparés17. Le narrateur décrit l’aspect routinier et confortable de leurs relations sexuelles occasionnelles18. C’est en fait leur première visite chez Robert et Caroline et le contact avec ces inquiétants étrangers qui leur fait retrouver leur appétit sexuel l’un pour l’autre19 : d’une certaine manière, le passage vers une autre culture leur permet de se redécouvrir l’un l’autre. Ainsi Colin et Mary passent les quatre jours qui suivent cette première visite enfermés dans leur chambre d’hôtel à (re)faire passionnément l’amour même si, de manière significative, le narrateur insiste sur le non-dit, le refoulé, évidemment essentiel, dans leur relation : « they did not discuss their stay with Robert and Caroline », « they could not talk about the cause of their renewal » (McEwan 60, 62). Cependant, la nature même de leur rapport amoureux est altérée et ils se complaisent à évoquer leurs fantasmes sadomasochistes à base de mutilation et d’objectivation de l’autre :

They took to muttering in each other’s ear as they made love stories that came from nowhere, out of the dark, stories that […] won from the spellbound listener consent to a lifetime of subjection and humiliation. Mary muttered her intention of hiring a surgeon to amputate Colin’s arms and legs. She would keep him in a room in her house, and use him exclusively for sex, sometimes lending him out to friends. Colin invented for Mary a large intricate machine [...] which would fuck her, not just for hours or weeks, but for years, till she was dead and on even after that, till Colin, or his solicitor, switched it off. (McEwan 62-63)

  • 20 Par exemple : « Robert began really to hurt me. He used a whip. He beat me with his fists as he mad (...)

21Mary, écoutant Caroline lui relater ses expériences sadomasochistes avec Robert20, qui rejoignent et, d’une certaine manière, accomplissent, les propres fantasmes sexuels des jeunes gens, est fascinée par le couple pour qui la violence extrême est une composante essentielle de l’acte sexuel et qui a accepté les risques que cela implique. L’assassinat de Colin est en fait l’aboutissement prévisible, logique et prémédité de cette pulsion de mort qui est à la base de leur conception du rapport amoureux, où Thanatos finit par l’emporter sur Eros. Caroline lance ainsi à Mary, nouvelle Alice adulte et sexuellement expérimentée : « it’s like stepping into a mirror » (McEwan 91 ; « We are on the other side of the mirror », déclare la Caroline du scénario, de manière encore plus explicite [Pinter 320]). Le passage de l’autre côté du miroir révèle aux jeunes gens leur véritable nature. Leurs convictions sexuelles et politiques libérales ne résistent pas à la brutalité de la découverte de leurs pulsions les plus profondément enfouies. C’est bien de l’expérience mortelle du passage au-delà des apparences et de la routine sexuelle vers une autre réalité, plus sombre et plus troublante, révélatrice des fantasmes les plus secrets, qu’il s’agit dans ce roman, et la défamiliarisation due au voyage est la condition indispensable à cette plongée dans le côté obscur du désir.

  • 21 Titre français de The Comfort of Strangers.

22La narration élégante, froide et détachée, légèrement ironique, qui est l’une des caractéristiques de The Comfort of Strangers, tout comme dans le film les magnifiques prises de vue de Venise, cité photogénique par excellence, contribuent avec efficacité à mettre en relief la brutalité et la violence des rapports humains, en particulier sexuels, qui affleurent sous une fine couche de vernis de culture et de raffinement sophistiqués. Le roman et le film, de façons nécessairement différentes, récusent également l’idée reçue selon laquelle le passage d’un pays à l’autre et les rencontres avec des étrangers ne peuvent être que positifs et enrichissants, pour au contraire, à la suite, entre autres, de Cesare Pavese et de Thomas Mann, mettre en scène les périls auxquels s’exposent les touristes ingénus. Le roman comme l’adaptation cinématographique qui en a été tirée présentent également Venise et ses habitants comme mortifères pour ceux qui n’y sont que de passage : dans le cas présent, la traversée est bien mortelle pour Colin. Cependant dans un entretien très récent, Ian McEwan confiait que « l’écriture existentielle, suspendue dans le temps et l’espace, avec très peu d’intériorité » inspirée du Nouveau Roman qu’il avait adoptée dans ses premiers écrits (et donc dans The Comfort of Strangers) découlait de la conception qu’il avait du romancier à cette époque. Selon lui il ne pouvait que « dépeindre en toute honnêteté ce que les gens disaient et faisaient, rien de plus » et, « parvenu à la fin de Un bonheur de rencontre »21, il avait eu le sentiment de se « retrouver face à un mur ». Ce constat l’avait alors amené « à expérimenter d’autres formes d’écriture » (notamment l’écriture de scénarios pour la télévision et le cinéma) et « à redécouvrir toutes sortes d’idées et de notions » dans ses romans suivants (Tran Huy 22). Sans pour autant renoncer à exposer le mensonge et la tromperie qui sont très souvent à la base des problèmes relationnels de ses personnages (jusqu’à Sweet Tooth, roman paru en 2012), il s’est orienté vers une écriture souvent plus métafictionnelle. Les vingt années qui séparent The Comfort of Strangers, son deuxième roman, de ses œuvres de la maturité, comme par exemple Atonement (2001), témoignent aussi de l’évolution de l’auteur et de son passage à une autre forme d’écriture.

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Bibliographie

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McEwan, Ian, The Comfort of Strangers (1981), Londres : Vintage, 2006.

———, « An Interview with Milan Kundera » (1984), trans. Ian Patterson, The Novel Today, ed. Malcolm Bradbury, Londres : Fontana Press, 1990, 205-221.

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Payandeh, Hossein, « Normal Abnormalities: Sado-Masochistic Violence in Ian McEwan’s The Comfort of Strangers », The Journal of Arts and Sciences 6 (December 2006) : 145-156.

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Williams, Tennessee, A Streetcar Named Desire (1947), Sweet Bird of Youth and Other Plays, Harmondsworth : Penguin, 1978, 113-226.

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Notes

1 Selon les termes de l’appel à communications pour l’atelier « La nouvelle de langue anglaise » (Journal of the Short Story in English) / Société d’Études Anglaises Contemporaines (S.E.A.C.), Congrès de la SAES 2014, Université de Caen, 16-18 mai 2014. http://www.laseac.fr/?p=297.

2 Diaries 1935-50, publiés à titre posthume en 1952 sous le titre Il mestiere di vivere.

3 J’entends par intertextes les différentes variations possibles à partir d’un modèle le plus souvent littéraire, c'est-à dire ici le scénario et le film. Deborah Cartmell et Imelda Whelehan en particulier militent pour que le texte littéraire adapté à l’écran soit considéré non pas comme une source primaire (et donc à ce titre souvent survalorisé) mais comme un intertexte parmi d’autres (3).

4 Steven Gale note que les prénoms des deux jeunes gens représentent l’innocence et la vulnérabilité, Il ajoute : « It is appropiate that their names are the names of the hero and heroine whose innocent friendship/love story is recounted in Frances Hodgson Burnett’s Secret Garden (1911) » (Gale 326), le célèbre classique britannique pour enfants.

5 Citons entre autres Summer Madness de David Lean (1955), Don’t Look Now de Nicolas Roeg, d’après la nouvelle de Daphne du Maurier (1973) et bien sûr Death in Venice de Visconti (1971), adapté par le réalisateur de la nouvelle de Thomas Mann. Voir les articles de George Von der Lippe, « Death in Venice in Literature and Film: Six 20th Century Versions » et de Desmond O’Rawe, « Venice in Film: the Postcard and the Palimpsest ».

6 Le Chambers English Dictionary définit Pinteresque ainsi : « in the style of the characters, situations, etc., of the plays of Harold Pinter […] marked esp. by halting dialogue, uncertainty of identity, and air of menace ».

7 « [T]heir crews set to inexplicably with their mallets and chisels » (McEwan 1).

8 « [T]hree postcards, addressed to them and all written on the first day, still lay on the bedside table in the hotel room, without stamps » (McEwan 34).

9 « C’était Venise, l’insinuante courtisane, la cité qui tient de la légende et du traquenard, dont l’atmosphère croupissante a vu jadis une luxuriante efflorescence des arts et qui inspira les accents berceurs d’une musique aux lascives incantations » (Mann 83).

10 « [S]everal cut-throat razors arranged in a fan » (Pinter 245).

11 Le narrateur hétérodiégétique ne fournit aucune explication à cette décision tacite commune. Pinter dans son script fournit une excuse qui est visiblement totalement inadéquate : à la question de Mary, qui a aperçu Caroline leur faisant signe de son balcon : « Do you want to go up? » Colin répond : « Well, she’s seen us. We can’t be rude » (Pinter 311).

12 « Audiences are willing to identify with the most peculiar of protagonists: just give them a little help. Have we helped Colin and Mary enough? Is there something simple, subtle still to be done? [] It was the general feeling during the post-read-through discussion […] that Colin and Mary need all the help they can get to help the audience identify with their behavior and ultimate plight », écrit-il notamment. Pinter cependant ne tint pas compte de cette suggestion.

13 Dans le scénario et le film, c’est Caroline qui embrasse ainsi Colin : le motif de l’homosexualité de Robert est moins explicite que dans le roman. De même sa stérilité, révélée par Caroline, n’est pas mentionnée. Pour lui comme pour Caroline l’acte sexuel est dont improductif en ce sens qu’il est complètement détaché de la procréation, et relève du sadomasochisme et du rapport de force.

14 Il lui tranche la gorge dans le film, ce qui est sans doute plus spectaculaire.

15 « Robert and Caroline kissing [] Over [Mary’s] face, excited incoherent whispers, gasps, moans, whimpers, giggles » (Pinter 324).

16 « an unfocused mating dance » (Pinter 324).

17 « They […] lay still on their separate beds » (McEwan 1).

18 « This was no longer a great passion. Its pleasures were in [] the familiarity of its rituals and procedures, the secure, precision-fit of limbs and bodies » (McEwan 7).

19 « Walking back from the apartment to the hotel, they had held hands all the way; that night they had slept in the same bed. They woke surprised to find themselves in each other’s arms. Their lovemaking surprised them too » (McEwan 59).

20 Par exemple : « Robert began really to hurt me. He used a whip. He beat me with his fists as he made love to me. I was terrified, but the terror and the pleasure were all one. Instead of saying loving things into my ear, he whispered pure hatred, and though I was sick with humiliation, I thrilled to the point of passing out […] He made love to me out of deep loathing, and I couldn’t resist. I loved being punished » (McEwan 86–87). Par ailleurs, McEwan expliqua, lors d’un entretien avec John Haffenden, qu’il fut pris à partie par les féministes (« I was attacked for providing a 'rapist's charter' and for poaching on forbidden territory—women's experience ») quand, lors d’une conférence organisée par Marxism Today, il développa l’idée suivante : « many women probably have masochistic fantasies and many men probably have sadistic fantasies, which are acted out in private but never spoken about in any kind of public debate. And then I said that it would be far better in a relationship to embrace this than to deny it, and that true freedom would be for such women to recognize their masochistism and to understand how it had become related to sexual pleasure. The same was no less true for male masochists. I was talking here of sexual fantasy » (Haffenden 178).

21 Titre français de The Comfort of Strangers.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Isabelle Roblin, « Mortelle traversée : The Comfort of Stangers, roman de Ian McEwan (1981), scénario de Harold Pinter (1989) et film de Paul Shrader (1990) »Études britanniques contemporaines [En ligne], 48 | 2015, mis en ligne le 11 mai 2015, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ebc/2100 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ebc.2100

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Auteur

Isabelle Roblin

Isabelle Roblin est Maître de Conférences à l’université du Littoral-Côte d’Opale et spécialisée en littérature anglophone contemporaine. Elle a écrit de nombreux articles sur Graham Swift, Kazuo Ishiguro, Salman Rushdie, Emma Tennant…, ainsi que sur les romans de détection. Elle travaille actuellement sur les ré-écritures littéraires et cinématographiques des canons britannique et américain, et a publié en 2011 un ouvrage sur les scénarios de Harold Pinter : Harold Pinter adaptateur : la liberté artistique et ses limites.

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