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Comptes rendus

Angelia Poon. Enacting Englishness in the Victorian Period : Colonialism and the Politics of Performance

Annie Escuret
p. 531-533
Référence(s) :

Angelia Poon. Enacting Englishness in the Victorian Period : Colonialism and the Politics of Performance. Aldershot : Ashgate, 2008. ISBN : 978-0-7546-5848-1. Pp. 184. £ 50.00.

Texte intégral

1Certes, même s’il y a déjà de nombreux travaux portant sur la période victorienne et l’idéologie coloniale, cet ouvrage a un double mérite : celui de prendre en compte les meilleurs théoriciens du « postcolonial » (comme Said, Spivak, Bhabha et autres penseurs de premier plan) et d’étudier toutes les formes d’inscriptions de l’Empire (comme les monuments, archives, récits de voyages et autres récits, sans oublier les cartes, enquêtes et autres statistiques chiffrées) qui ont contribué à faire l’Histoire en l’écrivant. Toutes ces traces écrites ont contribué à construire une image homogène de la présence « anglaise » dans les diverses colonies à l’époque victorienne, à savoir un empire de papier ou de prétextes qui, invariablement, devenaient des textes servant à l’entreprise de gestion, de contrôle ou de pouvoir. Cette collusion entre savoir écrit et exercice de la puissance coloniale se retrouve aussi dans certains textes littéraires comme ceux analysés par Poon dans cet ouvrage (à savoir Allan Quatermain de H. Rider Haggard, British Rule in India de Harriet Martineau et autres) et si Dickens parvient à créer (dans Our Mutual Friend) l’odieux personnage qu’est Podsnap, c’est parce qu’il partageait (avec ses lecteurs) le même préjugé, à savoir celui de prétendre parvenir à faire la distinction entre un comportement digne d’un anglais et les autres types de comportements (« an enactment of Englishness by Dickens that is mediated by his attempt to unmask Mr Podsnap, as it were, to show him up as a hollow version of the real thing. The idea of national selfhood or identity as resistant to language and representation, more easily felt than described, [...] contributes significantly to the hegemonic power of Englishness. ») (Poon 2) On retrouve cette connivence entre pouvoir politique colonial et représentation à tous les niveaux puisque les acteurs venus des quatre coins du monde ne pouvaient que faire semblant (d’être « anglais »). Poon voit dans ce divorce (ou cette schizophrénie) l’origine du personnage de Bertha Mason dans Jane Eyre qui symbolise la déterritorialisation de l’autre ou la rencontre d’un impossible à dire face à ceux censés représenter « le fait d’être anglais ». Si on conçoit cette appartenance à un groupe comme étant en devenir (et jamais acquise), on en vient à une conception de l’altérité qui déplace la référence identitaire du sujet porteur de droits politiques, économiques et culturels et la dégage d’une perspective essentialiste vers une dimension expérimentale dans laquelle s’élaborent les « stratégies du soi » : l’identité devient, du même coup, un phénomène susceptible d’hybridations multiples et changeantes, mimétiques et créatrices, qui se transportent en des lieux interstitiels, à la marge. En nous obligeant à lire différemment certains de nos classiques (comme Jane Eyre ou Our Mutual Friend), Poon offre une relecture du concept de cosmopolitisme à l’époque victorienne où l’autre était souvent réduit à une caricature comme celle de la « folle du logis » : on est toujours face à un manque, un trou dans le Réel puisque le sentiment d’appartenance à l’Empire ou à l’Angleterre était cette béance même. On peut sans doute voir ici à l’oeuvre la critique marxiste de l’auteur de la construction impériale du sujet puisqu’elle met le caractère hybride au cœur de la logique coloniale : « Performing Englishness was an intrinsic part of colonial expansion and imperial domination involving strategies of representation, which harnessed the normalizing and naturalizing force of the body, its assumed but constructed materiality, from its external visual or visible form to its internal motivating desires. » (Poon 153) Nous avons particulièrement apprécié le chapitre 5 (« Imperial Fantasies and the Politics of Reproducing Englishness : Henry Rider Haggard’s Allan Quatermain ») pour la justesse des analyses textuelles fondées sur le texte d’ Homi Bhabha (« Of Mimicry and Man ») : « colonial mimicry... is the desire for a reformed, recognizable Other, as a subject of difference that is almost the same, but not quite ». Ainsi, à l’époque coloniale, l’éducation dans les Indes avait pour but de produire une catégorie spéciale « of anglicized Indians, “English in taste, in opinions, in morals, and in intellect” ». Lorsque (dans Allan Quatermain) le capitaine Good s’exclame (à la vue de la maison et du jardin des Mackenzie au coeur de l’Afrique) : « “A gentleman, a lady, and a little girl,” ejaculated Good, after surveying the trio through his eyeglass, “walking in a civilised fashion, through a civilised garden, to meet us in this place. Hang me, if this isn’t the most curious thing we have seen yet !” ». Poon voit dans cette exclamation « the familiar signs of western-inflected civilization like the basic monogamous family unit and the cultivated garden that represent at the same time the standard tropes of British imperial conquest and control. The Mackenzies give their visitors a tour of the circumscribed territory, which is spatially and topographically organized so as to reflect and reinforce imperialist racial politics. » (Poon 140) La description du jardin est de la même eau : « Rows upon rows of standard European fruit-trees, all grafted ; for on the top of this hill the climate was so temperate that very nearly all the English vegetables, trees, and flowers flourished luxuriantly, even including several varieties of the apple, which generally speaking, runs to wood in a warm climate and obstinately declines to fruit. Then there were strawberries and tomatoes, such tomatoes ! Melons and cucumbers, and indeed, every sort of vegetable and fruit... » (443) et Poon a raison de lire dans cet extrait une symbolique et une apologie de l’ordre colonial : « The lush, flourishing garden lends itself to obvious symbolic reading, heralding order and representing the ideals of the civilizing mission. Moreover, the prospect of productive land in the colonies was a common enough theme in nineteenth-century colonial discourse, featuring most prominently in emigration tracts and pamphlets that encouraged settlement in the colonies. Often deployed collusively with the myth of native laziness and ignorance, successful cultivation, the act of coaxing the soil to bear fruit, is the earthly equivalent of spiritual reward and the ultimate legitimizing strategy for colonial methods of managing land and natural resources. In this way, the utopian image of natural bounty synchronizes in one move the colonizer’s moral and territorial authority. » (Poon 141) Église, jardin et maison fonctionnent de la même manière et, lorsque la maison se transforme en château fort avec sa tour de guet, le lecteur comprend que ce « jardinage » est en fait une invasion belliqueuse. Nous recommandons donc la lecture de cet ouvrage pour ses analyses textuelles d’une grande justesse et d’une densité remarquable, sans oublier sa bibliographie fort riche. En un mot, un ouvrage sérieux.

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Pour citer cet article

Référence papier

Annie Escuret, « Angelia Poon. Enacting Englishness in the Victorian Period : Colonialism and the Politics of Performance »Cahiers victoriens et édouardiens, 71 Printemps | 2010, 531-533.

Référence électronique

Annie Escuret, « Angelia Poon. Enacting Englishness in the Victorian Period : Colonialism and the Politics of Performance »Cahiers victoriens et édouardiens [En ligne], 71 Printemps | 2010, mis en ligne le 07 octobre 2016, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cve/3116 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cve.3116

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