1Ce fort ouvrage, en format A4, est structuré en trois parties d’inégales longueurs.
2La première partie, composée de dix chapitres, élabore en près de 250 pages ce qu’est un enseignement « efficace, efficient et engageant » (e3) au travers de « principes fondamentaux de l’enseignement » (First Principles, Merrill, 2002), une méthode de conception de l’enseignement. La deuxième partie montre en 150 pages de quelle manière un tel enseignement peut être conçu avec cette méthode, en décrivant les différentes étapes de la conception d’un système multimédia (MS PowerPoint est prescrit, bien que non obligatoire, pour le développement du prototype). La troisième et dernière partie présente en une cinquantaine de pages quelques justifications théoriques et empiriques, et relie la méthode à la littérature sur le champ des recherches menées en Instructional Design (ID) (Dessus, 2006 ; Musial et al., 2012). L’ouvrage contient un index et une annexe présentant un script permettant de réaliser des présentations interactives. L’éditeur a également créé un site Internet au moyen duquel on récupère différents fichiers (listes de tâches, matériel d’accompagnement, tutoriels).
3Les « principes fondamentaux de l’enseignement » ont été élaborés depuis une dizaine d’années par l’auteur (Merrill, 2002), professeur émérite à l’université de l’Utah (États-Unis d’Amérique), suite à une revue de la littérature extensive de principes de conception de l’enseignement. Chaque principe est assorti d’une liste de prescriptions, eux-mêmes illustrés par de nombreux exemples et chaque chapitre explore et construit méthodiquement autour de contenus de didacticiels (copies d’écrans). Le mérite de l’ouvrage est de décomposer de manière analytique, avec une nomenclature très simple et suffisamment explicite, la complexité de l’acte d’enseignement/apprentissage. Passons en revue son contenu.
4Le chapitre 1 présente l’ensemble du cadre de l’ouvrage et se centre sur quelques principes, dont le premier est le suivant : « l’apprentissage est favorisé quand les apprenants acquièrent des habiletés via des problèmes du monde réel ».
5Le chapitre 2 commence par détailler l’apprentissage en 4 phases (qui forment les 4 autres principaux fondamentaux) :
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activation de l’expérience antérieure (l’apprentissage est favorisé quand les apprenants activent des connaissances et habiletés existantes comme fondations de nouvelles habiletés) ;
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démonstration d’habiletés (l’apprentissage est favorisé lorsque les apprenants observent une démonstration des habiletés à apprendre) ;
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application d’habiletés (l’apprentissage est favorisé lorsque les apprenants appliquent leurs compétences nouvellement acquises pour résoudre des problèmes) ;
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intégration de ces habiletés dans des activités du monde réel (l’apprentissage est favorisé lorsque les apprenants réfléchissent, discutent, et défendent leurs habiletés nouvellement acquises).
6Ensuite, cinq modes d’enseignement sont présentés : dire (tell), montrer (show), demander (ask), appliquer (do), ces modes pouvant être assortis de guidage ou feedback afin de permettre une focalisation de l’attention de l’apprenant sur tel ou tel aspect du contenu. Les deux premiers procurant de l’information à l’apprenant, les deux derniers laissant ce dernier répondre. Ces modes, combinés et imbriqués, génèrent quatre niveaux de complexité et d’efficacité croissantes pour l’apprentissage :
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niveau 0 – Information seule : présentation ou présentation-rappel (Tell ou Tell-and-Ask) ;
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niveau 1 – Démonstration : information + démonstration (Tell-and-Show) ;
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niveau 2 – Application : niveau 1 + application (Do) (avec rétroactions et guidage) ;
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niveau 3 – Centré problème : niveau 2 + problème (avec collaboration et critique entre pairs).
7Ces modes sont ensuite combinés avec les éléments de contenu pour prescrire des événements d’enseignement (instructional events) et sont détaillés au chapitre 3. Merrill distingue les éléments de contenus suivants, chacun pouvant de plus être divisé en différentes parties (part-of) : – information verbale (Information-about), – concepts (kind-of), – procédure (how-to), – processus (what-happens).
8Le chapitre 4 se centre ensuite sur la manière dont les apprenants interagissent avec ces éléments de contenu.
9Le chapitre 5 revient de plus près sur les stratégies d’enseignement rendues disponibles par ces croisements, en donnant des exemples étendus dans de nombreux domaines (sciences humaines, photographie, littérature, informatique).
10Les chapitres 6 et 7 étendent le précédent appareil théorique à la résolution de problèmes pour apprendre, et affinent les modes d’enseignement selon qu’ils traitent de conditions (C), d’étapes (S), ou de conséquences (Q). Chaque verbe des modes peut ainsi être caractérisé en fonction du type d’information qu’il apporte à la résolution du problème. Par exemple, Montrer-C expose les conditions menant à la conséquence, Dire-S expose les étapes de la résolution.
11Les chapitres 8 et 9 présentent des stratégies qui enrichissent le cadre précédent. Tout d’abord, des stratégies d’activation de l’information (par des techniques mnémotechniques ou d’utilisation d’aide-mémoire) et de collaboration entre pairs. Ensuite, l’essentiel des principes sur la conception de documents multimédia est présenté.
12Cette première partie se clôt dans un long dixième chapitre, qui à partir de l’ensemble des précédents, présente un aide-mémoire permettant d’évaluer extensivement un dispositif d’enseignement en élaborant quelques critères d’évaluation simples à partir des modes d’enseignement et des différents éléments de contenus.
13La deuxième partie décrit un modèle complet de la conception de l’enseignement à partir d’une métaphore, celle du « caillou dans la mare » (pebble-in-pond). Un caillou (correspondant au problème que les élèves ont à résoudre) est jeté dans la mare : le processus d’enseignement démarre et cinq autres « ondulations » vont se déclencher successivement : la progression de sous-problèmes de complexité croissante qui vont permettre la résolution du problème final, les connaissances et habiletés nécessaires à leur résolution. La description de ces trois étapes permet de concevoir un prototype fonctionnel (par exemple, un logiciel, une présentation), qui sera ensuite affiné lors des trois autres étapes : spécification des stratégies de guidage et d’interactions entre pairs, finalisation de la conception, évaluation. Le reste de cette deuxième partie donne de très nombreux exemples de réalisations, et se termine également par un aide-mémoire. C’est une approche très pragmatique, fondée sur la réalisation d’un prototype, enrichi et amélioré tout au long de la conception, qui diffère sensiblement des approches traditionnelles d’ID (dans le même esprit, mais appliquant une vue constructiviste, voir la méthode injustement oubliée de Crossley & Green, 1990).
14La troisième et dernière partie de l’ouvrage explique et justifie en trois chapitres les fondements théoriques de la méthode. Le chapitre 20 est une excellente revue synthétique des principaux modèles d’ID, rapidement comparés à celui de l’ouvrage (on pourra aussi se reporter à Gardner, 2011, qui recense vingt-deux méthodes d’ID et étudie leur compatibilité avec celle de Merrill). Le chapitre 21 est une revue de quelques études empiriques (parfois expérimentales) appliquant la méthode et montrant qu’elle permet d’obtenir de meilleurs résultats en termes d’apprentissage et de transfert que des enseignements fondés sur d’autres méthodes. Enfin, le chapitre 22 recense quelques pistes de recherches futures à partir de la méthode. Il est manifeste que l’implémentation d’un logiciel guidant l’enseignant tout au long de la méthode et les élèves dans leur apprentissage pourrait être plus utile et performante que le script PowerPoint fourni en annexe.
15Le principal intérêt de cet ouvrage est de bâtir un lexique de description des stratégies d’enseignement/apprentissage, d’en suivre et exemplifier la mise en œuvre à partir de nombreux exemples pratiques, et de montrer comment ce lexique est relié aux autres théories d’ID (notamment, celle de Kirschner & Van Merriënboer, 2007). En revanche, il est plus centré sur des systèmes multimédia « classiques », c’est-à-dire non sociaux, et son adaptation à la conception de cours à distance (MOOC et autres) nécessitera sans doute quelques aménagements. Autre spécificité (que certains percevront comme une contrainte) : il promeut une approche de l’enseignement fondée sur les problèmes, qui ne fait pas toujours l’unanimité (voir la revue critique de Kirschner et al., 2006).
16L’ouvrage intéressera les enseignants développant des dispositifs d’enseignement par multimédia et les personnes enseignant ou étudiant les méthodes de conception et développement de tels dispositifs (ingénierie de la formation), en master 2 ou doctorat.