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La cérémonie du 24 avril en France

Un rituel commémoratif arménien, entre expression religieuse identitaire et symbolique républicaine
The April 24th Memorial Events in France: an Armenian Ritual between Religious Identity Expression and Republican Symbolism
Ronan Lagadic
p. 213-235

Résumés

L’article entend décrire l’organisation type de la cérémonie de commémoration du génocide arménien du 24 avril pour les villes à forte communauté d’origine arménienne, en s’intéressant principalement à Paris, Lyon, Marseille et Valence. Ces villes et leur périphérie ont en commun d’être à la fois les lieux de peuplement de descendants d’Arméniens les plus importants en France, avec une présence religieuse forte, mais aussi pour Paris, Lyon et Marseille des lieux évidents de visibilité nationale. En s’appuyant sur la presse quotidienne régionale et la presse arménienne d’expression française, et sans s’appesantir sur les nuances locales non signifiantes, il s’agit de proposer une description de la commémoration du 24 avril, pour mettre en avant son aspect fortement rituel, vecteur de mémoire et ressource identitaire au-delà de la simple revendication. Dans cette optique, la commémoration du 24 avril fusionne une symbolique religieuse arménienne et une symbolique républicaine française héritée de la commémoration du 11 novembre.

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Texte intégral

  • 1 D. Hervieu-Léger, 1993.
  • 2 M. Watthée-Delmotte, 2016, p. 6.
  • 3 Ibid., p. 10.

1La commémoration du génocide arménien, le 24 avril, entretient un lien fort avec le rôle mémoriel dévolu au religieux1. Le verbe commémorer, d’ailleurs, possède une double portée sémantique : rappeler, remémorer, mais aussi fêter, célébrer (sans que cela n’induise aucune connotation positive ou négative)2. Une association, un collectif peuvent tout à fait en être à l’origine, comme dans le cas arménien. Organisée par l’État, une commémoration est une cérémonie officielle destinée à conserver la conscience nationale d’une personne ou d’un événement de l’histoire collective et servir d’exemple et de modèle. La commémoration est donc originellement identitaire : elle doit attester d’une communauté de destin, dont le lien se fait à travers discours et vécus partagés3.

  • 4 Ce qu’illustre parfaitement Simon Perego (2020) pour les Juifs de France commémorant la Shoah dans (...)
  • 5 M. Watthée-Delmotte, 2016, p. 5.
  • 6 Ibid., p. 12.
  • 7 Le rite est d’abord un ordre prescrit. Son étymologie induit une notion d’ordonnance, de lien, où c (...)

2Les rassemblements commémoratifs jouent ainsi un rôle essentiel dans la construction des identités et des appartenances. Pour les Arméniens de France, cela se fait à travers le positionnement par rapport à trois référents majeurs : le christianisme ; la notion d’intégration en France ; l’État arménien, indépendant depuis 1991. Si la commémoration est avant tout un rituel sociopolitique, elle est aussi utilisée comme vecteur de mémoire et comme ressource identitaire à transmettre à la jeunesse4. La commémoration publique du génocide des Arméniens vise d’abord à faire prendre conscience à la société d’accueil de l’existence et de la réalité de ce crime. Mais il ne s’agit pas de son seul objectif, car « commémorer, c’est se souvenir ensemble d’événements passés en tant qu’ils fondent des identités, un être ensemble et un rapport au monde »5. Ainsi, « la commémoration trouve son origine dans des pratiques cultuelles, de nature rituelle »6, qui prescrivent à l’homme de quelle manière se comporter avec le sacré. Les rites7 sont avant tout des moments d’effervescence collective, faits pour raffermir le sentiment collectif, mettre en mouvement la collectivité (pour sa survie culturelle dans le cas arménien) hors du quotidien, en rattachant le présent au passé. La commémoration est donc un rite évolutif avec un socle ferme de pratiques communes : un lieu consacré, un ou des officiant(s), une assemblée, une temporalité propre et une répétition réglée de gestes et de paroles mimétiques, qui fait des commémorations du génocide un événement social et collectif codifié, sacralisant la mémoire du génocide.

  • 8 L’Église apostolique arménienne revendique le caractère précurseur de l’adoption du christianisme c (...)
  • 9 Nous allons focaliser notre attention sur l’Église apostolique, à laquelle les neuf dixièmes des Ar (...)

3L’histoire arménienne est marquée par le christianisme8. La présence du religieux dans les commémorations doit donc beaucoup à ce qui est présenté, par les Arméniens eux-mêmes avec insistance lors de celles-ci, comme une spécificité arménienne. Nous souhaitons démontrer ici que l’appartenance religieuse arménienne9 joue un rôle essentiel dans la commémoration du génocide, à la fois dans la part prise dans l’aspect rituel, et comme ressource identitaire discursive mise en avant ; mais aussi que cette part religieuse s’est intégrée avec succès dans une modalité commémoratrice spécifique à la France depuis 1918.

  • 10 P. Ricoeur, 2003, p. 95, parle de « conduites de deuil ».
  • 11 J. Michel, 2010, p. ix.
  • 12 P. Ricoeur, 2003, p. 96.
  • 13 La Turquie n’a jamais reconnu le génocide perpétré en 1915 et dans les années suivantes.

4En effet, après 1918, en France, la commémoration est aménagée pour faire place au deuil de masse, mais son principe n’est pas fondamentalement altéré : donner sens au passé, en faire un jalon pour l’avenir. Les morts pour la patrie remplacent les saints, dans un processus de sacralisation séculière pour une prise en charge collective de la mort, avec de grandes célébrations funéraires10. C’est dans ce moule républicain lié au deuil que les Arméniens s’intègrent en conservant, de par leur histoire, une part religieuse plus prégnante dans laquelle les victimes du génocide sont présentées comme des martyrs. Le rôle du christianisme, avec le martyre, la rédemption et la résurrection, est ici essentiel pour donner un sens à cette mort collective, qui se traduit presque par un culte des ancêtres. La mémoire du génocide pallie le vide laissé par la sécularisation, religion pour les laïcs où le témoignage des survivants est sacré11. Pour Paul Ricœur, « c’est au plan de la mémoire collective [...] que le recoupement entre travail de deuil et travail de souvenir prend tout son sens »12 ; la commémoration est le moment, mais aussi le lieu, où ce recoupement opère le mieux. L’un des éléments moteurs de la présence religieuse dans la cérémonie reste donc évident : l’hommage aux morts, qui plus est quand leur mémoire ne peut reposer en paix, faute de la reconnaissance de leurs souffrances par les auteurs du crime13.

  • 14 S. Latté, 2015, p. 11.
  • 15 En Arménie, depuis l’indépendance de 1991, l’expression religieuse (qui culmine en 2015 avec la can (...)

5Si « les commémorations se donnent à voir comme le domaine exclusif des affects et des peines partagées »14, c’est justement contre cette image restrictive que les Arméniens ont lutté avec succès dans les années 1970, dans une tension permanente entre le deuil, le recueillement et la revendication, finalement victorieuse. Que l’élément religieux se soit maintenu dans ce contexte prouve la force de son rôle symbolique et identitaire15. La commémoration arménienne se situe ainsi à mi-chemin du rite politique – avec une forte symbolique républicaine – et du rite religieux, exploitant la tradition apostolique arménienne reconnue comme un marqueur identitaire fort : les membres de la communauté se retrouvent pour affirmer leur existence commune en participant à des cérémonies symboliques autour de signes matériels, que nous allons maintenant décrire, et qui, aux yeux de tous, servent à définir son identité.

  • 16 Voir par exemple N. Azarian, 2008, ainsi que P. Bogossian-Porto, 2018.
  • 17 Il est notable que ce sont très souvent des sociologues, journalistes ou historiens d’origine armén (...)

6La question des rituels commémoratifs du 24 avril pourrait être posée à l’échelle internationale16. L’une des spécificités françaises, en l’occurrence, est le lien tissé entre ces pratiques commémoratives arméniennes en France et celles des commémorations républicaines nationales. La présente étude s’appuie tout d’abord sur des observations de terrain à Valence et à Lyon. Elle mobilise ensuite la presse quotidienne régionale17 comme source principale, complétée par de nombreux tracts et programmes des commémorations du 24 avril. Pour Valence, le Dauphiné Libéré, fidèle suiveur de la communauté d’origine arménienne locale, fait un suivi très complet de la commémoration – on en trouve une mention dès 1955. Pour Lyon et sa périphérie, notre source de référence est Le Progrès, globalement moins factuel et descriptif que les journaux marseillais ou le Dauphiné. À Marseille, le poids et la visibilité de la communauté d’origine arménienne sont tels qu’on trouve de nombreux éléments dans la presse locale, particulièrement nombreuse et diversifiée. Outre le journal principal La Provence, à l’origine plutôt classé à gauche avant un recentrage progressif, nous avons dépouillé deux autres journaux : Le Méridional (à droite), qui couvre jusqu’au début des années 2000, et La Marseillaise, communiste à l’origine puis simplement classé à gauche. La Provence et La Marseillaise évoquent la commémoration dès 1955, même si c’est de manière très légère, et Le Méridional les rejoint en 1965. Par la suite, les recensions fluctuent en fonction des années. Ce n’est qu’à partir de 1975, date à laquelle la communauté arménienne intensifie ses manifestations, que les trois journaux suivent fortement et régulièrement les cérémonies. Il nous faut aussi mentionner un journal arménien publié en partie en français, paru dans les années 1970 et 1980 sur l’aire marseillaise, Armenia.

  • 18 La Fédération révolutionnaire arménienne (FRA-Dachnaktsoutiun, ou parti dachnak) est le parti armén (...)
  • 19 Il s’agit du journal du Nor Seround, l’organisation de jeunesse du parti dachnak.

7Le Parisien relaie très peu l’information sur la commémoration du génocide, que ce soit à Paris ou en banlieue (Issy, Alfortville, Chaville...). Pour Paris, nous avons pu aisément compenser cette insuffisance relative avec les titres de la presse arménienne, notamment France Arménie, publié à Lyon à partir de 1982 mais de portée nationale. Nous disposons également de nombreuses informations, à partir de la moitié des années 1970, grâce aux journaux des principaux partis politiques arméniens, souvent bilingues. Citons, du côté de la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA)18, les journaux Azadamard (« lutte pour la liberté »), Gamk (« Volonté »), Haïastan (« Arménie »)19 ; ou encore, du côté de la Jeunesse arménienne de France (JAF, communiste), le mensuel Notre Voix. Si la commémoration est très bien couverte et identifiée par la presse quotidienne – de manière très redondante d’ailleurs –, elle l’est surtout du point de vue revendicatif et politique, puisque c’est le message que veulent porter les Arméniens à cette occasion. La religion, elle, n’y apparaît qu’en arrière-plan. Il s’agit néanmoins d’un arrière-plan essentiel et visible, notamment pour ce qui concerne l’aspect rituel de la commémoration.

8Après une première approche chronologique visant à rendre compte de l’évolution de ces commémorations en France depuis les années 1950, nous proposons de livrer une lecture plus anthropologique des pratiques et des représentations figurées ou monumentales de la commémoration arménienne. À travers ses rituels, on constate la circulation de modèles et de normes commémoratifs tendant à la construction d’une identité collective, entre religion et république.

La transformation des commémorations et les progrès de la reconnaissance du génocide

  • 20 L’Église apostolique en est à l’origine dès 1919, en mémoire des défunts, et c’est également elle q (...)

9Les manifestations commémoratives du génocide des Arméniens de 1915 s’imposent dans la rue progressivement, en France comme ailleurs dans le monde, à partir de 1965, c’est-à-dire au moment du cinquantenaire du génocide. Auparavant, la commémoration, à teneur principalement religieuse et dédiée au recueillement20, se déroulait soit dans des espaces clos (églises, salles de conférences…), soit dans des espaces publics mais de manière généralement statique, sans défilé (hors procession religieuse), par exemple en France devant les monuments communaux aux morts de la Première Guerre mondiale. À Valence, le Dauphiné Libéré évoque déjà, dans son édition du 23 avril 1955, « la commémoration du 40e anniversaire du massacre des Arméniens ». L’utilisation de l’expression de « douloureux calvaire », pour y évoquer le génocide, renvoie à une imagerie religieuse chrétienne. À Marseille, La Marseillaise rapporte aussi la commémoration dès son édition du 25 avril 1955, titrant : « la colonie arménienne a commémoré avec ferveur les douloureux événements de 1915 ». Il faut noter l’usage du terme « colonie » (au lieu de « communauté » de nos jours), et la non-utilisation de celui de « génocide », caractéristiques de l’époque. Une réunion est organisée dans une salle du cinéma Variétés, pour évoquer « les terribles massacres ». Plusieurs orateurs se succèdent, « de toutes tendances et de toutes confessions », dont le prêtre apostolique et le pasteur arméniens, avec « recueillement et espérance », et une « profonde gratitude à la France ».

  • 21 Avril 1965, no 97 en première page.
  • 22 Apostolique, catholique et évangélique, basées à Paris ou en région parisienne pour l’Église évangé (...)

10On assiste en 1965 aux premiers défilés, à Erevan, capitale de l’Arménie soviétique, comme dans une grande partie de la diaspora arménienne. Le mensuel des jeunesses communistes arméniennes Notre Voix21 parle, à Paris, d’un « comité d’organisation du 50e anniversaire des massacres d’avril », premier du genre, en présence de toutes les associations et des trois Églises arméniennes, apostolique, catholique et protestante22. La pratique du défilé revendicatif se développe ensuite pleinement à partir du milieu des années 1970, notamment en France, en lien avec l’arrivée d’une nouvelle vague d’immigrants arméniens venus du Proche-Orient et déjà rompus à cette modalité d’expression. Le premier objectif de la commémoration devient alors politique : il s’agit de la reconnaissance du génocide, tout autant que de l’hommage rendu aux morts. Exemple emblématique de ce glissement, le journal de la FRA Azadamard affirme, dans son numéro du 19 avril 1979 : « Assez de lamentations, de pleurs, de passivité, de traditionalisme, il faut agir pour un 24 avril qui soit le point culminant de la lutte de la communauté arménienne […] ». Le journal se réjouit du changement en train de se produire, en avril 1980 : « la commémoration passive et pleurnicharde s’est transformée en une journée d’action politique ».

  • 23 Sur ces discours relatifs au « bon Arménien » ou à la « bonne intégration », voir M. Hovanessian, 1 (...)

11Parallèlement, en France, l’un des enjeux majeurs de ces commémorations, à partir des années 1970, est de prouver que l’on est pleinement français, tout en revendiquant sa culture et ses origines arméniennes. À partir de 1975, Le Progrès, comme toute la presse quotidienne, amorce une couverture plus importante de l’événement, qui ne se dément plus par la suite, avec un article de fond le 25 avril sur la bonne intégration des Arméniens: « Les Arméniens en France : une intégration sans problèmes ». Argumentation que l’on retrouve ensuite quasiment chaque année dans toute la presse quotidienne étudiée23. Il s’agit d’une spécificité française, que l’on peut relier à la tradition assimilationniste française, où l’immigré doit se fondre dans le moule républicain, en opposition avec le multiculturalisme anglo-saxon, où les cultures d’origine conservent toutes leurs possibilités d’expression, ou encore le communautarisme libanais, hérité du millet ottoman, où chaque communauté peut avoir sa propre organisation.

  • 24 B. Adjemian, 2020, p. 184, et p. 215-217, note bien la présence accrue des élus locaux aux commémor (...)

12L’indépendance de l’Arménie, en 1991, donne une ampleur nouvelle à la commémoration, en permettant, sous l’égide des différentes Églises arméniennes, de faire l’unité des associations arméniennes, jusqu’alors trop souvent divisées, ce qui pouvait limiter l’impact de la manifestation et brouiller son message. Le Progrès constate d’ailleurs en 1991 qu’à Lyon, « depuis quelques années déjà, les pleurs ont cédé la place aux revendications ». À partir de 2001, l’État français reconnaît le génocide arménien par le vote d’une loi. Sa commémoration prend alors un caractère officiel. L’édification de monuments locaux en mémoire du génocide arménien, amorcée dans les années 1970 et qui n’a jamais cessé depuis, prend une ampleur inédite avec la construction de monuments à Paris et Lyon, ainsi que d’un second monument à Marseille, venant s’ajouter à celui créé en 1973. La commémoration a systématiquement lieu désormais en présence d’un représentant de l’État. Les élus locaux des communes concernées sont, pour leur part, toujours présents et cités par la presse arménienne de tous bords, depuis les années 1970 au moins24. En 2019, une étape supplémentaire est franchie dans l’intégration de la mémoire arménienne à la mémoire officielle française, avec l’apparition du 24 avril au calendrier officiel des commémorations de la République française.

13Les grandes lignes de la commémoration, visant à réaffirmer la reconnaissance du génocide par l’État français, obéissent à une logique nationale, tout en répercutant dans les discours prononcés ce jour-là le contexte international (lutte pour la reconnaissance du génocide à l’ONU dans les années 1970, attentats arméniens contre la Turquie dans les années 1970-1980, reconnaissance par le Parlement européen en 1987, indépendance de l’Arménie en 1991, puis guerre du Haut-Karabagh), même si les modalités précises de la commémoration peuvent obéir à une logique géographique et locale. Pour autant, les similitudes dominent et un modèle organisationnel se concrétise de manière définitive dans les années 1990 : en général, chaque commune périphérique organise sa cérémonie le matin du 24 avril ou le dimanche le plus proche, afin que tout le monde puisse se regrouper dans la métropole voisine (Lyon, Paris, Marseille et même Valence) l’après-midi pour la commémoration principale, avec le plus de monde possible. Autour de Lyon, des bus sont même affrétés à cet effet.

14Bien que les cérémonies du 24 avril aient connu une progressive transformation en France des années 1950 à nos jours, certains éléments-clés y sont présents systématiquement et, sauf mention contraire, depuis 1965, à commencer par les défilés et cortèges, mais aussi la place dévolue aux monuments républicains et au religieux.

Le défilé comme principale modalité revendicative

  • 25 S. Latté, 2015, p. 15.
  • 26 Ibid., p. 11-12.

15Le défilé relie les différents temps et lieux de la commémoration, souvent l’église au monument commémoratif. C’est la modalité revendicative par excellence, installée pleinement au milieu des années 1970 dans les commémorations du 24 avril. Le défilé n’emprunte en fait ni aux modalités « républicaines », ni au cadre religieux, d’autant plus que, comme le souligne Stéphane Latté, « le choix du cadre commémoratif n’est pas a priori le plus adéquat à l’expression de revendications ». Mais, ajoute-t-il, « même parées des atours de l’hommage aux victimes, nombre de commémorations répondent aux rationalités classiques de l’action collective. L’interpellation des pouvoirs publics y est régulièrement présente […] »25. Les Arméniens sont un excellent exemple de ce constat26 et de l’évolution qu’il reflète : le défilé commémoratif peut parfaitement s’avérer revendicatif, et c’est typiquement une des réussites des mobilisations arméniennes. Gamk, autre journal dachnak, parle dans son édition du 25 avril 1988 de « manifestations massives et parfaitement disciplinées […] soutenues par l’Église et entraînant par la même occasion les corps constitués ». La nature « digne et apolitique » des défilés est systématiquement rappelée dans la presse, ce qui souligne l’intérêt d’une partition de la commémoration entre un moment revendicatif devant les consulats turcs, et un temps de recueillement devant les monuments aux morts ou du génocide.

  • 27 N. Palluau, 2009.

16Ainsi, pic symbolique de la contestation quand il est rendu possible, comme à Lyon, Paris et Marseille, le défilé inclut depuis les années 1970 un passage, voire une station devant le consulat ou l’ambassade de Turquie. Réprimée initialement par les pouvoirs publics, cette pratique est tolérée à partir du début des années 1980. De discrets et courts, les défilés gagnent en ampleur. Ils passent aujourd’hui généralement par les artères principales des villes, leur point de départ – souvent les églises apostoliques – étant généralement central dans les communes habitées. De silencieux et recueillis, ils deviennent de plus en plus bruyants et revendicatifs à partir des années 1980, mettant en avant la jeunesse, notamment via le scoutisme arménien27. Les élus locaux sont toujours visibles au premier rang, ce que note bien la presse quotidienne, souvent au côté des ecclésiastiques dont la tenue caractéristique attire le regard.

17Idéalement unitaire, le défilé a pu se dédoubler dans les années 1970 et 1980 en fonction des scissions politiques arméniennes. Ce dédoublement peut être relativement organisé : il perdure ainsi à Marseille, ce qu’expliquent la taille de la ville et la diversité politique et associative de la communauté d’origine arménienne. Jusqu’au milieu des années 1990, où s’impose une instance de coordination de toutes les associations arméniennes dans laquelle l’Église apostolique joue souvent le rôle de liant, les commémorations sont régulièrement le lieu de la division. Elles mettent en concurrence, d’une part le parti dachnak (nationaliste, anti-soviétique et politiquement assimilé aux socialistes) associé au CDCA (Comité de défense de la cause arménienne, c’est-à-dire la reconnaissance du génocide) qui en est une émanation, plus revendicatifs, et de l’autre différents mouvements, mêlant paradoxalement droite libérale et soutiens de l’Arménie soviétique, en général sous l’égide de l’Église apostolique, alors sous le giron soviétique, qui, elle, valorise le recueillement. C’est l’indépendance de l’Arménie, en 1991, qui permet de sortir de cette situation et d’imposer pleinement la revendication pour tous les acteurs.

  • 28 S. Latté, 2015, p. 15.

18La construction mémorielle des parcours commémoratifs arméniens comporte en général comme point de départ et/ou d’arrivée des lieux destinés au traitement de la mort : église, monument aux morts puis monument du génocide. On peut ainsi définir trois types de marques symboliques principales utilisées dans le cadre de la commémoration du génocide, de manière totalement imbriquée : monumental, républicain et religieux. Ces trois aspects symboliques se déploient principalement au point d’arrivée du défilé, qui peut aussi être parfois un point de départ ou un point intermédiaire selon la topographie de la ville, principalement à Lyon, Paris, Marseille, pour rejoindre un point suivant de contestation, en général le consulat turc ou un bâtiment public (mairie, assemblée, sénat, préfecture). Les marques symboliques dont il est ici question, majoritairement religieuses, concourent à construire l’image de la diaspora arménienne en France au travers de commémorations-processions. En résumé, « les acteurs s’efforcent d’insinuer la protestation dans les creux du rituel funéraire. […] Alors le parcours funéraire se mue en interpellation, la minute de silence en slogan, le monument en calicot, la plaque funéraire en placard revendicatif »28.

19Nous allons d’abord étudier les emprunts faits à la symbolique républicaine mise en place après la Première Guerre mondiale, qui illustrent la volonté arménienne de s’intégrer pleinement à la nation française. Ils sont pour cette raison particulièrement mis en avant et viennent au premier rang dans la démarche de construction mémorielle des Français d’origine arménienne. Cette insistance sur l’ancrage républicain des cérémonies du 24 avril permet aussi d’associer la ville, voire le pays, à la commémoration d’un génocide longtemps non reconnu, à travers la présence d’édiles ou de représentants de l’État comme les préfets.

Le symbolisme républicain comme vecteur de reconnaissance

20Le point d’arrivée du défilé inclut toujours des discours et des dépôts de gerbes devant un monument commémoratif. Celui-ci est invariablement le monument aux morts de la commune, tradition qui culmine à Paris avec l’utilisation de la flamme du soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe. Ces monuments offrent l’intérêt de relier symboliquement la cause arménienne aux guerres qui ont marqué l’histoire française, en particulier la Grande Guerre et la Seconde Guerre mondiale.

Commémorer le génocide au pied du monument aux morts

21L’utilisation des monuments aux morts pour la commémoration du génocide arménien s’explique en premier lieu par le fait que presque toutes les communes en ont un. Fruits d’un véritable souhait des municipalités et de leur population, ils sont donc consensuels et populaires, ils « parlent » à tout le monde. Ils ne servent aucunement d’appui à une fête militaire : l’armée est peu impliquée dans la création des commémorations du 11 novembre. L’organisation de ces cérémonies est à l’origine faite par les associations d’anciens combattants, pas par les pouvoirs publics.

22Enfin, le lien entre ces monuments et la commémoration du génocide est renforcé par le fait qu’ils sont dédiés aux morts. Mieux, ils entérinent en fait un début de culte aux morts de la guerre initié dès 1918, avant même l’existence des monuments. Leur épitaphe la plus fréquente, « à ses enfants morts pour la France » ou « pour la Patrie », est bien l’onction que les Arméniens viennent chercher dès les années 1950, avant même l’instauration du défilé commémoratif du 24 avril. Cet usage perdure en général jusqu’à la création d’un monument spécifiquement dédié au génocide arménien dans la commune. Le monument aux morts municipal permet aux Arméniens de relier la commémoration du 24 avril à leurs morts pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale, donc leur histoire à l’histoire française.

  • 29 A. Prost, 1984, p. 201-205.

23Les monuments aux morts ne représentent pas un culte de la victoire et ne sont en général pas des monuments nationalistes, ce qui permet pleinement d’y avoir recours pour d’autres types de commémorations que celles des guerres, comme la commémoration du génocide arménien. Ce sont des monuments civiques, républicains et laïcs, occupant la frontière ténue (donc parfois franchie) entre monument funéraire et patriotique29. Les monuments aux morts permettent une interaction, un lien entre mémoire arménienne et non arménienne, un hommage mutuel : celui des Arméniens à des victimes non arméniennes et, en retour, un hommage à des victimes arméniennes qui ne sont pas mortes au combat. Le rôle de ces monuments, que ce soit les monuments aux morts ou les monuments construits par la suite en mémoire du génocide, est également de répondre à la nécessité de pallier l’absence des dépouilles des victimes, pour donner aux vivants un lieu tangible jouant le rôle d’une tombe.

24Cette cérémonie autour des monuments aux morts des guerres mondiales inclut toujours les combattants et/ou résistants arméniens de la Seconde Guerre mondiale, mis en avant comme pour célébrer la complète intégration française des descendants d’immigrants arméniens, et relier la demande de reconnaissance du génocide au sacrifice de la vie des combattants arméniens morts pour la France, dans une logique de don et contre-don.

Les gestes ou le symbolisme républicain

  • 30 Comme le souligne Simon Perego (2020, p. 269), qui note que le succès de cette pratique en France d (...)
  • 31 B. Adjemian, 2020, p. 251, note aussi l’omniprésence des drapeaux, qui ne font plus débat depuis l’ (...)

25Le monument, déjà signifiant en soi, est complété par une panoplie de gestes rituels, auxquels ont également recours les participants aux commémorations du génocide arménien, comme pour intégrer celles-ci dans une tradition républicaine française. À l’instar des cérémonies du 11 novembre ou du 8 mai, celle du 24 avril est toujours ponctuée par une minute de silence, dûment signalée dans la presse quotidienne, toutes époques confondues. Ce « moment de recueillement neutre d’un point de vue religieux »30 est suivi par la sonnerie aux morts et l’hymne français, et éventuellement par l’hymne arménien depuis l’indépendance de la République d’Arménie31. La cérémonie du 11 novembre est la seule réussite d’un culte républicain populaire, d’une profession de foi purement civile (mais une profession de foi quand même), parce qu’elle célèbre des personnes et pas une idée, ce qui est également le cas du 24 avril, qui en plus célèbre même des martyrs, si l’on se place du point de vue officiel de l’Église apostolique arménienne.

  • 32 S. Perego, 2020, p. 287-288.

26Les drapeaux, qui symbolisent la patrie, ne sont ici pas destinataires du culte. Au contraire, ce sont des instruments de ce culte républicain, ce qui permet par exemple l’ajout du drapeau arménien. On peut alors parler de déclinaison arménienne du culte républicain des morts, attestant d’une volonté d’intégration dans la nation, et de son succès. Simon Perego fait un constat similaire s’agissant des commémorations juives de la Shoah dans les années 1950 à Paris32. Sachant les nombreux liens faits de nos jours par les associations et groupements mémoriels arméniens avec le génocide des juifs pour faire avancer leur cause, on peut se demander dans quelle mesure cette forme prise par les commémorations juives en France après la Seconde Guerre mondiale a pu les inspirer.

27Les organisations arméniennes ont donc nettement puisé dans le registre symbolique des cérémonies patriotiques françaises pour légitimer leurs propres rituels, en leur donnant une forme officielle et solennelle. Ces gestes républicains, s’ils n’ont pas de contenu religieux, comportent une vraie part de sacré laïc, réappropriée par les commémorations arméniennes. La minute de silence en est un excellent exemple : présente dans les cérémonies républicaines comme une forme de recueillement laïc sans effet religieux, elle est conservée dans les cérémonies du 24 avril. Toutefois, la minute de silence y est souvent suivie de prières en arménien, comme une manière de rappeler les origines des participants et leur attachement à leurs propres traditions nationales. En complément, un autre élément du culte funéraire républicain est repris le 24 avril, celui de la sonnerie aux morts, jouée pendant la minute de silence. S’étant imposée dans les années 1930 pour la commémoration de la Grande Guerre, la sonnerie aux morts est devenue une spécificité de cette cérémonie, jamais jouée par ailleurs. Les cérémonies du 24 avril y ont recours, comme pour souligner le lien des Arméniens avec la France, à travers le sacrifice de leurs combattants (soldats et résistants) morts pour la France au 20e siècle.

  • 33 S. Perego, 2020, p. 271.

28Cette double sacralité (minute de silence et prière en arménien), typique de la cérémonie du 24 avril, permet de contenter à la fois les participants encore nombreux qui restent attachés à la tradition religieuse, et ceux qui seraient davantage sécularisés. C’est de ce fait l’ensemble du corps social qui se retrouve dans une même « foi du souvenir »33.

Des discours arméniens inspirés par ceux du 11 novembre

  • 34 Sur cette expression et son utilisation dans le cadre des cérémonies commémoratives du 11 novembre, (...)

29Les commémorations comportent en général des discours. Un dernier parallèle peut ici être fait entre les cérémonies du 11 novembre et du 24 avril : les discours souvent en diptyque, avec une opposition construite entre, hier, les morts et la guerre (ou le génocide), et aujourd’hui les vivants (ou les survivants). Les discours commencent par évoquer les horreurs de la guerre (ou du génocide), puis marquent une transition vers la thématique du respect dû aux morts, dont on souligne les vertus et le sacrifice, qui ne doit pas avoir été vain. Dernière rhétorique commune : l’idée du « plus jamais ça »34. Les mêmes valeurs sont mises en avant : la fraternité (avec les Français, mais aussi les autres peuples ayant souffert des mêmes maux, voire l’humanité entière), le respect des différences, qui induit d’ailleurs la lutte contre l’assimilation, le tout complété par une grande insistance sur la fidélité à la République témoignée par les Arméniens.

  • 35 Sur cette notion, voir S. Ledoux, 2016.

30D’année en année, on note en France une certaine redondance du contenu des discours du 24 avril relevés par la presse, dont le caractère devient essentiellement politique et mémoriel dès les années 1980, revendicatif à l’égard de la Turquie, notamment contre son entrée dans la Communauté économique européenne (puis dans l’Union européenne), et attentif à la situation internationale. Les titres des articles reflètent bien cette évolution d’un registre religieux dans les années 1970, marqué par la présence des termes « deuil, recueillement, dignité, martyrs », à un registre politique et revendicatif dans les années 1980. On retrouve alors en titre des formules comme « l’impossible silence » ou « l’impossible oubli » (très utilisées). Les notions de droit, de légitimité, de reconnaissance, de lutte sont utilisées en premier lieu, comme par exemple « rien d’autre que la justice » en 1990. Cette évolution reflète le fait que les militants de la cause arménienne tentent, à partir des années 1980 et à l’initiative du CDCA lyonnais, d’élargir leur combat aux droits de l’homme et à la lutte contre tous les génocides. Enfin, le champ sémantique autour du souvenir et de la mémoire se renforce et s’autonomise du religieux : on peut ainsi relever en 1990 la formule « notre mémoire est notre dignité » brandie dans le défilé. Les années 1990 voient se multiplier dans les titres de la presse régionale couvrant les commémorations du 24 avril des formules rappelant l’injonction à se souvenir, telles que « le souvenir est un devoir », ou « le devoir de mémoire »35. On est vraiment dans le registre de ce que Paul Ricœur appelle la « mémoire obligée », présentant la participation du public aux cérémonies comme un impératif moral. L’influence religieuse se maintient néanmoins, en s’adaptant progressivement aux nouvelles modalités revendicatives, à partir des années 1990, à la suite de l’indépendance de l’Arménie, qui met fin au contrôle soviétique sur l’Église apostolique.

  • 36 S. Perego, 2020, p. 155.

31La grande spécificité des commémorations arméniennes est le maintien de l’usage de la langue arménienne dans les discours, souvent à égalité avec le français : cette persistance de l’usage de l’arménien dans les cérémonies comporte une finalité sans doute plus symbolique que pratique, liée à l’affirmation d’une différence culturelle ou identitaire. Comme le remarque Simon Perego au sujet de l’emploi du yiddish dans les cérémonies du souvenir juives après la Seconde Guerre mondiale, l’usage d’une langue des ancêtres dans ces circonstances précises devient « un vecteur en soi de l’hommage rendu aux disparus »36, que ce soit dans les discours ou dans les spectacles organisés en parallèle. L’usage de la langue arménienne est une fidélité due aux morts. L’utilisation du symbolisme républicain de la Première Guerre mondiale, et l’insistance sur la participation à la Résistance, comme signe d’une intégration validée par le sacrifice, autorisent en contrepartie à rendre visibles certaines particularités pour s’auto-définir publiquement : le génocide, la langue, l’appartenance à l’Église apostolique.

Les monuments au génocide : entre identité religieuse et tradition républicaine 

  • 37 A. Alvarez Hernandez, 2015, p. 160-163.
  • 38 Les premiers monuments datent des années 1970, mais leur plein déploiement intervient à partir des (...)
  • 39 Gamk du 26 avril 1996.

32Il existe aujourd’hui en France une soixantaine de monuments en mémoire du génocide arménien, principalement en Île-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur37. Ce sont eux qui font la jonction entre les modalités républicaines de la commémoration, initialement très liée aux monuments aux morts de la Première Guerre mondiale, et l’expression identitaire arménienne dont ils symbolisent pleinement l’affirmation à partir des années 199038. Toujours dans cette logique mêlant références républicaines françaises et identitaires arméniennes, les monuments en mémoire du génocide évoquent très souvent les résistants arméniens de la Seconde Guerre mondiale, tout en incluant une dimension religieuse en lien avec l’Église apostolique arménienne. Quand les acteurs associatifs et militants arméniens de la reconnaissance obtiennent la construction d’un monument dédié aux morts du génocide, il s’agit souvent d’un khatchkar, stèle de pierre sculptée en forme de croix ornementée typique de l’art arménien, à forte symbolique religieuse. Par exemple, l’inauguration d’un khatchkar à Charenton-le-Pont, le 24 avril 1996, a lieu en présence de l’archevêque Kude Nakachian et du prêtre de l’église apostolique arménienne d’Alfortville, ainsi que des anciens combattants arméniens. Selon le maire de Charenton, le khatchkar est « le symbole de la tolérance, de la fraternité et de la réconciliation des hommes », même s’il prend soin d’ajouter que « le pardon [n’est] pas l’oubli »39.

33Le khatchkar remplace alors le monument aux morts comme point d’arrivée de la commémoration : dès les années 1970 à Décines ; dans les années 1980 à Valence, Vienne ou dans les communes de la région parisienne ; au début des années 2000 à Paris et Lyon. À Paris, pour son importance symbolique évidente, la cérémonie de la flamme du soldat inconnu perdure en complément de celle qui a lieu devant le monument dédié au génocide. Marseille fait encore exception, avec l’existence de deux monuments importants pour le génocide dans la même ville : le monument principal attenant à la cathédrale apostolique arménienne des Saints-Traducteurs, située sur le boulevard du Prado, inauguré en 1973 ; celui de Beaumont, dans le 12e arrondissement, érigé en 2006. Il y a de ce fait deux cérémonies commémoratives dont l’organisation se répartit entre le matin et l’après-midi. Avant l’érection du monument de Beaumont, les associations arméniennes de Marseille commémoraient le génocide séparément en fonction d’affinités politiques, les unes auprès du monument aux morts de la commune, les autres auprès du monument élevé au génocide dans le jardin de la cathédrale du Prado. Si la géographie de la ville le permet, l’utilisation des deux monuments (aux morts et au génocide) n’est pas rare. Ainsi à Valence, une première cérémonie a lieu avec les anciens combattants devant le monument aux morts, avant qu’un cortège ne fasse halte devant le monument au génocide de la ville.

  • 40 A. Alvarez Hernandez, 2015

34Par-delà la diversité des formes de ces monuments (khatchkars, mais aussi stèles, obélisques, statues, cénotaphes, bustes, installations, mobilier urbain, etc.)40, l’importance symbolique religieuse de cet investissement spatial est soulignée par Martine Hovanessian :

  • 41 M. Hovanessian, 2004, p. 133.

Le rituel d’inauguration des monuments, soutenu par les Associations cultuelles de l’église apostolique marque l’entrée dans une nouvelle ère du témoignage. Il déroule le récit d’une reconnaissance où le présent (« la présence des Arméniens dans la ville ») s’articule à une continuité (une « longue amitié franco-arménienne ») […]. De ce fait, le religieux contribue à la revalorisation d’un capital culturel et social restituant l’épaisseur d’une histoire longue de l’héritage.41

Des commémorations à forte dimension religieuse

  • 42 A. Prost, 1984, p. 211-212.

35Le symbolisme républicain lui-même, en dehors de toute réinterprétation mémorielle liée au 24 avril, se double déjà d’un symbolisme en partie religieux, ce qui permet aisément l’arrimage religieux arménien. En effet, si l’on suit Antoine Prost, les monuments aux morts sont bien des tombes, et le 11 novembre est une manifestation funéraire, un service funèbre, ce qui justifie leur utilisation pour les morts d’un génocide. Cela serait encore plus clair dans l’Ouest de la France, en pays catholique pratiquant, où le clergé joue même un rôle direct, avec une messe du 11 novembre, puis un cortège (une procession même) jusqu’au monument aux morts avec des cierges allumés, des cantiques, des prières et même l’aspersion d’eau bénite42.

  • 43 Voir Le Progrès du 25 avril 1975 ; Armenia, no 15, mai 1976, p. 19 ; Le Dauphiné Libéré du 25 avril (...)

36Même si les pratiques religieuses arméniennes lors du 24 avril sont moins marquées que celles décrites ci-dessus, elles contribuent elles aussi à ordonner le rituel dans l’espace et dans le temps. La cérémonie est souvent ponctuée d’une prière en arménien, le Notre Père, faite par le prêtre apostolique ou de manière œcuménique, traduite ensuite ou pas, au début ou plus souvent à la fin de la cérémonie, et parfois reprise par la foule présente43. C’est en général la seule concession explicite faite à l’expression religieuse arménienne. Mais par ailleurs, les représentants religieux participent aux dépôts de gerbes et au ravivage ou à l’extinction de la flamme du souvenir quand le protocole existe, comme à Paris devant la tombe du soldat inconnu. La connotation religieuse de la cérémonie du 24 avril est donc loin d’être négligeable : la présence, très visuelle, des ecclésiastiques en tête de cortège, à côté du monument commémoratif ou en tribune, même en l’absence de prise de paroles, est significative et rehausse la solennité des rassemblements.

  • 44 Conseil paroissial composé de laïcs administrant l’église apostolique locale.
  • 45 De nombreuses villes ou communautés arméniennes de la diaspora ont vu se créer des « Unions nationa (...)
  • 46 La Provence du 26 avril 1991. Albert Khazinedjian est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’Église a (...)
  • 47 Le Dauphiné Libéré, 25 avril 1979.
  • 48 Le Dauphiné Libéré, 25 avril 1998.
  • 49 France Arménie, no 74, mai 1988, p. 12.

37En général, les ecclésiastiques ne s’expriment pas à Lyon et Paris, en dehors de leurs églises, contrairement à Marseille où la cérémonie principale se déroule devant la cathédrale apostolique. Néanmoins, le président de l’éphorie44 ou de l’Union nationale arménienne (UNA) locale45 prend souvent la parole, comme organisateur de la cérémonie, jusqu’aux années 1990 et la mise en place de comités du 24 avril : s’il n’est pas lui-même un ecclésiastique, il entretient de par ses fonctions un lien avec l’Église apostolique et son discours inclut souvent un angle religieux. Ainsi du discours prononcé par le docteur Khazinedjian, président de l’éphorie de la cathédrale apostolique arménienne des Saints-Traducteurs de Marseille devant la stèle du génocide, le 24 avril 1991 : « Les Arméniens pratiquent le pardon des offenses, ils sont chrétiens ; encore faudrait-il que le coupable présente des excuses »46. Même dans la bouche de laïcs, le vocabulaire utilisé inclut beaucoup de références chrétiennes censées se rattacher à l’histoire et aux traditions arméniennes. Dans les villes moyennes et petites, l’expression religieuse se déploie plus facilement, avec des ecclésiastiques (apostoliques, catholiques ou évangéliques) qui jouent parfois le rôle de représentants de leur communauté, comme à Issy-les-Moulineaux dans les années 1980, ou à Vienne dans les années 1970, et qui sont souvent les premiers à prendre la parole lors de la cérémonie commémorative, comme à Décines, Vienne, Alfortville, Arnouville, etc. À Valence, en 1979, le père Vartanian insiste « sur la fidélité due à l’idéal des martyrs du peuple arménien qui sont immortels et la nécessité de les suivre en gardant la foi pour laquelle ils sont morts »47. Toujours à Valence, en 1998, le pasteur Jacques Tchoghandjian parle des victimes du génocide qui « n’ont pas voulu renier leur identité, leurs traditions, leur langue, leur foi et leur culture. C’est de cet attachement qu’il faut se souvenir comme un exemple »48. À Issy-les-Moulineaux, en 1988, le père apostolique Murone parle du « sacrifice de leur mort »49, expression emblématique de la pensée chrétienne arménienne sur le génocide.

38Le signe religieux le plus évident de la commémoration reste la messe, toujours mentionnée par la presse quotidienne, mais sans citer son contenu. Dans les communes de la périphérie lyonnaise (Décines, Vienne, Saint-Chamond voire Grenoble et Saint-Étienne) et parisienne (Issy-les-Moulineaux, Arnouville, Chaville, Alfortville), les messes arméniennes ont lieu au matin de la journée de commémoration annuelle, ou même le dimanche le plus proche, de manière à permettre un regroupement dans l’après-midi du 24 avril à Lyon et à Paris, comme à Marseille et Valence. Célébrée le plus souvent par l’Église apostolique, la messe de requiem est systématiquement œcuménique quand les autres confessions sont présentes dans la commune. Les prêtres des églises catholiques arméniennes organisent également une messe de rite arménien œcuménique incluant une messe de requiem, dans les communes où elles sont implantées, avec un faste particulier à Lyon et Paris, puisque leur messe est organisée, au moins depuis 1965, dans les cathédrales de Notre-Dame-de-Paris et de Fourvière, le dimanche le plus proche du 24 avril. La tenue de ces messes catholiques est généralement coordonnée avec celles de l’Église apostolique, sauf peut-être à Marseille, où la messe catholique a parfois été célébrée à l’église des Réformés au moment même de la commémoration organisée à la cathédrale du Prado, en étant visiblement utilisée par le CDCA et la FRA comme point de départ pour leur défilé concurrent sur la Canebière. Quant aux Arméniens évangéliques, ils sont rarement mentionnés en dehors de leur présence lors des rassemblements œcuméniques : hormis à Marseille à partir des années 2010 et peut-être à Issy-les-Moulineaux, ils ne semblent pas tenir de cérémonie particulière.

39À partir des années 1970, ces messes sont suivies d’un défilé, de dépôts de gerbes et de discours devant un monument commémoratif. Le lieu de célébration de la messe sert parfois de point de départ du défilé : c’est le cas à Lyon et à Paris dans la majorité des cas, mais non pas à Valence. À Marseille, l’église peut aussi être point d’arrivée du défilé, notamment lorsqu’elle abrite elle-même un monument commémoratif, comme au Prado.

  • 50 France Arménie, no 62, mai 1987, p. 8-10.

40Enfin, la présence de la jeunesse, enjeu essentiel de la commémoration, illustre la prégnance religieuse de la cérémonie. S’exprimant dans la presse arménienne en 1987, le responsable lyonnais du CDCA, Georges Képénékian, futur maire de Lyon (entre 2017 et 2018), précise ainsi : « Il faut simplement noter que l’évolution du 24 avril d’une simple journée de Deuil National, qui reste bien présent dans nos mémoires, vers une journée de revendications nationales, réussit aujourd’hui à motiver la jeunesse »50. Plus près de nous, Le Dauphiné Libéré du 24 avril 2013 relaie cette parole dans un article sur la veillée « portée par les jeunes […] qui sont l’avenir de la cause ».

41La jeunesse est au centre de la commémoration avec l’organisation d’une veillée, les prises de paroles des représentants des associations de jeunesse, souvent le Nor Seround (organisme de jeunesse de la FRA) le 24 avril, la visibilité des scouts, par leur tenue et leur place en tête de cortège, mais aussi le dépôt de gerbes effectué par des jeunes, parfois en tenue de scouts, ou encore le dépôt d’un œillet sur le monument commémoratif, souvent confié aux jeunes présents.

42Le 23 avril est la journée de la jeunesse avec deux modalités principales : des stands d’information dans la journée, instaurés dans les années 1990-2000 et tenus par les jeunes, mais surtout la veillée le 23 au soir. Dans les villes où siège une représentation officielle turque (Paris, Lyon, Marseille), cette veillée peut avoir un aspect revendicatif, presque toujours du fait du Nor Seround, l’organisation de jeunesse de la FRA. Toutes les associations de jeunesse participent au moment de recueillement de la veillée, sous l’égide de prêtres des diverses confessions chrétiennes. La veillée comporte également une dimension culturelle, avec des chants, des danses (traditionnelles et contemporaines), des spécialités culinaires arméniennes. Le lieu de la veillée, outre les consulats turcs, est généralement une église apostolique ou un lieu comportant un monument commémoratif du génocide. Cette part dévolue aux jeunes à travers la veillée achève de renforcer le caractère religieux de la commémoration.

*

  • 51 B. Adjemian, 2020, p. 251.

43Boris Adjemian affirme que « l’évolution de la mémoire du génocide est telle que l’Église est parvenue à y regagner une place majeure, après avoir semblé être en recul face aux nouvelles formes de commémoration militantes des années 1970-1980. Point de commémoration sans sermon ni prière »51. Nous parlerions plutôt de phase de transition dans les années 1970-1980, car après avoir combattu les nouvelles formes de militantisme dans les années 1970, l’Église apostolique s’est rapidement adaptée et, dès la fin des années 1980, a en fait soutenu cette évolution revendicative et nationaliste pour reprendre pleinement sa place de référent identitaire, bien symbolisée par les khatchkars.

44La commémoration du génocide arménien en France est un processus syncrétique, adaptation d’un rituel religieux aux valeurs républicaines de l’activité séculière. Le résultat final est une commémoration identitaire à forte teneur religieuse dans un contexte laïc. Dans cette complémentarité mémorielle, la dimension religieuse induite par la commémoration du génocide vient renforcer l’Église arménienne dans ses fonctions légitimatrices, distinctives et mobilisatrices. Le tout sur un fonds républicain hérité des commémorations du 11 novembre et habilement intégré à la cérémonie du 24 avril pour signifier la pleine appartenance des descendants d’Arméniens à la France.

  • 52 D. Hervieu-Léger, 1993, p. 182.

45Ainsi la fonction commémorative du religieux reste centrale, mais elle a su évoluer pour épouser une nouvelle forme d’interpellation, en s’associant directement, lors de la commémoration, aux discours politiques visant à dénoncer le génocide et son déni par la Turquie. L’apport du religieux dans le cadre de la commémoration du génocide réside dans son « travail de rationalisation qui accompagne le travail unificateur de la mémoire autorisée »52. Face à la sécularisation à l’œuvre en France, cette dynamique sert à sauvegarder en partie la tradition religieuse en la réinvestissant dans la commémoration du génocide, nouvel axe identitaire de la communauté arménienne.

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Bibliographie

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Note de fin

1 D. Hervieu-Léger, 1993.

2 M. Watthée-Delmotte, 2016, p. 6.

3 Ibid., p. 10.

4 Ce qu’illustre parfaitement Simon Perego (2020) pour les Juifs de France commémorant la Shoah dans les années 1950.

5 M. Watthée-Delmotte, 2016, p. 5.

6 Ibid., p. 12.

7 Le rite est d’abord un ordre prescrit. Son étymologie induit une notion d’ordonnance, de lien, où ce qui importe est le respect des gestes et des paroles, clairement distincts du quotidien.

8 L’Église apostolique arménienne revendique le caractère précurseur de l’adoption du christianisme comme religion d’État en Arménie, en l’an 301. Autocéphale, cette Église nationale possède un poids culturel et identitaire très important, notamment à travers l’alphabet qu’elle a défini, et s’est souvent substituée à l’État comme représentante de la nation, le pays étant rarement indépendant au cours de son histoire. Elle est considérée et se présente elle-même comme l’Église nationale des Arméniens, de telle sorte que l’appartenance ou l’affiliation à l’Église apostolique arménienne valent réaffirmation d’une identité nationale, même dans des circonstances et des milieux profanes ou de la part de personnes qui ne sont ni croyantes ni pratiquantes.

9 Nous allons focaliser notre attention sur l’Église apostolique, à laquelle les neuf dixièmes des Arméniens sont historiquement affiliés. Elle présente l’ensemble des marqueurs identitaire religieux arméniens utilisés lors des cérémonies du 24 avril. Mais il faut néanmoins souligner que les catholiques arméniens et les évangéliques arméniens participent pleinement aux commémorations du 24 avril, et adoptent globalement la même ligne de conduite. Cet article ne pourra traiter des nuances existantes entre ces différentes Églises, nuances réelles bien que rares.

10 P. Ricoeur, 2003, p. 95, parle de « conduites de deuil ».

11 J. Michel, 2010, p. ix.

12 P. Ricoeur, 2003, p. 96.

13 La Turquie n’a jamais reconnu le génocide perpétré en 1915 et dans les années suivantes.

14 S. Latté, 2015, p. 11.

15 En Arménie, depuis l’indépendance de 1991, l’expression religieuse (qui culmine en 2015 avec la canonisation de l’intégralité des morts-martyrs du génocide par le catholicos, chef suprême de l’Église apostolique arménienne) est logiquement, au vu de l’importance identitaire de la religion apostolique, bien plus explicite : elle n’a pas à fusionner ou à composer avec la culture d’un pays d’accueil. Voir H. Tchilingirian, 2007.

16 Voir par exemple N. Azarian, 2008, ainsi que P. Bogossian-Porto, 2018.

17 Il est notable que ce sont très souvent des sociologues, journalistes ou historiens d’origine arménienne qui écrivent. Il y a une connaissance préalable, et surtout une sympathie et une adhésion évidente pour le sujet.

18 La Fédération révolutionnaire arménienne (FRA-Dachnaktsoutiun, ou parti dachnak) est le parti arménien le plus puissant en diaspora, historiquement assimilé au socialisme, mais avant tout nationaliste et opposé aux communistes au pouvoir en Arménie soviétique par le passé. Le parti est créé en 1890 à Tiflis par des intellectuels et étudiants originaires du Caucase. Ses objectifs sont la défense des populations arméniennes de l’Empire ottoman et leur émancipation sociale. C’est ce parti qui a été à la tête de la brève République d’Arménie de 1918-1920. Le parti dachnak domine à ses débuts très largement la diaspora, puis perd en influence, avant le rebond des années 1960. Le parti a longtemps fait de la lutte pour l’indépendance son cheval de bataille, davantage que la question de la reconnaissance du génocide, avant d’investir massivement ce terrain à partir des années 1970.

19 Il s’agit du journal du Nor Seround, l’organisation de jeunesse du parti dachnak.

20 L’Église apostolique en est à l’origine dès 1919, en mémoire des défunts, et c’est également elle qui donne l’impulsion en 1965. Le maintien de son rôle dans la cérémonie s’explique aussi par son apport initial.

21 Avril 1965, no 97 en première page.

22 Apostolique, catholique et évangélique, basées à Paris ou en région parisienne pour l’Église évangélique arménienne.

23 Sur ces discours relatifs au « bon Arménien » ou à la « bonne intégration », voir M. Hovanessian, 1992 et B. Adjemian, 2020.

24 B. Adjemian, 2020, p. 184, et p. 215-217, note bien la présence accrue des élus locaux aux commémorations et aux inaugurations, y compris à la consécration d’églises arméniennes (Saint-Nechan à Pont-de-Chéruy en 1980, église Saint-Grégoire l’Illuminateur à Saint-Étienne en 1984, etc.).

25 S. Latté, 2015, p. 15.

26 Ibid., p. 11-12.

27 N. Palluau, 2009.

28 S. Latté, 2015, p. 15.

29 A. Prost, 1984, p. 201-205.

30 Comme le souligne Simon Perego (2020, p. 269), qui note que le succès de cette pratique en France dans l’entre-deux-guerres s’inscrit dans le cadre d’un État laïque et d’une société de plus en plus sécularisée.

31 B. Adjemian, 2020, p. 251, note aussi l’omniprésence des drapeaux, qui ne font plus débat depuis l’indépendance de l’Arménie, et la présence des deux hymnes nationaux.

32 S. Perego, 2020, p. 287-288.

33 S. Perego, 2020, p. 271.

34 Sur cette expression et son utilisation dans le cadre des cérémonies commémoratives du 11 novembre, voir A. Prost, 1984, p. 216.

35 Sur cette notion, voir S. Ledoux, 2016.

36 S. Perego, 2020, p. 155.

37 A. Alvarez Hernandez, 2015, p. 160-163.

38 Les premiers monuments datent des années 1970, mais leur plein déploiement intervient à partir des années 1990.

39 Gamk du 26 avril 1996.

40 A. Alvarez Hernandez, 2015

41 M. Hovanessian, 2004, p. 133.

42 A. Prost, 1984, p. 211-212.

43 Voir Le Progrès du 25 avril 1975 ; Armenia, no 15, mai 1976, p. 19 ; Le Dauphiné Libéré du 25 avril 2007.

44 Conseil paroissial composé de laïcs administrant l’église apostolique locale.

45 De nombreuses villes ou communautés arméniennes de la diaspora ont vu se créer des « Unions nationales arméniennes » dans l’entre-deux-guerres, rassemblant les représentants des diverses organisations et Églises qui les composaient. Localement, l’UNA a longtemps eu le rôle le plus important dans l’organisation de la communauté, et est restée très proche des différentes Églises.

46 La Provence du 26 avril 1991. Albert Khazinedjian est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’Église apostolique arménienne, et un orateur très présent dans les cérémonies du 24 avril célébrées dans le sud de la France.

47 Le Dauphiné Libéré, 25 avril 1979.

48 Le Dauphiné Libéré, 25 avril 1998.

49 France Arménie, no 74, mai 1988, p. 12.

50 France Arménie, no 62, mai 1987, p. 8-10.

51 B. Adjemian, 2020, p. 251.

52 D. Hervieu-Léger, 1993, p. 182.

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Pour citer cet article

Référence papier

Ronan Lagadic, « La cérémonie du 24 avril en France »Études arméniennes contemporaines, 15 | 2023, 213-235.

Référence électronique

Ronan Lagadic, « La cérémonie du 24 avril en France »Études arméniennes contemporaines [En ligne], 15 | 2023, mis en ligne le 01 avril 2024, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eac/3374 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/eac.3374

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Auteur

Ronan Lagadic

Doctorant Université Lyon 2, LARHRA

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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