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Comptes rendus

George Gissing, Collected Works of George Gissing on Charles Dickens, Volume 2 : Charles Dickens : A Critical Study

Christine Huguet (Lille III)
Référence(s) :

George Gissing. Collected Works of George Gissing on Charles Dickens, Volume 2 : Charles Dickens : A Critical Study. Présentation et introduction de Simon J. JAMES, postface de David PARKER. Grayswood, Surrey : Grayswood Press, 2004. 274 pp. ISBN 0-9546247-2-6 (édition cartonnée) ; 0-9546247-3-4 (édition brochée). Prix : £30 ou £15.

Texte intégral

1Pour le second volume critique sur Dickens, la plume a été passée à un autre tandem de spécialistes reconnus : nous devons à Simon James la préparation de l’ensemble et une introduction d’une quinzaine de pages, à David Parker une postface de longueur similaire. En poste à l’Université de Durham, James vient de publier Unsettled Accounts : Money and Narrative Form in George Gissing (2003); Parker, quant à lui, est une figure emblématique aux yeux des abonnés du Dickensian. Conservateur pendant 21 ans du Charles Dickens Museum et vice-président de la Dickens Society, il a récemment signé The Doughty Street Novels (2002) et Christmas and Charles Dickens (2004). Objet de ce deuxième volume publié par la Grayswood Press avec le même soin remarquable : une réédition savante d’une étude de 1898, Charles Dickens : A Critical Study. Relu scrupuleusement, corrigé et remis à jour en fonction de modifications inscrites par Gissing sur son exemplaire de l’édition originale, ce texte retrouve toute sa fraîcheur. Il est accompagné d’un appareil de notes (rédigées par James avec l’aide de P. F. Kropholler, Pierre Coustillas et son épouse Hélène), où même le lecteur éclairé glanera de précieux renseignements complémentaires. Le texte est par ailleurs agrémenté d’illustrations originales de F. G. Kitton, et enrichi d’une imposante série de comptes rendus de la première édition, dont ceux de William Archer, de Lionel Johnson ou encore d’Andrew Lang. A noter également la reproduction en appendice d’un article fort édifiant de David L. Derus, « Gissing and Chesterton as Critics of Dickens », que les admirateurs de Father Brown se souviendront avoir lu dans la Chesterton Review de février 1986. Pour finir, on soulignera l’utilité de l’index : si le corpus morcelé du premier volume des Collected Works ne requérait guère d’index, celui-ci devenait, au vu du texte de plus de 170 pages ici réédité, une nécessité bien comprise et satisfaite par James.

2Pour être bien connue des spécialistes de Gissing, la genèse de la Critical Study n’en demeure pas moins une anecdote curieuse, où vie privée et théories esthétiques se disputent le rôle essentiel. Fin 1896, en pleine débâcle conjugale, Gissing reçut d’un ancien camarade d’université une proposition aussi alléchante qu’inattendue : pourquoi ne pas délaisser un temps la production romanesque au profit de la critique, avec une monographie de Dickens ? Gissing se mit immédiatement au travail, relisant et annotant les romans qui lui étaient si chers. Ces notes de travail ont disparu, mais l’on sait dans quelles conditions infernales, sous quelle pression financière aussi, elles furent prises et comment, n’y tenant plus, Gissing en vint à fuir sa seconde femme Edith pour trouver refuge dans une pension de famille de Sienne. C’est donc dans l’ambiance pittoresque mais déstabilisante de l’Italie de la fin du siècle que fut rédigé, en à peine plus d’un mois, un texte appelé à devenir du jour au lendemain, et pour les trois décennies suivantes, un grand classique de la critique dickensienne. Dès sa parution dans la « Victorian Era Series » de Blackies, en février 1898, l’ouvrage de Gissing connut en effet un vif succès, en Angleterre comme en Amérique : « admirable » pour Lionel Johnson (p. 221), « excellent » pour Andrew Lang (p. 257) et pour le Literary World de Boston (p. 242). Les ans ont passé, les qualités de cette monographie demeurent, sans doute en partie car, la première, elle répond, de façon chaleureuse mais impartiale, aux intellectuels dédaigneux largement responsables du sentiment anti-Dickens caractéristique de ces années. Si Gissing dépeint Dickens en grand historien social de son temps (p. 126), s’il replace son œuvre dans une perspective socio-économique que ne démentira point la critique marxiste au siècle suivant, c’est aussi en artiste exigeant qu’il analyse motifs et techniques dickensiens : à cet égard, les chapitres « Satiric Portraiture, » « Style » ou « Comparisons » méritent toute notre attention. Tout en regrettant la réticence avec laquelle son prédécesseur aborde les « inflammatory topic[s] », pour parler comme Archer (p. 252), l’auteur de New Grub Street admire la dextérité de l’autocensure (p. 79). Gissing commet ici et là des erreurs d’appréciation : privé des notes de travail de Dickens aujourd’hui à notre disposition, il se méprend sur le sort réservé à l’origine à M. Boffin (p. 69). Ou encore, attentif au discours radical des partisans de la S.D.F., le créateur de Demos et The Nether World se rend coupable d’anachronisme dans son analyse de Hard Times, note David Parker (pp. 212-213). Au fond, ces quelques distorsions ne nuisent en rien à l’ensemble : on appréciera la finesse avec laquelle un artiste rompu aux techniques du discours réaliste et sensible à ses contraintes observe et loue les stratégies de représentation propres à Dickens.

3Pour un coup d’essai, le texte de « workshop criticism » de Gissing (Parker, p. 213) fut donc un coup de maître. La Critical Study est devenue incontournable, au même titre que les mémorables études de Chesterton (que Gissing devance, pour la première, de huit ans). Derus rappelle, si besoin était, que le clivage commode Gissing critique pessimiste/Chesterton critique optimiste n’a guère de sens, que la rivalité amicale entre les deux approches fut suscitée et entretenue par un Chesterton plus enclin à porter un jugement posthume sur le romancier que sur le critique. En un mot, le chercheur actuel aurait bien tort de ne pas tirer parti de la complémentarité de ces études.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Christine Huguet (Lille III), « George Gissing, Collected Works of George Gissing on Charles Dickens, Volume 2 : Charles Dickens : A Critical Study »Cahiers victoriens et édouardiens [En ligne], 61 Printemps | 2005, mis en ligne le 07 juillet 2024, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cve/15067 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11s9n

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