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Débat discussion

L’amphipédia : un cours magistral « innovant » par la reconfiguration spatiale de l’amphithéâtre

Olivier Perlot

Texte intégral

1« La rubrique “débat-discussion” fait peau neuve ». Par ce titre Claire Peltier (2024) nous invite à renouveler la seconde rubrique la plus consultée de Distances et médiations des savoirs. Dans cette perspective, il s’agit de questionner le cours magistral à l’aide des travaux d’Olivier Aïm et Anneliese Depoux (2015). À partir de l’analyse d’un MOOC, Aïm et Depoux nuancent les discours sur l’horizontalité visée par ces dispositifs. Ils concluent que « le MOOC n’a pas tué la magistralité ; il en adoucit le ton et en démultiplie les effets de la présence en organisant une verticalité discrète et déployée » (§ 40).

2À l’invitation de C. Peltier, Amélie Duguet (2024), Didier Paquelin (2024), Bertrand Mocquet (2024) et Chrysta Pélissier (2024) ont interrogé, respectivement, les cours magistraux sous divers angles : leurs formes, selon une approche attentionnelle, d’un point de vue écosystémique ou enfin selon les postures enseignantes. Pour apporter une contribution originale, nous proposons d’étudier la configuration spatiale caractéristique des cours magistraux.

3Pour faire écho à Aïm et Depoux (2015), nous envisagerons l’amphithéâtre comme lieu physique particulier pour l’apprentissage, par le prisme des lieux virtuels d’apprentissage proposés dans les MOOC. Ainsi, nous tenterons de dessiner les contours d’un amphithéâtre hybride, à la fois espace d’apprentissage physique et virtuel.

Innover le cours magistral

4À grand renfort d’Initiatives d’Excellence en Formations Innovantes (IDEFI), puis d’IDEFI numériques, de Journées nationales de l’Innovation Pédagogique dans l’Enseignement Supérieur (JIPES, cinq éditions entre 2016 et 2022), le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche français a mis en place une succession d’actions pour soutenir l’innovation pédagogique. Mocquet (2017) perçoit les IDEFI comme des leviers pour la transformation des universités. Bertrand (2014) reconnait les limites de la portée des IDEFI : « Ces projets ont leur logique propre, inscrite dans un contexte particulier. Mais ils doivent profiter au système dans son ensemble » (p. 27).

5Pour modérer l’enthousiasme soulevé par l’innovation, Tricot (2017) explique qu’il y a peu de véritables innovations pédagogiques. Selon Tricot, il s’agit souvent de pratiques anciennes remises au goût du jour. Toutefois, il n’est pas question d’abandonner l’innovation pédagogique. Selon Cros (2013, §79) :

elle est la mise en œuvre pensée voire concertée de l’initiative que les enseignants prennent au quotidien. Cette initiative, individuelle ou collective est le poumon de l’école : comment une institution hiérarchique et centralisée comme le ministère avec ses ramifications régionales peut-elle s’emparer de cet air qui circule, sinon de s’en dessaisir et de cesser de le contrôler par des artefacts de plus en plus sophistiqués ?

6Bernard et Fluckiger précisent le lieu de l’innovation pédagogique, elle « se situe à une échelle individuelle » (2019, p. 8). Perlot (2023) perçoit également l’innovation pédagogique au niveau individuel, chez des étudiants-professeurs.

7Pour insuffler, à l’échelle d’un enseignant, un peu d’air nouveau au cours magistral, nous envisageons d’explorer la piste de l’innovation pédagogique par la configuration spatiale.

Innovation du cours magistral par la contrainte et l’opportunité de l’amphithéâtre

8Perlot (2023) ne se contente pas de mesurer l’innovation pédagogique, il relate des conditions pour favoriser son implémentation. Il conclut sur le pouvoir d’innovation de l’enseignant mis face à une situation caractérisée, à la fois contrainte et disposant d’opportunités.

9Pour cette discussion, nous choisissons d’aborder une contrainte : l’amphithéâtre. En effet, le cours magistral est indéniablement associé à cet espace. Même si les discours radicalisés évoqués par Aïm et Depoux (2015, § 2) annonçaient la « fin de l’amphi », force est de constater que les amphithéâtres perdurent. Les mots amphithéâtre ou amphi sont communs à tous les textes de cette discussion : Aïm et Depoux (2015), Peltier (2024), Duguet (2024), Paquelin (2024), Mocquet (2024) et Pélissier (2024). Au total, ils citent 48 fois ces deux mots. Par une approche historique, Duguet rappelle que « l’amphithéâtre représentait le lieu privilégié par les médecins et chirurgiens pour réaliser des dissections. », puis que l’amphithéâtre a permis la massification dans l’enseignement supérieur. Paquelin s’inquiète de la désertion physique ou psychologique des amphithéâtres par manque de prise en compte des attentes étudiantes.

10Alors comment renouveler cet espace fixe, ce dispositif séculaire et situé selon Aïm et Depoux (2015) ? En reconfigurant ce lieu physique d’apprentissage ? Mais nous ne sommes pas architecte scolaire. En déplaçant les murs ? Nous n’avons pas ce pouvoir. Finalement Mocquet nous ouvre une porte : « In situ, dans l’amphithéâtre, de nouvelles modalités d’actions pédagogiques de l’enseignant sont envisageables pour accroitre l’activité de l’étudiant. » (§ 26). L’amphithéâtre et ses caractéristiques matérielles peu flexibles constituent une contrainte que nous acceptons. Nous tentons alors de la transformer en opportunité pédagogique.

11Pour traverser les murs de l’amphithéâtre et créer de nouveaux lieux et opportunités d’apprentissage, tel un pédagogue passe-muraille, nous proposons de faire appel aux outils numériques pédagogiques tels que les MOOCs en fournissent. Lebrun (2007, § 24) décrit ainsi le potentiel de transformation de ces outils sur la pédagogie : « on pourrait dire au mieux que ces nouveaux outils constituent un catalyseur qui conduit progressivement l’enseignant à innover au niveau de ses méthodes en les rendant plus centrées sur l’activité de l’apprenant ». Bertrand (2014), dans son rapport pour le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, affirme que « Le numérique est un facteur puissant, un catalyseur, pour engager un processus de transformation » (p. 25). D’un autre point de vue, Tricot (2017) concède tout de même que les outils numériques permettent des activités impossibles auparavant. Enfin, en mobilisant des outils de discussion en ligne hors du domaine institutionnel, Perlot et Mocquet (2022) ouvrent les portes vers des conversations informelles entre étudiants.

12En France, les étudiants ont un taux d’équipement en matériel informatique (smartphone, ordinateur portable) très élevé. En effet, 87 % des plus de 12 ans sont équipés d’un smartphone et d’un ordinateur selon le baromètre numérique de l’ARCEP (2024). Du bas de l’estrade, les amphithéâtres actuels ressemblent à des murs d’ordinateurs portables. Nous pouvons construire, à travers ces murs virtuels, des opportunités pédagogiques.

13En profitant de l’opportunité des outils numériques et en tenant compte de la contrainte de l’amphithéâtre situé, nous allons proposer un cours magistral innovant. Auparavant, il est nécessaire de questionner les espaces d’apprentissage.

Un espace d’apprentissage

14Châtelet (2004) interroge l’architecture scolaire « sur son sens au regard de la pédagogie et non sur sa matérialité́, sous l’angle des idées qu’elle incarne et non de sa substance » (p. 4). Châtelet trouve un écho récent chez Rosan Bosch (2018) dans la conception physique des espaces d’apprentissage. Bosch structure l’espace d’apprentissage en divers lieux ayant tous une destination pédagogique définie. Par exemple, Bosch décrit le feu de camp : un espace pour des situations d’apprentissage en groupe qui permet aux élèves de travailler en petites équipes, de se concentrer sur le dialogue au sein du groupe et de développer des compétences collaboratives. Dans un monde de communication numérique, l’espace d’apprentissage ne se limite plus aux espaces physiques. Nowakowski et Cotton (2021) décrivent ainsi la nécessité d’une diversité des espaces. Reprenant, en partie, la terminologie de Bosch, ils décrivent six lieux métaphorisés se rapportant à l’apprentissage : le forum, le feu de camp, le nid, l’oasis, le laboratoire, la source. En contexte universitaire, Perlot et Mocquet (2022) proposent des gestes pédagogiques autorisant la construction de tels lieux virtuels. Ainsi nous proposons d’étudier l’espace de magistralité par le prisme des six lieux de Nowakowski et Cotton. Ils sont définis de la manière suivante :

  • La « scène » est un lieu de présentation au groupe, à une assemblée. Elle est aussi une « place publique » : les étudiants donnent leur avis et apprennent aussi à écouter l’avis des autres.

  • Le « feu de camp » permet de réfléchir en petit groupe, dans un endroit de coopération et de collaboration. Les étudiants peuvent apprendre à se concentrer tout en interagissant avec les autres, y compris l’enseignant.

  • Le « nid » est un endroit calme. L’étudiant procède à l’intériorisation de ce qui a été observé et expérimenté.

  • L’« oasis » est un espace informel. Entre pairs, l’apprentissage se fait par la conversation et par l’interaction. Des liens sociaux se créent.

  • Dans le « laboratoire », les étudiants produisent, ils expérimentent, ils font le lien entre théorie et pratique. L’enseignant observe davantage qu’il n’interagit.

  • Dans les « sources », les étudiants complètent leurs connaissances. Ils y reviennent régulièrement. Ils y lisent des journaux, des livres, des vidéos et des ressources numériques fournies par les formateurs ou trouvées par eux-mêmes.

15À partir de ces six lieux d’apprentissage, nous allons interroger l’amphithéâtre et le MOOC pour définir une reconfiguration spatiale du cours magistral.

Comparaison spatiale entre un amphithéâtre et un MOOC, vers un héritage

16Pélissier (2024) compare les postures des enseignants dans un amphithéâtre et dans un MOOC. Nous proposons une comparaison spatiale entre les lieux physiques d’un cours magistral en amphithéâtre et les lieux virtuels d’un MOOC. En effet, Aïm et Depoux (2015) évoquent la notion « de dispositif de magistralité… au sein d’espaces quadrillés qui se sont appelés et continuent de s’appeler des “amphis”, des salles de cours ou des salles de conférences ». Et si ce quadrillage correspondait à des lieux avec des modalités d’apprentissages spécifiques ? Dans le tableau suivant et sous forme d’exemples, nous proposons alors de rechercher les six lieux de Nowakowski et Cotton (2021) dans les MOOC et dans un cours magistral en amphithéâtre avec des étudiants munis d’ordinateurs et des enseignants dont les pratiques pédagogiques sont évoquées par Aïm et Depoux, Peltier (2024), Duguet (2024), Paquelin (2024), Mocquet (2024) et Pélissier.

Tableau 1. Caractérisation des six lieux de Nowakowski et Cotton (2021) pour un cours magistral en amphithéâtre et pour un MOOC

Lieu

Un cours magistral en amphithéâtre

Un MOOC

Scène

L’estrade où se situe l’enseignant est une scène. Elle est asymétrique : les étudiants ne peuvent s’y exprimer. Au regard de la verticalité encore très présente, les étudiants formulent peu de questions au professeur face à l’assemblée. Aucune question n’est adressée à tous par les étudiants.

Les vidéos sont des scènes asymétriques. L’enseignant s’y exprime seul sans interaction. Si un webinaire est proposé, les étudiants peuvent proposer des questions. De plus, face à une multitude de questions, ils ont la possibilité de voter pour sélectionner les questions qui seront abordées. Les forums de discussion permettent aux étudiants de questionner la communauté voire de donner leurs avis. Dans les forums et face à la masse de messages, les enseignants sont souvent représentés par des community managers.

Feu de camp

À la fin du cours, quelques étudiants peuvent venir, en bas de l’estrade, pour demander une précision à l’enseignant.

Via les réseaux sociaux, l’usage d’une page ou d’un groupe dédié est parfois proposé. Dans ce cas, l’expression est plus libre que dans les forums institutionnels.

Nid

Seul devant son cahier ou face à son clavier et son écran, l’étudiant tente de s’isoler.

Dans son bureau ou dans sa chambre, l’étudiant fait le point seul face à ses apprentissages.

Oasis

À la fin ou pendant le cours, des étudiants se regroupent et échangent à plusieurs. Les sujets sont pédagogiques et parfois personnels. Les échanges peuvent se prolonger autour d’une machine à café. Pendant le cours, des enseignants tentent de stopper ces discussions, qu’ils nomment bavardages.

Les MOOCs ne prévoient pas forcément de modes de communication entre étudiants. Il leur revient de s’organiser, s’ils le souhaitent.

Laboratoire

En amphithéâtre, les étudiants n’ont pas d’espace physique pour manipuler ou pour créer.

Des productions collaboratives sont parfois attendues. Dans cette perspective des outils collaboratifs sont mobilisés.

Sources

Dans l’amphithéâtre, l’enseignant est la source principale de connaissances, mais le discours est volatile. Il met parfois à disposition son diaporama dans un espace dédié. L’accès au www donne accès à des sources en temps réel. Après le cours l’étudiant retrouve à la bibliothèque des sources reconnues.

Les vidéos sont une source toujours disponible. Les enseignants mettent à disposition une bibliographie voire des liens externes.

17L’amphithéâtre ne propose pas ou peu de lieu propice aux échanges entre étudiants ou avec l’enseignant, à la production collaborative. Aïm et Depoux (2015) en trouvent sans doute l’origine à travers une persistance de la verticalité. Toutefois, la proximité physique peut aider à construire des échanges plus directs à la fin du cours en bas de l’amphithéâtre ou à proximité d’une machine à café. Dans un espace de convivialité, une communauté peut tisser les premiers liens. Dans les MOOCs, la scène reste asymétrique. Cependant, l’usage des forums et des réseaux sociaux facilite les échanges. Le format webinaire peut aussi atténuer la verticalité. Des lieux de productions collaboratives sont envisageables. Les sources sont prévues dès la construction du scénario pédagogique. Enfin, les apprenants des MOOCs ne se connaissent pas au début. Alors, les échanges entre pairs hors du système d’information restent hasardeux. Globalement, l’espace d’apprentissage du MOOC semble offrir davantage de lieux conformes à la catégorisation de Nowakowski et Cotton (2021). Les MOOCs profitent en effet des outils numériques, mais aussi du levier des temps asynchrones.

18Pour conclure, nous allons suggérer une reconfiguration spatiale de l’amphithéâtre héritée des lieux d’apprentissage des MOOCs.

Vers un Amphithéâtre hybride

19La comparaison entre les lieux d’un amphithéâtre et les lieux d’un MOOC nous invite à profiter de l’héritage des MOOCs pour organiser l’amphithéâtre et discuter d’un cours magistral innovant spatialement.

20La scène, au sens d’un lieu défini par Nowakowski et Cotton (2021), demeure un lieu incontournable du cours magistral. Toutefois, la scène est peu propice au changement. Pour une scène moins verticale (Aïm et Depoux, 2015) ou asymétrique, pour davantage d’interactions (Paquelin, 2024), nous proposons l’utilisation par les étudiants d’un espace collectif en ligne, d’un mur où les étudiants s’expriment, créent des nuages de mots collaboratifs, questionnent et votent pour signaler à l’enseignant des explications ou des compléments attendus. Dans son organisation temporelle, l’enseignant prévoit des moments pour répondre. Pour le feu de camp, l’objectif principal consiste à initier des échanges moins formels avec l’enseignant. Ils peuvent débuter au pied de l’estrade pour se prolonger vers des espaces en ligne. Le nid est un lieu difficile à installer dans un amphithéâtre où la proximité entre les étudiants est forte et où l’espace individuel est réduit. Un moyen d’isolement reste l’écran, mais, pour favoriser l’attention conjointe, le nid est-il souhaitable ? Il reste envisageable après le cours magistral, par exemple dans le recoin d’une bibliothèque universitaire ou dans une chambre d’étudiant. Pour l’oasis, sur des groupes de communication synchrone créés par eux-mêmes, les étudiants échangent librement en l’absence de l’enseignant sans la perturbation sonore du cours magistral. L’enseignant peut les inciter à échanger après le cours entre pairs. Les disciplines académiques proposent des productions ou des expériences variées. Pour construire un laboratoire adapté au plus grand nombre de disciplines, nous suggérons au professeur de créer des documents, à l’aide d’éditeurs de texte collaboratifs, de les attribuer à des groupes d’étudiants et de convier ses étudiants à prendre leurs notes de cours ensemble. Auparavant, l’enseignant dépose ses divers supports de présentation, sa bibliographie dans un espace clairement identifié et accessible pour constituer la source. Les sources sont des ressources éducatives libres pour faciliter leur diffusion. Les étudiants peuvent alors se concentrer sur la prise de notes collaboratives et moins sur les supports.

21Ainsi, nous proposons dans la figure 1 une représentation possible des six lieux évoqués précédemment et de la façon de les incarner dans un amphithéâtre.

Figure 1. Un amphithéâtre hybride caractérisé par les six lieux de Nowakowski et Cotton (2021)

Figure 1. Un amphithéâtre hybride caractérisé par les six lieux de Nowakowski et Cotton (2021)

22Par cette reconfiguration spatiale (voir la figure 1), mais aussi temporelle par l’usage après le cours, l’amphithéâtre séculaire devient un lieu d’apprentissage hybride. En effet, il articule des lieux physiques et virtuels. Il mobilise plusieurs approches de l’apprentissage et des activités d’apprentissage de différentes natures. Les limites de notre dispositif sont nombreuses. En modifiant substantiellement le cours magistral et sans mise en œuvre progressive, nous prenons le risque d’un temps d’appropriation élevé, voire une totale désorganisation. En multipliant les tâches allouées aux étudiants, nous pouvons atteindre certes une forme d’attention soutenue, mais restera-t-elle conjointe ? Face à toutes ces activités, l’étudiant parviendra-t-il à maintenir son attention ? N’y a-t-il pas un risque de surcharge cognitive et de division de l’attention ? Pour surmonter ces difficultés, une double construction spatiale et temporelle est possible (Perlot et Mocquet, 2022). L’enseignant devra alors veiller à inscrire les activités dans un scénario où se succèdent les tâches et les lieux. Par ailleurs, en diversifiant ses rôles, l’enseignant sera-t-il assez flexible sur ses postures (Pélissier, 2024) ? Par cette organisation visons-nous la quête inaccessible d’une innovation absolue (Perlot, 2023) ?

23Envisagé sous l’angle des six lieux nécessaires à l’apprentissage, le cours magistral en amphithéâtre est-il devenu innovant ? Vérifions les trois premiers critères de Cros (1997) et Perlot (2023) : la nouveauté, l’amélioration et le processus d’innovation. D’abord, la tâche des étudiants est profondément modifiée. Ils ne sont plus seulement des auditeurs-scripteurs. Ils interagissent entre pairs plus ou moins formellement et des temps d’interaction avec l’enseignant sont prévus. Certes ils produisent du texte, mais de manière collaborative. Cette reconfiguration propose donc une nouveauté par transformation de la tâche, notamment des étudiants. Ensuite, l’incidence de cette organisation spatiale et pédagogique est bénéfique sur l’attention conjointe souhaitée par Paquelin (2024), par diverses interactions. La verticalité, décrite par Aïm et Depoux (2015), s’atténue lors de moments moins formels. Des intentions d’amélioration sont donc énoncées. Enfin, par cette organisation inédite et les tâches proposées, le cours magistral devrait être perçu comme innovant par les étudiants. Ainsi le processus d’innovation, à travers sa diffusion vers ses acteurs comme évoqué par Cros, est atteint. Toutefois, pour être véritablement considérée comme une innovation selon Cros et Perlot, cette proposition devrait être mise en œuvre. Pour l’instant, celle-ci reste donc projection créative et son expérimentation est nécessaire.

24En conclusion, notre proposition de reconfiguration spatiale de l’amphithéâtre nous éloigne de son étymologie : un lieu où l’on se regarde, le théâtre, des deux côtés, l’amphi. Finalement, nous décrivons un espace où la construction est multidirectionnelle et circulaire, l’amphi. Un espace où se construisent des savoirs, où les enseignants et les étudiants contribuent à une création de connaissances, c’est à dire en grec la « paideia », traduit en français par « pédie » ou « pédia ». Dans la reconfiguration spatiale proposée, d’un point de vue étymologique, l’amphithéâtre du cours magistral devient un « amphipédia ».

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Bibliographie

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Tricot, A. (2017). L’innovation pédagogique. Retz.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Un amphithéâtre hybride caractérisé par les six lieux de Nowakowski et Cotton (2021)
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Pour citer cet article

Référence électronique

Olivier Perlot, « L’amphipédia : un cours magistral « innovant » par la reconfiguration spatiale de l’amphithéâtre »Distances et médiations des savoirs [En ligne], 47 | 2024, mis en ligne le 22 octobre 2024, consulté le 14 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dms/10628 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12jk9

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Auteur

Olivier Perlot

Université de Reims Champagne-Ardenne, Institut National Supérieur du Professorat et de l’Éducation de l’académie de Reims
olivier.perlot@univ-reims.fr

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Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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