Le numérique au service de l’éducation en Afrique
« Le numérique au service de l’éducation en Afrique », série Savoirs communs, n° 17, Agence française de développement, Agence universitaire de la francophonie, Orange, Unesco. Copyright AFD et Unesco 2015. Publié sous licence Creative Commons BY-SA. ISBN Unesco 978993200453
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Haut de pageNotes de la rédaction
Ouvrage téléchargeable gratuitement sur le site : http://www.afd.fr/webdav/shared/PUBLICATIONS/THEMATIQUES/savoirscommuns/17-Savoirs-communs-VF.pdf
Texte intégral
1Le numérique en éducation dans les pays d’Afrique constitue une préoccupation déjà ancienne, mais ses déterminants évoluent à une très grande vitesse. Parmi d’autres questions, notamment pédagogiques, sociétales ou économiques, la distance se pose comme un des enjeux majeurs, en particulier quand les disparités géographiques viennent renforcer – et dans quelles proportions ! – les contraintes spatiales.
2L’Agence française de développement (AFD), l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), l’opérateur de téléphonie Orange et l’Unesco nous proposent, dans le numéro 17 de leur série « Savoirs communs », un large tour d’horizon du développement de l’usage du numérique au service de l’éducation de base en Afrique.
3L’ouvrage, publié en 2015, est le fruit d’un large groupe de travail (agences de développement, organismes internationaux, ONG, entreprises). Il constitue une réponse au constat, dressé en 2012, de la nécessité d’un état des lieux des connaissances et expériences conduites en Afrique subsaharienne pour pouvoir dresser des axes stratégiques et élaborer des collaborations dans une connaissance suffisante des contextes.
Place et potentiel du numérique éducatif en Afrique
4Avant d’aborder les questions spécifiquement liées au numérique, l’ouvrage nous propose d’abord un état des lieux global de la situation de l’éducation, ainsi qu’un aperçu général de la diffusion du numérique en Afrique subsaharienne.
C’est ce cadre général qui permet d’aborder les questions d’intégration pédagogique des technologies de l’information et l’analyse des conditions de la réussite dans ce domaine.
L’éducation en Afrique : contrastes et progression
5Si l’acte constitutif de l’Unesco souligne le caractère universel du droit à l’éducation, cette universalité relève encore d’un objectif dont la réalisation demandera du temps et des efforts. Depuis plus de vingt ans, l’accès à l’éducation de base (en particulier primaire) constitue une préoccupation majeure des politiques publiques, tant aux échelles nationales qu’internationale. Dans un contexte de moyens limités, les états africains consacrent à l’éducation une part de leur PIB significativement supérieure au reste du monde, permettant ainsi une progression des taux de scolarisation. Globalement, vers la fin de la première décennie du xxie siècle, on estime qu’environ les deux tiers des enfants africains finissent le cycle primaire ; le collège comme le lycée présentent un taux d’achèvement de l’ordre de 50 %, et moins de 20 % des enfants parviennent à achever leur cycle secondaire. Si ces chiffres peuvent sembler modestes, ils présentent néanmoins une amélioration significative, fruit d’une mobilisation importante des énergies.
6Les disparités restent cependant importantes : les efforts consentis par les différents pays restent inégaux, l’instabilité politique ne favorise pas les politiques de long terme et de fortes disparités subsistent entre zones rurales et urbaines. Mais l’accès à l’éducation révèle aussi de profondes fractures, notamment entre populations riches et pauvres, entre scolarisation des garçons et des filles.
7L’amélioration de la qualité de l’éducation fait aussi l’objet d’attentions, avec notamment la formation des enseignants, les conditions d’accès aux ressources éducatives et le pilotage des systèmes éducatifs. Des axes de travail communs apparaissent, avec la recherche de réduction des charges de fonctionnement et de l’augmentation de la fraction du temps scolaire effectivement consacrée à l’éducation.
Le développement du numérique en Afrique
8En une quinzaine d’années, grâce au mobile, le continent africain est passé d’un très faible équipement en téléphonie à une forme de banalisation. La baisse des prix, bien qu’effective, reste relative au regard des moyens disponibles, mais le dynamisme et la créativité des sociétés africaines sont patents dans ce domaine : apparition d’une diversité de « petits métiers » liés à la téléphonie (réparation, recharge, etc.), recherche permanente d’optimisation, plus importante que dans d’autres parties du monde (on constate par exemple en Afrique une utilisation massive de plusieurs cartes SIM pour obtenir les tarifs les plus bas), etc.
9Les disparités entre États et territoires sont également considérables, renforcées notamment par une faible pénétration de l’électricité dans de larges zones géographiques. Les réseaux existants restent pour l’instant peu capables d’assurer la transmission de données (le plus souvent 2G), le taux d’accès à Internet restant de ce fait un des plus faibles du monde.
10Le contexte de pénurie budgétaire conduit naturellement à la multiplication de partenariats public-privé, notamment avec les opérateurs de télécom pour les infrastructures longues distances (fibres intercontinentales). Mais les enjeux liés au déploiement de l’Internet conduisent aujourd’hui à l’émergence d’initiatives d’une tout autre ampleur, avec un ensemble de projets des « majors » (GAFAM) visant à développer une connectivité généralisée au moyen de ballons (Google), de drones (Facebook), ou de technologies terrestres à déploiement rapide.
11« Mobile_Banking », « Mobile_santé », impacts sur l’agriculture et l’économie... l’aménagement du territoire africain bénéficie plus qu’ailleurs de la capacité du mobile à s’affranchir des distances, et donc à offrir des services diversifiés à une part accrue de la population. Open data et big data sont considérés en Afrique comme des facteurs potentiels de développement, peut être au prix d’une certaine cécité sur les questions de protection de la vie privée.
12La « mobile éducation » n’est évidemment pas en reste, avec notamment la possibilité de produire et de diffuser des contenus de qualité dans des conditions économiques plus favorables, mais aussi les nouvelles voies offertes en matière de distance pour la formation des maîtres.
Pour une intégration pédagogique du numérique au service des apprenants
13Le numérique apparaît, plus encore probablement en Afrique que dans les pays développés, comme une opportunité pour développer des approches pédagogiques centrées sur les apprenants. Capacités à transmettre, à produire, à développer des activités, à évaluer, ou encore à produire des données de pilotage des systèmes éducatifs, le numérique investit progressivement tous les domaines de l’éducation, à la recherche d’une intégration aboutie.
14L’Afrique ne manque pas d’expérience dans le domaine des technologies éducatives : les initiatives de radio et de télévision scolaires ont été nombreuses et quelquefois durables dans la dernière partie du XXe siècle, et les déploiements de matériels informatiques, à l’initiative notamment des ONG et de l’action internationale, ont pu souvent s’inscrire dans des formes de continuité.
15En l’absence de réseaux performants, les équipements numériques ont contribué à un certain rééquilibrage pour les questions de distance : là où la télévision et la radio scolaires donnaient une large place au synchrone à très grande échelle, les équipements numériques sont venus renforcer des usages locaux, notamment dans une dimension collaborative, et jusqu’à des approches d’individualisation. Équipements informatiques, réseaux courte distance, radio, télévision, mobiles, etc., viennent aujourd’hui alimenter l’émergence d’approches hybrides, favorisant souvent des logiques d’ouverture de l’école sur la société.
Les voies de la réussite
16La dernière partie de l’ouvrage interroge les conditions de la réussite en matière de développement et d’intégration du numérique scolaire.
17Première évidence, la nécessité d’adapter la technologie aux contextes, avec une très large diversité des situations. La question de l’accès à l’électricité est évidemment première, en particulier pour les zones rurales, mais la prise en charge durable des coûts récurrents constitue aussi un obstacle à ne pas négliger. Les conditions de stockage et d’exploitation des équipements (contraintes climatiques notamment), les considérables difficultés liées au service après-vente, sans évoquer même les coûts de maintenance eux-mêmes... Autant de questions qui doivent être résolues sur place, avec et par les acteurs eux-mêmes. La très grande diversité des initiatives, du recyclage d’ordinateurs anciens aux expérimentations d’équipements internet mobiles les plus modernes (tablettes), ou encore les développements d’usages fondés sur les équipements personnels, favorisent l’émergence de modèles locaux, appuyés sur de fortes capacités créatrices.
18Mais l’intégration réussie du numérique est aussi largement liée à la recherche de continuité avec les pratiques existantes, fortement ancrées dans les réalités, les sociétés et les cultures locales. La formation des maîtres et des cadres doit permettre de favoriser ces continuités, en particulier en évitant le recours à des modèles de formation exogènes au profit d’élaborations nationales ou locales.
19La recherche de modèles économiquement soutenables fait aussi l’objet d’attentions essentielles : réduction des coûts fixes, financements durables pour prendre en charge les coûts récurrents, avec notamment la recherche d’appuis sur les conceptions de l’économie circulaire, de l’open source et du partage des usages.
Promouvoir les approches collaboratives, sous l’égide d’un État stratège, dans une collaboration multiacteurs efficace et pérenne..
20Si l’ouvrage se termine sur l’énoncé de conditions de la réussite, on restera un peu dubitatif sur cette idée d’approches collaboratives qui se développent sous l’égide d’États stratèges, ou de collaboration efficace et pérenne entre des acteurs qui ne partagent ni les mêmes objectifs ni les mêmes contraintes.
21La conception d’un État stratège, que ce soit en Afrique ou dans le reste du monde, est bien loin d’aller de soi, et les contraintes liées à l’instabilité politique et à des moyens réduits risquent de ne guère la favoriser. Quant aux approches collaboratives, leurs frontières se superposent souvent avec celles des fortes disparités par ailleurs signalées dans le début de l’ouvrage : rural/urbain ; riches/pauvres ; garçons/filles. Quelles garanties avons-nous que le numérique ne va pas creuser ces fossés, au lieu de contribuer à les combler ? L’ouvrage reste silencieux sur ce point.
22Quant à la collaboration pérenne et efficace des acteurs, on ne pourra que s’interroger sur les équilibres possibles entre des États dotés de peu de moyens et les visées expansives des grandes entreprises, au premier rang desquelles les GAFAM.
23Dans un format réduit, l’ouvrage dresse un constat clair de la situation de l’éducation et des TIC en Afrique subsaharienne, soulignant les potentialités éducatives du numérique et les conditions de la réussite. Délibérément positif, il met l’accent davantage sur les réussites possibles que sur les risques.
24À charge pour le lecteur, et pour l’ensemble des acteurs, d’apprécier les risques, et de poursuivre la réflexion pour trouver la voie d’un développement qui s’en garde.
Pour citer cet article
Référence électronique
Gérard Puimatto, « Le numérique au service de l’éducation en Afrique », Distances et médiations des savoirs [En ligne], 17 | 2017, mis en ligne le 20 mars 2017, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dms/1753 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/dms.1753
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