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Histoires

Les répercussions de la guerre italo-ottomane sur les forces politiques au Yémen (1911-1914)*

Patrice Chevalier

Résumé

À la lueur d’archives françaises inédites détaillant la situation politique au Yémen à des fins diplomatiques, cet article s’efforce d’analyser l’impact du conflit italo-ottoman sur les acteurs politiques locaux dans un Yémen occupé par les forces ottomanes et convoité par des puissances impérialistes européennes. La guerre qui oppose forces italiennes et ottomanes de 1911 à 1912 incite rapidement d’autres acteurs à se positionner face aux événements, voire à les utiliser au profit de leurs propres enjeux ou intérêts. Alliances et stratégies politiques en seront profondément modifiées et les conséquences du conflit se feront sentir jusqu’au déclenchement de la première guerre mondiale.

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Texte intégral

1Lorsqu’en 1849, le vassal égyptien des Ottomans au Hedjaz commence à se montrer trop indépendant, la Sublime Porte déclenche une opération militaire pour reprendre le contrôle de ce territoire, du Yémen et de ses ports. Commence alors une lente et difficile occupation qui suscite rebellions et rejet de la part des populations yéménites locales. À la veille de la guerre italo-ottomane (1911-1912), les Ottomans font face à plusieurs révoltes : celle de l’imâm Yahyà Hamid al-Dîn dans les Hautes-Terres (Baldry, 1982)1, celle de l’émir Muhammad ibn ‘Alî al-Idrîsî dans le ‘Asîr2 et celle de la tribu des Zarânîq dans la Tihâma (Farah 2002 ; Kühn, 2005).

2L’objectif premier de l’occupation ottomane est de contenir l’expansion impérialiste britannique au sud de la péninsule Arabique. Le Yémen est alors une marche de l’empire censée protéger les lieux saints. Quand en 1869, avec le percement du canal de Suez, la mer Rouge devient le passage obligé des routes commerciales internationales, les Ottomans décident de faire du Yémen une des provinces de leur empire alors sous pression coloniale européenne. La France, la Grande-Bretagne et l’Italie prennent pied dans une région devenue la clef du commerce mondial. Les trois Puissances cherchent dès lors à s’assurer le contrôle de territoires et à nouer des alliances avec les forces politiques locales opposées aux Ottomans.

3En juillet 1911, le Maroc tombe définitivement entre les mains des Français. Voyant qu’elle est en train de se faire distancer sur le plan colonial par la France et la Grande-Bretagne, l’Italie décide de prendre possession de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque, province ottomane qu’elle convoite depuis longtemps et où elle possède des intérêts économiques (Mantran (dir.), 1989, p. 600). À l’automne 1911, l’Italie envoie un ultimatum à la Sublime Porte lui intimant l’ordre de ne pas résister à son invasion de la Tripolitaine. Le 29 septembre 1911, les Ottomans rejettent cet ultimatum offrant ainsi aux Italiens le prétexte tant espéré pour déclarer la guerre et tenter d’accroître leurs territoires coloniaux (Mantran (dir.), 1989, p. 600).

4L’Italie exporte rapidement le conflit en mer Rouge, aux portes du Yémen où elle souhaite renforcer son influence. Le Yémen se trouve alors impliqué dans un conflit colonial dont les conséquences sont à l’œuvre avant même que le conflit se soit étendu au sud-ouest de la péninsule Arabique.

5Jusqu’à ce jour, aucune étude, à notre connaissance, n’a porté sur les répercussions de cette guerre sur les forces politiques au Yémen. À ce titre, la lecture des archives diplomatiques du vice-consulat français de Hodeïda3, jusqu’à présent inédites, s’avèrent particulièrement parlantes et révèlent quantité d’informations concernant les conséquences de cette guerre coloniale sur le jeu politique local, les conflits anti-ottomans et les luttes d’influence entre les Puissances européennes présentes au Yémen. Parti a été pris de citer abondamment ces archives dans cet article en y insérant des extraits des télégrammes de M. Honoré Roux, vice-consul en poste entre 1912 et 1914. Ces télégrammes destinés à l’ambassade de France à Constantinople offrent en effet un récit complet et averti de la situation politique et sociale du Yémen de l’époque et permettent d’en comprendre les ressorts4.

La guerre et ses conséquences immédiates5

6Le déclenchement de la guerre coloniale entraîne immédiatement des changements dans les alliances politiques au Yémen.

7Conscient qu’il ne pourra mener et soutenir une guerre simultanément sur trois fronts (Italiens, Idrîsî et Yahyà) compte tenu des effectifs militaires dont il dispose6, ‘Izza bâsha, commandant en chef des forces armées ottomanes au Yémen, négocie avec l’imâm Yahyà pour parvenir à une entente. De son côté, Yahyà voit d’un mauvais oeil l’intrusion des Italiens dans « la contrée du Yémen [qui] n’a jamais été pénétré[e] par un drapeau infidèle depuis le commencement de l’islam. »7 En outre, l’imâm associe les Italiens à l’émir Idrîsî, son rival qui lutte lui aussi pour la construction d’un État yéménite indépendant. Grâce à son alliance avec les Ottomans contre les Italiens, Yahyà peut espérer porter indirectement atteinte aux prétentions de son ennemi personnel qui, en cas de victoire des Ottomans, se trouvera immanquablement affaibli.

8Quand, le 2 octobre 1911, deux bateaux de guerre italiens bloquent Hodeïda, l’imâm déclare immédiatement le jihâd contre les Italiens8. Des armes lui sont livrées à cette fin et le 27 octobre 1911 (Baldry 1976, p. 36-37), ‘Izza bâsha et Yahyà signent le traité de Da‘‘ân9. Profitant de la position de force que lui confère la situation, Yahyà obtient par cette alliance gain de cause à la plupart de ses revendications, à savoir la reconnaissance de son autorité administrative, juridique et fiscale sur l’ensemble des territoires à majorité zaydîte. L’imâm fait ainsi un premier pas vers l’indépendance.

9Mais la signature du traité n’est pas du goût des tribus qui le soutiennent et l’entente a de lourdes conséquences sur les rapports de forces. Certains se désistent. L’imâm Duhyânî, jusque-là allié de Yahyà, change de camp pour s’allier à Idrîsî. « L'imâm Duhyânî qui se prévaut, concurremment avec l’imâm de Sanaa, de sa qualité de chef spirituel des Zaydîtes - exerce son autorité sur les tribus situées dans la région montagneuse au nord de Hajjûr10. Partisan des Turcs il avait jusque là combattu avantageusement son rival [Idrîsî] à leur profit. Il considéra donc comme une trahison les importantes concessions accordées à son détriment par la Porte à l’imâm Yahyà et al-Idrîsî de son côté se considéra comme trahi par Yahyà seul bénéficiaire de ses concessions. De cette double trahison naquît l’alliance Duhyânî-Idrîsî contre les Turcs et Yahyà. »11

10S’insurgeant contre ce traité, qui accorde à Yahyà l’autonomie qu’il désire, Idrîsî déclenche une nouvelle attaque sur les positions ottomanes au sud de Jâzân. Mais désormais libres de concentrer leurs forces sur le front du ‘Asîr, les Ottomans résistent. Quand Idrîsî « compr[end] l'importance de l'effort qu'il [a] à faire non plus pour avancer, mais pour se défendre maintenant contre le choc de l'armée ottomane. Il n'hésit[e] plus […] à accepter le secours des Italiens qui cherch[ent] par tous les moyens depuis longtemps, sans résultats appréciables, à implanter leur influence dans cette région »12, il s’allie à eux.

11Les Italiens cherchent à imposer un blocus à l’ensemble des ports du Yémen. Il s’agit de prendre en étau Hodeïda pour faire capituler les troupes ottomanes qui y sont massées. Pour ce faire, ils doivent trouver un nouvel allié susceptible de combattre les forces adverses depuis l’intérieur des terres. Les Italiens prennent contact avec le cheikh de la tribu des Zarânîq, tribu connue pour ses actions menées à l’encontre des Ottomans (Baldry 1976, p. 60).

12En acceptant de s’allier aux Italiens, les Zarânîq obtiennent la non-application du blocus dans leurs ports, des livraisons d’armes et de l’argent. En échange, les Zarânîq sont censés prendre Hodeïda, mais, en dépit des efforts des Italiens qui tentent « d’exciter ces tribus contre les Turcs et incitent en toute occasion leurs chefs à venir leur prendre Hodeïda en leur rappelant qu’ils ont reçu de l’argent pour cela »13, les Zarânîq n’accomplissent pas leur part du marché. Tout au plus, certains membres de la tribu ont-ils facilité quelques bombardements, ce qui se révèle insuffisant pour la réussite de l’opération.

13Idrîsî apparaît lui aussi comme un allié versatile. Une fois arrivé à Zuhra (en juin 1912), il cesse apparemment de progresser vers le sud et il semble que les Italiens aient dû renégocier avec lui pour qu’il accepte de poursuivre. Ainsi, un télégramme daté du 16 août 1912 rapporte que « le consul d’Italie vient de partir pour l’Érythrée. […] Il va se concerter probablement avec le gouverneur de l’Érythrée sur les moyens de persuader au mahdî du ‘Asîr de profiter de l’affaiblissement, causé par des départs, des décès nombreux et des désertions, des troupes turques postées à Zuhra, la clé de la route du sud, pour tenter une vigoureuse action vers ce point [ie Hodeïda] »14. Une fois persuadé de reprendre la lutte aux côtés des Italiens, l’émir Idrîsî lui-même envoie « de nombreux émissaires […] chez les Zarânîq [qui] viennent inciter ces tribus, de la part de leur maître, […] à se soulever contre les Turcs et à marcher sur Hodeïda. »15 En vain.

14Comprenant que leurs alliances vacillent, les Italiens, cherchent à prendre contact avec l’imâm Yahyà, depuis leur consulat d’Aden. Ils espèrent lui faire renier son alliance avec les Ottomans. Le 10 août 1912, M. Roux « informe le département que les Italiens tentent d’envoyer un médiateur à Sanaa pour se charger d’une mission secrète auprès de l’imâm […] en vue de l’allier aux Italiens. »16 Cette alliance espérée ne verra jamais le jour et les opérations militaires italiennes au Yémen aboutissent à un échec. « En appliquant le blocus de la côte arabique les Italiens avaient espéré mettre les Turcs dans une position telle que les Arabes n’auraient pas eu de difficultés à devenir les maîtres de Hodeïda. Non seulement ils n’ont pas atteint le résultat désiré, mais il s’est produit des effets tout à fait contraires à leur attente. En effet, le blocus affecte uniquement les commerçants européens qui éprouvent un fort malaise de cet arrêt complet dans les affaires, vexe les gros marchands arabes qui effectuaient des bénéfices importants de leur trafic dans la mer Rouge, et enfin exaspère les indigènes aujourd’hui privés de la moindre ressource […]. Quant aux Turcs ils n’en sont nullement inquiétés. »17

15Néanmoins, les Italiens se rendent maîtres de Tripoli. La guerre dans les Balkans se profilant à l’horizon, a en effet conduit le gouvernement ottoman à accéder aux demandes italiennes, ce afin de pouvoir déplacer ses troupes vers un conflit autrement plus grave pour l’empire, qui n’en vient pas moins de perdre sa dernière province africaine (Mantran (dir.), 1989, p. 604). À défaut d’être parvenus à prendre réellement pied au Yémen, les Italiens ont tissé des relations (incertaines) avec l’émir du ‘Asîr et ont par là-même modifier le jeu politique au Yémen.

1912-1914 : les conséquences de la guerre sur le champ politique local

Un champ politique local bouleversé

16Côté Ottomans, la perte de la Tripolitaine a concrétisé les craintes du gouvernement ottoman. Il a, de fait, perdu son ascendant sur les provinces arabes en révélant que la Porte n’est plus capable de les protéger contre les puissances impérialistes européennes. Au Yémen, l’issue de la situation tend à prouver ce dont chacun se doutait, à savoir la faiblesse de l’armée et des autorités politiques ottomanes locales. Or, ceci risque de renforcer les mouvements de révoltes et d’affermir les rêves d’autonomie, d’autant que, dès le mois de novembre, des troupes ottomanes quittent le Yémen en direction d’Akaba d’où elles gagneront ensuite Damas à pied, avant de s’embarquer à bord du train pour Constantinople et les Balkans18. Si bien que début 1913, M. Roux peut dire que « la province de l’Yémen se trouve à peu près dégarnie »19, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes aux autorités militaires pour réprimer les révoltes locales qui vont se déclencher.

17Les Italiens ont satisfait leur désir de conquête colonialiste en Tripolitaine, mais localement, ils ne sont pas loin de passer pour les « perdants » de la guerre. Ils ont en outre déclenché l’animosité d’une partie de la population yéménite et avivé les mauvaises dispositions des autres Européens à leur égard.

18L’étonnant jeu d’alliances qui a amené les acteurs politiques locaux et une partie des tribus à se laisser entraîner dans le conflit qui opposait Ottomans et Italiens, a eu pour premier effet de bouleverser le paysage classique des associations, révélant par là même les priorités officielles de chacun. Guerre sainte pour Yahyà, poursuite de la lutte contre l’occupant ottoman pour Idrîsî, fidélité à la lutte politique entreprise et envie de se lancer dans l’action pour Duhyânî, retombées financières pour la tribu Zarânîq.

19Grâce au jihâd, Yahyà a pleinement joué son rôle de mujâhid, en préservant la sacralité du territoire qu’il protège. Est-ce au détriment de ses revendications de chef politique ? Tout dépend du terme et des perspectives. Symboliquement, son serment d’allégeance au calife de Constantinople (inhérente au traité de Da‘‘ân) semble retentir comme une grave faillite politique. Mais il est probable que du point de vue de Yahyà, l’allégeance est plus tactique que réelle. Il est vrai que localement, il a vu naître des oppositions d’ordre politique dans son propre camp. Cette opposition peut le fragiliser à court terme, dans la mesure où son aura de chef politique est légèrement ternie, mais dans le même temps, Yahyà a réussi à obtenir stratégiquement ce qu’il n’avait pu obtenir par les armes auparavant, à savoir la direction des Hautes-Terres.

20Idrîsî a, quant à lui, pleinement bénéficié des événements. Son territoire s’est étendu jusqu’à Zuhra. Il a acquis de nouveaux alliés, des armes et de l’argent. Il a certes dû s’allier avec les Italiens, mais ceux-ci restent en position de demandeurs et ne peuvent pas encore totalement imposer leur diktat. À court et moyen terme, Idrîsî ressort donc de la guerre, renforcé. De plus, « le traité de Lausanne20 garant[it] à l’Italie que sayyîd Idrîsî ne sera pas inquiété pour sa coopération à la lutte de l’Italie contre la Turquie en 1911-1912. »21 La seule petite ombre au tableau est son manque de fiabilité du point de vue des Européens. Un détail comparé à l’opportunisme sans parole de la puissante tribu des Zarânîq.

Un regain de révoltes tribales

21La fin du conflit italo-ottoman ne signifie pas la fin de l’hostilité de la tribu des Zarânîq à l’égard des Ottomans, bien au contraire. Celle-ci perturbe les voies commerciales et pillent les caravanes22. On apprend par ailleurs qu’elle utilise également le pillage et le blocage des routes commerciales comme moyens de représailles contre l’administration locale quand celle-ci incarcère l’un de ses membres23.

22Ils ne se contentent pas de provoquer les seules autorités locales. Le 12 juin 1913, M. Roux écrit que « des chefs zarânîq ont télégraphié […] à Constantinople que si le gouvernement ottoman ne pouvait pas assurer la sécurité dans leur pays ils demanderaient une intervention étrangère »24, ce qui semble paradoxal dans la mesure où eux-mêmes sont un facteur d’insécurité.

23Incités à réduire leurs actes de rébellion, « quelques chefs zarânîq touchent […] des dons en argent du gouvernement, sans quoi, ils feraient parler d’eux encore plus souvent n’ayant guère à craindre à présent que des troupes turques les punissent de leurs actes. »25. Plusieurs télégrammes montrent que les autorités locales sont « incapables de réprimer les actes de pillage et les luttes intestines » entre les tribus de la Tihâma, ce qui les décrédibilise aux yeux des « Arabes qui déclarent vouloir accepter volontiers […] un autre gouvernement […] ; leurs sympathies iraient aux Français ou aux Anglais. »26 Ainsi, les Zarânîq continuent-t-ils de contester activement le pouvoir et l’autorité des Ottomans, et ce jusqu’au déclenchement de la guerre mondiale. Ils ne sont pas les seuls.

24Les archives rapportent le cas d’un cheikh de la région de Taez qui se révolte contre l’occupant. De quoi bouleverser la traditionnelle opposition qui est faite entre le nord et le sud des Hautes-Terres. Selon cette acception, seul le nord zaydîte refuse la tutelle d’un pouvoir sunnite, ce qui conduit les populations à se révolter contre l’occupant ottoman ; aux yeux des populations chaféites du sud, en revanche, l’occupation ottomane devait paraître légitime et ne pas déclencher d’opposition (Stookey 1978, p. 159). Si cet état de fait a pu se révéler exact à l’arrivée des Ottomans, il semble qu’en l’occurrence, les attitudes aient changé.

25Le 16 janvier 1913, « les autorités militaires éprouvent quelques difficultés à organiser une expédition dans le sandjaq de Ta‘izz [Taez] où l’on a signalé […] une certaine agitation parmi les tribus arabes de cette région. Le bruit court, en effet, que, sous l’instigation de Muhammad ‘Abd Allah Sufyânî […]. Les indigènes de Ta‘izz ont réclamé au wâlî leur autonomie et que, déjà, ils manifesteraient en méconnaissant l’autorité turque. Les commentaires de cette sédition que l’on attribue aux Anglais ne sont peut-être pas entièrement dénués de fondement. Ta‘izz et Qa’taba sont situés à quelques kilomètres de la frontière du territoire d’Aden et il ne serait pas étonnant que ce futur mahdî ( ?) du sud ne soit habilement poussé par les Anglais qui trouveraient facilement, de cette façon, au moment propice, matière à intervenir. »27Ce sont les seules archives faisant acte de cette rébellion. Cette absence de suite, au sein des dossiers, tendrait à prouver que Sufyânî n’est pas parvenu à tenir tête aux forces ottomanes. Cette révolte, née dans une région traditionnellement peu hostile au pouvoir ottoman, paraît néanmoins témoigner de l’affaiblissement et du peu de contrôle des Ottomans sur la région.

Idrîsî versus Yah

26La fin de la guerre italo-ottomane ne signifie pas non plus la fin des hostilités entre Yahyà et Idrîsî, au contraire. Les deux hommes ayant des prétentions d’autorité sur le territoire zaydîte au nord-est de Sanaa, la lutte ne peut que se poursuivre après 1912. Cela dit, l’imâm, en s’alliant à l’ennemi ottoman, a perdu de son prestige et de son autorité sur certaines tribus qui, peu à peu, se rapprochent de Idrîsî. Les combats s’intensifient entre l’émir et l’imâm qui, malgré l’aide des Ottomans, se retrouve régulièrement perdant. Le 19 février 1913, des caravaniers déclarent que « le succès des armes du cheikh Idrîsî sur celles de l’imâm Yahyà s’affirme tous les jours. Il sort régulièrement victorieux des combats qu’il livre. Ses troupes auraient occupé, il y a déjà quelques temps, prétendent-ils, les positions de Hajja et de Shahaft [Shahâra ?]. »28 Même si, comme le fait remarquer M. Roux, le relief accidenté ne facilite pas l’avancée des armées, celles de Idrîsî ne sont déjà plus qu’à 60 km de Sanaa. C’est certainement à cause de la proximité des troupes idrîsîdes, de la difficulté des combats et de sa position de plus en plus précaire face aux forces adverses que Yahyà souhaite conclure une entente avec Idrîsî. Le 4 avril 1913, M. Roux est « informé que l’imâm Yahyà avait fait […] connaître au mahdî du ‘Asîr son désir de conclure une trêve […]. La réponse du sayyîd Idrîsî n'aurait pas été défavorable à la proposition de Yahyà. [Ce dernier] aurait en conséquence envoyé une délégation composée d'hommes de confiance à lui pour s'entendre avec son rival. »29

27Le 7 juin 1913, « les négociations ont échoué. Selon une version de source turque ce serait l’imâm Yahyà qui aurait rompu le premier les pourparlers comme témoignage de son loyalisme vis-à-vis du gouvernement ottoman à la suite du refus, par sayyîd Idrîsî, de s'entendre avec la Turquie. On affirme néanmoins que les hostilités entre ces deux chefs sont arrêtées. »30

28Il semble difficile de croire au loyalisme de l’imâm envers les Ottomans. La raison véritable de cette rupture de pourparlers semble devoir être imputée plutôt, à des difficultés à définir les territoires respectifs. Les hostilités, pour un temps suspendues, ne tarderont pas à reprendre, comme le prouve une « minute » datée du 4 septembre 1913 : « Le mois dernier les troupes de l'imâm auraient perdu 30 tués au cours d'un engagement dans lequel elles se sont trouvées subitement en présence d'un parti beaucoup plus nombreux appartenant à sayyîd Idrîsî. Celui-ci dut se retirer cependant car […] le détachement de soldats de l'imâm leur infligea à son tour des pertes. Actuellement l'imâm fait des préparatifs guerriers, des approvisionnements en armes et munitions (fournies par les Turcs) qui sont relativement considérables et qui font présumer, qu'il aurait l'intention de prendre résolument l'offensive. »31 Le 20 décembre 1913, Honoré Roux écrit que « d'après les rumeurs qui [lui] parviennent des troubles auraient éclaté à Jabal Hajjûr, […] mais auraient été réprimés par l'imâm aidés des Turcs. »32 Le 6 mars 1914, il poursuit sur le même sujet : « On m'a rapporté enfin que dans un récent engagement dans la montagne entre les troupes turques - arabes et les gens de Idrîsî, les alliés auraient le dessous et un officier turc y aurait trouvé la mort »33.

29Malgré des défaites successives, au cours desquelles ils perdent hommes et munitions, l’imâm et les Ottomans maintiennent le front dans la région de Hajjûr. Cependant, l’alliance entre les deux parties n’est pas infaillible. Le 13 mars 1914, « à la suite du nouveau succès du mahdî […] où, avec l’officier turc, vingt-quatre hommes ont trouvé la mort, l’imâm Yahyà aurait rappelé à Shahâra les mille zaydites qu’il avait prêtés aux forces turques de la montagne. »34

30Les difficultés de l’imâm à fédérer les tribus zaydîtes et à exercer sur elles son autorité, tendent à se confirmer. Le 23 avril 1913, « le mahdî aurait attaché à sa cause le chef de l’importante tribu des Hâshid […], ancien partisan de l’imâm de Sanaa. Il comptait pouvoir, avec son aide, s’emparer de Jabal Shahâra. Mais cette tentative n’a pas pu être menée à bonne fin, car l’imâm en a eu vent et a pu, avec le concours de la garnison turque de Sanaa, organiser une sérieuse défense qui a réussi à repousser l’attaque. »35

31De son côté, Idrîsî n’est pas non plus exempt de tensions internes avec ses alliés. En février 1914, « le sayyîd Idrîsî éprouverait des difficultés avec ses principaux lieutenants. Trois d’entr’eux appartenant à la tribu des Bâni Marwân […] l’auraient quitté tout récemment pour joindre l’imâm de Sanaa. On prétend que les dissentiments qui viennent d’éclater entre al-Idrîsî et ses chefs ont été causés par la cupidité du mahdî au sujet de la perception des impôts en ‘Asîr. »

32« D’autre part […] le cheikh Idrîsî s’est rendu il y a près d’un mois à Wasli ( ?) […]. Il avait appris que les gens de ’Abu ‘Arîsh s’étaient adressés à l’imâm Yahyà pour se faire protéger par lui. Le mahdî leur a [ordonné] de se rendre immédiatement auprès de lui sous peine d’une incursion chez eux. Les cheikhs […] ont obéi. »36 Ainsi, on observe que l’émir Idrîsî, même contesté, a des moyens de coercition pour maintenir une certaine unité des tribus sous son autorité, contrairement à l’imâm.

33Non contentes d’avoir pu prolonger la lutte des deux opposants yéménites en renforçant les moyens armés dont ils disposaient, les alliances italo-‘asîries et turco-imâmites, qui se sont nouées à l’occasion de la guerre italo-ottomane et de ses préparatifs, ont bouleversé les alliances locales.

Un nouvel objet d’attention : le ‘Asîr

Des tentatives d’alliance

34Suite à la guerre, les regards convergent sur le ‘Asîr. Territoire du vainqueur, il devient la région clef des affrontements entre les différents acteurs.

35Fort de sa « victoire » lors de la guerre italo-ottomane, Idrîsî reprend sa lutte d’indépendance. Le 3 avril 1913, « le mahdî demanderait […] à la Turquie abandon de toute la partie de la Tihâma s’étendant depuis le ‘Asîr jusqu’à la frontière anglaise de façon à établir le siège de son gouvernement à Ta‘izz. Je crains fort qu’il n’y ait beaucoup d’exagération dans cette information sur les prétentions du cheikh Idrîsî. La concession de ce territoire par le gouvernement de Constantinople équivaudrait à la disparition des derniers débris de l’autorité turque en Yémen. »37

36Mais très vite, des contacts s’établissent pour arriver à une entente, souhaitée, semble-t-il, par les deux parties. C’est à cette fin que, après la guerre, « le sultan amnistie Idrîsî dans l'espoir de pouvoir négocier une trêve comme celle qui a été conclue avec Yahyà. »38 Le 12 février 1913, on apprend « qu’un arrangement était intervenu entre les autorités turques et le mahdî du ‘Asîr au sujet de l’administration de ce pays. […] Sayyîd Idrîsî autoriserait le gouvernement ottoman à envoyer des fonctionnaires turcs pour lever certains impôts et à établir des postes douaniers sur le littoral. Les taxes perçues seraient effectuées au profit du trésor de l’empire. Même si ces rumeurs paraissent invraisemblables sur le moment à MM. Roux et Toscani39, elles révèlent le fait que des contacts visant à une entente sont dans l’air du temps. En février 1913, Idrîsî a demandé du gouvernement ottoman de faire une entente. Le ministère donna l’ordre au wâlî du Yémen de commencer les négociations avec sayyîd Idrîsî et d’examiner ses nouvelles conditions ainsi que les raisons essentielles sur lesquelles il se base. »40

37Les Ottomans définissent une liste de propositions à soumettre à Idrîsî. : 

38« Le gouvernement exigera du sayyîd al-Idrîsî, chef des rebelles, les conditions suivantes pour empêcher la succession des révoltes.

39« 1º Le sayyîd al-Idrîsî doit prononcer le [prêche du vendredi] au nom de sa Majesté impériale le sultan

40« 2º Il ne peut arborer que le drapeau ottoman

41« 3º Il ne peut se nommer en aucun nom officiel qu’en son propre nom

42« 4º Il ne peut entrer dans les conférences avec les Puissances sans l’autorisation de la Sublime Porte

43« 5º Il n’y aura que les juges approuvés par la Sublime Porte qui pourront juger

44« 6º Il doit envoyer à Constantinople le surplus du budget perçu et tout ce que surcroît aux dépenses

45« 7º Il doit unir et prêter sa force au gouvernement

46« 8º Il doit munir les postes dont les troupes ottomanes ont occupé des munitions nécessaires et admettre que les officiers apprennent aux habitants le maniement des armes et le gouvernement aura le droit de les envoyer où il verra nécessaire de les envoyer en cas de besoin

47« 9º On mettra des limites définitives pour qu’il n’y ait pas à l’avenir des cas de querelle

48« 10º Comme le prince de la Mecque a certaines relations sur ces rapports, il a le droit par conséquent d’envoyer de son côté des délégués pour assister aux délibérations qui auront lieu entre les délégués de Idrîsî et le wâlî de l’Yémen. »41

49Les Ottomans acceptent de concéder à Idrîsî une certaine autonomie, à condition toutefois que celui-ci reconnaisse l’autorité du sultan et s’en déclare le vassal.

50Le 27 avril 1913, « devant la situation très menacée de leur allié l’imâm Yahyà, par les succès constants du mahdî, les Turcs vont chercher à s’entremettre entre les deux adversaires pour tâcher de les amener à conclure la paix42. C'est au nom du drapeau du calife qu[e] [le wâlî] va prêcher l'union des tribus de l'Arabie pour aider les Osmanlis à défendre les plis de l'islam menacé d'une invasion chrétienne. »43 De l’avis général, on se montre « sceptique sur le succès des négociations car Idrîsî considère les démarches turques comme un signe d’impuissance. Aux propositions de Constantinople, il répondra par des contre-propositions auxquelles la Turquie ne pourra sans doute pas souscrire. C’est ainsi […] que le mahdî du ‘Asîr compte rester le maître indépendant du pays. »44 Les faits ne tarderont pas à le prouver.

51Outre la prise de possession de toute la Tihâma, Idrîsî « demande l’évacuation totale du pays par les troupes turques, la cession gratuite de tout le matériel de guerre existant et une indemnité mensuelle de […] 500 livres turques. De plus, […] il n’a pas accepté les propositions faites par la Porte [et] a demandé des modifications suivant un projet qu’il a soumis lui-même à Mahmûd Nadîm dans une entrevue secrète. »45

52« Sayyîd Muhammad al-Idrîsî accepte la suzeraineté du sultan, mais il sera prince souverain du ‘Asîr et de toute la Tihâma ; 

53« Le gouvernement ottoman n’aura pas le droit de nommer des fonctionnaires. Ce soin appartiendra uniquement au mahdî qui les choisira où il voudra, même si cela lui convient parmi les étrangers ; 

54« Idrîsî accepte les couleurs ottomanes mais exige que le pavillon porte d’un côté « la ila-il- ’Allah  » et de l’autre « Muhammad rasûl ’Allah  » ;

55« Il sera libre d’avoir, en temps de guerre comme en temps de paix, le nombre de soldats qu’il jugera nécessaire et de leur faire tenir garnison où il lui plaira ; 

56« Toutes les recettes (douanes, chemins de fer, postes, télégraphes, téléphones) ainsi que tous les produits du ‘Asîr et de la Tihâma reviendront à Idrîsî ; 

57« Les tribunaux jugeront d’après la loi coranique. La langue arabe sera la langue officielle des administrations. Les correspondances entre le ‘Asîr et Constantinople seront rédigées en langue arabe uniquement ; 

58« Si le gouvernement ottoman accepte ces propositions, Idrîsî demande un firman impérial. Ce firman devra être porté par un envoyé spécial du sultan sur un bateau de guerre turc. Idrîsî se réserve de désigner ultérieurement le lieu où l’envoyé du sultan devra donner publiquement lecture du firman impérial. »46 Ces propositions sont semblables à celles qu’il avait formulées lors d’un entretien avec ‘Izza bâsha en novembre 1909 (Baldry 1982, p. 434), mais, à cette date, compte tenu des orientations politiques provinciales des jeunes-Turcs au pouvoir à Constantinople, à savoir notamment l’unité de l’empire, il semble dès lors difficile pour le commandant d’accepter des propositions qui donnent de facto l’autonomie au ‘Asîr.

59Dès lors, la lutte reprend. Toutefois, le gouvernement ottoman ne renonce pas à établir une forme d’entente avec Idrîsî, même s’il leur faut employer la force plutôt que la négociation. Le 6 mars 1914, M. Roux note « que le wâlî aurait écrit ces temps derniers au cheikh Idrîsî pour lui dire qu'il désirait le voir et le priait de lui fixer un rendez-vous de lieu et de date.

60« Le chef du ‘Asîr lui aurait répondu sèchement que le besoin d'une telle rencontre ne se faisait pas sentir et que d'ailleurs ils ne lui conseillaient pas de venir chez lui en ce moment car sa présence pourrait avoir des conséquences fâcheuses. »47

61Le 9 avril 1914, « la wilâya [a] l’intention d’agir avec une certaine vigilance si le rebelle du ‘Asîr refuse, cette année encore, de venir à résipiscence envers le gouvernement ottoman. [Mais] les pouvoirs locaux tiennent le secret sur la nature de l’action qu’ils comptent prendre dans ce but. Mais Mahmûd Nadîm bey m’a donné à entendre que, après avoir organisé solidement les îles Farsân, il allait d’abord reprendre les ports enlevés par le cheikh Idrîsî. »48

62Il est clair que Idrîsî se sent désormais en position de force et ne veut rien céder de ce qui pourrait nuire à son indépendance. Mais les négociations n’ont pas échoué du seul fait de l’émir. Outre les désaccords entre les deux parties, l’échec s’explique par la présence ou l’intervention de tierces personnes, Italiens et Britanniques.

L’ingérence italienne

63Dès l’apparition de la rumeur de négociations entre les Ottomans et Idrîsî en vue d’établir une entente, les Italiens, très préoccupés, envisagent d’intervenir afin que cet éventuel accord n’amoindrisse ni leur position dans la région, ni leur influence sur le cheikh Idrîsî. Tous les télégrammes le prouvent : l’Italie a une grande responsabilité dans l’échec des négociations. Dès mars 1913, « M. Toscani [cherche] une personne sûre qui veuille et puisse aussi suivre Mahmûd Nadîm bey à Zuhra. […] D’après mon informateur, le consul d’Italie [a] songé à faire réclamer par le cheikh Idrîsî lui-même sa présence aux négociations. »49

64Le 17, M. Toscani, « devant les difficultés qu[’]il a éprouvées à obtenir des données précises sur les dispositions réelles du cheikh Idrîsî, a décidé d’aller, sous le couvert d’une promenade avec le désir de visiter les ports de Kamarân, Salîf et Luhayya, se rendre compte de visu au moins en partie de la situation. […] Lorsque le gouvernement italien a appris que la discussion allait être ouverte entre le gouvernement ottoman et le mahdî du ‘Asîr en vue de l’établissement d’une entente sur les bases de la reconnaissance par ce dernier de la suzeraineté du sultan, il a immédiatement pris les devants pour faire échouer le succès des négociations. »50

65Les Italiens pèsent alors de toute leur influence pour faire céder Idrîsî, et n’hésitent pas à employer la menace. « L’Italie a fait dire, […] à sayyîd Idrîsî que s’il concluait un accord avec la Turquie, elle ne pourrait plus lui accorder sa protection comme elle l’a fait jusqu’à présent et qu’elle serait obligée de lui réclamer la restitution du matériel de guerre ainsi que la somme de 134000 talaris M. T. qu’elle lui avait… prêtés pendant la guerre italo-ottomane. »51. Fin mars, il semble que les Italiens aient envoyé un émissaire pour « raisonner » Idrîsî, puisqu’on nous dit qu’un navire de guerre italien « s’est ensuite rendu directement de Salîf à Mîdî où il a débarqué quelqu’un qui n’aurait pas été rembarqué. »52 L’émir paraît avoir accordé beaucoup d’importance à cette menace. Dès lors, les Italiens restant dans l’ombre, participent aux pourparlers durant lesquels « le cheikh Idrîsî se tient à Mîdî où il est en communication constante avec Massawa au moyen de boutres et le gouvernement de l’Érythrée échange journellement des télégrammes chiffrés avec le consulat d’Italie à Hodeïda. »53 Néanmoins, les Italiens font peu confiance à l’émir. D’après une confidence faite à M. Roux, « le consul général d’Italie continue à suivre avec la plus grande attention les mouvements de son « protégé du ‘Asîr », mais il ne le croit pas « suffisamment intelligent pour savoir profiter de la situation embarrassée du gouvernement ottoman et se rendre maître de tout le pays »54.

66Jusqu’au déclenchement de la première guerre mondiale, les Italiens soutiendront le mahdî et entretiendront d’étroites relations avec lui55. Le 12 février 1913, M. Roux décrit assez précisément la stratégie italienne : « Cela ne peut plus faire de doute pour personne aujourd’hui que l’Italie s’est attachée le mahdî du ‘Asîr : que, pendant le conflit avec la Turquie, elle lui a facilité ses conquêtes et qu’elle lui a fourni et lui fournit encore actuellement de l’argent et des armements. Le fait est pour ainsi dire public et il est aisé de préjuger les visées italiennes sur le pays de sayyîd Idrîsî, que recèle ce concours. Le voisinage de l’Érythrée, l’absence de toute surveillance étrangère voire ottomane sur le littoral et l’aversion innée des populations indigènes pour les Osmanlis [les sultans-califes ottomans] et leur administration facilitent les relations avec ce chef qui de gré ou de force finira par se trouver pris au piège que lui tendent les Italiens. Il ne faut pas voir autre chose dans l’activité déployée par ces derniers dans la mer Rouge : s’il ne devient pas colonie de l’Italie, le vaste territoire du ‘Asîr – qui s’est encore accru en 1912 des conquêtes du mahdî sur les Turcs – subira fatalement son protectorat vers lequel il s’achemine insensiblement. C’est le but qu’elle poursuit ; son action s’arrêtera là. »56

La menace britannique

67En vue de maintenir l’équilibre entre les Puissances, les Britanniques interviennent dans le ‘Asîr (Baldry 1978). Leurs visées inquiètent les Italiens qui ont « de très fortes présomptions sur un surcroît d’activité anglaise dans l’Yémen septentrional. […] Il [M. Toscani] me confia très confidentiellement que notre collègue britannique faisait des démarches secrètes […] en vue d’effectuer un voyage dans le pays du cheikh Idrîsî. Voyage politique naturellement. »57

68Le 23 mars 1914, M. Roux écrit qu’« on a signalé […] l’arrivée dans un havre du ‘Asîr, au nord de Luhayya, de cinq boutres chargés d’armes et de munitions de provenance anglaise. »58 Cela dit, le soutien des Britanniques à Idrîsî ne se concrétisera réellement qu’au début de la première guerre mondiale (Baldry 1978, p. 161 sq.), même si les contacts politiques ont existé auparavant.

L’affaiblissement des Ottomans

69L’échec des négociations entre Idrîsî et les Ottomans paraissait relativement prévisible dans la mesure où le gouvernement jeune-Turc ne veut pas brader une région clef de la Péninsule. Il ne peut par conséquent pas accepter les contre-propositions de Idrîsî. Celui-ci, fort du soutien des Italiens et des discrets Britanniques ne cédera pas. Les Ottomans voient ainsi le contrôle du ‘Asîr leur échapper. En 1914, leur présence n’est plus que symbolique. « Dans toute l’étendue du territoire situé entre Mîdî, Hajjûr et le sud de Qunfida, il n’y a aucun fonctionnaire ottoman. Le mutasarrif lui-même du sandjaq nominal du ‘Asîr ne peut guère sortir de Qunfida, sur la côte. »59

70Ce sont les ingérences extérieures qui ont amené les Ottomans à cette situation de faiblesse. Italiens et Britanniques ont tout tenté pour que Idrîsî affermisse sa position et rejette les propositions ottomanes. Dès lors, le ‘Asîr est de fait indépendant et coupé de la wilâya. Stationnées à Zuhra, les troupes ottomanes s’attachent à fermer la route de Hodeïda aux troupes du ‘Asîr. Elles ne sauveront la situation que très momentanément.

71À la veille de la guerre, les Ottomans sont incontestablement affaiblis. Début janvier 1913, M. Roux analysait la situation telle que « avec l’imâm de Sanaa à l’est, le mahdî du ‘Asîr au nord et, si d’aventure il réussissait, le cheikh Sufyânî au sud, l’influence ottomane dans l’Yémen serait sensiblement diminuée. Elle existe en réalité si peu de fait. »60

Le regain de la concurrence européenne

72La Grande-Bretagne qui s’inquiète depuis longtemps de l’impérialisme italien en mer Rouge, se sent désormais obligée d’accroître sa présence sur la rive est de la péninsule Arabique. Une lutte « tacite » s’engage alors entre les deux puissances, sous le regard attentif du vice-consul français, tandis qu’au plan économique, France, Italie et Grande-Bretagne s’affrontent toujours pour la captation des marchés et l’intégration du Yémen à leur réseau d’influence.

Une France privilégiée

73À la lecture des archives, il apparaît que la France vise essentiellement à la mise en œuvre d’une politique économique dont l’objectif principal est d’intégrer Hodeïda et la Tihâma dans son dispositif économique régional (Corne de l’Afrique – sud-ouest de la Péninsule). Le vice-consulat qui s’efforce de remporter des marchés in situ, au profit d’entreprises françaises cherche également à favoriser le développement des relations économiques avec les Ottomans. La France semble avoir la « préférence » de ces autorités avec lesquelles M. Roux entretient d’excellentes relations. Cette cordialité est vraisemblablement renforcée par le fait qu’à la différence de ses deux concurrents italien et britannique, la France ne montre pas de prétentions coloniales dans la région. La France n’entamant pas d’action susceptible de concurrencer ou d’affaiblir les Ottomans au Yémen, elle se voit concéder de nombreux contrats de projets de grands travaux.

Une Italie agressive

74L’issue de la guerre italo-ottomane n’a pas réfréné l’appétit impérialiste des Italiens au Yémen, d’autant qu’elle a prouvé la vulnérabilité des Ottomans. Leur armée est en déliquescence et les oppositions armées auxquelles ils doivent faire face sur le territoire yéménite, (tant dans le ‘Asîr que dans les Hautes-Terres) sont autant d’atouts pour l’Italie. Poursuivant sa politique de soutien aux opposants de l’empire, l’Italie continue d’apporter son concours à Idrîsî, tout en a courtisant Yahyà. Même si en apparence, les Italiens semblent concentrer leurs efforts sur le ‘Asîr61, ils ne se détournent pas de leur objectif principal, à savoir étendre leur puissance à toute la région et « veulent profiter […] de toutes les occasions pour développer et exercer leur influence dans la mer Rouge. »62

75Dans la stratégie des Italiens, la Tihâma et les Hautes-Terres ne constituent pas des territoires marginaux. L’Italie souhaite toujours y étendre son d’influence et agit en ce sens. De 1912 à 1914, elle ne cesse d’accroître sa présence et continue de mener, depuis Massawa et Hodeïda, une politique impérialiste qui, tout en narguant les autorités ottomanes, vise à asseoir un règne italien sur les deux rives de la mer Rouge. Comme pour bien signifier que la fin de la guerre n’implique pas la fin des hostilités (potentielles) à l’encontre des forces ottomanes du Yémen, l’Italie s’applique à des démonstrations de forces, prétextant pour justifier ces opérations militaires, la présence de troubles mettant en danger la sécurité des Européens. Le 6 mars 1913, on apprend que « M. le consul général d’Italie a reçu hier soir un télégramme de Rome au sujet du bateau de guerre [venant de Massawa] qu’il avait demandé en prévision des troubles dont nous sommes menacés dans cette région. »63

76Sur un plan économique, les instructions de Rome sont claires. Il s’agit de relier la colonie italienne d’Érythrée à la rive est de la mer Rouge. Début février 1913, « M. Toscani a reçu comme instructions d’employer ses efforts à développer […] les rapports économiques entre l’Arabie et l’Érythrée. […] Le ministère royal des Affaires étrangères ainsi que celui nouvellement institué des Colonies ont décidé d’examiner de conserve les différentes questions – commerciales et politiques. »64

77Le 15 mars 1913, on apprend que « si la nouvelle de la construction du port de Massawa est exacte nous devons y voir une nouvelle confirmation de l’activité dont les Italiens font preuve dans la mer Rouge, ce devant quoi, à mon avis, nous ne devrions pas rester indifférents65. Cela certainement en vue du prochain établissement dans la mer Rouge d’une ligne annexe de navigation [qui] desservira uniquement les ports suivants : Suez, Massawa, Hodeïda, Assab, Aden et Djibouti […] et peut-être port Soudan et Jedda », prévu pour juillet66.

78Les Ottomans et les populations locales se montrent pour le moins rétifs à cette stratégie d’influence hégémonique. La présence italienne n’est pas du goût des Tihâmis et l’agent consulaire italien à Mukhâ en fait les frais. Début mars 1913, on apprend « que l’agence consulaire d’Italie [à Mukhâ] avait été, les 3 et 5 de ce mois, l’objet d’un attentat de la part de quelques indigènes qui ont tiré des coups de fusil sur le bâtiment »67, ce qui aboutira en 1914 à sa fermeture68.

79Un autre télégramme se montre particulièrement révélateur de « l’accueil » réservé aux Italiens à Hodeïda et de leurs difficultés à s’implanter dans le port. Lors d’une fête donnée à la résidence italienne à la mi-novembre 1913, M. Toscani fait un discours flatteur à l’encontre des autorités ottomanes. Il y annonce l’installation permanente d’un navire de guerre italien devant Hodeïda, puis fait part d’un projet d’actions caritatives italiennes destiné à la ville qu’il détaille en déclarant « qu’une somme de mille francs était accordée aux sinistrés de Hodeïda victimes d’un incendie […] le 4 novembre [1913]. » Plus loin, il annonce encore la création d’un dispensaire destiné aux habitants de la ville. À la suite du discours italien, « les autorités firent conseiller aux habitants d’éviter de faire usage de l’infirmerie ouverte dans un but politique par les Italiens […]. Tahâr Raghîb affirmait à ses coreligionnaires que c’était ainsi que les Italiens avaient préparé l’occupation de Tripoli. »69 Les Italiens seraient ainsi considérés comme des colonisateurs ayant des vues sur le Yémen. Le 14 novembre, le « dispensaire […] fut supprimé par le consulat d’Italie et le consul général […] s’est refusé à remettre aux autorités locales les 1000 Frs destinés aux sinistrés, se réservant de les leur faire distribuer par le soin du consul honoraire ».70 M. Lucas, subordonné de M. Roux, conclue cette affaire ainsi : « c’est probablement pour avoir agi avec trop de précipitation […] et pour avoir frappé les esprits par une succession rapide de faits nouveaux que le consulat italien a eu [des] difficultés à réaliser leur projet de dispensaire italien »71.

80L’Italie s’efforce tout de même de ne pas s’aliéner totalement les autorités locales. Le 22 novembre, il est dit « que devant l’hostilité qu’a montrée la population pour tout ce qui est italien […] le consul général d’Italie a décidé d’éloigner le bateau et le boutre armé »72, censé protéger les Européens.

La Grande-Bretagne et sa politique d’équilibre entre Puissances

81La présence de la Grande-Bretagne dans la péninsule Arabique répond au programme de révision de la « politique arabe » britannique instauré dès 1893 par le chancelier de l’Échiquier qui déclarait : « Nous devons regarder l’établissement par une autre puissance d’une base navale ou d’un port fortifié dans le golfe Persique comme menaçant très sérieusement les intérêts britanniques et nous devons y résister par tous les moyens dont nous disposons » (cité par Ménoret 2003, p. 94). La Grande-Bretagne s’est très tôt inquiétée des prétentions impérialistes de l’Italie et de la France sur la rive est de la mer Rouge et la guerre italo-ottomane la pousse à intervenir, ne serait-ce que symboliquement au départ. Ainsi, dès l’annonce de la fin de la guerre, les Britanniques ancrent un navire de guerre devant Hodeïda73 ; de même, en novembre 1913, après le départ de deux bateaux armés italiens, le « vice-consul d’Angleterre a annoncé l’arrivée d’un croiseur cuirassé anglais venant de Jedda. »74

82Le 25 octobre 1912, un militaire britannique « aurait remis à Raghîb bey75 des lettres de recommandation destinées à ‘Izza bâsha ainsi qu’au wâlî de l’Yémen, et lui aurait fait connaître qu’il allait entrer prochainement au service du gouvernement ottoman. Il lui aurait annoncé, en outre, que ses nouvelles fonctions l’appelleraient à revenir dans la wilâya et qu’il ne tarderait pas à revenir à Hodeïda pour se rendre à Sanaa. […] J’ai appris depuis que le voyage du "Dalhousie"76 avait servi de prétexte au résident anglais et que son départ d’Aden avait eu lieu précipitamment au moment précis où on recevait la nouvelle de la signature des préliminaires de la paix entre la Turquie et l’Italie. »77 Ce télégramme est éloquent. Bien que n’ayant pas souhaité prendre part aux hostilités durant le conflit, les Britanniques réaffirment leur présence dès celui-ci achevé.

83Pour M. Roux, la Grande-Bretagne est en passe de devenir la nouvelle puissance sur la rive est de la mer Rouge, ce qui lui fait dire, le 12 février 1913 : « C’est donc vers eux [les Anglais] que nous devons nous retourner, c’est vers eux que de ce côté [ie le sud] nous devons fixer nos regards si nous ne voulons pas perdre le bénéfice de la situation. »78

84En effet, à partir de 1913, les Britanniques font montre d’une attitude de plus en plus offensive et impérialiste, au point de sembler faire fi du pouvoir ottoman. Lors d’une visite du résident général britannique d’Aden à Mukhâ, celui-ci « recommanda [au qâ’im maqâm de Mukhâ] de s’opposer avec tous les Arabes de la contrée à l’occupation de ce territoire "qui doit appartenir à l’Angleterre" »79. Et M. Roux de dire que « les secrets desseins nourris par l’Angleterre à l’égard de l’Arabie méridionale sont à la veille d’éclore. […] Ils donnent naturellement lieu à toutes sortes de suppositions et renforcent localement l’hypothèse d’une occupation prochaine de l’Yémen. »80

85Pour renforcer sa position au Yémen, la Grande-Bretagne dépêche également des espions chargés de prendre contact avec les forces rebelles du ‘Asîr et des Hautes-Terres afin de renforcer ses positions, mais il faudra attendre le déclenchement de la première guerre mondiale pour qu’ils débouchent sur une alliance réelle.

86De façon générale, cette propension britannique à empiéter sur la « souveraineté » des autorités locales ottomanes est mal vécue. Exaspérées par l’attitude des Britanniques, le 28 mai 1914, lesdites autorités demandent à l’ambassadeur de France à Constantinople d’intervenir en leur faveur auprès de la Grande-Bretagne. « Le mutasarrif […] se plaint des intrigues du vice-consul anglais qui cherche tous les prétextes pour intervenir et susciter incidents. Il désirerait vu ses sentiments que Votre Excellence voulût bien le défendre discrètement à Constantinople et se recommande à cet effet de Nazîm bey, inspecteur des Finances. »81 La réponse à cette demande ne figure pas dans les archives.

87Le 12 février 1913, M. Roux faisait cette analyse assez juste : « La lutte est engagée entre ces deux puissances [l’Italie et la Grande-Bretagne] ; l’une travaille au nord et l’autre au sud. Leurs efforts tendent vers un même point : Sanaa; toutes les deux disposent de puissants moyens d’action ; mais les Italiens paraissent décidés à marcher très vite. Il ne tient qu’à nous de prendre nos précautions pour ne pas être pris au dépourvu quand le moment viendra de protéger plus efficacement nos intérêts dans la mer Rouge et d’y consolider notre position. »82. La première guerre mondiale décidera du vainqueur. Entre 1912 et 1914, Italie et Grande-Bretagne, qui tentent d’avancer leurs pions dans l’ensemble du Yémen, semblent se livrer à une partie d’échec dont l’un des enjeux consisterait à créer de nouvelles alliances, en prévision d’un conflit européen que tout le monde pressent.

Conclusion

88De par ses spécificités, position stratégique et forte opposition à l’occupation ottomane, le Yémen est devenu à la veille de la première guerre mondiale le réceptacle « privilégié » d’une lutte d’influence autrement plus vaste et générale que se mènent l’Europe et l’Empire ottoman. Un temps réfrénés par la présence ottomane, les appétits colonialistes européens au Yémen se sont vus réveillés par la guerre italo-ottomane déclenchée par l’un des leurs. De même que l’origine du conflit prend sa source à l’extérieur du pays, ses conséquences in situ se rattachent à « l’importation » de politiques impérialistes rivales qui s’exercent plus intensément ici qu’ailleurs dans le monde. Localement, ces politiques impérialistes exogènes adoptent un cours spécifique qui, du fait de la concurrence et des circonstances, débouchent sur une série d’alliances « contre-nature » et semblent provoquer un concentré de faits historiques.

89Embarqués dans le mouvement de lutte générale dont ils tentent de tirer bénéfice, les chefs politiques locaux donnent l’impression de prendre « l’histoire » en marche. Les événements modifient leurs programmes d’action, bouleversent les alliances traditionnelles et inscrivent leurs tentatives de règne dans un contexte international qui ne laisse pas totalement indifférent le reste des provinces arabes de l’empire83.

90L’exercice des impérialismes européens sur les politiques locales semble quant à lui de nature trop opportuniste pour modifier durablement leurs dynamiques. Sur le court terme, sans aucun doute, les alliances entre Européens et Yéménites bouleversent très concrètement l’échiquier politique local, mais ces liens paraissent d’autant plus ténus et fragiles qu’ils se sont avant tout noués en regard et vis-à-vis de l’acteur ottoman, et, qui plus est, dans un contexte économique et géopolitique que la première guerre mondiale ne va pas tarder à modifier.

91On pourrait dire en guise de conclusion que les impérialismes européens qui s’exercent plus vivement dans la région entre 1911 et 1914, ne touchent le Yémen que par rebond, au travers des répercussions que ces menées impérialistes imposent à la dynamique politique locale des Ottomans qui occupent le pays.

92* Cet article est tiré d’un mémoire de Master II soutenu en septembre 2005 à l’université Lyon II-Louis Lumière, sous la direction de MM. J.-M. Mouton et F. Burgat, intitulé Impérialismes en mer Rouge : le poids des ingérences sur la scène yéménite (1911-1914).

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Notes

1 Fils de l’imâm al-Mansûr, qui, en 1891 et 1901, s’était soulevé contre l’occupant ottoman. Par le concile de Hûth en 1904, Muhammad YahHamid al-Dîn est élu imâm, devient le chef spirituel des tribus zaydîtes et réactive et organise la rébellion contre les Ottomans.
2 Issu d’une grande lignée de soufis d’origine marocaine, ‘Alî al-’Idrîsî est né à Sabyâ, dans le ‘Asîr. À partir de 1906, il prend la tête des tribus du ‘Asîr pour s’opposer à la colonisation ottomane.
3 Le CEFAS prépare actuellement la publication de ces archives.
4 Nous avons confronté les sources françaises aux archives diplomatiques du vice-consulat britannique à Hodeïda (Ingrams 1993), mais beaucoup de celles-ci ayant été détruites, les archives françaises offrent souvent des informations précieuses. N’étant pas publiées, il nous a été impossible de consulter les sources italiennes et ottomanes.
5 Pour le déroulement de la guerre d’après les archives diplomatiques britanniques, cf. Baldry 1976.
6 Une partie des effectifs a été transférée pour combattre en Tripolitaine.
7 Lettre de l’imâm Yahyà aux autorités ottomanes sises à Hodeïda, le 1er mars 1328, sans numéro, correspondance arrivée aux autorités locales turques, 12.
8 Lettre du 8 juillet 1912 ; Dresch 1996, publie une lettre de l’imâm datée du 1er mars 1912.
9 Ville située à environ 60 km au nord de Sanaa.
10 Région au nord ouest de Sanaa.
11 TD 8.03.1913, 57-32-11/7, 49, San‘â’ et l’imâm Yahyà, 18. Les télégrammes diplomatiques (TD) sont référencés comme suit : date, numéro d’ordre - numéro d’enregistrement - les deux numéros de classement, le numéro de communiqué, le nom du dossier contenant le TD et le numéro du carton d’archives conservé au Centre national des Archives diplomatiques à Nantes. Le signe ø signifie qu’une information manque.

Pour les citations, dans la mesure du possible et pour faciliter la lecture, parti a été pris d’unifier l’orthographe des noms propres, noms de lieux et fonctions selon le mode de translittération des Chroniques yéménites.

12 TD 8.03.1913, 57-32-11/7, 49, San‘â’ et l’imâm Yahyà, 18.
13 TD 19.09.1912, 31-13-11/5, 7, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
14 TD 16.04.1913, 205-127-11/5, 182, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
15 TD 03.09.1912, 20-8-11/5, 3, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
16 TD 10.08.1912, ø-ø-11-7, 2, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18. Il semble que les Italiens aient, par le passé, déjà fait appel à des espions pour de telles entreprises, FARAH, 2002, p. 239.
17 TD du 10.09.1912, 26-12-11/5, 5, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
18 TD 17.11.1912, ø-ø-ø, 13, dossier départ ambassade, 17.
19 TD 16.01.1913, 14-4-11/2, 9, Informations militaires et maritimes (1912-1913), 18.
20 Traité signé entre Constantinople et l’Italie le 15 octobre 1912.
21 TD 04.09.1913, 215-133-11/7, 192, San‘â’ et l’imâm Yahyà, 18.
22 Pour exemple, TD 21.04.1913, 110-67-11/8, 100, Les Zarânîq (1912-1914), 18.
23 TD 2.06.1913, ø-ø-ø, 146, Les Zarânîq (1912-1914), 18.
24 TD 12.06.1913, 24-21-11/8, ø, Les Zarânîq (1912-1914), 18.
25 TD 20.09.1913, ø-ø-ø, 216-134-11/8, 194, Les Zarânîq (1912-1914), 18.
26 TD 22.11.1913, ø-ø-ø, 214/215, Les Zarânîq (1912-1914), 18.
27 TD 16.01.1913, 14-4-11/2, 9, Informations militaires et maritimes (1912-1913), 18.
28 TD 19/02.1913, 35-19-11/6, 32, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
29 TD 4.04.1913, 86-51-11/7, 76, San‘â’ et l’imâm Yahyà, 18.
30 TD 7.06.1913, 159-105-11/7, 148, San‘â’ et l’imâm Yahyà, 18.
31 TD 4.09.1913, 215-133-11/7, 192, San‘â’ et l’imâm Yahyà, 18.
32 TD 20.12.1913, 251-113 ( ?)-11/7, 227, San‘â’ et l’imâm Yahyà, 18.
33 TD 06.03.1914, 67-37-11/7, 50, San‘â’ et l’imâm Yahyà, 18.
34 TD 13.03.1914, 81-47-11/6, 61, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
35 TD 23.04.1913, 112-69-11/6, 102, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
36 TD 21 février 1914, ø-ø-ø, 24, Le ‘Asîr et sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
37 TD 03.04.1913, 84-50-11/6, 75, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
38 TD 08.03.1913, 57-32-11/7, 49, San‘â’ et l’imâm Yahyà, 18.
39 M. Toscani est le consul italien à Hodeïda à partir de 1911.
40 TD numéro 75. Le 21.02.1913, La Tribuna annonce la même chose dans un article intitulé Una proposta di Said Ydriss al governo ottomano per l’indipendenza dello Yemen ».
41 TD 08.03.1913, 11/6, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
42 TD 27.02.1913, 45-26-11/6, 40, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
43 TD 08.03.1913, 57-32-11/7, 49, San‘â’ et l’imâm Yahyà, 18.
44 TD 21.03.1913, 69-42-11/6, 64, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
45 TD 12. 05.1913, 137-89-11/6, 126, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
46 TD 28.05.1913, 149-99-11/6, 140, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
47 TD 06.03.1914, 67-37-11/7, 50, San‘â’ et l’imâm Yahyà, 18.
48 TD 09.04.1914, 121-74-11/6, 94, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
49 TD 10.03.1913, 58-33-11/5, 51, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
50 TD 17.03.1913, 67-41-11/5, 62, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
51 TD 17.03.1913, 67-41-11/5, 62, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
52 TD 29.03.1913, 73-46-11/5, 69, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
53 TD 07.04.1913, 91-55-11/6, 81, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
54 TD13.03.1914, 81-47-11/6, 61, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
55 TD 10.10.1913, 225-140-11/6, 203, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
56 TD12.02.1913, 31-16-11/9, 28, Les Anglais dans l’Yémen (1912-1914), 18.
57 TD 09.03.1914, 72-40-11/9, 56 ( ?), Les Anglais dans l’Yémen (1912-1914), 18.
58 TD 23.03.1914, 91-57-11/9, 72, Les Anglais dans l’Yémen (1912-1914), 18.
59 TD 24.02.1914, 41-20-11/6, 27, Le ‘Asîr et le sayyîd Idrîsî (1912-1914), 18.
60 TD 16.01.1913, 14-4-11/2, 9, Informations militaires et maritimes (1912-1913) 18.
61 TD 12.02.1913, 31-16-11/9, 28, Les Zarânîq (1912-1914), 18.
62 TD 11.03.1913, 60-34-11/5, 52, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
63 TD 06.03.1913, 53-30-11/5, 47, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
64 TD 06.02.1913, 27-12-11/5, 25, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
65 TD 15.03.1913, 64-38-11/5, ø, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
66 TD 06.02.1913, 27-12-11/5, 25, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
67 TD 16.03.1913, 66-40-11/5, 60, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
68 TD 21.02.1914, ø-ø-ø, 23, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1912-1914), 18.
69 TD 16.11.1913, 233-143-11/5, 209, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
70 TD 22.11.1913, 24-147-11/5, 215/216, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
71 TD 16.11.1913, 233-143-11/5, 209, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
72 TD 22.11.1913, 24-147-11/5, 215/216, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
73 TD 23.10.1912, 24-147-11/5, 22, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
74 TD 22.11.1913, 24-147-11/5, 215/216, Guerre italo-turque, blocus, Italiens dans l’Yémen (1911-1914), 18.
75 Mutasarrif de Hodeïda. Le mutasarrif est le gouverneur d’un sandjak, division administrative des provinces ottomanes.
76 Nom d’un bateau.
77 TD 25.10.1912, 57-26-11/9, 23, Les Anglais dans l’Yémen (1912-1914), 18.
78 TD 12.02.1913, 31-16-11/9, 28, Les Anglais dans l’Yémen (1912-1914), 18.
79 TD 16.05.1913, 141-92-11/9, 131, Les Anglais dans l’Yémen (1912-1914), 18.
80 TD 16.05.1913, 147-97-11/9, 138, Les Anglais dans l’Yémen (1912-1914), 18.
81 TD 28.05.1914, 14-ø-11/9, 8, Télégrammes adressés au Département, aux différents ministères et à l’Ambassade.
82 TD 12.02.1913, 31-16-11/9, 28, Les Anglais dans l’Yémen (1912-1914), 18.
83 Un certain nombre de télégrammes diplomatiques évoquent la présence à Hodeïda d’un émissaire d’une société égyptienne, souhaitant renverser le calife-sultan ottoman pour rétablir le califat arabe, a tenté en vain de prendre des contacts avec Idrîsî en 1913.
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Pour citer cet article

Référence électronique

Patrice Chevalier, « Les répercussions de la guerre italo-ottomane sur les forces politiques au Yémen (1911-1914)* »Chroniques Yéménites [En ligne], 13 | 2006, mis en ligne le 25 janvier 2007, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cy/1178 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cy.1178

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Auteur

Patrice Chevalier

Enseignant au Département de français, Université de Sanaa

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