L’évolution de l’Open University
Texte intégral
1Hélène Pulker poursuit la réflexion engagée autour de l’évolution des institutions classiques de formation à distance : comment subsister dans le contexte économique face à la réduction de leur financement ainsi qu’à la concurrence des universités présentielles qui développent des formations entièrement ou partiellement à distance ? Leur expertise et leur savoir-faire dans le domaine de la médiatisation suffisent-ils encore face à des productions vidéo standardisées et formatées par une logique d’industrialisation comme le montre le développement des MOOC ?
2L’auteure, membre de la School of Languages and Applied Linguistics de l’Open University (OU) et actuellement responsable du département de français, connaît bien la situation de l’OU. Pour elle, le premier facteur de la déstabilisation de l’OU trouve son origine dans la politique gouvernementale qui a bouleversé son mode de financement en 2008. L’Open University aurait perdu un tiers de ses effectifs. Hélène Pulker décrit brièvement le contexte de restriction qu’a connu l’OU et les pistes les plus récentes, au nombre de quatre, suivies par l’université pour conserver ses effectifs d’étudiants à temps partiel, les plus menacés par les mesures gouvernementales, pour attirer de nouveaux étudiants, bref pour conserver et renforcer sa position dominante dans le marché de la formation à distance.
3La première voie est celle du renforcement de l’accompagnement des étudiants destiné à combattre un taux d’abandon relativement important, phénomène qui touche quasiment toutes les institutions de formation à distance. Selon Anderson, notamment, construire et entretenir la motivation seraient, en effet, les meilleurs prédicteurs de la persistance des étudiants. Tel est le rôle de l’accompagnement et l’introduction, au sein de l’OU, du Model for Integrated Learning and Learner Support (MILLS) qui constitue l’aboutissement de cette évolution. Une deuxième piste est celle de l’exploitation d’une pédagogie innovante, le Massive Open Social Learning, fondée sur l’effet de réseautage et du partage de l’expérience dans une conception collaborative et socioconstructiviste inspirée notamment par les travaux de Garrison ainsi que par le modèle des communities of inquiry, comme introduction aux études supérieures à distance. L’apparition des MOOC a été perçue comme une nouvelle opportunité pour l’OU qui créa sa propre plateforme, FutureLearn, en 2012. La stratégie institutionnelle considère les MOOC comme un produit d’appel, permettant aux étudiants d’acquérir des crédits valorisables dans un cursus universitaire et d’obtenir une réduction des frais d’inscription lorsqu’ils poursuivent leurs études dans un cycle complet. Enfin, pour mieux répondre à la demande du marché, l’OU a développé des formations professionnalisantes alternant la formation universitaire et l’apprentissage en entreprise.
- 1 Voir Peraya, D. (2016). L’actualité récente de la TÉLUQ : quel héritage ? Quelles leçons ? Quels (...)
4Ces mesures, on le voit, relèvent directement d’une stratégie à moyen terme qui marque un tournant « significatif » dans les activités de l’Open University. À la lecture de cette contribution, on pourrait penser que l’OU apporte une réponse strictement stratégique et organisationnelle aux difficultés qu’elle a rencontrées. Si cette lecture de la contribution est correcte, elle pose donc clairement la question de l’importance relative entre les dimensions stratégiques et organisationnelles d’une part, le modèle pédagogique, les processus de médiatisation et de scénarisation d’autre part. En effet, l’auteure n’évoque nullement ces derniers aspects dans sa contribution tandis qu’elle fait référence à l’hypothèse de Simpson selon laquelle « one reason for dropout in distance education may be the focus and effort that goes into teaching and materials rather than other kinds of support ». (voir § 5) Cette position serait en opposition avec celle que défendait ici même France Henri1 pour qui l’expertise de la Téluq en matière de médiatisation constituait sa caractéristique majeure, son point fort et sans doute son principal atout face à la concurrence. Or certaines pratiques de développement des MOOC sembleraient favoriser, par exemple à travers la standardisation des capsules vidéo, une conception d’un média transparent au service de la transmission des contenus, sans que soient pris en compte le potentiel d’effet et les effets réellement produits sur les contenus médiatisés, sur les représentations des connaissances, sur le processus de traitement de l’information et donc, finalement, sur le processus d’apprentissage lui-même. Certaines recherches, semblent, elles aussi, redécouvrir avec une certaine naïveté les thématiques abordées dans les années 1980 à propos de la télévision par satellite.
- 2 Entretien de Daniel Peraya avec Hélène Pulker et Élodie Vialleton, le 23 septembre par Skype.
5Interrogée sur ce point lors d’un entretien mené dans le cadre de la préparation de cette rubrique2, l’auteure précise : « Je suis contente que vous souleviez ce point. Cela veut donc dire que l’article n’est pas suffisamment clair. L’article décrit les pistes que l’OU a suivies pour faire face à la conjoncture en s’appuyant sur le potentiel des technologies. Cela dit, le développement du matériel pédagogique et l’originalité de l’OU dans ce domaine ne sont en aucun cas relégués au second plan. Les mesures décrites dans l’article constituent des initiatives qui se situent à un autre niveau que notre travail pédagogique dont la conception et les objectifs sont toujours considérés comme essentiels : ils sont d’ailleurs demeurés intacts. Cet aspect n’est pas développé dans le texte, car, pour moi, il va de soi que la conception du matériel pédagogique ainsi que le soutien des étudiants sont nos priorités absolues. Aussi ai-je préféré mettre l’accent sur des aspects stratégiques novateurs dans ma contribution. À titre d’exemple, la plateforme MOOC FutureLearn créée par l’OU est une entreprise qui lui appartient, mais elle n’est pas partie intégrante de l’OU. Son objectif est d’héberger des MOOC développés par de nombreuses institutions différentes, mais qui respectent la conception et les modèles pédagogiques de l’OU. Ainsi, au sein même de l’univers des MOOC, on peut avec certitude identifier la “griffe” de l’OU parmi les MOOC hébergés par cette plateforme. »
Voilà qui précise la pensée de l’auteure et contribue à enrichir le débat.
Notes
1 Voir Peraya, D. (2016). L’actualité récente de la TÉLUQ : quel héritage ? Quelles leçons ? Quels enjeux et quelles perspectives pour l’enseignement universitaire ? Distances et médiations des savoirs, 13. http://dms.revues.org/1327
2 Entretien de Daniel Peraya avec Hélène Pulker et Élodie Vialleton, le 23 septembre par Skype.
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Référence électronique
Daniel Peraya, « L’évolution de l’Open University », Distances et médiations des savoirs [En ligne], 15 | octobre 2016, mis en ligne le 05 octobre 2016, consulté le 12 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dms/1541 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/dms.1541
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