Villemonteix, F., Baron, G-L., Beziat, J., (dir.). L’école primaire et les technologies informatisées : des enseignants face aux TICE. Villeneuve-d’Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 2016. 171 p., Coll. Éducation et didactique. ISSN 1281-7597. ISBN 978-2-7574-1277-0
A propos de l’ouvrage de François Villemonteix, Georges-Louis Baron et Jacques Beziat « L’école primaire et les technologies informatisées »
François Villemonteix, Georges-Louis Baron et Jacques Beziat (dir), « L’école primaire et les technologies informatisées », Presses Universitaires du Septentrion, coll. Éducation et didactiques, ISSN12817597, 2016
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1« L’école primaire et les technologies informatisées », c’est à un tour d’horizon a priori fort éloigné des préoccupations de Distances et médiation des savoirs que nous convient François Villemonteix, Georges-Louis Baron et Jacques Beziat.
2Et pourtant... L’enseignement scolaire crée directement le contexte de compétences numériques sur lequel peuvent se développer les activités de l’enseignement supérieur, que ce soit en termes d’enseignement à distance, ou, plus largement, en termes d’usage du numérique dans l’enseignement et l’apprentissage. Et l’école primaire constitue un espace/temps privilégié pour constituer le socle de culture informatique (ou numérique, selon les approches et les politiques) sur lequel pourront se construire les usages, tout au long de la vie. Car le numérique, qui a investi toutes les sphères de la société, a son existence propre au-delà de l’enseignement, tant scolaire que supérieur : outre son développement interne à l’institution, il est aussi et surtout l’application d’une composante technologique du contexte social, économique, informationnel, qui fournit des éléments de son cadre fonctionnel pour le cadre d’usage spécifique de l’enseignement. De ce point de vue, la prise en compte d’un continuum d’usage entre enseignement scolaire et supérieur constitue probablement un enjeu important pour comprendre et construire la place du numérique à l’école et à l’université.
3Enfin, « last but not least », l’intégration de l’EAD dans les dispositifs de formation du premier degré, abordée dans l’ouvrage, constitue une forme inédite et puissante d’institutionnalisation non seulement du numérique, mais aussi de la distance dans la formation.
Un panorama composé de travaux de recherche
4L’ouvrage a été élaboré en liaison avec le colloque éTIC, qui s’est tenu en décembre 2013 à Limoges, non pas comme des actes, mais comme l’élaboration d’une forme de synthèse à partir des contributions des chercheurs, sous l’égide du comité scientifique.
5Les travaux ont en particulier conduit à jeter un regard spécifique sur l’enseignement de l’informatique proprement dit, entre exploitation d’un champ scientifique spécifique et construction d’une culture technique, développement de compétences logistiques et maîtrises techniques effectives. Après un exemple grec qui met en évidence les potentialités y compris jusqu’en maternelle, en particulier dans le domaine des apprentissages logistiques, Eric Bruillard et Jean-Luc Rinaudo interrogent la nature même de l’informatique qu’il y aurait à pratiquer et à enseigner à l’école élémentaire.
6Sous un autre éclairage, la deuxième partie de l’ouvrage s’intéresse aux pratiques de classe, et en particulier aux processus de mise en œuvre et d’appropriation des technologies. C’est ici la médiation technique qui est interrogée, dans une forme de relation entre ressources et apprentissages. L’approche instrumentale est mobilisée pour analyser les modes d’intégration aux pratiques d’objets comme le tableau numérique (Isabelle Bastide, Cedric Fluckiger) ou la classe mobile (Sandra Nogry, Carine Sort, Françoise Decortis), et la relation à la ressource au travers de ces systèmes techniques
7La troisième partie s’intéresse davantage au cadre institutionnel, avec en particulier les initiatives de certifications mises en place à destination des enseignants comme des élèves (Bruno Devauchelle et Stephanie Netto s’intéressent aux B2I et C2I) et la généralisation récente d’enseignement à distance dans la formation des maîtres (Jean-Michel Gelis, François Villemonteix). Ces approches institutionnelles sont en outre confrontées à une analyse des représentations développées par les futurs maîtres (Emmanuelle Voulgre, Georges-Louis Baron), interrogeant ainsi le rapport entre formes institutionnelles, instituantes et instituées du numérique.
8La perspective internationale n’est pas oubliée, avec un regard sur la place de l’informatique dans l’École de l’Afrique sub-saharienne (Dossou Anani Digbe-Semanou) et un retour d’expérience grec sur la maternelle (Anastasia Misirli, Vassilis Komis).
Un tableau qui dresse un contexte encore en devenir
9Sans prétendre à une quelconque exhaustivité, les articles de l’ouvrage mettent clairement en évidence à la fois la volonté de développement du numérique à l’école élémentaire et les tensions et ambiguïtés qui lui sont associées : intégration du numérique vs faible adaptation des programmes à cette évolution ; dynamisme de création et d’innovation vs formation insuffisante, voire inexistante ; volonté réformatrice vs conservatisme des pratiques...
10Au fil des articles, c’est la place de l’École qui est interrogée, entre état et collectivité, entre scolaire et péri-scolaire, entre École publique et offre privée. Et au sein de cette École en renouvellement, la place des enseignants et des objets techniques, pointant l’écart entre le prescrit et le réel, la diversité des représentations en présence et l’articulation entre pratiques scolaires, personnelles et sociales.
11Tous les articles rendant compte de recherches dans les classes concluent à une certaine efficacité des dispositifs analysés, sans pour autant leur conférer un caractère déterminant ou incontestable : le jouet programmable « semble efficace » en fin de maternelle pour les questions d’orientation et de direction (Misirli, Komis) ; le TBI « semble [... modifier] la place, le statut et le devenir des ressources didactiques [...] » (Bastide, Fluckiger). De façon complémentaire, les questionnements sur la place de l’informatique dans l’École et au dehors (Bruillard, Rinaudo, Dogbe-Semanou)), entre analyse, proposition et risques, mettent bien en évidence un numérique qui cherche encore sa place institutionnelle. Bruno Devauchelle et Stephanie Nietto soulignent les écarts entre les représentations, entre le prescrit et le réalisé, mettant ainsi l’accent sur les difficultés d’intégration du numérique, y compris dans ses formes les plus institutionnalisées.
12Les recommandations formulées par Eric Bruillard (place de l’informatique), Jean-Luc Rinaudo (place du numérique dans l’enseignement pour donner un cadre aux pratiques personnelles), Sandar Nogry, Carine Sort et Françoise Decortis (quelle formation pour une meilleure prise en compte des instruments) soulignent encore un tableau pointilliste de technologies qui n’ont pas encore réellement trouvé leur place à l’École, et ce malgré plus d’une génération de politiques publiques successives sur ce sujet.
Le balancier, une métaphore à interroger ?
13Georges-Louis Baron évoque, dans sa postface, l’hypothèse d’un balancier qui rythmerait les politiques éducatives appliquées à l’enseignement primaire en matière d’informatique et/ou de numérique, depuis une bonne quarantaine d’années. On s’accordera aisément sur le constat d’une absence de continuité des lignes politiques, de mouvements probablement erratiques, notamment à propos de la place donnée à la programmation et à la culture informatique proprement dite.
14Quant à utiliser la métaphore du balancier, c’est peut-être faire bien trop d’honneurs à des décisions qui ne s’inscrivent guère dans une régularité de processus. Alors que j’évoquais il y a quelques années une métaphore oscillatoire pour qualifier des politiques à l’apparence chaotique, Guy Pouzard, physicien émérite, me faisait remarquer que rien n’est plus organisé et régulier qu’un mouvement pendulaire. Alors, non, le pendule n’est pas la métaphore la plus adaptée pour qualifier des méandres, chaos et ornières qui doivent sans doute davantage au manque de perspective, au hasard et aux réactions excessives qu’à des formes réellement organisées.
Pour citer cet article
Référence électronique
Gérard Puimatto, « A propos de l’ouvrage de François Villemonteix, Georges-Louis Baron et Jacques Beziat « L’école primaire et les technologies informatisées » », Distances et médiations des savoirs [En ligne], 14 | 2016, mis en ligne le 25 février 2017, consulté le 12 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dms/1422 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/dms.1422
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