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Publications de 2007

Laville Jean-Louis, 2007, L’économie solidaire. Une perspective internationale, Hachette Littératures, 383 p.

Sarah Seus

Full text

1Cet ouvrage collectif sous la direction de Jean-Louis Laville (professeur au Conservatoire national des arts et métiers, co-directeur du Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique) rassemble huit synthèses de recherche menées dans plusieurs pays et continents. Ecrites par des universitaires européens (Laurent Gardin, Marthe Nyssens, Isabelle Guérin, Laurent Fraisse, Elisabetta Bucolo), québécois (Paul R. Bélanger, Jacques L. Boucher, Benoît Lévesque) et chilien (Ignacio Larraechea), elles illustrent la variété des nouvelles formes d’une économie solidaire en émergence depuis une quarantaine d’années, face à la crise salariale, au moment du passage à une société de services. En effet, il n’existe, à ce jour, ni de définition unique ni de statut juridique déterminant de « l’économie solidaire », mais une multitude d’exemples d’activités économiques et de formes plurielles de travail.

2Cet ouvrage présente tout d’abord un recueil d'exemples de cas rendant compte de cette multitude de pratiques, divergentes selon les pays et les secteurs d’activités. Cependant une lecture plus approfondie de ces exemples variés, renvoie à une réflexion théorique sur les implications que l’émergence de l’économie solidaire suscite sur l’économie de marché actuelle. Cette réflexion mène à reconsidérer la nature du lien social et les finalités de l’échange économique en proposant de réinscrire la solidarité au cœur de l’économie, ce qui corrigerait les effets pervers de l’économie marchande, tels que les inégalités sociales ou les dégâts environnementaux.

3J.-L. Laville tente d’esquisser dans un long chapitre introductif les caractéristiques communes de ces activités économiques et donne ainsi un cadre à l´ouvrage. Le lecteur en retient les éléments suivants:

4L’économie solidaire est fortement ancrée dans le local et dans la proximité ; elle est créée par des usagers pour répondre à un manque d’offre de la part du secteur privé ou de l’Etat. Le but n’est pas avant tout de poursuivre une activité lucrative, ni d’accumuler du capital, mais d’assurer la satisfaction des besoins de l’Homme ainsi que son épanouissement au sein de la société. De ce fait, elle a un fort caractère  « réciprocitaire » (p. 72). De plus, elle revitalise des formes d’échanges mises à l’écart dans l’économie de marché actuelle, c’est-à-dire « l’économie non-marchande et non-monétaire »1, afin de trouver un nouvel équilibre entre ces différents types d’économie. Par ailleurs ces activités économiques entraînent de nouveaux rapports plus égalitaires entre les différents agents économiques en incluant toutes les parties prenantes de l’activité. L’économie solidaire participe donc à la démocratisation de l’économie mais nécessite pour pouvoir s’organiser, des « espaces publics de proximité ». Ces espaces sont créés par des initiatives populaires, qui, en échappant aux logiques du marché et de l’Etat, génèrent de nouvelles normes d’échanges, basées sur le refus de ces logiques et une participation plus démocratique.

5Avec cette grille de lecture d’indicateurs communs, quatre exemples de cette nouvelle articulation économique en Europe de l’Ouest, au Canada et en Amérique latine ainsi qu'à l’échelle mondiale (avec l'exemple du commerce équitable) sont illustrés de façon claire, détaillée, approfondie, et complétés d’une bibliographie exhaustive à la fin de chaque chapitre.

6Ainsi, on voit émerger en Europe de l'Ouest et au Canada de nouvelles initiatives communautaires d'économie locale rassemblant des usagers pour répondre au manque d’offre de la part du marché et/ou du secteur public. Ces activités économiques ont pour caractéristique d’être des services de proximité, notamment des services à la personne ou des activités permettant l’intégration professionnelle. Au Québec, où ce « mouvement populaire et communautaire autonome»2 est en forte croissance depuis 40 ans, R. Belanger, J. Boucher et B. Lévesque constatent le développement parallèle de nouvelles formes d’interaction partenariale entre les acteurs économiques.

7L'analyse de « l’économie populaire » – ainsi est nommée l’économie du secteur informel – au Chili s'inscrit dans la même logique que les chapitres précédents qui est celle de décrire les pratiques existantes de l'économie solidaire dans les différents pays pour mettre en évidence les caractéristiques communes : c’est-à-dire la valorisation du travail qui remet l’Homme au centre de l’activité, la logique réciprocitaire des actions ainsi que le fort encrage de l’activité sur un territoire local et dans une communauté précise. En vue de la prévalence de l'économie populaire au Chili - elle regroupe jusqu’à 20% de la force de travail - les auteurs se posent en effet la question de savoir si l’économie populaire ne serait pas une stratégie privilégiée pour établir un modèle référentiel d’économie solidaire.

8La contribution de E. Bucolo introduit la dimension globale de l’activité solidaire qui, par définition, est fortement ancrée dans un territoire et vit d’échanges de proximité. Ainsi, ce chapitre répond à la question de la transmission des valeurs de l’économie solidaire dans une chaîne de production mondialisée.

9Après une analyse plutôt empirique d'exemples réels, la deuxième partie du livre s’intéresse aux implications et opportunités non-économiques de l’économie solidaire.

10L. Fraisse analyse la dimension politique de l’économie solidaire et en particulier la contribution de l’activité solidaire à la « démocratisation de l’économie à partir d’engagements citoyens». La nature des initiatives solidaires et des formes d’entrepreneuriat social, l’émergence de préoccupations éthiques des consommateurs ainsi que l’articulation au sein de réseaux mondiaux contribuent selon lui à créer de nouveaux espaces de débat questionnant les normes de l’économie dominante.

11Dans la poursuite du questionnement sur un potentiel démocratisant de l’économie solidaire, I. Guèrin s’intéresse à l’opportunité d’égaliser les rapports entre les sexes. Pour cela, l’économie solidaire doit être reconnue comme forme d’économie légitime par les états. Une telle reconnaissance permettrait d’une part de revaloriser des pratiques réciprocitaires comme formes de travail à part entière et, d’autre part de socialiser la prise en charge des problèmes auparavant laissés à la seule charge de la femme, grâce à la création de nouveaux espaces intermédiaires entre le public et le privé.

12Par le biais du regroupement de différents exemples d’activités économiques au premier plan très différents dans leur ampleur, leur complexité et leur contexte, ce livre ne tend pas seulement à donner une définition de ce qu’est l’économie solidaire mais soulève surtout deux questions : quelle place lui accorderons-nous au sein de l’économie de marché ? Quels en seront les impacts sur la société si nous acceptons une économie plurielle ?

13A ce propos, tous les auteurs soulignent à juste titre le rôle important de l’économie solidaire dans l’optique de démocratiser l’économie actuelle en repensant l’articulation entre, d’une part les différentes formes de travail, et d’autre part une multitude d’acteurs. L’économie sociale est, en ce sens, plus qu’une simple articulation économique, elle doit en outre s’inscrire dans un véritable projet politique.

14Notons alors que les contributions de ce livre apportent avant tout des pistes de réflexions, plutôt que des réponses applicables à tous les différents pays et situations.

15La force du livre est de se baser sur des faits et exemples concrets qui rendent compte de la variété et de l’imbrication des différents types d’économie existant. Ce que Laville nomme « économie solidaire » n’est donc plus une utopie, mais le germe d’une économie aux rapports plus humains et démocratiques. Il est vrai que les exemples sont encore très marginaux, à l’exception de l’économie souterraine en Amérique du Sud malheureusement encore ignorée à ce jour et ne jouissant d´aucun statut juridique. Cependant, ces exemples montrent que la reconnaissance de l’économie solidaire par les états et la communauté internationale est déterminante et qu’il faudrait l’envisager sur un plan institutionnel afin que celle-ci soit mieux représentée. Hélas, le livre ne donne aucune réponse en ce qui concerne la forme de(s) institution(s) et leur place au sein des institutions internationales. Compte tenu de la complexité et de l’hétérogénéité des activités, ce projet serait-il trop ambitieux ?

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Notes

1 La distinction se base sur l’ouvrage de K. Polanyi, La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Paris, Gallimard 1983.
2 Ainsi sont nommées les formes d’interventions économiques qui n’appartiennent ni à l’intervention classique de l’Etat ni à l’entreprise privée. Voir : R. BELANGER, J. BOUCHER et B. LEVESQUE, « L’économie solidaire en Amérique du Nord : Le cas du Québec », in : J.-L. Laville (2007), p. 111-144.
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References

Electronic reference

Sarah Seus, “Laville Jean-Louis, 2007, L’économie solidaire. Une perspective internationale, Hachette Littératures, 383 p.”Développement durable et territoires [Online], Lectures (2002-2010), Online since 06 May 2008, connection on 05 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/developpementdurable/6022; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/developpementdurable.6022

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About the author

Sarah Seus

Sarah Seus est étudiante en 5ème année de science politique à l’Institut d’Études Politiques de Lille, spécialisée sur les politiques territoriales de développement durable.

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