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Pour conclure le débat : deux auteurs, deux approches, mais une même perspective

Daniel Peraya

Texte intégral

  • 1 Le masculin est utilisé sans aucune discrimination et dans le seul but d’alléger le texte.

1Pour cette dernière édition de la rubrique Débat-discussion consacrée aux métiers d’ingénieurs et de conseillers pédagogiques1, ce numéro accueille deux intervenants. Tous deux ont déjà contribué à DMS sur cette thématique. Isabelle Savard (Téluq) est intervenue dans le débat consacré à l’évolution de l’ingénierie pédagogique (2020). Amaury Daele (Haute école pédagogique Vaud), quant à lui, a publié dans DMS une note de lecture en 2014 à propos de l’ouvrage La formation en ligne. Les conseillers et ingénieurs pédagogiques. 20 études de cas (Potvin, Power et Ronchi, 2014). L’ingénierie et le conseil pédagogiques, les identités professionnelles de chacun de ces métiers, enfin le rapport entre les praticiens et les chercheurs sont donc au cœur de leurs préoccupations professionnelles et scientifiques.

2Isabelle Savard aborde la relation entre pratique et recherche à partir de son expérience professionnelle alternant entre ces deux mondes. Sa contribution prend la forme d’un récit, d’un témoignage qui s’inspire de ses expériences professionnelles constituées d’un va-et-vient entre des périodes d’enseignement et de recherche (au début de sa carrière, elle a été répétitrice pour le CNED en Zambie et aujourd’hui elle est professeure à la Téluq), mais aussi de responsabilités institutionnelles liées à la formation des futurs ingénieurs pédagogiques à la Téluq. Pour elle, comme beaucoup d’entre nous, la recherche doit être réinvestie dans la pratique qui, à son tour, nourrit la recherche.

3Elle propose une description de l’organisation et du fonctionnement de la Téluq qu’elle décrit comme un « écosytème ». Pour I. Savard, ce dernier prend la forme d’une cohabitation harmonieuse entre tous les acteurs de l’institution, d’une quête d’équilibre entre pratique et recherche, d’une collaboration avec des partenaires extérieurs. L’autrice considère la Téluq comme une « écologie », comme « un dense réseau de dépendances, d’échanges d’énergie, d’information et de matière permettant le maintien et le développement des meilleures pratiques en enseignement et en recherche en éducation ». Aussi le processus de conception et production d’un cours est-il le fruit de la collaboration entre de multiples acteurs : « les professeurs, les spécialistes en sciences de l’éducation [qui agissent comme des ingénieurs pédagogiques], les chargés de projets spécialistes en production de médias numériques, les réviseurs linguistiques et plusieurs autres », regroupés depuis cinq ans dans un seul service technopédagogique centralisé. Cette collaboration joue un rôle essentiel que ce soit pour les cours de la Téluq ou pour des projets « spéciaux ». L’initiative de tels projets, différents de la formation créditée classique, revient à certains professeurs ou à des commanditaires externes, par exemple le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Ces projets et ces mandats relèvent, quant à eux, du Service du développement et avancement universitaire, dont l’effectif est certes plus réduit que celui du service technopédagogique, mais il est organisé et travaille selon les mêmes principes, selon la même philosophie « écosystémique ». Parmi les projets spéciaux, I. Savard mentionne notamment des projets de recherche-développement ou développement impliquant des partenaires externes qui sont autant d’opportunités pour jeter un pont entre pratique et recherche. Mais ce ne sont pas les seules initiatives, les seuls partenariats qui se développent au sein et à partir de la Téluq. Citons encore ONE, l’Observatoire du numérique en éducation, qui « a pour but ultime de contribuer à la recension et à l’essor des pratiques pédagogiques qui intègrent les technologies numériques dans l’enseignement et la formation, en classe et à distance. »

4Amaury Daele se propose, quant à lui, de définir l’identité professionnelle des ingénieurs et conseillers pédagogiques à partir de trois interrogations : (1) quelles sont les caractéristiques, propres à leur environnement de travail qui permettent de définir leur identité professionnelle ? (2) Quels sont les « tensions », ou même les paradoxes, vécus par ces professionnels, qui rendent difficile une meilleure définition de leur identité professionnelle ? (3) Quelles sont les perspectives ? Les rapports qu’entretiennent ces professionnels avec la recherche scientifique peuvent-ils contribuer à un développement de leur identité ?

5Il s’appuie sur le modèle définitoire de l’identité professionnelle proposé par Donnay et Charlier (2006) selon lequel « l’identité professionnelle peut être définie comme un discours évaluatif ou auto-évaluatif et attributif à propos de soi en tant que professionnel ». Il questionne les trois champs professionnels que touche ce modèle du point de vue des ingénieurs et des conseillers pédagogiques. Il s’agit (a) du champ professionnel « qui est celui de la définition normée du métier d’un point de vue général ; (b) du champ organisationnel « qui est celui de l’institution globale (gouvernance nationale ou régionale des universités) ou plus locale (université ou haute école) dans laquelle évoluent les ingénieurs et conseillers » et enfin (c du champ personnel « qui concerne les professionnels en tant qu’individus : leur histoire, leur projet, leurs compétences, les valeurs qu’ils entendent soutenir, leurs relations avec les autres et avec leur institution, etc. ».

  • 2 Par exemple, lors de la première phase du projet fédéral du Campus Virtuel Suisse (2000-2003) (http (...)

6La contribution, qui se nourrit des contributions précédentes, se révèle très enrichissante. D’abord car l’identité professionnelle, reconnue comme un des points centraux du débat n’a jamais été examinée à partir d’un construit théorique. Daele et Sylvestre (2019) distinguent six tensions ou « paradoxes » bipolarisés vécus par les ingénieurs et les conseillers pédagogiques, par exemple les approches théorique et pragmatique de l’enseignement, le soutien et le contrôle institutionnel, l’accompagnement et l’évaluation. Tous ceux et celles qui ont accompagné des projets connaissent bien ces postures contradictoires, parfois conflictuelles2. Ensuite, parce que cette approche systémique permet de relire et éclairer d’un point de vue distancé les témoignages et les propos qui ont alimenté la rubrique tout au long de l’année. Elle permet par conséquent de mieux les comprendre, mais de mieux appréhender les difficultés à définir leur identité professionnelle. À propos de l’implication des ingénieurs et conseillers pédagogiques dans la recherche académique, A. Daele considère que la crise sanitaire a mis en évidence leur rôle de médiateurs scientifiques et aurait modifié leur rapport à la recherche : « Du point de vue de l’identité professionnelle, c’est encore une des compétences de ces professionnels à mettre en évidence et à développer. »

7L’intérêt de publier ces deux textes fort différents dans le même numéro réside dans le contraste entre leur manière d’aborder les mêmes thématiques qui mènent, finalement, à des conclusions proches et suggèrent des solutions fort semblables. Si le texte de A. Daele, peut être considéré comme une réelle synthèse du débat de cette année, la contribution d’I. Savard se veut plus narrative et sa conclusion a des accents plus militants. Je lui laisserai donc la parole pour conclure cette présentation : « Tout comme Julie Denouël (2021) et Besma Ben Salah (2021), je crois à la nécessité de la reconnaissance professionnelle pour bâtir de telles relations de confiance. De plus, j’encourage l’augmentation de la valorisation de la profession d’ingénieur pédagogique au sein des différents établissements, car elle ne peut que favoriser l’établissement de ces relations de confiance nécessaires. »

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Notes

1 Le masculin est utilisé sans aucune discrimination et dans le seul but d’alléger le texte.

2 Par exemple, lors de la première phase du projet fédéral du Campus Virtuel Suisse (2000-2003) (http://www.virtualcampus.ch/display2625.html), TECFA, qui a été sollicité pour accompagner les projets dont la coordination se trouvait dans une université romande ou italophone a négocié pendant plusieurs mois avec les responsables du programme et a finalement obtenu que les mandats d’accompagnement et d’évaluation soient attribués à des unités différentes.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Daniel Peraya, « Pour conclure le débat : deux auteurs, deux approches, mais une même perspective »Distances et médiations des savoirs [En ligne], 36 | 2021, mis en ligne le 17 décembre 2021, consulté le 11 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dms/6862 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/dms.6862

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Auteur

Daniel Peraya

Université de Genève, TECFA

Daniel.Peraya@unige.ch

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