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I. Articoli
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Figurer l’ennemi. Des artistes rescapés des camps nazis

Julie Constant

Abstract

Questo articolo analizza le caratteristiche e lo sviluppo della figura del nemico nelle opere di arti visive (disegni, dipinti, sculture e incisioni) di diversi artisti sfuggiti alle atrocità naziste. I disegni realizzati nei campi di concentramento si concentrano sulla figura umana, ma essenzialmente cercano di individualizzare le vittime con l’obiettivo di catturare su carta il ricordo dei propri cari, al contrario del boia, che nella maggior parte dei casi rimane anonimo: una sagoma vaga che minaccia i deportati. Dopo il 1945, gli artisti svilupparono una distanza stilistica e iconografica come mezzo per trasfigurare il trauma in un linguaggio visivo più personale, optando per un simbolismo evocativo: predatore, macchina o orco, la figura nemica diventa un archetipo.

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Testo integrale

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Credits: © David Olère, En marche pour l’écoute forcée de la BBC, date inconnue, huile sur toile, 163 x 98 cm, Musée d’Auschwitz.
  • 1 BEDARIDA, François, GERVEREAU, Laurent, La déportation : le système concentrationnaire nazi, Nanter (...)
  • 2 WIEVIORKA, Annette, Déportation et génocide. Entre la mémoire et l’oubli, Paris, Plon, 1992.

1Après la Seconde Guerre mondiale, les artistes déportés sont confrontés à la complexité de transfigurer en termes plastiques le traumatisme subi: transmettre sans trahir, témoigner ou remémorer sans renoncer à l’art. Si chaque parcours est unique et qu’il existe autant d’expériences de la déportation que de déportés1, on constate néanmoins des similitudes entre les artistes rescapés des camps nazis. Chacun a connu plusieurs camps et son lot de privations et de violences, la plupart ont vécu la déportation proprement dite, c’est-à-dire le déplacement forcé et le transport jusqu’au lieu d’internement dans des conditions inhumaines2. Chacun a cotoyé durant des mois voire des années, parfois dans une certaine proximité, l’ennemi. Tous ont perdu un père, une mère, une sœur, des amis dans les camps. Comment les artistes ont-ils transposé l’expérience de la haine et de la barbarie à travers la figure du bourreau nazi ?

  • 3 ALEMANY-DESSAINT, Véronique, Créer pour survivre, Reims, Musée des Beaux-arts de Reims, 1995.
  • 4 BLATTER, Janet, MILTON Sybil, Art of the Holocaust, New-York, The Rutledge press, 1981.

2Nous avons restreint le corpus aux artistes français ou aux artistes d’origine étrangère mais qui se sont installés en France après la guerre3. Certains artistes ont été déportés en raison de leur origine juive4, d’autres sont des déportés politiques pour faits de résistance. Bien que les motifs de déportation et donc le traitement infligé à l’intérieur des camps diffèrent, les artistes ont parfois vécu des situations similaires ou ont assisté à des faits similaires – en particulier les violences spécifiques infligées aux déportés juifs ou aux prisonniers russes –, ils se sont quelquefois croisés dans les mêmes lieux, en particulier au moment du brassage des déportés lors de l’évacuation des camps et des marches de la mort. Au niveau méthodologique, les oeuvres (dessins, gravures, peintures) réalisés par les artistes in situ, dans les camps, et après 1945, constituent le socle de notre corpus. Certains artistes sont faiblement documentés, il n’existe parfois aucun catalogue et un très faible nombre d’oeuvres sont conservées dans les musées. Afin d’analyser ces oeuvres, nous nous sommes aussi appuyés dans notre démonstration sur la parole des artistes et de leurs familles, leurs points de vue sur leurs créations nous ont semblé essentiels: cette parole a été recueillie notamment lors d’entretiens, par la consultation des écrits autobiographiques légués par certains artistes et par le visionnage des témoignages enregistrés.

1. In situ : Face aux bourreaux

  • 5 AMISHAI-MAISELS, Ziva, Depiction and Interpretation, the influence of the Holocaust on the visual a (...)

3Les dessins réalisés dans les camps sont essentiellement figuratifs et naturalistes. Un certain nombre présente des accents expressionnistes mais les artistes, dans leur immense majorité, ont choisi des moyens plastiques leur permettant de transmettre un témoignage sans ambiguïté : c’est la raison pour laquelle on constate peu de symbolisme et aucune abstraction dans les œuvres concernées. Comme le montre Ziva Amishai-Maisels5, les artistes sont empreints d’influences iconographiques et stylistiques issues généralement d’une formation académique reçue avant leur arrivée au camp. Ils utilisent donc parfois, consciemment ou non, des archétypes de l’Histoire de l’art puisés en particulier dans l’iconographie religieuse et les oeuvres de Goya ou Callot. Malgré le contexte, les préoccupations techniques ne sont pas absentes de ces dessins, comme l’attestent les annotations effectuées par certains comme des pense-bêtes pour plus tard. Les artistes, comme les autres détenus, éprouvent douleur et dégoût face à l’horreur dont ils sont témoins. Lorsqu’ils en ont eu les moyens matériels, ils se sont toutefois acharnés à garder les yeux grands ouverts dans un imbroglio de sidération, d’appétit artistique et de sentiment du devoir. Cette vivacité de l’œil qui doit saisir en un instant une expression ou une attitude oblige les artistes à conserver un certain équilibre mental : l’observation et la captation des autres empêchent le repli sur soi et la démence.

4Dans les camps et dans l’immédiat après-guerre, le regard des artistes est en effet altérité : c’est la souffrance des autres qui est capturée par le trait et non celle de l’artiste. Les dessins des camps se focalisent sur la figure humaine mais essentiellement celle des victimes, l’ennemi étant lui à l’inverse la plupart du temps anonyme. Les artistes se sont souvent acharnés à mémoriser sur la feuille les traits de leurs camarades, dans un style généralement académique afin que le portrait soit le plus ressemblant possible : ce choix stylistique, fait notamment par des artistes dont ce n’était pas forcément la nature plastique, exprime ainsi leur intuition de l’hécatombe à venir. Il s’agit de garder une trace de ceux qui vont peut-être disparaître demain dans une fosse commune ou par le feu : cette volonté est particulièrement lisible chez certains artistes qui notent méticuleusement le nom, le matricule, la date à laquelle fut réalisé le portrait, le jour et le lieu de mort du camarade.

5Il est primordial d’insister sur le fait que peu d’artistes ont eu la possibilité de dessiner in situ compte tenu des conditions de vie, de la dangerosité et de l’absence de matériel. Ce qui s’avère déterminant dans l’opportunité de dessiner est la présence ou non de structures de solidarité à l’intérieur du camp : sans ce tuteur extérieur, les artistes déportés pour faits de résistance n’auraient pas obtenu de papier ou de crayon et auraient été bien plus vulnérables et exposés à la censure des gardiens. Sans cet effort collectif, ils n’auraient pu ni dessiner ni ramener leurs dessins. Il nous semble de fait essentiel de remarquer que très peu d’artistes juifs ont pu dessiner dans les camps. Ce constat est éloquent sur la spécificité des conditions de détention des juifs et sur la particularité du camp de Buchenwald, camp symbolique des déportés politiques français, et la solidité de son organisation de résistance interne : c’est la présence de ce réseau qui a permis aux artistes de dessiner et qui de fait a conduit à infuser en France l’idée qu’un espace de liberté créative était possible, voire commune, dans les camps.

  • 6 ALDEBERT, Bernard, Chemin de croix en 50 stations : de Compiègne à Gusen II en passant par Buchenwa (...)
  • 7 Ibidem.
  • 8 Ibidem.
  • 9 FAVIER, Auguste, MANIA, Pierre, Scènes prises sur le vif des horreurs nazies, Lyon, Louis Sibert, 1 (...)

6En effet, plusieurs Français et Françaises résistants ont pu dessiner dans les camps, en particulier à Buchenwald et Ravensbrück. Nous avons relevé la parution de quatre ouvrages de dessins sur les camps dans l’immédiat après-guerre dont l’objectif clairement énoncé est de pointer la barbarie de l’ennemi. Ainsi en 1946, le dessinateur et caricaturiste Jean-Bernard Aldebert publie Chemin de croix en 50 stations6. Dans un avant-propos vindicatif, Aldebert souhaite que ses dessins ne soient pas seulement des témoignages mais des preuves à charge : « J’ai dessiné et écrit ces pages pour apporter ma contribution à l’éducation de ceux qui n’ont rien appris ou qui ont déjà tout oublié »7. Il exprime une intense colère contre le peuple allemand et réclame que « la loi du talion soit appliquée, froidement, sans passion, mais dans toute sa rigueur. Ecoutons la voix de nos morts qui réclament une vengeance »8. L’ouvrage contient cinquante dessins accompagnés d’un texte descriptif. Le déporté politique y dénonce le travail dans le tunnel à Gusen II, la violence des gardiens et l’acharnement contre les « Jud ». En juillet 1946 paraît en 1350 exemplaires un ouvrage comportant 53 dessins de Pierre Mania et Auguste Favier (et quelques-uns de Boris Taslitzky) intitulé Buchenwald, scènes prises sur le vif des horreurs nazies9: on notera que le titre insiste sur le fait que ces dessins ont bien été réalisés in situ et surtout « sur le vif », c’est-à-dire saisi dans l’instant. Cela confirme l’importance pour les anciens détenus que leur parole, en l’occurrence leur témoignage graphique, ne soit pas soupçonnée et mise en doute. Les bourreaux ne sont pas absents de ces dessins des camps mais ils sont rarement individualisés. A la manière des soldats sans visage et mécaniques de l’oeuvre tutélaire de Goya Tres de Mayo, ils sont souvent représentés de dos, vagues silhouettes imposantes bottées et armées. Ils pourchassent généralement les déportés munis d’un baton ou d’un fouet comme on l’observe dans ce dessin de Violette Rougier-Lecoq.

Figure 1. Violette Rougier-Lecoq, Un groupe sous la menace d’un kapo, 1944 ou 1945, craie blanche sur papier vélin noir, 23 x 29 cm, Musée de l’Ordre de la Libération.

Figure 1. Violette Rougier-Lecoq, Un groupe sous la menace d’un kapo, 1944 ou 1945, craie blanche sur papier vélin noir, 23 x 29 cm, Musée de l’Ordre de la Libération.
  • 10 Abréviation du mot allemand Krankenrevier : le baraquement des malades dans les camps.
  • 11 ROUGIER-LECOQ, Violette, Témoignages : 36 dessins à la plume, Paris, Les deux sirènes, 1948.

7Cette dernière, entrée dans la résistance en 1941, arrêtée sur dénonciation, est déportée à Ravensbrück en octobre 1943. Sa connaissance de l’allemand lui permet de devenir infirmière au revier10 où elle réalise et cache ses dessins. Plusieurs sont des esquisses, réalisées à la craie blanche sur papier vélin noir, spontanées et très expressives comme cette course poursuite aux accents burlesques. Les dessins édités sont parfois très symboliques, d’autres plus descriptifs, tous sont non datés mais accompagnés d’un titre suggestif. Les dessins de Violette Rougier-Lecoq paraissent sous le titre Témoignages : 36 dessins à la plume11 en 1948. Pour le Capitaine AG Somerough, Président de la Commission d’enquête sur les crimes de guerre, qui signe la préface de l’ouvrage, ce sont avant tout des preuves accusatoires contre l’ennemi qui ont été utilisées par les juges anglais lors du procès de Hambourg :

  • 12 Ibidem.

The problem for the prosecution in this trial was the same as in all the trials held before Courts composed of judges who have not, themselves, been under German domination. Their intelligence accepts the evidence but their imaginations reel from it […] For the purpose of resolving their difficulty, Mlle Lecoq’s drawing provide the necessary catalytic agent. In the absence of photographs of the horrors perpetrated, such pictures […] bring home how Ravensbrück must have appeared, and clothes with life a long procession of statistics12.

  • 13 MATARD-BONUCCI, Marie-Anne (dir.), La libération des camps et le retour de déportés : l’histoire en (...)

8L’idée était donc bien d’exploiter ces oeuvres qualifiées de témoignages afin de confondre l’ennemi. Le néant visuel concernant les camps aurait pu susciter un intérêt pour ces dessins qui constituaient les uniques testaments visuels des faits – contrairement aux photographies qui sont apparues avec la découverte des camps par les alliés. Il était en effet extrêmement difficile de s’imaginer l’univers concentrationnaire et l’extermination en l’absence d’image. Comme le rappelle Marie-Anne Matard-Bonucci13, la totalité des photographies issues des archives témoignent de l’après. De plus, tout avait été fait pour effacer les preuves du système concentrationnaire et particulièrement du génocide. Mais ce répertoire de témoignages visuels fournis par les artistes a dans son ensemble été faiblement reçu par les contemporains.

  • 14 MORDECHAI, Omer, Mordechai Omer in conversation with Avigdor Arikha, in AVIGDOR, Arikha, op. cit., (...)
  • 15 Fondé par Steven Spielberg : plus de 52.000 témoignages filmés de survivants de la Shoah collectés (...)
  • 16 Témoignage d’Isaac Celnikier le 29 janvier 1996, Survivors of the Shoah Visual History Foundation.
  • 17 BILLOT, Renée, Léon Delarbre, le peintre déporté : croquis d’Auschwitz, Buchenwald et Dora, Jarvill (...)
  • 18 MAHO, Pierre, DELARBRE, Léon, Croquis clandestin : Dora, Auschwitz, Buchenwald, Bergen-Belsen, Pari (...)

9Le peintre d’origine roumaine Avigdor Arikha fut déporté dans un camp en Transnistrie avec sa famille à l’âge de 13 ans. Un gardien remarque le don de l’enfant pour le dessin et lui procure une trentaine de feuilles de papier sur lesquelles Arikha s’empresse de croquer la vie dans le camp. Dans un entretien accordé des décennies plus tard, le peintre estimera ces dessins de jeunesse comme étant « juste de la documentation »14. Pourtant, ils témoignent déjà d’une capacité hors du commun à saisir en quelques traits un instantané du réel. Plusieurs dessins captent une action, le mouvement y est prégnant et ajouté à une maîtrise de la perspective linéaire notable pour un enfant comme dans Milicien tirant sur des fugitifs qui reprend le motif déjà évoqué du bourreau anonyme, de dos et pointant son fusil en direction d’une victime tentant de fuir. Le don du peintre et graveur Isaac Celnikier ne passe pas non plus inaperçu auprès des geôliers qui exploitent ses capacités sous la menace. Il témoigne dans le projet Survivors of the Shoah Visual History Foundation15 d’un épisode qui se déroule lorsqu’il se trouve à Buna-IG Farben (Auschwitz III). Un soldat allemand lui ordonne de peindre le berceau de son fils et, en lui désignant le crématoire, lui dit : « Tu vois la fumée ? Si on voit la trace du pinceau, c’est là que tu vas »16. Il n’est bien évidemment nulle question de création ici. A l’instar de Dinah Gottliebova qui réalisa à Auschwitz et à la demande du docteur Mengele, des portraits à l’aquarelle de tziganes destinés à des expérimentations médicales, les autorités nazies des camps ont souvent repéré et contraint les artistes à effectuer des tâches artistiques mais ces commandes laissent peu de marge de manœuvre aux artistes qui ne disposent d’aucune liberté plastique, dans le fond comme dans la forme. Léon Delarbre est lui déjà un peintre expérimenté lorsqu’il est déporté vers Auschwitz le 27 avril 194417. Il sera ensuite transféré durant son année de détention dans trois autres camps : Buchenwald, Dora et Bergen-Belsen. Léon Delarbre ressent l’urgente nécessité de dessiner ce qu’il vit, ce qu’il voit, et semble guidé, selon Pierre Maho, par le sentiment du devoir : « Il comprit qu’il devait tenter de rapporter un témoignage précis et objectif de cette vie monstrueuse et incroyable, pour que ses croquis pris sur le vif pussent fixer l’empreinte irréfutable d’une barbarie à ce jour sans exemple »18. Pour ne pas être découvert, Léon Delarbre se cache pour dessiner : les autres détenus le protègent et veillent à l’avertir à l’approche d’un gardien. Sa formation lui permet de saisir en un regard son sujet et de le transposer sur la feuille. De l’enseignement du dessin aux Beaux-arts et à l’Ecole des arts décoratifs de Paris, il retient un sens des proportions, une maîtrise du trait, la rigueur du modelé et le jeu savant des ombres et des lumières. Une cinquantaine de dessins réalisés dans les camps sont conservés, la palette des thèmes abordés est riche mais Léon Delarbre se distingue par ses représentations de gardiens. Des croquis, peut-être réalisés sur le vif, lui servent d’études préparatoires à des dessins plus élaborés aboutis a posteriori, au calme et à l’abri dans le bloc, en particulier lors de la pendaison collective de 29 russes le 21 mars à Dora. Le trait est rapide et sûr, la ligne sinueuse, ce qui confère à ces croquis leur puissance expressive. Le dessin final intitulé 29 russes pendus sur la place d’appel fait la synthèse de ces esquisses préparatoires et introduit, consciemment ou non, des références iconographiques.

Figure 2. Léon Delarbre, Vingt-neuf Russes pendus sur la place d’appel, 21 mars 1945, Dora, crayon sur papier, 30 x 23 cm, Musée de la Résistance de Besançon.

Figure 2. Léon Delarbre, Vingt-neuf Russes pendus sur la place d’appel, 21 mars 1945, Dora, crayon sur papier, 30 x 23 cm, Musée de la Résistance de Besançon.

10On peut ainsi songer à Honoré Daumier dans le groupe de soldats au premier plan, fumant et bavassant, totalement indifférents à l’effroyable spectacle qui se déroule dans leur dos. Cette mise en scène évocatrice et l’introduction d’une narration nécessitent un recul et une réflexion plastique que Léon Delarbre n’a pu effectuer qu’une fois la confrontation brutale avec l’évènement digérée. Un autre dessin sur lequel est inscrit « Dora le grand Georges Kapo général de la Werk II, une des plus belles brutes au service des Allemands » fait référence à ces détenus de droit commun, violents et abusant des privilèges hiérarchiques accordés par la SS pour terroriser les autres prisonniers.

Figure 3. Léon Delarbre, Le grand Georges. Kapo général de la Werk II (une des plus belles brutes au service des Allemands), décembre 1944, Dora, crayon sur papier, 17,3 x 13,5 cm, Musée de la Résistance de Besançon.

Figure 3. Léon Delarbre, Le grand Georges. Kapo général de la Werk II (une des plus belles brutes au service des Allemands), décembre 1944, Dora, crayon sur papier, 17,3 x 13,5 cm, Musée de la Résistance de Besançon.

11La silhouette longiligne et courbée, le rictus sévère, les mains disproportionnées tenant fermement le fameux goumi prêt à s’abattre sur la tête d’un détenu, et même le point de vue – on imagine aisément que l’artiste ne pouvait scruter l’individu de face et cette présentation de profil, comme un instantané saisi au passage du kapo devant Delarbre – concourent à exprimer la peur que devait susciter cet homme. Un second dessin représente sans concession un chef de block massacré par les détenus après la libération du camp. La revanche et le déchaînement de violence qui l’accompagne sont très rarement évoqués dans les témoignages visuels, en partie car les déportés ne devaient pas considérer a posteriori ces épisodes comme étant particulièrement glorieux. De plus, ces lynchages pouvaient provoquer une inversion du statut de bourreau en victime et risquaient de provoquer l’empathie, l’opposé de l’effet escompté auprès du spectateur.

Figure 4. Léon Delarbre, Après la libération. Le chef de block 132 Folette après son exécution, 16 avril 1945, Bergen-Belsen, 10,5 x 14,8 cm, Musée de la Résistance de Besançon.

Figure 4. Léon Delarbre, Après la libération. Le chef de block 132 Folette après son exécution, 16 avril 1945, Bergen-Belsen, 10,5 x 14,8 cm, Musée de la Résistance de Besançon.

2. Remémorer et lutter contre l’ennemi

12Après la guerre, la production relative à la mémoire des camps se trouve beaucoup plus différenciée qu’elle ne l’était durant ou juste après l’internement : il faut donc aux artistes un certain temps, peut-être le temps que le processus de résilience se mette en marche, pour s’accaparer un vécu et le transfigurer dans un langage plastique plus personnel. Mais de façon unitaire, les artistes continuent à ne pas individualiser les traits des bourreaux et, lorsque le visage est figuré, il est généralement stéréotypé : les yeux exorbités et la bouche éructante, l’ennemi devient une caricature grotesque. Les artistes déportés développent des méthodes pour distancier le spectateur de la morbidité inhérente au sujet. Cette distanciation, qui succède au naturalisme des camps, peut être stylistique ou iconographique. Ainsi, le fait de substituer le bourreau et la victime par un félin et sa proie permet de suggérer le drame tout en évitant une représentation trop frontale du meurtre. Les langages abstrait, semi-abstrait et symbolique permettent également d’atténuer une figuration violente. De plus, il semblait délicat pour les artistes de représenter ces bourreaux physiquement si terriblement ordinaires, la majorité des artistes a donc opté pour un symbolisme évocateur : ce sont des prédateurs chez Shelomo Selinger, Walter Spitzer et Sam Ringer, des hommes-machines chez René Baumer, des ogres chez David Olère.

  • 19 CONTAMIN, Daniel, Baumer : peintures, sculptures, dessins, Saint-Etienne, Daniel Contamin éditeur, (...)

13René Baumer a 38 ans lorsque la Gestapo l’arrête à Lyon pour faits de résistance19. Il est alors envoyé au camp de Neuengamme en juin 1944 puis transféré à Bergen-Belsen au moment des évacuations. Après la guerre, l’oeuvre sombre et symbolique de ce peintre, fervent catholique, exprime une forme de questionnement métaphysique dont les convictions religieuses et idéologiques ont été profondément malmenées par l’expérience de la déportation. Cette foi torturée s’exprime pleinement dans une toile monumentale que l’artiste considère comme son chef d’œuvre : Crucifixion.

Figure 5. René Baumer, Crucifixion, 1960, huile sur toile, 300 x 300 cm, Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors.

Figure 5. René Baumer, Crucifixion, 1960, huile sur toile, 300 x 300 cm, Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors.

14Au centre d’une composition rigoureuse et symétrique se dresse le corps supplicié encadré par deux soldats. La scène se déroule dans une atmosphère nocturne et sur un fond constitué de silhouettes nuageuses éclairées par la lune, de fougères et d’ombres animales inquiétantes. La croix est formée d’un tronc noueux dont la sinuosité suit les torsions du Christ. Tout le corps de ce dernier exprime la souffrance : les doigts écarquillés par la douleur ; les yeux révulsés et blancs ; la crispation des orteils tentant de supporter le poids du corps ; les teintes morbides de la chair. De chaque côté, deux soldats-robots aux formes cubistes regardent le spectateur de leur œil cyclopique. Ils sont armés de lances, de boucliers, de diverses armes métalliques et disposent de plusieurs mains et pieds qui s’apparentent aux pattes d’un félin. Leur apparence monstrueuse est atténuée par une curieuse tenue bariolée qui les assimile à la figure médiévale du troubadour ou de l’arlequin. La lumière, frontale et crue, souligne la plaie du Christ d’où s’échappe du sang mêlé de fleurs, seul élément optimiste de ce tableau d’une grande noirceur. René Baumer a décrit cette œuvre mêlant expressionnisme, cubisme et symbolisme, dans un texte qui nous éclaire sur l’intention de l’artiste et nous confirme le lien tissé dans son œuvre entre le martyre du Christ, ses bourreaux et la déportation :

  • 20 Texte manuscrit de René Baumer sur la toile Crucifixion, non daté, archives de Daniel Contamin, nev (...)

Ce qui frappe en premier lieu, c’est l’opposition du réalisme du Christ et de l’ « abstraction » des soldats romains. Eux sont traités d’une façon si purement décorative que ce contraste peut paraître insolite. Pourtant, à l’observation il ne l’est pas, et voici pourquoi : le Christ, représentant de Dieu sur terre, a vécu jusqu’ici dans l’enveloppe d’un homme. Son corps, ses doigts crispés, son visage douloureux, tout cela est humain. Il a souffert avec une sensibilité d’homme. Seul le regard appartient à l’au-delà. Perçant, il est plein d’une lumière céleste (...) Les soldats romains ne sont que des robots. Hormis les mains, en ce cas instruments de torture, peut-être également les pieds, tout est impassible et la forme décorative reste indifférente au drame qui se joue. En somme, on retrouve dans ce tableau le même esprit qui anime la toile de « Bergen-Belsen » où les déportés, êtres squelettiques, restent malgré tout des hommes alors que les gardiens allemands, traités un peu à la façon des soldats romains mais avec dans les mains des armes automatiques sont aussi des robots insensibles et irresponsables parce qu’inhumains et inconscients20.

15Pour René Baumer, la douleur du Christ est donc bien l’expression de son humanité, en opposition à la robotisation et aux formes décomposées des soldats romains sans visage, froids et inhumains, assimilés clairement dans ce texte aux SS. Il oppose deux courants picturaux majeurs du 20ème, l’expressionnisme et le cubisme, pour exprimer cet antagonisme. Un autre motif hante l’oeuvre de René Baumer, celui du portage des corps, imposé aux détenus par les bourreaux, que l’artiste a subi en particulier à Bergen-Belsen et qui l’a profondément traumatisé. Cette évacuation des corps est le thème central d’un tableau consacré explicitement par l’artiste à la mémoire des camps vingt ans après la Libération. René Baumer affronte ses souvenirs et nous transporte à l’intérieur des barbelés, dans un univers cauchemardesque et surréaliste, avec Un printemps à Bergen-Belsen : sous un ciel azuréen, des soldats-robots pointent des armes sur des détenus décharnés qui traînent des cadavres en état de décomposition.

Figure 6. René Baumer, Un printemps à Bergen-Belsen, 1965, huile sur toile, 300 x 250 cm, Musée de la Résistance de Besançon.

Figure 6. René Baumer, Un printemps à Bergen-Belsen, 1965, huile sur toile, 300 x 250 cm, Musée de la Résistance de Besançon.
  • 21 BAUMER, René, Un soir, Tapuscrit non édité, archives de Daniel Contamin, p. 37.

16Les monticules de terre au second plan indiquent la présence de fosses communes. Le mirador, les barbelés, les tenues rayées, le triangle rouge et la croix gammée sur le casque de l’un des soldats, situent explicitement la scène dans un camp de concentration nazi. La présence de flèches stylisées tirées des miradors est justifiée par l’artiste dans ses écrits : « Outre les poux noirs qui, par milliers, injectaient la mort en permanence, les miradors, faisant de temps en temps des cartons, tiraient dans le tas de prisonniers grouillants à leurs pieds, parachevant l’œuvre des poux et de la misère »21.  Les contours linéaires et le contraste chromatique renforcent la violence de la scène. Les SS métalliques renvoient aux soldats décomposés de la Crucifixion, confortant l’idée que, pour l’artiste, le mal est le fruit d’une mécanisation froide et d’un système implacable qui broie les êtres et déshumanise les bourreaux davantage que les victimes.

Figure 7. David Olère, Le SS Erich Muhsfeldt, 1945, crayon sur papier, 20 x 25 cm, collection de la famille de l’artiste.

Figure 7. David Olère, Le SS Erich Muhsfeldt, 1945, crayon sur papier, 20 x 25 cm, collection de la famille de l’artiste.
  • 22 Responsable des crématoires II et III d’Auschwitz.

17Comme de nombreux artistes survivants, David Olère, sonderkommando à Auschwitz, s’est progressivement libéré de la tâche de témoignage froid et précis qu’il s’était imposé en mémoire des victimes et s’est accordé davantage de liberté artistique au fil des années. Après 1945, il portraitise les bourreaux avec l’objectif de les désigner précisément, notamment en les nommant dans la légende. Mais si l’on examine le Portrait du SS Erich Muhsfeldt22 – ajouté à l’observation comparative d’une photographie – on note que le peintre s’éloigne du naturalisme et accentue la caricature, les traits grossiers du personnage, le regard d’acier, les sourcils affirmés et la fine bouche pincée trahissant sa cruauté.

  • 23 KLARSFELD, Serge, David Olère : un peintre au sonderkommando à Auschwitz, New York, The Beate Klars (...)

18Il est tout à fait compréhensible que dans le souvenir de David Olère, le visage du SS puisse être associé à cet archétype négatif ou bien que la réalité morne du personnage, au visage commun et inexpressif, soit incompatible avec la figure du bourreau tel que David Olère se le remémore. Un autre dessin de 1947 intitulé La garce Elsa Koch représente une gardienne célèbre pour sa cruauté envers les détenus, épouse de Karl Koch, commandant du camp de Buchenwald. Le peintre Boris Taslitzky évoque également cette femme à plusieurs reprises dans ses écrits sous le surnom de « la chienne de Buchenwald ». Or, David Olère, détenu à Auschwitz, n’a pu croiser Isle Koch qui se trouvait à Buchenwald et comme l’indique Serge Klarsfeld : « On ne sait si la scène est imaginée ou si David Olère a donné en 1947 le nom d’Elsa Koch de Buchenwald à une gardienne d’Auschwitz usant des mêmes pratiques »23. Le peintre a pu également être influencé et inspiré après la guerre par les procès, notamment de cette gardienne, et la révélation des actes commis par les accusés. Comme pour le SS Muhsfeldt, le vrai visage d’Ilse Koch, poupon et banal, ne pouvait coller à la représentation diabolique que s’en faisait le peintre et probablement le reste du monde. Dans les années suivantes, on perçoit l’influence très nette de l’expérience de David Olère comme affichiste de cinéma à travers sa représentation du visage monstrueux et démesuré de l’ennemi, telle une idole machiavélique aux pupilles affichant le sigle de la SS. En effet, dans de nombreuses affiches réalisées avant et après la guerre, David Olère utilise une dramatisation équivalente avec des personnages à différentes échelles et sur plusieurs plans ; les traits de certains sont exagérément accentués et rappellent l’imagerie du cinéma expressionniste allemand ; les teintes sombres ou verdâtres de la peau les identifient immédiatement comme étant la figure du méchant. Le même procédé est utilisé dans cette toile intitulée En marche pour l’écoute forcée de la BBC. Le titre indique le sens de cette scène : en raison de sa connaissance des langues, l’artiste fut chargé à partir de la fin de l’année 1944 de traduire pour les SS les informations diffusées à la radio par la BBC. L’artiste, le regard suspendu à celui du spectateur, est poussé par un SS dont le visage grotesque, caricaturé à l’extrême, transpire la bestialité. A leurs pieds, on devine une fosse où l’artiste a disposé en évidence une poupée, une chaussure d’enfant et une étoile jaune. Les cheminées des crématoires II et III d’Auschwitz occupent l’espace de l’arrière-plan : l’embrasement du ciel fait écho aux flammes du crématoire et aux silhouettes des victimes suspendues dans la fumée.

Figure 8. David Olère, En marche pour l’écoute forcée de la BBC, date inconnue, huile sur toile, 163 x 98 cm, Musée d’Auschwitz.

Figure 8. David Olère, En marche pour l’écoute forcée de la BBC, date inconnue, huile sur toile, 163 x 98 cm, Musée d’Auschwitz.

19D’autres artistes, en particulier Yehuda Bacon, ont aussi figuré l’extermination de manière symbolique par des visages ou des corps s’envolant des cheminées : cela permet de désigner précisément les modalités de l’extermination tout en gardant une distance par rapport à une figuration réaliste qui serait insoutenable. Si David Olère présentait jusqu’ici une forme de retenue dans la représentation de son expérience, ce ne sera plus le cas à partir des années soixante-dix : l’artiste ne veut plus seulement montrer et informer, il veut transmettre au spectateur ses cauchemars, il cherche à le bouleverser, voire à le révulser. Un symbolisme extrême, proche du fantastique, offre les moyens plastiques au peintre de s’exprimer en ce sens et de franchir les paliers de l’horreur : les grandes toiles de la fin de sa vie se caractérisent par une profusion de squelettes et la diabolisation des SS, ogres cannibales ou ivrognes obscènes surplombant des scènes apocalyptiques. On peut envisager que David Olère ait pu constater à la fin de sa vie, à l’instar des autres artistes rescapés, la résurgence de l’antisémitisme et la montée du négationnisme : il est possible que l’artiste ait alors jugé plus efficace d’adopter un langage plastique plus violent et plus allégorique pour atteindre le spectateur et ce, dans une démarche militante, au risque de provoquer dégôut et rejet.

  • 24 GOLUBIEW, Zofia, Izaak Celnikier: malarstwo, rysunek grafika. Muzeum Narodowe w Krakowie, styczeń- (...)
  • 25 Unités mobiles chargées de missions d’extermination en Europe de l’est, dans un premier temps par f (...)
  • 26 Désigne le massacre par fusillade des Juifs d’Europe de l’Est perpétré par les Einsatzgruppen, des (...)

20Isaac Celnikier poursuit après la guerre l’exploration de ses souvenirs du ghetto et des camps, ses toiles évoluent vers le symbolisme et s’éloignent du réalisme figuratif. Il réalise ainsi plusieurs Ghetto à l’ange dans lesquels une batterie de soldats alignés pointent leur fusil en direction d’un couple et d’un enfant. Il s’expliquera des années plus tard sur le fait que l’ensemble des figures incarne pour le peintre l’humanité et l’innocence face à l’ennemi : « En peignant, je cherchais l’inspiration dans l’opposition entre amour et barbarie […] Ces toiles résument mes diverses rencontres avec des juifs du ghetto qui avaient fait l’expérience de cruautés inimaginables de la part des nazis, et qui sont restés pour moi le symbole de l’humanité, de l’innocence et de la vulnérabilité »24. Les soldats dans ces toiles peuvent se référer aux Einsatzgruppen25 et plus généralement à la « Shoah par balles »26. A plusieurs reprises, Isaac Celinkier figure également la révolte des juifs du ghetto : le peintre manifeste ici sa volonté d’insister sur la dignité et le courage des victimes. Certaines œuvres rendent hommage à des figures tutélaires et héroïques de son passé, comme la toile Judith.

Figure 9. Isaac Celnikier, Judith, 1980-1986, huile sur toile, 193 x 227 cm, Fonds d’atelier.

Figure 9. Isaac Celnikier, Judith, 1980-1986, huile sur toile, 193 x 227 cm, Fonds d’atelier.

21Le titre renvoie à la figure biblique de Judith, allégorie de la puissance féminine et de la vengeance, mais constitue également le féminin de Yehoudi, qui signifie juif en hébreu. La femme représentée est en réalité Gyna Frydman, amie de l’artiste, qui, dans un dernier sursaut de révolte au moment de la liquidation du ghetto, se rua sur l’ennemi.

  • 27 Janusz Korczak (1878-1942) : Pédiatre et pédagogue polonais. Fondateur d’un orphelinat dans le quar (...)

22Comme Holopherne, le soldat est décapité à l’arme blanche : d’une masse liquéfiée et sombre, seul est perceptible le sang giclant de la plaie. Comme la Judith d’Artemisia Gentileschi, son visage exprime davantage la sérénité et l’application que la haine. Si nous l’observons en détail, on s’aperçoit que le regard trahit une forme de désespoir car, contrairement à l’héroïne biblique, Gyna Frydman sait qu’en accomplissant cette mutinerie, elle est vouée à la mort immédiate. Judith s’élève au-dessus de la masse des juifs rassemblés, qui semblent la protéger comme un écrin tout en la surélevant. Un visage émerge de la mêlée et fixe Judith avec une profonde tristesse. Il s’agit peut-être du pédiatre polonais Janusz Korczak27 que le peintre a représenté plusieurs fois dans ses gravures. Mais l’homme pourrait être également le peintre, témoin impuissant du geste héroïque de son amie. Dans une autre toile nommée Jour de révolte, la composition rappelle celle de Judith avec ce personnage central surplombant la foule et tranchant une forme que seule la couleur verte de l’uniforme identifie comme étant un soldat allemand. L’artiste poursuit son œuvre gravée dans les années 90, les compositions s’épurent et se focalisent davantage sur l’individualité des victimes par rapport à la foule des détenus des périodes précédentes. L’artiste développe le motif de la confrontation, du face à face entre le bourreau et sa victime, comme on l’observe dans Ecce homo et Memento, cette dernière étant généralement une femme parfois accompagnée d’un enfant: le bourreau est présenté de dos ou de profil et dirige vers la femme un fusil, la nudité de la victime ajoute à sa totale vulnérabilité et accentue le symbolisme phallique.

Figure 10. Isaac Celnikier, Memento, 1997, gravure, burin, pointe sèche, 27 x 20 cm.

Figure 10. Isaac Celnikier, Memento, 1997, gravure, burin, pointe sèche, 27 x 20 cm.
  • 28 AMISHAI-MAISELS, Ziva, op. cit, p. 155.

23Shelomo Selinger sculpte également souvent des couples de personnages, associant parfois l’homme et l’animal dans un corps à corps tragique. Ainsi, en 1958, il réalise la première d’une longue série de sculptures à inspiration biblique, Samson et le lion. L’Ancien Testament offre souvent un prétexte aux artistes contemporains pour évoquer de manière symbolique la Shoah ou la guerre, d’autant plus que Samson, à l’instar de David ou de Judith, incarne une figure juive positive, héroïque et surtout victorieuse. Ce choix des artistes n’est pas guidé par leur foi mais par une approche philosophique du génocide28, ces archétypes personnifiant l’affrontement entre le bien et le mal.

Figure 11. Shelomo Selinger, Samson et le lion, 1958, grès rouge, 0,85 x 0,52 x 26,5 cm, Fonds d’atelier.

Figure 11. Shelomo Selinger, Samson et le lion, 1958, grès rouge, 0,85 x 0,52 x 26,5 cm, Fonds d’atelier.

24Dans cette sculpture très expressive, l’homme et la bête sont unis dans un même bloc : les figures sont comme figées à un instant critique de la lutte ; Samson, la tête baissée dans un ultime effort, le bras tendu et la main crispée sur la gueule du lion. La sculpture exprime une tension extrême entre deux forces de la nature ici à puissance égale. Mais le félin symbolise aussi l’agressivité et la cruauté face à l’innocence des victimes.

  • 29 Entretien avec Shelomo Selinger, janvier 2013.

25Plusieurs œuvres mettant en scène un affrontement enfant-animal peuvent être la métaphore d’un combat inégal entre une bête féroce et un être faible, sentiment que le jeune Shelomo devait lui-même éprouver dans les camps face à la brutalité des adultes, ou ce qu’incarnent les victimes civiles persécutées et exterminées par les nazis. Ces prédateurs sont éventuellement une référence plus directe aux chiens des SS, les fameux bergers allemands, que leurs maîtres lâchaient parfois sur des déportés sans défense. Dans l’iconographie biblique, le mal s’incarne aussi dans le serpent : c’est en ce sens qu’il faut interpréter cette œuvre intitulée Enfant parmi les serpents : Shelomo Selinger évoque sobrement cette œuvre comme symbolisant « un peu [son] adolescence »29. Ici encore, c’est le contraste entre la figure innocente et fragile, emprisonnée par des forces maléfiques et destructrices, qui suscite un sentiment d’angoisse.

Figure 12. Shelomo Selinger, Enfant parmi les serpents, 1960, platane, 60 x 48 x 53 cm, Fonds d’atelier.

Figure 12. Shelomo Selinger, Enfant parmi les serpents, 1960, platane, 60 x 48 x 53 cm, Fonds d’atelier.

26Le thème mythologique de Prométhée, que l’on retrouve plusieurs fois dans l’œuvre du sculpteur, permet également d’évoquer de manière symbolique cet affrontement du bien et du mal : le titan est condamné par Zeus à être accroché à un rocher et à se faire dévorer le foie chaque jour par un aigle pour avoir volé le feu de la connaissance. L’aigle étant le symbole du troisième Reich, le mythe permet d’évoquer de façon explicite l’acharnement du nazisme sur l’humanité, le progrès et le savoir. En 1970, l’artiste sculpte Holocauste : l’œuvre se trouve encore aujourd’hui en extérieur, à l’entrée de son atelier. C’est une douleur sourde qui émane des figures mi-animales mi-humaines de cette sculpture qui sont soudées dans un bloc monolithique. On distingue un visage féminin aux yeux clos gravé sous un personnage aux traits bovins : il s’agit peut-être de Moloch, un démon monstrueux dans la tradition biblique et kabbalistique, auquel le peuple des Ammonites sacrifiait des nouveaux-nés en les jetant dans un brasier.

27Les nazis furent souvent comparés à Moloch durant et après la guerre, en raison notamment du massacre des enfants et de la crémation des victimes. Les artistes ont parfois exploité ce symbole du mal absolu pour évoquer, sans ambiguïté mais avec une distanciation nécessaire, l’extermination de près de 1,5 millions d’enfants, juifs et tziganes majoritairement. A partir de la fin des années soixante-dix, l’affirmation du négationnisme incite Shelomo Selinger, à l’instar d’autres artistes évoqués, à témoigner de la réalité du camp de manière plus explicite et plus brutale à travers une série de dessins. Le sculpteur muscle son message et accentue son engagement dans un combat pour maintenir la mémoire de la Shoah et contrer ses négateurs. Les bourreaux, très rarement humanisés dans ses sculptures, sont souvent représentés sans ambiguïté dans ses dessins, les yeux exorbités, la bouche ouverte et la dentition acérée, ce qui les assimile aux chiens agressifs qui les accompagnent. Ces bourreaux sur lesquels l’adolescent n’a pu se venger à la libération des camps et dont il dénonce à travers son œuvre graphique, pacifiquement mais avec force, toute la cruauté :

  • 30 SCHULMANN, Fernande, « Afin que cette forme ait une âme », in Les nouveaux cahiers, hiver 1984-1985

J’avais vécu avec des officiers soviétiques dans le camp de concentration. Après notre libération, ils ont voulu que nous nous vengions ensemble de nos gardiens. Ils m’ont emmené et m’ont montré les hommes qui nous avaient torturés, pendus, massacrés. Je n’ai rien pu leur faire. Des individus sans défense […] J’avais imaginé que si je survivais j’aimerais me venger, et j’ai toujours eu honte de n’en avoir pas été capable. A présent, je suis content que cela ne n’ait pas été possible, sans quoi j’aurais participé de la même bestialité30.

  • 31 RANCIERE, Jacques, AMELINE Jean-Paul, Face à l’histoire, l’artiste moderne devant l’évènement histo (...)
  • 32 Discours d’Isaac Celnikier, Fondation Jacob Buchman, Isaac Celnikier, Shelomo Selinger : Prix mémoi (...)

28Les artistes survivants ont dans un premier geste majoritairement tenté de témoigner, de documenter les actes de l’ennemi. Si les dessins réalisés dans les camps témoignent d’exécutions - généralement de pendaisons- et que la figuration de charniers ou même de déportés décharnés suffise à suggérer les traitements infligés par l’ennemi, on constate que les dessins postérieurs évoquent bien davantage les violences subies, en particulier par l’artiste lui-même, que les dessins réalisés in situ. Cela s’explique parfois en raison du fait que les dessins les plus explicites sur les brutalités commises étaient détruits par les gardiens, comme ce fut le cas pour Avigdor Arikha. On peut imaginer également que les artistes se restreignaient eux-mêmes par crainte que les dessins soient anéantis ou qu’on puisse ainsi les identifier. De plus, dans les camps et dans l’immédiat après-guerre, le regard des artistes est tourné vers l’extérieur : c’est la souffrance des autres qui est captée et non celle de l’artiste. Or, après la Libération et souvent des décennies plus tard, c’est son propre vécu, sa propre souffrance, que l’artiste veut exprimer et partager. Ainsi Isaac Celnikier se met en scène dans des gravures-témoignages à partir de 1969 et Shelomo Selinger se représente notamment torturé dans ses dessins à partir des années soixante-dix. David Olère n’apparaît pas dans les premiers dessins de son memento alors qu’il devient par la suite le héros martyrisé de toutes ses toiles. Si les artistes non déportés ne pouvaient qu’imaginer les violences et ne faisaient généralement que les suggérer, les artistes déportés n’ont eu aucune hésitation à montrer de façon réaliste ce qu’ils avaient vu ou vécu. Par ailleurs, dans les oeuvres, l’individualisation et l’humanité sont réservées aux êtres aimés et disparus, quand l’ennemi, lui, reste bien souvent anonyme, figure de la barbarie sans visage ou, à l’extrême, visage stéréotypé de la barbarie. Trente ans après la guerre, le révisionnisme remodèle la figure de l’ennemi : plusieurs artistes s’engagent dès lors dans une démarche picturale militante. L’art permet d’humaniser cette Histoire de haine et de douleur car le spectateur est placé au cœur d’une subjectivité et appréhende les évènements à travers le regard de l’artiste. Jacques Rancière rappelle ainsi : « “Ce qui ne peut se voir”, il serait impossible et illégitime de le montrer. Mais la conséquence est fausse. “No se pueda mirar”, écrit Goya sur l’un de ses dessins. Mais il n’en fixe pas moins la vision. Car c’est le propre de la peinture que de voir et de faire voir ce qui ne se laisse pas voir »31. L’expression artistique agit pour l’artiste comme pour le spectateur comme une catharsis, une conviction que le peintre Isaac Celnikier exprimait en ces termes : « Et à travers la beauté et la souffrance surgit brusquement : Hommes, regardez ce que vous êtes et ce que vous faites »32.

Appendix

Biographies et bibliographies succinctes des artistes évoqués

Jean-Bernard Aldebert (1909 Saint-Etienne, France - 1974)

29Etude aux Beaux-arts de Saint-Etienne. Devient dessinateur et caricaturiste pour des magazines. Arrêté par la gestapo en novembre 1943 pour une caricature d’Adolf Hitler représenté en chimpanzé. Emprisonné à Montluc, puis à Compiègne, déporté à Buchenwald puis Mauthausen en janvier 1944. Il reprend après la guerre son activité de dessinateur.

30ALDEBERT, Jean-Bernard, Chemin de croix en 50 stations : de Compiègne à Gusen II en passant par Buchenwald, Mauthausen, Gusen I, Paris, Fayard, 1946.

Avigdor Arikha (1929 Radautz, Roumanie – 2010, Paris France)

31Originaire d’une famille juive de Bukovine. Sa famille est déportée en octobre 1941. Le père meurt battu à mort par des soldats roumains. Interné à 13 ans avec sa mère et sa soeur dans un camp à Mogilev-Podolski en Transnistrie. Il est évacué du camp avec sa soeur par la Croix Rouge Internationale grâce à la présentation de ses dessins à la commission. Arrive en Palestine en 1944, entame des études d’art à l’Ecole Bezalel de Jérusalem. Puis entre à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris en 1949.

32Avigdor Arikha : dessins d’enfance faits en déportation, Paris, Jacomet, 1971.

33CHANNIN, Richard, FERMIGIER André, Arikha, Paris, Hermann, 1985.

34THOMSON, Ducan, Arikha, Londres, Phaidon, 1994.

René Baumer (1906 La Mulatière, France - 1982 Lyon, France)

35Originaire d’une famille catholique. Formé à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris et à l’Académie Julian. Mobilisé en 1939, entre dans la Résistance avec sa famille après la débâcle. Arrêté par la Gestapo en avril 1944, déporté au camp de concentration de Neuengamme, affecté à une usine de fonderie du kommando de Stöcken. Transféré en avril 1945 au camp de Bergen-Belsen. Atteint du typhus, apprend à la fin de la guerre la mort en déportation de son père, sa mère et sa tante.

36CONTAMIN, Daniel, René Baumer. 1906-1982. Peintures, sculptures, dessins, Saint-Etienne, Contamin, 2003.

37René Baumer, couleurs et douleurs d’un artiste résistant et déporté, Hôtel de Ville, Bron, 2004

38La misèse aux yeux de fou. Notes et dessins de déportation, Lyon, BGA Permezel, 2004.

Isaac Celnikier (1923 Varsovie, Pologne - 2011 Ivry-sur-Seine, France)

39Originaire d’une famille juive. Fréquente à 11 ans le service du pédiatre et pédagogue Janusz Korczak. La famille fuit Varsovie en septembre 1939 et se réfugie à Byalistok en territoire russe. Apprend la peinture dans une Maison de la Création du Peuple. L’armée allemande s’empare de la ville en juin 1941, 3000 juifs sont massacrés, Isaac Celnikier, sa mère et sa soeur sont enfermés dans le ghetto. En août 1943 liquidation du ghetto de Byalistok, il est interné au camp du Stutthof sur la Baltique puis déporté en janvier 1944 à Auschwitz III (Buna-IG Farben). En janvier 1945, évacuation à Mauthausen, puis Sachsenhausen. En mars 1945, évacuation de nouveau vers Flössenburg, puis Dachau. En 1946 entame des études à l’Ecole Supérieure des Arts appliqués de Prague, puis s’installe à Paris en 1957.

40MILHAU, Denis, Isaac Celnikier : expositions Toulouse, Toulouse, Musée des Augustins, 1991.

41HILAIRE, Michel , Isaac Celnikier : Mémoire, révolte, vie : 50ème anniversaire de la révolte du Ghetto de Varsovie, Montpellier, Musée Fabre, 1993.

42GOLUBIEW Zofia, Isaac Celnikier: Peintures, dessins, gravures, Cracovie, Muzeum Narodowe Krakowie, 2005.

Léon Delarbre (1889 Masevaux, France - 1974 Belfort, France)

43Originaire d’une famille catholique. Entre à l’Ecole des Arts décoratifs de Paris en 1911. Mobilisé comme infirmier au front pendant la Première Guerre mondiale. Exerce comme bijoutier à Belfort à partir de 1919 tout en continuant à peindre. Devient en 1935 directeur de l’Ecole des Beaux-arts de Belfort puis en 1939 conservateur du musée des Beaux-arts de Belfort. S’engage dans la Résistance en 1941. Arrêté en janvier 1944, interné au camp de transit de Royallieu, puis à Compiègne, déporté à Auschwitz Birkenau en avril 1944, interné à Buchenwald à partir de mai 1944, puis à Dora en octobre 1944. Evacuation à Bergen-Belsen en avril 1945. De retour en France il reprend ses activités de peintre, de conservateur et de professeur à Belfort.

44DELARBRE, Léon, Croquis clandestins: Dora, Auschwitz, Buchenwald, Bergen-Belsen, Paris, Edition de Romilly, 1945.

45BILLOT, Renée, Le peintre déporté: croquis d’Auschwitz, Buchenwald et Dora, Jarville-la-Malgrange, Editions de l’Est, 1989.

46DELARBRE, Léon, Croquis clandestins: Auschwitz, Buchenwald, Dora, Bergen-Belsen, Besançon, Cêtre, Musée de la Résistance et de la déportation, 1995.

Auguste Favier (1898 Lyon, France - 1951)

47Fait des études d’art à Lyon. Entre dans la Résistance, arrêté par la Milice en décembre 1943, déporté à Buchenwald.

48FAVIER, Auguste, MANIA, Pierre, Scènes prises sur le vif des horreurs nazies, Lyon, Sibert, 1946.

David Olère (1902 Varsovie, Pologne - 1985 Paris, France)

49Originaire d’une famille juive. Entre à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Varsovie en 1915. Engagé à Berlin en 1921 par la EFA (Europaïsche Film Allianz) comme décorateur de cinéma. S’installe à Paris en 1923, continue à peindre et réalise des affiches et costumes de films pour la Paramount. Il francise son nom, il est naturalisé français en 1937. Mobilisé en 1939, après la défaite travaille à Paris pour les entreprises cinématographiques Fox et Columbia. Avec les lois de Vichy, il est déchu de sa nationalité et perd son emploi. En février 1943, il est arrêté par la police française, transféré au camp de Drancy, puis déporté à Auschwitz en mars 1943. Affecté au sonderkommando du crématoire III de Birkenau. En janvier 1945 évacuation à Mauthausen, puis Ebensee. De retour au France en mai 1945, il reprend ses activités de peinture et de sculpture et travaille pour l’OTAN au SHAPE de Louveciennes.

50KLARSFELD, Serge, David Olère 1902-1985 : un peintre au sonderkommando à Auschwitz, New York, The Beate Klarsfeld Foundation, 1997.

51SHOMER-ZAICHIK, Bella, Out of the dephts: David Olère, an artist in Auschwitz, Jérusalem, Yad Vashem, 1997.

52OLER, Alexandre, Witness: images of Auschwitz, N. Richland Hills, Texas, Westwind Press, 1998.

Sam Ringer (1918 Tarnów, Pologne – 1986 Paris, France)

53Originaire d’une famille juive, grandit à Oswiecim. Entre à l’Ecole des Beaux-arts de Cracovie en 1937. En 1940 il est forcé de participer à la construction du camp d’Auschwitz. En novembre 1940 déporté successivement dans les camps de Annaberg, Sacrau, Mechtal, Markstädt, Fünfteichen, Gross Rosen, Buchenwald, Berg, Elster. Libéré par les Russes au camp de Theresienstadt en mai 1945. Reprend ses études aux Beaux-arts de Cracovie puis à l’Ecole des Beaux-arts de Paris en 1947.

54Pas de catalogue existant sur cet artiste.

Violette Rougier-Lecoq (1912 Paris, France - 2003Paris, France)

55Aide à l’évasion de prisonniers de guerre en 1940, rentre dans la Résistance en 1941 et devient agent du réseau Gloria. Arrêtée par la Gestapo, emprisonnée à Fresnes puis Romainville et déportée à Ravensbrück en octobre 1943 où elle est infirmière et dessine. Après la guerre, entre aux Beaux-arts de Paris.

56ROUGIER-LECOQ, Violette, Témoignages : 36 dessins à la plume, Paris, Les deux sirènes, 1948.

Shelomo Selinger (1928 Szczakowa, Pologne - …)

57Originaire d’une famille juive. La famille est enfermée dans le ghetto de Chrzanow en 1941, sa mère et sa soeur sont déportés à Auschwitz. Il est déporté à 13 ans au camp de Faulbrück avec son père qui est tué quelques mois plus tard. Puis interné successivement dans les camps de Gröditz, Markstadt, Fünfteichen, Dresden, Leitmeritz, Theresienstadt. Retrouvé dans le coma par l’Armée rouge en mai 1945. Se rend d’abord à Prague puis en Israël en 1946. Entre à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris en 1955.

58Mémorial national du camp de Drancy, Drancy, Mairie de Drancy, 1990

59BONICEL, Marie-Françoise, L’Univers du sculpteur Shelomo Selinger, Paris, Ferré, 1998.

60SELINGER, Shelomo, Les camps de la mort, dessins d’un rescapé, mémoire d’outre-vie, Paris, Somogy, 2005.

Walter Spitzer (1927 Cieszyn, Pologne - …)

61Originaire d’une famille juive. Enfermé dans le ghetto de Strzemieszyce en juin 1940. Liquidation du ghetto en juin 1943, sa mère est fusillée, il est déporté au camp de Blechhammer plus tard rattaché à Auschwitz III Monovitz. Evacuation vers le camp de Gross Rosen en janvier 1945, puis vers Buchenwald. A la libération du camp, accompagne l’armée américaine à travers l’Allemagne puis rejoint Paris en juin 1945. Entre à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris en octobre 1945.

62ABRAMOWICZ, Léon, Walter Spitzer, Suresnes, Collection Artspectives, Junes et Fils, 1982.

63VOLKHARD, Knigge, KLARSFELD, Beate, Walter Spitzer : Gemälde, Graphik, Plastik : 50 Jahre Befreiung des Konzentrationslagers Buchenwald, Buchenwald, Kunstmuseum in der Gedenkstätte, 1995.

64WIESEL, Elie (préface), Walter Spitzer, Paris, Fragments, 2002.

Boris Taslitzky (1911 Paris, France - 2005 Paris, France)

65Originaire d’une famille juive d’immigrés russes. Entre en 1930 à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris. Adhère au Parti communiste en 1935. Mobilisé en 1939, s’engage dans la Résistance en 1941. Arrêté par la police française, interné au camp de Saint-Sulpice-La-Pointe puis déporté à Buchenwald en juillet 1944. De retour en France en avril 1945 il reprend la peinture et ses activités militantes, devient professeur à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts décoratifs de Paris en 1971.

66CAIN, Julien (préface), 111 dessins faits à Buchenwald 1944-1945, Paris, La Bibliothèque française, 1945.

67FOUGERON, Lucie, Boris Taslitzky : tableaux et dessins 1929-1999, 7 au 28 septembre 2001, Siège du Parti communiste français, Paris, Parti communiste français, 2001.

68KRIVOPISSKO Guy, SEMPRUN Jorge, Boris Taslitzky : dessins faits à Buchenwald, Paris, Biro, 2009.

Torna su

Note

1 BEDARIDA, François, GERVEREAU, Laurent, La déportation : le système concentrationnaire nazi, Nanterre, BDIC, 1995.

2 WIEVIORKA, Annette, Déportation et génocide. Entre la mémoire et l’oubli, Paris, Plon, 1992.

3 ALEMANY-DESSAINT, Véronique, Créer pour survivre, Reims, Musée des Beaux-arts de Reims, 1995.

4 BLATTER, Janet, MILTON Sybil, Art of the Holocaust, New-York, The Rutledge press, 1981.

5 AMISHAI-MAISELS, Ziva, Depiction and Interpretation, the influence of the Holocaust on the visual arts, Oxford, Pergamon Press, 1993.

6 ALDEBERT, Bernard, Chemin de croix en 50 stations : de Compiègne à Gusen II en passant par Buchenwald, Mauthausen, Gussen I, Paris, Fayard, 1946.

7 Ibidem.

8 Ibidem.

9 FAVIER, Auguste, MANIA, Pierre, Scènes prises sur le vif des horreurs nazies, Lyon, Louis Sibert, 1946.

10 Abréviation du mot allemand Krankenrevier : le baraquement des malades dans les camps.

11 ROUGIER-LECOQ, Violette, Témoignages : 36 dessins à la plume, Paris, Les deux sirènes, 1948.

12 Ibidem.

13 MATARD-BONUCCI, Marie-Anne (dir.), La libération des camps et le retour de déportés : l’histoire en souffrance, Bruxelles, Complexe, 1995.

14 MORDECHAI, Omer, Mordechai Omer in conversation with Avigdor Arikha, in AVIGDOR, Arikha, op. cit., p. 167.

15 Fondé par Steven Spielberg : plus de 52.000 témoignages filmés de survivants de la Shoah collectés à travers le monde depuis 1994. Ces témoignages sont conservés et consultables en France au centre multimédia du Mémorial de la Shoah.

16 Témoignage d’Isaac Celnikier le 29 janvier 1996, Survivors of the Shoah Visual History Foundation.

17 BILLOT, Renée, Léon Delarbre, le peintre déporté : croquis d’Auschwitz, Buchenwald et Dora, Jarville-La-Malgrange, Editions de l’Est, 1989.

18 MAHO, Pierre, DELARBRE, Léon, Croquis clandestin : Dora, Auschwitz, Buchenwald, Bergen-Belsen, Paris, Edition Michel de Romilly, 1945, p. 10.

19 CONTAMIN, Daniel, Baumer : peintures, sculptures, dessins, Saint-Etienne, Daniel Contamin éditeur, 2003.

20 Texte manuscrit de René Baumer sur la toile Crucifixion, non daté, archives de Daniel Contamin, neveu et ayant-droit. 

21 BAUMER, René, Un soir, Tapuscrit non édité, archives de Daniel Contamin, p. 37.

22 Responsable des crématoires II et III d’Auschwitz.

23 KLARSFELD, Serge, David Olère : un peintre au sonderkommando à Auschwitz, New York, The Beate Klarsfeld Foundation, 1997, p. 42. 

24 GOLUBIEW, Zofia, Izaak Celnikier: malarstwo, rysunek grafika. Muzeum Narodowe w Krakowie, styczeń-marzec 2005, Kraków, Muzeum Narodowe, 2005.

25 Unités mobiles chargées de missions d’extermination en Europe de l’est, dans un premier temps par fusillade puis au moyen de camions à gaz.

26 Désigne le massacre par fusillade des Juifs d’Europe de l’Est perpétré par les Einsatzgruppen, des unités de la Waffen SS et de la police allemande.

27 Janusz Korczak (1878-1942) : Pédiatre et pédagogue polonais. Fondateur d’un orphelinat dans le quartier juif de Varsovie. Il choisit d’accompagner les enfants déportés et meurt à Treblinka. Isaac Celnikier a bien connu durant son enfance le médecin qui l’avait accueilli dans son orphelinat.

28 AMISHAI-MAISELS, Ziva, op. cit, p. 155.

29 Entretien avec Shelomo Selinger, janvier 2013.

30 SCHULMANN, Fernande, « Afin que cette forme ait une âme », in Les nouveaux cahiers, hiver 1984-1985.

31 RANCIERE, Jacques, AMELINE Jean-Paul, Face à l’histoire, l’artiste moderne devant l’évènement historique, Exposition au Centre Georges Pompidou, Paris, Flammarion, 1996, p. 22.

32 Discours d’Isaac Celnikier, Fondation Jacob Buchman, Isaac Celnikier, Shelomo Selinger : Prix mémoire de la Choa, 22 novembre 1993, Paris, Fondation du judaïsme français, 1994, p. 30.

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Indice delle illustrazioni

Titolo Figure 1. Violette Rougier-Lecoq, Un groupe sous la menace d’un kapo, 1944 ou 1945, craie blanche sur papier vélin noir, 23 x 29 cm, Musée de l’Ordre de la Libération.
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Titolo Figure 2. Léon Delarbre, Vingt-neuf Russes pendus sur la place d’appel, 21 mars 1945, Dora, crayon sur papier, 30 x 23 cm, Musée de la Résistance de Besançon.
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Titolo Figure 3. Léon Delarbre, Le grand Georges. Kapo général de la Werk II (une des plus belles brutes au service des Allemands), décembre 1944, Dora, crayon sur papier, 17,3 x 13,5 cm, Musée de la Résistance de Besançon.
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Titolo Figure 4. Léon Delarbre, Après la libération. Le chef de block 132 Folette après son exécution, 16 avril 1945, Bergen-Belsen, 10,5 x 14,8 cm, Musée de la Résistance de Besançon.
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Titolo Figure 5. René Baumer, Crucifixion, 1960, huile sur toile, 300 x 300 cm, Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors.
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Titolo Figure 6. René Baumer, Un printemps à Bergen-Belsen, 1965, huile sur toile, 300 x 250 cm, Musée de la Résistance de Besançon.
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Titolo Figure 7. David Olère, Le SS Erich Muhsfeldt, 1945, crayon sur papier, 20 x 25 cm, collection de la famille de l’artiste.
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Titolo Figure 8. David Olère, En marche pour l’écoute forcée de la BBC, date inconnue, huile sur toile, 163 x 98 cm, Musée d’Auschwitz.
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Titolo Figure 9. Isaac Celnikier, Judith, 1980-1986, huile sur toile, 193 x 227 cm, Fonds d’atelier.
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Titolo Figure 10. Isaac Celnikier, Memento, 1997, gravure, burin, pointe sèche, 27 x 20 cm.
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Titolo Figure 11. Shelomo Selinger, Samson et le lion, 1958, grès rouge, 0,85 x 0,52 x 26,5 cm, Fonds d’atelier.
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Titolo Figure 12. Shelomo Selinger, Enfant parmi les serpents, 1960, platane, 60 x 48 x 53 cm, Fonds d’atelier.
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Per citare questo articolo

Notizia bibliografica digitale

Julie Constant, «Figurer l’ennemi. Des artistes rescapés des camps nazis»Diacronie [Online], N° 45, 1 | 2021, documento 5, online dal 29 mars 2021, consultato il 13 décembre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/diacronie/15647; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12lyb

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Autore

Julie Constant

Julie Constant est docteure en Histoire de l’art contemporain (Université Bordeaux III); boursière de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Thèse de Doctorat : « Souviens-toi de ton futur. Les artistes rescapés des camps nazis et la réception de leurs œuvres de témoignage et de mémoire en France après 1945 » sous la direction de Dominique Jarrassé.

URL: < http://www.studistorici.com/progett/autori/#Constant >

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