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Littératures

Aux origines de la langue poétique sanaanie

L'oeuvre /humaynî de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn
Julien Dufour

Résumés

Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn est, autant qu'on le sache, le premier poète des régions zaydites à avoir composé dans le genre /humaynî. L'examen de la langue de cette poésie non classique montre la première étape d'un processus qui a vu s'acclimater dans les Hauts plateaux une langue poétique élaborée d'abord dans les basses terres à l'époque rasoulide. Ne s'astreignant pas aux canons de l'arabe littéral tout en y puisant largement, évitant les particularités dialectales trop marquées à l'exception de quelques-unes qu'elle adopte dans sa norme, la langue de ce poète sera à la base de celle d'un des principaux genres poético-musicaux du Yémen contemporain : le chant de Sanaa.

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4Le Yémen possède une forme de poésie chantée qui, bien qu'elle soit pratiquée et goûtée dans diverses régions du pays, est appelée le plus souvent « chant de Sanaa » (ghinâ' /san`ânî) ; et, de fait, c'est bien de Sanaa qu'elle rayonne et c'est là qu'au cours des derniers siècles elle a acquis la forme qu'on lui connaît aujourd'hui. Mais le répertoire de textes qui lui est associé plonge ses racines dans le reste du Yémen et ce n'est que depuis un peu plus de quatre cents ans que la région des Hauts plateaux compose dans le genre dit /humaynî. Ce dernier ne se limite pas au répertoire du chant sanaani ; il connaît et a connu bien d'autres formes. Car si, dans le chant de Sanaa contemporain, on ne trouve guère que de la poésie amoureuse relevant du ghazal, le /humaynî a pu servir tout aussi bien à traiter des thèmes satiriques ou religieux. Ses principales caractéristiques sont un système prosodique particulier, reposant sur d'autres bases que celui de la poésie classique, et une liberté vis-à-vis des canons de l'arabe littéral qui se traduit notamment par des emprunts à la langue dialectale. Attesté depuis Ibn Fulaytih (mort dans les années 730 de l'Hégire, 1330 après J.-C.), il avait surtout été pratiqué par des poètes du sud du Yémen et de l'Etat rasoulide, qui semble avoir joué un rôle important dans son développement et sa diffusion1. Mu/hammad b. `Abd Allâh b al-imâm Ya/hyâ Sharaf al-Dîn (938-10102 de l'Hégire, 1532-1601 après J.-C.) est, autant que l'on sache, le premier poète important à avoir employé ce genre poétique dans les régions zaydites. Par la qualité comme la quantité de sa production, il eut une influence majeure sur tous ceux qui suivirent son exemple et, après lui, c'est surtout dans la région de Sanaa qu'on verra fleurir cette poésie. L'acclimatation du /humaynî3 dans les hautes terres accompagne un déplacement du centre de gravité politique des régions de Zabîd et Taez vers l'Etat des imams. Car Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn, natif de Shibâm Kawkabân, est au cœur des milieux dirigeants zaydites, même s'il ne semble pas avoir exercé lui-même de fonction politique ou militaire : son grand-père Ya/hyâ, son trisaïeul A/hmad furent imams et ceux qu'il côtoyait, depuis son oncle al-Mu/tahhar b. Ya/hyâ Sharaf al-Dîn jusqu'à l'Ottoman /Hasan Pacha, participaient, de près ou de loin, à l'exercice du pouvoir.

5C'est cette charnière entre deux époques que les lignes qui vont suivre se proposent d'étudier, à travers une examen de la langue /humaynî de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn mais aussi en tirant des nombreux commentaires et témoignages qui accompagnent les poèmes ce qu'ils peuvent nous apprendre sur la pratique de la poésie dans cette société lettrée du XVIe siècle.

6Les œuvres de cet auteur sont réparties en deux recueils (diwans), dont l'un rassemble les pièces conformes à la tradition et aux règles de la poésie classique arabe et l'autre ce qu'il a composé dans le genre /humaynî. Ce dernier comporte presque exclusivement des poèmes d'amour dans le genre ghazal, alors que le premier comprend aussi beaucoup de poèmes de louange ou de blâme et quelques exemples de poésie religieuse4. Le compilateur de ces diwans, `Îsâ b. Lu/tf Allâh b. al-Mu/tahhar b. al-imâm Ya/hyâ Sharaf al-Dîn, est le neveu au deuxième degré du poète, duquel il était, semble-t-il, très proche. Il paraît avoir eu pour son oncle une grande admiration et a visiblement pris sa tâche très à cœur, au point d'y consacrer de nombreuses années : « Cette poésie était lacunaire », dit-il en présentant un texte, « et je n'ai pas cessé de la rechercher depuis le mois de /safar de l'an 1005 jusqu'au mardi 7 du mois de sha`bân (…) de l'an 1035, où, entré dans une maison, je trouvai un petit cahier qui contenait un recueil de poésies et où je découvris ce poème en entier. Alors je louai Dieu d'avoir pu mettre la main dessus et je le recopiai5. » Comme, en outre, `Îsâ a pris grand soin de consigner, chaque fois qu'il le pouvait, les circonstances dans lesquelles les poèmes avaient été composés et qu'il n'est pas avare de détails, son travail constitue un document des plus précieux.

7La poésie de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn

8S'il veut goûter la poésie /humaynî, le lecteur occidental moderne doit rompre avec ses habitudes. Qu'il la lise comme l'école lui a appris à lire nos poètes et il passera à côté de ce qui fait son intérêt. D'abord, parce qu'elle n'est pas faite pour être lue mais au moins récitée ou, mieux encore, chantée. C'est un art qui existe avant tout dans une exécution vocale, qui peut elle-même être intégrée dans une musique où concourent différents instruments (comme le luth ou le plateau de cuivre /sa/hn), voire ­ du moins aujourd'hui ­ dans une pratique de danse. Ensuite, parce que notre lecteur risque de demander à cette poésie ce qu'elle ne peut pas lui donner, ne l'ayant pas recherché : la spontanéité et l'originalité. Pour reprendre les mots de R. Dragonetti6 : « Exprimer signifie [de nos jours] pour l'écrivain sentir ou voir en dehors des formes de sensibilité et des visions imposées aux hommes par la rhétorique, s'écarter par conséquent des sentiments communs et poursuivre en soi une image assez unique pour que l'expression qui en résulte ne soit comparable à nulle autre (…). Ecrire, c'est donc avant tout (…) faire profession de rupture avec le lieu commun. » Or la poésie de Sharaf al-Dîn est fondée sur le lieu commun -­ au sens classique du terme ­ comme élément d'un style conventionnel. C'est à lui que le poète a recours pour exprimer des sentiments personnels, c'est là qu'il cherche la matière de son inspiration. C'est une esthétique où l'on aime à retrouver le connu. On prend plaisir à découvrir sous une forme nouvelle des sentiments, des images, des formules qui sont comme un vocabulaire commun connu de tous et presque aussi nécessaire au genre que la rime ou le mètre. Le poète est jugé sur l'art et la sensibilité dont il fait preuve en maniant ce vocabulaire. Le mot-cliché (le poète dispose, par exemple, de tout un stock de quasi-synonymes pour désigner l'être aimé), l'épithète figée, des syntagmes entiers, des formules d'incipit, certaines images qui reviennent, exprimées différemment, dans de nombreux poèmes (« Tu es comme la lune, tout le monde la voit mais nul ne peut l'atteindre », « Pour ton amour, je meurs sans que tu le saches »), les personnages mis en scène (l'objet aimé, le poète, son cœur, les médisants), les relations qu'ils entretiennent, souvent la construction et le sujet même du poème, sont de l'ordre du lieu commun7. La composition elle-même obéit tellement à des formes reçues que, souvent, le poète procède à une sorte de décalque d'un poème connu, dont il reprend le mètre, la rime et l'incipit ­ ou un incipit ressemblant ­ y répondant ainsi en une allusion évidente pour tous. C'est le procédé de la mu`âra/da.

9Ce qui appelle deux remarques. La première est que, pour goûter cette poésie et apprécier l'art du poète, il faut connaître ce vocabulaire ; il faut avoir intégré, par la pratique, les conventions du genre et s'y être accordé pour que l'archet du poème vienne jouer sur les cordes que chacun est censé avoir en soi. Cela rend la traduction vers le français fort périlleuse, puisque nous n'avons plus aujourd'hui de vocabulaire de cette nature et que le texte français ne réveillera rien de préexistant chez le lecteur8. La deuxième remarque est que l'étude linguistique de ces textes devrait tenir compte de leur nature particulière et aller de pair avec une étude proprement littéraire qui reste à faire. L'économie des faits de langue, qu'ils soient morphologiques ou grammaticaux, est indissociable de celle des outils stylistiques que se donne le poète9. C'est dire que cette présentation n'a d'autre ambition que d'éveiller l'intérêt du lecteur à certaines questions, sans prétendre élucider tous les problèmes qu'elles posent.

10Tentons néanmoins de nous faire une idée de la langue de cette poésie. Mais que vaut notre document ? L'édition d'al-Mu'ayyid et al-Jirâfî se contente de collationner deux manuscrits. Aux quelques endroits où leurs leçons divergent, il arrive qu'on soupçonne une faute de copie ou de lecture ; mais souvent on trouve qu'un hémistiche de sens obscur est comme entièrement refondu en une formulation plus obvie. On entraperçoit là une pratique dont l'écrit n'était qu'un élément et dans laquelle le texte pouvait évoluer indépendamment de l'action du copiste. Cette poésie abonde en formules toutes faites qui peuvent servir à combler une lacune ou remplacer un passage incompréhensible. On doit donc s'accommoder d'un texte dont on ne peut guère connaître l'histoire ni mesurer la fidélité à un éventuel original.

11Un outil, tout de même, donne les moyens d'un regard critique sur le texte : c'est la métrique10. Elle permet de déceler des faits de langue que l'orthographe ne trahit pas et, à l'occasion, de repérer et de corriger certaines corruptions simples. Les poèmes /humaynî de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn suivent un système prosodique qui semble valoir, à peu de chose près, pour une grande partie de la poésie du chant sanaani.

12La métrique

13On reconnaît dans tout poème du diwan11 la répétition d'une structure qui permet de diviser le texte en ce qu'on appellera par convention des « strophes ». Cette structure est visible à deux niveaux. Celui de la rime, tout d'abord : on reconnaît dans la strophe des subdivisions (hémistiches) dont chacune comporte une rime finale. Si le schéma de leur agencement reste à chaque fois rigoureusement identique12, ces rimes changent d'une strophe à l'autre. Cependant, toutes les strophes d'un poème se terminent par la même rime (ou le même groupe de rimes), qui forme ainsi une sorte de refrain sonore13. Au niveau du mètre, enfin : toutes les strophes ont le même schéma métrique, qu'on peut exprimer sous la forme d'un agencement d'unités longues et brèves14. Il ne souffre aucune modification ni aucune substitution d'unités et reste le même d'un bout à l'autre du poème15 ; Autant la poésie classique, où les mètres sont en nombre assez réduit, trouve la variété dans la liberté que chaque mètre autorise, autant le /humaynî, où le mètre est un carcan inflexible, va la chercher dans une invention formelle presque infinie en multipliant les types de mètres, de rimes et de schémas strophiques.

14Une unité brève du mètre ne peut recevoir qu'une syllabe ouverte dont la voyelle est brève. Une unité longue ne peut pas recevoir une telle syllabe mais peut recevoir toutes les autres. Ainsi, une voyelle suivie de deux consonnes appartient forcément à une syllabe fermée, qui correspondra donc à une unité longue du mètre. On notera une unité longue par -, une brève par u, et par u une unité commune, pouvant être indifféremment longue ou brève. Ainsi Îöáøí ÌóÝÇäí [khillî jafânî]16 sera scandé _ _ u _ _ et ãÇ ÓóÈóÈú ÌóÝÇå [mâ sabab jafâh] sera _ u _ u _.

15Ce qui distingue immédiatement à l'oreille la poésie /humaynî de la poésie /hakamî, c'est l'absence des désinences casuelles de l'arabe classique. Le tanwîn y est exceptionnel (sauf pour des formes figées en _an et quelques vocatifs17). Bien que le poète ne s'interdise pas, à l'occasion, le recours à une forme classique (comme áíÇáú, pluriel de áíá, rimant avec ÛÒÇáú, æÕÇáú, etc.18), on peut considérer que la morphologie nominale et, en grande partie, celle du verbe sont de type dialectal, c'est-à-dire sans vocalisme final. Néanmoins, pour des raisons strictement métriques ou phonétiques, une voyelle brève peut apparaître à la jointure de deux mots19 ; il faut alors compter dans la scansion la syllabe ainsi formée. Les règles qui gouvernent l'apparition de cette voyelle sont assez simples, comme on va le voir, et dépendent entièrement de la structure phonétique des mots en contact.

16On peut répartir les mots de la langue en quatre classes (on notera C une consonne, v une voyelle brève et V une voyelle longue) :

171 Les mots en _V (du type ÏóãúÚöí).

182 Les mots en _vC (du type ÞóãóÑ).

193 Les mots en _vCC ou, rarement, -VCC (du type ÏóãúÚ ou ÓÇÑø).

204 Les mots en _VC (du type ÏõãõæúÚ) et les mots en ­ayC ou ­awC (du type Úóíúä ou áóæúä).

21On peut partir de la règle pratique qu'une suite de trois consonnes est interdite. Ainsi, les mots de classe 1 ne développent aucune voyelle épenthétique, qu'ils soient suivis d'un mot commençant par une seule consonne ou par une hamzat wa/sl suivie de deux consonnes20. Les mots de classe 2 développeront toujours une voyelle dans le dernier cas (Ýí ÏÇÎöá ÇáÞáÈ [fî dâkhil°lqalb]) mais jamais dans le premier (æÇáÞóãóÑú ÓãÇå [walqamar samâh]). Les mots de classe 3 seront suivis d'une voyelle dans l'un et l'autre cas (æÇáÞóáúÈ Ýí.. [walqalb°fî…] ; íÇ ÞóáúÈ ÇÍÊÓÈ [yâ qalb°/htasib]). Le poète peut traiter à loisir les mots de classe 4 comme ceux de classe 2 ou comme ceux de classe 3 (Åä ßÇä ÞÕÏß ['in kân°qa/sdak] mais ÞÇáú ØÑÝí [qâl /tarfî] ; ÃíÔ ÍÇáå ['aysh°/hâlih] mais ÃíÔú íÝíÏß ['aysh yifîdak]).

22Le poète utilise largement un certain nombre de licences poétiques classiques. Ainsi une syllabe initiale commençant par une hamza peut ne faire qu'une avec la voyelle finale du mot précédent (ãÇ ÃÍáì ÍÈíÈí [mâ /hlâ /habîbî], ãÇ ÃÚãá ÅÐÇ.. [mâ `mal 'idhâ…], ßÇáÛÕúä ÅÐÇ.. [kalghu/snidhâ])21 ; une hamza précédée d'une consonne peut disparaître et ne plus faire position (ÇáËÛúÑ ÇáÃÔäÈ [aththaghr°lashnab]).

23La langue

24On peut dire que la frontière entre les langues classique et dialectale est effacée. D'abord par l'absence des désinences finales d'i`râb, qui signifie clairement que la langue ne s'astreint pas au respect le plus minutieux de la norme classique ; mais rien ne l'oblige à s'en éloigner non plus et, de fait, elle y puise son matériau au moins autant qu'à l'arabe dialectal. Tous les mots, quelle que soit leur origine, se trouvent mis en quelque sorte sur un pied d'égalité. Beaucoup d'entre eux, d'ailleurs, sont communs à la norme littérale et au parler courant. Le poète, enfin, est toujours libre d'exploiter les ressources de l'une comme de l'autre ; il peut employer une forme à tanwîn et, quelques vers plus loin, un futur de type dialectal. Dans les deux cas, ce sont des formes remarquables qui se détachent sur un fond linguistiquement indifférencié. On peut tout de même repérer certains usages récurrents qui, s'ils ne sont pas sans exceptions, semblent au moins habituels.

25Pour la conjugaison des verbes, lorsque la norme classique diffère de l'usage dialectal, c'est en général ce dernier qui est suivi. Ainsi les inaccomplis pluriels ont plus souvent une désinence que _ûn. De même, les rares22 exemples d'inaccomplis de deuxième personne du féminin singulier sont en 23. A l'accompli, l'orthographe ne permet guère de distinguer du masculin une éventuelle deuxième personne du féminin singulier de type classique mais on a quelques formes en _tî, scandé comme long. On trouve enfin les accomplis ÌÑøíÊ, ÖãøíÊ, ÔáøíÊ, de ÌÑø, Öãø, Ôáø.

26La négation de l'inaccompli se fait presque toujours à l'aide de áÇ ou de áíÓ. Il arrive cependant qu'on rencontre ãÇ. Mais, comme ãÇ et áÇ sont indifférents du point de vue de la métrique, ils peuvent être facilement intervertis et on ne sait guère quel état du texte nous est accessible. Les chanteurs et les amateurs de chant sanaani d'aujourd'hui disent souvent ãÇ là où le diwan a áÇ. A l'accompli, la négation est d'ordinaire ãÇ mais áã suivi d'un inaccompli apocopé n'est pas rare.

27Le futur semble être toujours formé à l'aide de la particule dialectale ÔÇ24. Les exemples abondent. De tous les traits proprement dialectaux, c'est sans doute le plus représenté25. On le trouve surtout à la première personne du singulier mais il est bien attesté aussi aux deuxième et troisième du singulier ainsi qu'à la première du pluriel. Il est remarquable que le préverbe de futur ÔÇ n'est employé aujourd'hui dans les Hauts plateaux qu'à la première personne du singulier. La Tihâma, en revanche, les montagnes qui la bordent et la région d'Ibb et de Taez l'emploient à toutes les personnes26. Il n'est pas rare, par ailleurs, de voir ÔÇ employé dans le diwan comme verbe à part entière avec le sens de « vouloir »27.

28Sur d'autres points, l'usage est beaucoup plus flottant ou, du moins, le poète a une plus grande liberté. C'est le cas notamment des formes pronominales. Le mètre impose en général de lire le pronom de troisième personne åæ. Mais, dans quelques cas (en général après les particules æ ou Ý), on trouve la forme poétique classique hwa. Au féminin, les rares occurrences suggèrent une lecture hiyya ou hya28. Quant à la préposition Úáì associée au pronom suffixe de première personne, le mètre impose de la lire tantôt `alayyâ, tantôt `alayya et tantôt `alay29. On trouve une seule fois, dans un même hémistiche, les formes áÔ et ÈÔ, qui présentent une forme en _sh du pronom de deuxième personne féminin singulier30.

29On rencontre enfin deux traits empruntés à une langue dialectale, mais sans que leur emploi soit systématique. L'article apparaît presque toujours sous la forme ÇáÜ. Mais les exemples ne manquent pas d'un article Çã, qui semble être utilisé comme ornement stylistique31. Sharaf al-Dîn a ordinairement ãÇ comme pronom interrogatif, qui coïncide avec l'usage classique. Mais il n'est pas rare de trouver ÃíÔ32. Les parlers contemporains du Nord semblent employer plutôt ãÇ ou des formes proches ; cependant, aysh, courant au Sud, est généralement, aujourd'hui, en arabe dialectal, ressenti même au Nord comme plus standard, moins marqué que . Peut-être la langue du diwan atteste-t-elle une étape de ce phénomène. C'est, en tout cas, chez Sharaf al-Dîn, le seul élément dialectal qui ne soit largement représenté de nos jours ni en Tihâma, ni dans les Hauts plateaux comme forme autochtone33.

30Quant au vocabulaire employé, son fonds semble emprunté plus à une tradition poétique arabe commune qu'à la langue dialectale. C'est exceptionnellement que le poète a recours à un terme proprement yéménite34. S'il peut se plaire à évoquer le ton de la langue parlée, c'est en général à l'aide d'un vocabulaire très neutre (verbes ÌÇ(Á), ÑÇÍ, ÛáøÞ, par exemple)35. Il emploie, en revanche, couramment bien des mots de la langue poétique classique dont même les amateurs de chant sanaani ont aujourd'hui du mal à expliquer le sens avec précision.

31On voit que la liste des traits dialectaux est assez vite close. La plupart d'entre eux ne se laissent pas localiser dans une carte linguistique moderne d'ailleurs incomplète et dont on ignore largement l'histoire. Certains sont communs à beaucoup de dialectes arabes (inaccomplis en et , accomplis féminins de deuxième personne en _tî, les pronoms et antî, la négation de l'inaccompli, formes `alayyâ, minnih, ma`âhâ…), d'autres, comme l'article Çã ou la kashkasha (pronom suffixe de deuxième personne du féminin singulier en _sh) sont courants dans diverses parties du Yémen et ont des chances d'avoir existé dans la région de longue date. Trois points cependant évoquent la Tihâma contemporaine : le verbe ÍÇÏ ; le verbe ÔÇ(Á) dans le sens de vouloir ; l'emploi du préverbe de futur ÔÇ à d'autres personnes que la première du singulier36. On est frappé, en revanche, de ne trouver aucun des autres préfixes d'inaccompli qui foisonnent aujourd'hui dans les parlers yéménites.

32La langue semble ainsi éviter les particularités régionales trop marquées et n'en choisir que quelques-unes de manière conventionnelle, en en faisant des outils stylistiques dont le fonctionnement pourrait sans doute être suivi d'assez près. Rien n'évoque la région de Sanaa plus qu'une autre. Rien ne permet de penser qu'on aperçoit le parler quotidien de l'auteur plus que celui du Yémen en général. Tout porte à croire, au contraire, que le poète emploie une langue littéraire préexistante dont, sinon les règles, du moins les conventions ont été élaborées avant lui ; et les textes postérieurs montrent que, dans une large mesure, ces conventions se sont maintenues jusqu'à une époque très récente. Le verbe ÍÇÏ est-il encore un emprunt au dialecte de la Tihâma quand il est employé par des poètes d'origines diverses pendant plus de quatre siècles ? L'emprunt pur et simple à la langue courante existe mais il prend place dans un système dont le matériau et la structure sont déjà établis. La langue dont se sert le poète est suffisamment affranchie d'un ancrage géographique précis pour qu'il puisse se permettre, à l'occasion, un clin d'œil à tel ou tel parler. Il ne puise pas dans l'arabe dialectal de quoi agrémenter un fonds classique ; il compose dans une langue qui possède une histoire propre, distincte de celle des dialectes yéménites et qui mérite d'être traitée de manière autonome, située parmi les autres formes et pratiques poétiques de la région et du monde arabe.

33Or les deux diwans de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn ­ et, en particulier, les commentaires de leur compilateur --­ constituent sans doute le témoignage le plus riche sur la pratique yéménite de la poésie au Xe siècle de l'Hégire. Ce témoignage demanderait, certes, à être complété par d'autres documents. Mais il n'en éclaire pas moins une page importante de l'histoire du /humaynî.

34Les commentaires de `Îsâ b. Lu/tf Allâh

35`Îsâ situe la poésie de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn dans une tradition ou, au moins, une filiation parmi les poètes du Yémen. Les premiers à avoir pratiqué le genre /humaynî, nous dit-il, furent « le faqîh37 Shihâb al-Dîn A/hmad b. Fulaytih, puis le faqîh Fakhr al-Dîn `Abd Allâh b. Abî Bakr al-Mazzâ/h, qui vivaient tous les deux sous le pouvoir ghassanide. Puis le faqîh et imâm al-`ulûm wa-l-/tarîqa `Abd al-Ra/hmân b. Ibrâhîm al-`Alawî ». Mais, s'il rappelle les liens de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn avec ses prédécesseurs, `Îsâ prend grand soin de le démarquer des poètes soufis. On ne trouve pas chez lui, nous dit-il, de ces « allusions à travers l'objet aimé aux attributs divins et aux qualités du Prophète, comme cela apparaît dans les poésies de `Abd al-Ra/hmân al-`Alawî38 ».

36Le poète `Abd Allâh b. Abî Bakr al-Mazzâ/h (mort vers 830 de l'Hégire) semble avoir été le modèle et l'inspirateur principal de la poésie de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn : « Sîdî Mu/hammad b. `Abd Allâh [Sharaf al-Dîn] appréciait la poésie d'al-Mazzâ/h, l'admirait et la préférait à celle d'al-Fulaytih, de `Alawî et de ceux qui ont suivi leur chemin dans la poésie /humaynî (al- na/zm al-/humaynî) »39. « Sidi Mu/hammad b. `Abd Allâh m'a appris qu'il avait [autrefois] peu d'inclination à composer dans le genre /humaynî (ilâ na/zm al-shi`r al-/humaynî). Or il vit une nuit en songe qu'il se trouvait sur le mont `Arafât : “Je vis tout à coup un homme vêtu de vert et de belle allure ; il s'approcha de moi et me salua en m'embrassant. Puis je [descendis] du [mont] `Arafât et j'entrai dans le /Haram. Et tandis que je tournais autour de la Kaaba, voici que j'aperçois cet homme qui était venu à ma rencontre sur la montagne, s'était approché de moi et m'avait salué en me tendant la main. Alors, je lui dis : `Qui es-tu ?' Il dit : `Je suis votre ami le faqîh `Abd Allâh al-Mazzâ/h.' Il sortit quelque chose de sa manche, et voici que c'était un livre relié. Il me le donna en disant : `C'est mon diwan de poésie muwashsha/h et mubayyat /humaynî. Je te le donne.' Et quand je m'éveillai, mon cœur était imprégné de la poésie de genre /humaynî (bi-na/zm al-shi`r al-/humaynî).” »40 Il est de fait que de très nombreux poèmes de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn sont en mu`âra/da à ceux d'al-Mazzâ/h, ce que `Îsâ précise soigneusement à chaque fois41. Il ne signale pas, en revanche, d'autre mu`âra/da, hormis un cas, que l'on verra plus bas.

37Les contacts artistiques entre différentes régions du Yémen ne semblent pas avoir été une chose exceptionnelle. `Îsâ mentionne une occasion où un musicien originaire de Zabîd est présent et chante à Wâdî /Dahr, à proximité de Sanaa ; il connaît de la poésie de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn42. Celui-ci est d'ailleurs lui-même souvent en déplacement. On le voit résider à Kawkabân, à Sanaa, à /Hajja, à Thulâ, à Dhû Marmar… `Îsâ était également conscient des liens de cette poésie avec d'autres régions du monde arabe : « Considère le poème (na/zm)43 qui suit, qui ravit les cœurs », dit-il en présentant un texte ; « ce style (uslûb) n'a pas la faveur des poètes du Yémen mais il a celle des gens d'Egypte et de Syrie (al-Shâm). » Mais, dit-il, ces derniers en ont fait un genre vicieux et bas.

38Un point mérite d'être souligné : c'est la présence au Yémen, à cette époque, de poètes maghrébins, dont certains semblent avoir établi leur résidence dans le pays, au moins de façon temporaire, et fréquenté des notables yéménites et ottomans. Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn s'était lui-même lié d'amitié à un mathématicien andalou d'Alger, soufi et connaisseur de poésie44. Il convient, à ce propos, de citer in extenso un passage instructif à plus d'un égard ; outre un exemple de contact artistique étroit avec le Maghreb, on y trouve la mention de différents genres poétiques pratiqués dans la bonne société de l'époque et un exemple de la manière dont un poème pouvait y circuler. Al-Hâdî b. Lu/tf Allâh avait traîtreusement fait épouser à Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn une femme qui n'était pas celle qu'il recherchait pour l'avoir aperçue près d'une fontaine. Cette épouse se révéla être fort laide et le mariage fut annulé. Mais le poème que Mu/hammad avait composé pour la beauté entrevue au bord de l'eau était connu de « Fakhr al-Dîn `Abd Allâh b. A/hmad b. Shams al-Dîn al-Qashanshalî, qui était l'oncle maternel de sidi Mu/hammad b. `Abd Allâh. Et sidi Fakhrî `Abd Allâh b. A/hmad [al-Qashanshalî] composa une poésie (…) ; or le sayyid `Abd Allâh a cette force et ce pouvoir de composer de la poésie drôle et frappante (…), de sorte que si l'on pleure et qu'on entend cette poésie, on est consolé et que la contrariété et le chagrin vous quittent. Il a aussi une grande maîtrise de la poésie respectable (mu`tabar) ainsi que du ghazal, de la comparaison (tashbîh) et de la louange (mad/h). Et c'est un homme de distinction, d'intelligence et de science (…). Et quand il eut achevé ce poème (qa/sîda), il en fit part à sidi /Haf/z Allâh b. al-Mu/tahhar et elle se répandit et passa de bouche en bouche. A la suite de quoi sidi mon père Lu/tf Allâh b. al-Mu/tahhar en eut connaissance et fit tout ce qu'il put pour la dissimuler, tout cela par crainte et par égard pour sidi Mu/hammad b. `Abd Allâh. Mais elle resta écrite durant le règne de mon père Lu/tf Allâh à Sharaf et après le règne des Ottomans pendant longtemps. Il se trouva un jour que sidi Mu/hammad b. `Abd Allâh était avec l'amîr `Abd al-Ra/hîm b. `Abd al-Ra/hmân b. al-Mu/tahhar. Il y avait chez lui un des poètes du Maroc (Maghrib), de ceux qui excellent dans le genre du mal/hûn marocain (al- na/zm al-mal/hûn al-maghribî), qui était attaché à la personne de sidi `Abd Allâh b. A/hmad al-Qashanshalî et qui connaissait par cœur nombre de poèmes de sa poésie plaisante et drôle (al-mu`jib al-mu/d/hik) ; et il connaissait le poème humoristique (hazliyya) qui était en mu`âra/da au poème de sidi Mu/hammad b. `Abd Allâh. Et `Abd al-Ra/hîm lui fit signe de la chanter (anshada). Et elle vint aux oreilles de sidi Mu/hammad b. `Abd Allâh, qui faillit se faire remarquer par sa fureur. Celle-ci fut si grande qu'il lui répondit dans le même mètre et la même rime (fî al-wazn wa-l-qâfiya). Je l'ai interrogé sur cette réponse et il m'en a chanté le début (anshada). Il mentionna qu'il l'avait déchirée, disant : `Par Dieu, elle ne se trouve dans aucun cahier (qir/tâs).'45 »

39`Îsâ cite les premiers vers du poème de `Abd Allâh al-Qashanshalî. Leur métrique est de type /humaynî ; mais, contrairement à la poésie amoureuse de Sharaf al-Dîn, ils fourmillent de termes évidemment dialectaux. On voit ainsi que Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn n'est pas le seul à composer du /humaynî dans la bonne société zaydite : la chose a l'air courante. On entrevoit, d'autre part, un autre genre de /humaynî, qui sera bien attesté par la suite : la poésie satirique, qui semble posséder un style et une langue propres. Tous ces genres sont pratiqués par des lettrés qui composent par ailleurs de la poésie classique et qui maîtrisent tous les domaines de la rhétorique traditionnelle46.

40On constate enfin le caractère mixte d'une pratique qui est avant tout orale et chantée47 mais qui confie volontiers ses productions à l'écriture. On a vu comment `Îsâ trouve un recueil de poésie conservé dans une famille. Mais si le compilateur a eu tant de mal à rassembler l'œuvre du poète, c'est sans doute que l'écrit ne jouait qu'un rôle occasionnel : « [Ce poème] est lacunaire, et je n'en ai rassemblé ce que j'en ai trouvé (…) qu'avec peine et difficulté. J'ai interrogé sidi Mu/hammad b. `Abd Allâh sur ce poème. Il m'a dit : `Je n'en ai plus en mémoire qu'une strophe (bayt)' et il me l'écrivit de sa main. Je prie Dieu qu'il m'accorde de le compléter.48 » Dans le diwan de poésie classique, `Îsâ précise souvent qu'il a recopié telle ou telle pièce à partir d'un original de la main de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn ; mais, presque aussi souvent, on trouve : Untel « m'a chanté (anshada) ce poème ». L'écriture y semble cependant utilisée plus couramment que pour la poésie /humaynî. On trouve souvent des références à un brouillon (musawwada) : « J'ai recopié ce qu'il avait écrit de sa main. Il avait dit : `Voilà ce que je peux écrire et qui m'est resté en mémoire. Peut-être en retrouverai-je le brouillon et, si je le retrouve, je te le ferai parvenir.'49 » On voit ailleurs `Îsâ écrire sous la dictée de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn pendant que celui-ci compose50.

41`Îsâ utilise les termes anshada et ghannâ, qui sont ici tous les deux traduits par « chanter ». Ils semblent, sous sa plume, à peu près interchangeables, alors que l'usage sanaani contemporain les oppose. Le nashshâd (ou munshid), chantre religieux, et le mughannî, chanteur instrumentiste profane, sont aujourd'hui deux personnages différents51 ; inshâd (sans instrument) et ghinâ' (souvent accompagné du luth ou du /sa/hn) ne remplissent pas la même fonction dans la vie sociale. On voit cependant dans le diwan un munshid qui excelle dans l'exécution du ghinâ' et qui chante (anshada) une qa/sîda52. A la mort d'une servante éthiopienne à qui son maître était très attaché, on fait appel à un munshid, comme aujourd'hui à Sanaa lors des enterrements. Mais celui-ci anshada bi-/tarîqat al-ghinâ' un poème d'al-Mazzâ/h qui a l'air de convenir à la circonstance (ÛÇÈ ãä ßÇä áí äÏíã, « Celle qui partageait mes joies m'a quitté »)53. Peut-être le terme anshada est-il plus général que ghannâ, mais tout laisse penser qu'il s'agit plus de chant que de psalmodie, aux sens où l'on entend couramment ces mots en français. La présence possible d'instruments de musique est par ailleurs clairement attestée : « J'ai entendu pour la première fois ce poème [de la bouche] d'un bon chanteur (rajul mu/trib) qu'on appelle `Alî al-`Alawî, originaire de Zabîd. Il excellait dans les mélodies ( ? ) (al-ma`ânî) yéménites, où personne n'aurait su se mesurer à lui. Il jouait (yaqra`) du /sa/hn et il y avait avec lui quelqu'un d'autre qui jouait (yu/harrik) du luth (`ûd)54. »

42Cette séance musicale a lieu à Wâdî /Dahr, en présence du père de `Îsâ, Fakhr al-Dîn `Abd Allâh b. al-Mu/tahhar b. amîr al-mu'minîn [al-imâm Ya/hyâ Sharaf al-Dîn] et de beaucoup de notables. Cette compagnie ressemble sans doute à celle que décrit ailleurs `Îsâ et où l'on voit Mu/hammad b. `Abd Allâh à Kawkabân, la ville dont il est originaire, dans une assemblée où se trouvent beaucoup de proches de l'imam Sharaf al-Dîn. La conversation y est des plus raffinées, parmi les fleurs, les douceurs qu'on apporte dans de la porcelaine de Chine et les branches de qat55. C'est, semble-t-il, le cadre privilégié pour pratiquer l'art de la poésie ; c'est là que tel ou tel va chanter une pièce qui lui revient en mémoire. Cependant, toute occasion peut être prétexte à composer. Et souvent Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn envoie quelqu'un chanter de sa part un poème en louange à un personnage important ­ de n'importe quel bord, d'ailleurs : à un dignitaire proche de l'imam comme au gouverneur ottoman /Hasan Pacha.

43Mais s'il loue plus que tout autre l'amîr A/hmad, c'est sans doute pour le patronage bien particulier qu'il lui assurait en échange : « Il recevait de [lui] un salaire en qat, entre autres d'une sorte qu'on appelle /târî. Il recevait trois bottes de qat ordinaire et une botte de qat /târî, qui est un des meilleurs. [Un jour,] on supprima le qat /târî de son [salaire]. Or il avait une grande passion pour le qat et il ne pouvait profiter de la nourriture ni goûter la compagnie de quelqu'un tant qu'il n'avait pas son qat sous les yeux. Et quand on lui supprima la botte en question, il composa56… » un poème à l'amîr A/hmad où, sur une vingtaine de vers, revient obstinément la rime _/târî, _/târî, _/târî

44Trois poèmes de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn.

45La vocalisation du texte arabe, réduite au minimum, ne suit pas forcément celle des éditeurs. Le sukûn final est systématiquement noté lorsque le mètre ne requiert aucune voyelle épenthétique. Toute consonne finale sans sukûn est, par conséquent, vocalisée et ouvre une syllabe. Le tashdîd est toujours indiqué.

Úáíß Óóãøæäí æÓóãúÓóãæäí57
æÌÑøóæÇ ÇáãÕÍÝú æÍáøÝæäí
ÍáÝÊ ãÇ ?ÍÈøßú ÝßÐøÈæäí
åãú íÍÓÈæäí ?ÖãÑÊ Ýí íãíäí

æÈÇáãáÇãåú Ýíß ÚÐøÈæäí
æÞÕÏåãú ÈÇáäÇÑ íÍÑÞæäí
æÞÈá ÐÇ ßÇäæÇ íÕÏøÞæäí
ÝÞáÊ Ãááåú Èíäåãú æÈíäí

ÍáÝÊ áãÇ ?ÈÏæÇ ÔÌäú ææÓæÇÓ
íÇ ÐÇ ÇáÐí ÓãøóíÊãæåú Úáì ÇáÑÇÓ
ãÇ ?ÑÇå ÅáÇø ãËá ÓÇÆÑ ÇáäÇÓ
ÃäÓÇåú æÃäÊãú Èåú ÊÐßøÑæäí

æ?ÌÑóæÇ ãä ÇáÏãÚ ÇáÛÒíÑ ÃÌäÇÓ
ÞáÊãú ÈÃäøåú ÈÏÑ ÌäÍ ÇáÃÛáÇÓ
áæ ßäÊ ?ÍÈøåú ãÇ Úáíø ãäú ÈÇÓ
áÇ ÊÙáãæåú ÈÇááåú æÊÙáãæäí

ÞÇáæÇ ÝãÇ áßú Ííäú ÊÑÇå ÊÎÌá
æÊÓÊÍí íæãú ÊÐßÑåú æÊÝÔá
æÃäÊ ÞÇáæÇ Çáíæãú Úáíåú ÊÛÒøá
ÞÑóæÇ ÈÎØøßú áåú ÛÒáú Íãíäí

íÕÝÑø æÌåßú Åä ÈÏì æÃÞÈá
íÛíÈ ÚÞáßú Åä ÐõßÑú æÊÐåá
ÛÒáú ÑÞíÞú Ýí ßá Ííä íõÞÈá
íåÒø ÍÊì ÞÇãÉ ÇáÑõÏíäí

ÝÞáÊ ÎáøóæÇ ÐÇ ÇáßáÇã ÈÇááå
ßáÇã íÎÌáú ÑÇÚíó ÇáÃÔáøå
ÝßÇíÏæåú ÚÇÏåú ÕÛíÑ ÃÈáå
ÎáøóæÇ áßãú ßíÏåú æßÇíÏæäí

ßáÇã íæÑËú ááÕÛíÑ ÎÌáå
ãÛíÑ ÔãÓ ÇáÃÝÞ æÇáÃåáøå
ÔÇÍãáú áßãú ÍÇÌåú Úáíø Óåáå
ÊÚÇäÏæåú ÈÇááå ÚÇäÏæäí

åæú íÑÍãåú ÞáÈí áÕÛÑ Óäøå
æ?äÊãú ÊÞæáæÇ ÃÚÔÞåú áÍÓäå
ÍÓäåú áäÝÓåú æ?íÔú Úáíø ãäøå
ÞÇáæÇ ßÐÈú æ?öáÇø ÝÕÏøÞæäí

ãÇ åæú ÔóÝóÞú Ýí ãÈÓãåú æÚíäå
æÅäø ÞÏøåú ÛÑøäí ÈÛÕäå
ßíÝú ÃÚÔÞåú æÇáåÌÑ ÕÇÑ Ýäøå
æÅäú áßãú ÞÏÑåú ÝÞíøÏæäí

íÇ Îáø ÌíÑÇäßú ÔæÇäíó ?ÚÏÇ
íÔäæßú æíÔäæäí ÕÍíÍ ÌÏøÇ
ÏÇÑíÊåãú Ýí ÚÔÞÊßú ÝãÇ ?ÌÏÇ
æ?äÇ ßãÇ ?äÇ ÚÇÔÞßú Ôäæäí

ÞÏú ÐæøÞæäí ÇáãÑø Ýíß æÇáÏÇ
íÔäæßú ßãÇ ÍÓäßú ÈÏíÚú ãÝÏøóì
Åäøåú ÅÐÇ ?ÑåÈú ÈÇáÐí ÊÈÏøÇ
ãÇ ÔÇä Ýí ÌÏøí æÝí ãÌæäí

ãÇ áí ãÚ ÇáäÇÓú ÃíÔú Úáíø ãäúåã
æÇááå ãÇ ?äÇ ÞØø ?ÓÇá Úäúåã
æ?äÇ ßÐÇ ãäú íæãú ÃäÇ æíæãú åã
ÔÇÞæáú ãäíÚ Çááå íÊÑßæäí

ÔÇÕÈÑú Úáì ÃÞæÇáåãú æÔÇÍáã
ÃÎÇÝåãú Ýí ÚÔÞÊßú ÝÎÝúåã
ÞÏú ÌÑøÚæäí Ýí ÇáãÍÈøÉ ÇáÓã
æáÇ Úáíåãú ÚÒøÊí æåæäí

ÞÇáæÇ ÚÔöÞú åæú ÚíÈ ãóäú ÊÚÔøÞ
ÞÇáæÇ áãåú ÞáÈí Úáíå íÍúÑÞ
æãÇ áÚíäí ÈÇáÏãæÚ ÊÛÑÞ
ÇáÏãÚ ÏãÚí æÇáÚíæäú Úíæäí

ÞÇáæÇ ÝÄÇÏí ÈÇáåæì ãÚáøóÞ
ãäú ÓßÑ ÍÈøåú ãÇ ÕÍì æáÇ ?ÝÑÞ
æäåÑåÇ ÝæÞ ÇáÎÏæÏ ãØúáÞ
æãÇ Úáíåãú ãäú ÈßÇ ÌÝæäí

46A cause de toi ils m'ont empoisonné et gâché le plaisir de te voir

47 Et à force de reproches m'ont tourmenté à ton propos

48Ils ont pris le Coran et m'ont fait jurer

49 Dans l'idée de me faire brûler en enfer

50J'ai juré que je ne t'aimais pas et ils ne m'ont pas cru

51 Alors qu'ils me faisaient auparavant confiance

52Ils ont cru que j'avais fait un serment biaisé

53 Et j'ai dit : que Dieu soit juge entre eux et moi

54J'ai juré lorsqu'ils ont montré de la peine et de l'obsession

55 Et qu'ils ont laissé couler des torrents de larmes de toute sorte

56Celle que, selon vous, je prise plus que tout

57 Vous avez dit qu'elle est la pleine lune au milieu des ténèbres

58Je ne la considère que comme le commun des mortels

59 Et si je l'aimais, je ne ferais rien de mal

60Je l'oublie et c'est vous qui me la rappelez

61 Ne lui faites pas de tort, par Dieu, en m'en faisant 

62Ils ont dit : D'où te vient, quand tu la vois, cette timidité ?

63 Ton visage pâlit quand tu l'aperçois de loin approcher

64Tu rougis quand tu parles d'elle et perds tes moyens

65 Et quand on parle d'elle, tu n'es plus là et tu restes interdit

66On a dit aujourd'hui que pour elle tu composes

67 Un ghazal tendre qui est apprécié en toute occasion

68On a lu de ta main un ghazal /humaynî

69 Qui ébranle même celle dont la silhouette est comme un javelot de Rudayn

70J'ai dit : Laissez là ces paroles, par Dieu

71 Ces paroles qui rendent la petite confuse

72Ces paroles qui font rougir la belle aux bijoux

73 Qui rend jaloux le soleil sur l'horizon et les croissants de lune

74Vous lui tendez des pièges alors qu'elle est encore petite et ne comprend pas

75 C'est à moi d'endurer de vous une chose qui pour moi est aisée

76Cessez donc de lui tendre des pièges, c'est à moi qu'il faut les tendre

77 Vous la harcelez, par Dieu, harcelez-moi

78Mon cœur la prend en pitié à cause de son jeune âge

79 Ce n'est pas par tendresse pour sa bouche et son œil

80Mais vous dites que je l'aime pour sa beauté

81 Et que le rameau de sa silhouette m'a séduit par sa beauté

82Sa beauté est à elle, qu'en ai-je à faire ?

83 Comment puis-je l'aimer quand l'absence est devenue son art ?

84Dites : Mensonge ! ou bien croyez-moi

85 Et s'il est en votre pouvoir, enchaînez-moi

86Mon amie, tes voisins sont des envieux et des ennemis

87 Et m'ont fait goûter à cause de toi l'amertume et la maladie

88Ils médisent de toi et de moi, c'est la vérité

89 Ils médisent de toi à cause de ta beauté éclatante, pour laquelle on donnerait sa vie

90J'ai cherché à leur complaire dans mon amour pour toi, mais en vain

91

92Et moi, parce que je t'aime, ils ont médit de moi

93 Que peut leur faire que je sois sérieux ou que je plaisante ?

94Je ne me soucie pas des gens, qu'en aurais-je à faire ?

95 J'endurerai leurs propos avec patience

96Par Dieu, jamais je ne m'enquiers d'eux

97 Je les redoute parce que je t'aime et, toi aussi, redoute-les

98Et c'est ainsi, un jour par ma faute, un jour par la leur

99 A cause de l'amour, on m'a fait boire le poison

100Je dirai : Que Dieu me garde pour qu'ils me laissent

101 Mon honneur ou mon humiliation ne les regardent pas

102Ils ont dit : Il est tombé amoureux, c'est une faute que d'être amoureux

103 Ils ont dit que mon âme est liée par la passion

104Ils ont dit : Pourquoi mon cœur brûle-t-il pour elle ?

105 De l'ivresse de son amour il ne s'est ni réveillé ni remis

106Et qu'ont donc mes yeux à être noyés de larmes,

107 Que leur fleuve coule sans retenue sur mes joues ?

108Ces larmes sont mes larmes et ces yeux sont mes yeux

109 Et que peuvent bien leur faire les pleurs de mes paupières ?

110

ãÚÔæÞ ÇáÌãÇá58
Ýí åÌÑí ÃØÇá
áÇ ßÇä ÇáãØÇá
ÃÈÏì áí ÇáãáÇá

äåöÈú ÝÄÇÏí ÌãÇáå
æ?ÐÇÈ ÞáÈí ãØÇáå
áãåú ÊÞæáæÇ ÃØÇáå
æíáÇå ãÇ ÐÇ ÃãÇáå

æíåú íÇ Óíäú Úáíß
ãÇ ÐäÈí Åáíß
ÞáÈí Ýí íÏíß
ãÇ ÝÚáßú ÍáÇá

ãä äÇÑ æÌÏí æßÑÈí
ÃÓÞãÊäí æ?äÊ ØÈøí
ÈÇááåú Úáíßú åÇÊ ÞáÈí
Èãäú ÌãÇáßú Íáì áå

Âåí ãäú ÌÝÇß
ÈÑøÍú Èí åæÇß
ÃÈÐáú Ýí ÑÖÇß
ÃÔÈåÊ ÇáåáÇá

íÇ ÏÑøíó ÇáËÛÑ ÇáÇÔäÈ
æÃäÊ ÊÖÍßú æÊáÚÈ
ÓæÇÏ Úíäí æÊÛÖÈ
íõäÙÑú æãäú ÐÇ íäÇáå

ÞáÈí ãáÊåÈ
ÏãÚí ãäÓßÈ
íÇ ÞáÈ ÇÍÊÓÈ
æÇÞäÚú ÈÇáÎíÇá

íÇ ÝÇÊäí ãäú ÍÌÇÈß
ãäú íæã ÝÇÑÞú ÌäÇäß
æÇÕÈÑú Úáì ãÇ ÃÕÇÈß
Åäú ßÇä íäÝÚú ÎíÇáå

ØæøáúÊ ÇáÈÚÇÏ
ÞáÈí Ýí ÇÊøÞÇÏ
ÌÇæÈúäí ÇáÝÄÇÏ
ÞÇáú ØÑÝí ãÍÇá

Çááå Èíäí æÈíäß
íÇ ÞáÈ ÌóÑøóíÊ Ííäß
ãÇ ÞÇÊáí ÛíÑ Úíäß
ÚäÏ ÇáÞÏóÑú ÃíÔ ÍÇáå

åáú áí ãäú ãÌíÑ
ßÇáØÝá ÇáÕÛíÑ
ÇáÙÈúí ÇáÛÑíÑ
ßíÝ ÇáÅÍÊíÇá

ãäú ÞáÈ íÄÐíåú ÝÚÇáå
ÅÐÇ ÑÃì Ôöíú ÍÈóì áå
ÞáÈí äÔöÈú Ýí ÍÈÇáå
ÇáÞáÈ Þáø ÇÍÊíÇáå

íÇ ÞáÈí ÛæíÊ
ÚáøãúÊßú äÓíÊ
íÇ ØÑÝí ÈßíÊ
ÞÏú ÚÒø ÇáæÕÇá

ÚÔöÞúÊ ãäú áÇ íÑíÏß
Çááåú ÊÚÇáì íÒíÏß
åÐÇ ÇáÈßÇ ÃíÔú íÝíÏß
Åäú ßÇä ÞÕÏßú æÕÇáå

111Celle qu'on aime pour sa beauté

112 Sa beauté a ravi mon cœur

113Elle fait durer son absence

114 Et cette durée fait fondre mon cœur

115Pût-elle ne pas durer

116 Pourquoi, pensez-vous, dure-t-elle ?

117Elle m'a montré de la lassitude

118 Hélas, qu'est-ce donc qui l'y a poussée ?

119Hélas, Dieu te protège

120 Du feu de ma passion et de mon tourment

121Quelle faute ai-je commise envers toi ?

122 Toi, mon médecin, tu m'as rendu malade

123Mon cœur est dans ta main

124 Au nom du Ciel, rends-moi mon cœur

125Tu agis mal

126 Envers celui à qui plaît ta beauté

127Ah ! Comme je souffre de ton abandon

128 Toi dont la bouche est de nacre éclatante

129Ton amour me met en martyre

130 Tandis que tu ris et joues

131Je donnerais pour te satisfaire

132 La prunelle de mon œil et tu es courroucée

133Tu es comme le croissant de lune

134 On le voit, mais qui peut l'atteindre ?

135Mon cœur brûle,

136Enchanteresse, pour ton voile

137Mes larmes coulent

138 Depuis que tu m'as délaissé

139Mon cœur, prends patience

140 Et satisfais-toi de ce qui t'est échu

141Contente-toi de l'imagination

142 Comme s'il pouvait suffire d'imaginer

143Tu as trop fait durer cette séparation

144 Que Dieu soit juge entre toi et moi

145Mon cœur est en flammes

146 Ô cœur, tu as bien cherché ton malheur

147Le cœur me répondit

148 Mon meurtrier n'est autre que ton œil

149L'œil dit : C'est impossible

150 Que faire contre le destin ?

151Quel refuge trouver

152 Contre un cœur qui se fait lui-même du mal ?

153Comme le petit enfant,

154 Voyant un objet, se traîne vers lui,

155De la gazelle trompeuse

156 Mon cœur s'est pris dans les rets

157Quelle ruse trouver ?

158 Mon cœur est à court de ruses

159Mon cœur, tu as fait fausse route

160 Tu t'es épris de qui ne veut pas de toi

161Je t'ai appris, tu as oublié,

162 Que Dieu accroisse ton amour

163Mon œil, tu as pleuré

164 A quoi t'ont servi ces pleurs ?

165Il sera bien difficile d'arriver jusqu'à elle

166 Si vraiment c'est là ce que tu voulais

167

Îáøí ÌÝÇäí ÈáÇ ÓÈÈ59
ÃÈÏì áíó ÇáÕÏø æÇÍÊÌÈ
æÛÇÈ íÇ äÇÓ æÇÌÊäÈ
ãäú ÐÇ ÊÞæáæÇ Úáíåú ßÐóÈ

ÍÑøí Úáíåú ãÇ ÓÈÈú ÌÝÇå
æäÛøÕ ÇáÚíÔ æÇáÍíÇå
ÝáÇ íÑÇäí æáÇ ÃÑÇå
æãä ÊÞæáæÇ ãä ÇáæÔÇå

ÅÐÇ æÔì ÈíääÇ ÇáÑÞíÈ
æÇáÞáÈ Ýí ÞÈÖÉ ÇáÍÈíÈ
ÞÑíÈú Úáì Çááåú ÞÑíÈú ÞÑíÈ
ßãú ÚÔúÞ ßãú ÔæÞ ßãú ØÑÈ

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Ýí åÌÑ Îáøí æÝí áÞÇå

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ãÇ ?Úãáú ÅÐÇ Çááåú Úáíú ßÊÈ

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ÍÈøåú æÚÔÞåú Úáì ÞÖÇå

ãÇ ?Íáì ÍÈíÈí æãÇ ?ÍÓäå
Çááå ÕÇÛåú æÒíøäå
Ýí ÏÇÎá ÇáÞáÈ ãÓßäå
ÞÖíÈ ãíøÇá ãäú ÐåÈ

ßÇáÛÕä ?öÐÇ ãÇá æÇÓÊæì
ãËá ÇáÛÒÇáåú ÓæÇ ÓæÇ
íÓßäú ãÚ ÇáÍÈø æÇáåæì
ÝæÞåú ÞãÑú æÇáÞãÑú ÓãÇå

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ßÇáÓãåÑíú íäËäí åóíóÝ
ÔßæÊ ãÇ ?áÞÇåú ãä ÇáÏóäóÝ
æÞÇá ?äÇ ?ÍÈø ãäú ÃÍÈ

æÕæÑÊåú ÝÇÞÊ ÇáÕæóÑ
ÒÑø ÇáÃÒÑøåú Úáì ÞãÑ
Úáíå ÝÇÝÊÑø Úäú ÏõÑóÑ
æãäú íÔÇäí ÃäÇ ÃÔÇå

168Mon amie m'a quitté sans raison

169Hélas, pourquoi m'a-t-elle quitté ?

170Elle m'a repoussé et s'est dissimulée

171 Troublant ma vie et mon existence

172Elle a disparu, bonnes gens, et s'est échappée

173 Elle ne me voit plus, je ne la vois plus

174Qui, à votre avis, a menti sur mon compte

175 Et qui sont, à votre avis, les médisants ?

176Si l'espion a médit pour nous séparer

177 Il a dû la troubler en prétendant que je la délaissais

178Alors qu'elle tient mon cœur prisonnier dans sa main :

179 Comment pourrait-il choisir de s'en aller ?

180Par Dieu, il est tout à sa portée

181 De rendre à mon cœur plaisir et joie

182Que de passion, que de désir, que d'émotion

183 A perdre et à retrouver mon amie

184Par Dieu je l'aime d'amour et j'en suis épris

185 Bien qu'elle m'ait abandonné et blessé

186Je ne puis l'oublier ni trahir notre alliance

187 Bien qu'elle l'ait oubliée et trahie

188Et je tends l'oreille à sa douce voix

189 En me disant : Peut-être l'entendrai-je, peut-être

190Qu'y puis-je si Dieu a écrit

191 En son dessein que je la devais aimer et adorer ?

192Que mon amie est douce et belle

193 Comme la branche qui oscille et se redresse

194Dieu a façonné sa forme et sa beauté

195 Comme celles de la gazelle exactement

196Sa demeure est au fond du cœur

197 Elle réside avec l'amour et la passion

198Souple baguette d'or

199 A son sommet, une lune dont la lune est le ciel

200J'ai une amie comme la pleine lune au milieu du mois

201 Son apparence surpasse toutes les autres

202Comme la lance Samharî ploie tant elle est mince

203 Comme le plus beau des boutons de rose sur une lune

204Je me suis plaint auprès d'elle de la langueur que j'endure

205 Elle a souri d'un éclat de nacre

206Et dit : J'aime qui m'aime

207 Et qui me veut, je le veux

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Bibliographie

En arabe

`Îsâ b. Lu/tf Allâh b. al-Mu/tahhar b. Ya/hyâ Sharaf al-Dîn, 1981 (réimp.) : Raw/h al-rû/h fîmâ jarâ ba`d al-mi'a al-tâsi`a min al-fitan wa-l-futû/h, fac-similé édité par le ministère yéménite de l'Information et de la Culture (Mashrû` al-kitâb), Damas, Dâr al-Fikr.

Ja`far al-/Zafârî, 1992 : « Al-shi`r al-/humaynî fî al-Yaman » (« La poésie /humaynî au Yémen »), Al-Yaman (n° 3-4, p. 6-61), Aden, Markaz al-bu/hûth wa-l-dirâsât al-yamaniyya ­ Jâmi`at `Adan.

Ja`far al-/Zafârî, 1996 : « Târîkh al-shi`r al-/humaynî fî al-Yaman » (« Histoire de la poésie /humaynî au Yémen »), Al-Yaman (n° 6, p. 7-35), Aden, Markaz al-bu/hûth wa-l-dirâsât al-yamaniyya ­ Jâmi`at `Adan.

Mu/hammad b. `Abd Allâh b. Ya/hyâ Sharaf al-Dîn, `Îsâ b. Lu/tf Allâh b. al-Mu/tahhar b. Ya/hyâ Sharaf al-Dîn (compilateur), s. d. : Al-Raw/d al-marhûm wa-l-durr al-man/zûm, édité par Mu/hammad `Abd al-Mun`im Khafâjî, Dhamâr, Maktabat Dhamâr al-wa/taniyya.

Mu/hammad b. `Abd Allâh b. Ya/hyâ Sharaf al-Dîn, `Îsâ b. Lu/tf Allâh b. al-Mu/tahhar b. Ya/hyâ Sharaf al-Dîn (compilateur), s. d. (réimp.) : Mubayyatât wa-muwashsha/hât, édité par `Alî b. Ismâ`îl al-Mu'ayyid et Ismâ`îl b. A/hmad al-Jirâfî, Dâr al-`Awdah, Beyrouth, Dâr al-Kalima, Sanaa.

Mu/hammad `Abduh Ghânim, 1980: Shi`r al-Ghinâ' al-/San`ânî (« La Poésie du chant de Sanaa »), Beyrouth, Dâr al-`Awda, deuxième éd.

Mu/hammad b. `Alî al-Shawkânî, s. d.: Al-Badr al-/Tâli` bi-ma/hâsin min ba`d al-qarn al-sâbi`, Beyrouth, Dâr al-Ma`rifa.

En langues européennes

Behnstedt P., 1985 : Die nordjemenitischen Dialekte. Teil 1 : Atlas, Wiesbaden, Dr Ludwig Reichert Verlag.

Dragonetti R., 1979: La technique poétique des trouvères dans la chanson courtoise. Contribution à l'étude de la rhétorique médiévale, Genève-Paris-Gex, Slatkine Reprints, réimpression de l'édition de Bruges, 1960.

Lambert J., 1997 : La médecine de l'âme, Nanterre, Société d'ethnologie.

Lambert J. : « Métrique, contrafacture et procédés formulaires dans le chant de Sanaa », à paraître.

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Document annexe

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Notes

1 Mu/hammad `Abduh Ghânim, 1980, p. 157 sqq. ; Lambert, 1997, p. 75 sqq.
2 Ce sont les dates que donne son neveu, `Îsâ b. Lu/tf Allâh b. al-Mu/tahhar b. al-imâm Ya/hyâ Sharaf al-Dîn, qui a rassemblé et édité son œuvre, dans l'introduction du recueil de ses poésies en arabe classique. C'est aussi en 1010 qu'il situe la mort du poète dans Raw/h al-rû/h, la chronique historique qu'il a consacrée aux années 901 à 1029 de l'Hégire. Mais Mu/hammad b. `Alî al-Shawkânî et, probablement à sa suite, la plupart des auteurs postérieurs, situent la mort de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn en 1016. Remarquons, cependant, que dans le manuscrit de Raw/h al-Rû/h dont le Comité du Livre du ministère de l'Information et de la Culture a édité le fac-similé et qui date de l'an 1086 de l'Hégire, l'encre du dernier zéro de la date 1010 semble avoir coulé, lui donnant une forme pouvant ressembler à celle d'un six.
3 Le terme /humaynî et les différents autres qui ont servi à désigner cette poésie ont une histoire complexe (Ja`far al-/Zafârî, 1992 et 1996). Cependant, à l'époque de Mu/hammad b. Sharaf al-Dîn, ce terme paraît désigner un genre bien identifié et déjà constitué. C'est dans ce sens qu'il sera employé ici. On ne suivra pas non plus l'usage qui nomme /humaynî toute poésie non classique.
4 L'édition d'al-Mu'ayyid et al-Jirâfî de Mubayyatât wa-muwashsha/hât se fonde sur deux manuscrits conservés dans des familles yéménites. Les éditeurs ne font aucune analyse codicologique de ces manuscrits mais ils signalent par une note tous les lieux où leurs leçons divergent.
5 Mubayyatât wa-muwashsha/hât, p. 187.
6 Dragonetti, 1960, p. 541 sqq.
7 Sur le rôle de ces formulations stéréotypées dans la structuration du répertoire musical, voir Lambert 1997, p. 117-126. Enfin, les formes et les conventions de cette poésie amoureuse ne sont pas sans lien avec les contraintes de la société qui la pratique (Lambert 1997, p. 78-84).
8 On trouvera néanmoins en annexe trois poèmes de Sharaf al-Dîn avec leur traduction, qui tenteront d'illustrer le propos de ces lignes.
9 Les informateurs ont, par exemple, souvent du mal à expliquer le sens d'un mot indépendamment du cliché poétique dont il fait partie. Dans l'expression de certains de ces clichés, le poète semble affectionner particulièrement tel ou tel trait syntaxique, etc.
10 On trouvera dans Mu/hammad `Abduh Ghânim, 1980, p. 92 sqq., un exposé de la métrique de la poésie /humaynî, avec de nombreux exemples. Il est néanmoins utile d'en préciser certains points. Les lignes qui vont suivre ne prétendent pas donner une théorie générale de la métrique /humaynî mais espèrent simplement permettre au lecteur de manier sommairement un outil d'analyse qui a le mérite de fonctionner. Elle mettent à profit un article inédit de J. Lambert (« Métrique, contrafacture et procédés formulaires dans le chant de Sanaa », à paraître) mais sans chercher à anticiper sur ses conclusions ; les défauts qu'on y trouvera ne sauraient donc être imputés à cet auteur. Le lecteur cherchant un exposé systématique des mécanismes de cette métrique est invité à s'y reporter.
11 A l'exception d'une pièce, qui a une structure de qa/sîda monorime (Mubayyatât wa-muwashsha/hât, p. 192).
12 On trouvera dans Mu/hammad `Abduh Ghânim, 1980, p. 119 sqq., les principaux schémas, parfois assez complexes, suivant lesquels s'organisent les rimes dans le chant sanaani en général ; ils peuvent donner une idée de ceux que comporte la poésie de Sharaf al-Dîn.
13 Il arrive parfois que ce refrain prenne les dimensions d'un vers entier que l'on retrouve à la fin de chaque strophe.
14 Ce schéma métrique est en réalité le résultat de l'agencement d'unités plus petites : les vers. Tantôt ces vers sont tous de même mètre, tantôt la strophe mélange des mètres différents. Chaque vers se divise en hémistiches, en général au nombre de deux, rarement de trois ou quatre (c'est alors par commodité qu'on gardera le terme d'hémistiche). La distinction entre vers et hémistiche est parfois quelque peu arbitraire mais elle est traditionnelle et correspond souvent à une structure musicale quand, aujourd'hui, le poème est chanté.

Le mètre de chaque vers est, à son tour, composé d'un certain nombre de pieds. Pour une analyse des différents mètres en terme de pieds, voir J. Lambert, « Métrique, contrafacture et procédés formulaires dans le chant de Sanaa », à paraître.

Un inventaire exhaustif des différents schémas strophiques serait trop long et demanderait d'autres développements. On consultera toutefois Mu/hammad `Abduh Ghânim, 1980, p. 119 sqq. Disons, pour simplifier, que la plupart des poèmes entrent dans l'une ou l'autre des deux catégories suivantes : le mubayyat, dont les strophes sont des quatrains de vers de même mètre ; le muwashsha/h, qui au quatrain du mubayyat ajoute un tawshî/h ­ groupe de trois hémistiches dont le mètre est en rupture avec celui du quatrain, bien qu'il lui soit en général apparenté ­ suivi le plus souvent d'un taqfîl  ­ distique qui revient au mètre initial. Mais, à l'intérieur comme à l'extérieur de ces deux catégories, les formes foisonnent.

15 Deux restrictions à cela : la première unité de chaque hémistiche est commune dans la plupart des mètres ; quelques rares mètres, en particulier u _ u _ _ _ u _ u _ _, admettent une variante, en l'occurence u _ u _ _ u u _ u _ _.
16 Les transcriptions entre crochets sont purement hypothétiques ; elles visent surtout à montrer le type de réalisation que le mètre autorise ou impose.
17 Du type íÇ ãÛíÑÇð, Mubayyatât wa-muwashsha/hât, p. 51.
18 Ibid., p. 80.
19 On notera par ° cette voyelle épenthétique pour ne pas préjuger de son timbre.
20 Cependant, devant l'article en particulier, certains mots en _î peuvent être scandés _iy°. Un usage analogue existe en poésie classique pour le pronom suffixe de la première personne du singulier (réalisé _iya). Les mots du type ÝÇÖò, qui apparaissent le plus souvent chez Sharaf al-Dîn sous la forme [qâ/dî], même à l'état indéterminé, sont aussi concernés par ce phénomène. Mais, la forme ÞÇÖöíó existant en arabe littéral, on pourrait voir dans les [qâ/diy°] de Mubayyatât wa-muwashsha/hât un usage prosodique emprunté à la langue classique.
21 On ne peut guère savoir quel timbre vocalique est alors conservé. La chose est, en général, indifférente du point de vue du mètre.
22 La rareté des formes féminines ne doit pas étonner, le poète s'adressant pratiquement toujours à la belle au masculin. C'est donc seulement quand il apostrophe son œil (ou, rarement, quand il rapporte un dialogue présenté comme réel et non imaginaire) qu'on voit apparaître le féminin à la deuxième personne.
23 Les inaccomplis en -ûn et -în sont cependant bien attestés dans les dialectes yéménites contemporains, en particulier dans la Tihâma au nord de Zabîd (Behnstedt, 1985, p. 129 et 130).
24 Cependant, ÔÜÇ et ÓÜ(Ã) sont proches graphiquement et équivalents du point de vue métrique. On ne peut pas exclure qu'il y ait eu des passages de l'un à l'autre.
25 Une bonne partie des occurrences concerne la formule ÔÇ(Ã)ãæÊ « je mourrai (de ton amour sans que tu le saches) ». La particularité grammaticale pourrait bien avoir fait son chemin dans le sillage du cliché poétique.

Mubayyatât wa-muwashsha/hât présente p. 34 deux vers qui combinent ÔÇ et ÚÇÏ (invariable) et méritent d'être cités : æÞÇá áí áÇ ÚÇÏ íÌí ßÊÇÈß / æÇöä ÌÇ ÝãÇ ÚÇÏ ÔÇíÚæÏ ÌæÇÈß « Elle m'a dit : Qu'il ne vienne plus de lettres de ta part. Et s'il en vient, il ne te sera plus répondu » ; áßä ÇäÇ íÇ ÞÇãÉ ÇáÑÏíäí / ãÇ ÚÇÏ Çáíß ÔÇßÊÈ Úáì Úíæäí « Mais, pour ma part, silhouette de javelot, je ne t'écrirai plus, [je le jure] par mes yeux. »

26 Behnstedt, 1985, p. 132. Cette particule ÔÇ est cependant utilisée jusqu'à nos jours à toutes les personnes par les poètes originaires des Hauts plateaux. Cet emploi semble donc propre à la langue de la poésie et, au moins à époque récente, ne rien devoir ni à l'arabe classique ni à la langue parlée.
27 ãÇÔÇ ÐÇ ÇáßáÇã « je ne veux pas de tels propos », æÇäÇ ãÚß ãÇÔÇ ÇáãÒÇÍ « je ne veux pas plaisanter avec toi », Mubayyatât wa-muwashsha/hât, p. 91. Le verbe shâ / yishâ dans le sens de « vouloir » est aujourd'hui employé en Tihâma et au sud de Taez (Behnstedt, 1985, p. 202).
28 et sont les formes les plus courantes aujourd'hui sur les Hauts plateaux. D'autres formes existent dans la région de Ibb et de Taez. Le nord de la Tihâma a huwwa / hiyya ou huwa / hiya mais Zabîd et le sud de la plaine côtière ont  / .
29 Quelques formes pronominales qu'il peut être utile de savoir attestées : dans un cas, le mètre impose de lire ÇäÊ comme antî avec voyelle longue (Mubayyatât wa-muwashsha/hât, p. 144). On trouve ailleurs (p. 91) la forme ÇäÊå (bien que Behnstedt, 1985, ne signale rien de tel, on entend aujourd'hui sur les Hauts plateaux des pronoms de deuxième personne du masculin singulier avec -h final qui correspondent tout à fait à cette orthographe). On trouve les formes mink, minhum mais minn°h, on a une fois ma`âhâ (garantis par le mètre).
30 A peu de choses près, cette forme existe aujourd'hui dans tout l'ex-Yémen du Nord à l'exception notable de la Tihâma (Behnstedt, 1985, p.83). Le poème où on la trouve (et qui a, par ailleurs, trois fois l'article Çã dans le premier vers) est d'une facture exceptionnelle car le poète s'y adresse à la belle au féminin. Les quelques autres attestations du pronom suffixe de deuxième personne du féminin singulier sont toutes en Üß.
31 On le rencontre souvent dans les premiers vers d'une pièce. Le chanteur Mu/hammad /Hamûd al-/Hârithî va jusqu'à l'ajouter là où notre diwan a ÇáÜ, dans le deuxième hémistiche d'un poème (Mubayyatât wa-muwashsha/hât, p. 117). Encore une fois, une particularité grammaticale semble liée à un procédé poétique.

L'article (a)m ou im n'est pas rare au Yémen aujourd'hui et il est bien possible qu'il ait été plus largement répandu dans le passé. La forme se trouve dans toute la Tihâma mais aussi dans d'autres aires, parfois discontinues, tant au Nord qu'au Sud.

32 Et ÚáíÔ « pourquoi ».
33 C'est encore un emploi qui se retrouve jusqu'à nos jours chez les poètes des régions zaydites.
34 Il semble que d'autres genres de poésie /humaynî (satirique, en particulier) y aient recouru plus systématiquement.
35 Les quelques occurrences de vocabulaire yéménite sont d'autant plus remarquables, comme l'emploi du verbe ÍÇÏ / íÍíÏ « voir », qui semble aujourd'hui propre à la Tihâma ; remarquons que ce verbe est déjà attesté chez le poète al-Mazzâ/h (Mu/hammad `Abduh Ghânim, 1980, p. 221) et qu'il reste couramment employé après Sharaf al-Dîn par des poètes pourtant originaires de la région de Sanaa, comme `Alî al-`Ansî ou `Abd al-Ra/hmân al-Ânisî  ; on trouve aussi ÐÇ ÇáÍíä ÐÇ ÇáÍíä « sur-le-champ », ÃíÊ « viens ! », ÓÎÇ « oser, être capable de » etc. Sauf peut-être ÍÇÏ, ces mots semblent avoir une valeur expressive particulière, parfois exclamative. Leur statut les met en relief.
36 Cependant, même sur les Hauts plateaux, il a pu être employé plus largement qu'aujourd'hui avant de voir son usage restreint à la première personne du singulier
37 Les titres portés par les personnages ne seront pas traduits mais transcrits, sans préjuger de leur signification.
38 « Car dans la plupart des muwashsha/hât [d'al-`Alawî], la signification est tout allusive et ne concerne pas un objet aimé particulier. » Mu/hammad b. `Abd Allâh, lui, « n'a rien composé de ses ghazaliyyât qui ne soit pour un objet aimé particulier. Et s'il décrit une rencontre et une séparation, elles ont eu lieu comme il l'a décrit. Et s'il se lamente sur une séparation et un adieu, cela s'est passé ainsi. Et s'il rapporte que l'aimé s'est détourné de lui et s'il se plaint de sa fuite et de son refus, c'est que c'est ainsi » (Mubayyatât wa-muwashsha/hât, p. 10 et 11). Muwashsha/h et mubayyat désignent visiblement des formes poétiques à l'intérieur du /humaynî (. supra). La distinction essentielle, chez `Îsâ b. Lu/tf Allâh, est entre /humaynî et mu`rab, le dernier terme désignant la poésie classique ; celle-ci est aussi désignée ­ mais une seule fois ­ comme /hakamî. Le terme de mal/hûn n'est pas appliqué au /humaynî yéménite ; mais il est attesté une fois, comme on le verra, à propos de poésie magrébine.
39 Ibid., p. 103
40 Ibid., p. 133. Le don poétique reçu en songe semble être un topos, puisque `Îsâ rapporte ensuite comment une aventure semblable était arrivée à Abû Bakr al-Mazzâ/h lui-même.
41 Ibid., p. 17, 103, 147, 155, 182, 185, 193, 208, 210.
42 Ibid., p. 153.
43 Na/zm, ici comme plus haut, semble en fait désigner, autant que le poème lui-même ou le simple fait de composer de la poésie, une manière particulière de composer, peut-être un mètre, une métrique ou un genre.
44 Al-Raw/d al-marhûm, p. 62 sqq.
45 Mubayyatât wa-muwashsha/hât, p. 93 sqq.
46 On peut donc difficilement qualifier le /humaynî de poésie « populaire », sauf à vider de tout sens ce terme par ailleurs propice à toutes les confusions.L'expression shi`r sha`bî revient cependant sous la plume de nombreux auteurs. La question de la réception de cette poésie dans les différents milieux sociaux est, certes, complexe mais il conviendrait de s'entendre sur les termes.
47 Pour faire entendre un poème, on le chante (en général anshada, parfois ghannâ) ; une seule fois on trouve le verbe qara'a.
48 Ibid., p. 188.
49 Al-Raw/d al-marhûm, p. 127.
50 Ibid. p. 28.
51 Lambert, 1997, p. 180.
52 Mubayyatât wa-muwashsha/hât, p. 26.
53 Ibid., p. 201.
54 Ibid., p. 153.
55 Ibid., p. 140.
56 Al-Raw/d al-marhûm, p. 90. Ailleurs, notre poète voit en songe le même A/hmad b. Mu/hammad lui offrir du qat de la variété dite salâm, cultivée près de Kawkabân ; c'est à nouveau l'occasion de composer un poème. D'autres fois, le poète reçoit une somme d'argent.
57 La formule métrique de ce poème est (pour chaque strophe) :

u - u - - - u - u - -/u - u - - - u - u - -

u - u - - - u - u - -/u - u - - - u - u - -

u - u - - - u - u - -/u - u - - - u - u - -

u - u - - - u - u - -/u - u - - - u - u - -

Soit, avec le système de taf`îlât de Mu/hammad `Abduh Ghânim :

ãÓÊÝÚáä ãÓÊÝÚáä ÝÚæáä/ ãÓÊÝÚáä ãÓÊÝÚáä ÝÚæáä

ãÓÊÝÚáä ãÓÊÝÚáä ÝÚæáä/ ãÓÊÝÚáä ãÓÊÝÚáä ÝÚæáä

ãÓÊÝÚáä ãÓÊÝÚáä ÝÚæáä/ ãÓÊÝÚáä ãÓÊÝÚáä ÝÚæáä

ãÓÊÝÚáä ãÓÊÝÚáä ÝÚæáä/ ãÓÊÝÚáä ãÓÊÝÚáä ÝÚæáä

58 Formule métrique :

- - - u -/u - u - - u - -

- - - u -/u - u - - u - -

- - - u -/u - u - - u - -

- - - u -/u - u - - u - -

ãÓÊÝÚáÇÊä/ãÓÊÝÚáä ÝÇÚáÇÊä

ãÓÊÝÚáÇÊä/ãÓÊÝÚáä ÝÇÚáÇÊä

ãÓÊÝÚáÇÊä/ãÓÊÝÚáä ÝÇÚáÇÊä

ãÓÊÝÚáÇÊä/ãÓÊÝÚáä ÝÇÚáÇÊä

59 Formule métrique :

u - u - - u - u -/u - u - - u - u -

u - u - - u - u -/u - u - - u - u -

u - u - - u - u -/u - u - - u - u -

u - u - - u - u -/u - u - - u - u -

ãÓÊÝÚáä ÝÇÚáä ÝÚæá/ãÓÊÝÚáä ÝÇÚáä ÝÚæá

ãÓÊÝÚáä ÝÇÚáä ÝÚæá/ãÓÊÝÚáä ÝÇÚáä ÝÚæá

ãÓÊÝÚáä ÝÇÚáä ÝÚæá/ãÓÊÝÚáä ÝÇÚáä ÝÚæá

ãÓÊÝÚáä ÝÇÚáä ÝÚæá/ãÓÊÝÚáä ÝÇÚáä ÝÚæá

60 Ou bien ?åæÇåú æÃÚÔÞå.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Julien Dufour, « Aux origines de la langue poétique sanaanie »Chroniques Yéménites [En ligne], 10 | 2002, mis en ligne le 23 avril 2003, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cy/136 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cy.136

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Auteur

Julien Dufour

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