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SAVEY Réginald

SAVEY Jacques Maurice Charles à l’état civil ; SAVEY Réginald en religion
Tangi Cavalin

Résumé

Né le 9 octobre 1910 à Brest (Finistère), mort le 11 juin 1942 à Bir-Hakim (Libye).
Missionnaire en Syrie (mission de la Haute-Djézireh), engagé dans les Forces françaises libres, Compagnon de la Libération.

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Historique

Notice validée le 15/12/2017

Texte intégral

· Vestition pour la Province de France : 22 septembre 1927 à Amiens
· Profession simple : 23 septembre 1928 à Amiens
· Profession solennelle : 6 octobre 1933 à Kain (Saulchoir)
· Ordination sacerdotale : 10 juillet 1934 à Kain (Saulchoir)

1La mort au combat en juin 1942 du commandant Jacques Savey, lors d’une des batailles les plus emblématiques de la geste gaulliste, en a fait un héros dont les derniers épisodes de la vie ont été collectés avec une grande minutie puis abondamment rapportés et commémorés. L’importance des archives relatives à la mort héroïque du dominicain a pour inconvénient de gêner la compréhension de son itinéraire personnel, comparativement peu documenté, comme si rien de ce qui relève de la vie ordinaire d’un jeune homme, puis d’un jeune religieux, ne devait brouiller l’épure d’une silhouette de moine-soldat mort pour la France.

Les deux vocations du jeune Jacques Savey

2Le milieu d’origine de Jacques Savey est l’une des informations livrées le plus fréquemment dans les notices le concernant, peut-être parce qu’elle semble en adéquation avec sa destinée. Dénué d’origine bretonne, il naît à Brest en raison de l’affectation dans cette ville de son père, Charles Ferdinand Savey, officier entré dans la Marine en 1894 sans être du sérail et qui porte alors le grade de lieutenant de vaisseau. À lire la brochure consacrée à la mémoire de Jacques Savey éditée par son frère aîné en 1950, ou toute autre source publiée, on n’en sait guère plus sur le cadre familial. Ce silence n’est pas sans raison. Au moment de la naissance de Jacques Savey, en octobre 1910, ses parents, mariés au mois de janvier de la même année à Toulon (Var), ont déjà deux fils, Édouard et Marcel, frères jumeaux nés onze ans plus tôt à Paris, en 1899. D’après l’acte de naissance, leur père n’est pas « dénommé », leur mère est « sans profession ». Ce n’est que dans le mois qui précède son mariage avec Jeanne-Marie Gossein, alors domiciliée à Toulon avec ses parents, que Charles Savey reconnaît ces deux premiers garçons, sans qu’on puisse déterminer avec certitude s’il en est le père naturel. Quoi qu’il en soit, dans ce foyer tardivement constitué et peu conforme à la morale en vigueur dans la France du début du XXe siècle, les frères Savey reçoivent une éducation exigeante qui est presqu’entièrement le fait de Jeanne-Marie, leur père étant fréquemment absent en raison de ses obligations militaires. Le culte de la religion catholique comme celui de l’honneur militaire et patriotique, de règle chez les Savey, est encore avivé lors des années de la Première Guerre mondiale. Le chef de famille, commandant d’un torpilleur en 1917, termine la guerre comme capitaine de corvette. En 1917, alors que Jacques est élève à l’externat Saint-Joseph à Toulon, l’un de ses frères aînés, Marcel, quitte le domicile familial pour entrer chez les dominicains au collège de l’Angelicum, à Rome ; l’autre, Édouard, frappe à la porte du noviciat des pères maristes près de Turin où il décède rapidement de maladie. À la rentrée scolaire suivante, Jacques est admis au collège Stanislas à Paris. Cette institution catholique est alors une pépinière de vocations dominicaines et Jacques Savey y côtoie, au cours de ses années d’études, Georges Chifflot, François Thierry d’Argenlieu, Jacques Delalande, Pierre Dubarle, Pierre Éon, Roland Guérin de Vaux ou encore Patrice Menu du Ménil. Il vit à Paris, auprès de sa mère, jusqu’en 1923, puis poursuit sa scolarité sur la côte méditerranéenne – plus près du port militaire de Toulon où son père est attaché –, au lycée Masséna de Nice tout d’abord puis, de 1924 à 1926, chez les maristes de La Seyne-sur-Mer, avant de regagner Stanislas pour l’année de préparation au baccalauréat. À s’en tenir aux quelques souvenirs qu’il confiera à certains de ses confrères dominicains, le jeune Jacques Savey participe alors d’un esprit patriotique qui fait de l’armée et de l’empire colonial deux des principaux piliers de la grandeur de la France. L’aventure impériale le passionne. Ses lectures, semble-il abondantes, contribuent à nourrir, voire à exalter ces sentiments. Cependant, à l’instar de son frère aîné étudiant chez les dominicains sous le nom de Louis-Bertrand Savey auquel l’adolescent rend parfois visite au Saulchoir de Kain, il ne semble pas avoir hésité à demander son admission au noviciat des frères prêcheurs avant même l’obtention de son baccalauréat ès lettres en 1927 : dans la hiérarchie qu’il instaure entre ses deux vocations, c’est celle de soldat qui s’avère en définitive la moins impérieuse.

Le noviciat dominicain 1927-1928

Le noviciat dominicain 1927-1928

Réginald Savey (debout à l’extrême gauche sur la photo) privilégie l’attitude du monastique pour poser parmi ses confrères du noviciat 1927-1928. À ses côtés, debout, de droite à gauche, les frères Scrépel, Laféteur, Fauvergue, Bouche, Dago, Butruille, Fontaine, Perrier, Cosmao-Dumanoir, de Ménil. Au premier rang, assis, de gauche à droite, les frères Colin, Sirot, Pensel (sous-maître), Berger (maître), Hyacinthe Dondaine, Jacques, Raymond-Marie Florent.

Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.

3Il revêt l’habit blanc à Amiens en septembre 1927 où il reçoit le prénom religieux de Réginald, qui est aussi celui de son austère père-maître, le père Berger. Parmi ses confrères de noviciat, nombreux au cours de ces années 1920, on peut citer Paul-Marie Sirot, Hyacinthe Dondaine, Raymond-André Fontaine, Jourdain Fauvergue, Henri-Marie Jacques, Martin Bouche, Raphaël Menu de Ménil ou encore Jean Perrier : en général trop jeunes pour avoir participé directement à la guerre, ils participent néanmoins d’une génération fortement marquée par l’esprit « ancien combattant ». Les débuts dans la vie dominicaine de Jacques-Réginald Savey précèdent de peu la fin de la carrière militaire de son père, versé dans la réserve en 1929. Il réside désormais au Havre, où ses activités professionnelles aux Usines Schneider d’Harfleur le retiennent, tandis que Jeanne-Marie, son épouse, loge fréquemment à Paris dans le XVIIe arrondissement.

Réginald Savey, dominicain d’abord

Réginald Savey, novice étudiant, au Saulchoir de Kain en 1932

Réginald Savey, novice étudiant, au Saulchoir de Kain en 1932

Cette photo a été prise alors que le jeune homme achève son service militaire et réintègre le couvent d’études où il sera ordonné en 1934.

Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.

4Les études au Saulchoir de Réginald Savey ne sont interrompues que par le service militaire, accompli d’octobre 1931 à octobre 1932. Cette année offre au jeune homme l’occasion de manifester son attachement aux valeurs militaires : ayant fait jouer ses relations de manière à intégrer un régiment d’infanterie coloniale à Paris, il demande à effectuer la formation d’élève-officier de réserve (EOR) à Saint-Cyr, formation qu’il achève avec le grade de sous-lieutenant. La brochure qui lui a été consacrée après sa mort rapporte la fierté qui est alors la sienne de porter l’uniforme d’officier et de l’arborer lors de ses visites au couvent parisien du Saint-Sacrement : « Ses grandes bottes fauves en martelaient le sol en dépit du silence de règle. » À l’occasion du service militaire se confirme ainsi la volonté chez Jacques Savey de conférer un style quelque peu martial à sa manière d’être dominicain. Cette dimension virile frappe ses confrères et sera abondamment évoquée après sa mort au risque, peut-être, de relire l’itinéraire du jeune homme au prisme de son ultime engagement guerrier et de sa fin sur le champ de bataille. Quelques documents corroborent pourtant cette inclination, comme ce récit d’un exercice de prédication, demandé en novembre 1932 par ses supérieurs religieux du Saulchoir peu après son retour du service militaire, qui est pour lui l’occasion d’exalter, devant un public imaginaire de saint-cyriens catholiques, la congruence des valeurs catholiques et des idéaux militaires (« Ne soyez pas des soldats vaguement catholiques, mais des chrétiens soldats »). Le 1er octobre 1935, c’est cette fois sur le mode de la plaisanterie que ses confrères du Saulchoir l’accueillent, au retour d’un de ces épisodes de préparation militaire qu’implique son statut de réserviste : « Un officier tiré à quatre épingles, à la boucle de ceinturon jetant des éclairs, aux bottes splendides, attirait les regards de tous. […] Comme on avait appris le matin même que le conflit italo-éthiopien s’envenimait, le P. Savey se voyait interpeller de toutes parts : “Tiens, je ne savais pas que le Négus avait mobilisé !” » (Chronique du studentat).

Le jeune prêtre au miroir du portail de la cathédrale de Reims

Le jeune prêtre au miroir du portail de la cathédrale de Reims

Il est d’usage qu’une image-souvenir, laissée à la discrétion de l’intéressé, soit imprimée en souvenir de son ordination sacerdotale afin d’être distribuée à ses proches. Elle fait écho à l’une des facettes de son état que le nouveau prêtre souhaite mettre en avant. Il arrive que plusieurs images soient retenues. Les papiers personnels de Réginald Savey en proposent deux : la première, reproduction d’une sculpture de la façade de la cathédrale de Reims, évoque les souffrances du Christ sur la via crucis ; la seconde, intitulée « Saint Thomas d’Aquin compose l’hymne au Saint-Sacrement », reproduit une œuvre du peintre Maurice Denis. Si une troisième image a été diffusée représentant la communion du chevalier de la cathédrale de Reims, il n’en a pas été conservé de trace dans ses archives. Le destin tragique de Réginald Savey à Bir-Hakim a-t-il pu altérer la mémoire de ceux qui ont eu après sa mort à défendre la figure du moine-soldat ?

Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.

5Lorsqu’il est ordonné prêtre, c’est la reproduction du chevalier en communion de la cathédrale de Reims qu’il choisit comme image souvenir, selon les souvenirs tardifs de son père-maître, ce qui n’est au mieux qu’en partie vrai, mais souligne l’impact sur les mémoires de son engagement guerrier ultérieur. Sans être rare dans cette génération de frères prêcheurs, le comportement martial de Réginald Savey n’est pas pour autant la norme : le frère Martin Bouche, ordonné prêtre le même jour que lui en juillet 1934, lorsqu’il avait été contraint par son père-maître de se présenter à la formation d’élève-officier de réserve, mit tout en œuvre pour échouer aux tests afin de rester auprès des simples soldats. Au reste, c’est comme un religieux assidu à l’office et à l’étude, entièrement dévoué à l’idéal de son ordre religieux, qu’il est fait état de Réginald Savey par ses formateurs dominicains, ce que confirme leur choix de lui faire préparer une thèse de lectorat en théologie en 1935-1936. Son père-maître, Ceslas Tunmer, l’apprécie assez pour le nommer doyen des étudiants, ce qui amène les deux hommes à échanger régulièrement et à devenir amis. Il fait aussi, à la fin de ses études religieuses, la découverte heureuse du scoutisme en devenant aumônier du groupe de Sainte-Clotilde à Paris. Il accompagne ces jeunes gens pour des camps dans les Cévennes, les Alpes et les Pyrénées. Il n’est alors en rien question de l’orienter vers une vocation missionnaire, mais plutôt vers un apostolat classique de prédication sur le sol français ou, à la rigueur, d’enseignant au couvent d’études de la Province de France.

Une bifurcation religieuse inattendue : la voie missionnaire en Orient

6C’est un concours de circonstances qui infléchit son parcours. Alors qu’il n’a pas encore soutenu son lectorat, en avril 1936, le régent des études, Marie-Dominique Chenu, le sollicite pour partir au Levant en remplacement du père Raymond Fontaine, souffrant. Ce n’est donc pas, contrairement à ce que formule le tract publicitaire de la brochure qui lui sera consacrée, le père Savey lui-même qui demande à faire partie des pionniers de la mission dominicaine de la Haute-Djézireh. Ce sont ses qualités pratiques, son allant, son caractère entreprenant qui sont mis en avant pour justifier ce choix, auquel l’intéressé consent sans déplaisir et qu’approuve le provincial, Jourdain Padé. Il s’agit pour lui de se joindre à la petite équipe de dominicains qui, sur les demandes simultanées du gouvernement républicain français et du patriarche syriaque catholique, ouvre une nouvelle mission, en Haute-Djézireh, territoire situé dans le nord de la Syrie alors sous contrôle de la France en vertu d’un mandat de la Société des Nations (SDN). Les populations chrétiennes (nestoriens, syro-chaldéens) de l’ancien Empire ottoman, victimes de massacres de grande ampleur depuis la Première Guerre mondiale, et dernièrement encore, en 1933, dans le nord de l’Irak, ont fui vers l’ouest, traversant la frontière syrienne. Aux dominicains français œuvrant dans la région de Mossoul depuis le milieu du XIXe siècle en vue de renforcer l’union de ces populations avec la papauté, il est demandé d’encadrer ces réfugiés en leur apportant un secours matériel (santé, instruction, petits ateliers) autant que spirituel. Pour les services du gouvernement français, l’appel à une congrégation religieuse vise à pallier l’absence criante, sur le terrain, de moyens pour accueillir ces populations. Le 4 septembre 1935, la Sacrée Congrégation pour les Églises orientales adresse au père François Drapier un décret le nommant supérieur de la mission dominicaine en Syrie. La nouvelle est rendue publique dans La Croix du 14 décembre. Entre mission humanitaire et entreprise unioniste, la fondation dominicaine de Haute-Djézireh naît donc sur un fond dramatique qui la rend d’autant plus urgente ou, selon les points de vue exprimés alors, aventurée. L’enthousiasme manifesté par Réginald Savey à l’annonce de son envoi tient à la possibilité qui lui est offerte de concilier dans cet apostolat missionnaire son admiration pour l’armée coloniale et sa vocation missionnaire. « J’ai toujours vivement sympathisé avec les coloniaux, officiers ou administrateurs (j’eusse été l’un ou l’autre si je n’avais pas été religieux) », écrit-il en avril 1936. Il précise cependant très vite au responsable de la nouvelle implantation syrienne, François Drapier, qu’en tout état de cause, s’il devait par malheur y avoir conflit entre ces deux idéaux, il saurait se souvenir qu’il est avant tout dominicain et se montrer critique des menées de la France en Syrie.

Les préparatifs d’une nouvelle mission dominicaine

Les frères Réginald et Louis-Bertrand Savey au couvent du Saint-Sacrement

Les frères Réginald et Louis-Bertrand Savey au couvent du Saint-Sacrement

Le photographe a également réalisé plusieurs clichés de Réginald Savey seul. Le lieu figure au dos de l’une d’entre elles : il s’agit du couvent du Saint-Sacrement, à Paris, où Louis-Bertrand est assigné de 1932 à 1938. La barbe de Réginald Savey et sa position centrale par rapport à son aîné suggèrent une photo réalisée peu de temps avant son départ pour la mission du Levant.

Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.

7De l’été à la fin de l’année 1936, Savey prépare son départ pour la Syrie où il est officiellement assigné dès le mois de juillet. Au cours de ces mois, il déplore avec régularité le manque d’intérêt et de soutien du provincial pour cette entreprise à haut risque. Il fait également part au promoteur de la mission, François Drapier, de son inquiétude face à une mise en œuvre qu’il estime quelque peu précipitée. L’avenir de la fondation dominicaine en Haute-Djézireh est, il est vrai, mal assuré, et Savey transmet à plusieurs reprises à Drapier les jugements très pessimistes qui lui sont adressés de toutes parts. Les tensions en Europe (remilitarisation de l’Allemagne nazie, guerre italo-éthiopienne, guerre en Espagne), l’absence d’intérêt des grandes puissances pour les populations chrétiennes réfugiées dans le nord de la Syrie, l’incapacité de la Société des Nations à faire respecter le droit international comme le droit des minorités, le souci de la France de ne pas s’engager autrement que pour la défense de ses bases militaires et de son approvisionnement pétrolier, la crise économique qui réduit les aides nécessaires à une telle entreprise : tout concourt, à en croire les contacts de Savey, à faire de la mission une œuvre vouée à une fin rapide et, peut-être, désastreuse car l’armée française peine à assurer un climat de sécurité dans les territoires placés sous son contrôle. Le 9 septembre 1936, le gouvernement de Front populaire signe avec une délégation nationaliste un traité prévoyant l’indépendance de la Syrie à court terme (accords Viénot, qui ne seront jamais ratifiés par le Parlement français). Savey, instruit de ce contexte difficile, n’en maintient pas moins son intention de rejoindre les missionnaires de la Haute-Djézireh. Dans l’attente de son embarquement, il assure des tournées de prédications afin de récolter des fonds, quête en faveur de la mission au pèlerinage du Rosaire à Lourdes, sollicite des bienfaiteurs et des conférenciers comme le père Marie-Bernard Guenin, fondateur de la revue Les Missions dominicaines, fait publier dans Sept des appels à dons. Ce n’est d’ailleurs pas seulement de l’argent ou des objets que récolte le jeune dominicain, mais aussi des promesses de prières auprès de congrégations religieuses qu’il visite, des groupes de tertiaires et de rosaristes afin d’établir un chaînon spirituel entre la France et l’Orient. Fort de sa formation d’officier, il met en place les « liaisons » indispensables pour garantir un avenir à la nouvelle œuvre. Il rencontre à plusieurs reprises lors de leur séjour à Paris Mgr Antonin Drapier, délégué apostolique pour la Mésopotamie, et surtout Mgr Chauriz, du tiers-ordre sacerdotal, ancien élève du séminaire dominicain de Mossoul, nommé peu auparavant administrateur apostolique chaldéen de Haute-Djézireh. Outre François Drapier, la petite équipe de missionnaires français en Syrie est constituée des pères Jérôme Séname et Thomas Bois, tous deux venus de la mission de Mossoul dès l’été 1936. Le frère Alain Le Mintier, pressenti pour accompagner Savey, est finalement réorienté vers Mossoul. Ce dernier est le plus jeune missionnaire assigné et le seul à ne bénéficier d’aucune expérience du Moyen-Orient. Outre ses efforts pour collecter de l’argent, il consacre une partie de son temps, au cours de l’automne 1936, à l’apprentissage de la langue arabe et, surtout, règle les multiples achats (médicaments, livres pour la bibliothèque conventuelle, objets liturgiques…) nécessaires à son voyage et aux besoins de la mission de la Haute-Djézireh. Il obtient de faire acheminer gratuitement par l’armateur phocéen Daher son chargement de deux douzaines de caisses, tandis que lui-même embarque le 21 décembre sur un des navires des Messageries maritimes qui assure la liaison entre Marseille et Alexandrette via Naples et Le Pirée. Une fois atteint les rivages du Levant, il gagne Alep. Le 3 janvier 1937, il rejoint le siège de la mission de la Haute-Djézireh à Kamechlié.

Kamechlié, ville refuge et terre de mission

8Conçue dans l’urgence d’une opération à visée humanitaire, la mission de la Haute-Djézireh oscille entre plusieurs modes de présence. Pour le père Drapier, il importe, avec l’aide de religieuses, d’accueillir les populations dans des écoles et des dispensaires, de fournir du travail dans les ouvroirs, d’apporter un enseignement catéchistique et surtout de former, sur le modèle éprouvé à Mossoul depuis des décennies, des élites locales (instituteurs, petits séminaristes, voire artisans…). Dans cette optique, l’apostolat du père Savey sera dévolu à l’enseignement et, si cela est possible, au démarrage du mouvement scout. Le père Thomas Bois, en raison même des incertitudes qui pèsent sur le devenir de la nouvelle implantation, penche pour une présence moins centripète, fondée sur la dispersion de quelques postes missionnaires à partir desquels les religieux rayonnent sur les villages alentours par des visites répétées auprès des prêtres ou des instituteurs. Avant même de quitter la France, Savey, lors de discussions avec Thomas Bois, se rallie à cette approche jugée plus adaptée aux pauvres moyens financiers de la nouvelle mission et aux incertitudes géopolitiques du nord de la Syrie.

La maison dominicaine de Kamechlié

La maison dominicaine de Kamechlié

Handicapé par l’obstacle de la langue, Réginald Savey consacre les premiers mois de sa présence en Haute-Djézireh à apprendre l’arabe et à tenir la maison conventuelle. En outre, comme il est d’usage dans les missions du Levant, le jeune missionnaire maintient, en attendant d’être apte à l’apostolat, un lien avec sa patrie d’origine et avec les frères étudiants par la rédaction d’une chronique déposée dans la salle commune du Saulchoir et dont des extraits sont ensuite repris dans les revues de sa famille religieuse comme l’Année dominicaine. Ce plan est issu de sa première chronique, datée du 22 janvier 1937, dans laquelle il décrit le seul espace qui lui soit alors familier, celui de la maison conventuelle : « Cette maison est construite en terre comme les neuf dixième des maisons de Kamechlié. […] Le toit est donc fait de terre tassée que l’on roule comme un tennis. Vous savez qu’en été on s’en sert comme dortoir ; actuellement nous y grimpons par une échelle et allons nous y promener pendant la récréation de midi : c’est notre jardin suspendu. » La maison permet aux quatre religieux d’avoir chacun une cellule et de partager quelques espaces de vie commune : oratoire et réfectoire. Une pièce au fond de la cour permet d’accueillir un embryon de foyer pour les premières œuvres de jeunes gens.

Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.

9Les aménagements des pères dominicains à Kamechlié sont modestes au moment de l’arrivée de Réginald Savey en janvier 1937. Une maison en terre appartenant à Mgr Hebbé, évêque catholique syriaque et ordinaire d’Hassetché, est mise à leur disposition dans l’attente de la construction d’un couvent sur le terrain offert par la municipalité à cet effet. Les quatre dominicains, Drapier, Bois, Séname et Savey s’efforcent de mener, autant que faire se peut, la vie conventuelle (office en commun, oraison quotidienne), mais certaines des observances, notamment alimentaires, sont négligées par crainte d’affaiblir les organismes et de les exposer au paludisme endémique. Par ailleurs, chaque religieux dispose de sa cellule et la proximité des Sœurs de la Présentation de Tours, installées dès 1935, assure aux prêtres une prise en charge des repas. Les premiers mois de la présence de Savey à Kamechlié sont réservés à l’apprentissage de l’arabe, indispensable pour tout apostolat, ainsi qu’à quelques tâches matérielles liées à sa charge de sacristain. Il assure également une chronique de la mission adressée régulièrement aux étudiants du Saulchoir. Le 15 avril 1937, il est nommé directeur de l’école syriaque de la ville et, peu après, inspecteur des écoles catholiques de la Djézireh. Il poursuit également ses exercices d’officier de réserve, en juin, ce qui lui offre la possibilité de raffermir ses contacts avec l’armée française et de parcourir la Syrie, de Kamechlié à Damas, Palmyre, Alep et Deir ez-Zor. Mais la révolte autonomiste des Kurdes et des Syriaques qui éclate dans la région, en juillet, contre les représentants du gouvernement nationaliste de Damas lui interdit de la quitter en compagnie de Mgr Hebbé, comme cela était prévu, pour une tournée d’inspection de l’ensemble des écoles du diocèse. Quelque peu réduit à l’inaction au cours de cette révolte, il en profite pour se mêler aux manifestants qu’il photographie avec sympathie. Il rend compte également des événements à ses frères du Saulchoir, ayant soin de leur préciser de ne rien publier des jugements politiques qui se glissent dans ses correspondances. De fait, les extraits de ses lettres repris dans l’Année dominicaine ne s’écartent pas de ce qui est attendu d’un missionnaire. A-t-il joué un rôle actif dans ces événements, au-delà de manifestations de sympathie à l’égard des minorités catholiques ? Rien dans les sources ne permet de l’indiquer. Les autorités françaises locales, néanmoins, à plusieurs reprises, exigent des religieux qu’ils fassent davantage preuve de réserve. Ceux-ci, d’ailleurs, n’interprètent pas ces consignes de manière identique et le père Savey, nouveau venu en Orient à la différence de ses confrères, n’est pas le premier concerné par ces rappels à l’ordre. L’insurrection de juillet 1937 est finalement interrompue par une intervention de l’armée française qui, sur le fond – le statut des minorités ethniques et religieuses dans la future Syrie indépendante –, ne règle rien.

De la mission orientale à la kurdologie

10Au fil des mois de l’année 1937, l’optimisme missionnaire de Réginald Savey devient moins manifeste. Les incertitudes politiques internes à la Syrie mandataire, la crainte d’exactions contre les populations chrétiennes qui entraîneraient leur fuite de la région et la disparition de la raison d’être de la mission dominicaine, la menace d’une invasion turque, mais aussi l’incapacité supposée de François Drapier à faire face à une situation aussi complexe et même les attaques du paludisme se combinent pour affecter sévèrement son attachement au travail de l’équipe. À l’automne 1937, le jeune dominicain croit moins que jamais à l’avenir de la présence dominicaine en Haute-Djézireh et s’oppose à tout projet de développement de la mission. Mais cette remise en cause n’atteint pas sa vocation. L’épreuve que constitue la vie dans ce poste missionnaire isolé, la difficulté de maintenir une communauté conventuelle unie au bout de quelques mois comme l’absence de ministère de prédication sont autant de preuves, pour Savey, qu’il lui est possible de mener « une vie religieuse à l’état pur […] sans cadre extérieur » pour le soutenir dans sa foi.

11Le malaise du jeune dominicain ne cesse de croître dans les mois qui suivent. François Drapier, en tant que responsable de la mission, après en avoir avisé son propre supérieur religieux, le vicaire provincial Ceslas Tunmer, provoque un entretien avec lui qui le bouleverse tant la mise en cause de l’apostolat missionnaire tel qu’il est pratiqué à Kamechlié est exprimé vivement et définitivement : « J’ai perdu tout espoir de l’attacher à la mission dans l’avenir », écrit Drapier à Tunmer le 27 octobre 1938. De quoi s’agit-il ? Les doutes exprimés par Savey à l’été 1936, avant même son départ de France, doutes nés des informations obtenues auprès de gradés de l’armée coloniale et de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères sur l’avenir de la présence française en Syrie et confortés par ses conversations avec le père Thomas Bois, lui semblent pleinement confirmés par la situation rencontrée dans son apostolat syrien. Le maintien des chrétiens réfugiés dans la région n’étant en rien assuré, l’investissement missionnaire est aussi lourd à maintenir que sans espoir de produire des résultats. La présence dominicaine est, pour un père Savey passionné de réflexion géopolitique et d’organisation militaire, sans rapport avec les besoins des populations locales et les troubles qui agitent la Syrie mandataire. Confesser, diriger des écoles primaires ou d’autres œuvres, assurer les cours de catéchisme, nouer de simples contacts avec les chrétiens de Kamechlié ou accomplir toute autre tâche d’apostolat direct lui paraissent dérisoires : il ne se sent pas fait pour ce « petit ministère de vicaire de paroisse ». Ses contacts épistolaires réguliers avec son ami le père André-Marie Dubarle, ordonné prêtre le même jour que lui et assigné en 1937-1938 à l’École biblique de Jérusalem pour y parfaire sa formation d’exégète, ont également joué un rôle dans sa réflexion en vue d’un type de présence au Levant qui reposerait sur des études scientifiques des populations et des voyages d’exploration. L’absence d’un travail intellectuel à la mesure des défis de l’heure lui pèse terriblement. C’est probablement pour répondre à cette frustration que le cardinal Tappouni, patriarche des catholiques syriaques, lui commande un rapport sur la « question de la Djézireh » à la suite des troubles de l’été 1937. Un volumineux dossier d’enquête, achevé en mars 1938, lui est remis par Savey. Nourri de son expérience dominicaine à Kamechlié, mais aussi de ses multiples contacts avec les officiers des services de renseignement, il y défend une présence française favorable à l’autonomie par rapport au pouvoir de Damas des populations chrétiennes, yézidis ou kurdes de la Haute-Djézireh, sous peine de les voir se tourner vers la Turquie. Cette position, concordante avec celle de certains officiers français du renseignement dont le capitaine Blondel, inspecteur des Services spéciaux de Djézireh, contredit celle du Haut-commissariat de la République à Damas soucieux d’éviter les divisions syriennes que ne manquerait pas de provoquer un soutien ouvert de la France à des minorités. Le père Savey ne se contente pas de nourrir son dossier de documents géographiques ou ethnographiques, il prend ouvertement position dans ces questions du côté des autonomistes et n’hésite pas à assortir ses démonstrations de recommandations pratiques, comptant sans trop se faire d’illusions sur l’influence du cardinal Tappouni à la curie romaine et auprès de la puissance mandataire française. S’il agit dans cette affaire comme un agent de renseignement de l’armée, il se défend de perdre de vue son objectif, la conversion des minorités chrétiennes au catholicisme romain, conversion qui n’a de chances de réussir que si la France protège les minorités et rompt avec sa politique pro-arabe. C’est, en conséquence, un point de vue extrêmement critique à l’endroit de la France, de ses promesses non tenues, de ses revirements successifs, de son acceptation du mythe d’une Syrie unifiée et du traité franco-syrien de 1936 qu’il développe dans ce rapport. Il n’en préconise pas pour autant un retrait de la France, mais au contraire un renforcement de sa présence en Haute-Djézireh, afin de retarder l’emprise du gouvernement nationaliste de Damas et de la conditionner au respect d’un statut spécial pour cette région et ses populations qui, chrétiennes ou non, ont la particularité d’être des minorités. La Société des Nations est également appelée à jouer un rôle plus important dans les affaires syriennes en vue de la protection de ces groupes ethniques et religieux.

Les missionnaires dominicains et les autorités françaises au Levant

Les missionnaires dominicains et les autorités françaises au Levant

En mai 1937, les autorités mandataires françaises visitent Kamechlié et sa mission. La photo est prise sur le terrain d’aviation. Dominicains et officiels se mélangent devant l’appareil créant l’illusion d’un front commun de défense des intérêts français dans la région. Le comte Damien de Martel, au centre et coiffé d’un chapeau, est haut commissaire au Levant. Il est accompagné du commandant Bonnet, chef des services spéciaux du Levant (deuxième en partant de la gauche, en retrait de François Drapier), des commandants Bergey et Gentis (à sa droite), chefs du 8e bataillon du Levant. Savey est à droite, un casque colonial sous le bras.

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12C’est, autant qu’on puisse le documenter, au cours de ces mois de 1937-1938 qu’il établit des contacts avec des responsables du mouvement kurde, sans doute avec l’aide de son confrère Thomas Bois, qui avait entamé des relations avec eux alors qu’il était assigné, de 1932 à 1936, au poste missionnaire de Mar-Yacoub, dans les montagnes du Kurdistan irakien. Aussi, lorsque François Drapier se voit suggérer par le père Tunmer d’envoyer Savey poursuivre des études approfondies des populations arabes syriennes, en prenant modèle sur l’École biblique de Jérusalem ou sur les travaux des jésuites de Beyrouth – comme ceux du père Henri Charles – et, en rejoignant les attentes du maître général Martin-Stanislas Gillet, en faveur d’un Institut dominicain d’études arabes et musulmanes alors en gestation au Caire, il lui fait une contre-proposition permettant de maintenir le dominicain à la mission de Kamechlié : prendre comme terrain d’étude les populations kurdes. « Il y a là un terrain fort neuf, très peu étudié en France (il n’y a guère que les Anglais qui se soient intéressés à cette question). Or il se trouve en Syrie et surtout dans la Djézireh un groupe compact et important et c’est le seul qui soit d’un abord facile » (lettre de Drapier à Tunmer, 16 novembre 1938). Dans les mois qui suivent, Réginald Savey entame un apprentissage de la langue kurde tout en maintenant une partie de son ministère à la mission.

De l’entrée en guerre au refus de la défaite

13La nouvelle orientation prise par le père Savey avec l’accord de ses supérieurs vient trop tardivement pour produire ses effets, du moins du point de vue missionnaire. Dès le 28 août 1939, il est mobilisé comme lieutenant de réserve d’infanterie coloniale à Hassetché puis à Damas, dans les services du renseignement de l’état-major, où sa connaissance du pays et des langues font de lui un précieux auxiliaire : il est en particulier chargé de maintenir des liens avec les élites kurdes afin de s’assurer de leur fidélité. Il profite de ce « rôle politique » (l’expression est de Savey, dans une lettre à Drapier du 3 juillet 1940) pour parfaire sa connaissance de cette langue. Il manifeste pourtant son regret d’être loin du théâtre français des opérations car il manifeste le souhait de se battre contre l’Allemagne hitlérienne. Lors de l’offensive de mai 1940 et dans les jours qui précèdent l’annonce, le 17 juin, de l’armistice par le maréchal Pétain, Réginald Savey, à l’instar des responsables politiques et militaires des forces armées en Orient, est partisan, en cas de défaite militaire sur le territoire français, de poursuivre la guerre aux côtés des Britanniques à partir de l’empire. Après l’armistice du 22 juin cependant, et malgré l’appel du général de Gaulle, ils décident de suivre la voie des responsables français en Afrique du Nord et de se rallier à Pétain. C’est à la suite de cette décision, prise dans les premiers jours de l’été 1940, que Réginald Savey opte pour la poursuite de la lutte armée, l’idée de la défaite lui étant insupportable tout comme la vue de ses compagnons d’arme se résignant au choix de chefs ayant failli. L’appartenance à une armée coloniale située loin du théâtre de la défaite joue certainement son rôle dans cette option. Le sentiment patriotique est lui aussi déterminant, bien plus que le souci de défendre les institutions républicaines dont il ne semble pas regretter le sort. Mais, plus encore que la défense de la patrie et le recours à l’empire, c’est l’opposition au nazisme qui fait la différence entre lui et ceux qui acceptent la défaite. Il partage la conviction du général de Gaulle que cette guerre est d’une nature différente de celle de 1914-1918 ou celle de 1870 et qu’il y a autre chose dans ce conflit qu’un heurt entre nationalismes. C’est fort de cette certitude qu’il justifie son départ en parlant, dans une longue lettre au père Drapier du 21 août, de « croisade » de la « civilisation chrétienne » contre « le messianisme hitlérien ». Quant à la mission de Djézireh, il ne se voit plus y reprendre son apostolat (« Je crois spécialement que la fondation de la mission de Djézireh par nous a été une erreur », écrit-il le 3 juillet 1940 à son supérieur religieux), pas plus qu’il ne croie possible pour lui d’y réapparaître après la démobilisation alors que sa réputation d’officier des renseignements est établie. Les liens noués au nom de la France avec les notables kurdes sont un argument supplémentaire : comment pourrait-il, sans se déshonorer, se présenter désormais devant eux, en Djézireh, après leur avoir promis le soutien de l’armée française ? Le pas est cependant d’autant plus difficile à franchir que tout dans son éducation et dans sa formation semble le prédisposer à l’obéissance. C’est pour lui un angoissant cas de conscience. Il se tourne alors vers son supérieur, François Drapier, qui se serait dérobé : « Vous savez votre théologie morale. À vous de décider… » Il se refuse d’ailleurs à partir immédiatement, pour prendre le temps de réfléchir et de consulter d’autres membres de son entourage, mais aussi par fidélité à ses supérieurs militaires, attendant les jours qui précèdent sa démobilisation pour quitter l’Armée du Levant alors qu’il est en poste dans le sud de la Syrie. Le scrupule le pousse même, le 21 août 1940, au moment de rejoindre avec son automobile la frontière syro-palestinienne pour gagner Jérusalem, à payer son essence avec ses deniers personnels.

14En dépit de ses précautions, son ralliement à l’armée du général de Gaulle est globalement mal reçu. La suite des événements (victoire des Alliés et triomphe de De Gaulle, mort glorieuse à Bir-Hakim) ne peut faire oublier que sa décision a été, dans un premier temps, durement condamnée. Les courriers rassemblés après sa mort en témoignent. Son supérieur militaire, le commandant Bertrand, crie à la « trahison » et n’a pas de mots assez durs pour qualifier la « désertion » de son « hypocrite » subordonné, imputant une partie de sa faute à son « exaltation mystique » : la posture du moine-soldat, avant d’être érigée en modèle de vertu, est d’abord l’objet de propos railleurs qui ne sont en rien isolés. D’autres officiers adressent en effet à ses supérieurs religieux des plaintes assorties d’insinuations calomnieuses sur le prêtre. Cette incompréhension est partagée par certains de ses confrères dominicains : au couvent de Jérusalem, première halte du lieutenant Savey après sa sortie de Syrie, le prieur, Vincent de Paul Perret, l’invite avec passion à revenir sur sa décision, soutenu, de manière plus nuancée, par le père Raphaël Savignac. Expulsé de Palestine par les Britanniques à l’automne 1941, le père Perret alimente auprès du maître général, à Rome, une interprétation très négative de l’engagement de Savey, interprétation que celui-ci n’aura pas l’opportunité de réfuter. À Kamechlié, le père François Drapier, il est vrai instruit par le commandant Bertrand et par Vincent de Paul Perret, désapprouve désormais le choix du religieux. En France, la nouvelle de l’engagement gaulliste de Réginald Savey est d’autant moins comprise qu’elle est assortie de la précision selon laquelle il se serait enrôlé comme combattant et non comme aumônier, ce que proscrit avec des nuances le droit canonique. Sur le moment, cette information est utilisée par ceux qui condamnent son geste comme une preuve supplémentaire de la trahison de tous ses idéaux. Son père se dit atteint dans son honneur d’officier. Quant à son frère dominicain, Louis-Bertrand Savey, il conçoit une telle honte de l’acte de son cadet qu’il s’engage aussitôt, afin de laver l’honneur familial et celui de sa famille religieuse, comme aumônier dans l’Armée de l’air de Vichy. Les raisons qui ont guidé le geste de Réginald Savey ne seront connues et comprises par une large partie de ses proches qu’après sa mort. Auparavant, ils sont bien peu nombreux à vanter son héroïsme.

Officier de la France libre, prêtre dominicain

Réginald Savey dans les jardins du couvent du Caire, 1940-1941

Réginald Savey dans les jardins du couvent du Caire, 1940-1941

Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.

15L’officier gaulliste n’est pourtant pas totalement isolé et ce sont les quelques dominicains ralliés à la France libre qui vont être les meilleurs artisans de sa gloire posthume. Si l’accueil qu’il reçoit à Jérusalem est pour le moins réservé, il n’en va pas de même lors de l’étape suivante, au Caire, ville où la communauté française est largement gagnée au gaullisme. Le père Bertrand Carrière, vicaire prioral de la maison du Caire, siège au bureau du Comité national français qui s’est rallié au général de Gaulle très vite après sa constitution. Le père Raymond Boulanger partage ses idées tandis que le père Marie-Dominique Boulanger, brièvement aumônier des Forces françaises libres (FFL), doit quitter Le Caire après plusieurs jours d’hésitation pour regagner Jérusalem et obéir au précepte formel que lui formule le prieur Vincent de Paul Perret. Carrière, quant à lui, reçoit chaleureusement Savey au couvent Notre-Dame-du-Saint-Rosaire le 30 août au soir et l’oriente sur les démarches à suivre pour rejoindre l’embryon d’armée en formation près d’Ismaïlia, au bord du canal de Suez. Son témoignage sera essentiel, après la mort de Savey, pour laver celui-ci des soupçons de reniement de ses vœux et de son sacerdoce qui pèsent sur lui : c’est Carrière, en effet, qui expliquera aux supérieurs dominicains que si Réginald Savey n’était pas devenu aumônier des FFL, ce n’était pas faute d’en avoir exprimé le souhait, mais bien plutôt parce que le poste était déjà occupé tandis que l’armée gaulliste souffrait d’un manque criant d’officiers ; c’est lui, également, qui fera connaître que le jeune religieux lui avait demandé, dès son arrivée à la maison du Caire, à pouvoir le considérer comme son supérieur ; c’est lui, encore, qui effectuera les démarches nécessaires auprès des autorités ecclésiastiques du diocèse de Port-Saïd afin que le jeune officier obtienne les pouvoirs nécessaires à l’exercice de son sacerdoce auprès de ses frères d’armes, à défaut d’être leur aumônier ; c’est lui, enfin, qui rapportera de nombreux petits faits et gestes du père Savey de nature à souligner son attachement aux constitutions et aux coutumes dominicaines ainsi que sa piété.

16D’autres dominicains vont prêter leur concours à la défense de son action puis de sa mémoire : outre le père Boulanger, au Caire, il faut mentionner le père André Alby, rallié au général de Gaulle dès juin 1940 alors qu’il était en Grande-Bretagne et qui, débarqué en Syrie comme aumônier général des FFL, fait la connaissance de Savey en décembre 1941 avant de lui rendre visite, une dernière fois, à la veille de la bataille de Bir-Hakim. Le père Michel Florent, qui rallie la France libre en Syrie après avoir dû quitter l’URSS en 1941, se porte également garant de la droiture de son ancien condisciple du Saulchoir. Parmi les missionnaires, plusieurs prennent, il est vrai plus ou moins promptement, son parti, comme Marie-Joseph Cadart, de la mission de Mossoul, Jourdain de Rudder et Thomas Bois, de la mission de Djézireh, Ceslas Tunmer, vicaire provincial pour les missions en Orient. Leurs correspondances avec les supérieurs français comme les témoignages qu’ils récoltent après sa mort partagent la même intention, énoncée par de Rudder quelques jours après la mort de Savey : « Maintenant plus que jamais, j’estime qu’il est de mon devoir, en tant que frère et qu’ami, de défendre sa mémoire et d’essayer de montrer avec quelle loyauté, quelle droiture et quelle franchise le père Savey a toujours agi. Je me porte garant de la solidité de sa vocation religieuse et sacerdotale. Je ne crois pas inutile d’insister sur ce point car plusieurs personnes ont essayé d’émettre des doutes. » Il faudra, en l’occurrence, toute la force de persuasion de Jourdain de Rudder pour convaincre le père Raymond Louis, provincial de Terre Sainte et socius, à Rome, du maître général Stanislas Gillet, de la valeur de l’engagement du père Savey dans les rangs de la Résistance : à la veille de la bataille de Bir-Hakim, fin mai 1942, il déplore dans sa correspondance l’admiration qu’Alby porte à Savey.

La guerre du commandant Savey

17Savey n’a qu’une connaissance limitée des échanges de correspondance et des commentaires que suscite son action. Les communications sont difficiles et les militaires n’ont que peu de permissions. Lorsqu’il en a le loisir, il gagne pour quelques jours la maison dominicaine du Caire et, à la fin de la campagne de Syrie en 1941, reprend contact avec la mission de Djézireh désormais localisée à Derbessié. En septembre 1941, alors qu’il est au Liban, il a l’occasion de s’expliquer avec François Drapier et, surtout, avec le frère Marc Guilluy, aumônier sur un navire-hôpital, de passage au Levant, qui lui confie un message du provincial Antonin Motte de nature à le rassurer : « L’essentiel est de l’aider sur le plan religieux, pour le cas où sa vie actuelle mettrait en danger sa vocation. Pour son geste, je ne le juge pas sans l’avoir entendu, mais en tout cas qu’il se montre toujours prêtre et religieux. » Il rencontre également à plusieurs reprises le prieur de Jérusalem, Vincent de Paul Perret, peu avant son expulsion de Palestine par les Britanniques : la dernière entrevue est particulièrement orageuse, l’incompréhension totale et Savey le quitte en claquant la porte. À ses frères dominicains rencontrés au cours de cette fin d’année 1941, il manifeste sans se lasser sa fidélité à la vie religieuse et son souhait de voir défendue sa mémoire dans l’Ordre s’il venait à mourir au combat. Récusant l’accusation de ceux qui discréditent son engagement en le qualifiant de « coup de tête », il assume et revendique même dans nombre de ses lettres l’idéal de la croisade et le personnage du moine-soldat qui viennent à l’esprit de son entourage.

La casemate des officiers

La casemate des officiers

Certains témoignages indirects ont dépeint le commandant Savey comme un ascète vivant dans des conditions épouvantables au milieu de ses soldats. La réalité est plus nuancée : Jacques Savey ne peut se couper des relations avec les autres officiers et ne s’interdit ni tabac, ni alcool. Par contre, lorsque les communications le lui ont permis, il a demandé à ses supérieurs la permission de réaliser avec sa solde des dépenses de ce type, invoquant pour les expliquer la nécessité de maintenir une cohésion entre frères d’armes.

Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.

18Les nombreux témoignages de ses compagnons d’armes recueillis après sa mort permettent de documenter, mieux qu’aucune autre phase de sa vie, ses mois au combat, de septembre 1940 à juin 1942. Ils insistent sur son charisme comme chef militaire et, parfois aussi, sur la cohérence entre la figure de l’officier et celle du prêtre qu’incarne Savey. Lors de son engagement à Ismaïlia, en septembre 1940, le lieutenant Savey est placé à la tête d’une compagnie du nouveau bataillon d’infanterie de Marine (BIM) formé pour l’essentiel d’anciens de l’infanterie coloniale. Il est de toutes les opérations militaires de la France libre en Égypte et en Libye – les occasions sont, il est vrai, limitées par le manque d’équipement – et gagne ses galons de capitaine à Bardia en janvier 1941. En mars, il participe à la campagne d’Érythrée contre les Italiens, à la bataille de Keren. La Croix de guerre lui est décernée pour son action dans la prise de la ville de Massaoua, au bord de la Mer rouge, le 8 avril 1941, où il lui revient d’amener le premier drapeau italien et de capturer, au terme d’une opération audacieuse, près de 2 000 soldats. De l’Érythrée, le BIM regagne Suez par la voie maritime. Lorsque survient la nouvelle d’un prochain départ pour la Syrie, afin de contrecarrer la décision de l’amiral Darlan de mettre à la disposition de l’Allemagne nazie les moyens militaires français au Levant, certains de ses combattants sont troublés de devoir affronter des compatriotes. Ce n’est pas le cas du capitaine Savey, convaincu qu’il n’est plus temps de tergiverser et qu’il faut combattre les Allemands (les « boches ») et tous ceux qui ont fait le choix de collaborer avec eux. Il est fait chef de bataillon après la prise de Damas et, à la fin de la campagne de Syrie, en juillet 1941, est promu au grade de commandant du BIM. C’est à la fin de la même année qu’il gagne à nouveau la Libye avec ses hommes et prend bientôt position à Bir-Hakim où, pendant plusieurs mois, il vit dans l’attente de l’ennemi germano-italien aux côtés de la 1re brigade française libre du général Koenig. L’offensive de Rommel contre les troupes franco-britanniques débute le 26 mai avec comme objectif la prise du canal de Suez. Elle est enrayée par la résistance des troupes de Koenig à Bir-Hakim pendant près de deux semaines. Le 9 juin, l’armée britannique ayant pu effectuer un repli stratégique et préparer la défense de l’Égypte, ordre est donné aux Français d’évacuer leur position assiégée. C’est au cours de cette évacuation, à la tête de son bataillon et de celui du Pacifique dont le chef avait été tué, que le commandant Savey est atteint d’une rafale de mitrailleuse. Son corps est enterré sur place, dans l’urgence, à l’aube du 11 juin 1942.

La gloire posthume de Réginald Savey

19Dans les jours et les semaines qui suivent, la nouvelle de sa mort se répand dans les communautés dominicaines. Au couvent de Jérusalem, le père Savignac, successeur du père Perret à la tête de la communauté, fait prier pour lui. Il en est de même dans toutes les communautés dominicaines du Moyen-Orient. Par contre, au couvent d’Alger, où les religieux sont de tendances pétainistes, il n’est pas question alors de célébrer une messe. En métropole, au couvent d’études de la Province de France d’Étiolles, la communauté des pères et des frères étudiants est informée dans des termes élogieux de la mort au combat de l’un de ses anciens novices. Les émissions françaises de Radio-Londres diffusent l’information le 21 juin, érigeant son sacrifice en modèle pour les 60 000 congressistes de la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) qui fêtent alors le quinzième anniversaire de leur mouvement.

20Le père Carrière au Caire est le principal artisan, avec les pères Tunmer, de Rudder et Alby, de sa réhabilitation dans l’Ordre. Ils sollicitent les témoignages de ses compagnons d’armes. Certains sont publiés dans la presse gaulliste au Proche-Orient. Tous insistent sur la dimension héroïque du personnage, ainsi que sur sa valeur sacerdotale. S’il n’était pas aumônier, le père Savey vivait sa présence à l’armée comme un apostolat : il disait la messe pour ses hommes, confessait à l’occasion, et conservait une forme de distance apparaissant comme une marque de conformité avec son état de prêtre. L’imaginaire médiéval et chevaleresque est constamment sollicité pour le décrire dans tous les aspects de sa vie et rendre compte de son type d’héroïsme. Les dirigeants de la France libre apportent leur contribution à cette réhabilitation qui est aussi celle de leur combat : le général Koenig adresse ainsi au père Carrière une lettre attestant des qualités religieuses de Savey en lui enjoignant de la faire connaître, si le besoin s’en faisait sentir, à ses supérieurs. L’attribution par le général de Gaulle le 11 mai 1943 de la Croix de la Libération légitime encore davantage le combat du commandant Savey, à la fois prêtre et chef militaire. D’autres décorations suivront, la médaille de la Résistance française en 1947, celle de chevalier de la Légion d’honneur en 1948.

Du héros militaire au dominicain héroïque

Le cimetière de Bir-Hakim

Le cimetière de Bir-Hakim

Le cimetière de Bir-Hakim en Libye distribue les tombes des soldats français et alliés autour d’un monument central orné de la croix de Lorraine.

Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.

21À la suite de la bataille d’El-Alamein, en novembre 1942, qui permet aux Français de revenir dans cette partie du désert libyen, l’emplacement de la tombe du père Savey est retrouvé, après de longues recherches, et son corps inhumé le 20 mars 1943 dans le cimetière de Bir-Hakim, aux côtés des autres soldats français. Une cérémonie a lieu quelques jours plus tard en présence du général Koenig pour l’ensemble des victimes alliées de la bataille enterrées autour d’un imposant monument représentant la croix de Lorraine. Cette inhumation dans un cimetière de la Résistance marque une étape importante dans la reconnaissance de l’héroïsme du défunt. Le nom de Réginald Savey est désormais l’un de ceux que l’on cite parmi les figures de la Résistance extérieure : à l’Albert Hall de Londres, le 18 juin 1943, Pierre Brossolette le célèbre dans son « Hommage aux morts de la France combattante ». Le discrédit croissant du régime de Vichy, la libération du territoire français en 1944 et la sortie de la guerre vont permettre une appropriation de la figure du père Savey par ceux qui n’avaient pas compris sa rébellion d’août 1940. Le 12 septembre 1944, au couvent parisien du Saint-Sacrement, a lieu une cérémonie à la mémoire des trois dominicains de la Province de France « dont le souvenir n’avait pu sous l’Occupation être solennisé comme ils le méritaient » (Antonin Motte) : avec les pères Guihaire et Chenault, morts en déportation, le père Savey est célébré en présence du père Carrière, du provincial, Antonin Motte, et des généraux Koenig et Larminat. L’Aube, qui rend compte de la cérémonie, titre : « Un croisé : le commandant Savey, dominicain, héros de Bir-Hakeim. » C’est son propre frère, Louis-Bertrand Savey, qui relaie alors le travail de mémoire effectué préalablement par les dominicains du Moyen-Orient, encouragé en cela par le provincial. Après avoir violemment condamné son geste en 1940, Louis-Bertrand Savey en comprend désormais toute la portée et mesure l’honneur qu’il y avait alors à ne pas céder à la résignation : il entreprend de faire triompher la figure qu’incarne désormais Jacques Savey et, par la même occasion, d’enterrer les polémiques et les doutes des années 1940-1943. Il se rend au Caire en 1945 pour recueillir de nouveaux témoignages, ordonne et présente la documentation rassemblée par les pères Carrière et de Rudder, passe commande au général Koenig d’une préface et au père Motte d’un avant-propos. Mais son projet de brochure n’aboutit pas faute de pouvoir trouver un accord avec l’éditeur, Les Éditions du Cerf. La nomination du père Louis-Bertrand Savey comme aumônier militaire en Afrique du Nord ne facilite pas non plus ses démarches qui restent au point mort pendant des mois. Le décès accidentel des parents des deux frères dominicains, Charles et Jeanne-Marie Savey, à Neuilly-sur-Seine le 27 janvier 1946, freine aussi cette entreprise mémorielle. En dépit des cérémonies liées à l’attribution des décorations et de quelques articles publiés dans la presse par Savey (L.B.S, « Un pèlerinage français à Bir-Hakeim », La Croix, 20 mai 1947) et Alby (frère André-Marie, « Un héros de Bir-Hakeim : le RP Savey, dominicain », La Croix, 15-16 août 1949), le souvenir de Réginald Savey risque de s’estomper. Ses anciens confrères dominicains, les pères Florent, Alby et surtout de Rudder, poussent alors Louis-Bertrand Savey à retravailler son manuscrit et à proposer aux Éditions du Cerf une aide financière afin de permettre la publication, qui a lieu au début de l’année 1950, d’un petit livre intitulé Jacques Savey, dominicain, héros de Bir-Hakim. Le manuscrit de cette brochure, exempt de coupes, manifeste de manière plus explicite que l’ouvrage publié le projet de son auteur : « À l’intention, plus spécialement, de ceux qui connurent jadis le religieux, pour l’édification aussi des jeunes générations montantes qui ambitionnent de servir maintenant sous l’habit des frères prêcheurs, je ferai maintenant le récit d’une généreuse fidélité à l’esprit et à la règle d’un Ordre. » Un dernier chapitre, écrit le 15 août 1945 sous le coup de l’émotion lié à la sortie de la guerre et finalement retranché du texte définitif, revient de manière allusive sur ce qui avait séparé les deux frères en 1940, pour ne retenir que ce qui apparaît désormais essentiel, dans la France libérée : « Je dis […] qu’il n’a jamais existé de différence fondamentale entre l’esprit “Free French” des uns et l’âme “résistante” des autres ». Ce petit livre, publié à 3 500 exemplaires cinq ans plus tard, connaît une diffusion suffisante via les réseaux des dominicains et des anciens de la France libre pour que son tirage soit écoulé en deux années. Sa sortie permet d’espérer une stabilisation dans les mémoires de l’image du héros de Bir-Hakim.

Inhumer un héros de la Résistance parmi ses frères dominicains

La cérémonie militaire de la cour des Invalides, 4 avril 1950

La cérémonie militaire de la cour des Invalides, 4 avril 1950

La cérémonie qui se tient dans la cour d’honneur des Invalides le 4 avril 1950 est, au grand regret du père Jourdain de Rudder présent ce jour-là avec quelques-uns de ses confrères, à caractère strictement militaire. Le ministre de la Guerre, René Pleven (au centre, à gauche du général Koenig), s’incline devant les dépouilles des quinze soldats rapatriés de Bir-Hakim, dont celle du commandant Savey, avant que ne retentisse la sonnerie aux morts.

Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.

22La fidélité des anciens du Moyen-Orient à la mémoire du commandant Savey se manifeste une dernière fois au cours des années 1968, lorsque la Province de France fait le choix, en 1970, de vendre son couvent d’Étiolles. C’est l’Éducation nationale qui se porte acquéreuse du lieu. Les restes des dominicains enterrés dans l’enceinte de la propriété doivent être exhumés pour être réduits et transférés dans un caveau du cimetière municipal. Le corps du père Savey est concerné par l’opération car il avait été rapatrié en mars 1950 puis, après une cérémonie militaire dans la cour des Invalides, le 4 avril, en présence d’une dizaine de dominicains en chape, transporté le 14 avril dans le cimetière du Saulchoir. Cette initiative, menée par le général Koenig, avait pour acteur principal, côté dominicain, le père de Rudder qui présidait la cérémonie d’Étiolles. La décision de 1970 oppose de manière virulente celui-ci, soutenu par le père Florent, au provincial, Nicolas Rettenbach : aux premiers, qui refusent la disparition d’une sépulture individuelle permettant aux anciens de la France libre de venir s’y recueillir, le second oppose l’égalité de traitement entre tous les disparus et s’étonne que la requête porte sur le seul corps de Réginald Savey et pas sur ceux des frères dominicains morts pour la France en 1939-1940 et dont les corps avaient également été acheminés jusqu’au cimetière du Saulchoir (Hyacinthe Musard, Mannès Mesnard, Laurent Chonavey). Décidé à maintenir inchangée sa fidélité à la mémoire de Réginald Savey (« Nos jeunes générations ignorent trop ce que nous avons supporté, subi et enduré »), le père Jourdain de Rudder doit cependant faire le constat de son isolement : le père Louis-Bertrand Savey est décédé en 1963 ; le général Koenig a disparu en 1970. La mobilisation de l’Association des Français libres ne parvient pas à infléchir la décision du provincial et, le 8 mai 1972, les restes des dominicains sont transférés dans un caveau du cimetière communal. Les anciens compagnons de combat de Savey, présents lors de la cérémonie, comme les pères de Rudder et Florent, ne peuvent s’empêcher de voir dans cet épisode, qui associe disparition du couvent d’études et fusion des dépouilles, la marque d’une époque qui s’achève, époque qui attribuait la première place à la mémoire héroïque de la Résistance. L’épisode est pour l’institution dominicaine, quoi qu’il en soit, révélateur d’une nouvelle manière de hiérarchiser des hauts faits et de les transmettre aux jeunes générations.

L’insigne de la promotion « Chef de bataillon Savey »

L’insigne de la promotion « Chef de bataillon Savey »

La description héraldique de cet insigne conçu en 1990 est la suivante : « Écu de fantaisie d’azur à une épée d’argent gardée d’or posée en pal chargée du nom Chef de Bataillon Savey en capitales de sable, adextrée d’une croix de la libération sur son ruban, chapée d’une soutane de candide, sénestrée du continent africain d’or chargeant trois parallèles de sable, surmontant le bras d’une ancre d’or au bout du même mouvant de l’épée, accompagnée du sigle 1er BIM en chef du millésime 1942 en pointe.

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23Contrairement aux craintes du père de Rudder, les hommages rendus au commandant Savey ne prennent pas fin après 1972, du moins du côté de l’armée. Le 15 octobre 1989, l’Association des officiers de réserve de l’Essonne célèbre le 20e anniversaire de sa fondation en se rendant au cimetière d’Étiolles. Le 29 novembre 1990, à Saint-Cyr Coëtquidan, une promotion d’élèves-officiers de réserve prend le nom de « Chef de Bataillon Savey ». C’est encore l’analogie avec la figure du croisé qui est mise en avant pour justifier ce choix. Le père Louis-Marie de Bourmont, lui-même ancien officier de réserve, y représente l’Ordre des frères prêcheurs.

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Sources

Archives dominicaines de la Province de France. — Louis-Bertrand Savey, « Le P. Jacques-Réginald Savey », L’Afrique dominicaine, janvier-mars 1950, p. 329-334. — [Louis-Bertrand Savey], Jacques Savey, dominicain. Héros de Bir-Hakim, Témoignages recueillis par son frère, Paris, Les Éditions du Cerf, 1950. — Louis Dillemann, « Les Français en Haute-Djezireh (1919-1939) », Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 66, 242-243, 1er et 2e trimestres 1979, p. 33-58. — Renée Bédarida, Les catholiques dans la guerre, 1939-1945, Paris, Hachette, 1998. — Bernard Comte, L’honneur et la conscience. Catholiques français en résistance, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1998. — Nadine Méouchy (dir.), France, Syrie et Liban 1918-1946 : Les ambiguïtés et les dynamiques de la relation mandataire. Nouvelle édition [en ligne]. Damas : Presses de l’Ifpo, 2002. URL : http://0-books-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ifpo/3155. — Jean-David Mizrahi, Genèse de l’État mandataire. Service des renseignements et bandes armées en Syrie et au Liban dans les années 1920, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003. — Dominique Avon, Les frères prêcheurs en Orient : les dominicains du Caire (années 1910-années 1960), Paris, Les Éditions du Cerf, 2005. — Jordi Tegel Gorgas, Le mouvement kurde de Turquie en exil. Continuités et discontinuités du nationalisme kurde sous le mandat français en Syrie et au Liban (1925-1946), Berne, Peter Lang, 2007. — Jordi Tejel Gorgas, « Les territoires de marge de la Syrie mandataire : le mouvement autonomiste de la Haute Jazîra, paradoxes et ambiguïtés d’une intégration “nationale” inachevée (1936-1939) », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], 126, novembre 2009, mis en ligne le 15 décembre 2012. URL : http://remmm.revues.org/6481. — Jordi Tejel Gorgas, « Un territoire de marge en Haute-Djézireh syrienne (1921-1940) », Études rurales, 186, juillet-décembre 2010, p. 61-76. — Étienne Fouilloux, Eugène cardinal Tisserant 1884-1972. Une biographie, Paris, Desclée de Brouwer, 2011. — Dominique Lormier, Koenig, l’homme de Bir-Hakeim, Paris, Éditions du Toucan, 2012. — Gérard Bardy, Les moines soldats du général, Paris, Plon, 2012. — Dominique Lormier, La bataille de Bir-Hakeim : une résistance héroïque, Paris, Calmann-Lévy, 2016.

Sources en ligne (sélection) :

http://www.ordredelaliberation.fr/fr/les-compagnons/885/jacques-savey. — https://www.troupesdemarine.org/outils/biblio/fiches/lv000200.htm. — http://www.france-libre.net/jacques-reginald-savey. — http://www.1dfl.fr/SAVEY.html. — https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Savey. —http://www.ego.1939-1945.crhq.cnrs.fr/recherche/detail_ouv.php?id_ouvrage=1558. —

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Table des illustrations

Titre Le noviciat dominicain 1927-1928
Légende Réginald Savey (debout à l’extrême gauche sur la photo) privilégie l’attitude du monastique pour poser parmi ses confrères du noviciat 1927-1928. À ses côtés, debout, de droite à gauche, les frères Scrépel, Laféteur, Fauvergue, Bouche, Dago, Butruille, Fontaine, Perrier, Cosmao-Dumanoir, de Ménil. Au premier rang, assis, de gauche à droite, les frères Colin, Sirot, Pensel (sous-maître), Berger (maître), Hyacinthe Dondaine, Jacques, Raymond-Marie Florent.
Crédits Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dominicains/docannexe/image/2616/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,2M
Titre Réginald Savey, novice étudiant, au Saulchoir de Kain en 1932
Légende Cette photo a été prise alors que le jeune homme achève son service militaire et réintègre le couvent d’études où il sera ordonné en 1934.
Crédits Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dominicains/docannexe/image/2616/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 1,1M
Titre Le jeune prêtre au miroir du portail de la cathédrale de Reims
Légende Il est d’usage qu’une image-souvenir, laissée à la discrétion de l’intéressé, soit imprimée en souvenir de son ordination sacerdotale afin d’être distribuée à ses proches. Elle fait écho à l’une des facettes de son état que le nouveau prêtre souhaite mettre en avant. Il arrive que plusieurs images soient retenues. Les papiers personnels de Réginald Savey en proposent deux : la première, reproduction d’une sculpture de la façade de la cathédrale de Reims, évoque les souffrances du Christ sur la via crucis ; la seconde, intitulée « Saint Thomas d’Aquin compose l’hymne au Saint-Sacrement », reproduit une œuvre du peintre Maurice Denis. Si une troisième image a été diffusée représentant la communion du chevalier de la cathédrale de Reims, il n’en a pas été conservé de trace dans ses archives. Le destin tragique de Réginald Savey à Bir-Hakim a-t-il pu altérer la mémoire de ceux qui ont eu après sa mort à défendre la figure du moine-soldat ?
Crédits Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dominicains/docannexe/image/2616/img-3.jpg
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Titre Les frères Réginald et Louis-Bertrand Savey au couvent du Saint-Sacrement
Légende Le photographe a également réalisé plusieurs clichés de Réginald Savey seul. Le lieu figure au dos de l’une d’entre elles : il s’agit du couvent du Saint-Sacrement, à Paris, où Louis-Bertrand est assigné de 1932 à 1938. La barbe de Réginald Savey et sa position centrale par rapport à son aîné suggèrent une photo réalisée peu de temps avant son départ pour la mission du Levant.
Crédits Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dominicains/docannexe/image/2616/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 1,6M
Titre La maison dominicaine de Kamechlié
Légende Handicapé par l’obstacle de la langue, Réginald Savey consacre les premiers mois de sa présence en Haute-Djézireh à apprendre l’arabe et à tenir la maison conventuelle. En outre, comme il est d’usage dans les missions du Levant, le jeune missionnaire maintient, en attendant d’être apte à l’apostolat, un lien avec sa patrie d’origine et avec les frères étudiants par la rédaction d’une chronique déposée dans la salle commune du Saulchoir et dont des extraits sont ensuite repris dans les revues de sa famille religieuse comme l’Année dominicaine. Ce plan est issu de sa première chronique, datée du 22 janvier 1937, dans laquelle il décrit le seul espace qui lui soit alors familier, celui de la maison conventuelle : « Cette maison est construite en terre comme les neuf dixième des maisons de Kamechlié. […] Le toit est donc fait de terre tassée que l’on roule comme un tennis. Vous savez qu’en été on s’en sert comme dortoir ; actuellement nous y grimpons par une échelle et allons nous y promener pendant la récréation de midi : c’est notre jardin suspendu. » La maison permet aux quatre religieux d’avoir chacun une cellule et de partager quelques espaces de vie commune : oratoire et réfectoire. Une pièce au fond de la cour permet d’accueillir un embryon de foyer pour les premières œuvres de jeunes gens.
Crédits Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.
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Titre Les missionnaires dominicains et les autorités françaises au Levant
Légende En mai 1937, les autorités mandataires françaises visitent Kamechlié et sa mission. La photo est prise sur le terrain d’aviation. Dominicains et officiels se mélangent devant l’appareil créant l’illusion d’un front commun de défense des intérêts français dans la région. Le comte Damien de Martel, au centre et coiffé d’un chapeau, est haut commissaire au Levant. Il est accompagné du commandant Bonnet, chef des services spéciaux du Levant (deuxième en partant de la gauche, en retrait de François Drapier), des commandants Bergey et Gentis (à sa droite), chefs du 8e bataillon du Levant. Savey est à droite, un casque colonial sous le bras.
Crédits Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.
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Titre Réginald Savey dans les jardins du couvent du Caire, 1940-1941
Crédits Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.
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Titre La casemate des officiers
Légende Certains témoignages indirects ont dépeint le commandant Savey comme un ascète vivant dans des conditions épouvantables au milieu de ses soldats. La réalité est plus nuancée : Jacques Savey ne peut se couper des relations avec les autres officiers et ne s’interdit ni tabac, ni alcool. Par contre, lorsque les communications le lui ont permis, il a demandé à ses supérieurs la permission de réaliser avec sa solde des dépenses de ce type, invoquant pour les expliquer la nécessité de maintenir une cohésion entre frères d’armes.
Crédits Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.
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Titre Le cimetière de Bir-Hakim
Légende Le cimetière de Bir-Hakim en Libye distribue les tombes des soldats français et alliés autour d’un monument central orné de la croix de Lorraine.
Crédits Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dominicains/docannexe/image/2616/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 1,7M
Titre La cérémonie militaire de la cour des Invalides, 4 avril 1950
Légende La cérémonie qui se tient dans la cour d’honneur des Invalides le 4 avril 1950 est, au grand regret du père Jourdain de Rudder présent ce jour-là avec quelques-uns de ses confrères, à caractère strictement militaire. Le ministre de la Guerre, René Pleven (au centre, à gauche du général Koenig), s’incline devant les dépouilles des quinze soldats rapatriés de Bir-Hakim, dont celle du commandant Savey, avant que ne retentisse la sonnerie aux morts.
Crédits Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dominicains/docannexe/image/2616/img-10.jpg
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Titre L’insigne de la promotion « Chef de bataillon Savey »
Légende La description héraldique de cet insigne conçu en 1990 est la suivante : « Écu de fantaisie d’azur à une épée d’argent gardée d’or posée en pal chargée du nom Chef de Bataillon Savey en capitales de sable, adextrée d’une croix de la libération sur son ruban, chapée d’une soutane de candide, sénestrée du continent africain d’or chargeant trois parallèles de sable, surmontant le bras d’une ancre d’or au bout du même mouvant de l’épée, accompagnée du sigle 1er BIM en chef du millésime 1942 en pointe.
Crédits Archives dominicaines de la Province de France/Tangi Cavalin, Nathalie Viet-Depaule (dir.), Dictionnaire biographique des frères prêcheurs en ligne.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dominicains/docannexe/image/2616/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 881k
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Pour citer cette notice

Référence électronique

Tangi Cavalin, « SAVEY Réginald », Dictionnaire biographique des frères prêcheurs [En ligne], Notices biographiques, S, mis en ligne le 15 décembre 2017, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dominicains/2616

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Auteur

Tangi Cavalin

Notices du même auteur

  • MADRE Thomas [Texte intégral]
    MADRE Clément Louis Henri à l’état civil, MADRE Thomas en religion
    Paru dans Dictionnaire biographique des frères prêcheurs, Notices biographiques, M
  • BESANÇON Gérard [Texte intégral]
    BESANÇON Louis, Léon, Marie, Gérard à l’état civil ; BESANÇON Dalmace en religion
    Paru dans Dictionnaire biographique des frères prêcheurs, Notices biographiques, B
  • CORTADE Jacques [Texte intégral]
    CORTADE Jacques Félix Jean-Marie à l’état civil ; CORTADE Callixte en religion
    Paru dans Dictionnaire biographique des frères prêcheurs, Notices biographiques, C
  • NASSOUR Ignace-Marie [Texte intégral]
    NASSOUR Georges Jamil à l’état civil ; NASSOUR Ignace-Marie en religion
    Paru dans Dictionnaire biographique des frères prêcheurs, Notices biographiques, N
  • GONNET Paul [Texte intégral]
    GONNET Pierre Jacques à l’état civil ; GONNET Paul en religion
    Paru dans Dictionnaire biographique des frères prêcheurs, Notices biographiques, G
  • DÉGEORGES Constant [Texte intégral]
    DÉGEORGES Pierre Antoine Marius à l’état civil ; DÉGEORGES Constant-Marie en religion
    Paru dans Dictionnaire biographique des frères prêcheurs, Notices biographiques, D
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Droits d’auteur

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