1Traditionnellement, la formation à distance est conçue par opposition à la formation en présentiel qui, elle, fait référence à la formation en salle sur les campus universitaires. En ce sens, elle se définit comme « un enseignement-apprentissage dont la médiatisation permet de rapprocher le savoir de l’apprenant, alors qu’enseignant et apprenant sont éloignés l’un de l’autre » (Comité de liaison interordres en formation à distance [CLIFAD], 2007, p. 3). La notion de distance est ainsi d’abord comprise au sens physique. Or, cette acception paraît désuète – ou, du moins, restrictive – compte tenu de ce que sont devenues les pratiques en la matière (Audet, 2012 ; Bertrand, 2010). En particulier, les avancées technologiques ont permis d’intégrer à la formation à distance davantage d’activités synchrones, c’est-à-dire en temps réel. L’accroissement de telles possibilités de « présence à distance » estompe d’autant l’opposition traditionnelle entre formation en présentiel et formation à distance (Jacquinot-Delaunay, 2010). Par surcroît, l’intégration des technologies aux activités de formation en présentiel a permis de repenser l’usage du temps en classe et, dans certains cas, de le réduire significativement. C’est ainsi que se sont multipliées les formations hybrides, c’est-à-dire celles qui combinent, en proportion variable, des activités en présentiel et d’autres à distance (synchrones ou asynchrones). En vertu de telles évolutions, la formation à distance désigne désormais toute activité qui implique, à un certain degré, une dissociation de l’enseignement et de l’apprentissage dans l’espace ou le temps (Jacquinot-Delaunay, 2010).
2Maintes forces présentes à l’échelle mondiale contribuent à l’essor de la formation à distance dans l’enseignement universitaire, à commencer par la généralisation de l’usage des technologies dans toutes les sphères de l’activité humaine (Rapp, 2014). L’essor de la formation à distance est aussi lié à la croissance des besoins de formation supérieure (Butcher & Hoosen, 2014), laquelle se bute, dans certaines régions, à la capacité d’accueil des campus (Bates, 2011 ; Bertrand, 2010). Les pressions financières exercées sur les universités stimulent aussi l’intérêt pour la formation à distance, dans la mesure où elle revêt un potentiel de réduction des coûts de formation, et ce, tant pour les établissements que pour les étudiants (Deming, Goldin, Katz & Yuchtman, 2015).
3Mais par-delà ces constats généraux, qu’en est-il de l’essor de la formation à distance dans les universités québécoises ? Et dans quelle mesure le Québec présente-t-il des particularités à cet égard par rapport à des régions du monde avec lesquelles il possède des affinités culturelles, géographiques ou linguistiques ? Une recherche réalisée dans le cadre de la production d’un avis du Conseil supérieur de l’éducation (CSE, 2015) fournit des éléments de réponse à ces questions. Le présent texte a pour objectif de les mettre en relief et d’en proposer des pistes d’explication.
4La lecture de situation présentée dans ce qui suit s’appuie non seulement sur une recension des écrits, mais aussi sur les activités de recherche suivantes qui ont été menées en 2014-2015 :
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un état des lieux de la formation à distance dans les universités québécoises sur la base a) d’une analyse qualitative de documents publics (planifications stratégiques, politiques, rapports, etc.), et b) d’entretiens semi-dirigés menés à l’automne 2014 ou à l’hiver 2015 dans 10 des 18 établissements universitaires, avec 18 personnes qui, de par leurs fonctions, étaient en mesure de présenter la vision et les perspectives de développement de leur établissement en matière de formation à distance ;
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une analyse des points de vue (individuels ou collectifs) de différents acteurs universitaires québécois au sujet de la formation à distance, à partir de mémoires, d’articles parus dans des journaux (nationaux ou institutionnels) ou des revues syndicales et de résultats de sondages ou d’enquêtes ;
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une analyse de documents publics relatifs à la formation à distance en Ontario, en Colombie-Britannique, aux États-Unis et en France, laquelle a été enrichie par des échanges avec des personnes ressources.
5Cette recherche comporte des limites inhérentes à la mouvance de l’objet examiné et au foisonnement de ses manifestations. Plus précisément, l’absence d’un vocabulaire commun (dans les écrits comme dans les discours) représente une contrainte notable : par exemple, les termes « à distance », « en ligne », « hybride » et MOOC donnent lieu à un large éventail d’usages. Une certaine prudence dans l’analyse est aussi requise compte tenu des écarts possibles entre les discours et les pratiques et du nombre élevé d’écrits, même scientifiques, qui sont le fait de praticiens de la formation à distance et qui concernent des expériences locales (Means, Toyoama, Murphy, Bakia & Jones, 2010). C’est pour atténuer les effets de ces limites qu’a été privilégiée une méthode de recherche mixte, c’est-à-dire qui s’appuie sur le croisement de différentes sources de données.
6Le système universitaire québécois se compose de 18 établissements : dix sont regroupés dans un réseau public, l’Université du Québec, alors que les huit autres sont des universités à charte privée. Tous bénéficient d’un financement en grande partie public et les droits de scolarité, déterminés par le gouvernement, y sont identiques. Hormis la Télé-université (TELUQ) dont tous les cours sont à distance depuis sa fondation en 1972, les universités québécoises s’appuient principalement sur la formation en présentiel. À géométrie variable, chacune a toutefois intégré des activités de formation à distance à son offre de cours réguliers. Si les sources de données ne permettent pas de dresser un portrait complet de l’évolution de telles activités dans l’ensemble des universités québécoises, toutes témoignent de leur croissance soutenue au cours des deux dernières décennies (CLIFAD, 2014 ; CSE, 2015), y compris pour ce qui est des activités synchrones qui connaissent une popularité grandissante (Audet, 2012 ; Gérin-Lajoie & Potvin, 2011). Par ailleurs, environ la moitié des universités québécoises ont créé quelques MOOC ou sont en train de le faire : au total, une trentaine de MOOC ou de projets de MOOC sont recensés à l’hiver 2015. Ceux-ci correspondent à la définition conventionnelle de l’acronyme MOOC (c’est-à-dire des cours en ligne offerts gratuitement, sans condition d’admission et ne conduisant pas à des crédits universitaires) et ils rejoignent essentiellement des personnes qui ne font pas partie des populations étudiantes régulières des universités (Poellhuber, Roy, Bouchoucha & Anderson, 2014 ; Sweet, 2014). Dans les milieux peu familiers avec la formation à distance, les MOOC sont vus comme une occasion de découvrir le potentiel de celle-ci, d’acquérir une expertise en la matière et d’en tirer des apprentissages transférables dans les cours réguliers. Dans ceux qui ont déjà une expertise en formation à distance, ils sont plutôt considérés comme un moyen de rendre visible ce savoir-faire. Dans tous les cas, les MOOC représentent une manière de favoriser le rayonnement de l’établissement.
7Quelle que soit l’intensité de leur engagement actuel en matière de formation à distance, plusieurs universités inscrivent désormais ce mode de formation dans leur planification stratégique ou leur plan de développement. Environ le quart disposent d’une unité dédiée, en tout ou en partie, à la formation à distance. De plus, une politique de formation à distance a récemment été adoptée dans deux établissements, alors que des réflexions ont cours dans certains milieux au sujet de l’impact de la formation à distance sur la tâche d’enseignement et l’organisation du travail.
8Par-delà les activités propres à chaque université, la formation à distance s’appuie parfois sur des collaborations interétablissements. C’est le cas dans des programmes offerts conjointement par deux ou plusieurs universités, lesquels peuvent en effet comprendre des activités à distance. C’est aussi le cas des ententes que des universités concluent avec des établissements d’autres ordres d’enseignement de leur territoire, en vue de mettre en commun certaines ressources (infrastructures et expertises) nécessaires à la formation à distance. Existent aussi des lieux d’échange qui, sur la base d’une participation volontaire, sont dédiés à la formation à distance à l’ensemble des ordres d’enseignement : l’un à l’échelle du Québec (le CLIFAD), l’autre à l’échelle du Canada francophone (le Réseau d’enseignement francophone à distance du Canada [REFAD]).
9Des coups d’œil jetés en Ontario, en Colombie-Britannique, aux États-Unis et en France montrent que s’y observe, comme au Québec, une croissance notable des activités de formation à distance à l’enseignement universitaire. Ils permettent en outre de relever quatre sujets par rapport auxquels le Québec tend à se distinguer. Ceux-ci concernent 1) l’implication de l’État, 2) le potentiel d’économie associé à la formation à distance, 3) la collaboration interuniversitaire et 4) la place des MOOC dans l’enseignement supérieur.
- i Dans les documents préliminaires du MFCU, l’instance était baptisée « Ontario Online ».
10Les autorités gouvernementales de l’Ontario, de la Colombie-Britannique et de la France posent des actions concrètes pour donner une impulsion à la formation à distance à l’enseignement supérieur. En Ontario, la volonté du gouvernement de favoriser la formation en ligne se traduit dans ses orientations adressées aux établissements postsecondaires, le nombre d’étudiants inscrits à un cours en ligne étant même l’un des indicateurs retenus pour les évaluer (ministère de la Formation et des Collèges et Universités de l’Ontario [MFCU], 2012, 2013a). Cette volonté s’incarne en outre dans l’implantation, à l’automne 2015, de eCampus Ontarioi (MFCU, 2015), une instance dédiée à l’offre de cours en ligne à l’enseignement postsecondaire (MFCU, 2013b). Dès 2002 en Colombie-Britannique, le ministère de l’Enseignement supérieur a mis sur pied BCcampus, une organisation de soutien aux établissements et aux étudiants qui vise à favoriser la formation en ligne et l’usage des technologies en éducation (BcCampus, 2014). Un autre exemple d’action gouvernementale qui cible la formation à distance est celui de la France : un agenda numérique 2013-2018 a été mis en place en vue de rattraper un retard par rapport aux États-Unis et de joindre des étudiants de l’extérieur de l’Hexagone, notamment de l’Afrique francophone (Demoustier, 2013). Assorties d’un financement considérable (France université numérique [FUN], 2013), les actions entreprises visent, entre autres, à ce que 20 % des cours des universités françaises soient offerts en ligne en 2017 (Demoustier, 2013).
11Ces trois exemples d’actions gouvernementales ne trouvent pas d’équivalents au Québec. De fait, en dehors de son soutien financier aux établissements, le gouvernement québécois n’énonce pas d’orientations ni ne pose d’actions ciblées au sujet de la formation à distance à l’enseignement universitaire. Il laisse à chaque université le choix de recourir ou non à ce mode de formation et, le cas échéant, la responsabilité de décider de ses objectifs et de ses moyens. Face à cet état de fait, certains groupes d’acteurs, dont des professeurs et des étudiants, expriment le souhait que le gouvernement énonce des orientations claires sur la formation à distance (CLIFAD, 2013 ; FEUQ, 2009 ; FQPPU, 2013), alors que des administrations universitaires plaident pour que ce mode de formation fasse l’objet d’un soutien financier particulier (TELUQ, 2014 ; UQAT, 2013). Des travaux ont d’ailleurs été initiés au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES) au sujet de la formation à distance ainsi que sur les règles de financement des universités, de sorte que la situation pourrait éventuellement changer.
12De façon plus ou moins explicite, le potentiel d’économie associé à la formation à distance est mis à l’avant-plan par des décideurs de plusieurs régions du monde. Aux États-Unis, bon nombre d’administrateurs d’établissements (Allen & Seaman, 2014) soutiennent que la formation en ligne représente une avenue à privilégier pour faire face aux défis du financement en enseignement supérieur. En Ontario, le ministère de la Formation et des Collèges et Universités fait valoir l’usage des technologies comme façon de favoriser l’accès aux études et d’améliorer l’enseignement et l’apprentissage à un coût abordable (MFCU, 2013b) et, dans cet esprit, entend stimuler le recours à la formation en ligne au moyen d’une instance à l’échelle du système d’enseignement postsecondaire. Le potentiel d’économie associé à la formation à distance est aussi reconnu en Colombie-Britannique. De fait, le financement de BcCampus par le gouvernement tient à la capacité de cette instance à favoriser la collaboration et la mutualisation des ressources entre les établissements, en vue ultimement de générer des économies d’échelle (Contact Nord, 2012). Il en va de même de son projet Open Textbook qui a mené à la production et à l’usage de manuels de cours en accès libre, en vue de réduire la facture de nombreux étudiants de la province (BcCampus, 2014).
13Au Québec, différents acteurs de la scène universitaire relèvent les défis que pose le financement des universités, mais très peu font valoir l’idée que la formation à distance puisse contribuer à relever ces défis. Dans leurs discours, les différents groupes d’acteurs insistent plutôt sur le fait que la formation à distance est onéreuse, autant sinon plus que la formation en présentiel. Cet argument est notamment invoqué par des administrateurs universitaires qui réclament du gouvernement qu’il prenne en compte les particularités de la formation à distance dans ses règles de financement (TELUQ, 2014 ; UQAT, 2013).
14La collaboration entre les universités, que ce soit sur le plan de l’offre de cours, de la mutualisation des ressources ou du partage des expertises, occupe une place de choix dans les actions engagées dans plusieurs régions du monde pour stimuler le recours à la formation à distance. Cette visée est au cœur de la mise sur pied de eCampus Ontario et de BcCampus, deux instances publiques qui assurent la mise en commun d’une offre de cours à distance ainsi que de services et infrastructures pour l’ensemble des universités, respectivement, de l’Ontario (MCFU, 2013b) et de la Colombie-Britannique (Contact Nord, 2012). Une telle volonté de miser sur la collaboration est aussi observable en France avec la création de « France université numérique », une plateforme nationale de MOOC dont la gestion doit être confiée à un consortium d’universités (FUN, 2013).
15Au Québec, l’idée que la collaboration entre les universités puisse optimiser leurs activités en matière de formation à distance est quasi absente du discours des administrateurs et des membres du corps enseignant. À sa création en 1972, la TELUQ devait soutenir une offre de formation à distance au sein du réseau de l’Université du Québec (Guillemet, 2012). Force est toutefois de constater que cet objectif n’a pas été atteint, car chaque composante a mis en place ses propres activités de formation à distance. Comme déjà signalé, quelques pratiques de collaboration existent, entre universités ou avec des établissements d’autres ordres d’enseignement, mais elles demeurent peu fréquentes. Il reste que plusieurs acteurs universitaires déplorent que la formation à distance exacerbe la concurrence entre les universités québécoises, dans la mesure où elle annihile les frontières géographiques qui marquent le territoire que dessert habituellement chaque établissement (AELIES, 2014 ; FAEUQEP, 2013 ; FQPPU, 2013). Certaines propositions soumises récemment au gouvernement promeuvent précisément une plus forte collaboration interuniversitaire (FQPPU, 2013 ; Tremblay et Roy, 2014). C’est aussi dans ce sens que s’inscrit la vision du rôle que la TELUQ (2014) voudrait pouvoir jouer dans l’avenir.
16L’exploration de l’essor des MOOC dans quelques régions du monde montre que leur place dans l’enseignement formel ne fait pas l’objet de consensus. Aux États-Unis, très peu d’établissements d’enseignement supérieur offrent ou prévoient offrir des MOOC (Allen & Seaman, 2014). De fait, la plupart des MOOC étasuniens sont portés, en tout ou en partie, par des organisations autres que les universités et la place à leur accorder demeure un objet de questionnement. C’est ce qu’illustre le changement de mission de Udacity qui, après avoir offert des MOOC en partenariat avec des universités, a choisi de se consacrer essentiellement à la formation en entreprise (Usher, 2013). Dans une autre perspective, la Californie (Nadeem, 2013) et la Floride (Straumshein, 2014) ont été le lieu de tentatives des autorités gouvernementales d’intégrer des MOOC au cursus universitaire, tentatives qui ont échoué compte tenu de l’opposition de professeurs. En France, la mise en place d’une plateforme nationale de MOOC s’est accompagnée d’un discours sur l’effet que ceux-ci pourraient jouer un rôle dans les cursus réguliers (Demoustier, 2013). Pour l’heure, les MOOC français ne semblent pas afficher des caractéristiques communes : certains incluent un service de tutorat (« MOOC tutorés »), sont réservés à un nombre limité de personnes (« SPOC », small private online courses) ou mènent à une reconnaissance universitaire (Pomerol, Epelboin & Thoury, 2013), s’apparentant ainsi à des cours réguliers offerts en ligne.
17Au Québec, en 2015, les initiatives en matière de MOOC relèvent essentiellement des établissements universitaires. Le discours de leurs artisans indique qu’il s’agit d’activités menées selon une approche exploratoire. De plus, il exclut l’idée que les MOOC puissent faire l’objet de crédits universitaires. Tout au plus, des hypothèses de reconnaissance des acquis sont envisagées dans certains milieux (Alibert, 2014 ; Université Laval, 2015), comme c’est le cas pour toute activité de formation plus ou moins formelle.
18La formation à distance connaît une évolution significative, rapide et continue dans plusieurs régions du monde, y compris au Québec où elle prend de l’ampleur et figure dans les perspectives de développement de bon nombre d’établissements universitaires. Même les MOOC, quoique qu’en nombre restreint, ont fait leur entrée dans les universités québécoises.
19Or, contrairement à ce qui s’observe dans d’autres régions du monde, cet essor de la formation à distance dans les universités québécoises n’est pas ciblé par des actions structurantes à l’échelle du système. Pour l’heure, le gouvernement québécois ne déploie pas d’efforts particuliers pour stimuler ou encadrer cet essor : c’est de façon individuelle que chacune des universités établit et poursuit ses objectifs en la matière. Aussi, l’idée que la formation à distance puisse générer des économies, en particulier lorsque son déploiement est pensé à l’échelle du système universitaire et repose sur des collaborations entre les universités, a peu de résonances en territoire québécois, alors que cette vision est centrale en Ontario et en Colombie-Britannique. Pour ce qui est des MOOC, ils émergent d’initiatives locales et sont résolument envisagés en marge du cursus régulier.
20Ces constats mettent d’abord en relief le caractère relativement limité de l’intervention de l’État québécois en matière d’enseignement universitaire, en dehors du financement des établissements. La politique québécoise à l’égard des établissements universitaires, adoptée en 2000, énonce certes des orientations, mais demeure très générale. Par exemple, la seule mention qui concerne la formation à distance a pour objectif de signaler son apport à l’accessibilité géographique des études universitaires. À la demande du gouvernement, des travaux ont récemment été menés en vue d’élaborer une loi-cadre sur les universités et d’instituer un Conseil national des universités, projets qui auraient pu donner une impulsion à l’intervention de l’État en matière d’enseignement universitaire, mais qui ne se sont pas concrétisés. Et si de nouvelles règles de financement des universités doivent entrer en vigueur à l’automne 2016, leur portée demeure inconnue, tout comme leurs effets possibles sur la formation à distance. Quant aux travaux qui ont été initiés au MEES relativement à la formation à distance, on ne peut prédire s’ils parviendront à s’inscrire dans les priorités politiques à court ou moyen terme.
21Ensuite, les constats dégagés soulignent la prédominance d’un « individualisme institutionnel » sur une vision d’ensemble du développement des universités québécoises, une situation qui a notamment été relevée par la Commission des universités sur les programmes (CUP) mise sur pied à la fin des années 1990 :
« les universités québécoises devraient tendre à dépasser l’“individualisme institutionnel” pour favoriser l’implantation d’une vision concertée de l’enseignement universitaire au Québec. […] Nous ne croyons pas que l’offre des programmes universitaires au Québec doive être la simple résultante de l’addition ou de la juxtaposition des diverses initiatives institutionnelles. Nous estimons, au contraire, qu’elle devrait faire l’objet d’une concertation plus poussée et répondre à une vision d’ensemble où chaque établissement se perçoit comme une partie d’un tout et où la satisfaction des besoins de formation aux cycles supérieurs est envisagée de façon collective plutôt que dans une perspective de concurrence et de compétition entre établissements » (CUP, 2000, p. 6).
22Le constat de cet « individualisme institutionnel » est ressorti de la consultation menée dans le cadre de notre recherche. En effet, la formation à distance est essentiellement envisagée par les personnes interrogées comme un mode de formation contribuant au développement de chaque établissement, et non comme une nouvelle donne à partir de laquelle penser celui du système universitaire québécois dans son ensemble. C’est dans la même perspective que l’on peut considérer l’intérêt des établissements à créer des MOOC comme moyen de se démarquer.
23Ces deux pistes d’explication – le caractère limité de l’intervention de l’État et la prépondérance d’un « individualisme institutionnel » – ne sont pas lien. Sachant que c’est principalement au moyen des règles de financement que le gouvernement intervient en matière d’enseignement universitaire et que ces règles sont basées en majeure partie sur le nombre d’étudiants, chaque établissement est préoccupé d’en recruter un nombre suffisant pour lui permettre d’assurer sa croissance, sinon sa survie.
24Les choix à privilégier dans l’avenir, à l’échelle des établissements et à l’échelle du système universitaire québécois, mériteront certainement d’être éclairés par les résultats de la recherche et des éventuelles évaluations de BcCampus, de eCampus Ontario ou de l’agenda numérique du gouvernement français. Ces résultats pourraient non seulement clarifier les effets de la formation à distance sur l’accessibilité des études et sur les coûts de formation, mais aussi mettre en lumière son potentiel pour développer, de façon concertée, le système universitaire québécois. Considérant l’internationalisation de l’enseignement supérieur, il importera également d’assurer une veille sur l’évolution des MOOC, au Québec comme ailleurs, notamment eu égard à la reconnaissance dont ils feront l’objet de la part des universités et des employeurs.