A propos de l’ouvrage d’Alain-Claude Ngouem « Les nouvelles technologies dans l’enseignement et l’apprentissage - Besoins, utilisations et rentabilités »
Alain-Claude Ngouem, Les nouvelles technologies dans l’enseignement et l’apprentissage - Besoins, utilisations et rentabilités, Louvain-la-Neuve : Academia, 2015, 298 p. ISBN : 978-2-8061-0229-4
Texte intégral
- 1 Alain-Claude Ngouem, Les nouvelles technologies dans l’enseignement et l’apprentissage - Besoins, u (...)
1Les éditions Academia publient Les nouvelles technologies dans l’enseignement et l’apprentissage - besoins, utilisations, rentabilité1, un ouvrage d’Alain-Claude Ngouem, docteur en économie de l’université de Dortmund et actuellement analyste des politiques et des programmes en Ontario.
2Après un ouvrage sur les évolutions du système mondial de l’information et ses conséquences sur le développement en Afrique (nouvelle donne du système mondial de l’information et redéfinition du développement en Afrique : y a-t-il déjà équilibre de flux d’information entre le centre et la périphérie ?), l’auteur oriente son regard sur les technologies de l’information vers l’enseignement et l’apprentissage.
3Alain-Claude Ngouem témoigne d’un intérêt durable et affirmé pour ce qu’il désigne par « nouvelles technologies », mettant à chaque instant en parallèle des aspects hors-ligne déjà anciens (CD-ROM, DVD) et les approches actuelles liées au en-ligne (notamment les MOOC), à la télé-présence, aux outils du web public, etc. Son regard est marqué par une approche économique, intégrant l’économie sociale et les enjeux sociaux-éducatifs.
4Ayant fait ses études en Allemagne, travaillant au Canada, publié par un éditeur belge... C’est un regard largement international que nous propose ici Alain-Claude Ngouem, avec notamment une analyse comparée des situations au Canada, en Amérique et en Europe dont on regrettera la brièveté : l’analyse des différences des attendus entre les divers pays et leurs cultures respectives mériterait sans doute de plus amples investigations (réponses à des situations spécifiques au Canada, logique avant tout économique aux États-Unis et accent sur les bénéfices cognitifs en Europe).
5L’ouvrage s’organise naturellement selon les trois composantes affichées par le sous-titre - « besoins, utilisations, rentabilité » - dans une approche largement marquée par une logique économique.
6Les technologies en éducation sont abordées résolument sous l’angle des apprentissages, avec une attention particulière portée aux rapports d’usages entre apprenants et les « instruments de l’action » que deviennent les outils techniques. L’auteur considère que, nonobstant la modestie du déploiement actuel des usages, le développement des technologies produit d’ores et déjà des formes d’apprentissage hybrides [entre présentiel et en ligne], déjà intégrées dans le quotidien. Si cette évolution relève de l’évidence dans nombre de situations, il semble pour autant difficile de la présenter comme une généralité. Mais la situation en France, et peut-être même sur le « vieux continent » n’est-elle pas en décalage avec ce que l’on observe, par exemple, au Canada ?
7La formation à distance est le cadre principal d’investigation choisi par l’auteur. Elle est abordée sous l’angle d’un processus d’industrialisation, avec l’objectif de diversifier les modes d’enseignement, mais aussi de s’inscrire dans une compétition farouche à l’échelle internationale.
8Les inégalités sociales et géographiques sont identifiées comme autant de difficultés, qui peuvent aussi creuser un fossé entre celui qui apprend et celui qui enseigne. Ces différences peuvent contribuer à développer la « dissonance pédagogique » (« ce qui sépare celui qui veut ou doit apprendre de celui qui sait, désire ou doit enseigner »).
9Tout au long de l’ouvrage, Alain-Claude Ngouem affirme sa conviction sur la nécessité d’une démarche : s’appuyer sur une analyse des besoins pour faire des choix techniques ou technologiques, qui seront appréciés sous l’angle des coûts/bénéfices. Le conseil a l’air trivial, mais n’observe-t-on pas chaque jour de fortes distorsions avec ce qui relèverait en fait d’une logique naturelle d’ingénierie éducative ? L’auteur nous propose d’interroger les concepts et méthodes d’analyse de besoins utilisées dans d’autres domaines en les appliquant au contexte d’enseignement/apprentissage. Mettant en évidence l’approche duale entre les besoins spécifiquement liés aux apprentissages et ceux liés au contexte d’utilisation des technologies, l’auteur pointe les risques de distorsions entre la prise en compte de la finalité et les contraintes de mise en œuvre des moyens techniques, et souligne la nécessité de rendre explicites les priorités adoptées.
10Diverses situations que l’on pourrait qualifier de « marginales » (ce que ne fait pas l’auteur) soulignent les potentialités particulières, notamment pour les minorités linguistiques, un peu rapidement considérées comme l’ensemble des communautés non anglophones, ou pour les travaux de « récupération académique », recouvrant tous les dispositifs institutionnels de mises à niveau. Ces contextes spécifiques sont une occasion de mettre en évidence la liaison et l’adéquation entre besoins et choix technologiques.
11En matière d’utilisation des technologies de l’information en enseignement, l’auteur nous propose de structurer l’approche en quatre catégories principales : les aides technologiques, la télé-présence, les « mémoires virtuelles » et la participation à distance. À ces quatre grandes catégories, il en ajoute une cinquième, les « cours en ligne ouverts à la masse », permettant d’aborder le phénomène des MOOC. Mais cet ajout, s’il permet de prendre en compte une évolution récente, ne concourt pas à une meilleure structuration de l’ouvrage.
12Si les « aides technologiques » apportent des possibilités nouvelles en matière d’apprentissage et d’enseignement, elles ne remettent pas fondamentalement en cause les organisations traditionnelles. Leur mise en œuvre doit être approchée dans le souci des valeurs ajoutées qu’elles apportent, qui peuvent se situer dans des domaines très variés : adaptation des apprentissages, développement des compétences, prise en charge du handicap...
13La télé-présence, sorte de « présence à distance » présentée comme une alternative au modèle dominant de la présence physique, regroupe non seulement les outils traditionnels de communication (audio et vidéo communications, messageries, télé-manipulation), mais aussi d’autres composantes comme la géolocalisation, la communication nomade et la baladodiffusion.
14Dans la catégorie « mémoires virtuelles », l’auteur regroupe l’ensemble des formes numériques des ressources d’information, livres numériques et outils associés, manuels et usuels numériques, ainsi que des outils nouveaux (traducteurs, outils de description, de recherche et de sélection).
15La participation à distance aborde plus spécifiquement la formation à distance, avec notamment l’individualisation et le collaboratif, les jeux éducatifs, la télé-rétroaction, les portfolios, les outils sociaux, etc.
16Si la catégorisation adoptée permet de dresser une proposition de structuration des modalités d’usages, les catégories choisies paraissent quelquefois un peu artificielles : la distinction entre télé-présence et participation à distance notamment apparaît un peu arbitraire, en particulier au regard des pratiques de FOAD telles que nous les pratiquons. De même, les mémoires virtuelles ne regroupent pas la globalité du champ des ressources, laissant dans d’autres catégories, par exemple, la baladodiffusion ou les jeux en ligne.
17Le chapitre consacré aux MOOC montre bien par ailleurs comment un usage global met en œuvre différentes modalités d’aide, de télé-présence, de recours aux ressources et de participation à distance, sans pour autant interroger véritablement les équilibres entre ces différentes composantes comme contribution à la « valeur ajoutée » obtenue.
18Dans une approche proche de l’économie sociale, les rentabilités sont abordées sous l’angle du retour sur investissement, non seulement économique, mais aussi social. Mais la mesure en reste complexe et éventuellement variable selon les pays. L’auteur nous propose d’ailleurs quelques exemples de calculs utilisés, dans une démarche qui met plutôt en évidence la difficulté (ou l’impossibilité ?) de rendre compte dans une telle mesure de la globalité des enjeux, des avantages et des motivations.
19Au-delà de l’abondance des discours et débats sur les technologies dans l’enseignement, qu’ils soient positifs et négatifs, Alain-Claude Ngouem conclut l’ouvrage sur l’évidence du développement des formes électroniques d’apprentissage, sous une pression non seulement financière, mais aussi pédagogique, issue notamment des « étudiants motivés, forts, indépendants et curieux ». Les technologies dans l’enseignement pourraient-elles donc aussi creuser davantage les fossés actuels ?
20« Nouvelles technologies », la formule, utilisée tout au long de l’ouvrage, paraît un peu... datée. L’auteur interroge toutefois ce caractère de nouveauté, selon une approche économique, voire mercatique. La « nouveauté » y est présentée comme relative, en particulier à l’adoption par les usagers. La relation entre la nouveauté et le processus d’innovation est abordée sous l’angle de la relation innovation-mise en marché, entre innovation technique et innovation d’usage.
21Au final, si l’ouvrage reste généraliste et n’apporte pas d’éléments réellement nouveaux, il nous propose un large tour d’horizon sur les relations entre technologies et distance. La perspective systématique selon le triptyque besoins / usages / rentabilités contribue à renouveler la perspective, et constitue une forte incitation à adopter une posture d’ingénierie, même si le terme n’est pas utilisé par l’auteur. Cela devrait sans doute relever de l’évidence, mais est-ce toujours le cas ?
22Si les spécialistes des technologies dans l’enseignement ou de l’enseignement à distance ne doivent pas s’attendre à trouver ici des apports décisifs à leurs pratiques, l’ouvrage peut davantage bénéficier aux décideurs non spécialistes ou à ceux qui envisagent d’entrer dans ce domaine, sans pour autant avoir le temps où l’envie de conduire eux-mêmes une étude des besoins, des usages et des rentabilisés à attendre... ou à atteindre !
Notes
1 Alain-Claude Ngouem, Les nouvelles technologies dans l’enseignement et l’apprentissage - Besoins, utilisations et rentabilités, Louvain-la-Neuve : Academia, 2015, 298 p. ISBN : 978-2-8061-0229-4
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Référence électronique
Gérard Puimatto, « A propos de l’ouvrage d’Alain-Claude Ngouem « Les nouvelles technologies dans l’enseignement et l’apprentissage - Besoins, utilisations et rentabilités » », Distances et médiations des savoirs [En ligne], 13 | mars 2016, mis en ligne le 25 février 2017, consulté le 25 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dms/1333 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/dms.1333
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