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I. Articoli
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Adaptation à l’environnement et réduction au silence. Analyse d’un débat scientifique sur les cages de batterie (1979-1981) au prisme des subaltern studies

Sam Ducourant

Abstract

Gli animali d’allevamento possono essere considerati come subalterni, parte di una complessa struttura di riduzione al silenzio. In questo saggio verrà preso in esame il primo dibattito europeo sul benessere delle galline ovaiole allevate in batteria (1979-1981), per mostrare come un cambiamento concettuale (dal “benessere animale” multiplo e interdisciplinare all'”adattamento all’ambiente”), si traduca nell’incapacità di ascoltare le voci degli animali e degli scienziati che li difendono. La domanda diventa: possono adattarsi, o possono essere adattati geneticamente alla gabbia? Questo approccio riduzionista riduce al silenzio alcune discipline scientifiche, mentre altre ne guadagnano spazio, una condizione che aumenta ulteriormente il silenzio degli animali.

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Testo integrale

galline ovaiole polli by hagaiocohen on Pixabay (Pixabay License)Visualizza l'immagine
Credits: Pixabay (Pixabay License)

1. Introduction

1.1. Les animaux sont-ils des subalternes ?

  • 1 Pour la définition en termes d’infériorité de rang, cfr.: GUHA, Ranajit (edited by), Subaltern Stud (...)
  • 2 MERLE, Isabelle, «Les Subaltern Studies. Retour sur les principes fondateurs d'un projet historiogr (...)
  • 3 GUHA, Ranajit, The Prose of Counter-Insurgency, in ID. (edited by), Subaltern Studies II : Writings (...)

1La catégorie de subalterne décrit les personnes « de rang inférieur », pour qui les possibilités de prise de parole, et surtout les occasions d’être entendues, sont réduites1. Pour les subalternes, il est donc à la fois nécessaire et hautement problématique de passer par des représentant·e·s non subalternes, au risque d’être inadéquatement représenté·e·s. Une décision méthodologique essentielle des subaltern studies est d’assumer leur propre insertion dans le contexte colonial qu’elles étudient, et d’assumer ensuite qu’elles s’efforcent de représenter, c’est-à-dire de donner une voix politique, aux types d’expression considérés jusqu’alors comme « prépolitiques »2. Dans cet article, nous appliquerons cette méthode à un fonds d’archives, en le considérant à la fois comme une étape scientifique de construction du savoir, et comme un moment de négociation politique de rapports de pouvoir3.

  • 4 BURGAT, Florence, Une autre existence, Paris, Albin Michel, 2012.
  • 5 HARRISON, Ruth, CARSON, Rachel Louise, JENNINGS, Sydney, Animal machines: the new factory farming i (...)
  • 6 Pour une définition en termes d’analyse du discours, cfr. DIAKITÉ, Mamadou, «L’Analyse de la silenc (...)
  • 7 LESTEL, Dominique, «Langage et communications animales», in Langages, 146, 2002, pp. 91-100, et DES (...)
  • 8 DAWKINS, Marian Stamp, « Do hens suffer in battery cages? Environmental preferences and welfare », (...)
  • 9 SAYER, Karen, « Animal Machines: The Public Response to Intensification in Great Britain, c. 1960–c (...)
  • 10 BURGAT, Florence, Penser le comportement : au fondement des options épistémologiques, in ID. (dir.) (...)

2Les concepts de voix et de représentation permettent de faire l’articulation entre les subaltern studies et les études animales. S’il va aujourd’hui de soi, d’une part que les animaux sont les sujets d’une vie et font l’expérience du monde en première personne4, et d’autre part que les animaux d’élevage sont inscrits dans un système spécifique de dominations (d’abord en tant qu’animaux domestiqués, ensuite et surtout en tant qu’on les réduit à leur productivité5), il s’agit ici de montrer en quoi, et comment, cette domination repose sur un processus de « silenciation », c’est-à-dire sur un ensemble de techniques qui rendent moins audible et/ou moins légitime la voix des inférieur·e·s6. En effet, si les animaux disposent d’un langage et de moyens de communications qui leur sont spécifiques, ceux-ci ne sont pas directement traduisibles en un langage humain7. Ceci pose problème, non seulement pour les penseur·se·s et défenseur·se·s de la cause animale contemporain·e·s, mais en particulier pour les scientifiques qui ont travaillé, dans les années 1970, sur le bien-être animal : selon elles et eux, il importait alors de trouver des manières de (re)donner une voix aux animaux, dans un contexte où ceux-ci étaient réduits au silence par l’industrialisation de l’élevage8, alors même que leur voix était, par ailleurs, portée plus ou moins adéquatement au devant du public9. Cette supposée voix des animaux n’étant pas immédiatement exprimée en langage humain, il s’agit de trouver des moyens de médiatisation ou de traduction pour la rendre audible, compréhensible, et in fine politique. Or le comportement animal, étudié par l’éthologie, peut être considéré comme un moyen d’entendre ou de faire entendre la voix des animaux tout en évitant de réduire son expression à une série d’actions réflexes10.

  • 11 CASTAING, Anna, LANGLAIS, Elena, « Repenser les subalternités : des Subaltern Studies aux animalité (...)

3Il ne s’agit pas de commettre une erreur de catégories, en négligeant les différences entre les subalternes étudié·e·s par les subaltern studies et les animaux de rente. Notre proposition consiste plutôt à mettre ces deux catégories en contact pour, en premier lieu, approfondir notre compréhension des processus de silenciation. Ceci permet, en second lieu, de donner à la notion d’hégémonie étudiée par les subaltern studies, plus de généralité et de puissance critique en l’appliquant à d’autres modes de domination11 . En troisième lieu, le fait de questionner les limites de la parole politique, en prenant en compte la possibilité d’une voix animale, peut s’avérer fécond, comme nous le montrons en conclusion de cet article.

1.2. Sujet et thèses de l’article

  • 12 CONSEIL DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, « 594ème session du Conseil (agriculture), Bruxelles, 18.09.19 (...)
  • 13 DESMOULIN, Sonia, LE NEINDRE, Pierre, Législation et réglementation dans le domaine du bien-être an (...)
  • 14 TARRANT, P. V., Farm Animal Welfare Programme - Evaluation report 1979-1983, Luxembourg, Office for (...)

4Dans l’Europe des années 1960, l’industrialisation de l’élevage, la construction européenne (qui impliquait la mise en place d’une Politique Agricole Commune ainsi que l’unification des marchés agricoles) et les fortes mobilisations pour la protection des animaux mènent le Conseil des Communautés Européennes à publier, en 1979, une déclaration d’intention où il s’engage à interdire les cages de batterie pour l’élevage des poules pondeuses dès 198012. C’est la première fois que la Communauté Européenne, encore en construction, se propose de légiférer sur les conditions d’élevage13. Le processus législatif européen s’enclenche alors : la Commission Européenne met en place le « programme de coordination des recherches sur le bien-être animal », créant les conditions d’un débat entre spécialistes, en vue de la publication d’actes de colloques qui serviront de rapports scientifiques pour le Conseil14.

5Les comptes-rendus de sessions et réunions, ainsi que ces rapports, servent d’appui empirique à cet article. Le résultat central des analyses de ces rapports est le suivant. À cette période, les sciences animales subissent un changement conceptuel de fond : elles passent d’un concept de bien-être animal pluriel et multidisciplinaire qui donnait une place prépondérante au comportement et à la psychologie animale, à l’effort pour adapter l’individu à « son environnement » – c’est-à-dire, ici, à la cage de batterie. Ce changement sémantique est représentatif du changement graduel et profond de l’utilisation du terme de « bien-être animal », lié à un changement dans l’extension du terme « environnement ». La thèse de cet article est que ce passage à une théorie environnementale et adaptative réduit significativement les possibilités d’expression des animaux : dans ce cadre conceptuel les animaux, en tant que subalternes, ne peuvent pas dire leur condition.

  • 15 Au risque d’empêcher certaines recherches d’être tout simplement menées, cfr.: FRICKEL, Scott, GIBB (...)
  • 16 LEVIDOW, Les, BIRCH, Kean, PAPAIOANNOU, Theo, « Divergent Paradigms of European Agro-Food Innovatio (...)

6Ce changement conceptuel modifie aussi l’organisation disciplinaire et réduit au silence, en un second sens, certain·e·s scientifiques qui s’efforçaient d’intégrer à leur recherche l’effort de parler au nom des animaux, notamment en prenant clairement position contre la cage de batterie. Les rapports des débats montrent que s’est établie, dans les sciences du comportement animal de cette période, la distinction plus générale développée par Scott Frickel et ses collaborateur·rice·s entre discours scientifique « mainstream » et discours scientifique alternatif, le premier étant défini par ses lacunes critiques quant au système existant et par sa capacité à réduire le second au silence15. Levidow et collaborateurs ont ensuite montré, dans le cas du système de connaissances agronomiques, comment cette dichotomie entre mainstream et alternatif risque de devenir définitive, par « verrouillage » (lock-in et lock-out)16.

  • 17 BISMUTH, Régis, DEMARET, Albane, DI CONCETTO, Alice et al., « La concurrence des normativités au cœ (...)
  • 18 Le cas britannique est étudié par: BORCHERDING, Thomas E., DOROSH, Gary W., The Egg Marketing Board (...)
  • 19 Sur les effets de silenciation et de création d’ignorance au sein de la pratique scientifique, au d (...)

7Mais l’apparition puis le verrouillage de cette dichotomie au sein du débat strictement scientifique ne doivent pas occulter la concurrence entre une multiplicité de normativités, qui dépassent le champ strictement scientifique et expliquent la complexité et la multiplicité du concept de bien-être animal17. Pour cette raison, il s’agira ici d’éviter prudemment de réduire la complexité du sujet, de simplifier les relations ou de figer les termes du débat. En effet, les différents types sociologiques que sont l’éleveur « paysan » et l’éleveur industriel, et la concurrence des normativités qui en découle, sont aussi pertinents pour cette analyse. De plus, les notions de demande sociale et de marketing sont essentielles pour comprendre la dynamique du marché de l’œuf dans la construction européenne18, tout comme les acteurs des relations publiques, du marketing et du lobbying, ou encore les processus d’industrialisation, de mise en concurrence et d’intégration des marchés sont essentiels pour comprendre la silenciation en cours19.

8Dans le domaine restreint des sciences mobilisées par la puissance publique européenne, ces normativités multiples n’entrent pas en synergie pour orienter efficacement la législation, mais s’organisent graduellement et se cristallisent finalement en ces deux positions diamétralement opposées : d’une part, la réduction du bien-être animal à l’adaptation à l’environnement, qui s’accompagne d’une réduction au silence des animaux ; d’autre part, un holisme de la notion de bien-être, accompagnée d’un engagement explicite pour représenter les animaux. Dans le cas étudié ici, cette première notion remporte largement la lutte pour la visibilité. Ceci n’implique pas que la grille conceptuelle anti-réductionniste disparaisse tout à fait, mais au moins qu’elle perde en visibilité au sein de la Commission européenne.

9Il peut sembler risqué d’explorer ensemble de nombreux champs disciplinaires des sciences animales des années 1970 (la zootechnie, l’éthologie qui se scinde dans cette période en éthologie traditionnelle et éthologie mainstream, ainsi que la génétique) pour ensuite tirer des conclusions concernant un champ disciplinaire contemporain (les subaltern studies). Néanmoins, tout en gardant ce contexte à l’esprit, il s’agit ici d’étudier, strictement au sein du discours scientifique, la manière dont la voix des animaux est réduite au silence, malgré des efforts conscients et explicites de la part des scientifiques. Cette réduction de focale est justifiée, d’abord par la recherche de neutralité des scientifiques, qui rappellent à plusieurs reprises qu’ils débattent pour étayer un consensus strictement scientifique à partir de leurs résultats. Cette prétendue neutralité peut être questionnée à bien des égards, mais le contexte des débats de 1979 à 1981, où sont réunis seulement des scientifiques, permet tout de même de considérer ce groupe social comme clos, au moins dans le premier temps de cette recherche. Ensuite, cette réduction de focale est féconde car elle permet de localiser des moments, modalités et lieux précis, de ce processus général de silenciation.

2. Bien-être animal ou impact de l’environnement?

10Pour les mettre en évidence, il faudra d’abord présenter deux précédents théoriques qui encadrent ce changement conceptuel (2.1 et 2.2). Celui-ci a pour levier principal l’ambiguïté du terme d’adaptation : commun à la physiologie et à la génétique, ce concept permet le passage à une théorie centrée sur l’adaptation à l’environnement, synthèse réductionniste de la physiologie du stress et de la nouvelle pratique génétique (2.3). Pour cette raison, l’utilisation de mesures génétiques pour définir le bien-être animal est centrale (2.4). Les conséquences de ce changement seront ensuite développées : les débats montrent bien que cette ambiguïté première mène les scientifiques à appliquer un double standard (3.1), et qu’elle est le levier permettant la réduction au silence des animaux d’élevage (3.2) ainsi que d’une sous-discipline des sciences du comportement (3.3).

2.1. Premier précédent théorique : les cinq libertés du rapport Brambell

  • 20 HARRISON, Ruth, CARSON, Rachel Louise, JENNINGS, Sydney, op. cit.
  • 21 SAYER, Karen, op. cit.
  • 22 LANDAIS, Étienne, BONNEMAIRE, Joseph, « La Zootechnie, art ou science ? Entre nature et société, l’ (...)

11Les sciences du bien-être animal de la fin des années 1970 en Europe sont marquées par la forte mobilisation britannique des années 1960. En 1965, la société britannique s’inquiète massivement, et subitement, de la condition animale. Plusieurs facteurs expliquent ce soudain souci. D’abord, la scission entre le rural et l’urbain se creuse, et les urbains craignent progressivement de perdre ou d’avoir perdu le lien à la country ; ensuite, la parution de l’ouvrage Animal Machines, de Ruth Harrison, donne à la protection des animaux dans les élevages, dans l’Europe en construction, une nouvelle urgence20. Autour du concept de bien-être animal se posent donc, implicitement, des questions plus générales de répartition géographique, de division du travail et de la perte de repères traditionnels. Comme le montre Karen Sayer, cette inquiétude générale se focalise alors sur la protection des animaux dans les élevages et en particulier sur la critique du productivisme, défini comme la réduction de l’animal à ses fonctions de production et des élevages à des « factory farms »21. Ce réductionnisme productiviste a pour pendant scientifique un réductionnisme zootechnique, qui consiste à prendre en compte, dans la définition de l’animal de rente, les seules caractéristiques zootechniques, c’est-à-dire celles qui ont une incidence sur la productivité22.

  • 23 BRAMBELL, Francis William Roger, Report of the technical committee to enquire into the welfare of a (...)
  • 24 WEBSTER, John, Animal Welfare, a Cool Eye towards Eden, Hoboken, John Wiley & Sons, 1995, pp. 11 et (...)
  • 25 DAWKINS, Marian Stamp, op. cit., p. 1034.

12Dans ce cadre, le gouvernement britannique mandate une commission dirigée par le professeur Brambell, pour étudier les élevages intensifs britanniques et la littérature scientifique concernant le bien-être animal et le stress. La conclusion la plus célèbre de son rapport est la définition du bien-être comme un concept complexe, à l’intersection de plusieurs disciplines, et englobant « à la fois le bien-être physique et mental de l’animal »23. Le passage à une définition à cinq termes est alors considéré comme un progrès majeur, notamment parce que la psychologie, l’expérience vécue en première personne et les effets psychosomatiques d’événements ou d’environnements stressants sont enfin pris en compte24. Le pendant scientifique de ce cet anti-réductionnisme est l’inclusion de la subjectivité animale dans les mesures du bien-être animal : comme le propose Dawkins, dans son analyse des difficultés que pose la représentation des animaux par des scientifiques et l’impossibilité de savoir ce que vit subjectivement un animal, « le fait que nous étudions les animaux comme s’ils étaient des machines qui ne sentent rien et ont seulement des comportements, ne signifie pas qu’ils ne sont que cela »25.

2.2. Second précédent : le Syndrome Général d’Adaptation de Hans Selye

  • 26 CANNON, Walter, Bodily changes in pain, hunger, fear and rage, an account of recent researches into (...)

13Dans la grande variété des mesures du bien-être animal existantes dans les années 1960, et dont le rapport Brambell fait état, un type de mesures semble recueillir l’assentiment scientifique, par son assise théorique, sa réductibilité à un modèle physico-chimique du vivant et sa simplicité : c’est le modèle du Syndrome Général d’Adaptation (SGA) développé par Hans Selye en 1950, qui dépasse la conception du stress développée par Cannon en début de siècle, strictement limitée aux réactions aiguës à un facteur de stress (la fight or flight response)26.

  • 27 SELYE, Hans, « Stress and the General Adaptation Syndrome », in British Medical Journal, 17 juin 19 (...)

14Selon Selye, le stress est l’interaction entre une modification extérieure et la réaction du corps à cette modification. Le SGA est décrit par Selye en 1950 par le déroulement de trois phases : une phase d’alerte (choc et contre-choc), une phase de résistance, d’habituation ou d’endurance, puis une phase d’épuisement où les manifestations passives de la phase d’alerte l’emportent sur les manifestations de défense actives, et ce jusqu’au décès27. Le SGA concerne donc l’adaptation d’un animal à un changement durable de son environnement et est donc pertinent pour étudier le bien-être des animaux en élevage intensif.

15Le premier intérêt de la théorie du SGA est qu’elle s’appuie sur des mesures aisément quantifiables. En effet, certains symptômes mesurables de la fight or flight response sont présents dans le SGA sans être aigus (augmentation de la fréquence cardiaque et de la tension artérielle) ; du point de vue humoral, c’est l’immunité qui est déséquilibrée, et ceci se mesure aisément par les taux de pathologies ; du point de vue endocrinien, enfin, on doit à Selye le constat d’une modification du taux de corticostérone dans le plasma sanguin (mesurable par prise de sang), corrélée au stress. Cette dernière mesure a l’avantage de s’appuyer sur une analogie physiologiquement fondée entre non-humains et humains : les humains ont les mêmes organes endocriniens que les poules, et voient leur taux de corticostérone plasmatique augmenter face à un stress.

16Le second intérêt de cette théorie est qu’elle propose une synthèse entre stress et productivité : les mesures physiologiques sont corrélées aux mesures zootechniques et la théorie de Selye permettrait, apparemment, de synthétiser le souci pour la productivité et celui pour la santé des animaux.

  • 28 MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., p. 65.
  • 29 Ibidem, p. 43.
  • 30 SELYE, Hans, « The Evolution of the Stress Concept », in American Scientist, 61, 1973, pp. 692-699.

17Cette théorie a été acceptée et intégrée par les sciences animales des années 1970 : Selye est une référence présente, quoique très peu citée explicitement ou formellement, dans le colloque de 1980. Le « concept bien-connu de stress, développé par Selye » y est cité en introduction par C. Beuving28 puis par J. Petersen29, mais n’est pas cité en bibliographie ; de plus, Petersen ne cite que l’article publié par Selye en 197330, qui revenait sur celui de 1950 : ces auteurs supposent que cette référence fait partie de la culture scientifique commune et consensuelle.

2.3. La notion d’adaptation à l’environnement : des mesures physiologiques aux mesures génétiques

18En ces termes, le bien-être animal est donc en relation avec la plus ou moins satisfaisante adaptation d’un animal avec ce qui l’entoure. Or cette notion d’adaptation est ambiguë, puisqu’elle est utilisée par la physiologie héritée de Selye et par la génétique de l’époque : SGA et sélection génétique (qu’elle soit naturelle ou artificielle) sont toutes deux des formes d’adaptation à l’environnement. Ces deux notions ne sont pourtant pas substituables l’une à l’autre. Une différence essentielle, peu évoquée par les scientifiques de l’époque, est que l’adaptation physiologique a lieu durant la vie d’un individu, alors que l’adaptation traitée par la génétique concerne la transition entre deux générations ou plus (adaptation évolutive). C’est dans cette ambiguïté du terme d’adaptation à l’environnement qu’est rendu possible le glissement entre le souci de bien-être des animaux, considérés individuellement, et le souci d’adapter une lignée (donc plusieurs générations d’individus) à un système d’élevage, indépendamment de l’inconfort, du stress ou de la souffrance induits sur les animaux individuels.

  • 31 SELYE, Hans, 1950, op. cit., p. 1384.

19Certes, c’est Selye qui avait proposé, en 1950, une synthèse entre physiologie et génétique, en proposant le concept d’adaptation entre un individu et son milieu. Mais l’adaptation mentionnée par le SGA n’est pas concernée par cette ambiguïté, puisque Selye mentionne seulement l’adaptation opérée physiologiquement par un individu au cours d’un événement stressant et non l’adaptation génétique d’une espèce à un milieu. La synthèse était alors pensée par Selye comme l’établissement d’un pont entre différentes disciplines, et non pas comme une réduction de plusieurs disciplines à une seule31. Mais dans les rapports des années 1970, la notion d’adaptation à l’environnement est bel et bien ambiguë.

  • 32 VANDENHEEDE, Marc, « Bien-être animal: les apports de l’Ethologie », in Ann. Méd. Vét, 147, 2003, p(...)

20Pour ambiguë qu’elle soit, cette notion est centrale dans les rapports de 1979 et de 1980. Selon les scientifiques qui participent à la production de ces rapports, le problème majeur de l’élevage industriel est que l’environnement des animaux a été modifié drastiquement (passage de l’air libre au confinement, puis du confinement en litière au confinement en cage, avec une réduction rapide des surfaces allouées) et surtout en peu de temps (quelques dizaines d’années), alors que les modifications précédentes, comme la domestication, étaient des co-adaptations étalées sur des milliers d’années32. Dans l’industrialisation de l’élevage, il en va donc aussi de la capacité humaine à sélectionner rapidement des lignées adaptées à des modifications rapides.

  • 33 Cfr. supra, notes 8, 16 et 17.

21Selon les auteur·rice·s des rapports, l’invention de nouveaux systèmes d’élevage (a fortiori industriels, comme la cage de batterie) requiert la mise en place d’un plan de sélection artificielle permettant d’adapter les animaux au changement d’environnement imposé. Les scientifiques se prononcent, à ce moment-là, sur les mesures qu’il faudrait prendre au croisement entre organisation du travail scientifique et organisation des élevages. Ce faisant, ils opèrent implicitement le passage d’une lente co-adaptation des animaux et des systèmes d’élevage (la domestication), à l’effort techno-scientifique de rapidement adapter unilatéralement les animaux à un objectif humain. Or c’est justement le cadre productiviste et techno-scientifique qui avait vu naître le souci pour le bien-être animal au milieu des années 196033.

  • 34 Rapport de Jan Svedberg, archivé in CONSEIL DE L’EUROPE, Comité permanent de la Convention européen (...)

22Cette hésitation entre « bien-être animal » et « impact de l’environnement » est visible au niveau institutionnel. Le programme de recherche coordonné par la Commission Européenne est intitulé « Programme de la Communauté Économique Européenne de coordination de la recherche sur le bien-être animal », mais le rapport qui découle du colloque de 1980 est intitulé « La Poule pondeuse et son environnement ». De la même manière, c’est le « Comité permanent de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages » qui commande à ses délégations des rapports, mais celui que propose la Suède, par exemple, est intitulé « L’impact de l’environnement sur la santé et le bien-être de la poule pondeuse »34. Il y a donc bien intrication entre les champs sémantiques du bien-être animal et de l’environnement.

2.4. Le rôle des mesures génétiques

23C’est dans ce cadre spécifique que des mesures génétiques du bien-être animal sont mises en place : le vocabulaire de l’impact de l’environnement sur l’animal permet de passer d’une signification de l’adaptation (physiologique) à une autre (génétique). Ce passage sémantique est supposé dans les discussions entre scientifiques et n’est jamais remis en question.

  • 35 L’« héritabilité » est définie comme « le ratio de la variation génétique générale à la variation d (...)

24Ce glissement sémantique tacite explique pourquoi la question de « l’héritabilité » est centrale dans les discussions scientifiques de 1980. Il s’agit de définir si un trait est transmis au fil des générations et s’il relève de l’adaptation, ou s’il est induit par l’environnement, et ne peut donc être modifié que via un changement de l’environnement35. Si l’héritabilité est faible, le trait est inhérent à l’espèce et est hors de contrôle du reproducteur ; dans ce cas, la solution ne peut pas venir des techniques de reproduction ou de sélection, et pour modifier le trait, il faut envisager de modifier l’environnement. Or dans les discussions de 1980, l’objectif est d’éviter à tout prix de devoir modifier l’environnement : mieux vaut, selon les rapports, faire peser l’effort d’adaptation sur les animaux : si le bien-être animal est impossible dans des cages, il ne faut pas supprimer ou modifier les cages, mais modifier les animaux.

  • 36 MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., p. 178.
  • 37 Ibidem, p. 311.

25Montrant le lien entre héritabilité et bien-être, Sybesma, délégué des Pays-Bas, conclut : « si vous obtenez un comportement génétiquement déterminé, vous pouvez vous en débarrasser via la sélection. Ce n’est donc plus du tout un facteur de bien-être »36. Et J. Fris Jensen d’expliciter encore : « le degré d’héritabilité donne quelque indication sur la possibilité de changer les choses »37. Les scientifiques, dont le rôle était de définir et de comprendre ce qu’était le bien-être animal, sont devenu·e·s acteur·rice·s de l’adaptation des animaux à l’élevage intensif. Et ce, au gré de ce changement sémantique et conceptuel, du bien-être animal à l’adaptation à l’environnement.

26L’ambiguïté du terme de « bien-être » est frappante, puisque le cadre général implicite n’est pas tant le souci de l’animal et de ses conditions de vie, que la résolution technique d’un problème technique : celui de l’adaptation d’une lignée à un mode de production industrialisé. Ces mesures prennent en compte la modification rapide de l’environnement et étudient l’adaptabilité des lignées, en vue de sélectionner celles qui s’adapteront le mieux au nouveau système. Des propriétés physiologiques, comportementales ou zootechniques (adaptabilité, agressivité, taux de production) sont ici considérées seulement comme des traits génétiques.

  • 38 SELYE, Hans, op. cit., p. 5.

27Certes, puisque ce sont les traits qu’expriment des individus d’une lignée, et que ces traits sont plus ou moins héritables, ils est légitime que la génétique les étudie. Le problème, ici, est qu’il y a bien, dans le discours des scientifiques de 1980, une réduction des aspects physiologiques, comportementaux et zootechniques à des traits génétiques : ces aspects sont désormais considérés comme des variables d’ajustement, des éléments du système d’élevage, qu’il est plus ou moins possible de modifier volontairement. Les comportements de picage des plumes et de cannibalisme, considérés par Ruth Harrison comme des indicateurs de mal-être, peuvent donc aussi bien être simplement considérés comme un effort d’adaptation qui ne réussit pas et résulte en un « trouble d’adaptation » (disease of adaptation)38. Or si cet échec adaptatif est un trait génétique modifiable, alors la question du bien-être n’est plus qu’une question de sélection : il suffirait de sélectionner des lignées d’animaux qui, élevées en cage, ne développent pas ces troubles, pour pouvoir les élever en cage.

3. Conséquences de ce glissement conceptuel

3.1. Le double standard

  • 39 MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., pp. 33-39.
  • 40 Ibidem, p. 93.

28Après les mesures de l’héritabilité, la variabilité de ces mesures inquiète particulièrement les scientifiques, en particulier dans le colloque de 1980. Le problème, notamment décrit par Schenk, est que les mesures d’agressivité prises dans le cadre d’études sur l’héritabilité sont extrêmement variables, sans que la cause des variations soit expliquée39. Ceci signifie que les efforts de sélection ne portent pas des fruits prévisibles : en sélectionnant par exemple les poules les plus dociles d’un troupeau et en ne reproduisant que ces individus, il est tout à fait possible que le troupeau de résultat soit extrêmement docile (comme si la sélection avait marché), mais il est tout autant possible, à l’inverse, que le troupeau soit extrêmement agressif. Des résultats très différents d’année en année amènent Hughes à avancer « soit que les lignées varient d’année en année, soit que d’autres facteurs entrent en jeu, qui produisent des interactions lignée/année, qui rendent la chose encore plus complexe »40. Les deux options (variation d’une lignée, d’année en année, ou présence d’autres facteurs) signifient que l’objet scientifique à étudier n’est pas constitué. Et puisque la connaissance de l’héritabilité assure la possibilité de contrôler des traits, la variabilité mine les efforts combinés des scientifiques et des sélectionneurs, et signifie qu’il n’est peut-être pas possible d’adapter les poules aux cages de batterie, au passage renommées « environnement ».

29C’est dans le cadre de cette inquiétude que le glissement sémantique et conceptuel vers la question de l’impact de l’environnement se justifie aux yeux des chercheur·se·s de l’époque. Face à l’échec criant de la sélection des traits liés au bien-être, les scientifiques auraient pu conclure que la sensibilité au stress n’est pas contrôlable génétiquement et que le bien-être doit être assuré autrement qu’en adaptant les poules aux cages. Mais les scientifiques de 1980, étudié·e·s ici, optent pour la stratégie inverse, qui consiste à insister sur la promesse technoscientifique du progrès de la génétique.

  • 41 BONNEUIL, Christophe, MAYAUD, Jean-Luc, DENIS, Gilles (dir.), Sciences,chercheurs et agriculture. P (...)
  • 42 SAYER, Karen,« Let Nature be your Teacher : W. B. Tegetmeier's Distinctive Ornithological Studies » (...)

30Ce choix s’explique de deux manières. D’abord, l’identité des sciences zootechniques est historiquement marquée par leur coopération avec l’effort productiviste des agriculteurs41. Comme le montre Karen Sayer, l’histoire culturelle de l’élevage est marquée par la question de la possibilité, ou non, de faire plier une nature inflexible (unbending nature)42. Face aux efforts d’élevage en confinement, Tegetmeier avançait l’existence d’un seuil de densité de population dans un élevage, au-delà duquel les pathologies se multipliaient. Les avancées des sciences nutritionnelles dans l’entre-deux guerres (notamment la découverte de la vitamine D) avaient finalement tranché la question en rendant possible l’élevage en confinement sans accès à l’extérieur. Cette histoire culturelle de l’aviculture explique clairement que la nature soit considérée par les scientifiques de l’époque comme pouvant et devant être adaptée aux besoins des humains.

  • 43 Nous appliquons à la sélection artificielle animale le concept de « régime de promesse techno-scien (...)

31De plus, les progrès majeurs de la génétique dans les années 1960 invitaient effectivement à y voir des possibilités futures. L’insertion de la théorie du SGA dans la nouvelle théorie génétique, via la notion d’adaptation, est aussi un atout aux yeux des scientifiques de l’époque : en effet, la notion de programme génétique, avancée par Jacob, Monod et Lwoff en 1961, promet à l’étude de l’ADN d’opérer une grande synthèse biochimique entre le monde du vivant et le monde de l’inerte43. De plus, les débuts de la modification génétique, ajoutés à la maîtrise déjà grande de la sélection artificielle, font de la science génétique une discipline pleine de promesses, dont il a pu sembler opportun de se rapprocher.

  • 44 MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., p. 93. Pour la présentation plus générale de l’histoire d (...)
  • 45 Intervention de Zanforlin, in MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., pp. 95-96.

32En fait, l’articulation entre l’intérêt pour l’adaptation à l’environnement d’une part, et le souci pour la « variabilité génétique » d’autre part, permet aux scientifiques de tenir ensemble deux attitudes pourtant incohérentes : d’une part, une humilité radicale quant à la représentativité des résultats déjà acquis, et d’autre part la conviction affirmée à plusieurs reprises que la solution zootechnique viendra de la génétique. La présence de ce double standard est visible lorsque Brantas affirme, non sans cynisme, que « dans le futur, nous les agronomes, les physiologistes, les éthologues, etc., serons capables d’élever des oiseaux dans de telles conditions [360cm2 par poule] avec profit – et d’ailleurs, même dans des conditions de 290cm2, voire moins »44. Tout en étant réticent quant aux implications de cette pratique, il ne doute pas de la possibilité de sélectionner des animaux adaptés à des conditions alors impensables. L’argument, implicite dans la réponse qu’apportent ses collègues Zanforlin et Faure, permet de comprendre exactement le complexe dans lequel les scientifiques se trouvent : selon eux, d’une part, on ne peut rien conclure, puisque la variabilité est trop importante. D’autre part, grâce à l’adaptation, tout est possible45.

33Ici, les scientifiques font un pas théorique fort en minimisant leurs forces épistémologiques, c’est-à-dire les résultats déjà acquis, tout en gonflant leurs forces technoscientifiques c’est-à-dire leurs capacités à agir sur leur objet d’étude. Dans le passage du bien-être à l’environnement se joue donc bien plus qu’un changement de cadre théorique. C’est bien plutôt un changement dans les prérogatives que les scientifiques se confèrent : incapables de connaître leur objet puisque celui-ci est trop variable, ils doivent néanmoins se montrer capables de le modifier, pour l’adapter à l’environnement des firmes intégrées industrielles.

3.2. Conséquence : la voix politique des animaux réduite au silence

34Cette réduction conceptuelle est liée, chronologiquement, conceptuellement et pratiquement, à une réduction au silence des animaux d’élevage, mais aussi d’un certain type de pratiques scientifiques, en faveur d’une uniformisation professionnelle : en standardisant une mesure, on standardise aussi les disciplines scientifiques et les pratiques agricoles. Cela peut avoir des effets positifs (amélioration des échanges d’information et de biens, apparition de sujets de discussion plus précis). Mais le risque de cette standardisation est une réduction conceptuelle excessive, alors que le bien-être animal liait au contraire entre elles des disciplines scientifiques diverses.

35D’abord, dans le cadre théorique de l’adaptation à l’environnement, une éventuelle voix des animaux est strictement réduite au silence. Comme on l’a vu en introduction, il n’y a pas de mobilisation, de revendications ni de résistance politique directement possibles de la part des animaux. Néanmoins, les études physiologiques de la réaction au stress, qui considèrent notamment la hausse de la mortalité comme un défaut du système d’élevage, ou encore les études éthologiques qui considèrent les comportements compulsifs (les « stéréotypies ») comme des indicateurs de mal-être, pouvaient encore considérer que les animaux réagissaient par-là à leur condition et que cette réaction pouvait être considérée comme un signe de la nécessité de modifier cette condition. De manière triviale, le comportement de fuite, ou l’immobilité tonique, sont largement considérés comme des indicateurs du caractère effrayant, inconfortable ou douloureux d’un traitement. Et en particulier, la stéréotypie de picage des plumes, fortement corrélée à l’élevage en cage et à l’élevage à haute densité, était considérée par ces deux disciplines comme de véritables problèmes de bien-être, avant d’être des problèmes techniques de productivité : ils pouvaient donc être considérés comme des arguments robustes en défaveur du système d’élevage intensif en cages de batterie. Pour ces raisons, il est possible, dans le cadre des subaltern studies, de considérer ces comportements comme l’expression d’une condition (le mal-être inhérent à l’élevage en cage de batterie) et en quelque sorte d’une voix bel et bien politique, revendiquant une meilleure prise en compte de l’existence animale.

36Mais en passant à un réseau conceptuel de l’impact de l’environnement sur l’animal et en considérant l’animal comme un ensemble de traits plus ou moins héritables, et selon sa capacité d’adaptation à l’environnement imposé par les contraintes de l’élevage et du commerce, alors ces comportements exprimant la douleur, l’inconfort ou le stress, ne sont plus considérés comme tels, mais d’abord comme des variables d’ajustement au sein d’un programme technoscientifique de sélection génétique. Le bien-être animal n’est plus une raison éthique d’interdire un système d’élevage, mais un problème technique qu’il s’agit de résoudre en utilisant au mieux l’adaptation individuelle et évolutive. Ainsi les rares possibilités de contestation dont disposaient les animaux sont-elles bien réduites au silence, par un changement de grille conceptuelle. Bien sûr, le niveau des concepts n’est pas isolé et les contraintes et intérêts économiques et sociaux ont leur importance, comme facilitateurs de ce changement conceptuel.

3.3. Conséquence : réduction au silence de l’éthologie traditionnelle

  • 46 LEVIDOW, Les, BIRCH, Kean, PAPAIOANNOU, Theo, op. cit., pp. 94-125.

37Cette modification conceptuelle a des répercussions scientifiques : le passage au paradigme de l’adaptation à l’environnement n’est pas une synthèse magistrale permettant aux différentes études animales d’unifier leurs objets, leurs langages et leurs méthodologies. Si le champ des études animales ressort unifié de ce changement, ce n’est qu’en apparence : en fait, une réorganisation plus complexe a eu lieu. Elle consiste à établir une discipline en discipline maîtresse (mainstream), et à reléguer les autres au rang de disciplines secondaires ou alternatives46.

  • 47 Durant le colloque de 1980, 7 présentations sur 13 sont dédiées à l’étude du comportement (bien que (...)
  • 48 CARTER, Valerie, CARTER, Henry, The Laying Hen — Proceedings of a Seminar held on 24 and 25 March 1 (...)
  • 49 EGERTON, Frank N., « History of Ecological Sciences, Part 56: Ethology until 1973 », in Bulletin of (...)
  • 50 DAWKINS, Marian Stamp, 1977, op. cit.; ID. « Welfare and the structure of a battery cage: size and (...)

38Le cas de l’éthologie est éloquent : celle-ci était un acteur central de la politique européenne dès 1965, visible dans le rapport Brambell. De plus, l’étude du comportement a une importance première dans le colloque de 1980, quoiqu’elle soit déjà lue à l’aune de l’héritabilité des comportements47. Lors du colloque organisé par la Commission Européenne en 1992, douze ans plus tard, les études mentionnent plus souvent le terme « animal welfare », mais l’éthologie est moins présente, alors que la composante physiologique et sanitaire (donc la médecine vétérinaire) est devenue prépondérante48. Il ne s’agit ni d’un transfert des contenus de l’éthologie vers les disciplines physiologiques et vétérinaires, ni d’une disparition pure et simple de l’éthologie. L’éthologie des années 1960 s’est plutôt scindée en deux sous-disciplines dans le courant des années 1980, rebattant les cartes de l’opposition historique entre sciences animales écologiques (éthologie) et psychologiques (le béhaviorisme)49. La première sera désormais considérée comme une version traditionnelle de l’éthologie, insistant sur l’attention à l’animal individuel, à son expérience personnelle et à son bien-être, et demeure aussi explicitement liée à la lutte pour la condition animale : c’est en particulier l’éthologie de Marian Stamp Dawkins, Ian Duncan, David Fraser, David Wood-Gush. L’exemple des travaux de Marian Stamp Dawkins est éclairant : elle fut la première à utiliser les tests de préférence pour donner des réponses statistiquement appuyées à la question « faut-il interdire les cages de batterie ? »50. Mais ses résultats, pourtant considérés comme des avancées majeures de l’éthologie et traitant de front les questions posées à la Commission, ne sont pas du tout cités dans les débats de 1980 à 1992.

  • 51 À titre d’exemple, comparer MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op.cit. à CARTER, Valerie, CARTER, Henr (...)

39Par opposition, l’« éthologie appliquée », héritière des sciences animales béhavioristes, prend pour objet les « interactions entre l’animal et son environnement » ; elle est plus proche de la zootechnie, dont l’objectif est l’amélioration de l’élevage, notamment par la hausse de la productivité. Cette nouvelle discipline est mainstream, ce qui signifie que les financements sont majoritairement alloués à ses représentant·e·s, et que celleux-ci sont plus visibles dans les colloques organisés par la Commission Européenne51.

40Certaines sciences sont donc réduites au silence, alors que d’autres obtiennent voix au chapitre. Ce n’est pas le lieu ici d’opposer, à cette rapide analyse de l’histoire de l’éthologie, une analyse comparée de la médecine vétérinaire ; mais cette seconde discipline s’est vue, au même moment, promue au rang de responsable de la police sanitaire européenne et d’interlocutrice privilégiée de la Commission et des puissances nationales (en particulier française), réduisant encore le bien-être animal à l’absence de pathologies physiologiques et la protection des animaux à un ensemble de mesures sanitaires.

4. Conclusions

41Le cas des sciences animales mobilisées de 1979 à 1981 par la Commission Européenne, dans le cadre des directives à paraître sur la protection des poules pondeuses, met en évidence le fait que les sciences du bien-être animal ont connu, entre les années 1950 et la fin des années 1970, un changement conceptuel majeur, qui modifie aussi leur répartition disciplinaire. D’une grille conceptuelle multidisciplinaire centrée autour de la question du bien-être animal et englobant, sans les réduire à une seule, plusieurs types de mesures et de méthodologies, les débats passent graduellement à une grille conceptuelle plus réductrice, gravitant autour des concepts d’adaptation et d’environnement, et faisant de la physiologie et de l’éthologie des disciplines secondaires par rapport à l’éthologie appliquée et à la génétique animale.

42Ce changement conceptuel correspond à une réduction au silence des animaux : leurs expressions d’inconfort, de stress ou de douleur sont désormais perçues comme des traits génétiques plus ou moins héritables, et non comme les expressions d’une condition, d’une position ou d’une revendication, c’est-à-dire comme de potentielles positions politiques. Il ne s’agit plus d’adapter leur environnement à leurs besoins (notamment en interdisant les cages de batterie), mais bien d‘adapter ces subalternes à un environnement artificiel qui n’est jamais remis en question. Cette première réduction au silence est corrélée à un changement de statut et à une redistribution de visibilité des sciences animales : une branche de l’éthologie devient alternative, alors qu’une autre, plus compatible avec ce changement, prend place dans le système de connaissances mainstream. L’éthologie dite traditionnelle, dont le positionnement politique en défaveur de la cage de batterie est souvent explicite, c’est-à-dire cette éthologie qui aurait des choses à dire à la Commission Européenne (puisque celle-ci cherche à appuyer une décision), devient à son tour une science subalterne, dont la voix est donc réduite au silence au sein de l’institution.

43Le fait de lire ces événements tout en considérant les animaux comme des subalternes permet de redonner à l’histoire des sciences animales toute sa portée politique : les sciences du bien-être animal peuvent être définies par leur effort d’assurer un appui scientifique aux améliorations de l’élevage. Elles peuvent être considérées comme des représentantes des animaux, c’est-à-dire ayant l’objectif de donner une voix aux animaux, puis de la traduire en langage humain. Mais si la représentation est essentielle dans la défense des animaux d’élevage, alors les mots utilisés peuvent avoir des conséquences majeures : en l’occurrence, ne plus parler de « cages de batterie » mais d’« environnement » et définir le « bien-être animal » comme « l’adaptation des animaux à leur environnement » consiste bel et bien à réduire les animaux et leurs représentants au silence.

  • 52 LUDDEN, David, A Brief History of Subalternity, in ID. (edited by), Reading Subaltern Studies. Crit (...)
  • 53 Élisabeth de Fontenay exclut cette possibilité d’une voix et d’une agentivité animales politiques, (...)
  • 54 TAYLOR, Nik, SUTTON, Zoei, « For an Emancipatory Animal Sociology », in Journal of Sociology, 54, 4 (...)

44Les subaltern studies ont montré, dans les études consacrées aux rapports de domination en Inde, qu’il est important et fécond de penser que la voix des subalternes a toujours bel et bien existé et été exprimée, quoique inaudible du fait de multiples silenciations52. Cette possibilité pourrait être transposée aux animaux, si leurs comportements d’inconfort ou de fuite, ainsi que les stéréotypies de picage et de cannibalisme, étaient interprétés comme des expressions d’inconfort, voire comme des revendications quant aux conditions d’élevage53. L’étude de cas présentée ici s’est attachée à montrer, dans le cas des poules de batterie, qu’une telle voix existait bien, sous la forme de comportements, et que les concepts scientifiques pouvaient participer à sa silenciation. Il convient donc de continuer dans cette direction en questionnant plus avant l’existence et l’audibilité d’une voix politique des animaux54.

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Note

1 Pour la définition en termes d’infériorité de rang, cfr.: GUHA, Ranajit (edited by), Subaltern Studies I, Delhi, Oxford University Press, 1982, pp. 1-2.

2 MERLE, Isabelle, «Les Subaltern Studies. Retour sur les principes fondateurs d'un projet historiographique de l'Inde coloniale», in Genèses, 56, 3/2004, pp. 131-147, p. 133.

3 GUHA, Ranajit, The Prose of Counter-Insurgency, in ID. (edited by), Subaltern Studies II : Writings on South Asian History and Society, Delhi, Oxford University Press, 1983, cit. in MERLE, Isabelle, op. cit., p. 140.

4 BURGAT, Florence, Une autre existence, Paris, Albin Michel, 2012.

5 HARRISON, Ruth, CARSON, Rachel Louise, JENNINGS, Sydney, Animal machines: the new factory farming industry, London, Vincent Stuart, 1964.

6 Pour une définition en termes d’analyse du discours, cfr. DIAKITÉ, Mamadou, «L’Analyse de la silenciation ou silence en discours», in Liens, 17, 2013, pp. 72-89, p. 87. Pour la définition du subalterne comme silencié par une «violence épistémique», cfr.: CHAKRAVORTY SPIVAK, Gayatri, op. cit., p. 283. Enfin, pour une analyse sociale des techniques de silenciation, cfr.: DOTSON, Kristie, «Tracking Epistemic Violence, Tracking Practices of Silencing», in Hypatia, 2011, pp. 236-257.

7 LESTEL, Dominique, «Langage et communications animales», in Langages, 146, 2002, pp. 91-100, et DESPRET, Vinciane, «Intelligence des animaux : la réponse dépend de la question», in Esprit, 365, 6/2010, pp. 142-154.

8 DAWKINS, Marian Stamp, « Do hens suffer in battery cages? Environmental preferences and welfare », in Animal Behaviour, 25, 1977, pp. 1034-1046; ID. « Battery hens name their price: Consumer demand theory and the measurement of ethological ‘needs’ », in Animal Behaviour, 31, 4/1983, pp. 1195-1205.

9 SAYER, Karen, « Animal Machines: The Public Response to Intensification in Great Britain, c. 1960–c. 1973 », in Agricultural History, 87, 4/2013, pp. 473-501.

10 BURGAT, Florence, Penser le comportement : au fondement des options épistémologiques, in ID. (dir.), Penser le comportement animal, Versailles, Quæ, 2010, pp. 17-49.

11 CASTAING, Anna, LANGLAIS, Elena, « Repenser les subalternités : des Subaltern Studies aux animalités », in Cultures-Kairós, 2018, URL: < https://revues.mshparisnord.fr:443/cultureskairos/index.php?id=1719 > [consulté le 17 août 2020].

12 CONSEIL DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, « 594ème session du Conseil (agriculture), Bruxelles, 18.09.1979 », in Consilium, URL: < ttp://www.consilium.europa.eu/en/documents- publications/archives/search/ > [consulté le 28 janvier 2020].

13 DESMOULIN, Sonia, LE NEINDRE, Pierre, Législation et réglementation dans le domaine du bien-être animal, in BOISSY, Alain, (dir.), Éthologie appliquée. Comportements animaux et humains, questions de société, Versailles, Quæ, 2009, pp. 161-168.

14 TARRANT, P. V., Farm Animal Welfare Programme - Evaluation report 1979-1983, Luxembourg, Office for Official Publications of the European Communities, VI, 1984. Le rapport central de ce processus est: MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie (edited by), The Laying Hen and its Environment, The Hague-Boston-London, Martinus Nijhoff Publishers, 1980.

15 Au risque d’empêcher certaines recherches d’être tout simplement menées, cfr.: FRICKEL, Scott, GIBBON, Sahra, HOWARD, Jeff, et al. « Undone Science: Charting Social Movement and Civil Society Challenges to Research Agenda Setting », in Science, Technology, & Human Values, 35, 4/2010, pp. 464-465.

16 LEVIDOW, Les, BIRCH, Kean, PAPAIOANNOU, Theo, « Divergent Paradigms of European Agro-Food Innovation : The Knowledge-Based Bio-Economy (KBBE) as an R&D Agenda », in Science, Technology & Human Values, 38, 1/2013, pp. 94-125.

17 BISMUTH, Régis, DEMARET, Albane, DI CONCETTO, Alice et al., « La concurrence des normativités au cœur de la labellisation du bien-être animal », in Revue internationale de droit économique, 32, 3/2018, pp. 369-392.

18 Le cas britannique est étudié par: BORCHERDING, Thomas E., DOROSH, Gary W., The Egg Marketing Board: a case study of monopoly and its social costs, Vancouver, B.C, Fraser Institute, 1981. Le rôle du marketing dans le marché des œufs a surtout été étudié dans le cas des États-Unis : DAVIS, Karen, Prisoned chickens, poisoned eggs: an inside look at the modern poultry industry, Summertown, Tennessee, Book Pub. Co, 1996 ; voir aussi BOYD, William, « Making Meat: Science, Technology, and American Poultry Production », in Technology and Culture, 42, 4/2001, pp. 631-664.

19 Sur les effets de silenciation et de création d’ignorance au sein de la pratique scientifique, au détriment des intérêts des consommateurs, cfr.: PROCTOR, Robert, SCHIEBINGER, Londa (edited by), Agnotology : The Making and Unmaking of Ignorance, Stanford University Press, Stanford, 2008. Sur les effets de l’intégration industrielle et de la mise en concurrence, cfr.: ELLIOTT, Kevin C., « Selective Ignorance and Agricultural Research », in Science, Technology, & Human Values, 38, 3/2013, pp. 328-350.

20 HARRISON, Ruth, CARSON, Rachel Louise, JENNINGS, Sydney, op. cit.

21 SAYER, Karen, op. cit.

22 LANDAIS, Étienne, BONNEMAIRE, Joseph, « La Zootechnie, art ou science ? Entre nature et société, l’histoire exemplaire d’une discipline finalisée », in Courrier de l’Environnement de l’INRA, 27, 1996, pp. 23-44, et les critiques formulées dans WEBSTER, A. John F., « What Use Is Science to Animal Welfare? », in Naturwissenschaften, 85, 6/1998, pp. 262-269.

23 BRAMBELL, Francis William Roger, Report of the technical committee to enquire into the welfare of animals kept under intensive livestock husbandry systems, London, HM Stationery Office, 1965, p. 9.

24 WEBSTER, John, Animal Welfare, a Cool Eye towards Eden, Hoboken, John Wiley & Sons, 1995, pp. 11 et seq.

25 DAWKINS, Marian Stamp, op. cit., p. 1034.

26 CANNON, Walter, Bodily changes in pain, hunger, fear and rage, an account of recent researches into the function of emotional excitement, New York-London, D. Appleton and Co., 1915.

27 SELYE, Hans, « Stress and the General Adaptation Syndrome », in British Medical Journal, 17 juin 1950, pp. 1383-1392.

28 MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., p. 65.

29 Ibidem, p. 43.

30 SELYE, Hans, « The Evolution of the Stress Concept », in American Scientist, 61, 1973, pp. 692-699.

31 SELYE, Hans, 1950, op. cit., p. 1384.

32 VANDENHEEDE, Marc, « Bien-être animal: les apports de l’Ethologie », in Ann. Méd. Vét, 147, 2003, p17; cfr. la remarque de Ian Duncan in : MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., p. 39. Sur la notion de co-adaptation et les domestications mutuelles, cf. SCOTT, James, Homo Domesticus. Une Histoire profonde des premiers États, Paris, La Découverte, 2019.

33 Cfr. supra, notes 8, 16 et 17.

34 Rapport de Jan Svedberg, archivé in CONSEIL DE L’EUROPE, Comité permanent de la Convention européenne sur la protection des animaux dans les élevages, Rapport de la réunion des 6-9 mai 1980, Archives Nationales de Pierrefitte (France), 226DGAL1, cote 20060631/1, p. 1.

35 L’« héritabilité » est définie comme « le ratio de la variation génétique générale à la variation d’un trait phénotypique particulier ». Ainsi, si l’héritabilité est proche de 1, il y a corrélation entre l’héritage génétique général et l’héritage du trait particulier, ce qui signifie qu’un trait est effectivement hérité de la génération précédente. Dans ce cas, il est possible de renforcer ou d’atténuer ce trait dans les générations à venir, par sélection génétique artificielle, cfr.: MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., p. 170 et la présentation de Schenk, ibidem., pp. 33-39.

36 MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., p. 178.

37 Ibidem, p. 311.

38 SELYE, Hans, op. cit., p. 5.

39 MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., pp. 33-39.

40 Ibidem, p. 93.

41 BONNEUIL, Christophe, MAYAUD, Jean-Luc, DENIS, Gilles (dir.), Sciences,chercheurs et agriculture. Pour une histoire de la recherche agronomique, Versailles, Quae, 2008.

42 SAYER, Karen,« Let Nature be your Teacher : W. B. Tegetmeier's Distinctive Ornithological Studies », in Victorian Literature & Culture, 35, 2007, pp. 589-605.

43 Nous appliquons à la sélection artificielle animale le concept de « régime de promesse techno-scientifique », appliqué d’abord par Joly à la sélection végétale, cf. JOLY, Pierre Benoit, Le régime des promesses technoscientifiques, in: AUDÉTAT, Marc (dir.), Pourquoi tant de promesses, Paris, Hermann, 2015 pp. 31-48.

44 MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., p. 93. Pour la présentation plus générale de l’histoire de la sélection génétique, cfr.: FOX KELLER, Evelyn, The Century of the Gene, Harvard, Harvard University Press, 2002.

45 Intervention de Zanforlin, in MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., pp. 95-96.

46 LEVIDOW, Les, BIRCH, Kean, PAPAIOANNOU, Theo, op. cit., pp. 94-125.

47 Durant le colloque de 1980, 7 présentations sur 13 sont dédiées à l’étude du comportement (bien que les présentateurs soient affiliés à des laboratoires de médecine vétérinaire), cfr.: MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op. cit., tab. pp. 9-10.

48 CARTER, Valerie, CARTER, Henry, The Laying Hen — Proceedings of a Seminar held on 24 and 25 March 1992 at the Centre Albert Borschette, Horsham (Angleterre), European Conference Group on the Protection of Farm Animals, 1992.

49 EGERTON, Frank N., « History of Ecological Sciences, Part 56: Ethology until 1973 », in Bulletin of the Ecological Society of America, 97, 1/2016, pp. 31-88; THIERRY, Bernard, « Behaviorology Divided: Shall We Continue? », in Behaviour, 144, 8/2007, pp. 861-878.

50 DAWKINS, Marian Stamp, 1977, op. cit.; ID. « Welfare and the structure of a battery cage: size and cage floor preferences in domestic hens », in British Veterinary Journal, 134, 1978, pp. 469-475, ainsi que ID. « Towards an objective method of assessing welfare in domestic fowl », in Applied Animal Ethology, 2, 1976, pp. 245-254.

51 À titre d’exemple, comparer MOSS, Rene, FISCHBACH, Valerie, op.cit. à CARTER, Valerie, CARTER, Henry, op. cit., ainsi que SCIENTIFIC VETERINARY COMMITTEE, ANIMAL WELFARE SECTION, Report on the Welfare of Laying hens, Bruxelles, Commission of the European Communities, 1996.

52 LUDDEN, David, A Brief History of Subalternity, in ID. (edited by), Reading Subaltern Studies. Critical History, Contested Meaning and the Globalization of South Asian, London, Anthem Press, p. 10, cit. in. MERLE, Isabelle, op. cit., p. 138

53 Élisabeth de Fontenay exclut cette possibilité d’une voix et d’une agentivité animales politiques, in FONTENAY, Élisabeth De, Le Silence des bêtes, La Philosophie à l’épreuve de l’animalité, Paris, Fayard, 1998, p. 21, cit. in CASTAING, Anna, LANGLAIS, Elena, op. cit. ainsi que par LESTEL, Dominique, Les Origines animales de la culture, Paris, Flammarion, 2001, p. 169. Celui-ci insiste sur l’impossibilité de déduire, de la différence entre les langages, l’impossibilité d’une voix politique animale.

54 TAYLOR, Nik, SUTTON, Zoei, « For an Emancipatory Animal Sociology », in Journal of Sociology, 54, 4/2018, pp. 467-487, p. 468

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Notizia bibliografica digitale

Sam Ducourant, «Adaptation à l’environnement et réduction au silence. Analyse d’un débat scientifique sur les cages de batterie (1979-1981) au prisme des subaltern studies»Diacronie [Online], N° 44, 4 | 2020, documento 2, online dal 29 décembre 2020, consultato il 09 décembre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/diacronie/14685; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12fgf

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Autore

Sam Ducourant

Sam Ducourant est doctorante à l’École Normale Supérieure de Paris (France) sous la codirection de Florence Burgat et de Sophie Roux. Elle mêle histoire et philosophie des sciences, pour étudier le rôle des sciences du bien-être animal dans la création des lois de protection des animaux d’élevage, pendant les processus d’industrialisation de l’élevage et d’intégration européenne. Elle appuie ces études sur une histoire technique, sociale et politique de la cage de batterie. Elle enseigne la méthodologie de la recherche et l’histoire des sciences. URL: < http://www.studistorici.com/progett/autori/#Ducourant >

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