Navigation – Plan du site

AccueilNuméros15ÉtudesHay Baykar (« Lutte arménienne »)...

Études

Hay Baykar (« Lutte arménienne »),
périodique protestataire arménien dans le sillage de Mai 68

Hay Baykar (“Armenian Struggle”), An Armenian Protest Periodical in the Wake of May ’68
Sophie-Zoé Toulajian
p. 97-120

Résumés

Consacré à l’étude d’un périodique arménien d’extrême gauche (Hay Baykar ou « lutte arménienne »), en France à la fin des années 1970, cet article croise l’histoire sociale de la diaspora arménienne, à travers la question des circulations et de l’hybridation, et la sociologie des mobilisations à l’aune de l’historiographie renouvelée de Mai-Juin 1968. Il se propose d’analyser ce journal protestataire comme un exemple emblématique d’une histoire connectée. En effet, Hay Baykar possède de nombreuses caractéristiques qui l’apparentent à l’extrême gauche française, notamment des acteurs dotés en capital culturel. D’autre part, il articule les héritages endogènes de lutte arménienne avec les expériences exogènes de l’extrême gauche internationale, quand il se réapproprie le marxisme et le tiers-mondisme. Enfin, une lecture diachronique du journal permet, en articulant les échelles, diasporique, nationale et locale, de proposer une périodisation du mouvement Libération arménienne qui le porte, et ainsi de réfléchir sur les multiples temporalités dans lesquelles s’inscrit une diaspora.

Haut de page

Texte intégral

  • 1 L. Mathieu, 2009.
  • 2 L’appel à la manifestation du groupe est publié dans Libération du 24 avril 1976.

1Prolongeant la dynamique contestataire engagée en Mai-Juin 1968, la décennie des années 1970 constitue « un âge d’or des luttes »1 en France, autonomes vis-à-vis du pouvoir politique et interdépendantes. Mouvements régionalistes, revendications des minorités, ces luttes sont souvent portées par des acteurs jeunes et d’extrême gauche. Parmi celles-ci, le groupe « Libération arménienne », apparu au début des années 1970, représente une tentative pour actualiser la question arménienne en France : une question nationale non résolue et un crime de génocide, perpétré en 1915 par l’Empire ottoman, non reconnu. Le groupe réunit à l’origine quelques militants proches de l’Union des étudiants arméniens d’Europe (UEAE), qui organise un meeting de solidarité à la Cité internationale universitaire de Paris, le 26 avril 1972, intitulé « Trois peuples en lutte. Arméniens, Kurdes, Turcs ». Il se manifeste ensuite en avril 1973 par une double action d’éclat contre le consulat turc et les bureaux de la Turkish Airlines à Paris. Puis une partie des acteurs quitte le groupe et de nouveaux militants s’y agrègent. Son émergence coïncide alors avec le début de la lutte armée menée contre des diplomates et des objectifs turcs, et il s’exprime la première fois, en tant que groupe constitué sur la scène publique, lors de la commémoration du génocide le 24 avril 19762, qu’il contribue à transformer en manifestation.

  • 3 Archives de la préfecture de Police, FD282, Manifestation des Arméniens pour la commémoration des m (...)
  • 4 Archives nationales [AN] 20030072/8 : Le MNA, Communauté arménienne : « Le MNA suspend ses activité (...)
  • 5 Expression de Jean-Claude Olmi (1972). Nous revenons plus loin sur les caractéristiques de cette pr (...)
  • 6 Ce vocable regroupe des mouvements variés. Isabelle Sommier étudie les « gauchismes » en 2008 et le (...)

2Caractérisé par sa volonté de lutter « contre l’impérialisme » turc et décrit par la police comme un périodique « d’expression subversive »3, son journal Hay Baykar (« Lutte arménienne ») est créé en mars 19774. Il est le seul journal de la diaspora arménienne en France qui se situe à la croisée de deux espaces médiatiques : celui de la presse « sauvage »5, qui concerne alors une partie de la presse d’extrême gauche française6, et celui de la presse communautaire. De ce fait, Hay Baykar constitue un exemple très parlant pour comprendre les liens qui unissent les luttes et la manière dont une diaspora articule et se réapproprie des référents et des pratiques protestataires pluriels, liés à sa double appartenance, arménienne et française.

  • 7 P. Artières et al., 2008.
  • 8 L. Bantigny et al., 2017.

3La présente étude croise l’histoire sociale des diasporas, à travers la question des circulations et de l’hybridation, et la sociologie des mobilisations à l’aune de l’historiographie renouvelée de Mai-Juin 1968, qui a opéré un triple déplacement. En effet, l’historiographie de Mai opère un déplacement dans le temps, avec l’expression « les années 68 »7, qui désigne une période qui se prolonge jusqu’en 1981. Nous insisterons dans cet article sur cette époque de forte imbrication protestataire arméno-française du journal. L’historiographie propose aussi un décentrement dans l’espace, en soulignant les multiples connexions entre les lieux alors agités par des poussées révolutionnaires8. Le journal Hay Baykar, qui regarde du côté d’autres espaces en lutte, est justement l’une des expressions de ce décentrement. Enfin, les travaux récents sur Mai 68 s’intéressent aussi à d’autres acteurs de la contestation, ce que nous nous proposons de faire dans cet article, puisque les Arméniens de « la gauche alternative » n’ont jamais été étudiés jusqu’à présent. Mai-Juin 68 ne joue pas un rôle matriciel dans la vie de ces militants, la majorité étant alors très jeune, mais le contexte de forte mobilisation des « années 68 » a pu contribuer à donner une impulsion à leur engagement en faveur de la question arménienne et peut éclairer leur politisation.

  • 9 La FRA est créée à Tiflis en 1890. La JAF est fondée le 14 juillet 1945 et l’UCFAF le 18 juin 1949.

4Ce qualificatif de « gauche alternative » permet de caractériser le corpus idéologique d’un mouvement critique de la gauche institutionnelle, et de le situer dans l’offre associative arménienne. Libération arménienne se pose en effet en alternative aux deux mouvances arméniennes opposées qui structurent la diaspora et qui s’opposent depuis les années 1920 sur le soutien à apporter ou non à l’Arménie soviétique. Les militants de cette gauche alternative arménienne considèrent alors comme archaïques les organisations plus anciennes que sont la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA ou Dachnaktsoutiun) d’une part, partisane d’une Arménie indépendante, et d’autre part l’UCFAF (Union culturelle française des Arméniens de France) et la JAF (Jeunesse arménienne de France), qui soutiennent l’Arménie soviétique9. La FRA Dachnaktsoutiun et la JAF-UCFAF sont proches des forces traditionnelles de la gauche française, le parti socialiste (PS) pour la première et le parti communiste français (PCF) pour la seconde.

  • 10 J. Pagis, 2015.
  • 11 Y. Lequin, 1980, p. 149-166. Pour la première période (1977-1980), nous avons rencontré presque tou (...)

5Deux types de sources, externes et internes à la communauté arménienne, sont mobilisées et croisées dans le cadre de cette recherche. Les premières s’appuient sur la documentation versée par la Direction centrale des Renseignements généraux (DCRG, ministère de l’Intérieur) aux Archives nationales, sur les archives de la préfecture de Police et sur les archives du ministère des Affaires étrangères. En effet, comme tous les mouvements d’extrême gauche depuis Mai-Juin 1968, et en raison du soutien du journal à la lutte armée, le groupe est surveillé. D’autre part, pour ce qui est des sources externes à la communauté arménienne, l’étude mobilise également la presse française d’extrême gauche (Rouge et Libération). Quant aux sources internes, elles reposent sur le journal Hay Baykar et sur un corpus de sources orales, construit au fil d’une trentaine d’entretiens semi-directifs qui ont visé à questionner le lien entre « matrice et pratique »10 de l’engagement des militants ayant participé à l’aventure du journal11.

6Nous nous proposons en somme d’étudier ce journal protestataire comme un exemple emblématique d’une histoire connectée. En effet, Hay Baykar possède de nombreuses caractéristiques qui l’apparentent à l’extrême gauche française. D’autre part, il articule les héritages endogènes de lutte arménienne avec les expériences exogènes de l’extrême gauche internationale. Enfin, une lecture diachronique du journal permet de proposer une périodisation du mouvement Libération arménienne en le situant à la fois à l’échelle diasporique, nationale et locale.

Les caractéristiques d’un périodique d’extrême gauche français : des acteurs dotés en capital culturel

Esquisse de sociologie de « jeunes gens en colère »

  • 12 M. Devriese, 1989, p. 11-16. Ce découpage, qui souligne le caractère matriciel du génocide, est bie (...)
  • 13 G. Noiriel, 1985.
  • 14 AN 20030072/1, Communautés et organisations (1970-1999) : Quatre études sur les Arméniens en France (...)

7Les militants arméniens qui participent au journal sont au croisement de deux histoires. Dans l’histoire de l’immigration arménienne en France, ils appartiennent surtout à la troisième génération migratoire — le terme de génération étant entendu ici au sens de groupe d’âge vivant dans un même cadre socio-historique et partageant les mêmes expériences12. Les historiens de l’immigration ont démontré que cette génération revendiquait d’avantage ses racines13. Leurs grands-parents, rescapés du génocide de 1915 et arrivés en France dans les années 1920, vivaient dans l’entre-soi. Puis leurs parents, nés en France, se sont intégrés au tissu social français et sont entrés dans une dynamique de mobilité sociale. En France, le journal Hay Baykar constitue une « prise de parole », révélatrice de l’éveil de la génération du Baby-Boom, née dans les années 1950, accédant à un certain confort matériel et un capital culturel. En effet, les militants ont bénéficié de la massification scolaire et universitaire. Grâce à l’accès aux études supérieures, ils se sont dotés d’une capacité critique. L’équipe du journal tourne autour d’une dizaine de personnes, dont quelques-unes qui y écrivent régulièrement, mais nous pouvons aussi inclure ses vendeurs et diffuseurs, tous militants à Libération arménienne, soit 40 à 50 personnes en région parisienne à la date de la création du journal et 150 à 200 après 198114.

  • 15 J. Périgaud, 1974, p. 41-54.
  • 16 En 1977, année de création du journal, excepté quelques militants nés avant 1950, le photograveur a (...)

8Quelques caractéristiques communes se dégagent, au-delà des singularités de chacun des membres du groupe. En 1977, quand le journal est créé, sur 25 militants interrogés, presque tous sont nés en France, sauf trois : l’un est né en Turquie, un autre en Irak, mais tous deux, venus jeunes en France, y ont été scolarisés. Le troisième, originaire d’Amérique latine, a, de par son passé militant, pu contribuer à donner un cadre théorique au journal. Quelques militants sont issus d’un mariage mixte (père ou mère arménien), phénomène nouveau de l’après-guerre15. Les hommes sont plus nombreux, mais quelques femmes écrivent régulièrement dans Hay Baykar et y trouvent un espace pour s’exprimer. Une partie des militants a fréquenté des associations arméniennes de jeunesse, dont elle s’est ensuite éloignée : l’UEAE, le Nor Seround, « Nouvelle génération », toutes deux organisations de jeunesse liées à la FRA Dachnaktsoutiun, et la JAF. Les militants, très jeunes16, lycéens ou étudiants à l’université (en sciences humaines, en lettres, en sciences…), ont fréquenté des établissements politisés et se sont familiarisés avec des pratiques militantes, meetings ou manifestations (par exemple contre la guerre du Vietnam, ou contre le Chili de Pinochet). Quelques-uns se sont formés à Vincennes, université avant-gardiste, et rappellent son rôle dans la construction de leur culture politique. Cet esprit contestataire des années 1970 en France contraste selon eux avec le silence sur la question arménienne.

  • 17 F. Joshua, 2013, p. 203-233.

9Ces jeunes gens « en colère » 17ont des traits en partie communs avec une autre communauté diasporique en France. En effet, en Mai-Juin 68, des juifs d’extrême gauche, ayant des ascendants rescapés d’un génocide et socialisés, pour certains d’entre eux, dans un entre-soi communautaire, transforment leur colère « en puissance d’agir » dans un contexte protestataire. Ils aspirent à participer aux luttes à l’échelle internationale pour retrouver une forme de dignité. Les jeunes militants de Libération arménienne cherchent, eux aussi, à s’inscrire dans l’histoire des luttes mondiales. Mais si leur lutte s’alimente de références internationales, c’est au service de la question arménienne, et non pour s’ouvrir sur un autre horizon, à la différence des militants juifs d’extrême gauche en 1968. Héritage d’un passé de luttes différent à la fin du 19e siècle, ou encore spécificités d’un génocide non reconnu, les raisons sont multiples qui permettent d’expliquer ces divergences.

L’appartenance à la presse « sauvage »

  • 18 C. Mouradian, 1990.
  • 19 Cela correspond au changement de nom du groupe, Libération arménienne devenant le Mouvement nationa (...)
  • 20 Hay Baykar no 21, avril 1980, p. 18.
  • 21 AN 20030072/1, Communautés et organisations (1970-1999), Notes sur la communauté arménienne (1970-1 (...)
  • 22 Archives du ministère des Affaires étrangères [AMAE], Turquie-Europe. 1981-1985. 1930 INVA/5573. Le (...)

10L’étude matérielle du journal et de son fonctionnement permet de saisir son appartenance à la presse sauvage. En l’absence d’État arménien indépendant, la presse arménienne a toujours constitué un lien entre les Arméniens dispersés dans le monde18. En France, chaque mouvance politique arménienne possède son ou ses propres périodiques. Un quotidien entièrement écrit en arménien existe depuis 1925, Haratch (« En avant »), qui se vend à quelques milliers d’exemplaires. Sauvage, Hay Baykar, qui tire entre 1 000 et 2 000 exemplaires, l’est par sa forme et ses conditions de production. Sa pagination (entre 8 et 24 pages) est variable. Il en va de même de sa périodicité : elle est d’abord mensuelle, puis, après une éclipse de quelques mois entre avril et octobre 1980, le journal reparaît à l’occasion de la défense des prisonniers politiques, ce qui redynamise le groupe et lui permet de sortir de sa dimension groupusculaire. Puis sa parution devient bimensuelle en mars 198219. L’usage d’un papier parfois moins coûteux (d’avril 1980 à février 1982), le doublement du prix de vente (de 5 à 10 francs en décembre 1979), le fait que le journal sollicite souvent des dons auprès de ses lecteurs20, traduisent des difficultés financières, au point que les RG annoncent « la disparition prochaine de Hay Baykar »21. L’État français surveille le journal, à la demande de la Turquie qui l’accuse de faire l’apologie du crime contre elle, mais il le poursuit pour un autre motif : comme toute presse sauvage, le journal n’a pas déposé la demande de dépôt légal22.

  • 23 « Libération arménienne répond à 12 questions », Hay Baykar no 2, avril 1977, p. 4.
  • 24 Hay Baykar no 11, mai 1978, p. 2.

11L’horizontalité et la collégialité caractérisent le journal. L’impertinence du ton et l’esprit frondeur, qui sont l’occasion d’un renouvellement des liens entre la presse et ses lecteurs, traduisent le goût des militants, bénévoles, pour la provocation, avec des débats parfois vifs et animés. Les référents historiques sont caractéristiques d’une partie de l’extrême gauche française, avec une référence appuyée à la résistance, pour se présenter en nouveau partisan, et désigner l’ennemi, la Turquie, à qui est accolé le qualificatif récurrent de « fasciste ». Quant aux concurrents, la FRA et la JAF-UCFAF, ils sont accusés de « collaborer », et de « pétainisme »23. La volonté d’instaurer le collectif se traduit par l’anonymat et par l’usage des initiales en signature des articles. Pour les articles critiques sur l’Arménie soviétique, on devine celles de militants anciennement proches de la JAF. Elle se traduit aussi par l’usage de pseudos, comme le font les militants de la LCR, avec des références empruntées explicitement à gauche comme « JPS » pour Jean-Paul-Sartre ou « le chroniqueur rouge » et par la signature à deux. Le style est parfois volontairement grossier : un témoignage, dans le courrier des lecteurs, sur la manifestation violemment réprimée du 24 avril 1978, s’achève par un « je vous emmerde »24.

  • 25 AN 20030072/1, Communautés et organisations (1970-1999), Notes sur la communauté arménienne (1970-1 (...)

12Les liens de solidarité avec la presse d’extrême gauche française prennent des formes multiples. Des connexions s’établissent concrètement avec deux titres : le journal trotskiste de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Rouge, et Libération, dont les journalistes sont d’anciens maoïstes. Ces liens se traduisent par l’usage clandestin des locaux du journal Libération, rue de Lorraine à Paris, pour la réalisation de la maquette de Hay Baykar. Cet emprunt est rendu possible par le fait qu’un ancien militant de la Gauche prolétarienne, désigné par les RG comme étant de 1969 à 1971 « l’un des principaux agitateurs gauchistes au lycée Bergson à Paris »25 et qui a travaillé à l’Agence de presse Libération (APL), y est photograveur, et qu’il reconvertit pour Hay Baykar son capital militant. Son passage de la Gauche prolétarienne à un militantisme plus identitaire peut être lu comme l’échec de la révolution sociale en France, relayé par le soutien à la cause des immigrés et des Palestiniens. L’impression de Hay Baykar se fait ensuite chez Rouge, à la librairie de la LCR à Montreuil. Plusieurs témoins évoquent les nuits blanches passées à Libé, « qui ferme les yeux », et les liens avec la Ligue. Au bout de deux ans, le journal achète du matériel et loue son propre local.

  • 26 Rouge, 24 avril 1977 et 28 avril 1978.
  • 27 Libération, 1er février 1979.
  • 28 Rouge, 25 avril 1978.
  • 29 « Merci la police », Hay Baykar no 11, mai 1978, p. 4.
  • 30 Entretien avec Charlie Sansonetti, avril 2019.
  • 31 Hay Baykar no 14, décembre 1978, p. 14.
  • 32 J.-P. Salles, 2005.

13La coopération s’exprime aussi par le soutien actif de ces journaux de gauche, qui relaient des informations de Hay Baykar, comme les annonces des manifestations du groupe : ainsi la manifestation du 24 avril 1977 ou le meeting du 28 avril 197826 sont cités dans Rouge. De son côté, Hay Baykar s’inspire de ces quotidiens. Il reprend la une de Libération, « l’Arménie saigne à Moscou »27, et son écriture reproduit le style incisif de Rouge, prompt à dénoncer toute intervention policière, assimilée au « fascisme ». Ainsi, Rouge titre, pour le compte-rendu de la manifestation réprimée du 24 avril 1978, « les flics n’aiment pas les Arméniens »28, auquel Hay Baykar semble répondre ironiquement : « Merci la police »29. Les dessins qui paraissent dans Hay Baykar sont imprégnés de contre-culture. Ils sont, selon l’un des dessinateurs, « une façon d’être politiquement incorrect »30. Ainsi l’un de ces dessins montre-t-il une femme qui, seins nus et armée d’une kalachnikov, interpelle le lecteur en ces termes : « Alors c’t’abonnement ça vient ! »31. Apostrophe qui résonne comme un écho à la question : « T’as pensé à t’abonner à Rouge ? »32 paru quelques années plus tôt, surmontée du dessin d’un revolver. Ces illustrations puisent aussi leurs références dans d’autres journaux satiriques, comme Charlie Hebdo, et permettent de pallier la difficulté de payer des droits pour les reproductions photographiques.

Figure 1 Hay Baykar no14, décembre 1978

Collection Bibliothèque Nubar de l’UGAB, Paris

  • 33 C. Polac, 1994, p. 359-386.
  • 34 « Sans frontière », Hay Baykar no 18, septembre 1979, p. 11
  • 35 « Marxistes-léninistes et cause arménienne », Hay Baykar no 11, mai 1978, p. 7.

14Des liens plus informels existent avec d’autres journaux, comme le journal Sans Frontière33 qui soutient les immigrés et que Hay Baykar mentionne34, de même qu’il cite les journaux français d’extrême gauche qui analysent la question arménienne selon une grille de lecture marxiste. Comme dans le cas du Quotidien du peuple, organe du Parti communiste révolutionnaire (PCR), auquel Hay Baykar fait écho, affirmant que « les marxistes-léninistes français sont pour la cause arménienne » et qu’ils voient, dans la cause arménienne, « l’illustration des conséquences négatives pour les peuples de la lutte entre l’impérialisme américain et l’hégémonisme soviétique »35.

Le journal, objet et acteur de la protestation

  • 36 « Arméniennes, le réveil », Hay Baykar no 6, novembre 1977, p. 3.
  • 37 « Irlande, 600 ans de luttes », Hay Baykar no 7, décembre 1977, p. 6.
  • 38 Les numéros 7 et 8 (décembre 1977 et janvier 1978) comprennent un entretien avec Anahide Ter Minass (...)
  • 39 « Soutenez Hay Baykar », Hay Baykar no 13, octobre 1978, p. 15.
  • 40 Hay Baykar no 15, février-mars 1979, p. 2.
  • 41 « Libération arménienne à Lyon », Hay Baykar no 14, décembre 1978, p. 2.

15L’horizon du journal est révolutionnaire. Il comprend un éditorial, un courrier des lecteurs, des analyses sur les territoires arméniens : diaspora, Turquie, Arménie soviétique, dont sont issues certaines sources d’information, parfois anonymes. Les militants se rendent aussi au Liban pour tenir les lecteurs informés de l’actualité de la lutte armée. Des pages sont consacrées aux multiples luttes, celle des femmes36, ou celles d’autres peuples37, et aux comptes-rendus des actions militantes. Le journal comporte aussi des pages histoire38 et des pages culture, teintées d’anti-autoritarisme. Ses méthodes de diffusion font cohabiter dynamiques communautaires et pratiques de l’extrême gauche : le journal se vend par abonnement (le journal en revendique 380 en 1978)39, mais aussi lors d’événements communautaires arméniens – comme à la sortie de l’église –, dans divers lieux de vente arméniens. Il est également vendu dans des librairies amies, comme celle de la CFDT à Lyon, la librairie « Le soleil ». À l’instar d’autres titres d’extrême gauche, le journal est un enjeu de luttes lors de sa vente. Plusieurs articles parus dans Hay Baykar rapportent les tentatives des deux mouvances politiques opposées, les membres du parti Dachnaktsoutiun et ceux de la JAF, pour en empêcher la diffusion lors d’événements que le groupe Libération arménienne organise. Le 24 avril 1978, des militants se font molester lors de la vente du journal à Marseille40. Lors d’une distribution de tracts annonçant la création d’une section de Libération arménienne en Rhône-Alpes et lors de la vente de journaux à la Maison de la Culture arménienne de Décines, en septembre 1978, le comité d’accueil des militants dachnaks appelle la police41. Dans le paysage politique arménien, Hay Baykar « dérange ». Mais s’il est vendu surtout à un public arménien jeune et de gauche, des militants d’autres mouvances politiques le lisent aussi. Le journal est diffusé dans les trois principaux pôles de la communauté arménienne en France : en région parisienne, où se situe l’équipe rédactionnelle ; en région Rhône-Alpes à partir de février 1978, auprès d’une militante, avant que le journal ne se dote d’un local, situé rue de la Lanterne ; et enfin à Marseille. L’espace de distribution du journal épouse celui du développement du mouvement.

Figure 2 Hay Baykar no11, mai 1978

Collection Bibliothèque Nubar de l’UGAB, Paris

  • 42 Entretien avec Stéphane Indjeyan, juin 2017.
  • 43 « Pour une manif interdite. 10 manifs sauvages », Hay Baykar no 11, mai 1978, p. 5.
  • 44 D. Tartakowsky, 2005 et Hay Baykar no 11, mai 1978, p. 5.
  • 45 AN 20030072/8 : Le MNA. Note des RG. Les Arméniens dans le défilé du 1er Mai. 27 avril 1977.
  • 46 Hay Baykar no 14, décembre 1978, p. 15.
  • 47 « À propos de l’occupation des locaux de la Turkish Airlines », Hay Baykar no 26, juin 1981, p. 5.
  • 48 É. Pellissat, 2005, p. 71-93.

16Comme d’autres titres de la presse sauvage, Hay Baykar cherche à impulser les luttes sur le terrain qui participent à la cohésion du groupe. Il constitue un support appréciable pour donner une existence concrète au mouvement politique tout en actualisant la question arménienne. Stéphane formule ainsi la raison d’être du journal : être « l’expression du mouvement politique »42. Parmi les actions militantes, on peut mentionner les manifestations, dont celles du 24 avril, journée commémorée depuis 1919 et qui marque le début du génocide, initié par la rafle des intellectuels arméniens. Leur interdiction par les autorités françaises est bravée en 1976 et 1977 : pour Hay Baykar, « chaque jour doit être un 24 avril ». Les manifestations « sauvages », dans les rues de Paris (Cadet, Belleville), évoquées par de nombreux militants et dans les colonnes du journal, sont une réponse aux manifestations interdites43. D’autre part, les manifestations du 1er mai permettent d’inscrire la question dans une dimension internationale44. Une note des RG rappelle à ce propos que que la fête des travailleurs doit permettre au groupe arménien d’affirmer une « existence en dehors du 24 avril et la solidarité avec les autres peuples ». Elle relève ainsi que les Arméniens « défileront sous leur propre banderole et dans la fraction du cortège suivant le défilé syndicaliste » 45. En outre, Hay Baykar rend compte des actions de propagande qu’il soutient dans sa lutte sur deux fronts, l’Arménie soviétique et la Turquie, comme par exemple les seaux de peinture jetés sur la moto d’un ambassadeur soviétique en novembre 1978 par le groupe Nazarian46. Enfin, il mentionne les occupations de locaux, comme ceux de la Turkish Airlines à Paris, le 11 juin 198147. Ces actions exemplaires lui permettent de se démarquer des autres acteurs du militantisme arménien. La prise de possession d’un bâtiment est un moyen d’action et de pression48 ; elle est le mode d’action privilégié des groupes d’extrême gauche, jouant sur l’illégalité, le spectaculaire, sans jamais recourir à la violence. Mais si ces actions permettent de publiciser la question arménienne dans l’espace public, elles ne constituent pas, tout comme les actions de la Gauche prolétarienne en son temps, « l’étincelle » qui réveille le peuple.

Créer un espace arménien transnational de protestation

Une résistance arménienne connectée : France, Moyen Orient, diaspora

  • 49 «50e anniversaire de la mort d’Antranig », Hay Baykar no 5, octobre 1977.
  • 50 « Ces Arméniens morts pour la France », Hay Baykar no 41, 27 octobre 1982 au 10 novembre 1982, p. 8 (...)

17Le journal Hay Baykar se dote d’un panthéon de figures arméniennes incarnant la résistance. La figure d’Antranig, « le fédaï »49, général arménien ayant lutté contre l’Empire ottoman, est ainsi convoquée dans le journal et dans l’espace de protestation des militants. Ceux-ci se rendent sur sa tombe au père Lachaise, lors du 24 avril. Le journal consacre aussi plusieurs articles à Kourken Yanikian, qui à l’âge de 78 ans a abattu deux diplomates turcs à Los Angeles le 27 janvier 1973. Hay Baykar voit dans cet acte le début de la prise de conscience révolutionnaire et de la lutte armée, même si certains militants y voient plutôt une reconstruction. Enfin, la figure de Missak Manouchian constitue un exemple heuristique de circulation d’un modèle de lutte. La mémoire et le nom du résistant des FTP-MOI sont mobilisés par la Gauche prolétarienne et par la Nouvelle Résistance populaire, groupe armé qui a signé du nom du « groupe Manouchian » son action contre le journal d’extrême droite Minute en Mai 1971. De même, la Nouvelle Résistance arménienne (NRA), groupe armé que le journal soutient, se réapproprie la figure du résistant et signe son premier acte « le commando Missak Manouchian », en 1977. Par la suite, Hay Baykar consacre plusieurs articles à Missak Manouchian50. Il intègre ainsi à son histoire proprement arménienne celle du résistant, dont la figure s’est entretemps épaissie par son usage politique au sein de l’extrême gauche française. Ce faisant, Hay Baykar témoigne de la volonté de s’inscrire dans une dynamique de résistances conjuguées, arménienne et française.

  • 51 « 12 questions à Libération arménienne », Hay Baykar no 2, avril 1977, p. 4.
  • 52 « 6 septembre , Hay Baykar no 10, mars-avril 1978, p. 16.

18Le journal se situe dans une double dynamique, verticale, lorsqu’il s’inscrit dans l’héritage de la lutte arménienne, et horizontale, de soutien aux luttes des peuples du Moyen Orient, victimes de l’oppresseur turc. Partisan de l’indépendance de l’Arménie et de l’édification d’un état socialiste, il s’inscrit dans la lignée des fédaïs, combattants irréguliers qui, à la fin du 19e siècle, luttaient contre les troupes ottomanes. Hay Baykar soutient ainsi tous les groupes armés arméniens qui commettent des actions contre les diplomates turcs : l’Armée secrète arménienne de libération arménienne (ASALA) surtout, ainsi que la NRA et le Commando des justiciers du génocide arménien (CJGA), branche armée du parti Dachnaktsoutiun. Il reprend les communiqués des deux premiers, et appelle à des « foyers de guérillas constitués en Turquie, des opérations de commandos, à l’extérieur comme à l’intérieur des territoires occupés »51. Mais Libération arménienne n’est pas une armée ; son soutien au mouvement révolutionnaire armé reste politique, ce qui est confirmé par les rapports des Renseignements généraux. Dans sa volonté de dé-singulariser la question arménienne, il soutient d’autres peuples opprimés par les Turcs, comme les Kurdes ou les Chypriotes, évoqués dans les pages du journal52. D’autre part, Hay Baykar prend position pour les Palestiniens, qui pratiquent la lutte armée et avec qui les Arméniens du Liban se sont familiarisés. Ce soutien entre en résonance avec les soutiens de l’extrême gauche française.

  • 53 « Azad Hay, un mensuel révolutionnaire », Hay Baykar no 5, octobre 1977, p. 9.
  • 54 Hay Baykar no 19, décembre 1979, p. 2.
  • 55 Hay Baykar no 26, juin 1981, p. 7.
  • 56 B. Terzian, 1981, p. 71-88.

19Enfin, des liens transnationaux s’établissent avec les journaux arméniens de la même famille politique, comme Azad Hay (« Cause arménienne ») au Canada (cité par Hay Baykar en octobre 197753), Gaytzer (« Étincelles ») en Angleterre (cité en décembre 1978), le journal hollandais Baykar (« Combat », dont un article est reproduit dans Hay Baykar en septembre 1979), Nor Seround (« Nouvelle Génération ») aux États-Unis, Haydouk (« Partisan ») à Chypre. En Italie est créé Zeitoun (du nom d’une ville arménienne de l’Empire ottoman agitée par plusieurs insurrections dans la deuxième moitié du 19e siècle) en octobre 1979. C’est Lotta continua, quotidien de gauche, qui fait paraître dans son édition de septembre 1979 un texte que l’on peut voir comme le numéro zéro de ce bimensuel arménien54. Ici s’opère une double circulation : celle, entre les journaux révolutionnaires arméniens en diaspora, des idées d’extrême gauche anti-impérialistes et de défense de la lutte armée ; et celle qui, d’autre part, existe entre les journaux arméniens et ceux de la société d’accueil qui partagent les mêmes horizons politiques. Un exemple emblématique de la circulation des textes à l’échelle de toute la diaspora est l’article intitulé « Le problème du pouvoir en diaspora »55, écrit par Bédros Terzian, l’ancien rédacteur en chef du journal Yéridassart Haï56 (« Jeune Arménien »), édité au Liban de 1969 à 1975, qui appréhende la question arménienne sous l’angle marxiste. Paru dans le supplément littéraire du quotidien Haratch, intiulé Midk ev Arvest (« Pensée et Art »), cet article est reproduit dans Gaytzer en Angleterre, dans Azad Hay au Canada et dans Hay Baykar.

Le tiers-monde réapproprié

  • 57 « Quelques spéculations stratégiques », Hay Baykar no 16, avril 1979, p. 18-19.
  • 58 « De la révolte à la résistance », Hay Baykar no 8, janvier 1978, p. 8.
  • 59 « La nouvelle gauche arménienne face aux grands problèmes », Hay Baykar no 2, avril 1977, p. 9.

20Le journal Hay Baykar est le lieu d’expérimentations idéologiques donnant lieu à des métissages et à des syncrétismes inédits. La lutte de libération arménienne est reformulée dans une grammaire nouvelle intégrant les combats d’autres horizons, ceux du tiers-monde, réappropriés par les militants du journal, parfois à travers le filtre des militants arméniens du Liban, et par celui de l’extrême gauche en France. Pour actualiser la question arménienne, Libération arménienne inscrit son combat dans l’espace mondial des luttes. Des sélections s’opèrent lors du transfert, ainsi que des ajustements. Aussi des pays comme la Chine, l’Angola, ou le Vietnam sont des sources d’inspiration, et un article explique qu’« Erevan doit devenir le Hanoï de la libération des terres de l’Arménie »57. À cette fin, de multiples figures tiers-mondistes sont réacclimatées. Mais alors que l’extrême gauche française les dissocie, le journal les convoque toutes ensemble. Ainsi le guévarisme, dans lequel la LCR puise, doit permettre de légitimer la lutte armée en allumant des « foyers », inspirés du « foco », théorie de guerre révolutionnaire du Che Guevara. Le maoïsme, dont s’inspire la Gauche prolétarienne, est triplement mobilisé. Sur le plan discursif tout d’abord : le premier numéro du journal évoque la nécessité pour les Arméniens de faire leur « révolution culturelle », et le journal est émaillé de citations du petit livre rouge, détournées, telles que « la révolution arménienne n’est pas une révolution de gala »58. D’autre part, le maoïsme offre un cadre pratique, avec des actions spontanées de propagande, que préconise Hay Baykar dans l’espoir de s’appuyer sur la spontanéité révolutionnaire des peuples. Enfin, le maoïsme offre un cadre théorique, Hay Baykar luttant contre deux impérialismes à la fois : celui de la Turquie, alliée de l’OTAN et du bloc occidental, et celui de l’URSS. Comme le constate le journal, les Arméniens qui se retrouvent dans sa mouvance « prennent également conscience que leur principal ennemi est l’impérialisme, le fascisme turc […]. Parallèlement à ces mouvements, la contestation s’est développée en Arménie soviétique. Cette contestation qui n’est pas une contestation idéologique, mais qui est une mise en cause de l’autoritarisme de Moscou et du social-impérialisme, n’est pas en opposition avec la nouvelle gauche diasporique »59.

Figure 3 Hay Baykar no4, juin 1977

Collection Bibliothèque Nubar de l’UGAB, Paris

  • 60 « Porto Rico vitrine de l’impérialisme », Hay Baykar no 4, juin 1977, p. 8.
  • 61 L. Bantigny, B. Gobille, E. Palieraki, 2017.
  • 62 K. Ross, 2002.

21Hay Baykar opère une relecture de la question arménienne au prisme des révolutions mondiales, qui traduit une volonté de l’insérer et de la connecter à l’histoire mondiale. Cette perspective internationaliste, lorsque le journal ouvre ses colonnes à d’autres espaces en lutte, comme Porto Rico60, permet de créer une « communauté imaginée de révolution mondiale […], réinventée et réinterprétée »61. Par cette dynamique mimétique, le journal se situe dans la chaîne des révolutions des peuples opprimés en lutte. Il fonctionne comme un lieu expérimental, perméable aux héritages et à la croisée de transferts révolutionnaires d’un espace à l’autre, dont il n’est pas qu’une déclinaison conceptuelle. La référence au Tiers monde, et à travers lui au maoïsme et au guévarisme, permet aussi de faciliter l’adhésion à la cause de la lutte armée62, même si ces deux sources d’inspiration idéologique sont surtout présentes dans les premiers numéros, le début des années 1980 correspondant à la fin d’un cycle révolutionnaire à l’échelle mondiale.

Un marxisme arménisé 

  • 63 « La nouvelle gauche arménienne face aux grands problèmes », Hay Baykar no 2, avril 1977, p. 9.
  • 64 A. Ter Minassian, 1983.
  • 65 « Libération arménienne répond à 12 questions », Hay Baykar no 2, avril 1977, p. 4.

22L’usage du marxisme constitue un exemple de recyclage inventif effectué par le biais de multiples réajustements et accommodements. Il importe d’être attentifs aux cheminements et aux réinvestissements de ces emprunts, en veillant aux écarts et aux discordances. S’y lisent les strates de sédimentations idéologiques plurielles. Alors que le paradigme marxiste comme explication globale du monde commence à être contesté à la fin des années 1970, le journal prétend incarner « la nouvelle gauche arménienne »63, qui lutte contre deux fronts : la Turquie, à travers la question territoriale et celle de la reconnaissance du génocide, et l’Arménie soviétisée. L’utilisation du marxisme, reformulé pour la question arménienne, est révélatrice des usages hybrides qu’en fait un groupe diasporique. Il permet de qualifier la Turquie d’État oppresseur et les Arméniens de peuple opprimé, afin d’inscrire la question dans une dynamique de lutte politique à l’échelle mondiale. À la fin du 19e siècle, le marxisme avait déjà été réinterprété par les partis politiques arméniens64, et dans les années 1970, il l’est par l’ASALA, dont le journal diffuse les communiqués. Mais par un glissement sémantique, les négociations avec le marxisme sont multiples. De l’idée de luttes des classes, certes présente, n’est gardée essentiellement que le langage de la lutte de libération nationale, adapté à la situation régionale par les alliances avec les peuples du Moyen Orient : « le problème arménien étant objectivement un problème national, issu de la contradiction entre l’existence d’un peuple chassé de ses terres […] par l’impérialisme, la lutte du peuple arménien est une lutte de libération nationale anti-impérialiste. Partant, cette lutte constitue un aspect de la lutte des classes et doit être menée comme telle aux côtés des peuples de la région »65.

  • 66 « Le procès de Parouïr », Hay Baykar no 3, mai 1977, p. 4-5.
  • 67 Entretien avec Ara Toranian, juin 2017.
  • 68 Ces différents pôles correspondent aux différentes gauches alternatives françaises, avec les trotsk (...)

23D’autre part, les militants arméniens qui s’expriment dans Hay Baykar font cohabiter des référents que les militants de l’extrême gauche française séparent et cloisonnent. Ainsi, ils se disent marxistes-léninistes : « en tant que marxistes-léninistes, nous ne pouvons qu’être solidaires de tous ceux qui à l’Est comme à l’Ouest luttent pour le respect des droits de l’homme et le respect des droits démocratiques »66. Le responsable du groupe Libération arménienne convoque Lénine dans son entretien pour expliquer la création du journal : « dans toutes mes lectures, j’essayais de voir ce qui pouvait être utile à notre projet, c’est pour cela qu’en lisant Lénine, Que faire ?, je me suis dit qu’effectivement, il fallait faire un journal, que c’était une base très importante, pour regrouper les gens, rassembler, et j’ai créé Hay Baykar en 1977 avec mes amis »67. Le journal doit permettre, comme Lénine l’explique dans Que faire ?, de préparer les conditions objectives de la lutte. Mais quelques militants se disent aussi « mao-spontex », héritage de la première Libération arménienne. Cette expression est utilisée par leurs concurrents pour caractériser les spontanéistes à la fin des années 1960. Or ceux-ci, à la différence de Lénine, estiment qu’il faut agir d’abord et théoriser ensuite. Autre différence dont ces militants arméniens s’accommodent : comme les marxistes-léninistes, ils défendent l’idée d’avant-garde, et comme les spontanéistes, ils mettent l’accent sur le peuple. Le mouvement se distingue donc de l’extrême gauche française, divisée en courants idéologiques distincts. Puisqu’il s’agit de rassembler les jeunes Arméniens autour d’une dynamique de lutte, chaque militant a la liberté de puiser et de braconner dans le champ des possibles politiques de la gauche alternative. Ainsi, parmi eux, certains se qualifient de gauchistes, quand d’autres militants récusent le terme, trop péjoratif, et préfèrent se dire maoïstes. D’autres encore se situent dans la gauche non communiste, et quelques-uns se caractérisent comme étant anarchistes ou révolutionnaires. Si aucun ne se revendique comme étant trotskiste, cela n’empêche pas des liens amicaux avec la Ligue communiste révolutionnaire68.

  • 69 « Bombes arméniennes. Balles arméniennes au Vatican », Hay Baykar no 4, juin 1977, p. 4.
  • 70 Trois Arméniens sont exécutés le 30 janvier 1979, car ils sont accusés d’avoir commis un attentat d (...)

24Autre caractéristique qui témoigne d’une prise de distance avec le marxisme, le soutien à la dissidence en Arménie soviétique, crucial pour certains militants. En effet, le journal rejoint ici les reconversions de l’extrême gauche française à la fin des années 1970, incarnées par les nouveaux philosophes, en inscrivant la question arménienne dans la question des droits de l’homme. Ainsi, alors que pour l’extrême gauche française le soutien aux luttes tiers-mondistes précède de dix ans le soutien à la dissidence, les deux attitudes sont concomitantes au sein de Hay Baykar. Le journal relaie les informations du comité Paradjanov à Marseille, du collectif Paradjanov à Issy-les-Moulineaux et les comités de surveillance pour l’application des accords d’Helsinki69, qui dénoncent le totalitarisme soviétique. Cette critique de l’Est, très présente en France depuis la parution de L’Archipel du Goulag d’Alexandre Soljénitsyne en 1973, permet de donner un écho à la question arménienne et de nouer des alliances : ainsi un communiqué de Jean-Paul Sartre est lu au meeting du groupe le 28 avril 1978, et le journal en rend compte en couverture. De même, Jean-Paul Sartre se rend à la manifestation que le groupe organise pour les trois Arméniens fusillés à Moscou, en février 197970. L’abandon de cette ligne et le rapprochement avec l’ASALA, en 1980, sont à l’origine du départ de militants très actifs.

Étude diachronique : vers un journal plus communautaire ?

25L’évolution du journal correspond à celle de nombreux journaux d’extrême gauche en France, qui disparaissent (Rouge) ou se transforment (Libération) en raison d’un contexte de désillusion politique. Elle est liée aussi à son positionnement dans son rapport aux territoires de référence, la Turquie et l’Arménie soviétique, et à ceux de la diaspora. Trois périodes se distinguent, mais il convient d’être attentifs aux chevauchements des temporalités, les frontières étant poreuses entre les moments étudiés.

26Lors de la première période, de 1977 au début de l’année 1980, Hay Baykar est ancré à l’extrême gauche dans ses référents et ses pratiques. Il défend autant la lutte armée des Arméniens du Liban contre la Turquie, selon une grille de lecture marxiste, que la dissidence en Arménie soviétique. Sa lutte correspond à la fin d’un cycle de mobilisation, commencé 15 ans plus tôt après la guerre d’Algérie, et à sa reconversion vers d’autres types de mobilisation, comme le régionalisme, le féminisme, l’anti-racisme, ce vers quoi le journal tend alors par certains aspects. Cette inscription tardive dans l’histoire de l’ultra gauche française a été un moyen de réactualiser la question arménienne, et ce décalage s’explique car l’histoire de la diaspora arménienne obéit à plusieurs temporalités : celle de l’éloignement du génocide, ainsi que celles de l’histoire de l’immigration arménienne en France, de l’acclimatation à la culture politique française, de l’ascension sociale des descendants d’immigrés, qui rendent possibles et autorisent certaines formes de militantisme.

  • 71 À partir de cette date, suivant en cela l’ASALA, la référence au marxisme est moins prégnante. Voir (...)
  • 72 Les pages en arménien comprennent la traduction de l’éditorial, d’articles français, des résumés d’ (...)
  • 73 Excepté le numéro 5, en octobre 1977, qui comprend un très court texte en arménien.
  • 74 « Éditorial », Hay Baykar no 40, 13 octobre 1982 au 27 octobre 1982, p. 2.
  • 75 Communiqué du MNA, Hay Baykar no 30, mars 1982, p. 35.

27Lors de la deuxième période d’existence du journal, les horizons politiques se rétrécissent. De la fin de l’année 1980 jusqu’à la fin de l’année 1982, Hay Baykar adopte toujours une phraséologie marxiste, mais se concentre sur la défense de la lutte armée, mise en œuvre surtout par des Arméniens du Liban contre la Turquie. Le soutien à la dissidence en Arménie soviétique disparaît (mise à part une information publiée sur le cinéaste Sergueï Paradjanov) après un arrêt de publication de quelques mois du journal, entre juin et octobre 1980. Le rapprochement du journal avec l’ASALA devient plus évident, se traduisant notamment par la publication régulière dans ses pages d’extraits de la revue Hayastan, créée en 1980. Ce positionnement entraîne le départ de plusieurs militants qui refusent la soumission de Libération arménienne et de Hay Baykar à l’ASALA et souhaitent poursuivre leur soutien à la dissidence en URSS. Ils fondent en 1982 un journal, Résistance, qui donne la parole à tous les dissidents. En 1983, ces mêmes militants créent l’Organisation de rassemblement pour l’indépendance de l’Arménie (ORIA), qui se dote d’un mensuel à partir de 1986, Libération arménienne. Ils annoncent les transformations des luttes, puisqu’ils dénoncent, dans la deuxième moitié des années 1980, la gestion de l’environnement en URSS. De son côté, le groupe Libération arménienne, galvanisé par l’opération Van (la prise d’otages du consulat turc à Paris le 24 septembre 1981), change de nom en mars 1982 et devient le MNA, Mouvement national arménien, ASALA-Mouvement révolutionnaire71. Le passage à la bi-mensualité, le retour au papier de presse ordinaire, plus professionnel, l’insertion de la publicité, sont des signes de succès du journal. L’usage systématique de l’arménien, avec en moyenne 5 à 6 pages sur les 20 que compte le journal72, le français ayant été la langue exclusive jusqu’à la fin de l’année 197873, correspond à la volonté de répondre à une immigration du Liban plus importante et de gagner en crédibilité auprès de la communauté. Un supplément turc est aussi créé74 à la fin de l’année 1982, lié à l’arrivée migratoire en France d’Arméniens de Turquie. Le journal est alors à son apogée. Pour ses auteurs, il se situe toujours à gauche : la Turquie y est qualifiée de « fasciste et colonialiste »75. Toutefois, les idéaux révolutionnaires sont plus estompés, la ligne politique devient plus nationale, moins ouverte aux influences extérieures et moins imprégnée par les référents et les pratiques de l’extrême gauche.

  • 76 Qui est plus « incontrôlable » depuis son départ du Liban en raison de l’invasion d’Israël. En réal (...)
  • 77 J. Perera, 1984.

28Dans un troisième temps, la voie choisie est plus institutionnelle. À partir de la fin de l’année 1982, le groupe rompt avec le terrorisme aveugle de l’ASALA76, et retire l’acronyme ASALA de sa dénomination. Il devient, en avril 1983, le MNA Front démocratique. L’attentat d’Orly commis par l’ASALA, le 15 juillet 1983, contribue en partie à son isolement. Le nationalisme modéré qui le caractérise alors peut s’expliquer par le poids démographique de la communauté en France et donc par son poids politique77. La défense des prisonniers politiques occupe beaucoup le MNA, avec l’organisation de manifestations lors des procès d’activistes arméniens, la collecte d’aides financières en leur faveur, etc. Dans ce contexte, Hay Baykar conçoit de nouvelles alliances avec d’autres organisations arméniennes comme la JAF ou Solidarité Franco-Arménienne par exemple. Le journal se positionne davantage sur la reconnaissance du génocide par la Turquie et d’autres instances étatiques ou internationales.

  • 78 L. Mathieu, 2009. L’auteur explique ainsi tout cycle de vie militante.

29Cette évolution progressive du mouvement peut s’expliquer à trois échelles. À l’échelle macro tout d’abord, par la présence de la gauche au pouvoir en France depuis mai 1981 et donc la mise en suspens de la contestation, dans un contexte général de désillusion politique et de fermeture des horizons révolutionnaires. À l’échelle méso ensuite, par la question qui se pose à toute organisation militante d’extrême gauche, à savoir celle de rester cantonnée dans une dimension groupusculaire ou de s’élargir, et pour cela ne pas lutter sur plusieurs fronts à la fois et être en mesure de se réorganiser en cas de dissensions ou de scissions. À l’échelle micro enfin de tout cycle biographique militant78 : en âge de travailler et d’être parents, les personnes concernées continuent de militer, mais autrement.

*

30Le journal arménien Hay Baykar se situe dans la nébuleuse de l’après Mai-Juin 68 en France. Il est caractéristique de la presse sauvage élaborée par des militants d’extrême gauche et des étudiants politisés dans un contexte de forte mobilisation, et dont les référents et les pratiques s’inscrivent en partie dans des horizons révolutionnaires à l’échelle mondiale. Journal de diaspora, il a cherché à articuler le vertical – l’héritage de lutte arménienne à la fin du 19e siècle, couplé au traumatisme du génocide – et l’horizontal, à savoir l’inscription de la question arménienne dans les luttes radicales de l’extrême gauche, c’est-à-dire le lien noué avec des expériences protestataires françaises et internationales par des réappropriations multiples donnant lieu à des situations de rencontres inédites. Puis, entre la fin de l’année 1980 et la fin de l’année 1982, le journal quitte sa dimension groupusculaire et cherche à s’élargir à toute la communauté arménienne. Après une phase plus institutionnelle, il disparaît en 1988. S’il n’a pas contribué à ancrer son projet révolutionnaire, il a participé à la réactualisation de la question arménienne, tout en contribuant à éveiller l’intérêt des autorités françaises.

31Sur la base d’un si petit échantillon de militants, il est difficile de tirer des conclusions quant aux incidences biographiques de leur engagement, mais le journal a pu représenter un laboratoire par l’acquisition de compétences. Deux de ses principaux journalistes sont ensuite devenus des figures médiatiques, l’un en fondant en 1992, Nouvelles d’Arménie Magazine, mensuel toujours existant, et l’autre en se dirigeant vers la presse française à grand tirage, puis vers une revue française littéraire et politique. Si ces deux itinéraires ressemblent en partie à celui des acteurs parisiens de Mai-Juin 68, celui des autres militants se rapprochent des parcours de militants plus anonymes, qui ont reconverti leur capital militant. Ainsi un des dessinateurs a continué dans cette voie, certains militants sont devenus enseignants, autre élément de comparaison et de l’inscription de cette histoire arménienne en France qui reste à écrire.

Haut de page

Bibliographie

Artières Philippe, Zancarini-Fournel Michelle (dir.), Mai 68, une histoire collective (1968-1981), Paris : La Découverte, 2008.

Bantigny Ludivine, Gobille Boris, Palieraki Eugénia (dir.), Les « années 1968 » : circulations révolutionnaires, numéro spécial, Monde(s), 11, 2017.

Devriese Marc, « Approche sociologique de la génération », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 22, avril-juin 1989, p. 11-16.

Joshua Florence, « Nous vengerons nos pères, de l’usage de la colère dans les organisations politiques d’extrême gauche », Politix, 104, 2013, p. 203-233.

Lequin Yves, « À la recherche d’une mémoire collective, les métallurgistes retraités », Annales ESC, janvier-février 1980, p. 149-166.

Martin Laurent, « La “nouvelle presse en France” dans les années 1970, ou la réussite par l’échec », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2008, p. 57-69.

Mathieu Lilian, Les années 1970 : un âge d’or des luttes ? Paris : Textuel, 2009.

Mouradian Claire, « La presse arménienne en France », in Génériques (dir.), Presse et mémorie : France des Étrangers, France des libertés, catalogue de l’exposition organisée dans le cadre du bicentenaire de la Révolution, Paris : Mémoires Génériques, Éditions ouvrières, 1990.

Noiriel Gérard, «Immigration : le fin mot de l’histoire », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 7, juillet-septembre 1985, p. 141-150.

Olmi Jean-Claude, « La presse sauvage », Esprit, mars 1972, p. 477-499.

Pagis Julie, Mai 68, un pavé dans leur histoire, Paris : Les presses de Sciences Po, 2015.

Penissat Étienne, « Les occupations de locaux dans les années 1960-1970 : processus socio-historique de “réinvention” d’un mode d’action », Genèses, 59, 2005, p. 71-93.

Perera Judith, « Rupture et réaménagement dans le mouvement arménien », Le Monde diplomatique, août 1984.

Périgaud Jacques, « Le mariage mixte comme indicateur social de l’adaptation : le mariage franco-arménien », Ethnies, 4, 1974, p. 41-54.

Polac Catherine, « Quand les “immigrés” prennent la parole », in Pascal Perrineau (dir.), L’engagement politique. Déclin ou mutation ?, Paris : Presses de la fondation nationale des sciences politiques, 1994, p. 359-386.

Ross Kristin, Mai 68 et ses vies ultérieures, Marseille : Agone, 2002.

Salles Jean-Pierre, La ligue communiste révolutionnaire, Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2005.

Sommier Isabelle, « Les gauches alternatives vues de province », in Olivier Fillieule, Sophie Béroud, Camille Masclet, Isabelle Sommier avec le collectif Sombrero, Changer le monde, changer sa vie. Enquête sur les militantes et les militants des années 1968 en France, Paris : Actes Sud, 2018.

Sommier Isabelle, « Les gauchismes », in Bernard Pudal Bernard, Boris Gobille et Frédérique Matonti (dir.), Mai-Juin 1968, Paris : Éditions de l’Atelier, 2008.

Ter Minassian Anahide, La Question arménienne, Marseille : Parenthèses, 1983.

Terzian Bedros [Pierre], « Une expérience dans la presse de la diaspora. Les 5 années d’existence de Yéridassart Haï » [en aménien], La struttura negata. La cultura armena nella diaspora 2, Milan : ICOM, 1981, p. 71-88.

Terzian Pierre, « La question arménienne aujourd’hui », Critique socialiste, 1982, p. 49-72.

Haut de page

Note de fin

1 L. Mathieu, 2009.

2 L’appel à la manifestation du groupe est publié dans Libération du 24 avril 1976.

3 Archives de la préfecture de Police, FD282, Manifestation des Arméniens pour la commémoration des massacres de 1915 à 1922 (1977) : note des Renseignements généraux de la préfecture de Police [RGPP], 14 avril 1977.

4 Archives nationales [AN] 20030072/8 : Le MNA, Communauté arménienne : « Le MNA suspend ses activités », note des Renseignements généraux [RG] du 16 février 1989. Voir aussi Hay Baykar no 124, été 1988 : édition spéciale en français et en arménien, annonçant la fin du mouvement. Nous avons eu accès à presque tous les numéros du journal grâce aux prêts et aux dons de trois militants. Qu’ils en soient remerciés.

5 Expression de Jean-Claude Olmi (1972). Nous revenons plus loin sur les caractéristiques de cette presse dite « sauvage ». Voir aussi L. Martin, 2008, p. 57-69.

6 Ce vocable regroupe des mouvements variés. Isabelle Sommier étudie les « gauchismes » en 2008 et les « gauches alternatives » en 2018. I. Sommier, 2008, p. 297-305 et Id., 2018, p. 321-357.

7 P. Artières et al., 2008.

8 L. Bantigny et al., 2017.

9 La FRA est créée à Tiflis en 1890. La JAF est fondée le 14 juillet 1945 et l’UCFAF le 18 juin 1949.

10 J. Pagis, 2015.

11 Y. Lequin, 1980, p. 149-166. Pour la première période (1977-1980), nous avons rencontré presque tous les acteurs du journal. Je tiens à remercier les témoins, qui ont bien voulu m’accorder leur temps en me donnant leur éclairage. J’espère avoir été fidèle à leur mémoire. Les entretiens, de 2h30 en moyenne (de 1h15 pour le plus court à 6h30 pour le plus long), ont été réalisés entre juin 2017 et juillet 2019, le plus souvent à leur domicile ou dans un café.

12 M. Devriese, 1989, p. 11-16. Ce découpage, qui souligne le caractère matriciel du génocide, est bien sûr critiquable, un Arménien né en 1950 pouvant être issu de la deuxième génération.

13 G. Noiriel, 1985.

14 AN 20030072/1, Communautés et organisations (1970-1999) : Quatre études sur les Arméniens en France, Rapport des RG, avril 1983.

15 J. Périgaud, 1974, p. 41-54.

16 En 1977, année de création du journal, excepté quelques militants nés avant 1950, le photograveur a 25 ans (il est cité comme directeur de publication jusqu’en 1979) ; le responsable du groupe a 23 ans (cité à partir de 1979 comme directeur de publication) ; le dessinateur a 19 ans ; la militante la plus jeune a 18 ans et le militant le plus jeune a 17 ans.

17 F. Joshua, 2013, p. 203-233.

18 C. Mouradian, 1990.

19 Cela correspond au changement de nom du groupe, Libération arménienne devenant le Mouvement national arménien (MNA).

20 Hay Baykar no 21, avril 1980, p. 18.

21 AN 20030072/1, Communautés et organisations (1970-1999), Notes sur la communauté arménienne (1970-1988) : « Étrangers : révolutionnaires arméniens », note des RG, 19 juin 1980.

22 Archives du ministère des Affaires étrangères [AMAE], Turquie-Europe. 1981-1985. 1930 INVA/5573. Lettre du ministre des Affaires extérieures. 1er octobre 1981.

23 « Libération arménienne répond à 12 questions », Hay Baykar no 2, avril 1977, p. 4.

24 Hay Baykar no 11, mai 1978, p. 2.

25 AN 20030072/1, Communautés et organisations (1970-1999), Notes sur la communauté arménienne (1970-1988), Turcs et Arméniens (1970-1977) : note des RG, 18 mai 1977.

26 Rouge, 24 avril 1977 et 28 avril 1978.

27 Libération, 1er février 1979.

28 Rouge, 25 avril 1978.

29 « Merci la police », Hay Baykar no 11, mai 1978, p. 4.

30 Entretien avec Charlie Sansonetti, avril 2019.

31 Hay Baykar no 14, décembre 1978, p. 14.

32 J.-P. Salles, 2005.

33 C. Polac, 1994, p. 359-386.

34 « Sans frontière », Hay Baykar no 18, septembre 1979, p. 11

35 « Marxistes-léninistes et cause arménienne », Hay Baykar no 11, mai 1978, p. 7.

36 « Arméniennes, le réveil », Hay Baykar no 6, novembre 1977, p. 3.

37 « Irlande, 600 ans de luttes », Hay Baykar no 7, décembre 1977, p. 6.

38 Les numéros 7 et 8 (décembre 1977 et janvier 1978) comprennent un entretien avec Anahide Ter Minassian sur la soviétisation de l’Arménie. Il est reproduit ensuite dans son ouvrage La Question arménienne (1983). Le numéro 9, en février 1978, comprend un entretien avec Claire Mouradian sur les rapatriements de 1947.

39 « Soutenez Hay Baykar », Hay Baykar no 13, octobre 1978, p. 15.

40 Hay Baykar no 15, février-mars 1979, p. 2.

41 « Libération arménienne à Lyon », Hay Baykar no 14, décembre 1978, p. 2.

42 Entretien avec Stéphane Indjeyan, juin 2017.

43 « Pour une manif interdite. 10 manifs sauvages », Hay Baykar no 11, mai 1978, p. 5.

44 D. Tartakowsky, 2005 et Hay Baykar no 11, mai 1978, p. 5.

45 AN 20030072/8 : Le MNA. Note des RG. Les Arméniens dans le défilé du 1er Mai. 27 avril 1977.

46 Hay Baykar no 14, décembre 1978, p. 15.

47 « À propos de l’occupation des locaux de la Turkish Airlines », Hay Baykar no 26, juin 1981, p. 5.

48 É. Pellissat, 2005, p. 71-93.

49 «50e anniversaire de la mort d’Antranig », Hay Baykar no 5, octobre 1977.

50 « Ces Arméniens morts pour la France », Hay Baykar no 41, 27 octobre 1982 au 10 novembre 1982, p. 8-9.

51 « 12 questions à Libération arménienne », Hay Baykar no 2, avril 1977, p. 4.

52 « 6 septembre , Hay Baykar no 10, mars-avril 1978, p. 16.

53 « Azad Hay, un mensuel révolutionnaire », Hay Baykar no 5, octobre 1977, p. 9.

54 Hay Baykar no 19, décembre 1979, p. 2.

55 Hay Baykar no 26, juin 1981, p. 7.

56 B. Terzian, 1981, p. 71-88.

57 « Quelques spéculations stratégiques », Hay Baykar no 16, avril 1979, p. 18-19.

58 « De la révolte à la résistance », Hay Baykar no 8, janvier 1978, p. 8.

59 « La nouvelle gauche arménienne face aux grands problèmes », Hay Baykar no 2, avril 1977, p. 9.

60 « Porto Rico vitrine de l’impérialisme », Hay Baykar no 4, juin 1977, p. 8.

61 L. Bantigny, B. Gobille, E. Palieraki, 2017.

62 K. Ross, 2002.

63 « La nouvelle gauche arménienne face aux grands problèmes », Hay Baykar no 2, avril 1977, p. 9.

64 A. Ter Minassian, 1983.

65 « Libération arménienne répond à 12 questions », Hay Baykar no 2, avril 1977, p. 4.

66 « Le procès de Parouïr », Hay Baykar no 3, mai 1977, p. 4-5.

67 Entretien avec Ara Toranian, juin 2017.

68 Ces différents pôles correspondent aux différentes gauches alternatives françaises, avec les trotskistes et le Parti socialiste unifié (PSU) présents chez les Arméniens, mais pas au sein du journal.

69 « Bombes arméniennes. Balles arméniennes au Vatican », Hay Baykar no 4, juin 1977, p. 4.

70 Trois Arméniens sont exécutés le 30 janvier 1979, car ils sont accusés d’avoir commis un attentat dans le métro de Moscou. Des manifestations ont lieu, organisées par le groupe, les 3 et 9 février 1979. Libération en rend compte.

71 À partir de cette date, suivant en cela l’ASALA, la référence au marxisme est moins prégnante. Voir P. Terzian, 1982, p. 49-72 ; Hay Baykar no 30, mars 1982.

72 Les pages en arménien comprennent la traduction de l’éditorial, d’articles français, des résumés d’articles écrits en français, des points de vue sur des thématiques abordées dans la partie française, mais aussi des rubriques spécifiques (« Avec les événements », par exemple).

73 Excepté le numéro 5, en octobre 1977, qui comprend un très court texte en arménien.

74 « Éditorial », Hay Baykar no 40, 13 octobre 1982 au 27 octobre 1982, p. 2.

75 Communiqué du MNA, Hay Baykar no 30, mars 1982, p. 35.

76 Qui est plus « incontrôlable » depuis son départ du Liban en raison de l’invasion d’Israël. En réalité, dès l’été 1982, le journal a une position critique vis-à-vis du terrorisme non ciblé, comme les attentats à Saint-Michel à Paris en juillet-août 1982.

77 J. Perera, 1984.

78 L. Mathieu, 2009. L’auteur explique ainsi tout cycle de vie militante.

Haut de page

Table des illustrations

Légende Figure 1 Hay Baykar no14, décembre 1978
Crédits Collection Bibliothèque Nubar de l’UGAB, Paris
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eac/docannexe/image/3357/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 268k
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eac/docannexe/image/3357/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 490k
Légende Figure 3 Hay Baykar no4, juin 1977
Crédits Collection Bibliothèque Nubar de l’UGAB, Paris
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eac/docannexe/image/3357/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 650k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Sophie-Zoé Toulajian, « Hay Baykar (« Lutte arménienne »),
périodique protestataire arménien dans le sillage de Mai 68 »
Études arméniennes contemporaines, 15 | 2023, 97-120.

Référence électronique

Sophie-Zoé Toulajian, « Hay Baykar (« Lutte arménienne »),
périodique protestataire arménien dans le sillage de Mai 68 »
Études arméniennes contemporaines [En ligne], 15 | 2023, mis en ligne le 01 avril 2024, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/eac/3357 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/eac.3357

Haut de page

Auteur

Sophie-Zoé Toulajian

ENS de Lyon, LARHRA

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search