Formation des maîtres : quelle dimension internationale ?
Robin v et al. (sous la dir.), Formation des enseignants : répondre aux défis de l’internationalisation — Mise en perspective du dispositif PEERS, Eme éditions, 2017. ISBN : 978-2-8066-3621-8
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Formation des maîtres : quelle dimension internationale ?
1Si la dimension internationale prend naturellement sa place dans nombre d’activités universitaires, elle s’impose plus difficilement dans un secteur comme la formation des maîtres, les étudiants comme les enseignants étant fortement inscrits dans un cadre avant tout national.
2Et pourtant...
3Dans un ouvrage réalisé par 18 enseignants-chercheurs ayant participé aux travaux, les éditions EME viennent apporter leur contribution à cette question, à partir de l’expérience du programme PEERS. Initié en Suisse par la Haute école pédagogique du Canton de Vaud, PEERS (Programme d’étudiants et d’enseignants chercheurs en réseaux sociaux) a pour vocation de contribuer aux objectifs de l’Union européenne, avec notamment 20 % d’étudiants en mobilité à l’étranger d’ici 2020, et ce même pour les futurs enseignants en formation.
4L’initiative initiale ne vient pas d’un des pays de l’UE, mais du Canton de Vaud. La Confédération Helvétique, si elle ne fait pas partie de l’UE, est fortement liée a nombre de ses programmes, notamment dans le domaine de l’enseignement supérieur.
5Depuis le processus de Bologne (1999), l’internationalisation de l’enseignement supérieur fait l’objet d’un large consensus : recrutement des enseignants, mobilité des étudiants et du personnel, coopérations en matière de recherche, transferts de connaissances, mobilité virtuelle, apprentissage collaboratif en ligne... Pour autant, elle ne va pas de soi pour les formations professionnalisâtes, qui visent à exercer une activité dans un cadre prédéterminé. Et encore moins sans doute dans le cas de la formation des maîtres, pour lequel le cadre visé, celui de l’enseignement scolaire, reste un des prés carrés les plus défendus des politiques nationales.
6Pour les auteurs, la formation des enseignants s’inscrit au contraire pleinement dans la dynamique internationale, dans « un processus évolutif d’une société postmoderne, dont la mutation s’observe à l’aune de l’hyperconnectivité de la génération Y, de l’amplification des dialogues multiculturels et de la disparition progressive des frontières. » Leur mission vise à permettre aux enfants de s’inscrire dans ce contexte, pour permettre leur épanouissement en son sein.
7Mais, au-delà de l’obstacle lié au caractère national de l’enseignement scolaire, l’organisation de la formation des enseignants, qui donne une large place a l’alternance entre des temps de formation et de pratique, paraît peu compatible avec les processus de mobilités habituels, par exemple ceux du programme Erasmus.
Rôle des réseaux sociaux
8Les réseaux sociaux sont une des expressions les plus significatives de l’hyperconnectivité des apprenants, et sans doute celle qui marque le plus le fossé potentiel entre les générations d’élèves et d’enseignants. Là où les premiers sont définis comme des « digital natives », les seconds restent marqués par l’ère pré-digitale, avec des codes datés et décalés.
9Au-delà de la déploration habituelle du manque de recul critique des digital natives, quelquefois désignés comme des « digital naïves », le questionnement des outils numériques doit s’inscrire dans la constitution d’un espace communicationnel commun aux jeunes et aux moins jeunes, et l’exploitation systématique de réseaux sociaux en ligne en est un des moyens. En outre, dans les projets PEERS, les échanges en ligne sont aussi le moyen de dépasser les contraintes spatio-temporelles de la formation des enseignants dans la conduite des projets.
Renouveler l’approche de l’altérité ?
10Si l’objectif principal du projet peut se décrire autour du développement de compétences interculturelles pour permettre une gestion plus efficace de classes de plus en plus multiculturelles, la relation à l’autre se pose comme un enjeu majeur. À sa conception traditionnelle, il convient aujourd’hui de substituer « la construction d’une nouvelle subjectivité négociée et partagée ». L’« Autre » ne peut plus être appréhendé comme un obstacle potentiel pour l’action, mais comme une opportunité pour apprendre à surmonter les obstacles, pour s’enrichir de la différence, tant individuellement que collectivement.
11Les « Politiques éducationnelles » doivent prendre en compte cette dimension nouvelle, que ce soit dans leur dimension axiologique ou dans leurs modalités pratiques.
PEERS par la pratique
12Dans ses chapitres 2 à 4, l’ouvrage aborde les aspects stratégiques et méthodologiques des projets PEERS, ainsi que ses évaluations pour les participants et les enseignants-chercheurs impliqués.
13Chaque projet se déroule sur une année et mobilise deux groupes d’enseignants et d’étudiants issus de deux institutions de formation des enseignants. Autour d’une thématique précise, le projet vise à l’élaboration d’une production commune, en alternant des activités en présence et à distance.
14Au fil des pages, les auteurs tirent largement parti de leur expérience pour proposer des axes de réflexion, des lignes de force, mais aussi pour signaler des obstacles et difficultés à éviter.
15C’est ainsi une forme de guide de mise en œuvre qui est proposé.
Un objectif multiple
16Au-delà de rendre compte des activités de PEERS, l’ouvrage vise aussi à d’autres objectifs : il s’agit aussi d’ouvrir une réflexion sur la dimension internationale dans la formation des maîtres, et de fournir à ceux qui voudraient se lancer dans une telle aventure des éléments de guidage issus de l’expérience.
Conclusion
17Donner une dimension internationale à la formation des maîtres, l’ambition paraît aussi louable que peu réaliste, notamment au regard des contraintes qui pèsent aujourd’hui sur les organismes de formation et leurs calendriers. Mais, si la généralisation paraît aujourd’hui hors de portée, l’ouvrage propose une description très opérationnelle et efficace des projets PEERS. Ils constituent un cadre balisé pour mettre en œuvre une pédagogie de projet, associant les dimensions d’internationalité et de distance.
Pour citer cet article
Référence électronique
Gérard Puimatto, « Formation des maîtres : quelle dimension internationale ? », Distances et médiations des savoirs [En ligne], 23 | octobre 2018, mis en ligne le 26 août 2018, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dms/2597 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/dms.2597
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