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I. Le tifoserie del calcio, tra identità storica e narrazione
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“Pour ton peuple et ton histoire nous ramènerons la violence au stade”: historicité et mémoire de la violence du PAOK

Lukas Tsiptsios

Abstract

Il PAOK, così come il calcio greco in generale, è ancora troppo poco storicizzato in quanto fenomeno sociale: è al contempo delegittimato o mitizzato dai discorsi pubblici. Lo scopo di questo articolo è quindi quello di rompere lo schema che considera la violenza connaturata ai sostenitori del PAOK e di comprendere i significati veicolati dal club alla luce del contesto della Salonicco interbellica. Una storia sociale che prenda in esame una società sportiva come oggetto di studio può quindi rivelare antagonismi e costruzioni identitarie ancora oggi presenti.

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Testo integrale

“PAOK VS. Spartak Moscow 8 august 2018”Visualizza l'immagine
Credits: by Эдгар Брещанов via Wikimedia Commons
  • 1 Sur la mémoire de la « Catastrophe », de l’échange de populations et des « patries perdues ». cfr.: (...)
  • 2 Sur les transformations structurelles de l’oligarchie grecque que représenterait Ivan Savvidis, cfr (...)
  • 3 Les études sur les Pontiques qui ne sont pas en langue grecque sont assez peu nombreuses. Nous pouv (...)

1Le PAOK est aujourd’hui par excellence le club de la Grèce du nord. Il est le Club sportif panthessalonicien des Constantinopolitains. Panthessalonicien car il regroupe l’ensemble de la population thessalonicienne sous l’égide des Constantinopolitains, l’élite de l’Empire (ottoman ou byzantin) passée en Grèce. De club des Constantinopolitains arrivés à Thessalonique en 1922, il est devenu le club de tous les réfugiés d’Asie Mineure de la ville et de sa banlieue. En d’autres termes, il se veut une mémoire vivante des patries perdues de l’Empire ottoman pour tous les descendants des orthodoxes ayant fui l’armée kémaliste en 1922 ou avant, ainsi que de tous les échangés du traité de Lausanne de 19231. Le PAOK se considère donc comme un objet réfugié lui-même, comme s’il était lui aussi arrivé pourchassé par la guerre gréco-turque et ses massacres. Cet investissement mémoriel, s’il était tacite (bien que toutefois très perceptible) par le passé, participe aujourd’hui à un ensemble de la politique de communication et de marketing du club. Par-delà les Constantinopolitains, il est surtout devenu le club des Pontiques du nord de la Grèce. Cette tendance désormais bien ancrée se manifeste par la politique d’Ivan Savvidis, président du PAOK depuis 20122. Ce dernier est un homme d’affaires russe d’origine pontique, de ces Pontiques des villages de Santa qui ont fui l’armée turque pour le Caucase russe. Acquérir le club réfugié par excellence de la Grèce du nord est pour Savvidis une sorte de recherche des origines, un moyen de retrouver ses racines dans la nouvelle patrie des Pontiques que serait la Grèce3. Cette recherche personnelle se joint à la figure salvatrice qu’il acquiert à partir de 2012 : il est celui qui sauve Deus ex machina le club surendetté alors en perdition.

  • 4 Κατάληψη των γραφείων της ΠΑΕ ΠΑΟΚ από οπαδούς της ομάδας, 5 mai 2006, URL: < https://www.in.gr/200 (...)
  • 5 GYURU, Rémy, le match du jour, 1er octobre 1992 : PAOK-PSG, Paris dans l’enfer de Salonique, URL : (...)
  • 6 TSIPTSIOS, Lukas, «Le football, enjeu-politique de premier plan en Grèce», in l’Humanité, 23 mars 2 (...)

2En rachetant le PAOK, Savvidis obtient par le même coup la fidélité des supporters largement dominants en Macédoine centrale. Une fidélité qui de réputation est très difficile à acquérir. Les dernières décennies du PAOK avant Savvidis ont été plus que tumultueuses : oppositions frontales avec la direction, manifestations dans les rues de Thessalonique, occupation des bureaux4. Certains supporters du PSG se rappellent très certainement l’envahissement du terrain du stade Toumba à la mi-temps du match retour des 32e de finale de la coupe de l’UEFA le 1er octobre 19925. Désormais, la majorité des groupes de supporters se mobilise pour défendre leur président quand celui-ci est attaqué : que ce soit en 2018 lorsqu’il est condamné pour être entré armé sur le terrain ou en 2019 quand il est accusé de détenir des parts de l’équipe de Xanthi. Dans les deux cas, les mobilisations de supporters et les évolutions juridiques des cas sont devenus le cœur de l’actualité politique du pays6. Du point de vue des supporters du PAOK (les PAOKtsides), toute attaque contre Ivan Savvidis est par métonymie une attaque contre le club lui-même.

3La violence de ces luttes intestines du club sont communément considérées comme la conséquence d’un fanatisme des supporters du PAOK. Un fanatisme lié à une forme de barbarie inhérente qui mènerait à une violence massive, à un hooliganisme irrémédiable, observable à domicile comme en déplacement, dans la rue comme dans les locaux des associations de supporters. Les médias grecs, ainsi que les discours publics proposent régulièrement des interprétations anthropologisantes sur les phénomènes de violence des supporters du PAOK. Si ceux-ci s’inscrivent dans une interprétation générale de la violence sportive grecque, la violence du PAOK reste tout de même un domaine spécifique par rapport aux autres clubs.

  • 7 Cfr. KONSTANTINIDIS, Konstantinos, « Ο οπαδός αμφιβάλλει αν είναι αρσενικό » sur le supportérisme e (...)
  • 8 Un quartier à l’ouest de Thessalonique habité par un grand nombre de Roms.
  • 9 Il existe des groupes de supporters du PAOK à Berlin, Dortmund, Düsseldorf, Francfort, Hanovre, Lüd (...)
  • 10 Sur les injures dans les stades grecs, cfr. KOTARIDIS, Nikos, SIDERIS, Nikos, Το παιχνίδι και ο φαν (...)
  • 11 Le dictionnaire du linguiste G. Babiniotis avait connu une certaine médiatisation du fait de son ar (...)
  • 12 Expression utilisée par le président de l’AEK Athènes à l’encontre des supporters du PAOK, URL : < (...)
  • 13 Dans le champ français nous pouvons citer par exemple BROHM, Jean-Marie, PERELMAN, Marc, Le footbal (...)
  • 14 BALTAS, Andreas, Προσφυγικά αθλητικά σωματεία στον Μεσοπόλεμο, 1922-1940 [Associations sportives de (...)
  • 15 KOULOURI, Christina, Αθλητισμός και όψεις της αστικής κοινωνικότητας. Γυμναστικά και αθλητικά σωματ (...)

4Ces discours sur le PAOK postulent désormais une association très forte entre le club et la Macédoine grecque en général. Le PAOK serait le club dominant de la région du nord et par conséquent un lien très fort se crée entre la marginalisation, ainsi qu’une certaine notion de décadence de la Grèce du nord et une violence dite « animale » des PAOKtsides7. Le PAOK serait ainsi le club des marginaux : des réfugiés en souffrance, des Pontiques moqués, des Tziganes de Dendropotamos8, des héroïnomanes ou des Gastarbeiter d’Allemagne9. Son implantation géographique est elle-même marginale. Au-delà de Toumba où se trouve le stade, le PAOK domine la périphérie thessalonicienne à Neapoli, Stavroupoli, Evosmo, Kordelio, Menemeni entre autres, mais aussi dans les villes moyennes désindustrialisées de la province macédonienne comme Edessa, Giannitsa, Kilkis, Skydra. Même son implantation athénienne serait la preuve de la proximité inhérente du PAOK avec les marges décadentes de la société grecque : son local de supporters se situe rue Menandrou, près de la place Omonia, associée communément à l’immigration, la prostitution et la toxicomanie. Ainsi, la venue des supporters du PAOK à Athènes est perçue comme une invasion étrangère dans la société grecque. En découle une mobilisation d’un discours raciste ou xénophobe à l’égard de ces Grecs du nord trop éloignés des standards hellènes10. Par conséquent, les PAOKtsides seraient pour les supporters de la « vieille Grèce » des « Bulgares »11, éventuellement des « Turcs », des « Mau-Mau »12 (en référence à la révolte des Mau Mau du Kenya dans les années 1950), ou encore des « ough », onomatopée qui serait entendue au stade, imitant par là un caractère animal ou primitif, dans un mimétisme des pseudo anthropologies coloniales, qui pourraient être perçues ici comme un référent. C’est en tout cas ce caractère primitif qui mènerait selon les adversaires du PAOK, à une culture de la violence et de l’hooliganisme des PAOKtsides. C’est un constat partagé par un grand nombre d’intellectuels, qui relient la violence des stades à l’essence du football lui-même13, un constat qui en Grèce, pays de grande passion sportive, produit un grand effet de distinction, mais qui publiquement affiché peut aussi être la manifestation d’un certain mépris de classe. L’historiographie grecque, même si elle s’est récemment étoffée14, a longtemps évité de traiter de la question des sports, par manque d’intérêt pour un objet perçu comme négatif ou aliénant (par les intellectuels de gauche)15.

  • 16 KARAKASIDOU, Anastasia N., Fields of Wheat, Hills of Blood. Passages to Nationhood in Greek Macedon (...)
  • 17 Le Schisme national désigne la rivalité entre le premier ministre Elefthérios Venizélos et le roi C (...)

5Notre présente étude a comme postulat l’idée que la conquête de Thessalonique par la Grèce en 1912 a été suivie d’une politique d’hellénisation de la Macédoine et de Thessalonique dans le cadre de l’arrivée massive de plus d’un million de réfugiés grecs-orthodoxes (Rum) de l’Empire ottoman à la suite de la guerre gréco-turque et de l’échange de populations imposé par la convention signée lors du traité de Lausanne en 1923. L’histoire de Thessalonique dans l’entre-deux-guerres prend donc la forme d’un processus de conquête de longue durée, où se manifestent des phénomènes et des clivages nouveaux qui sont le fruit du passage de l’empire à l’État-nation16. Le sport nous permet de comprendre comment se forme une identité réfugiée très politisée qui par métonymie s’associe à l’identité grecque, mais dans le même temps crée un clivage avec les populations locales dites « indigènes » (principalement juives sépharades), progressivement marginalisées. L’histoire de la violence sportive de Thessalonique dans l’entre-deux-guerres révèle ainsi les clivages politiques et ethniques en formation, dans le cadre du Schisme national que connaît la Grèce entre libéraux vénizélistes et monarchistes17. Elle révèle en outre le rôle des intermédiaires dans les processus de l’époque, notamment de l’hellénisation de Thessalonique.

  • 18 TSIPTSIOS, Lukas, Le PAOK et l’élite de la Ville. Sport, réfugiés et vénizélisme dans la Thessaloni (...)

6Cette étude n’analyse pas les phénomènes actuels de la violence sportive du PAOK, mais tente d’en historiciser les enjeux qui ont généralement tendance à être dépolitisés et décontextualisés quand ils sont associés à des explications sur la passion naturelle des supporters. Cet article est le produit de réflexions amorcées dans le cadre d’un mémoire de Master sur la formation du PAOK dans l’entre-deux-guerres en tant qu’histoire sociale de Thessalonique18. C’est donc principalement sur cette période que se concentre cet article, en tant que moment de création du club, mais aussi de formation d’identités véhiculées par le sport qui ont perduré dans l’imaginaire grec. Pour comprendre qui serait ce « peuple » et son « histoire », il convient donc de s’interroger sur les clivages politiques et ethniques de l’époque pour comprendre la formation d’enjeux et de sens toujours perceptibles aujourd’hui à travers le sport. Comment alors une violence sportive instrumentalisée par les acteurs vénizélistes de l’entre-deux-guerres dans le but d’helléniser et conquérir Thessalonique, s’est-elle transformée dans le même temps en une violence contestatrice d’une domination athénienne sur ces « Nouveaux Territoires » ? Par le biais de ces interrogations, nous pouvons aussi percevoir l’évolution des identités du club que nous tenterons d’exposer ici de manière diachronique, mais avec une attention majeure portée sur la période allant de 1925 à 1936, date à laquelle la dictature de Metaxás transforme profondément les sports en Grèce.

1. Un élitisme constantinopolitain

  • 19 ANAGNOSTAKIS, Manolis, « Σελίδες της ποδοσφαιρικής αυτοβιογραφίας μου [Pages de mon autobiographie (...)
  • 20 IOANNIDIS, Nikos, Μια εποχή στο τσιμέντο [Une époque sur le ciment], Athènes, Topos, 2017.
  • 21 Pour une histoire des Constantinopolitains et du nationalisme grec dans l’Empire ottoman, ainsi que (...)
  • 22 KAMOUZIS, Dimitris, ΑπόΣωτήρας της φυλής”, “ευεργετής των Τούρκων: Ο Βενιζέλος και η εθνικιστικ (...)

7Une des premières données à considérer dans l’histoire du PAOK est très certainement l’élitisme constantinopolitain qui l’habite. Cette considération doit certainement surprendre la majorité des Grecs actuels, compte tenu de l’idée largement rependue qui associe le PAOK aux classes populaires dans les représentations collectives, voire au Lumpenproletariat. Beaucoup de PAOKtsides eux-mêmes se voient en continuité avec une histoire des réfugiés, des « pourchassés », de la provocation ou de l’insoumission, que ce soit dans les écrits de Manolis Anagnostakis sur sa jeunesse auprès du PAOK qui devient ensuite l’équipe de l’EDA19, la gauche démocratique des années 1950-1960, ou plus récemment avec l’écrivain Nikos Ioannidis20, dont le surnom est Isovitis, « le prisonnier à vie ». Pourtant, l’histoire originelle du PAOK est celle des cercles bourgeois de Beyoğlu arrivés en Grèce. Si les fondateurs du club sont pourchassés, ils le sont du fait de leurs activités politiques durant l’occupation d’Istanbul par les forces de l’Entente entre 1918 et 192321. Ils sont alors l’avant-garde et le bras armé du nationalisme grec dans l’Empire ottoman, infatigables lobbyistes des projets expansionnistes de Venizélos, de la Grande Idée et des rêves de création d’un empire grec, dont ils seraient en quelque sorte l’aristocratie byzantine22. C’est cette vision élitiste et impériale qu’ils apportent en Grèce quand les forces kémalistes prennent Smyrne en 1922.

  • 23 Concernant le mépris des Rum de l’Empire à l’égard des Grecs d’Athènes au xixe siècle, cfr. BOUQUET (...)
  • 24 Makedonia, 27 février 1926.
  • 25 THEOFYLAKTOS, Theofylaktos, Γύρω στην άσβεστη φλόγα, βιογραφικές αναμνήσεις. Αγώνες για την ανεξαρτ (...)

8Les Constantinopolitains craignent de connaître le même sort que les Smyrniotes et fuient vers la Grèce. Une grande partie choisit d’émigrer à Thessalonique, ville ottomane par excellence, tant par son importance industrielle et son rôle dans la modernité ottomane, que par sa diversité confessionnelle et ses réseaux transnationaux. On peut ainsi observer durant l’entre-deux-guerres un constant mépris de ces Constantinopolitains à l’égard des Grecs locaux de la dite « vieille Grèce ». Ce mépris pourrait être associé à une forme d’orientalisme ou au moins de provincialisation de ce qui n’est pour eux qu’une région mineure, pauvre et paysanne de l’Empire23. Eux, Constantinopolitains, revendiquent leur supériorité par rapport aux Arvanites et Valaques (groupes non-hellénophones) qui gouvernent l’État grec. Dès leur arrivée à Thessalonique ils se regroupent dans une association, l’Union des Constantinopolitains, qui est à l’origine par la suite de l’AEK Thessalonique, puis du PAOK (fondé à la suite d’une scission avec l’AEK). Leur Union fonctionne comme un club ou un cercle élitiste de la bonne société de Beyoğlu, où le thé est servi à 17h3024, avec en outre un nombre récurent d’événements politiques et culturels, liés au mouvement vénizéliste. Par ce biais, les membre de l’Union se distinguent des locaux en transférant en Grèce leur mode de vie stambouliote, considéré comme supérieur par son caractère impérial et son mimétisme des standards de la gentry anglaise. Cependant, cette identité constantinopolitaine, dotée d’un fort caractère symbolique, n’est presque jamais liée à un caractère héréditaire. Il est fort probable qu’aucun de ces Constantinopolitains n’est le descendant d’une grande famille byzantine ou même phanariote. Le premier président de l’Union en 1922, Theofilaktos Theofylaktos, un médecin pontique, n’a réellement passé que deux ou trois ans de sa vie à Istanbul où il a ouvert un cabinet médical en 192025. Cette identité constantinopolitaine est donc fondamentalement imaginaire et fluide. Elle est néanmoins un investissement politique important pour bénéficier de son aura symbolique et pouvoir légitimement dominer le champ politique grec.

  • 26 Pour une vue plus précise sur le PAOK en tant que moyen de politisation des réfugiés dans l’entre-d (...)
  • 27 GRANOVETTER, Mark, « The Strength of Weak Ties », in American Journal of Sociology, 78, 6/1973, pp. (...)

9Être constantinopolitain est certes un moyen de se distinguer des populations locales, mais aussi par la force des choses du reste des réfugiés. Pourtant, les discours idéologiques de l’élite constantinopolitaine tendent à rapprocher et unir réfugiés et Constantinopolitains. Il s’agit là de l’enjeu principal pour cette nouvelle élite bourgeoise de Thessalonique : recueillir le soutien massif des populations réfugiées pour la mise en œuvre de leurs ambitions politiques26. Dans cette configuration, l’élite constantinopolitaine doit effacer le clivage de classe qui la sépare des 117.000 réfugiés en périphérie de la ville, dont le relogement est l’enjeu principal des politiques publiques durant tout l’entre-deux-guerres. Les Constantinopolitains sont facilement admis en tant qu’élite politique des réfugiés par le pouvoir vénizéliste en place entre 1922 et 1932. Ils sont perçus comme des « pères de réfugiés » et de ce fait tentent d’agir comme un lobby en faveur des intérêts des réfugiés auprès du pouvoir. Néanmoins, la consolidation de leurs carrières politiques revient à consolider leurs liens faibles27 avec les populations réfugiées de Thessalonique. Précisément, l’un des moyens utilisés par l’Union a été de créer un club sportif, ouvert à tous les réfugiés et présent – officiellement ou non – dans tous les quartiers en périphérie. L’Union sportive des Constantinopolitains de Thessalonique (AEKTh) est fondée en 1925, mais elle n’est destinée qu’aux seuls Constantinopolitains de la ville, ce qui entraîne une scission en 1926 et mène à la création du PAOK. Les deux clubs se réunissent finalement en 1929.

  • 28 Cfr. BALTAS, Andreas, op. cit., pp. 18-36.
  • 29 ZAÏMAKIS, Yiannis, PETRE, Ben, « Cultural Imperialism and Sport in the Eastern Mediterranean and Cr (...)

10Le club agit alors comme un appareil idéologique pour gagner la loyauté des masses réfugiées s’identifiant progressivement au PAOK. Il est donc idéologiquement investi par le vénizélisme conquérant et modernisateur des Constantinopolitains. En outre, le PAOK devient lui-même récipiendaire des ambitions de conquête des Constantinopolitains, mais cette fois dans le champ sportif. Être le club des Constantinopolitains fait du PAOK (tout panthessalonicien qu’il est) un club d’élite par excellence. Il n’y a d’autre alternative pour ses dirigeants que de dominer à la fois les compétitions locales où sont fortement ancrés l’Aris (depuis 1914) et l’Iraklis (depuis 1908), mais aussi au niveau national et ainsi devenir un concurrent direct des clubs d’Athènes (notamment le Panathinaïkos et l’AEK) et du Pirée (surtout l’Olympiakos). Cette ambition serait rendue possible à la fois par le réseau que les Constantinopolitains implantent dans les quartiers réfugiés où les jeunes sportifs prometteurs sont repérés par les agents du club, mais aussi par la tradition sportive dont disposeraient les Constantinopolitains28, issue des contacts établis depuis la fin du xixe siècle avec les Britanniques à Istanbul29. En découlerait donc une impression de supériorité sportive qui a des répercussions sur les rapports entre le PAOK et les institutions du monde sportif grec.

11Les liens entre le monde politique et les dirigeants du PAOK de cette époque sont nombreux et intenses. Bien souvent, les Constantinopolitains sont eux-mêmes élus, au conseil municipal, au parlement, voire au gouvernement. Ces liens se révèlent indispensables pour que le club reçoive des financements. Malgré l’autonomie progressive du football dans l’entre-deux-guerres, ainsi que sa massification en tant que sport spectacle, la collusion avec les pouvoirs publics est nécessaire pour la survie d’un club visant l’excellence, compte tenu du caractère amateur et encore balbutiant de l’organisation sportive. Ainsi, le candidat vénizéliste à la mairie de Thessalonique Charisios Vamvakas se présente devant la foule du PAOK avant les élections municipales de décembre 1930 et prononce un discours durant lequel il dit, selon le journal «Makedonia» :

  • 30 La Ville désigne communément Istanbul en grec quand le mot est employé avec une majuscule, tout com (...)
  • 31 Makedonia, 13 décembre 1930.

que ses liens avec le PAOK sont spéciaux, il fera en sorte qu’après son élection en tant que maire se construisent les stades de nos trois grands clubs l’Aris, le PAOK et l’Iraklis. De plus il donnera des subventions aux clubs de notre ville et pour l’érection du stade [du PAOK] de Thessalonique qui est un morceau de la Ville30, de Smyrne, de Trébizonde etc. Vivats, cris et applaudissements ininterrompus ont couvert le discours du candidat à la mairie M. Charisios Vamvakas31.

12Plus tard, en 1931, la direction du PAOK, accompagnée par certains sportifs, fait un voyage à Athènes afin de rencontrer les politiciens qui l’ont soutenu :

  • 32 Makedonia, 28 juin 1931.

Le Conseil d’administration du PAOK présente ses chaleureux remerciements aux messieurs Venizélos et Iassonidis pour la subvention :
Le Président du PAOK M. Levantis, avec les représentants du Conseil d’administration du PAOK et des sportifs du même club présents à Athènes ont rendu visite au ministre de la Providence M. Iassonidis pour le remercier de la subvention de 120.000 dr. À M. le Ministre finalement a été donné au nom des représentants du PAOK par M. Konstantinidis un bouquet de fleurs luxueux. Le ministre ému a déclaré qu’il est très heureux de soutenir les Constantinopolitains, car il reconnaît qu’ils constituent un élément de progrès. Finalement il a offert une photographie de lui aux représentants du PAOK pour qu’ils l’accrochent dans la salle de réunion du PAOK.
À 5 [heures] de l’après-midi le Président du Gouvernement M. Venizélos a accepté de recevoir dans les salles de la Vouli [Assemblée] la représentation du PAOK avec ses sportifs, en la présence du ministre de la Providence M. Iassonidis, du député M. Apostolou, du sénateur M. Zafeiropoulos et du maire de Thessalonique M. Vamvakas.
Le président du PAOK M. Levantis a présenté ses remerciements à M. Venizélos pour les 120.000 dr. de subvention du ministère de la Providence et pour les 100.000 dr. du ministère de l’Instruction. S’adressant ensuite au Maire de Thessalonique M. Vamvakas, il l’a remercié pour ses subventions jusqu’à aujourd’hui pour la finalisation du stade du PAOK.
M. Venizélos a déclaré qu’il est particulièrement heureux d’être en relation avec les représentants de la jeunesse sportive de la Ville et qu’il n’a jamais cessé de penser qu’il faut absolument que la nouvelle génération ait un esprit sain dans un corps [sain], indépendamment de la période pacifiste que nous traversons.
Finalement les sportifs du PAOK ont accueilli ce discours venu de M. le Président avec les vivats.
Le matin, le Conseil d’administration du PAOK a quitté Athènes. Se prépare un accueil chaleureux du président M. Levantis de la part des membres du club du PAOK32.

  • 33 MAVROGORDATOS, Giorgos, op. cit., pp. 5-6.

13Il existe donc une course aux subventions de la mairie, tout comme il existe une course des candidats pour recevoir le soutien des équipes et des associations, dans un lien patron-client de réciprocité assez classique d’un système de clientélisme de notables tel que l’analyse plus globalement Giorgos Mavrogordatos qui le définit comme personnel, contractuel, informel, instrumental, réciproque, asymétrique et vertical33. Il est cependant peu aisé de déterminer qui est supérieur à qui dans ce schéma de distribution de ressources : le club échange en quelque sorte de l’influence (donc des voix) contre des subventions.

  • 34 Makedonia, 5 juillet 1926.
  • 35 Ibidem.
  • 36 Le Journal des Balkans, 29 juillet 1926.
  • 37 CENTRE D’HISTOIRE DE THESSALONIQUE, Πανθεσσαλονίκειος Αθλητικός Όμιλος Κωνσταντινουπολιτών - ΠΑΟΚ 1 (...)
  • 38 Ibidem.

14Ce soutien politique dont le PAOK dispose durant toute la décennie vénizéliste donne certainement à ses dirigeants le sentiment qu’il peut de la même manière dominer institutionnellement le football. Pourtant, s’il n’est absolument pas neutre politiquement, le football s’est progressivement autonomisé et bureaucratisé. Ses institutions étant liées à des superstructures internationales ne sont pas aussi facilement pénétrables qu’une municipalité politiquement acquise. D’où un certain antagonisme entre les velléités hégémoniques des PAOKtsides et les institutions sportives comme l’EPSMTh (Union des associations de football de Macédoine et de Thrace) ou l’EPO (Fédération grecque de football). Ainsi, le 5 juillet 1926 a lieu la première assemblée générale de l’EPSMTh. Le PAOK et l’Aris font alliance et présentent une direction commune34, mais seuls sept clubs ont le droit de voter parmi les vingt présents à l’assemblée. Selon «Makedonia», « des mots et des phrases qui ne font pas partie du lexique grec ont été entendus »35, ce qui laisse sous-entendre la tension existante dans la salle (ou bien l’utilisation du turc, dont l’usage, notamment injurieux, est toujours très répandu chez les Constantinopolitains). Face à cela, le PAOK décide d’inviter tous les clubs de football de Thessalonique au foyer de l’Union des Constantinopolitains le 28 juillet 1926, sans leur dévoiler l’objet de la discussion. Les dirigeants du PAOK leur proposent alors de quitter l’EPSMTh et fonder une ligue thessalonicienne de football36. Cette action du PAOK est vue par l’institution et les autres clubs comme une position schismatique et illégale. Le club est donc puni par la direction de l’EPSMTh pour « conventicule » à trois mois d’interdiction de toute compétition et de tout contact avec un autre club37. C’est une punition considérée comme très lourde et qui survient quelques mois après la fondation du PAOK. De là subsiste une culture de la constante remise en question des institutions sportives, perçues comme étant liguées contre le destin du club, qui mène à une confrontation contre celles-ci durant tout l’entre-deux-guerres, voire de manière diachronique. Néanmoins, le PAOK parvient à s’institutionnaliser : il remporte le championnat de la deuxième catégorie de Thessalonique en 192738, envoie tant bien que mal des joueurs dans l’équipe mixte de Thessalonique, participe au championnat national et organise des matches internationaux.

  • 39 IOANNIDOU, Eleni, « Τα αθλητικά σωματεία των προσφύγων στη Θεσσαλονίκη του Μεσοπολέμου [Les associa (...)
  • 40 Konstantinos Tziaras décrit une multiplication par 17 de la criminalité thessalonicienne entre août (...)

15Ainsi, le PAOK survit institutionnellement dans les années suivant sa création, cependant pour ses dirigeants, ce n’est pas simplement la survie qui importe, mais bien la domination tant du champ sportif que politique. L’origine constantinopolitaine, si elle est symboliquement forte, ne suffit pas pour s’inscrire de manière permanente dans ces champs respectifs. Le PAOK aurait pu être l’une des 250 associations sportives réfugiées de Thessalonique et disparaître au bout de quelques années d’existence39. S’il survit et qu’il devient progressivement le club principal de la Grèce du nord, c’est que ses dirigeants ont su faire avec les conditions brutales du schisme national de l’entre-deux-guerres ainsi qu’avec l’anomie sociale produite par la crise des réfugiés40.

2. Violences politiques, violences sportives et conquête de la ville

  • 41 BAKHTINE, Mikhaïl, François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, P (...)
  • 42 BROMBERGER, Christian, HAYOT, Alain, MARIOTTINI, Jean-Marc, Le Match de football: Ethnologie dune (...)
  • 43 KOULOURI, Christina, op. cit., p. 11 ; GASSIAS, Giorgos, Η περίπτωση των ποδοσφαιρικών σωματείων στ (...)

16Si de prime abord la violence dans les stades (et autour) est perçue comme de la sauvagerie, soit une expression de passions primaires ou de survivances animales, elle a par la suite été analysée par les sciences sociales dans sa dimension carnavalesque selon le sens de Mikhaïl Bakhtine41, soit une inversion temporaire des hiérarchies et des valeurs, mais aussi dans sa théâtralité et son « spectacle total42 ». Dans l’entre-deux-guerres grec, la massification et la passion effrénée pour le sport spectacle est comme partout en Europe, généralement incomprise ou méprisée par les classes dominantes43. Ainsi Nikolaos Fardis, sous le pseudonyme de Lohengrin, décrit dans «Makedonia» sa première expérience au stade. Il assiste ce jour à l’affrontement du PAOK contre l’Aris :

  • 44 Fardis utilise ici le terme marida, qui est un petit poisson. Métaphoriquement cela désigne la popu (...)
  • 45 Makedonia, 8 janvier 1932.

Quelques jaunes et quelques noirs sont sortis sur le terrain et ont commencé à taper dans une balle. Ils allaient de l’un des camps à l’autre. Les insignifiants44 criaient :
Ah tête de chien !
Ah Tzitzifa !
Dedans Villy, dedans !
La balle obéissait tantôt à l’un, tantôt à l’autre.
But !
But !!!
Deux fois elle est entrée dans le camp de l’Aris et une fois dans celui du PAOK. Ceci fut considéré comme une raison pour l’étude. La foule a accueilli le score avec des hurlements. Le monde s’est abattu. Et pourquoi tout ça mon Dieu, pourquoi ? Bref, pour moi la question du Foot-Ball restera un mystère45.

  • 46 KYPRIANOS, Pantelis, CHOUMERIANOS, Manolis, Ανατομία των ποδοσφαιρικών παθών [Anatomie des passions (...)
  • 47 HANIOĞLU, Şükrü, Atatürk : une biographie intellectuelle, Paris, Fayard, 2016, p. 52 ; HANIOĞLU, Şü (...)

17C’est là une description assez classique, du football en tant que phénomène social, qui du fait de sa massification concentre aussi le mépris de classe. Ce mépris de classe s’affiche généralement par la rhétorique de l’ensauvagement des supporters et de leur caractère animal, non sans lien – en Grèce comme ailleurs – avec les théories de la fin du xixe siècle sur la psychologie collective et notamment l’ouvrage Psychologie des foules de Gustave Le Bon46, publié en 1895, qui a aussi eu un certain succès chez les élites ottomanes47. Fardis s’inscrit ici dans la lignée d’un certain élitisme qui se veut aussi libéral qu’il est réactionnaire. Il ne perçoit ni l’utilité politique du sport, ni ne comprend son sens, notamment du carnavalesque.

  • 48 MARGARITIS, Giorgos, Ανεπιθύμητοι συμπατριώτες [Compatriotes indésirés], Athènes, Bibliorama, 2005; (...)
  • 49 FLEMING, Katherine E., op. cit., p. 172.
  • 50 Cfr. TREMOPOULOS, Michalis, Τα τρία Ε (ΕΕΕ) και ο εμπρησμός του Κάμπελ [Les trois E (EEE) et l’ince (...)
  • 51 Seul Michalis Tremopoulos pointe dans sa monographie quelques liens des dirigeants du PAOK avec l’o (...)
  • 52 Pour une analyse plus détaillée de Bara en tant que « zone grise » et du système de la prostitution (...)
  • 53 Compte-rendu du Conseil d’administration de la EEE 1929-1932, p. 5.
  • 54 NAAR, Devin E., op. cit., p. 242 ; cfr. carte du cimetière in SOLOU, Teti, « Η καταστροφή του εβραϊ (...)
  • 55 Rizospastis, 25 juin 1933.

18Pourtant cette foule passionnée est l’une des armes que mobilise le propre camp de Fardis durant ces années-là. Ce dernier est le rédacteur en chef du quotidien libéral «Makedonia», connu pour son antisémitisme militant dans l’entre-deux-guerres. Le directeur du journal est alors Petros Levantis, député vénizéliste et président du PAOK. La question de l’antisémitisme des libéraux de Thessalonique et de leur organe est un sujet assez largement traité par l’historiographie48. De plus, il est d’usage de considérer que les violences à l’encontre de la communauté juive de juin 1931 prennent comme premier motif la présence d’un délégué de l’équipe juive thessalonicienne Maccabi aux 25 ans du Maccabi de Sofia, où sont prononcés des discours nationalistes bulgares49. Fardis, prenant appui sur l’organisation d’extrême-droite EEE (l’Union nationale « Hellas »), déchaîne alors une incessante cabale antisémite qui mène à l’attaque des locaux du Maccabi, puis au pogrom du quartier juif Campbell le 26 juin 193150. En revanche, le rapport du PAOK aux actions antisémites vénizélistes est beaucoup moins connu51. Le club apparaît pourtant comme l’un des éléments fondamentaux du réseau de violence des libéraux pour imposer une nouvelle hégémonie sur la ville, la nationaliser et l’homogénéiser en la désottomanisant (la communauté juive étant perçue comme un reste ottoman de la ville). Le PAOK, tout comme la EEE ou encore le monde interlope des gangs de Bara (le quartier de la prostitution thessalonicienne52), fait partie de ce réseau de violence de la bourgeoisie vénizéliste, que celle-ci active en cas de nécessité politique. En l’occurrence, dans le contexte du Schisme national, les juifs de Thessalonique votent généralement pour les partis antivénizélistes (communistes ou monarchistes), considérant la politique nationaliste des libéraux comme une menace pour leur autonomie communautaire. Le PAOK agit ici au contraire comme un moyen de structurer le vote vénizéliste des populations réfugiées et éventuellement les mobiliser pour des besoins politiques. Ainsi, il cède ses bureaux à l’EEE en 1926, tandis que son stade au centre-ville53, construit en partie sur le cimetière juif54 (dönme), devient un lieu de rendez-vous pour les actions de l’organisation antisémite et anticommuniste55.

  • 56 TSIPTSIOS, Lukas, Le PAOK et l’élite de la Ville, cit., pp. 87-91.
  • 57 Ibidem, pp. 126-131.
  • 58 TANILLI, Server, Fiers-à-bras et mauvais garçons à Istanbul au siècle dernier, in GEORGEON, Françoi (...)
  • 59 Ernest Hébrard est l’architecte français nommé par le ministre Papanastassiou pour reconstruire The (...)
  • 60 Jacques Ancel, géographe français, défendait « une Salonique toute autre – grecque et moderne » : « (...)
  • 61 VASSILIKOU, Maria, « The Jewish Cemetery of Salonika in the Crossroads of Urban Modernisation and A (...)

19Ce stade construit au cœur de Thessalonique en 1931, nous le comprenons comme l’aboutissement symbolique d’un processus d’encerclement de la ville par les populations réfugiées56, désormais en capacité de pénétrer le centre-ville par le biais de leur club57. À travers l’exemple de la construction du stade du Syntrivani nous pouvons percevoir les clivages communautaires et identitaires, comprendre le désintérêt des autorités grecques pour la protection de la population juive, ainsi que les alliances entre la bourgeoisie libérale constantinopolitaine et le monde interlope des daïdes (fiers-à-bras58). En effet, en construisant son stade sur une partie du cimetière dönme (les dönme ayant été échangés après 1923 en tant que musulmans) jouxtant le reste du cimetière juif, le PAOK participe à un long processus qui mêle la modernisation et la rationalisation urbaine à l’effacement de la présence juive de l’espace urbain. Le cimetière est pour Thessalonique une sorte de « centre vide ». A fortiori depuis que son centre de gravité s’est déplacé vers l’est depuis le début du xxe siècle. Les vénizélistes, ainsi que de nombreux modernisateurs comme Ernest Hébrard59 ou Jacques Ancel60, souhaitent transformer le cimetière en parc ou en université, se heurtant au refus de la communauté juive, pour qui l’exhumation des tombes est impossible. Le rapport de force institutionnel pour cet espace central de la ville dure durant tout l’entre-deux-guerres, avant de s’achever brutalement par l’occupation nazie. Cependant, l’installation des réfugiés d’Asie Mineure autour du cimetière après 1922 entraîne une constante réduction de celui-ci. Ainsi, en janvier 1930, la communauté porte plainte contre des réfugiés du quartier de Saranta Ekklisies ayant retiré 70 tombes. Le gouverneur de Macédoine, Stylianos Gonatas, proche de la EEE, aurait répondu que « compte tenu de la grande difficulté pour trouver des espaces acceptables pour l’érection de quartiers réfugiés, ainsi que le besoin urgent de loger des familles réfugiées sans-abri, la rétention d’un espace si grand et inutilisé au sein de la ville était injuste »61.

  • 62 Entretien de Nikos Zouboulidis, Aggelioforos, 8 octobre 2001.
  • 63 « Aris qui avait une grande puissance, tout comme l’Iraklis, ne nous ont pas laissé faire notre sta (...)
  • 64 « Comment Alkis a été enterré hier. Des milliers de gens l’ont accompagné. La police a pris des mes (...)
  • 65 PETROPOULOS, Elias, Le Bordel, Athènes, Nefeli, 1980, p. 87 ; DAGKAS, Alexandros, Ο Χαφιές, Το κράτ (...)

20Pour son stade, le PAOK s’attire également les foudres de la communauté juive. Nikos Zouboulidis, dirigeant de l’époque témoigne : « Je suis allé avec les daïdes et j’ai pris possession de la route et d’une partie du cimetière. Les juifs se sont énervés. “Les gars ce n’est pas possible, il faut qu’on fasse notre stade” je leur ai dit. Finalement nous avons trouvé un compromis et nous avons pris un coin »62. Ce sont ces mêmes daïdes qui les protégeaient contre les attaques des supporters de l’Aris et de l’Iraklis pendant la construction63. Ce sont là les bandes de Bara et de son monde interlope. Beaucoup, comme leur chef – archidaïs – Alkis Petsas, avaient fait leurs preuves à Istanbul auparavant, dans les quartiers que mentionne Zouboulidis. Petsas, grand admirateur de Venizélos ainsi que le présente de manière grandiloquente le journal «Makedonia» à sa mort64, représente justement ces producteurs de violence que les services de sûreté (auxquels ils sont généralement liés), maintiennent dans une « zone grise » durant tout l’entre-deux-guerres65. Leur violence est ensuite régulièrement réactivée par les réseaux vénizélistes, notamment contre les syndicalistes, ou alors comme ici dans le cadre d’antagonismes communautaires et sportifs. Ainsi, la bourgeoisie libérale constantinopolitaine de Beyoğlu à la tête du PAOK ne répugne aucunement à se compromettre avec des proxénètes et autres « sorteurs de couteaux » [μαχαιροβγάλτες] de Bara. Enfin, une partie de cette même élite constantinopolitaine n’hésite pas à soutenir la EEE même après le pogrom de Campbell. Ainsi, L. Iassonidis, président d’honneur du PAOK et ministre de la Providence défend l’organisation d’extrême-droite au Parlement :

  • 66 Compte-rendus des séances parlementaires, 1932, Séance 15, 10 décembre 1932, p. 106.

Il y a quelques années en Macédoine occidentale, je voyais partout des faucilles et des marteaux, et cette année durant ma tournée j’ai vu partout dominer les trois EEE. Des hommes honorables et travailleurs ont construit une organisation en 1927 car les communistes dévastent le pays. […] Ce sont des gens emplis de patriotisme et nationalisme [« εθνισμόν »], ce n’est pas possible de les décrire comme une bande de criminels66.

  • 67 Michalis TREMOPOULOS, Τα τρία Ε (ΕΕΕ), cit., p. 285.

21Ni lui, ni Gonatas qui fait de même, ni Levantis ne seront inquiétés politiquement. Bien au contraire, la place du quartier de Campbell, devant l’ancienne synagogue, prend le nom de Leonidas Iassonidis et est inaugurée en grande pompe par le métropolite et Gonatas67.

  • 68 NAAR, Devin E., « The “Mother of Israel” or the “Sephardi Metropolis”? Sephardim, Ashkenazim, and R (...)
  • 69 ANTONIADIS, Alkis, NIKOLAKIS, Michalis, Ταυτότητα και πολιτική στις κοινότητες οπαδών του Άρη [Iden (...)
  • 70 CENTRE D’HISTOIRE DE THESSALONIQUE, Αθλητικός Σύλλογος ΑΡΗΣ 1914-2004 [Association sportive ARIS 19 (...)
  • 71 CENTRE D’HISTOIRE DE THESSALONIQUE, Γυμναστικός Σύλλογος « ΜΑΚΑΜΠΗ Θεσσαλονίκης » 1908-2010 [Associ (...)

22L’histoire des liens entre le club et l’antisémitisme reste aujourd’hui très peu connue et totalement absente de la mémoire des supporters. Cette disparition mémorielle fait partie d’un effacement plus large après la Seconde Guerre mondiale de l’histoire juive de Thessalonique, ville pourtant longtemps considérée comme la « ville la plus juive du monde » ou « Jérusalem des Balkans68 ». Seule subsiste dans un seul chant de supporters (chanté sur l’air de l’hymne des supporters de l’Aris) une référence à la judéité de l’Aris69, club pourtant non-juif, mais qui maintenait effectivement des relations cordiales avec la communauté, au point que celle-ci lui laisse son premier stade en 191570. Plus tard, à la suite de l’incendie dévastateur de 1917, c’est l’Aris qui permet au Maccabi de s’entraîner71. C’est donc au travers de la rivalité avec les autres clubs de la ville qu’est réactivée une partie pourtant assez majeure de l’histoire du PAOK.

23En revanche, la rivalité avec les autres clubs de la ville se cristallise fortement dès l’entre-deux-guerres, avec des événements violents souvent justifiés par la direction du club. Dès la fondation du premier club sportif constantinopolitain, lors d’un des premiers matches de l’AEK Thessalonique contre l’Aris en 1925, a lieu un événement violent au stade :

  • 72 Lettre de l’Aris du 10 août 1925, reproduite depuis le Fonds Olympiakos in CENTRE D’HISTOIRE DE THE (...)

L’assassin, ce soldat évidemment ami d’un sportif de « l’Union des Constantinopolitains » et sans doute énervé par la défaite de son équipe, a pris à son avantage un petit événement qui s’est produit entre les sportifs en compétition et est entré sur le terrain. Il a montré toute sa disposition sauvage dès la première remontrance du sportif victime qui lui a dit qu’il n’aucunement le droit d’être présent sur le terrain et les évolutions [blanc dans le texte] sorti sa baïonnette et il est tombé sur le sportif désarmé avec le but évident de l’assassiner. […]
Au lieu de présenter, ne serait-ce qu’officiellement du bout des lèvres seulement leur peine pour notre sportif victime de vandalisme, au lieu de s’unir à nous pour arriver à une punition exemplaire et construire pacifiquement notre nid sportif en traçant une limite infranchissable pour les vautours, ils se sont présentés comme les honorables et se sont inclus comme porte-drapeaux du sport dans notre ville alors qu’ils sont par profession les avocats du criminel72.

  • 73 Ibidem, p. 26.

24Cette action est certainement le fruit d’une concurrence originelle avec les autres clubs de la ville à propos de l’allégeance des joueurs venus d’Istanbul aux clubs constantinopolitains de Thessalonique, qui a poussé nombre d’entre eux à quitter leurs clubs respectifs pour gagner l’AEK, puis le PAOK. Pour les dirigeants des anciens clubs établis de la ville, les Constantinopolitains restent des nouveaux venus, qui malgré leurs ambitions doivent rester des outsiders. Néanmoins, comment ne pas considérer l’antagonisme entre le PAOK, l’Aris et l’Iraklis au prisme des affrontements politiques de l’époque, mais aussi de l’ethnicisation des rapports sociaux qui résultent justement des nouveaux clivages politiques ? Si le PAOK est ouvertement le club des vénizélistes constantinopolitains avec comme objectif la structuration politique de tout une population réfugiée de Thessalonique à leur profit, l’Aris semble se définir autour d’une tendance plus modérée du Parti libéral. Quand bien même l’Aris est très vite fortement implanté dans les quartiers réfugiés73, il ne se constitue pas en tant qu’équipe destinée aux réfugiés. Il garde toujours un caractère plus national et serait plutôt lié aux libéraux « indigènes » ou venus en Macédoine durant les Guerres balkaniques. En entrant en concurrence avec l’Aris sur le plan sportif, le PAOK remet en cause à la fois la domination de l’Aris sur les quartiers ouest (fortement peuplés de réfugiés), mais aussi la tendance « indigène » ou « autochtone » du Parti libéral de ville. Représentative de cette confrontation intestine est la lettre du grand dirigeant des vénizélistes de Thessalonique, président du Club des Libéraux de la ville, Konstantinos Aggelakis adressée à Venizélos en 1929, qui décrit les actions de Petros Levantis (président du PAOK) au sein du Parti contre sa candidature aux élections municipales :

  • 74 L’auteur du texte – certainement non-turcophone – a mal retranscrit du turc au grec en écrivant « M (...)
  • 75 « Lettre de Konstantinos Aggelakis à Elefthérios Venizélos », le 18 septembre 1929, retranscrite in (...)

Le lendemain a lieu la réunion et se présente le spectacle : député du Parti des Libéraux et Directeur d’un journal libéral qui fait autorité, M. Levantis fait irruption à plusieurs reprises dans la salle de réunion en disant aux quelques-uns assis : Dites Muhacir istiyorum74 ! C’est-à-dire, dites que nous voulons un candidat réfugié !!! […]
Pendant la période préélectorale la propagande de la division entre les indigènes et les réfugiés a atteint le Zénith. Des tracts circulaient en disant : réfugiés votez kyrkos car l’autochtone Aggelakis sera élu par les autochtones et les juifs seulement ainsi nous les réfugiés nous prendrons la mairie 75.

  • 76 ELIAS, Norbert, SCOTSON, John L., The Established and the Outsiders. A Sociological Enquiry into Co (...)

25Ce témoignage est caractéristique de l’ethnicisation des clivages politiques de l’entre-deux-guerres thessalonicien, où la mobilisation identitaire devient particulièrement forte. Ainsi, être réfugié devient selon l’élite vénizéliste (constantinopolitaine) synonyme de patriote, libéral, modernisateur, et dans la configuration de Thessalonique : réellement grec (et ce malgré la turcophonie de beaucoup d’entre eux). Nous pouvons donc percevoir ici une inversion de la configuration eliasienne classique76 : les nouveaux venus deviennent les established, quand les locaux sont les outsiders.

3. Le PAOK et la mémoire réfugiée

  • 77 Cfr. SALVANOU, Aimilia, Η συκρότηση της προσφυγικής μνήμης [La formation de la mémoire réfugiée], A (...)
  • 78 VOUTIRA, Eftihia, Refugees: whose term is it anyway? Emic and etic constructions of “refugees” in M (...)
  • 79 VOUTIRA, Eftihia, When Greeks Meet Other Greeks. Settlement Policy Issues in the Contemporary Greek (...)

26Considérer l’histoire du PAOK aujourd’hui, c’est rappeler son histoire réfugiée. Que ce soit son président pontique ou les supporters antifascistes de la tribune Gate 4, tous partagent une même mémoire dite « réfugiée ». Dans la société grecque où le traumatisme de la « Catastrophe » de 1922 n’a toujours pas été dépassé et a même été ravivé dans les années 198077, le mot réfugié est encore largement employé comme adjectif se référant à la réalité de l’entre-deux-guerres. En outre, la condition de réfugié a formé le substantif προσφυγιά, largement réemployé dans le champ sportif par le PAOK, l’AEK, le Panionios, l’Apollon Smyrne, parfois même de manière concurrente : réfugié devenant un label d’honneur. En effet, malgré le choc, l’anomie des premières années et le traumatisme sur le long terme, l’histoire des réfugiés d’Asie Mineure a été communément construite comme une success story, du fait d’une supposée réussite de l’intégration des Micrasiates dans l’État-nation grec78. Mais d’une certaine manière, nous pourrions même considérer qu’ils font l’intégration des « Nouveaux Territoires » dans l’État-nation. Ainsi, dans un discours de 1954 à la Loge pontique [Ποντιακή Εστία], Leonidas Iassonidis aurait déclaré que « réfugié est un terme honorant et qu’il faut insister là-dessus. Non seulement nous les vrais réfugiés, mais aussi les enfants de nos enfants », car ils sont à l’origine de l’hellénisation de la Grèce du Nord79. Ce serait donc une identité réfugiée héréditaire qui s’est formée dans le contexte de l’entre-deux-guerres.

  • 1
  • 81 Pour la construction d’un « discours public » réfugié par les associations, cfr. KAMOUZIS, Dimitris (...)
  • 82 KITROEFF, Alexander, Wrestling with the Ancients: Modern Greek Identity and the Olympics, New York, (...)
  • 83 KITROEFF, Alexander, Greece and the 1904 American Olympics, in BROWNELL, Susan (ed.), The 1904 Anth (...)
  • 84 Sur la notion d’hellénisme, cfr. SIGALAS, Nikos, Hellénistes, hellénisme et idéologie nationale. De (...)
  • 85 BALTAS, Andreas, op. cit., p. 242.

27Le fait associatif permet l’intégration de réfugiés dans des structures d’entraide après 1922 dans un moment d’anomie (de délitement du lien social, mais aussi de faiblesse institutionnelle), notamment en vue de l’obtention de droits donnés collectivement80. Quant au sport en tant que tel, il est vu comme un moyen libéral et moderne de combattre cette anomie et ses conséquences sociales. Les associations sportives réfugiées sont donc perçues comme étant l’une des raisons de cette réussite de l’intégration nationale des réfugiés. Cependant, sur le plus long terme, elles diffusent aussi des « discours publics » sur « l’hellénisme micrasiate » qui se confond avec la condition réfugiée81. À cela s’ajoute le facteur sportif, recréant un lien idéologique avec le sport antique et donc la filiation des Grecs modernes avec leurs supposés ancêtres antiques. C’est là une construction entamée dès les Jeux Olympiques de 189682, mais qui est soutenue et répétée durant tout le début du xxe siècle83. L’intense activité sportive des Rum de l’Empire ottoman, serait ainsi reliée à une supposée filiation avec l’Ionie, preuve inhérente de leur hellénisme84. Cet héritage est par la suite transféré en Grèce même et perpétué par leurs pratiques et leurs rites qui seraient autant de preuves de cet héritage antique85.

  • 86 SALVANOU, Aimilia, op. cit., p. 114.
  • 87 BALTAS, Andreas, op. cit., pp. 263-266.

28Cette référence à l’histoire et au sens des origines du club est le fruit de ces constructions identitaires et communautaires que nous avons évoqués précédemment. Dès l’entre-deux-guerres, un club comme le PAOK devient, par le fait de ses dirigeants et de leurs motivations politiques, une « communauté de deuil86 » qui réactive constamment le souvenir des patries perdues des populations réfugiées. Mais cet investissement mémoriel se fait par les Constantinopolitains qui agissent ici comme des « médiateurs d’une mémoire » que le reste des réfugiés ne parviendrait pas à exprimer. Ils établissent le passage d’une mémoire locale, celle du lieu d’origine des réfugiés, qui a été leur patrie réelle, à une mémoire réfugiée englobante, fortement liée à un caractère national du genos grec, lui-même relié à l’antiquité, mais avec des références symboliques byzantines comme Sainte Sophie, l’aigle bicéphale ou la Ville, qui ont ici un usage métonymique. Ce qui vaut pour Constantinople, capitale impériale, vaut aussi pour n’importe quel village du Pont. Ceci est perceptible dans le discours de Vamvakas, où le stade du PAOK devient un lieu de mémoire pour tous les réfugiés : « pour l’érection du stade [du PAOK] de Thessalonique qui est un morceau de la Ville, de Smyrne, de Trébizonde etc. ». Les références constantinopolitaines peuvent donc, selon ce principe, inclure des réalités tout aussi différentes que celles de Smyrne ou de Trébizonde, qui ont pourtant aussi été dans des logiques de concurrence et d’antagonisme avec les Rum de la capitale. Cette mémoire qui se réfère aux petites patries d’avant l’échange est donc remplacée par une mémoire plus vaste, inclusive et nationale, dont le stade (et le club de manière générale) est le lieu de mémoire87.

29Le PAOK et son stade deviennent un point de rencontre pour tous les réfugiés de la ville les dimanches pour voir jouer leur équipe « panthessalonicienne » composée de joueurs venus de leurs quartiers. Les transports en commun étant peu développés à l’époque, les spectateurs venus à pied des faubourgs réfugiés consacrent toute la journée de leur repos dominical au PAOK. Les matches des jeunes commencent avant le midi, puis suit celui de la deuxième équipe, avant le match de l’équipe première du PAOK en début d’après-midi. De cette journée entière consacrée au PAOK, durant laquelle le pain aurait eu le temps de rassir viendrait l’expression célèbre : « du PAOK et du pain dur », une devise toujours régulièrement répétée, symbole du rapport étroit qu’entretiendrait le PAOK avec le monde réfugié. Cependant, si son stade devient vite un lieu de mémoire pour les réfugiés de la ville, en revanche l’histoire de sa construction sur le cimetière dönme de la ville (là où se situe aujourd’hui la faculté de théologie de l’université Aristote) est totalement absente de la mémoire collective du club ou de Thessalonique.

4. Les syndromes d’une marginalisation : victimes élitistes de l’État-nation et contradictions macédoniennes

  • 88 MAVROGORDATOS, Giorgos, CHATZIIOSIF, Christos (eds.), Βενιζελισμός και αστικός εκσυγχρονισμός [Véni (...)
  • 89 MAZOWER, Mark, « The Refugees, the Economic Crisis and the Collapse of Venizelist Hegemony, 1929-19 (...)

30Les Constantinopolitains que nous avons étudiés à travers le PAOK agissent finalement comme des intermédiaires du vénizélisme dans le cadre de ce processus de conquête sur la longue durée du nord de la Grèce, par son homogénéisation et donc sa nationalisation. Ce processus s’inscrit dans la politique de Venizélos dite de « modernisation bourgeoise » de la Grèce88, qui forge de nouvelles identités et de nouveaux clivages en Grèce. Les Constantinopolitains apparaissent comme les relais de cette politique nationaliste et libérale à Thessalonique. Ils accompagnent ainsi ce processus du vénizélisme conquérant en participant à la création d’une nouvelle hégémonie en Grèce du nord dont ils sont en quelque sorte les « persuadeurs permanents » et le PAOK leur appareil idéologique. Cette nouvelle hégémonie vénizéliste qu’ils tentent de mettre en place est pour eux un moyen d’accomplir par la même occasion leurs ambitions politiques de domination sur les réfugiés, sur Thessalonique et finalement sur la Grèce tout entière89. Cependant, ces Constantinopolitains ont fait le choix de s’implanter à Thessalonique. Un choix des plus évidents pour des sujets ottomans aux représentations toujours impériales. Néanmoins, ils sont les acteurs d’une nationalisation progressive de la Grèce du nord qui ne peut que très logiquement les reléguer au second plan. De manière inhérente, l’État-nation sur un modèle occidental qu’impose Venizélos ne peut admettre plusieurs centres de pouvoir. Thessalonique est très vite condamnée à ne plus être qu’une capitale provinciale, certes symboliquement co-capitale du pays, mais dont la concentration de pouvoirs et d’activités n’est bientôt aucunement comparable à Athènes.

  • 90 GASSIAS, Giorgos, op. cit., pp. 96-97.

31Le PAOK est le reflet des ambitions des Constantinopolitains. Il est l’expression sportive de leur désir de domination politique. Dès sa création, le club doit dominer le champ sportif thessalonicien, puis national. Pourtant, par la force des choses, il est contraint de suivre la voie de Thessalonique, soit une marginalisation progressive qui laisse généralement une impression de décadence. En effet, de la même manière que dans le champ politique, les sports sont très vite dominés par les équipes athéniennes. Pour le football, c’est à Athènes que se concentrent les institutions, ce sont les trois grands clubs athéniens, réunis en un trust, le POK (Groupe de football du Centre, mais qui est aussi la synthèse de Panathinaïkos – Olympiakos – AEK) qui ont la main sur l’arbitrage et les décisions de la ligue90. Le POK se maintient durablement dans l’imaginaire grec, encore aujourd’hui, comme étant la structure impossible à briser, indéfiniment gardienne des institutions du football, cristallisant ainsi les rancœurs des autres clubs du pays.

32Quand le PAOK se renforce en 1929 et se sent capable de concurrencer à la fois les grands clubs de Thessalonique, mais aussi ceux d’Athènes, il se heurte à la domination implacable de ce POK. Face à cela, le PAOK réagit en faisant de chaque déplacement athénien à Thessalonique un calvaire, tant pour les joueurs que pour les institutions. La Macédoine est désignée par « là-haut », quand Athènes devient « en bas ». Ainsi en janvier 1931, «Αθλητικός Τύπος» [«la Presse sportive»] basée à Athènes écrit après un match PAOK - Panathinaïkos :

  • 91 La Presse sportive, 28 janvier 1931.

Nouvelle bastonnade d’arbitre est annoncée à Thessalonique et d’après ce qu’on voit ce n’est malheureusement ni la première, ni la dernière, car là-haut c’est désormais devenu une chose naturelle de taper sans merci un arbitre qui n’est pas censé satisfaire les supporters de telle ou telle équipe. Et tout cela durant un match amical. Mais que va-t-il se passer durant les grands matches, comme ceux du championnat national, si par malheur un arbitre contredit les connaissances techniques des fauteurs de troubles des stades ? Est-ce possible que cette situation continue indéfiniment et que les autorités restent ainsi sans broncher devant les barbaries de quelques psychopathes ? Et la police de Thessalonique ne va-t-elle jamais réussir à assurer l’ordre durant les matches en imposant la loi avec sévérité ? Déjà la capitale et, après hésitations nous le disons, le Pirée ont été libérés des bastonnades honteuses des arbitres. La Macédoine reste donc la seule à prouver elle aussi que ses supporters ne manquent ni de civilisation, ni de sentiments sportifs91.

  • 92 TODOROVA, Maria, Imagining the Balkans, Oxford, Oxford University Press, 2009, pp. 3-20.

33Ce sont là des lieux communs sur la barbarie des Grecs du nord qui reviennent (et ce jusqu’à aujourd’hui) comme des Leitmotivs. Ces arguments d’Athènes contre le nord se fondent sur des épisodes de violence avérés, voire voulus, mais ils se raccrochent aussi à une longue tradition d’un orientalisme balkanique92, qui lierait les Thessaloniciens aux « Balkaniques » quand Athènes serait déjà devenue moderne, occidentale, européenne. Cette altérisation des Grecs du nord par la capitale est très liée aussi aux représentations véhiculées durant le Schisme national par le camp monarchiste (dont le cœur reste Athènes) opposé au rattachement des « Nouveaux Territoires » et des réfugiés à la nation. Ces nouveaux grecs seraient par définition des faux grecs. D’où l’association faite très rapidement avec l’étranger, le barbare et donc forcément le Bulgare.

  • 93 D. Drenos fait une compilation assez représentative de tous ces chants et ces slogans anti-grecs, c (...)
  • 94 C’est le cas par exemple de Yannis Androulidakis, anarcho-syndicaliste d’Athènes, qui devient suppo (...)
  • 95 N. Ioannidis décrit les violences policières subies par les supporters du PAOK en déplacement à Ath (...)
  • 96 Notons par exemple cet article a titre provocateur, expliquant le soulèvement des supporters du PAO (...)
  • 97 IOANNIDIS, Nikos, op. cit., pp. 62-64.
  • 98 ATREIDIS, Grigoris, « Σύνδρομο στέρησης » [Syndrome de la privation], in PAOK24, 1er décembre 2017. (...)

34Cette marginalisation progressive a conduit les PAOKtsides à adopter bien souvent une attitude très provocatrice vis-à-vis du nationalisme grec, en faisant l’apologie du général ottoman Omer Vrioni au stade, en déroulant une banderole « vous êtes des Grecs et ça se voit »93 ou encore en arborant un drapeau bulgare « PAOK GATE4 Bulgaria » quand ils jouent contre une équipe du « sud ». On devient supporter du PAOK parce qu’on est Grec du nord et que le PAOK représente désormais la Macédoine et toutes ses classes. Mais on le devient aussi en s’opposant au pouvoir central. C’est ainsi qu’un Athénien peut être PAOKtsis par réaction à ce qui est dominant, comme une expression de solidarité profonde à l’égard de ceux qui subissent une constante injustice94. Une injustice qui serait vécue au quotidien pour le monde du PAOK95, mais dans le même temps par une Grèce du nord oubliée et marginalisée par un État athénocentré, de sorte que les discours sportifs se mêlent intrinsèquement à des discours perçus comme régionalistes (voire autonomistes à certains moments)96. La contradiction peut apparaître profonde, pourtant un supporter du PAOK au quotidien peut très bien tendre vers le nationalisme grec sur la question macédonienne, mais une fois au stade, dans ce cadre qui mêle le carnavalesque et le revendicatif, réclamer de nouvelles frontières avec « l’État athénien », accepter la présence du drapeau bulgare et changer les paroles de l’hymne national, au nom du PAOK97, « au-dessus des nations ». Néanmoins, dans cet enchevêtrement complexe d’expressions politiques et identitaires, l’élitisme constantinopolitain reste toujours quelque peu perceptible : les échecs du PAOK ne peuvent en aucun cas être le fait du PAOK lui-même, il est toujours dû à un facteur extérieur, généralement un complot contre le club que certaines forces ne souhaiteraient pas voir gagner. C’est ce qui est vaguement désigné dans les médias sportifs comme un « syndrome du PAOK » 98, qui le mènerait irrémédiablement à la défaite. Pourtant, il semble toujours impossible que l’équipe de l’élite constantinopolitaine ne surpasse pas toutes les autres, quand bien même elle est devenue celle des marginaux.

5. Conclusion

35Dans cette étude, nous avons choisi de traiter la violence comme un fait social de manière empirique, sans en proposer de vision systématique, afin de la percevoir comme un moyen d’action au sein d’une configuration politique et de rapports de force donnés. Ainsi, nous pouvons dire que le PAOK a fait le choix de garder une mémoire victimaire de la violence de son histoire, que ce soit par la mémoire du traumatisme réfugié ou de la domination de « l’État athénien ». Elle lui est nécessaire dans ses confrontations régulières avec les institutions sportives pour clamer l’injustice que le club subit de manière diachronique. Quant aux groupes de supporters, ils font généralement le choix d’adopter un récit héroïque de leur histoire, en se remémorant les grandes dates des « batailles » gagnées sur d’autres équipes, sur d’autres supporters. Le souvenir des confrontations politiques du Schisme national ou des violences antisémites est totalement éclipsé aujourd’hui. Il n’en subsiste finalement que des traditions et des identités antagonistes, régulièrement réactivées, mais qui sont le fruit de cette période. Si les réponses d’une telle problématique semblent parfois inabouties, elles interrogent tout de même le phénomène du nationalisme grec et du régionalisme macédonien dans ces contradictions entre zèle national et marginalités contestataires.

Torna su

Note

1 Sur la mémoire de la « Catastrophe », de l’échange de populations et des « patries perdues ». cfr.: LIAKOS, Antonis, Το 1922 και εμείς1922 et nous »], in Το 1922 και οι πρόσφυγες. Μια νέα ματιά [1922 et les réfugiés. Un nouveau point de vue], Athina, Nefeli, 2011, pp. 11-23 ; EXERTZOGLOU, Harris, Η ιστορία της ̟ροσφυγικής µνήµης [« L’histoire de la mémoire réfugiée »], in LIAKOS, Antonis (ed.), op. cit., pp. 191-202, p. 193 ; BALTA, Evangelia, The Exchange of Populations. Historiography and Refugee Memory, Istanbul, Istos, 2014, p. 23-43 ; KITROMILIDES, Paschalis, Ιδεολογικές πτυχές του προσφυγικού φαινομένου  [Aspects idéologiques du phénomène réfugié], in KARAPANOU, Anna (ed.), Η Αττική υποδέχεται τους πρόσφυγες του ’22 [L’Attique reçoit les réfugiés de [19]22], Fondation du Parlement grec, 2006, pp. 38-43.

2 Sur les transformations structurelles de l’oligarchie grecque que représenterait Ivan Savvidis, cfr.: KLAPP, Alexander, « The New Greek Oligarchy », in The American Interest, 5 janvier 2018, URL : < https://www.the-americaninterest.com/2018/01/05/new-greek-oligarchy/ > [consulté le 30 avril 2020].

3 Les études sur les Pontiques qui ne sont pas en langue grecque sont assez peu nombreuses. Nous pouvons néanmoins citer : BRUNEAU, Michel (Eds.), Les Grecs pontiques. Diasporas, identités, territoires, Paris, CNRS éditions, 1998.

4 Κατάληψη των γραφείων της ΠΑΕ ΠΑΟΚ από οπαδούς της ομάδας, 5 mai 2006, URL: < https://www.in.gr/2006/05/05/sports/football/katalipsi-twn-grafeiwn-tis-pae-paok-apo-opadoys-tis-omadas/ > [consulté le 30 avril 2020].

5 GYURU, Rémy, le match du jour, 1er octobre 1992 : PAOK-PSG, Paris dans l’enfer de Salonique, URL : < http://www.paris-canalhistorique.com/le-match-du-jour-1er-octobre-1992-paok-psg-paris-dans-lenfer-de-salonique/ > [consulté le 30 avril 2020].

6 TSIPTSIOS, Lukas, «Le football, enjeu-politique de premier plan en Grèce», in l’Humanité, 23 mars 2018, URL: < https://www.humanite.fr/le-football-enjeu-politique-de-premier-plan-en-grece-652521 > [consulté le 30 avril 2020].

7 Cfr. KONSTANTINIDIS, Konstantinos, « Ο οπαδός αμφιβάλλει αν είναι αρσενικό » sur le supportérisme et l’animalité en général sur un dossier sur la violence de Pantelis VLACHOPOULOS, Ilias KALLONAS dans Sport24, URL : < http://longform.sport24.gr/via > [consulté le 30 avril 2020].

8 Un quartier à l’ouest de Thessalonique habité par un grand nombre de Roms.

9 Il existe des groupes de supporters du PAOK à Berlin, Dortmund, Düsseldorf, Francfort, Hanovre, Lüdenscheid, Munich, Reutlingen, Stuttgart, Troisdorf. Cfr.: URL: < https://www.paokfc.gr/sundesmoi-filathlon/> [consulté le 30 avril 2020].

10 Sur les injures dans les stades grecs, cfr. KOTARIDIS, Nikos, SIDERIS, Nikos, Το παιχνίδι και ο φανατισμός της κερκίδας , in ZAÏMAKIS, Yiannis, KOTARIDIS, Nikos (eds.), Ποδόσφαιρο και κοινότητες οπαδών : αντιπαλότητες και πολιτικές της ταυτότητας [Football et communautés de supporters: rivalités et politiques de lidentité], Athènes, Plethron, 2013, pp. 143-159.

11 Le dictionnaire du linguiste G. Babiniotis avait connu une certaine médiatisation du fait de son article sur le mot « Bulgare », dont la deuxième définition était : « (insult.) le supporter ou le joueur d’une équipe de Thessalonique (généralement du PAOK) ». BABINIOTIS, Georgios, Lexique de la langue néo-hellénique, Athènes, Centre de lexicologie, 1998. L’affaire a eu par la suite des conséquences juridiques qui ont mené jusqu’à la Cour de cassation (ΟλΑΠ 13/1999), mais elle est également remobilisée dans les antagonismes de supporters au stade, cf. TSIBOGIANNI, Maria, Ταυτότητα και αντιπαλότητα στους οπαδούς του Ολυμπιακού. Γκράφιτι και τραγούδια [Identité et conflits des supporters de l’Olympiakos. Graffitis et chants], in ZAÏMAKIS, Yiannis, KOTARIDIS, Nikos (eds.), op. cit., pp. 273-290, p. 284.

12 Expression utilisée par le président de l’AEK Athènes à l’encontre des supporters du PAOK, URL : < http://www.gazzetta.gr/football/superleague/article/1222459/melissanidis-mono-mao-mao-ta-kanoyn-ayta-einai-mao-mao-tolmisoyn-vid > [consulté le 30 avril 2020].

13 Dans le champ français nous pouvons citer par exemple BROHM, Jean-Marie, PERELMAN, Marc, Le football, une peste émotionnelle. La barbarie des stades, Paris, Gallimard, 2006.

14 BALTAS, Andreas, Προσφυγικά αθλητικά σωματεία στον Μεσοπόλεμο, 1922-1940 [Associations sportives de réfugiés dans l’entre-deux-guerres, 1922-1940], Thèse de doctorat soutenue à l’Université Panteion d’Athènes, 2020 ; KITROEFF, Alexander, Ελλάς, Ευρώπη, Παναθηναϊκός! 100 χρόνια ελληνικής ιστορίας, 1908-2008, New York, Greenworks, 2010 ; ZAÏMAKIS, Yiannis, KOTARIDIS, Nikos (eds.) op. cit. ; ZAÏMAKIS, Yiannis, Εργοτέλης 1929-2009. Ψηφίδες της αθλητικής και κοινωνικής ιστορίας ενός φιλοπρόοδου σωματείου [Ergotelis 1929-2009. Tessons d’une histoire sportive et sociale d’un club progressiste], Athènes, Alexandreia, 2010.

15 KOULOURI, Christina, Αθλητισμός και όψεις της αστικής κοινωνικότητας. Γυμναστικά και αθλητικά σωματεία (1870-1922) [Sport et société bourgeoise. Les associations sportives en Grèce 1870-1922], Athènes, Centre d’études néohelléniques, 1997, p. 10.

16 KARAKASIDOU, Anastasia N., Fields of Wheat, Hills of Blood. Passages to Nationhood in Greek Macedonia, 1870-1990, Chicago - London, The University of Chicago Press, 1997.

17 Le Schisme national désigne la rivalité entre le premier ministre Elefthérios Venizélos et le roi Constantin Ier au sujet de l’entrée en guerre de la Grèce dans la Première Guerre mondiale. Cet antagonisme se prolonge et clive durablement le pays. Pour comprendre cette division dans l’entre-deux-guerres, cfr. MAVROGORDATOS, Giorgos, Stillborn Republic : Social Coalitions and Party Strategies in Greece, 1922-1936, Berkeley, University of California Press, 1983.

18 TSIPTSIOS, Lukas, Le PAOK et l’élite de la Ville. Sport, réfugiés et vénizélisme dans la Thessalonique de l’entre-deux-guerres (1922-1936), Mémoire de Master en histoire, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Paris, 2019.

19 ANAGNOSTAKIS, Manolis, « Σελίδες της ποδοσφαιρικής αυτοβιογραφίας μου [Pages de mon autobiographie footballistique] », in To Tetarto, 15, 2/1986, pp. 14-15.

20 IOANNIDIS, Nikos, Μια εποχή στο τσιμέντο [Une époque sur le ciment], Athènes, Topos, 2017.

21 Pour une histoire des Constantinopolitains et du nationalisme grec dans l’Empire ottoman, ainsi que leur venue en Grèce, cfr. KAMOUZIS, Dimitris, The Constantinopolitan Greeks in an Era of Secular Nationalism, mid-19th century to 1930, Londres, Thèse de doctorat en histoire, King’s College London, Londres, 2010.

22 KAMOUZIS, Dimitris, ΑπόΣωτήρας της φυλής”, “ευεργετής των Τούρκων: Ο Βενιζέλος και η εθνικιστική ηγετική ομάδα των Ρωμιών της Κωνσταντινούπολης, 1918-1930 [De sauveur de la race à bienfaiteur des Turcs”: Venizélos et la direction du groupe nationaliste des Rum de Constantinople, 1918-1930] », Δελτίο Κέντρου Μικρασιατικών Σπουδών, 17, 2011, pp. 151-193.

23 Concernant le mépris des Rum de l’Empire à l’égard des Grecs d’Athènes au xixe siècle, cfr. BOUQUET, Olivier, Un Rum aux pays des Hellènes. Constantin Musurus, premier représentant permanent de la Sublime Porte à Athènes (1840-1848) , in Society, Politics and State Formation in Southeastern Europe during the 19th Century, Athènes, Alpha Bank Historical Archives, 2011, pp. 338‑369.

24 Makedonia, 27 février 1926.

25 THEOFYLAKTOS, Theofylaktos, Γύρω στην άσβεστη φλόγα, βιογραφικές αναμνήσεις. Αγώνες για την ανεξαρτησία του Πόντου [Autour de la flamme inextinguible, souvenirs biographiques. Combats pour l’indépendance du Pont], Thessalonique, Frères Kyriakidis, 1958.

26 Pour une vue plus précise sur le PAOK en tant que moyen de politisation des réfugiés dans l’entre-deux-guerres, cf. TSIPTSIOS, Lukas, « “Bizim PAOK” : réfugiés, sport et vénizélisme dans la Thessalonique de l’entre-deux-guerres », in European Journal of Turkish Studies, 26, 1/2018, URL: < http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ejts/5615 > [consulté le 30 avril 2020].

27 GRANOVETTER, Mark, « The Strength of Weak Ties », in American Journal of Sociology, 78, 6/1973, pp. 1360‑1380.

28 Cfr. BALTAS, Andreas, op. cit., pp. 18-36.

29 ZAÏMAKIS, Yiannis, PETRE, Ben, « Cultural Imperialism and Sport in the Eastern Mediterranean and Crete: The Role of British Forces (1880-1912) », in Cretika Chronika, 36, 2016, pp. 183‑205.

30 La Ville désigne communément Istanbul en grec quand le mot est employé avec une majuscule, tout comme l’Urbs désigne Rome pour les Romains. Le même sens était donné à « Shehir » en turc ottoman. Cfr. İNALCIK, Halil, « Istanbul »in BEARMAN, Peri, BIANQUIS, Thierry, BOSWORTH, Clifford Edmund, VAN DONZEL, Emeri, Encyclopaedia of Islam, Second Edition, URL : < http://0-dx-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/1573-3912_islam_COM_0393 > [consulté le 30 avril 2020].

31 Makedonia, 13 décembre 1930.

32 Makedonia, 28 juin 1931.

33 MAVROGORDATOS, Giorgos, op. cit., pp. 5-6.

34 Makedonia, 5 juillet 1926.

35 Ibidem.

36 Le Journal des Balkans, 29 juillet 1926.

37 CENTRE D’HISTOIRE DE THESSALONIQUE, Πανθεσσαλονίκειος Αθλητικός Όμιλος Κωνσταντινουπολιτών - ΠΑΟΚ 1926-2006 [Club sportif panthessalonicien des Constantinopolitains - PAOK 1926-2005], Thessalonique, Centre d’histoire de Thessalonique, 2005, p. 38.

38 Ibidem.

39 IOANNIDOU, Eleni, « Τα αθλητικά σωματεία των προσφύγων στη Θεσσαλονίκη του Μεσοπολέμου [Les associations sportives des réfugiés à Thessalonique dans l’entre-deux-guerres] », in Θεσσαλονικέων Πόλις, 15, 2004, pp. 34‑113.

40 Konstantinos Tziaras décrit une multiplication par 17 de la criminalité thessalonicienne entre août 1922 et octobre 1922. Cf. TZIARAS, Konstantinos, « Δε μας τρομάζει ο θάνατος, μας τρομάζει η πείνα. Ηκίνησις της εγκληματικότητοςστη Θεσσαλονίκη κατά την περίοδο της έλεθσης των μικρασιατών προσφύγων του 1922 [Nous navons pas peur de la mort, nous avons peur de la faim. L’évolution de la criminalité à Thessalonique dans la période de l’arrivée des réfugiés micrasiatiques de 1922] », in AVDELA, Efi, ALVANOS, Raymondos, KOUSOURIS, Dimitris, CHARALAMBIDIS, Menelaos (eds.), Η Ελλάδα στο Μεσοπόλεμο. Μετασχηματισμοί και διακυβεύματα [La Grèce dans l’entre-deux-guerres. Transformations et enjeux], Athènes, Alexandreia, 2017, pp. 211-232.

41 BAKHTINE, Mikhaïl, François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance, Paris, Gallimard, 1982. Pour l’usage de ce concept pour une analyse du football, cfr.: HOY, Mikita, « Joyful mayhem : Bakhtin, football songs, and the carnivalesque », in Text and Performance Quarterly, 14, 4/1994, pp. 289-304.

42 BROMBERGER, Christian, HAYOT, Alain, MARIOTTINI, Jean-Marc, Le Match de football: Ethnologie dune passion partisane à Marseille, Naples et Turin, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1995, pp. 207-259.

43 KOULOURI, Christina, op. cit., p. 11 ; GASSIAS, Giorgos, Η περίπτωση των ποδοσφαιρικών σωματείων στην Ελληνική κοινωνία του μεσοπολέμου, 1922-1936 [Le cas des clubs de football dans la société grecque de l’entre-deux-guerres, 1922-1936], Réthymnon, Mémoire de recherche à l'Université de Crète, 2005.

44 Fardis utilise ici le terme marida, qui est un petit poisson. Métaphoriquement cela désigne la populace dont l’importance est insignifiante.

45 Makedonia, 8 janvier 1932.

46 KYPRIANOS, Pantelis, CHOUMERIANOS, Manolis, Ανατομία των ποδοσφαιρικών παθών [Anatomie des passions du football], Athènes, Dionikos, 2009, pp. 106-107.

47 HANIOĞLU, Şükrü, Atatürk : une biographie intellectuelle, Paris, Fayard, 2016, p. 52 ; HANIOĞLU, Şükrü, The Young Turks in Opposition, New York - London, Oxford University Press, 1995, pp. 22-23

48 MARGARITIS, Giorgos, Ανεπιθύμητοι συμπατριώτες [Compatriotes indésirés], Athènes, Bibliorama, 2005; FLEMING, Katherine E., Juifs de Grèce (XIX-XXe siècle), Paris, PUPS, 2010 ; NAAR, Devin E., Jewish Salonica : Between the Ottoman Empire and Modern Greece, Stanford, Stanford University Press, 2016 ; PAPAMICHOS CHRONAKIS, Paris, « De-Judaizing a Class, Hellenizing a City : Jewish Merchants and the Future of Salonica in Greek Public Discourse, 1913-1914 », in Jewish History, 28, 3-4/2014, pp. 373‑403.

49 FLEMING, Katherine E., op. cit., p. 172.

50 Cfr. TREMOPOULOS, Michalis, Τα τρία Ε (ΕΕΕ) και ο εμπρησμός του Κάμπελ [Les trois E (EEE) et l’incendie de Campell], Thessalonique, Antigone, 2018. Cette interprétation est néanmoins complexifiée par Devin Naar qui au contraire pose la question d’une violence déchaînée à la suite d’une intégration perçue comme trop réussie d’une partie de la population juive de la ville, arguant en outre du patriotisme grec du Maccabi. NAAR, Devin, « The Boundaries of Hellenism. Language and loyalty among Salonican Jewry, 1917-1933 », in KERIDIS, Dimitris, KIESLING, John Brady (eds.), Thessaloniki A City in Transition, 1912–2012, Abingdon - New York, Routledge, 2020, pp. 155-168.

51 Seul Michalis Tremopoulos pointe dans sa monographie quelques liens des dirigeants du PAOK avec l’organisation EEE (op. cit., pp. 76, 90-92). En effet, le fils de Georgios Kosmidis dirigeant de la EEE, Ioannis Kosmidis, lui-même futur collaborateur des nazis, est membre du Conseil d’administration du PAOK, cf. IAM-GAK, Archives du tribunal de première instance de Thessalonique, dossier 1352, « PAOK », « Catalogue des membres présents lors de l’assemblée générale extraordinaire du 19 avril 1931 ».

52 Pour une analyse plus détaillée de Bara en tant que « zone grise » et du système de la prostitution thessalonicienne, cfr. TZIARAS, Konstantinos, Τα λαϊκά στρώματα στη Θεσσαλονίκη του μεσοπολέμου (1922-1940): κοινωνική και πολιτική διάσταση της φτώχειας [Les couches populaires à Thessalonique dans l’entre-deux-guerres (1922-1940): dimension sociale et politique de la pauvreté], Thèse de doctorat soutenue à l’Université Aristote de Thessalonique, 2017, pp. 550-564.

53 Compte-rendu du Conseil d’administration de la EEE 1929-1932, p. 5.

54 NAAR, Devin E., op. cit., p. 242 ; cfr. carte du cimetière in SOLOU, Teti, « Η καταστροφή του εβραϊκού νεκροταφείου και ο αφανισμός της εβραϊκής κοινότητας της Θεσσαλονίκης [La destruction du cimetière juif et l’annihilation de la communauté juive de Thessalonique] », in Huffington Post Greece, 21 janvier 2017, URL : < https://www.huffingtonpost.gr/tety-solou/-_9573_b_14284198.html > [consulté le 30 avril 2020].

55 Rizospastis, 25 juin 1933.

56 TSIPTSIOS, Lukas, Le PAOK et l’élite de la Ville, cit., pp. 87-91.

57 Ibidem, pp. 126-131.

58 TANILLI, Server, Fiers-à-bras et mauvais garçons à Istanbul au siècle dernier, in GEORGEON, François, DUMONT, Paul (Eds.), Vivre dans l’Empire ottoman. Sociabilités et relations intercommunautaires (xviiie-xxe siècles), Paris, L’Harmattan, 1997, pp. 115-122.

59 Ernest Hébrard est l’architecte français nommé par le ministre Papanastassiou pour reconstruire Thessalonique le lendemain de l’incendie de 1917. Il avait comme projet de construire à la place du cimetière un grand parc avec en son centre la nouvelle université de la ville.

60 Jacques Ancel, géographe français, défendait « une Salonique toute autre – grecque et moderne » : « C'est dans ce quartier, déblayé, que s'édifierait le « centre d’éducation ». Au milieu des espaces de verdure, des parcs, qui remplaceraient les collines nues, semées seulement des tombes turques ou israélites grimpant de la tour blanche à la citadelle, sera édifiée, dotée par les riches Grecs d'Amérique, et sur le modèle des universités verdoyantes d'Angleterre, la Nouvelle Université », ANCEL, Jacques, La Macédoine, étude de colonisation contemporaine, Paris, Delagrave, 1930, p. 303.

61 VASSILIKOU, Maria, « The Jewish Cemetery of Salonika in the Crossroads of Urban Modernisation and Anti-Semitism », in European Judaism: A Journal for the New Europe, 33, 1/2000, pp. 118-131, p. 121.

62 Entretien de Nikos Zouboulidis, Aggelioforos, 8 octobre 2001.

63 « Aris qui avait une grande puissance, tout comme l’Iraklis, ne nous ont pas laissé faire notre stade. Puisque vous êtes comme ça on va vous montrer nous aussi et on va le faire alla turca je me suis dit en moi. Écoute mon enfant ce que j’ai fait et tu ne vas pas y croire. Nous avons décidé de le construire nous-mêmes. suis allé dans les kafeneia [cafés] rassembler tous les daïdes de Vlagkas et de Kontoskali. Des palikaria [gaillards] de Constantinople, tous kountourades et faltsetades [argot pour signifier leur condition belliqueuse et marginale]. Comme ça j’ai organisé une équipe qui nous protégeait pendant que nous on faisait le stade». Ibidem.

64 « Comment Alkis a été enterré hier. Des milliers de gens l’ont accompagné. La police a pris des mesures d’urgence car beaucoup d’armes ont circulé », Makedonia, 9 février 1932, deux pages entières lui sont consacrées. Dans un des articles il est écrit : « Il n’a jamais fait le libéral pour satisfaire ses propres intérêts. Dans son tekke, il avait un portrait encadré de Venizélos. Il l’adorait. ». Plus loin dans l’article, il est fait mention du « deuil général » dans le quartier, notamment chez les prostituées qui font « une parade près de son cercueil et ont pleuré le mort ».

65 PETROPOULOS, Elias, Le Bordel, Athènes, Nefeli, 1980, p. 87 ; DAGKAS, Alexandros, Ο Χαφιές, Το κράτος κατά του κομμουνισμού [L’informateur. L’État contre le communisme], Athènes, Ellinika Grammata, 1995, pp. 51-68.

66 Compte-rendus des séances parlementaires, 1932, Séance 15, 10 décembre 1932, p. 106.

67 Michalis TREMOPOULOS, Τα τρία Ε (ΕΕΕ), cit., p. 285.

68 NAAR, Devin E., « The “Mother of Israel” or the “Sephardi Metropolis”? Sephardim, Ashkenazim, and Romaniotes in Salonica », in Jewish Social Studies, 22, 1/2016, pp. 81‑129.

69 ANTONIADIS, Alkis, NIKOLAKIS, Michalis, Ταυτότητα και πολιτική στις κοινότητες οπαδών του Άρη [Identité et politique dans les communautés de supporters de l’Aris], in ZAÏMAKIS, Yiannis, KOTARIDIS, Nikos (eds.), op. cit., pp. 315-340, p. 323. Antoniadis et Nikolakis postulent qu’à travers l’appellation de juifs (des supporters du PAOK envers l’Aris) et de Turcs (inversement), se construisent les figures de « l’Autre ».

70 CENTRE D’HISTOIRE DE THESSALONIQUE, Αθλητικός Σύλλογος ΑΡΗΣ 1914-2004 [Association sportive ARIS 1914-2004], Thessalonique, Centre d’histoire de Thessalonique, 2004, p. 51.

71 CENTRE D’HISTOIRE DE THESSALONIQUE, Γυμναστικός Σύλλογος « ΜΑΚΑΜΠΗ Θεσσαλονίκης » 1908-2010 [Association gymnique « MACCABI Thessalonique »], Thessalonique, Centre d’histoire de Thessalonique, 2010, pp. 22-24.

72 Lettre de l’Aris du 10 août 1925, reproduite depuis le Fonds Olympiakos in CENTRE D’HISTOIRE DE THESSALONIQUE, Αθλητικός Σύλλογος ΑΡΗΣ 1914-2004, cit., p. 31.

73 Ibidem, p. 26.

74 L’auteur du texte – certainement non-turcophone – a mal retranscrit du turc au grec en écrivant « Muacim etsiyorum ». Il est intéressant de noter ici l’emploi du mot muhacir qui signifie échangé et non réfugié.

75 « Lettre de Konstantinos Aggelakis à Elefthérios Venizélos », le 18 septembre 1929, retranscrite intégralement depuis le fonds de la famille Aggelakis dans l’ouvrage d’Hekimoglou. HEKIMOGLOU, Evaggelos, Ο Νικόλαος Μάνος και ο Μεσοπόλεμος στη Θεσσαλονίκη [Nikolaos Manos et l'entre-deux-guerres à Thessalonique], Thessalonique, University Studio Press, 2010, pp. 652-659.

76 ELIAS, Norbert, SCOTSON, John L., The Established and the Outsiders. A Sociological Enquiry into Community Problems, London, Frank Cass & Co, 1965.

77 Cfr. SALVANOU, Aimilia, Η συκρότηση της προσφυγικής μνήμης [La formation de la mémoire réfugiée], Athènes, Nefeli, 2018.

78 VOUTIRA, Eftihia, Refugees: whose term is it anyway? Emic and etic constructions of “refugees” in Modern Greek, in VAN SELM, Joanne, KAMANGA, Khoti, MORRISON, John, NADIG, Aninia, ŠPOLJAR-VIŽNA, Sanja, VAN WILLIGEN, Loes (eds.), The Refugee Convention at fifty: a view from forced migration studies, Lanham, Lexington Books, 2003, pp. 65-80.

79 VOUTIRA, Eftihia, When Greeks Meet Other Greeks. Settlement Policy Issues in the Contemporary Greek Context, in HIRSCHON, Renée (ed.), Crossing the Aegean. An Appraisal of the 1923 Compulsory Population Exchange Between Greece and Turkey, New York, Oxford, Berghahn Books, 2003, pp. 145-162, p. 149.

80

81 Pour la construction d’un « discours public » réfugié par les associations, cfr. KAMOUZIS, Dimitris, “Collective Representation, Memory and Refugee Identity: Asia Minor Greeks After 1923”, Symposium - 'Turkish - Greek Compulsory Population Exchange in its 90th Year: New Approaches, New Findings', Istanbul, 16-17 novembre 2013.

82 KITROEFF, Alexander, Wrestling with the Ancients: Modern Greek Identity and the Olympics, New York, Greekworks, 2004.

83 KITROEFF, Alexander, Greece and the 1904 American Olympics, in BROWNELL, Susan (ed.), The 1904 Anthropology Days and Olympic Games: Sport, Race and American Imperialism, Lincoln, University of Nebraska Press, 2008, pp. 302-323, p. 302.

84 Sur la notion d’hellénisme, cfr. SIGALAS, Nikos, Hellénistes, hellénisme et idéologie nationale. De la formation du concept d’“hellénisme” en grec moderne , in AVLAMI, Chryssanthi (ed.), L'Antiquité grecque au xixe siècle. Un exemplum contesté ?, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2000, pp. 239-291.

85 BALTAS, Andreas, op. cit., p. 242.

86 SALVANOU, Aimilia, op. cit., p. 114.

87 BALTAS, Andreas, op. cit., pp. 263-266.

88 MAVROGORDATOS, Giorgos, CHATZIIOSIF, Christos (eds.), Βενιζελισμός και αστικός εκσυγχρονισμός [Vénizélisme et modernisation bourgeoise], Athènes, Presses universitaires de Crète, 1992.

89 MAZOWER, Mark, « The Refugees, the Economic Crisis and the Collapse of Venizelist Hegemony, 1929-1932 », in Δελτίο Κέντρου Μικρασιατικών Σπουδών, 9, 1992, pp. 119‑134.

90 GASSIAS, Giorgos, op. cit., pp. 96-97.

91 La Presse sportive, 28 janvier 1931.

92 TODOROVA, Maria, Imagining the Balkans, Oxford, Oxford University Press, 2009, pp. 3-20.

93 D. Drenos fait une compilation assez représentative de tous ces chants et ces slogans anti-grecs, cfr. DRENOS, Dimitris, “Και ΠΑΟΚ να μην υπήρχεάλι ΠΑΟΚ θαμουνα”. Συνθηματικός λόγος και οπαδική ταυτότητα [“Et si PAOK n’existait pas, je serais quand même PAOK”. le discours des slogans et identité de supporters], in ZAÏMAKIS, Yiannis et KOTARIDIS, Nikos (eds.), op. cit., pp. 284-313.

94 C’est le cas par exemple de Yannis Androulidakis, anarcho-syndicaliste d’Athènes, qui devient supporter du PAOK quand étant enfant, son père lui dit que le PAOK a la meilleure équipe de Grèce, mais que le « pouvoir et la force sont toujours détenus par Athènes ». ANDROULIDAKIS, Yannis, « Το τενεκεδένιο ταμπούρλο » [Le tambour / Die Blechtrommel] , in Looper5, 25 avril 2020, URL : < https://www.looper5.org/2020/04/blog-post_25.html > [consulté le 30 avril 2020].

95 N. Ioannidis décrit les violences policières subies par les supporters du PAOK en déplacement à Athènes ou au Pirée (non sans lien avec les supporters adverses) : « Si tu as voyagé avec le PAOK […] tu as forcément entendu [de la part des policiers du maintien de l’ordre] sur ta mère, sur la Bulgarie, sur ta sœur, comment tu vas mourir et aller à l’hôpital au lieu du stade ». IOANNIDIS, Nikos, op. cit., pp. 36-39.

96 Notons par exemple cet article a titre provocateur, expliquant le soulèvement des supporters du PAOK en janvier 2020 par des raisons sociales profondes entre une Grèce du sud dirigé par une « caste d’armateurs », que représente symboliquement l’Olympiakos et son président, et un nord dominé et abandonné par l’État-nation grec, représenté par le club populaire du PAOK. Cette « caste » n’acceptant pas les recompositions oligarchiques de la Grèce et d’un éventuel renouveau de Thessalonique à travers notamment les investissements d’Ivan Savvidis. Cet article a été largement partagé par les réseaux de supporters du PAOK. AEGLETES COELISPEX, « Τα “σύνορα” των Τεμπών » [Les “ frontières “ de Tempé], in Publica, 30 janvier 2020, URL : < https://publica.gr/2020/01/30/3630/ > [consulté le 30 avril 2020]. Le fait de hisser des frontières à Tempé entre le Mont Olympe et la Thessalie est également un slogan courant des chants du PAOK. Ce qu’il faut comprendre c’est que dans la confrontation entre hommes d’affaires présidents de clubs, toute attaque – fondée ou infondée – contre Ivan Savvidis est perçue comme une attaque contre le PAOK (qui en subit les conséquences) et son « peuple ». Le politiste N. Marantzidis a finalement une approche assez similaire dans l’explication du phénomène social qu’est le PAOK dans la configuration créée par l’athénocentrisme de la Grèce, cf. MARANTZIDIS, Nikos, « Και ο ΠΑΟΚ να μην υπήρχε, εγώ ΠΑΟΚ θα ήμουν » [Et si le PAOK n’existait pas, moi je serais PAOK], in Kathimerini, 9 février 2020.

97 IOANNIDIS, Nikos, op. cit., pp. 62-64.

98 ATREIDIS, Grigoris, « Σύνδρομο στέρησης » [Syndrome de la privation], in PAOK24, 1er décembre 2017. URL: < https://www.paok24.com/podosfairo/107331/syndromo-sterisis > [consulté le 30 avril 2020].

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Per citare questo articolo

Notizia bibliografica digitale

Lukas Tsiptsios, «“Pour ton peuple et ton histoire nous ramènerons la violence au stade”: historicité et mémoire de la violence du PAOK»Diacronie [Online], N° 42, 2 | 2020, documento 2, online dal 29 juin 2020, consultato il 09 décembre 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/diacronie/13585; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11uhx

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Autore

Lukas Tsiptsios

Lukas Tsiptsios est étudiant au département d’histoire en quatrième année à l’ENS. Après une double-licence d’histoire et de science politique, il a fait son mémoire de Master à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne en histoire des relations internationales. Il est actuellement Teaching Fellow (lecteur normalien) au département de français de Columbia.
URL: < http://www.studistorici.com/progett/autori/#Tsiptsios >

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