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Colloque de la S.F.E.V.E., université François-Rabelais, Tours (20 et 21 janvier 2006) : « A sense of Belonging/Le sentiment d'appartenance »

Dépendance et attraction dans la poésie de Màiri MacPherson1

A Sense of Dependence and Attraction in the Poetry of Màiri MacPherson
Jean Berton

Résumé

Màiri MacPherson’s poetry voices the power of attraction emanating from the Isle of Skye, in the Inner Hebrides. This study means to analyse the elements producing a sense of dependence—nature, the Gaelic language, dispossession and isolation... Màiri MacPherson’s poetry combines her expression of a political rebellion with a powerful feeling of belonging. Her poems were first of all lyrics for popular songs. This implies a greater sense of sharing of feelings and opinions with her audiences constituting the whole community of Skye that were upset by the clearances and the subsequent political and economic policies.

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Texte intégral

  • 1 Les poèmes de Màiri MacPherson ont été pris sous la dictée de l’auteur et rassemblés par Alastair M (...)
  • 2 Ce titre est relié au thème « Le sentiment d’appartenance » du colloque de la S.F.E.V.E. qui s’est (...)

1Le choix de ce titre2 est guidé par le besoin d’explorer le thème du sentiment d’appartenance à travers la dépendance et l’attraction, forme extrême de l’attirance ou de l’attachement. L’appartenance se définit par le fait d’appartenir pour un individu, à un groupe, en l’occurrence identifié à un lieu, l’île de Skye, plutôt qu’à un pays, Écosse ou Grande-Bretagne. Il va de soi que la notion d’appartenance appelle un complément tel que celui d’une communauté ; mais dès qu’il s’agit d’appartenir à quelqu’un il faut envisager l’esclavage, le servage ou la forme la plus extrême de subordination.

2Le sentiment de dépendance est plus fort que le sentiment d’appartenance, c’est une différence de degré. Parmi le nombre de synonymes et de paronymes du mot dépendance, je retiens la soumission pour la dépendance psychologique à l’égard de quelqu’un et la sujétion pour la dépendance financière. La condition de dépendance apparaît clairement lorsque, comme dans une situation d’addiction, le manque se fait sentir alors que l’on se sent déplacé dans un milieu hostile. La dépendance se manifeste par la conscience de la difficulté, voire de la douleur, que l’on éprouve à se détacher d’un lieu, au sens premier de l’espace qu’un corps habite, ou d’une personne : dans le contexte victorien en Écosse septentrionale, cela nous renvoie aux exilés, notamment hébridiens, pour raison de politique économique. De manière ironique, l’exil met en avant un sentiment d’appartenance qui pouvait être latent ou confus. L’appartenance au clan Macleod, par exemple, qui devient communauté aux dix-huitième et dix-neuvième siècles va de pair avec celle qui lie à la terre ; cette terre des ancêtres qui héberge les corps des défunts. Ainsi, la dépendance, ou la forte appartenance, à un lieu est liée au degré de l’attachement au clan ou à la communauté.

  • 3 L’attraction en linguistique s’entend comme la modification d’une lettre, d’une forme, d’un mode pa (...)
  • 4 En l’occurrence, selon les gaélophones, l’extinction délibérée du gaélique et son remplacement de f (...)

3Par ailleurs, l’attirance renvoie à une force qui s’exerce sur les êtres et les attire vers quelqu’un, ou quelque chose, à un degré moindre que celui de l’attraction — qui permet d’éviter l’acception moderne d’attirance sexuelle qui est sans objet dans cette étude. De plus, le concept d’attraction renvoie à la notion de gravitation et d’attraction universelle, comme nous l’a démontré Newton, et plus avant à la notion d’attraction magnétique. Enfin, l’attraction en linguistique nous rappelle le phénomène d’assimilation3, dite progressive ou régressive, que l’on trouve entre deux mots ; cela nous permettrait une extension vers le conflit de langues4 que nous choisissons de ne pas développer ici, malgré ce que rappelle John MacInnes :

  • 5 John MacInnes, « The Bard through History », dans The Voice of the Bard, de Timothy Neat, Édimbourg (...)

Equally passionate was [Màiri MacPherson’s] affection for her native language and her own people. It emerges powerfully in her celebrations of place and place-names, the fertility of the earth, the food it produced, the flocks and herds it supported, and all the vivacity of communication in the communal life of her youth5.

4La vision du monde, peut-être limitée au rivage de Skye, que développe Màiri MacPherson échappe aux critères établis par les anglophones ; il s’ensuit une difficulté accrue du choix d’appareil critique qui n’occulte pas la dimension linguistique. C’est une affaire d’adaptabilité et de compatibilité puisque très peu de poèmes de Màiri MacPherson ont été traduits en anglais, et sont de ce fait peu accessibles aux critiques exclusivement anglophones.

1 Rappel biographique de Màiri MacPherson

  • 6 Alastair MacBain, Dain agus Orain Ghàidhlig, le Màiri Nic-a-Phearsoin (Inverness : A & U Mac-Coinni (...)

5Màiri Macdonald naquit en 1821 à Skeabost, localité située à une douzaine de kilomètres à l’ouest de Portree, chef-lieu de l’île de Skye. Son enfance et sa jeunesse ne sont en rien remarquables : elle apprit à gérer la ferme à la fois comme maîtresse de maison et comme éleveur de bétail, et ce faisant « storing her mind with the lays and lyrics of her native isle6 ». Elle se maria en 1848 avec un cordonnier, Isaac MacPherson, et le couple s’installa à Inverness ; elle éleva quatre enfants. Elle devint veuve en 1872 et trouva quelque emploi comme femme de ménage. Le drame survint lorsqu’elle fut accusée de vol, à tort semble-t-il, et qu’elle subit l’infamie du tribunal et de la prison :

  • 7 Alexander Nicholson, History of Skye (Portree : Maclean P, (1930) 1994) 282.

She was accused of a certain misdemeanour, found guilty (unjustly, as most declared at the time), and sentenced to a term of imprisonment. The sense of injustice, coupled with the infamy inflicted on her good name, so rankled in her spirit that it seemed to have inducted the gift of poetry — a faculty that had hitherto given no manifestation of its presence. The alleged misdemeanour happened in Inverness and was the taking of clothes that belonged to her mistress7.

  • 8 Le mot « cèilidh » est d’origine gaélique et signifie d’abord, une rencontre informelle et spontané (...)
  • 9 Nombre de poèmes sont des « messages », tels que ce « Message à Clach Ard Uige » (Fios gu Clach Ard (...)
  • 10 Donald E. Meek, « The Role of Song in the Highland Land Agitation », dans Scottish Gaelic Studies, (...)

6Le cas est remarquable, l’humiliation et la colère firent naître la verve poétique chez cette femme à la forte personnalité. Elle partit à Glasgow et suivit une formation d’infirmière. En 1882 elle revint définitivement sur son île natale, déjà célèbre pour ses qualités d’auteur-interprète de chansons et de poèmes : elle était toujours la bienvenue dans les « cèilidh8 », tant à Glasgow et ses environs qu’à Skye où elle venait de temps à autre9. Son retour définitif à Skye coïncida avec le début des rébellions que l’on appellera ultérieurement la « guerre des crofters ». Elle prit part à cette agitation et s’engagea résolument dans la lutte pour la réforme agraire qu’elle vit aboutir avant de mourir en 1898. Et Donald E. Meek précise, à ce sujet : « [...] Màiri’s songs were of considerable importance in articulating popular grievances in the years immediately preceding 188010. »

  • 11 Je préfère considérer que « barde » est un nom épicène et lui conserver l’article masculin. En effe (...)

7Le père de Màiri s’appelait Iain Macdonald, ce qui lui valut d’être appelée « Màiri, la fille de Ian le blond » (Màiri Nighean Iain Bàin). Cette appellation marque moins l’appartenance à son père, chef de famille, que l’identification de la personne parmi toutes celles qui avaient le même prénom. C’est plus tard, surtout après sa mort, qu’on l’appellera par le surnom affectueux de « Màiri Mhòr nan Oran » qui signifie littéralement « la grande Màiri des chansons », que je transpose en « Màiri, le grand barde11 » au risque d’occulter le fait que c’était une femme forte. Son surnom masque à la fois le nom de son père et celui de feu son mari ; mais ce dernier n’en reste pas moins officiel :

  • 12 Donald E. Meek, « Gaelic Poets of the Land Agitation », Transaction of the Gaelic Society of Invern (...)

Much of Màiri Mhòr’s verse was composed during her time in the Lowlands (1872-82) and she owed her status in large measure to her close connection with the céilidh circuit. [...] and it is apparent from time to time that Màiri considered herself to have some sort of matriarchal rôle within this nation. [...] In metres it owes a great deal to earlier Gaelic models [...] in the eighteenth century [...] This was because Màiri was a prodigious collector (or perhaps, more strictly, a memoriser) of Gaelic songs during her early years in Skye, where rich pockets of the old culture had survived the upheaval of the clearances12.

8Ses talents d’auteur et d’interprète, sa forte personnalité et la détermination de son engagement lui conféraient une force d’attraction remarquable dans le contexte social et culturel de Skye, ainsi que le résume John MacInnes en citant Alexander MacBain :

  • 13 John MacInnes, « The Bard through History », The Voice of the Bard, Timothy Neat (Édimbourg : Canon (...)

Throughout the whole of the Highland Land Law Reform agitation, Mrs MacPherson gave herself wholeheartedly to the people’s cause, and her songs largely contributed to the victory of the popular candidates all over the Highlands in 1885 and 1886. Indeed she might be very properly described as the bard of the movement, for with the exception of her fellow Skyeman, Neil MacLeod, we are not aware that any of her contemporaries has written anything which has given voice to the aspirations of her countrymen during these eventful years13.

9Dans la communauté, le barde jouait un rôle prépondérant qui pouvait dépasser celui du pasteur. Selon la classification traditionnelle des bardes, si Neil MacLeod était placé dans la plus haute classe, celle des érudits, Màiri MacPherson ne pouvait pas être reléguée à la plus basse, celle des bardes locaux dont l’œuvre ne leur survit pas. Elle fait partie de ce groupe intermédiaire parce qu’elle avait mémorisé quelque vingt à trente mille vers auxquels s’ajoutaient ceux qu’elle avait composés ; et si elle lisait le gaélique, elle ne savait pas l’écrire, mais cela n’a jamais été un obstacle pour qu’on l’estime digne d’être l’interprète de toute la communauté dont elle chantait les valeurs.

2 Màiri, la Skyienne

  • 14 Meg Bateman « Women’s Writing in Scottish Gaelic Since 1750 », dans A History of Scottish Women’s W (...)
  • 15 En Gaélie — néologisme que j’utilise depuis ma thèse en études celtiques (Brest, 1982) pour traduir (...)

10Les textes des poèmes chantés sur des mélodies traditionnelles impliquent un fort sentiment d’appartenance à travers ces moments d’émotion partagés avec la communauté ; on peut même parler de communion lorsque les refrains sont repris en chœur. Ils expriment l’attachement des gens à leur île natale, dont la beauté se perçoit dans les jeux de lumière, de terre et d’eau. Les poèmes ont pour la plupart un discours politique très largement partagé : Màiri MacPherson prend fait et cause pour les petits fermiers et leur lutte pour une réforme agraire qui leur soit favorable jusqu’à ce qu’ils obtiennent gain de cause. La célébrité de Màiri le grand barde est liée à l’enthousiasme et à la détermination qu’elle a su insuffler aux fermiers et métayers de Skye et d’ailleurs. La force de ses vers, comme le dit Meg Bateman, est dépendante du fait qu’elle « connects her personal experience of humiliation with the humiliation of Clearance experienced by the Highlands as a whole, and articulates her rage with greater forthrightness than any other nineteneenth-century Gaelic poet14 ». Meg Bateman ajoute, comme pour souligner l’incontestabilité de son appartenance à la communauté élargie de Skye : « In other songs she is passionately enthusiastic about, and optimistic for, her people, and this loyalty combines with the memory of her impressively protective stature (seventeen stones of it) to ensure her a place of special affection. » Il convient de souligner que Màiri MacPherson s’en prend aussi à l’idéologie libérale, dite saxonne15, parce qu’elle est liée, selon elle, à l’injustice des expulsions et de l’exil d’un grand nombre de gens, dont elle estime faire partie.

  • 16 Isaac MacPherson mourut avant que Màiri ne s’adonne « officiellement » à la poésie. Mis à part quel (...)
  • 17 Le féminin de Mac a ‘Phearsain est Nic a’ Phearsain ; il s’applique à l’épouse et aux filles.

11Le patronyme reçu de son mari16, MacPherson ou Mac17 a’ Phearsain, signifie littéralement « fils du pasteur », ce qui, en l’occurrence, prend une valeur ironique puisque Màiri était à la fois clairvoyante, croyante mais indépendante de toute chapelle. De ses textes, nous ne pouvons pas tirer d’identification globale et définitive à l’un ou à l’autre camp, épiscopalien ou dissident. En bref, le clergé de l’église épiscopale, dit modéré, avait la réputation d’être le meilleur soutien des propriétaires terriens. À l’égard des pasteurs presbytériens radicaux et des prédicateurs évangélistes revenus en mission à Skye au dix-neuvième siècle pour re-évangéliser et convertir les autochtones, elle exprime un vif ressentiment :

  • 18 « La chaire de nos églises » (Clò na Cubaid), première strophe. N.B. « Clò » est un polysème : il s (...)

Voici que la mort s’abat sur la chaire de nos églises
En nuées de tourments des évangélisateurs,
Les missionnaires posent leur masque,
Ils viennent souiller l’honneur de nos pères18.

12Màiri MacPherson, comme beaucoup de laïcs, se refusait à adhérer à leur discours, affirmant qu’elle appartenait au monde d’ici-bas plutôt qu’à celui de l’au-delà et rejetant toute tentative de culpabilisation de leur part. En fait, le discours de Màiri ne montre aucune dépendance par rapport à l’une ou l’autre chapelle, ni à aucune croyance particulière. Cela donne à penser qu’elle appartient à Skye et à l’ensemble de sa population autochtone, sans exclusion pour raison théologique.

  • 19 Ces exploitants agricoles ne pouvant se nourrir grâce aux seuls revenus de leur terre devaient prat (...)
  • 20 I.M.M. MacPhail, dans The Crofters’ War, (Stornoway : Acair, 1989), p. 225, cite en appendice une l (...)

13Le contexte politique historique nous amène à opposer l’appartenance sociale à la dépendance économique des habitants de Skye au dix-neuvième siècle. Au chef de clan s’est substitué au siècle précédent le possédant qui pour la plupart était absent ou non résident. Entre 1882 et 1888, la guerre des « crofters », ces petits exploitants agricoles19 délocalisables à merci, a souligné le passage, depuis des générations, de l’appartenance au clan à la dépendance de l’arbitraire des grands propriétaires qui procédaient à des évictions massives pour raison économique et surtout financière. Ainsi, depuis le milieu du dix-huitième siècle, on était passé de la vassalité qui marque une dépendance politique à la sujétion20 qui caractérise une dépendance financière.

  • 21 Alastair MacBain, Dain agus Orain Ghàidhlig, le Màiri Nic-a-Phearsoin, op. cit., xiii.

14La communauté du clan a besoin autant d’un chef que d’un barde : Màiri MacPherson est devenue le barde de la communauté élargie de Skye car elle s’en est faite le porte-parole, ainsi que l’affirmait Alastair MacBain : « for with the exception of her fellow-Skyeman, Neil Macleod, we are not aware that any of her contemporaries has ever written anything which has given voice to the aspirations of her countrymen during these eventful years21. » Une des fonctions du barde était de préserver la cohésion sociale qui va de pair avec l’appartenance au clan comme l’énonce la structure du nom patronymique en « mac ». A contrario, en devenant la possession du propriétaire, l’individu placé hors du clan est alors isolé et susceptible d’être exilé dès que le lopin de terre qu’il occupe est repris d’autorité.

  • 22 « Skyiens » est un néologisme nécessaire, parmi les Hébridiens chaque île habitée fait montre de ca (...)
  • 23 « Soraidh le Eilean a’ Cheò », strophe 1.

15Mary MacPherson était une femme émancipée qui vécut à Inverness et à Glasgow ; de surcroît, elle se sentait affranchie par sa mise en accusation et sa mise à l’épreuve. Son esprit d’indépendance ne la privait pas du sentiment d’appartenance émotionnelle à Skye : ce lien était fort non seulement parce qu’elle y avait passé les vingt-sept premières années de sa vie mais aussi parce qu’elle y avait fait de fréquentes visites. Sa légitimité à défendre la cause des Skyiens22 déplacés et brimés reste incontestable, d’autant plus qu’elle a elle-même vécu les émotions des exilés, comme elle l’exprime dans « Adieu à l’Île de la Brume23 » :

Adieu à la terre
Qui a nourri toute ma jeunesse,
Île des hautes montagnes
Où demeure la brume.
Chaque matin voit s’élever
Le soleil des cieux qui portent la Connaissance,
Le nuage de la nuit s’exile,
Et s’illumine le Mont Stòrr.

  • 24 « Luchd na Beurla », strophe 12.

16La situation politique d’alors était bien comprise de tous, et le poème intitulé « Les Anglais24 » ne pouvait que remporter l’adhésion de son auditoire : quand elle s’exclame dans le refrain « J’en ai marre des Anglais/J’en ai vraiment, franchement marre d’eux... », elle exprime son anti-saxonnisme militant. Elle s’en prend avant tout au libéralisme anglo-saxon qui crée la dépendance financière : le régisseur (bailie ou factor) était une invention saxonne parce que sa fonction était liée au fermage, donc à l’argent. C’est ce qu’elle exprime à la douzième strophe :

Mais Mammon était à leur côté, tout en bonté,
Avec tout cet argent dans son portefeuille ;
C’est par amour des sous qu’il vendit notre Slànaighear,
Et c’est comme cela que j’ai été crucifiée.

17Elle élevait la voix contre la marchandisation de la terre qui était la négation de tout sentiment d’appartenance. Le phénomène d’opposition, parfois réussie, contre les ventes de propriété (parfois des îles entières) est toujours d’actualité. La notion de privatisation offre un paradoxe parce qu’il y a une inversion de l’appartenance : l’individu n’appartient plus à la terre, mais la terre appartient à l’individu, or ce dernier ne lui survit jamais et il y sera tôt ou tard enseveli, ce qui rétablit le sens de la réalité. De fait, cette libéralisation s’avéra catastrophique pour les autochtones :

  • 25 Joseph Macleod, Highland Heroes of the Land Reform Movement (Inverness : Highland News Publishing C (...)

Many of the consequences predicted of his lordship have come to pass in our midst. The mansions built for the tenants of wide sheep-walks are now tenantless ; the crofts are exhausted from want of the rest enjoined ; and the sheep-walks are choked up with damps and weeds, from excess of rest and want of the tillage of the poor25.

18Màiri MacPherson rejette toute tentation de céder au pessimisme dans son célèbre poème « L’Île de la Brume », ainsi que le clament les strophes 13 et 15 :

Mais quel est celui qui a des oreilles
Et un cœur qui palpite de vie
Qui ne chanterait avec moi ce poème
De la misère qui nous est tombé dessus ?
Les milliers de victimes des évictions,
Qui ont perdu leur biens et leurs droits,
Depuis l’autre côté de l’océan pensent
À la verte Île de la Brume.
[…]
Rappelez-vous ces épreuves
Et levez vos bannières ;
La roue tourne pour vous
Par l’énergie et la dureté de vos poings ;
Vos troupeaux reviendront au champ,
Et chaque fermier gagnera sa vie,
Et les Anglais seront chassés
De la verte Île de la Brume.

3 Dépendance et attraction

19La notion anglo-saxonne, héritée des Anglo-normands, de la possession féodale de la terre est absurde aux yeux des Gaëls. Elle exacerbe la dépendance et l’attraction manifestées par l’attachement mis à l’épreuve lors de l’exil.

20Skye est la plus grande île des Hébrides intérieures. Et l’impression d’entité au sein des Hébrides est augmentée par les îles « satellites » que sont Raasay ou Scalpay et les autres nombreux îlots. L’attraction de Skye, île dentelée de fjords, vient du mariage de la terre et de la mer. L’élément aquatique est prédominant, il a valu à Skye le surnom de « Île de la Brume » (Eilean a’ Cheò). L’art de Màiri MacPherson n’est pas dans la description bucolique des paysages ; mais plutôt dans l’énumération des lieux comme une litanie que l’on peut interpréter comme la réaffirmation de l’environnement du pays de son enfance.

  • 26 « Nuair bha mi òg », strophes 1 et 6.

21Dans « Quand j’étais jeune26 », Màiri décrit un matin de mai sans commenter le paysage environnant :

Le matin me réveille de ma torpeur
C’est un matin de mai, et j’habite à Os,
Les troupeaux se répondent d’un champ à l’autre,
L’aube se lève sur le Leac-an-Stòrr
Une pointe de soleil frappe les montagnes
Et fait fuir les dernières ombres de la nuit,
La gaie alouette qui chante haut dans le ciel
Éveille mes souvenirs du temps que j’étais jeune.

22De ce paysage de sa jeunesse émane une atmosphère familière commune au barde et à son auditoire. La qualité des vers requiert d’être évaluée à la mesure de l’effet produit sur l’auditoire skyien contemporain, autochtone ou exilé : il est inutile d’attendre un discours métaphysique, même si l’on peut éventuellement déceler quelques connotations sexuelles dans une interprétation audacieuse du choix des fleurs, car ces vers n’ambitionnent rien d’autre que de produire un effet de carte postale. L’émotion engendrée est liée à l’expérience que l’auditeur a intériorisée :

Je montais jusque sur l’épaule de la montagne,
Pour me délasser sur le sommet herbeux
Mes pensées se succédaient dans un émerveillement éblouissant,
Devant tant de beauté étalée à ma vue ;
Le chardon royal et la jaune primevère
Le bouton doré de la douce renoncule,
Chaque joyeux brin d’herbe se couvrant de rosée le soir venu
Me rappelle un souvenir heureux de ma jeunesse.

  • 27 John MacInnes, « The Bard through History », 345-6 passim.

23Les critiques sont partagés entre ceux qui se rangent parmi les inconditionnels et ceux qui lui reprochent « ses évocations imagées trop fugitives et trop superficielles, ainsi que ses répétitions fatigantes27 »... Je préfère évoquer un effet « pot-pourri » dans ses évocations de la nature de Skye : l’art de Màiri MacPherson réside dans la simple évocation d’un toponyme, d’une plante, d’un animal (sauvage ou non) pour créer une réaction positive chez l’auditeur ou le lecteur. La raison de la popularité du barde se trouve dans sa réappropriation de l’espace, ou plus certainement dans la recréation de l’espace familier à son auditoire autant qu’à elle-même.

24La force d’attraction de l’île de Skye (Eilean Sgiathanach) est bien présente mais pas dans cet effet magnétique que l’on trouve chez d’autres poètes. Son « Ode à Ben Lee » montre que l’intérêt premier de cette montagne n’est pas de nature physique ou naturaliste mais dans son évocation socio-historique, à savoir la confrontation entre les petits fermiers et la police.

  • 28 « Oran Beinn Lì », strophe 11.

25Dans ce poème célèbre, « L’ode à Ben Lee28 », elle veille à intégrer cette montagne dans un ensemble, comme elle le ferait d’une individualité dans une communauté :

Et même si les Cuillins et Glàmaig
Sont les plus belles des montagnes,
On n’oubliera pas dans l’histoire
Qu’elles n’arrivent qu’à la cheville de Ben Lee.

  • 29 James G. Kellas, « The Crofters’ War, 1882-1888 », dans History Today, April 1962, vol. XII, number (...)

26Cette montagne est personnifiée, comme les autres, de telle sorte qu’elle appartient à l’histoire sociale de Skye : « the crofters on Lord MacDonald’s Braes estate, near Portree, revived a 16-year-old grievance that they had been deprived of common grazings on the mountain of Ben Lee, and refused to pay rent until this land was returned29. »

  • 30 « Eilean a’ Cheò », strophe 1 : « Bien que ma tête devienne blanche/ De toutes les épreuves et les (...)

27Màiri Macpherson a écrit un poème intitulé « L’Île de la Brume30 ». Dans les deux premières strophes Màiri MacPherson parle d’elle-même. À la troisième strophe, elle campe le paysage, délimite le territoire pour se l’approprier : elle énonce divers toponymes : les Cuillins dont « les pignons touchent les nuages », puis Glàmaig, Ben Bhuirbh, Leac-an-Stòrr, Rudha Hùinis... Le reste du poème est dévolu à l’image sociale de Skye, ses nobles jeunes, ses gens bien, ses paysans-pêcheurs, ses bergères, ses héros.

28D’autres évocations de lieux les transforment en topoï par exemple en faisant parler ces hommes experts dans le transfert de bétail de Skye jusqu’aux grands marchés des Lowlands ; cette activité était importante puisqu’entre 5 000 et 8 000 têtes de bétail partaient de l’île ou y transitaient en provenance des Hébrides extérieures. Les arrêts se faisaient dans des lieux adaptés qui n’étaient pas dépourvus de magie :

  • 31 A. R. B. Haldane, The Drove Roads of Scotland, Isle of Colonsay, house of Lochar, (1952) 1995, 74.

Midway between Sligachan and Broadford [...] the road passes round the head of Loch Ainort, and here the cattle rested [...] Here, sheltered from the west by the slopes of Marsco and Beinn Dearg and from the east by the island of Scalpay, the waters of Loch Ainort mirror hills which look down on the cup of the glen into which the short River Ainort falls from the corries above. On a still September day the view of the calm loch, reflecting surrounding hills still hung with the shreds of early mist, may have gone some way to reconcile to his hard life a drover resting beside his cattle [...]31

29Bref, dans la poésie de Màiri MacPherson on cherchera en vain un catalogue écologique qui marquerait une particularité quelque peu naturaliste de Skye. En revanche, la familiarité est telle entre les autochtones et leur environnement qu’il n’est pas rare qu’un individu reçoive en surnom l’appellation d’un toponyme, qui peut être extérieur à Skye, ainsi qu’on le trouve dans le titre du poème « Discussion entre Iain Bàn et Corrie Cuinnlidh ». Cette familiarité est symptomatique de l’appartenance à un lieu.

  • 32 James Cameron, The Old and the New Highlands & Hebrides from the Days of the Great Clearances to th (...)

30Les élégies ont pour fonction, outre celle de célébrer les qualités du défunt, d’affirmer l’appartenance de la personne concernée à l’espace dans lequel il s’est distingué. Comme tous les bardes, Màiri MacPherson a composé des élégies. Elles sont adressées, notamment, aux héros modernes qui ont sauvé les « crofters » et préservé le lien vital entre les Skyiens et leur île. Le barde doit cultiver le souvenir des héros et contribuer à la culture de l’attachement au territoire. L’amplification faisant partie de la licence poétique, certains de ces hommes de caractère étaient qualifiés de martyrs : « The Glendale martyr, John MacPherson, was also holding forth in Gaelic, and using some of the most humorous illustrations in sending home his favourite doctrine that all men being equal in the sight of God, all are equally entitled to the use of the land upon which He has called them to live32... »

  • 33 « Marbhran don Dr Neacal Martainn, Husabost », strophes 8 et 12.

31Chez Màiri MacPherson, le concept de héros est plutôt extensible, un peu comme la notion de saint. Il recouvre un nombre de gens de bien et toutes ces personnes courageuses en temps de crise comme en temps de paix. Le Docteur Martin, chanté dans « Élégie pour le Docteur Nicol Martin de Husabost33 » est un héros parce qu’il a partagé la souffrance des exilés :

Tu étais jeune quand tu quittas la terre que tu aimais,
La terre des rochers, des lacs, des montagnes et de la fougère,
Et quand tu rassemblas tes effets personnels
Pour partir avec les hommes en outremer.
[…]
Que prospère le clan que j’aime,
Adultes, jeunes et vieillards,
Et que les branches poussent sur chacun des arbres
Jusqu’à remplir la plaine des ancêtres.

  • 34 « Gaisgich Loch Carann », dernière strophe.

32Dans le poème « Les héros de Lochcarron34 » Màiri MacPherson joue pleinement le rôle traditionnel du barde qui exalte opportunément la valeur de ces gens qui se sont unis pour défendre leur cause :

Que prospèrent les hommes de Lochcarron
Qui se sont levés si vaillamment lors de l’insurrection
Et dans la ville et hors de la ville ;
Levez-vous, résolus, pour défendre ce en quoi vous croyez.

  • 35 « Cogadh Siobhalta eadar Bean Ois agus Màiri », première strophe. N.B. Le premier sens de « cogadh (...)

33Le barde se doit de saluer son protecteur, ce qui a l’effet supplémentaire d’assurer sa propre appartenance au clan. Dans « Prise de bec avec Bean Ois35 », Màiri MacPherson atteint plusieurs objectifs : il s’agissait pour elle de remercier Mrs Macrae, ici sous le nom de Bean Ois, qui repartait en Australie après la mort de son mari. Les Macrae avaient accueilli Màiri MacPherson quand elle était rentrée définitivement de Glasgow et lui avaient procuré un logement. Donner la répartie à Mrs Macrae, la Femme de Os (Bean Ois), est un moyen de s’invectiver soi-même puisque Màiri était native de la même vallée. Indirectement, Mrs Macrae, parce qu’elle était australienne avant d’épouser un Skyien, offre une possibilité d’extension du territoire auquel on appartient au-delà des mers : la diaspora des gaélophones, à Glasgow ou dans le Pacifique était, pour le barde, à inclure dans la communauté. Enfin, le surnom ou pseudonyme, renforce ce sentiment d’appartenance omniprésent jusque dans la forme de joutes oratoires (flyting) traditionnelles :

Sauf si tu viens ici, Màiri,
Si tu sors de ta maison de Glen Os,
Si tu te lances à l’aventure et viens nous voir
Pour nous faire le récit de tes ennuis,
Et retrouver ainsi ton énergie à Mairearad,
C’est promis, sinon j’ai fait le vœu
Que tu recevrais trois coups de bâton
Aussi sûr que je suis vivante.

  • 36 « Breacan Màiri Uisdein », strophes 1, 4, 8. N.B. MacUisdein correspond à Hutcheson.

34Il reste à évoquer le clan ou la famille où le concept d’appartenance englobe celui d’attachement, voire d’amour filial, parental ou fraternel. Màiri MacPherson adopte une position positive et ne traite pas tous les ressentiments. Liée à la notion de clan se trouve forcément l’évocation du tartan qui en est la bannière, en l’occurrence celui des Macleods, et celui des Macdonalds. Dans « Le tartan de Màiri Uisdein36 » les vingt-deux strophes sont toutes ponctuées de l’expression « Le tartan de Màiri Uisdein ». La répétition a, bien sûr, un effet comique ; il n’en demeure pas moins que ce tartan, sous forme de kilt ou non, en devenant un leitmotiv incantatoire, imprime dans la conscience à la fois la dépendance et l’attraction de tout ce qui compose l’île de Skye :

Le joli tartan de grand style
Ne se trouve pas dans les boutiques —
Il y a du blanc, du bleu et du rouge écarlate
Dans le tartan de Màiri Uisdein.
[…]
Quand je suis arrivée à Glasgow,
Avec l’intention de faire les magasins,
Je n’y ai pas vu le plus petit bout
De tartan de Màiri Uisdein.
Je me souviens de Wallace,
De Rob Roy et de Douglas,
Qui défendirent notre terre de la destruction
Sous les couleurs du tartan de Màiri Uisdein.

35Màiri MacPherson n’ignorait pas que les tartans avaient non seulement été réhabilités par la reine Victoria qui se plaisait à venir dans sa propriété de Balmoral, mais encore qu’ils étaient devenus un phénomène de mode. Par l’évocation des héros nationaux, le barde réaffirme la nécessité de préserver l’appartenance particulière historique de ce tissu.

36Pour clore cette rapide étude sur le sentiment d’appartenance dans les poèmes et chansons de Màiri MacPherson, on peut remarquer son usage fréquent de l’expression « mon peuple ». Elle n’est, certes, ni le chef, ni la propriétaire des Skyiens, mais leur porte-parole, en tant que barde. En se faisant la voix du peuple, elle pratique l’inversion ironique, qui s’inclut dans la licence poétique : elle ne possède pas le peuple de Skye mais elle lui appartient. Màiri prend le risque de se mettre en avant comme le faisait le fou officiel du roi au Moyen-Âge, dans l’intérêt de « son » peuple. Elle assume pleinement ce rôle extraverti de féliciter, houspiller, cajoler, interpeller ce peuple aux facettes multiples avec une telle force que même ses lecteurs, plus d’un siècle plus tard, se sentent forcés de prendre parti face à son exposition des faits et à ses convictions.

37Màiri MacPherson n’a de cesse de mettre en avant les qualités de « son peuple », moins par orgueil que par souci de réhabiliter son honneur bafoué — celui des Skyiens démographiquement et économiquement affaiblis et le sien propre. Elle montre du doigt autant les héros que les bourreaux pour mettre en valeur le respect de soi qui était effectivement battu en brèche. L’honneur des héros, valorisé par leur lutte pour être respectés comme êtres humains libres, renforce la dignité morale de l’entière communauté à laquelle ils appartiennent.

38Le respect de soi, ou « self-esteem » selon l’expression créée par Hume, est d’abord cette faculté de pouvoir s’analyser soi-même : l’œuvre de Màiri MacPherson n’est pas à prendre exclusivement au premier degré, car elle s’en prend aux Skyiens victimes autant qu’aux institutions qui les oppriment ; il suffit de lire ses textes en creux pour le percevoir. Ensuite, c’est une base pour lancer un regard critique envers les institutions dont les choix politiques sapent cette communauté et dont les actes cherchent à l’empêcher d’exprimer son opposition en tentant, avec l’aide d’une cohorte d’évangélisateurs, de faire en sorte qu’une majorité de membres d’une communauté ne puissent s’estimer positivement. Pour Màiri MacPherson, restaurer le respect de soi c’est renforcer la communauté et le sentiment d’appartenance de chacun de ses éléments présents, distants ou défunts.

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Bibliographie

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Nicholson, Alexander. History of Skye. Portree: Maclean P, (1930) 1994.

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Notes

1 Les poèmes de Màiri MacPherson ont été pris sous la dictée de l’auteur et rassemblés par Alastair MacBain (Mac-Bheathain) et publiés sous le titre, Dain agus Orain Ghàidhlig, le Màiri Nic-a-Phearsoin, à Inverness, par A & U Mac-Coinnich en 1891.

Donald E. Meek, professeur de celtique à l’Université d’Édimbourg, a publié une anthologie de ses poèmes sous le titre, Màiri Mhòr nan Oran, à Édimbourg, chez Scottish Academic Press en 1998. Donald Meek a aussi publié une anthologie de poèmes écossais en gaélique sous le titre, The Wiles of the World — Caran an t-Saoghail (Édimbourg, Birlinn, 2003).

Je dois assumer la responsabilité de la traduction des extraits donnés en citation. Dans la mesure où il n’existe pas de traduction française complète ; ces extraits traduits ne doivent aucunement être considérés comme un texte définitif.

2 Ce titre est relié au thème « Le sentiment d’appartenance » du colloque de la S.F.E.V.E. qui s’est tenu en janvier 2006 à Tours.

3 L’attraction en linguistique s’entend comme la modification d’une lettre, d’une forme, d’un mode par influence d’un mode voisin : l’attraction des genres se rencontre en français dans l’énoncé « Jean est un espèce d’idiot. », exemple d’attraction paronymique ; ou en anglais dans l’énoncé « Mary’s a goog girl. », exemple d’assimilation progressive.

4 En l’occurrence, selon les gaélophones, l’extinction délibérée du gaélique et son remplacement de force par l’anglais : la question a été sujet de polémique virulente depuis la défaite de Culloden en 1746 jusqu’en avril 2005 où le Parlement d’Écosse a voté la parité linguistique.

On peut dire de l’attraction qu’elle est aussi une force de nature idéologique et qu’elle est liée au désir de pouvoir qui s’emploie à détruire cette langue déclarée étrangère (on garde en mémoire le sens étymologique de Wales !) qu’est le gaélique au dix-neuvième siècle.

5 John MacInnes, « The Bard through History », dans The Voice of the Bard, de Timothy Neat, Édimbourg, Canongate, 1999, 342. John MacInnes a été chercheur en études celtiques à la « School of Scottish Studies » d’Édimbourg.

6 Alastair MacBain, Dain agus Orain Ghàidhlig, le Màiri Nic-a-Phearsoin (Inverness : A & U Mac-Coinnich, 1891). Introduction i.

7 Alexander Nicholson, History of Skye (Portree : Maclean P, (1930) 1994) 282.

8 Le mot « cèilidh » est d’origine gaélique et signifie d’abord, une rencontre informelle et spontanée, une soirée entre voisins et amis où l’on chante et raconte des histoires. Dès le vingtième siècle, dans les villes, le mot revêt une valeur plus formelle de soirée organisée, généralement dirigée par un maître de cérémonie.

9 Nombre de poèmes sont des « messages », tels que ce « Message à Clach Ard Uige » (Fios gu Clach Ard Uige), strophe 1 : « Vous qui allez vers mon pays/ et qui passerez par Clach Ard Uige/ dites-lui que les héros/ que vous avez laissés n’ont pas baissé les bras. »

10 Donald E. Meek, « The Role of Song in the Highland Land Agitation », dans Scottish Gaelic Studies, vol. XVI (Winter 1990) Aberdeen, 12.

11 Je préfère considérer que « barde » est un nom épicène et lui conserver l’article masculin. En effet, le féminin « la barde » a des relents culinaires tels qu’il ouvrirait vers des possibilités de plaisanteries mal venues.

12 Donald E. Meek, « Gaelic Poets of the Land Agitation », Transaction of the Gaelic Society of Inverness, vol. 49 (1974-76) : 313-4.

13 John MacInnes, « The Bard through History », The Voice of the Bard, Timothy Neat (Édimbourg : Canongate, 1999) 341.

14 Meg Bateman « Women’s Writing in Scottish Gaelic Since 1750 », dans A History of Scottish Women’s Writing, ed. Douglas Gifford and Dorothy McMillan (Edinburgh : Edinburgh UP, 1997) 664.

15 En Gaélie — néologisme que j’utilise depuis ma thèse en études celtiques (Brest, 1982) pour traduire le mot « Gàidhealtachd » — on emploie le mot Sassenach, chargé de valeur dépréciative, pour désigner les Anglo-Saxons. Le mot English, ou Inglis, peut désigner des Écossais du sud — qui sont, en fait, les descendants des habitants du royaume de Bernicie avant que celui-ci ne se fonde dans la Northumbrie.

16 Isaac MacPherson mourut avant que Màiri ne s’adonne « officiellement » à la poésie. Mis à part quelques évocations ponctuelles de l’homme dans divers textes, il est manifeste qu’il est extérieur à cette activité, bien que sa veuve ait toujours gardé son nom d’épouse.

17 Le féminin de Mac a ‘Phearsain est Nic a’ Phearsain ; il s’applique à l’épouse et aux filles.

18 « La chaire de nos églises » (Clò na Cubaid), première strophe. N.B. « Clò » est un polysème : il signifie le produit du tissage et celui de l’imprimerie.

19 Ces exploitants agricoles ne pouvant se nourrir grâce aux seuls revenus de leur terre devaient pratiquer une autre activité. James Hunter, dans The Making of the Crofting Community, (Édimbourg : John Donald, (1976) 2000), précise, page 54, « In [Skye] crofting development coincided with the handing over of vast tracts of territory to sheep farmers, crofting was seen as a convenient and potentially profitable means of disposing of a displaced population — fishing usually taking the place of kelping in areas where the latter industry had failed to take off. »

20 I.M.M. MacPhail, dans The Crofters’ War, (Stornoway : Acair, 1989), p. 225, cite en appendice une lettre d’un régisseur, Alexander MacDonald, adressée à des fermiers de Skye : « [...] There must always be poor people in the world who are not so well off as others, and if a Tenant happens to be so poor that he cannot pay his Rents, his first remedy is to give up his holding. There is no use in any Tenant thinking that he can fix his Rent and pay up what he thinks proper himself. »

21 Alastair MacBain, Dain agus Orain Ghàidhlig, le Màiri Nic-a-Phearsoin, op. cit., xiii.

22 « Skyiens » est un néologisme nécessaire, parmi les Hébridiens chaque île habitée fait montre de caractères distinctifs. Cela allait de soi au dix-neuvième siècle. Passé le creux démographique du vingtième siècle, la plupart des îles de l’archipel des Hébrides retrouvent leur attractivité.

23 « Soraidh le Eilean a’ Cheò », strophe 1.

24 « Luchd na Beurla », strophe 12.

25 Joseph Macleod, Highland Heroes of the Land Reform Movement (Inverness : Highland News Publishing Co., 1917) 7.

26 « Nuair bha mi òg », strophes 1 et 6.

27 John MacInnes, « The Bard through History », 345-6 passim.

28 « Oran Beinn Lì », strophe 11.

29 James G. Kellas, « The Crofters’ War, 1882-1888 », dans History Today, April 1962, vol. XII, number 4, London, 282.

30 « Eilean a’ Cheò », strophe 1 : « Bien que ma tête devienne blanche/ De toutes les épreuves et les deuils/ C’est le soleil de mes cinquante années/ Qui descend sous les nuages./ Mon esprit s’est rempli/ De toutes ces requêtes/ De me rendre à Skye, l’île/ des éléments et de la brume. »

31 A. R. B. Haldane, The Drove Roads of Scotland, Isle of Colonsay, house of Lochar, (1952) 1995, 74.

32 James Cameron, The Old and the New Highlands & Hebrides from the Days of the Great Clearances to the Pentland Act of 1912 (Kirkcaldy : J. Cameron, 1912) 66.

33 « Marbhran don Dr Neacal Martainn, Husabost », strophes 8 et 12.

34 « Gaisgich Loch Carann », dernière strophe.

35 « Cogadh Siobhalta eadar Bean Ois agus Màiri », première strophe. N.B. Le premier sens de « cogadh siobhalta » est « guerre civile »...

36 « Breacan Màiri Uisdein », strophes 1, 4, 8. N.B. MacUisdein correspond à Hutcheson.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean Berton, « Dépendance et attraction dans la poésie de Màiri MacPherson »Cahiers victoriens et édouardiens [En ligne], 67 Printemps | 2008, mis en ligne le 03 novembre 2020, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cve/7881 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cve.7881

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Auteur

Jean Berton

Université Jean Monnet, Saint-Étienne

Jean BERTON est Maître de Conférences à l’Université Jean Monnet de Saint-Étienne où il enseigne la civilisation et la littérature britanniques. Il est titulaire d’une thèse de troisième cycle en études celtiques (La grammaire du gaélique d’Écosse : Brest, 1982) et une thèse nouveau régime en littérature écossaise d’expression anglaise, « La hantise de l’exil dans l’œuvre de I. Crichton Smith ». Son domaine de recherche est l’Écosse septentrionale (frange celtique comprise).

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