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Comptes rendus de lecture

Jean-Claude Daumas dir., La mémoire de l’industrie. De l’usine au patrimoine

Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté. Les Cahiers de la Msh Ledoux, 2006, 426 pages.
Michel Letté
p. 243-244
Référence(s) :

Jean-Claude Daumas dir., La mémoire de l’industrie. De l’usine au patrimoine, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté. Les Cahiers de la Msh Ledoux, 2006, 426 pages.

Texte intégral

1L’ouvrage émane de la série « Intelligence territoriale », publiée dans la collection « les Cahiers de la Msh Ledoux ». L’auteur, Jean Claude Daumas, en est respectivement le responsable et le directeur. Organisateur du colloque Mémoire de l’industrie, tenu à Besançon les 25, 26 et 27 novembre 2003, il en livre ici les actes.

2Leur lecture fera regretter d’avoir manqué les débats des plus intéressants auxquels cette rencontre a forcément donné lieu. Au total, 28 auteurs ont participé à la réalisation de ce volume auquel ont contribué non seulement des chercheurs issus des différents champs de l’histoire économique et sociale, mais encore des philosophes, des praticiens des sciences humaines et de la société, des professionnels des musées, des intervenants auprès d’entreprises et des décideurs locaux.

3Son introduction est une solide mise au point. Synthèse problématique d’une histoire récente de l’institutionnalisation du patrimoine industriel, elle insiste surtout sur la nature des réflexions auxquelles demeurent confrontés les acteurs de la justification du devoir de mémoire et du besoin de comprendre l’empreinte industrielle de l’histoire contemporaine. Ambition que Jean Claude Daumas résume au travers de ce constat des plus lucides : « le moment semble venu d’une réflexion critique d’ensemble qui, dans une véritable visée pluridisciplinaire mobilisant à la fois historiens, ethnologues, sociologues, philosophes, conservateurs et militants […] cherche à tenir ensemble tous les fils de la question en embrassant à la fois les rapports entre mémoire(s) et patrimoine, les usages sociaux du patrimoine industriel et les approches des historiens » (pp. 11-12).

4Exercice pleinement réussi avec cette remarquable mise en cohérence d’un ensemble foisonnant d’interventions dont l’intelligibilité globale pourrait ne pas paraître évidente au premier abord. Chaque article éclaire en effet à sa façon, mais toujours d’un regard avisé, les multiples facettes contradictoires de la question du devenir patrimonial de l’industrie, de l’entreprise et des techniques dédiées autrefois à la production : confrontations des intérêts divergents portés par des élites locales faces aux projets de mise en patrimoine ; concurrence des mémoires ; ambiguïtés des revendications mémorielles et de leurs enjeux tacites.

5L'ouvrage pourrait bien être aussi lu comme une sorte de manifeste contre l’oubli de l'histoire de l’industrie pour elle-même, à un moment où une révision de l'histoire de l’industrialisation semble s’être imposée, notamment du fait de l’injonction à prendre en considération plus que par le passé la question aujourd'hui dite « environnementale ». On ne peut s’empêcher dès lors de lire ce livre comme le témoignage d’une crise que traverseraient l’institution et la communauté des acteurs du patrimoine industriel. Elle ne serait cependant qu’une crise de croissance, et finalement la démonstration qu’une étape est sur le point d’être franchie, qu’une nouvelle page d’histoire industrielle commence déjà à s’écrire. Pour le dire autrement, les textes présentés ici par Jean Claude Daumas sont une sorte d’incitation bien pertinente à renouveler et à faire exister d’autres espaces de réflexions et de réalisations dans ce domaine du patrimoine industriel, une invitation aussi à s’ouvrir vers d’autres horizons, à d’autres thématiques, approches et regards. C’est ce à quoi d’ailleurs invite également explicitement le premier et dernier texte de l’ouvrage. Le premier, Archéologie industrielle, patrimoine industriel : entre mots et notions, est signé par Louis Bergeron, l’un des fondateurs du champ patrimonial et de l’archéologie industrielle en France. La conclusion est, elle, proposée par Denis Woronoff, autre acteur éminent de la structuration et de l'animation du domaine.

6Les autres textes que ces derniers encadrent, tous perspicaces, ne peuvent toutefois faire systématiquement l’objet d’une présentation ici, tant les analyses depuis des champs d’expériences aussi variées sont riches et appropriés, mériteraient plus qu'une ligne ou deux. J’aurais pourtant aimé m’attarder sur un choix personnel, par exemple sur celui du philosophe Robert Damien qui ose ici une question : Le patrimoine peut-il être industriel ? La proposition proudhonienne (pp. 31-47), et propose de relire Proudhon en agitateur de culture, situant l’activité et le travail industriel par rapport au paradigme biblique de la création du Père. Don de l’humanité à elle-même, l’industrie fait pour cette raison, selon Proudhon au travers de la restitution qu’en fait l’auteur, assurément patrimoine, dont l’interprétation de sens mérite assurément d’être lue. De même, mais pour des raisons tout à fait différentes, je relirais volontiers le texte de Hélène Merlin, Le patrimoine minier bassin Nord-Pas-de-Calais : un outil de dynamisation territoriale, (pp. 237-254). Chercheuse dans le domaine du développement local par la culture et le tourisme, l'auteure retrace de façon très synthétique et claire, au travers de ce cas particulier, la multiplicité des fonctions qu’une mise en patrimoine tente d’assurer localement, mais aussi la dynamique de construction des sens attribués au patrimoine, restituant dans le rendu de son travail les processus à l’œuvre toujours tendus vers des lieux à l’évidence de complexité et de contradictions.

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Pour citer cet article

Référence papier

Michel Letté, « Jean-Claude Daumas dir., La mémoire de l’industrie. De l’usine au patrimoine »Documents pour l’histoire des techniques, 18 | 2009, 243-244.

Référence électronique

Michel Letté, « Jean-Claude Daumas dir., La mémoire de l’industrie. De l’usine au patrimoine »Documents pour l’histoire des techniques [En ligne], 18 | 2e semestre 2009, mis en ligne le 24 septembre 2010, consulté le 03 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dht/291 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/dht.291

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Auteur

Michel Letté

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