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AccueilNuméros46Débat discussionD’une magistralité à l’autre par ...

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Introduction

1À l’heure où les résultats de recherche insistent sur la nécessité de faire évoluer la pédagogie universitaire (Romainville, 2013 ; Kennel et al., 2024), de mobiliser le numérique (dernièrement l’intelligence artificielle) dans la transformation des pratiques d’enseignement (Bertrand, 2014) et dans la perspective de définir « la pertinence et la fonction dans l’écosystème éducatif » des cours magistraux (CM), nous souhaitons par cette discussion en lien avec l’article Aïm, O. et Depoux, A. (2015), contribuer à « établir un état des lieux du cours magistral aujourd’hui : sa raison d’être à la lumière des besoins de flexibilité » exprimés par les étudiants (Peltier, 2024, §. 15).

2« L’enseignement supérieur français, en particulier universitaire, a connu depuis les années 1960 une spectaculaire expansion de son public » (Bourgin, 2011, p. 93). Dès lors, « Le cours magistral est le mode d’enseignement le plus couramment utilisé à l’université depuis des siècles, particulièrement dans les premières années du programme »1. Il se définit comme un « mode d’enseignement dans lequel un professeur expose son savoir devant un auditoire » (Bruter, 2008, p. 5). Ce mode d’enseignement est apparu dans le temps de plus en plus instrumenté avec les technologies de l’information. Mais il reste aujourd’hui encore « dans une approche pragmatique d’artisanat » (Jaillet, 2009, p. 624). En effet, même si « Des travaux indiquent que la présentation de type PowerPoint parait-être le type de TIC le plus répandu chez les enseignants (Demougeot-Lebel et Lanarès, 2013, p. 195-210), cela particulièrement en cours magistral » (Duguet et al., 2018, p. 194), « les spécificités discursives des différentes formes de magistralité instrumentée (cours enregistrés, capsules narrées, etc.) » (Peltier, 2024, §. 15) restent encore à trouver pour donner de la flexibilité en CM aux postures d’enseignement.

3Prenant appui sur cette expérience universitaire, les premiers MOOC français (Bruillard, 2014) sont apparus en 2012 avec notamment le MOOC ITyPA de Télécom Bretagne. On peut aujourd’hui se questionner sur ce qui a été conservé dans les MOOC, « hérité » de cette période historique des CM (instrumentés ou non) menés jusque-là en amphithéâtre. En réponse à cette question, nous proposons dans la suite de comparer des pratiques de CM en présentiel, c’est-à-dire en amphithéâtre, et des pratiques en distanciel dans les MOOC.

4La flexibilité se définit comme une souplesse qui permet d’offrir des choix, des options à un ou plusieurs acteurs (ici enseignant(s) et/ou apprenant(s)). Faisant appel au mouvement, à la variation et à l’adaptation, cette flexibilité prend sa forme, au niveau de la démarche de différenciation pédagogique (Torres, 2016), dans la parole :

À tous les niveaux de la parole dans l’espace public (qu’elle soit politique, commerciale, journalistique, sociale ou managériale), nos sociétés médiatiques sont aimantées par le motif de la contribution, de l’interactivité, de la participation (Aïm et Depoux, 2015, §. 36).

5Justement, la participation constitue un enjeu fort de la mise en place et du bon déroulement des MOOC. Sa mesure, difficilement appréhendable (Khaneboubi et Baron, 2015), peut être reliée aux contenus de formation, mais aussi aux gestes professionnels mis en jeu par l’enseignant dans ce type de dispositif.

Méthode d’analyse : les gestes professionnels

6La flexibilité est questionnée au prisme du modèle des gestes professionnels (Bucheton, 2021). Ils se définissent comme « des gestes langagiers et corporels, propres à chaque enseignant »2, lui offrant un moyen de favoriser l’apprentissage. En quête de dynamisme, pour l’auteur de ce modèle, tout enseignant, à travers ses gestes, exprime une ou plusieurs des cinq préoccupations (Bucheton et Soulé, 2009) organisées dans un multi-agenda : le pilotage, l’atmosphère, le tissage, l’étayage et les savoirs visés. Ce multi-agenda, initialement conçu pour des dispositifs en présence, apparaît mobilisable dans le cas des dispositifs à distance (Bruderman et Pélissier, 2016 ; Perlot et Mocquet, 2022).

7Ainsi, dans une volonté de mettre en place une certaine flexibilité (Saillot et al., 2022) au sein des pratiques enseignantes en situation (en présence ou à distance), les gestes professionnels à travers la posture3 qui se définit comme « un schème préconstruit du “penser-dire-faire”, que le sujet convoque en réponse à une situation ou à une tâche » (Bucheton et Soulé, 2009, p. 38) peut prendre forme. Six postures, physiques et attitudinales, sont particulièrement identifiées4 :

  • la posture d’enseignement met en avant la préoccupation de pilotage dans le sens ou l’enseignant choisit le moment de son intervention, le lieu (la salle de classe ou la visio-conférence) et présente ses supports d’interaction (diaporamas ou documents audiovisuels par exemple). L’atmosphère de travail qui correspond à une certaine tonalité du cours (sérieuse, ludique, tendues, ennuyeuse ou encore inquiétante) attire l’attention des apprenants sur les savoirs. L’enseignant cherche ici à présenter les savoirs qu’il a identifiés comme essentiels pour la séquence dont il a lui-même décidé la forme et le contenu ;

  • la posture de contrôle propose un pilotage collectif, synchrone, selon une atmosphère tendue centrée sur les savoirs ciblés en actes pour les apprenants. Cette posture vise à mettre en place un certain cadre pour la situation d’apprentissage en posant explicitement les conditions de réalisation, les attentes finales, les outils, les méthodes et les ressources mises à disposition pour l’avancée de la tâche. L’enseignant cherche à faire avancer tout le groupe en même temps à partir de supports qu’il fournit et dont il veut que les apprenants s’emparent ;

  • la posture du lâcher-prise met en œuvre un pilotage confié au groupe ou à chaque apprenant qui s’autogère et qui réalise seul les activités demandées, dans une atmosphère de confiance, laissant se tisser les liens entre les activités déjà réalisées et celles en cours. Cette posture vise à assigner aux apprenants la responsabilité de leur travail et une certaine autonomie (Mailles Viard-Metz, 2015) en autorisant la formulation d’hypothèses, l’usage de méthodes de travail personnel et de stratégies de résolution de problèmes. L’enseignant cherche à faire formuler et/ou tester par chaque apprenant des pistes d’actions qui lui sont propres et dont il n’a pas connaissance en amont. À partir de ces hypothèses, l’enseignant insiste sur les atouts, les limites des actions menées, et propose éventuellement des ajustements sur les actions en cours ou à venir ;

  • la posture dite du magicien prend forme autour de la théâtralisation, d’un jeu, d’un témoignage ou d’une mise en situation, dans une atmosphère très détendue laissant la place aux questionnements et aux tâtonnements. Cette posture vise à donner une dimension ludique, émotionnelle et bienveillante à l’activité pédagogique. L’enseignant a pour objectif de proposer une ambiance de travail facilitant l’investissement, la motivation ou encore l’engagement des apprenants (Monterrat et al., 2017) ;

  • la posture d’accompagnement donne à l’étayage une place importante. Souple et ouverte, elle s’effectue à partir d’observations de situations qui se déroulement dans une atmosphère détendue et collaborative, favorable à l’échange, à la construction d’un tissage multi-directif, laissant les savoirs émergés de discussions. Cette posture vise à proposer une ou plusieurs aides ponctuelles, individuelles ou personnelles (Duthoit et al., 2012) par une interaction (Wood et al., 1983) centrée sur l’avancée des tâches. L’enseignant cherche à faire progresser chaque individu, ou groupe d’individus, à son rythme, en répondant à ses difficultés (perçues ou formulées) et en tissant des liens entre les savoirs déjà construits et ceux en cours de construction ;

  • enfin, la posture de contre-étayage (Bruner, 1983) amène l’enseignant à faire à la place de l’apprenant, comme il l’avait prévu sans envisager de questionnement sur les démarches menées par l’apprenant, ni sur l’atmosphère que cette action génère, ni sur le tissage entre les activités déjà réalisées par l’apprenant. L’enseignant cherche à avancer au plus vite dans une démarche autoritaire, collective et prévue en amont de la séance. Cette posture assigne à l’apprenant une attitude passive, réceptacle d’une information dont il ne perçoit pas forcément le sens.

8Nous postulons que le dispositif CM en présentiel offre, aujourd’hui comme hier, une diversité de postures possibles dont certaines ont été prises en compte dans le dispositif MOOC tel qu’il était envisagé au moment de la rédaction de l’article (Aïm et Depoux, 2015). Certaines de ces postures signent ainsi, dans le cas où elles sont mises en place, la « fin de la position hiérarchique, “arrogante” ou simplement “verticale” de l’enseignant en faveur d’une plus grande interactivité » (Aïm et Depoux, 2015, §. 2).

Des postures communes, divergentes et à construire

9Dans notre réflexion, nous analysons les postures telles qu’elles sont envisagées dans un amphithéâtre et dans le MOOC « Lutter contre les maladies émergentes infectieuses »5 tel qu’il est abordé dans l’article discuté. Nous avons bien conscience que notre approche du CM (cf. Tableau 1) mise en place dans l’amphithéâtre et dans le dispositif MOOC est très réductrice (au sens où elle en propose une vision canonique), même si nous pensons aussi qu’il s’agit d’un modèle encore dominant. Cette vision pourra chez certains d’entre vous apparaitre loin de vos réalités de terrain, mais il offre l’avantage d’ouvrir le débat sur les évolutions possibles en direction d’une certaine diversité de postures proposées par le modèle, souligne aussi le chemin parcouru et restant à parcourir en conséquence pour donner à l’enseignant toute la flexibilité de postures qu’il peut envisager.

Tableau 1. Caractérisation des postures enseignantes en CM dans les amphithéâtres et le MOOC pris en exemple

Postures enseignantes

Amphithéâtre

(exemples)

MOOC

(exemples)

Posture d’enseignement

Objet ciblé : savoirs disciplinaires ciblés

Objectif de l’enseignant : formulé le savoir attendu par la formation

Acteurs sollicités : un enseignant et des apprenants présents dans l’amphithéâtre

Modalité : discours de l’enseignant

Moyen : oral synchrone et ressources à l’écran

Objet ciblé : savoirs disciplinaires ciblés

Objectif de l’enseignant : formulé le savoir attendu par la formation

Acteurs sollicités : un enseignant et des participants

Modalité : discours de l’enseignant

Moyen : oral asynchrone et ressources à l’écran

Posture de contrôle

Objet ciblé : mise à disposition de supports (pdf, vidéo) offrant les moyens de se construire son apprentissage

Objectif de l’enseignant : faire apprendre

Acteurs sollicités : les apprenants qui se sont inscrits au programme universitaire

Modalité : présentation des supports de l’enseignant suivi d’interactions avec l’auditoire vivant à répondre aux questions et reprendre les incompris

Moyen : oral synchrone et diverses ressources disponibles

Objet ciblé : mise à disposition de supports (pdf. vidéo) offrant les moyens de se construire son apprentissage

Objectif de l’enseignant : diffuser le contenu d’un cours

Acteurs sollicités : des participants qui se sont inscrits et qui n’ont pas abandonné

Modalité : présentation des supports de l’enseignant, réponse à un quiz ou donne son avis dans un forum

Moyen : oral asynchrone et diverses ressources disponibles

Posture de lâcher-prise

Objet ciblé : /

Objectif de l’enseignant : laisser expérimenter, faire des hypothèses

Acteurs sollicités : l’enseignant ou un autre apprenant présent dans l’amphithéâtre

Modalité : échange entre l’enseignant et l’apprenant

Moyen : oral synchrone

Objet ciblé : /

Objectif de l’enseignant : proposer des activités en vue d’une certaine participation

Acteurs sollicités : un autre participant dont on ne connaît pas le contexte de vie Modalité : plusieurs activités possibles sur la plateforme (regarder un vidéo, quiz et forum de discussion)

Moyen : réponses automatiques aux quiz et écrits asynchrones dans les forums

Posture dite du « magicien »

Objet ciblé : /

Objectif de l’enseignant : /

Acteurs sollicités : /

Modalité : /

Moyen : /

Objet ciblé : /

Objectif de l’enseignant : /

Acteurs sollicités : /

Modalité : /

Moyen : /

Posture d’accompagnement

Objet ciblé : une ou plusieurs aides en fonction des échanges

Objectif de l’enseignant : être attentif aux demandes des apprenants en synchrone

Acteurs sollicités : l’enseignant présent dans l’amphithéâtre

Modalité : échange entre un enseignant et un apprenant

Moyen : oral synchrone

Objet ciblé : /

Objectif de l’enseignant : répondre aux commentaires des participants laissés sur la plateforme

Acteurs sollicités : un groupe d’animateurs impliqués le dispositif

Modalité : échange entre un animateur du dispositif et un participant

Moyen : écrit asynchrone

Posture de sur-étayage ou contre-étayage

Objet ciblé : Résultat attendu

Objectif de l’enseignant : formulé le résultat

Acteurs sollicités : l’enseignant et l’apprenant présent dans l’amphithéâtre

Modalité : discours de l’enseignant

Moyen : oral et ressources à l’écran

Objet ciblé : Résultat attendu

Objectif de l’enseignant : formulé le résultat

Acteurs sollicités : un animateur impliqué dans le dispositif et participant réalisant les activités

Modalité : discours de l’enseignant

Moyen : oral et ressources à l’écran

10Dans ce tableau, nous présentons des différences de mises en œuvre de postures possibles de l’enseignant. Il ne s’agit que d’exemples. Ils nous permettent cependant d’identifier trois catégories de postures :

  1. la posture du magicien est la seule posture absente des deux dispositifs : l’espace de l’amphithéâtre n’est pas forcément propice à la théâtralisation, à des mises en scène de plusieurs enseignants. Dans le dispositif MOOC, l’enseignant est accompagné d’animations en fond d’écran, illustrant son propos (c’est le cas du MOOC discuté dans l’article Aïm et Depoux, 2015).
    En amphithéâtre, comme dans le MOOC, l’enseignant peut proposer par exemple des jeux de pendu, de mots mêlés, croisés et fléchés générant une envie de gagner individuellement ou collectivement (d’étudiants ou de participants) et ainsi découvrir, mémoriser, mettre en œuvre certains contenus de cours. Il est également possible dans les deux dispositifs de proposer des mises en scène faisant intervenir des binômes d’enseignants endossant le rôle d’un novice rencontrant un expert ou de collègues travaillant sur un même projet. Il est également possible d’envisager en introduction du cours un témoignage, un film documentaire traitant d’une situation critique, montrant une réalité de terrain et ouvrant sur des questionnements abordés dans le cours ;

  2. la posture d’enseignement et de sur-étayage ont les objectifs, les modalités et les moyens en commun. Nous avons dans les deux dispositifs un enseignant en présence (physique ou vidéo) qui a décidé en amont d’un contenu (posture d’enseignement) ou d’un résultat (posture de sur-étayage). L’enseignant est producteur d’un discours singulier et autographique. La différence entre les deux types de dispositifs se démarque uniquement au niveau des acteurs impliqués : enseignant dans l’amphithéâtre et animateurs de plateforme dans le MOOC ;

  3. la posture d’accompagnement et de lâcher-prise prend forme de manière très différente dans les deux dispositifs.
    Difficilement mise en œuvre de manière individuelle, cette posture d’accompagnement est généralement mise en œuvre en amphithéâtre de manière massive à l’aide d’outils de sondage (ex : Wooclap). Ils permettent de proposer une aide collective ponctuelle, centrée sur la tâche de compréhension du cours et ainsi faire avancer tous les étudiants de manière synchrone (même ceux qui n’ont pas répondu au sondage). Cette même posture dans le dispositif MOOC peut prendre la forme de quiz d’autoévaluation qui aujourd’hui n’est envisagé que de manière individuelle compte tenu de la disponibilité des participants (solution non présente dans le MOOC pris pour exemple dans l’article discuté).
    En ce qui concerne la posture de lâcher-prise, le point commun entre les deux dispositifs se situe dans l’absence d’objectif ciblé. En effet, dans cette posture, l’objectif sur situe dans une volonté de permettre à l’apprenant/au participant de faire, sans qu’une démarche ou attente particulière soit formulée. Cette posture se caractérise par exemple par une adoption d’une non-demande de silence dans l’amphithéâtre et favorise au contraire la prise de parole. Elle pourrait être envisagée dans les deux dispositifs en assignant à certains apprenants/participants la possibilité de proposer un cours (classe renversée, formation par les pairs), en demandant des avis, des hypothèses aux apprenants/participants en lien avec la compréhension, l’interprétation du cours proposé, mobilisant des mises en lien des savoirs déjà appris en formation ou connus des apprenants/participants, permettant ensuite d’envisager des retours sur une mise en lien qui auraient été jugée d’abord possible(s) puis ensuite inadapté(s). Cette posture de lâcher-prise dans le dispositif MOOC pourrait amener à revoir des contenus de vidéos préalablement établies en fonction des contenus présents dans les échanges des forums de discussion par exemple, dans les travaux déposés dans les semaines antérieures, permettant ainsi à l’enseignant de lier le savoir qu’il a sélectionné avec des témoignages ou les productions des participants engagés ;

  4. la posture de contrôle se caractérise dans les deux dispositifs par une divergence dans l’objectif de l’enseignant (faire apprendre et diffuser un contenu) et les modalités qui lui sont associées (présentation de supports suivi d’échanges avec l’auditoire dans l’amphithéâtre, suivi d’un quiz et/ou d’un forum dans le MOOC).
    Pouvant difficilement prendre forme au sein de l’amphithéâtre traditionnel, cette posture serait cependant possible à travers la mise à disposition d’une diversité de formats de supports de cours donnant la possibilité à chaque apprenant d’écouter l’enseignant parler en direct, de lire son discours écrit dans un pdf ou sous un format audio, sur une durée donnée, avant de reprendre ces mêmes notions par un temps d’échange, en collectif, de manière asynchrone. Dans le dispositif MOOC, cette posture serait de la même manière envisageable si la vidéo du cours était accessible dans son format audio, une autre langue, ou encore au format pdf, permettant à chacun de choisir son support de consultation.

Plusieurs niveaux de flexibilité

11Cette analyse des postures selon les deux types de dispositifs et les trois catégories identifiées ci-dessus nous amène à proposer trois niveaux de flexibilité inter-dispositifs. Nous définissons un niveau de flexibilité au regard de la limite d’acceptation d’un écart entre un niveau de départ et le niveau recherché en tant qu’objectif. Cette définition est en lien avec l’hypothèse que les postures enseignantes mises en place au sein d’un amphithéâtre peuvent constituer le socle de celles menées au sein d’un MOOC. Cette flexibilité que nous désignons par inter-dispositifs se définit donc comme une souplesse qui permet d’offrir des choix ou plusieurs options de postures à l’enseignant souhaitant réinvestir celles qu’il a déjà mises en place dans un amphithéâtre :

  • flexibilité « accessible » : pour les postures d’enseignement et de sur-étayage qui se caractérise par de nombreux points communs de mise en œuvre entre les deux dispositifs ;

  • flexibilité « modérée » : pour la posture de contrôle qui se caractérise par des moyens qui peuvent être choisis puis déployés de façon identique dans les deux dispositifs ;

  • flexibilité « à construire » : pour les postures d’accompagnement, de lâcher-prise et du magicien qui pour elles, les similitudes entre les deux dispositifs sont peu nombreuses, voire absentes (posture du magicien), laissant la possibilité à l’enseignant d’envisager des aménagements dans les deux dispositifs.

Conclusion

Lorsque les MOOC sont apparus on a parlé de révolution. Pourtant lorsqu’on regarde les plateformes (EdX, Coursera…) il n’y a pas un grand changement technologique [et pédagogique] par rapport aux précédentes. Les outils sont sensiblement les mêmes, plutôt moins nombreux, et leur seule avancée perceptible est technique : la possibilité de tenir des charges importantes avec des milliers d’apprenants simultanés6.

  • 7 Les MOOC se cassent-ils la figure ?, Philippe Silberzahn, 7 novembre 2017, https://www.contrepoints (...)
  • 8 En attente de la mise en place de l’Approche Par Compétences (APC), en France en 2026

12Aujourd’hui, dix ans après le lancement de la grande « mode », les MOOC font « pschitt »,7 mais de nombreuses formations prescrivent encore le CM, mobilisant parfois différents types d’outils numériques (Duguet et al., 2018), dans les maquettes de leurs diplômes universitaires8 et cela malgré le déploiement de l’approche par compétences (APC). Ce choix est peut-être relié aux besoins historiques de diffuser en CM des cadres théoriques, de laisser la parole à l’enseignant qui seul « détenait le savoir ».

13L’analyse proposée autour des postures enseignantes, montre qu’une certaine flexibilité peut être envisagée au sein d’un même type de dispositif, cela à partir de deux des quatre catégories de postures identifiées : postures d’enseignement et de sur-étayage, posture d’accompagnement et de lâcher-prise. Elle laisse également apparaitre trois niveaux de flexibilité inter-dispositif dans le changement de types de dispositifs : niveau accessible, modéré et à construire. Ainsi, ce travail questionne les postures enseignantes dans les CM et donne aussi les moyens d’entrevoir la construction et la caractérisation d’une flexibilité entre les postures présentes dans deux types de dispositifs différents.

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Bibliographie

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Notes

1 Le cours magistral : https://sup.univ-lorraine.fr/files/2020/07/FC_cours-magistral.pdf (consulté le 18 juin 2024).

2 https://www.esf-scienceshumaines.fr/education/350-les-gestes-professionnels-dans-la-classe-9782710140009.html (consulté le 18 juin 2024).

3 Relevant de la didactique du français (Bucheton et Bautier, 1997), cette notion prend sa source dans la théorie des concepts en actes de Vergnaud (1996).

4 Les postures enseignantes : https://neo.ens-lyon.fr/neo/formation/analyse/les-postures-enseignantes (consulté le 18 juin 2024).

5 https://www.dailymotion.com/video/x3z520o (consulté le 18 juin 2024).

6 Faire du neuf avec du vieux, 5 octobre 2015, Yves Epelboin, https://blog.educpros.fr/yves-epelboin/2015/10/05/faire-du-neuf-avec-du-vie/ (consulté le 18 juin 2024).

7 Les MOOC se cassent-ils la figure ?, Philippe Silberzahn, 7 novembre 2017, https://www.contrepoints.org/2017/11/07/302621-mooc-se-cassent-figure (consulté le 18 juin 2024).

8 En attente de la mise en place de l’Approche Par Compétences (APC), en France en 2026

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Pour citer cet article

Référence électronique

Chrysta Pélissier, « D’une magistralité à l’autre par une flexibilité des postures enseignantes »Distances et médiations des savoirs [En ligne], 46 | 2024, mis en ligne le 24 juin 2024, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dms/10290 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11vlq

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Auteur

Chrysta Pélissier

Université Paul Valéry, Montpellier 3, Unité de recherche LHUMAIN, chrysta.pelissier@umontpellier.fr

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Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

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