1L’éducation et la formation tout au long de la vie (EFTLV) grâce aux technologies web et aux applications pédago-technologiques permettent aux dispositifs en ligne de personnaliser l’apprentissage aux besoins de chacun.
2Afin d’assurer les conditions gagnantes pour favoriser l’apprentissage tout au long de la vie, des recherches de développement et évaluatives ont été entreprises depuis les 18 dernières années par des équipes du Centre d’expertise et de recherche sur l’apprentissage à vie (SAVIE) afin de construire des dispositifs d’apprentissage personnalisé (DAP) et de soutien à l’apprentissage à l’aide d’une plateforme de conception Personn@lisa et de les expérimenter auprès des milieux de formation formelle et non formelle. Nos travaux se sont appuyés sur les prémisses suivantes, à savoir que les DAP : 1) offrent une formation qui prend en compte le bagage de l’apprenant et lui donne les outils nécessaires pour soutenir sa réussite ; 2) sont construits à partir de ressources d’apprentissage de courte durée et facilement adaptables aux besoins et contexte de la personne apprenante ; 3) mettent à la disposition de chaque apprenant des cheminements diversifiés et sur mesure ; 4) s’appuient sur un environnement de conception qui offre des aides à la conception facilitant le travail de l’enseignant/concepteur et l’utilisation diversifiée de méthodes pédagogiques actives et des technologies web ; et 5) doivent tenir compte de conditions ergonomiques sur le plan du design, de la convivialité et de la lisibilité pédagogique.
3Après une mise en contexte, nous ferons état des résultats de nos études sous forme de recommandations pour tous ceux et celles qui souhaitent développer des DAP.
4Le Centre d’expertise et de recherche sur l’apprentissage à vie (SAVIE) œuvre depuis 1994 pour favoriser la formation en ligne comme outil de développement, la recherche sur l’intégration des technologies web comme moyen d’enseignement et d’apprentissage et l’échange d’informations dans les différents milieux francophones et, ultimement, contribuer à un environnement propice à l’éclosion d’une culture d’apprentissage à vie. Le centre a pour but de documenter, par une programmation scientifique et rigoureuse, le développement et l’évaluation du potentiel pédagogique des dispositifs d’apprentissage personnalisé en ligne qui soutiennent l’EFTLV et de tester les innovations technologiques à l’appui des dispositifs auprès de divers groupes d’utilisateurs afin de favoriser l’EFTLV. Les champs d’intervention du Centre sont : 1) la personnalisation de l’apprentissage à vie en ligne (formelle, informelle, non formelle) : principes et applications ; 2) les outils d’aide à la formation en ligne : Personn@lisa 2.0, ePortfolio, ENJEUX4.0, Carrefour virtuel de jeux éducatifs 1.0 et 2.0 ; 3) les outils d’aide à la persévérance et à la réussite aux études : SAMI-Persévérance ; et 4) les outils de communication et de collaboration pour les communautés de pratique.
5La personnalisation de l’apprentissage est une approche éducative qui se situe dans un espace intermédiaire (Dumazedier, 1995), à la rencontre de l’institution éducative (dispositifs d’enseignement/apprentissage en ligne) et de l’apprenant (profil personnel, profil d’apprenant, profil professionnel), dans un contexte social d’apprentissage à vie (formel, non formel et informel) (Sauvé et Wright, 2008). Nous reviendrons sur les composantes de la personne apprenante au point 3.1.
6Ainsi, les principales préoccupations de nos études portent sur les conditions organisationnelles, pédagogiques et technologiques susceptibles de favoriser la personnalisation de l’apprentissage dans différents contextes en lien avec le contrôle de la personne apprenante quant à sa formation et ses apprentissages. La Figure 1 illustre les principales composantes de notre modèle pédagogique que nous détaillerons dans les points suivants.
Figure 1. Composantes du modèle pédagogique
7L’apprentissage tout au long de la vie en ligne se réfère à l’acquisition de connaissances et de compétences (professionnelles et génériques) considérée comme un processus continu, qui ne s’achève pas après des études scolaires ou universitaires. Il se développe de manière ininterrompue tout au long de la vie professionnelle et se poursuit au-delà du départ à la retraite, en s’étendant, de nos jours, à toutes les étapes de la vie et à tous les groupes sociaux, en grande partie grâce aux possibilités offertes par les technologies web (e-learning).
8Ainsi, l’apprentissage à vie regroupe toutes les formes d’apprentissage :
-
formel : activités d’apprentissage qui ont lieu dans un contexte organisé, structuré et graduel et qui vise à mener à des titres de compétence reconnus tel qu’un cursus diplômant suivi au collégial ou à l’université ;
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non formel : activités d’apprentissage qui sont structurées et organisées sur le lieu de travail (entreprises, organismes gouvernementaux et communautaires) qui ne sont pas normalement graduelles et qui ne mènent pas normalement à un titre de compétence reconnu, telles que les compétences professionnelles et techniques pour une tâche donnée requise par le milieu de travail ou une formation facilitant l’insertion au travail dans les milieux communautaires ;
-
informel : activités peu structurées, autodirigées et réalisées au rythme de l’apprenant, qui peuvent être liées à des fins professionnelles telles que des contenus informationnels (veille, bulletin, etc.) utiles pour le travail ou personnelles telles que l’apprentissage intergénérationnel (de la famille, du quartier, de la ville ou de la collectivité dans son ensemble qui font eux aussi partie intégrante de l’environnement d’apprentissage, tout comme ils font partie des fondements de l’économie et de la société).
9Ces possibilités d’apprentissage doivent être accessibles à tous les citoyens de manière continue. L’apprentissage tout au long de la vie concerne également la possibilité d’avoir une « seconde chance » de mettre à jour les compétences de base et d’offrir des possibilités d’apprentissage à des niveaux plus élevés.
10Les différents dispositifs en ligne conçus et expérimentés par les équipes du centre pour soutenir l’EFTLV s’appuient sur les fondements de la personnalisation de l’apprentissage. Par dispositif, nous entendons un environnement en ligne structuré et organisé qui met à la disposition de la personne apprenante et de la personne enseignante (ou de la personne en soutien à l’apprentissage tel que la personne tutrice ou le mentor) toutes les ressources (technologiques et humaines) nécessaires à l’EFTLV. Pour créer les dispositifs d’apprentissage personnalisé (DAP) et de soutien d’apprentissage personnalisé (DSAP), nous nous appuyons sur une plateforme de conception en ligne en constante évolution : Personn@lisa. Cette plateforme, tout en intégrant des technologies web 2.0, propose des outils automatisés tels que des outils de dépistage, des outils d’identification du profil d’apprentissage, des feuilles de route dynamiques, des fiches d’analyse et de veille, des questionnaires d’analyse de besoins (compétences ou connaissances), des référentiels de compétences (programme et cours), des outils d’évaluation formative (exercices autocorrectifs) et sommative (examen et travail noté), des coquilles génériques de jeux éducatifs/sérieux, etc.). Ces outils permettent aux enseignants ou à l’équipe de conception de personnaliser 1) l’apprentissage à travers un DAP qui tient compte du profil de l’apprenant, de ses traces dans le dispositif, de la gestion de son environnement personnel d’apprentissage (portfolio et outils de travail, réorganisation de l’apprentissage, etc.) et 2) le soutien personnalisé à l’apprentissage à travers un DSAP qui offre un tableau de bord facilitant le suivi des apprentissages et la rétroaction.
- 1 Les EPA sont des environnements dans lesquels les personnes apprenantes assemblent et aménagent ce (...)
11Contrairement à certains travaux sur les EPA1 où la personnalisation est implicite et essentiellement conduite par l’individu avec le support des technologies, les DAP sont conçus par une équipe pédago-technologique au sein d’une institution et mis au service de la personne apprenante. Les DAP intègrent tous les ressources en appui à la personne apprenante dans ses tâches de sélection, d’ajustement et de filtrage des éléments de contenu, des méthodes d’apprentissage et des technologies web (ex. d’individualisation, de collaboration, de réseaux sociaux) qui constitueront son apprentissage tout en lui offrant un dispositif en ligne adapté, simple et facile à utiliser (Koper, 2001 ; Sauvé, 2006). L’apprenant peut également y insérer ses outils personnels de travail. Nous avons fait l’hypothèse que les supports offerts par les DAP permettent de limiter la charge cognitive nécessaire aux personnes apprenantes pour gérer leur apprentissage et les focalisent sur l’objet central de leur implication dans un DAP : un apprentissage significatif et signifiant.
12Les principes qui sous-tendent les DAP entraînent une remise en cause des dispositifs d’e-learning tels que nous les connaissons dans de nombreuses institutions et qui relèvent plus du concept d’environnement numérique d’apprentissage (ENA) que des concepts de personnalisation de l’apprentissage et d’environnement personnel d’apprentissage (EPA). Si les plateformes de conception en ligne évoluent vers une intégration de certains services, elles ne permettent généralement pas à tous les acteurs (enseignants/concepteurs ou équipe pédago-technologique, enseignants/personnes tutrices et étudiants) de personnaliser l’ENA au point d’y intégrer l’ensemble des services qu’ils souhaitent tant pour l’enseignement et soutien que pour l’apprentissage.
13Il s’agit d’un champ de recherche scientifique très dynamique et au cœur des préoccupations des établissements d’enseignement, des entreprises demandeuses de formations en milieu de travail, des organismes communautaires en employabilité (insertion sociale et insertion en emploi) qui se tournent de plus en plus vers la formation en ligne pour servir une clientèle aux besoins diversifiés.
14Depuis 1994, de nombreuses études ont été menées par des équipes multidisciplinaires et interinstitutionnelles du Centre pour personnaliser l’apprentissage tout au long de la vie à l’aide des technologies web. Différentes méthodologies ont été mises en place pour développer, expérimenter et valider les dispositifs : design interactif, mise à l’essai (Learning Vérification and Revision), recherche descriptive, pré et post test groupe simple, étude comparative. Les résultats de ces études ont démontré l’apport de certaines conditions de personnalisation de l’apprentissage qui sous-tendent un apprentissage efficace et efficient. Examinons-les plus en détail.
15Personnaliser l’apprentissage, c’est mettre en place des parcours de formation qui tiennent compte des caractéristiques personnelles de la personne apprenante regroupées dans un portfolio adaptable aux différents contextes de l’apprentissage tout au long de la vie.
16Personnaliser l’apprentissage, c’est permettre à chaque personne de préciser ses handicaps (physique et/ou intellectuel). De plus en plus de dispositifs se préoccupent de personnaliser l’apprentissage en ligne aux personnes présentant des troubles d’apprentissage (ex. dyslexie, dysorthographie, dyscalculie) et des troubles de déficit d’attention. Le diagnostic de ces troubles s’avère complexe puisque plusieurs des symptômes associés à ces déficiences peuvent être vécus de façon épisodique par la majorité des individus (Walcot-Gayda, 2004). De plus, il faut s’assurer que les symptômes ne sont pas dus à d’autres causes que le trouble lui-même (déficience intellectuelle, trouble de santé mentale, etc.). C’est pourquoi un diagnostic doit être posé par un professionnel de la santé (un psychologue, un médecin ou un neuropsychologue, par exemple). Par contre, pour le bien de la personne atteinte, des activités de dépistage sont encouragées par les professionnels afin d’inciter les personnes atteintes à reconnaître leur situation et à consulter rapidement un spécialiste (Office des professions du Québec, 2005).
17Afin d’identifier les étudiants qui n’ont pas encore été diagnostiqués sur le plan de la dyslexie, de la dyscalculie et du trouble du déficit d’attention avant leur entrée aux études postsecondaires, des outils de dépistage ont été expérimentés (SAMI-Persévérance, http://tapersévérance.savie.ca) afin d’offrir aux personnes susceptibles de présenter ce type de trouble des accommodations technologiques (Statistique Canada, 2009 ; King et al., 2010 ; Dubois et Roberge, 2010) telles que la version sonore de tous les textes à lire, l’enregistrement et archivage automatique des exposés du professeur lors d’atelier virtuel, l’accès à des technologies de soutien (ex. feuilles de route personnalisées, agendas électroniques, livres audio, preneurs de notes informatisés et portables, logiciels d’aide à la lecture de texte ou à la rédaction, logiciels d’organisation des idées et de prédiction de mot). Les résultats montrent l’importance de mettre à la disposition des étudiants des outils de dépistage et l’apport des accommodations pour leur permettre de poursuivre leurs études (Sauvé et al., 2012).
18Personnaliser l’apprentissage, c’est tenir compte du style et du rythme d’apprentissage de la personne, de ses préférences des conditions et des modes d’apprentissage, de ses aptitudes, de sa motivation à apprendre, etc. Les dispositifs doivent proposer des outils qui permettent à chaque personne d’identifier leur profil d’apprentissage. Plusieurs études (ex. Sauvé et al., 2004, 2007, 2008) nous ont permis de mettre au point et de valider des questionnaires en ligne qui permettent de générer le profil d’apprentissage (SAMI-DPS, ePorfolio et SAMI-Persévérance).
19Personnaliser l’apprentissage, c’est aussi tenir des stratégies d’apprentissage cognitives (écoute et lecture, production orale et écrite) et d’autorégulation (gestion des ressources externes, de la concentration, de la mémoire et de l’attention, de la motivation du stress et des émotions) acquises ou à développer chez chaque personne. Les dispositifs doivent permettre à la personne de dépister les stratégies d’apprentissage nécessaires à la réussite de ses études et lui proposer des outils d’aide pour qu’elles les développent (Sauvé et al., 2004, 2010, 2012).
20Personnaliser l’apprentissage, c’est prendre en compte le niveau et la qualité de la formation déjà acquis ainsi que l’expérience personnelle et professionnelle de la personne en les introduisant à une démarche de reconnaissance des acquis de compétences scolaires et expérientiels. En s’appuyant sur un processus d’identification, d’évaluation et de reconnaissance officielle des apprentissages réalisés par un individu au cours de sa vie, et ce, dans différents contextes (formel, non formel et informel), les dispositifs offrent à chaque personne un accompagnement à la validation des acquis de l’expérience par des parcours individualisés et des outils d’aide à la recherche d’une orientation favorisant le bilan des compétences et l’élaboration d’un portfolio. Les compétences sont définis comme un ensemble intégré de savoirs (connaissances), de savoir-faire (habiletés), de savoir-être (attitudes) et de savoir-agir (stratégies) qui se manifeste sous la forme d’un comportement. Ce comportement permet à une personne de réaliser une tâche conformément aux exigences d’une situation déterminée.
21Personnaliser l’apprentissage, c’est aussi tenir compte des compétences de chaque apprenant pour établir son projet de formation, et ce, à travers chaque unité de formation. Les dispositifs qui favorisent l’identification des compétences acquises ou à développer en lien avec le domaine d’étude de l’apprenant favorise des cheminements différenciés et adaptés aux besoins de la personne tout en la motivant (Sauvé et al., 2008 ; Sauvé et Wright, 2004).
22Personnaliser l’apprentissage, c’est aussi offrir à l’apprenant des outils pour réorganiser son environnement d’apprentissage, ses outils de communication, de réseautage et de travail collaboratif. Cette flexibilité assure la prise en compte des compétences technologiques de la personne et évite une surcharge sur le plan de l’apprentissage lors de l’introduction de nouvelles technologies web dans le processus d’apprentissage.
23Personnaliser l’apprentissage, c’est permettre à chaque personne de conserver les traces de ses apprentissages tout au long de sa formation et de les rendre disponibles à son enseignant (formateur, personne tutrice) pour obtenir une rétroaction et un suivi de ses apprentissages (Dennis et al., 2006 ; Chang, 2010 ; Sauvé, 2006, 2012). Toute plateforme de conception devrait mettre au service de la personne apprenante et de l’enseignant un portfolio d’apprentissage. Lors de nos études, plusieurs critères technologiques ont été pris en compte : simples à utiliser, supportant différents types de fichiers (texte, images, fichiers audio ou vidéos, documents de présentation, hyperliens, etc.), indexés (chaque trace de l’utilisateur s’intègre dans une structure du portfolio qui en facilite la lecture en tout temps), gérés en fonction des contextes (public, privé), transportables (par téléchargement en format PDF) et mis à jour au bon moment (les données affichées sont mises à jour sur simple clic de l’utilisateur).
24Personnaliser l’apprentissage, c’est aussi faciliter l’élaboration d’un portfolio qui accompagnera la personne dans ses apprentissages tout au long de la vie. Ce portfolio se veut un dossier virtuel propre à chaque personne et se construit en temps réel. Il devrait contenir au moins les éléments suivants :
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le profil scolaire : études et diplôme, cours hors programme, formation et acquis dans des centres accrédités ;
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le profil professionnel : description des emplois et des postes occupés, des compétences professionnelles (générales et génériques), des compétences en TIC et des expériences personnelles (bénévolat, travail à domicile, œuvres de création, etc.) ;
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le profil d’apprentissage : styles d’apprentissage, stratégies d’apprentissage, stratégies de gestion et motivation en contexte scolaire ;
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le profil technologique : compétences acquises en cours de formation ou de travail sur les outils bureautiques et les technologies web ;
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les réalisations (textuelles, sonores et audiovisuelles) attestant des compétences personnelles et professionnelles de la personne, notamment les bulletins, les diplômes, les travaux significatifs des études, des témoignages de collègues de travail ou de clients, des observations de supérieurs hiérarchiques, etc.
25Afin de diversifier et d’adapter les ressources d’apprentissage aux besoins de chacun, leur conception exige une fragmentation du contenu jusqu’à sa plus petite composante (grain de connaissance), soit l’équivalent d’un paragraphe de texte, d’un tableau ou d’une figure. Ses fragments ou grains de connaissances peuvent être réutilisés sous leur forme initiale ou adaptée (au contexte du travail ou à la situation personnelle) pour répondre aux besoins de chaque apprenant dans un dispositif personnalisé. Une fois ces fragments construits, ils sont organisés en ressources d’apprentissage d’une durée limitée (entre 15 et 20 minutes) qui visent l’acquisition d’un élément de compétence ou l’atteinte d’un objectif spécifique. Ces composantes ou ces ressources seront regroupées selon l’approche pédagogique ou le scénario pédagogique en fonction des publics cibles et selon les visées de formation. Selon Bouillier (2013), granularité et scénarisation sont les deux exigences indispensables pour rendre les contenus appropriables et adaptables.
26La fragmentation des composantes d’un contenu exige du concepteur qu’il l’analyse et s’interroge sur son organisation et ses éléments clés qui seront utiles à l’apprentissage. Il existe deux principales techniques qui permettent d’articuler ses éléments de contenu : la technique de l’arbre (ex. la table des matières) et la technique de la grappe (ex. les cartes conceptuelles). Certaines plateformes mettent en place ces techniques en offrant aux concepteurs des aides à la conception qui en facilitent la réalisation. Par exemple, dans Personn@lisa, chaque ressource d’apprentissage (Figure 2) est structurée à l’aide d’une table des matières (A). Chaque élément de la table de matières correspond à une page web dont le contenu affiché ne doit pas dépasser l’espace de visualisation (B), soit l’équivalent d’une demi-page de texte simple interligne, d’une question faisant l’objet d’une évaluation formative (ex. exercice autocorrigé avec rétroaction et référence à la matière à l’étude) ou sommative (ex. examen avec système de pointage et de rétroaction).
27Cette méthode pour créer des ressources d’apprentissage qui s’appuie sur l’unité de la page web offre l’avantage de réorganiser le contenu de chaque ressource d’apprentissage en fonction de différents cheminements et approches pédagogiques sans réécriture ni reformatage des pages web.
28Personnaliser l’apprentissage, c’est prendre en considération le profil de la personne apprenante en lui offrant une formation sur mesure et adaptée à ses connaissances et compétences préalables. En d’autres mots, le DAP doit permettre à chaque personne d’identifier les contenus qu’elle a déjà appris et lui permettre de développer de nouvelles connaissances et compétences afin d’atteindre les objectifs de la formation qu’elle suit. En permettant à la personne d’identifier ses acquis par rapport à un contenu de cours déterminé et de choisir les ressources d’apprentissage nécessaires pour l’atteinte des objectifs du cours ou de la formation, le dispositif met en place les conditions favorisant un engagement actif de la personne dans son apprentissage.
Figure 2. Un exemple de page web
29Afin de favoriser cette démarche de personnalisation, les dispositifs de formation doivent offrir aux apprenants plus qu’une séquence prédéfinie d’apprentissage, ils doivent mettre en place des cheminements d’apprentissage diversifiés et adaptés. Différentes techniques permettant à chaque apprenant de construire sa démarche d’apprentissage ont été expérimentées lors de formations (formelle et non formelle) et ont obtenu un degré de satisfaction importante des apprenants en formation. Examinons-les brièvement.
30Cette démarche utilise un outil d’aide à la conception qui permet de développer un questionnaire d’analyse de besoins en fonction d’une tâche ou d’un domaine spécifique qui regroupe des compétences générales, spécifiques et d’éléments de compétence. Chaque niveau de spécification est en lien avec le contenu d’apprentissage qui a été divisé en module, en ressource d’apprentissage ou en fragment d’apprentissage. Cette démarche a été expérimentée dans plusieurs recherches de développement de formation en ligne. Plus spécifiquement, nous avons développé et expérimenté une démarche personnalisée de formation visant le développement des compétences des médecins sur l’asthme. Dans le dispositif mis en place (Asthme à la carte, http://asthme.savie.ca), les praticiens en exercice établissaient leurs besoins de formation à partir d’énoncés de compétences spécifiques, identifiées par une équipe de médecins spécialistes de l’asthme. Leur spécification devait permettre d’associer chaque compétence spécifique à une ressource d’apprentissage dont la durée ne devait pas dépasser 20 minutes.
31Lors de la création de la démarche personnalisée, les besoins spécifiques de formation ont été utilisés pour élaborer une analyse de besoins (situation désirée + situation réelle + pertinence) qui a été mise à la disposition de chaque apprenant (Figure 3). Une fois que l’apprenant a identifié les compétences à développer, le dispositif lui proposait une feuille de route personnalisée lui donnant accès aux ressources d’apprentissage appropriées. En tout temps, l’apprenant pouvait revisiter ses choix et modifier sa démarche et les contenus à apprendre.
Figure 3. Grille d’analyse fondée sur une analyse de besoins
32Cette démarche utilise un outil d’aide à la conception qui permet de développer une grille d’items en lien avec des fragments de contenu d’apprentissage. Cette formation visait l’appropriation de compétences liées à l’usage des technologies web qui favorisent la circulation des connaissances et la collaboration entre les professeurs/chercheurs, partenaires et étudiants dans un contexte d’équipe virtuelle de recherche. Précisons que la formation offerte s’attarde au pourquoi et au comment utiliser les technologies web plutôt qu’elle ne vise l’apprentissage tel quel de la technologie web. Cette approche axée sur le développement des compétences transversales devait permettre aux professeurs/chercheurs, étudiants et partenaires de transférer leur acquis et de s’approprier plus rapidement les technologies web en constant changement. Dans le dispositif mis en place (ETAPE, http://etape.savie.ca), les apprenants pouvaient opter pour une des démarches suivantes : prédéfinie, personnalisée ou libre.
33La démarche personnalisée étant construite sur les compétences à acquérir, une équipe d’experts a été mandatée pour identifier et spécifier ces compétences sous forme d’éléments de compétences. Ce degré de spécification devait permettre de rattacher à chaque élément de compétence un fragment numérique de contenu d’apprentissage, soit l’équivalent d’une page web. Cette spécification offrait également une flexibilité très élevée dans le choix des contenus d’apprentissage et offrant une démarche de formation adaptée à une clientèle ciblée ayant des compétences très hétérogènes.
34Lors de la création de la démarche personnalisée, ces éléments de compétences ont été utilisés pour élaborer une grille d’identification des besoins qui a été mise à la disposition de chaque apprenant Cette grille comportant sept compétences à acquérir dans chaque catégorie de technologies web (Tableau 1).
Tableau 1. Compétences à acquérir pour utiliser efficacement une technologie web en recherche
35Une fois que l’apprenant avait identifié les éléments de compétences à acquérir, le dispositif lui proposait une feuille de route personnalisée lui donnant accès aux ressources d’apprentissage appropriées. La figure 4 présente trois démarches en fonction du type de compétences à acquérir. En tout temps, l’apprenant pouvait revisiter ses choix et modifier sa démarche et les contenus à apprendre.
Figure 4. Démarche personnalisée de trois apprenants
36Cette démarche utilise un outil d’aide à la conception qui permet de développer une carte conceptuelle dont les items de la carte sont en lien avec des ressources d’apprentissage. Cette démarche a été utilisée dans le cadre d’une recherche longitudinale dans laquelle nous avons développé et expérimenté un système d’aide multimédia et interactif à la persévérance aux études postsecondaires (SAMI-Persévérance, http://taperseverance.savie.ca). Ce dispositif favorise entre autres le développement des stratégies d’apprentissage (cognitives et d’autorégulation) et des connaissances préalables (mathématiques et français). Une première étude a permis d’identifier les difficultés éprouvées par les étudiants sur le plan des stratégies d’apprentissage et des connaissances préalables. Ces difficultés ont été regroupées à la fois dans des grilles d’énoncés et dans des cartes conceptuelles (Figure 5a) donnant accès à des ressources d’apprentissage.
37Lors de l’expérimentation du dispositif (Sauvé et al., 2012a), nous avons retenu trois manières de personnaliser la démarche d’apprentissage : (1) par grille d’énoncés des difficultés à résoudre, (2) par carte conceptuelle (regroupement des difficultés sous une catégorie) et (3) libre (choix par mots-clés des ressources pour créer sa démarche d’apprentissage). La figure 5b présente la démarche personnalisée qui a été élaboré par une étudiante nouvellement inscrite à l’université.
Figure 5. Démarche fondée sur des cartes conceptuelles
38Cette démarche utilise un outil d’aide à la conception qui permet à l’apprenant de construire sa propre démarche à partir d’une feuille de route dynamique qui permet à ce dernier d’inscrire les contenus à apprendre, d’en ordonner la séquence de l’apprentissage et de la réajuster en tout temps. Cette démarche a été expérimentée dans le cadre d’une recherche de développement visant la formation des formateurs à l’utilisation des technologies web pour assurer un enseignement synchrone en ligne (Form@tion, http://formation.savie.ca). L’apprenant avait à sa disposition des ressources d’apprentissage qu’il pouvait ordonnancer selon ses besoins de formation ou ses intérêts.
39Personnaliser l’apprentissage, c’est prendre en considération que chaque apprenant a des préférences sur le plan des modes et des conditions d’apprentissage. En d’autres mots, le DAP doit permettre de diversifier la manière dont le contenu est présenté et organisé : textuelles, sonores, vidéos ; mode synchrone, asynchrone et mixte ; apprentissage individualisé, collaboratif et mixte ; exposé multimédia, exercice autocorrectif, jeu éducatif, jeu sérieux, étude de cas, exercice évaluatif, démonstration, approche par projets, mise en situation, etc. Différentes recherches de développement ont permis de développer et d’expérimenter des outils d’aide à la conception de jeux éducatifs en ligne pour faciliter leur intégration dans les programmes scolaires (Carrefour virtuel de jeux éducatifs 2.0, http://cvjeconcepteur.savie.ca). Ces environnements, construits sous forme de coquilles génériques, peuvent être rattachés à différentes plateformes permettant aux enseignants de développer rapidement des jeux en ligne adaptés au contexte scolaire pour lequel ils les créent (Figure 6).
Figure 6. Le jeu Eau Secours développé à l’aide de la coquille Chasse au trésor
40Dans la plupart de nos études (Sauvé et al., 2004, 2010, 2012 ; Sauvé, 2006, 2007) qui expérimentent un DAP (formelle et non formelle), nous avons mesuré l’ergonomie du dispositif du point de vue de la personne apprenante. Le taux de satisfaction très élevé des participants à la formation (ex. Form@tion, Asthme à la carte, SAMI-Persévérance) sur l’organisation et les contenus proposés dans les différents dispositifs permet de faire quelques recommandations pour les futurs développements de DAP.
41Dans chaque page web, nous avons évité le plus possible la surcharge d’informations en nous questionnant sur l’essentiel du contenu à y insérer et en respectant dans la majorité des cas l’espace de visualisation disponible de la page-écran (l’équivalent d’une page de texte en double interligne). Advenant l’utilisation des barres de défilement, nous avons évité les longs défilements de texte dans les pages web afin de maximiser la visibilité des contenus, minimiser les temps de téléchargement et maintenir la motivation des étudiants. Nous avons tenté de maintenir les pages dans une longueur moyenne équivalente à une page imprimée à simple interligne (incluant les images ou les vidéoclips). Nous nous sommes également assuré que les pages sont lues dans leur entièreté sur la largeur de l’écran sans qu’il soit nécessaire d’utiliser une barre de défilement à l’horizontale.
42L’affichage des pages web varie en fonction de chaque utilisateur, notamment sur les plans de la taille et de la définition de l’écran, de la configuration de son navigateur et de leurs équipements informatiques. Il est donc important de délimiter la zone d’affichage par un cadre prédéterminé qui maintiendra un standard dans l’affichage du contenu dans la page-écran d’un ordinateur à l’autre. Il faut toutefois tenir compte des clientèles émergentes et leur donner des moyens pour faciliter leur lecture. Dans le dispositif, il est nécessaire d’afficher, dès leur première entrée dans le site, un message les informant de la manière de grossir les caractères des textes afin de favoriser leur lecture.
43Le dispositif doit offrir une navigation aisée et doit répondre à certaines conditions. En tout temps, les personnes doivent avoir accès aux différents contenus du dispositif par l’affichage sur toutes les pages web d’onglets, de menu ou de sous-menus de navigation. Il est pertinent de développer un guide d’utilisation qui explique le fonctionnement du dispositif sous deux formes : textuelle et animée (vidéo de démonstration).
44Lors de la conception du dispositif en ligne, il faut tenir compte que les personnes apprenantes ont des compétences technologiques différentes : novices à experts. Étant donné que les experts ont moins besoin d’être guidés, l’intégration de raccourcis dans le dispositif permet un cheminement plus rapide, notamment l’accès en tout temps sur le plan du dispositif. Quant aux novices, l’apport de feuille de route dynamique qui propose un cheminement type facilitera leur démarche tout au long de la formation.
45Tout au long de son apprentissage, les personnes apprenantes sont appelées à réaliser des activités interactives (jeu, simulation, étude de cas) ou bien à remplir des exercices, des examens, des outils de dépistage ou des grilles d’analyse. Une attention particulière doit être portée pour aider les personnes à réaliser ces activités par l’affichage de consignes (textuelles et sonores) les informant de la manière de les compléter. Le taux élevé d’appréciation des consignes textuelles et auditives par les répondants témoigne de leur utilité. L’insertion d’un mécanisme de reconnaissance dans les exercices ou les examens informant les personnes apprenantes sur les items ou contenus qu’ils n’ont pas complétés assure ainsi qu’ils auront accès à des résultats valables. Pour les autres activités qui n’exigeaient pas d’être complétées dans leur entièreté, l’insertion d’astérisques indiquant aux personnes apprenantes quels sont les items ou les contenus qui doivent être obligatoirement complétés.
46L’accès aux différentes ressources d’apprentissage ne doit pas exiger plus de trois clics de la souris, la répétition du geste nuit à leur motivation. Il est préférable que les personnes apprenantes accèdent par un simple clic à l’ensemble des éléments proposés par le dispositif.
47L’utilisation de symboles ou d’icônes connus facilite les actions des étudiants et leur évite les erreurs liées à une compréhension erronée. Les symboles et les icônes doivent être les mêmes dans toutes les pages du dispositif et ils doivent être localisés à proximité de l’action exigée de la personne apprenante.
48Enfin, il faut éviter que les contenus s’affichent sur plus de deux fenêtres en superposition ce qui nuit à l’intuitivité du dispositif et provoque une perte d’attention de la part des personnes apprenantes, particulièrement ceux ayant un déficit d’attention.
49La disposition du texte dans l’écran doit en faciliter la lecture et le visionnement. Le texte doit être disposé en paragraphes, ou en unités d’information, bien séparés pour la cohésion. De façon générale, la page web doit être organisée et aérée et un espace entre le titre du texte et les paragraphes doit être inséré. Il est préférable que les mots soient sans coupure et que le texte soit justifié à gauche pour augmenter la vitesse de lecture notamment pour les lecteurs ayant des handicaps. Il est très important que la grosseur et la police choisies favorisent la lecture à l’écran et que le dispositif favorise le grossissement des caractères du texte. Il est même suggéré d’éviter l’utilisation des majuscules et de plus de deux couleurs pour le plein texte, car elles nuisent à la lisibilité, elles sont plutôt appropriées pour des informations brèves comme celles-ci : titre de page, titre de menu, etc. Finalement, il faut s’assurer que le soulignement est réservé uniquement pour les liens hypertextes.
50L’utilisation des illustrations et des vidéos doit être pertinente par rapport au contenu d’apprentissage. Trop souvent les concepteurs utilisent à profusion des illustrations et des vidéos pour rendre leur contenu plus attrayant, mais ces ajouts s’avèrent souvent une surcharge cognitive et un temps d’affichage trop long réduisant à moyen terme la motivation des étudiants. Il est conseillé que les illustrations n’incluent pas trop de détails, ce qui empêcherait les étudiants de percevoir l’idée maîtresse. Le positionnement de la visionneuse de la vidéo sur l’écran doit permettre une bonne lisibilité et permettre un accès en tout temps aux boutons de contrôle (arrêter/jouer vidéo, ajuster volume, etc.). L’affichage de l’illustration ou de la vidéo ne doit pas exiger un temps d’attente à l’ordinateur de plus de 2 secondes pour son apparition à l’écran. Si c’est le cas et que les contenus sont pertinents, il faut que le système affiche un compteur ou un gradateur qui indique le temps de téléchargement sinon les étudiants croiront à une défaillance de l’équipement. Les illustrations et les vidéos doivent s’afficher à l’intérieur d’une fenêtre d’écran. Si les images ont trop de détails ou qu’elles sont de grande taille, le système doit offrir l’option de les afficher dans une nouvelle fenêtre. Enfin, l’intégration de marqueur dans les vidéos trop longues en facilite le visionnement et permet un retour rapide sur les contenus à visionner à nouveau.
51L’utilisation de contenus sonores ou de textes parlés doit être pertinente à l’apprentissage. L’insertion d’une application dans le dispositif qui permet la transcription orale de chaque paragraphe de texte à lire motive les personnes apprenantes et augmente leur intérêt pour le contenu, particulièrement pour les personnes ayant des handicaps ou des difficultés de lecture. L’insertion d’une narration sonore pour soutenir une démonstration est également un atout pour les personnes qui préfèrent apprendre en regardant et en écoutant plutôt qu’en lisant. Toutefois, les contenus sonores sans l’apport de texte ou d’un visuel doivent être utilisés avec prudence. Le son est un moyen plus ou moins efficace pour présenter un grand nombre d’informations ou une longue liste d’items dont il faut se souvenir ou encore pour expliquer des abstractions ou des objets en deux ou trois dimensions (procédures, cheminements ramifiés, espace, temps, etc.). Le son offre un degré de difficulté plus élevé pour déduire la signification de certains contextes nécessitant des connaissances préalables. Certains étudiants n’aiment pas apprendre par réception auditive et d’autres n’ont pas ce type d’habileté, et ce, pour de multiples raisons : acuité, discrimination, connaissance du vocabulaire, de la symbolique, etc. Il faut donc prévoir que le dispositif offre toujours l’option de présenter le contenu de façon textuelle, en plus de l’aspect sonore. Il importe de se rappeler que la difficulté de l’information auditive, c’est qu’elle s’inscrit dans le flux du temps alors que l’image fixe peut rester affichée et être accessible à tout moment. Il est important que le son soit audible et que les consignes pour activer la fonction des haut-parleurs ou les contrôles du son des ordinateurs (rejouer audio, ajuster volume, etc.) soient intégrées dans le site et accessibles pendant l’écoute. Il faut également soutenir l’écoute de la personne en lui indiquant les points forts du contenu sonore et en lui permettant d’y accéder d’un simple clic.
52Les DAP qui ont recours aux technologies web offrent de plus en plus des parcours proches de l’apprenant (accessibles et pertinents), individualisés et différenciés (tenant compte de son profil personnel, de son profil d’apprentissage et de son profil de compétences) tout en supportant l’apprenant dans la création de son environnement personnel d’apprentissage (portfolio, outils de travail et de communication personnels).
53Les résultats de nos études indiquent que la présence de contenus riches en interactivité et en multimédia, variés, utiles et adaptés aux besoins et aux attentes des participants maintiennent leur intérêt et qu’il est préférable d’offrir des ressources d’apprentissage traitant d’un sujet précis, exigeant entre 10 et 20 minutes.
54Les recherches effectuées par le Centre auprès d’une clientèle diversifiée en processus de formation (formelle et non formelle) montrent que la personnalisation de l’apprentissage entraîne un changement sur le plan de la formation offerte en ligne. Il devient de plus en plus évident que les fournisseurs de formation doivent offrir des parcours granulaires, interconnectés, flexibles et adaptés au rythme et aux besoins de chaque personne ; en d’autres mots un parcours personnalisé.