George Gissing, Collected Works of George Gissing on Charles Dickens, Volume 1 : Essays, Introductions and Reviews
George Gissing, Collected Works of George Gissing on Charles Dickens, Volume 1 : Essays, Introductions and Reviews. Présentation et introduction de Pierre Coustillas, postface de Alan S. Watts. Grayswood, Surrey : Grayswood Press, 2004. 261 pp. ISBN 0-9546247-0-X (édition cartonnée) ; 0-9546247-1-8 (édition brochée). Prix: £30 ou £15
Texte intégral
1Nul doute que l’initiative récente de Pierre Coustillas en réjouira plus d’un puisque, grâce à lui, pour la première fois, les nombreux écrits de George Gissing consacrés à Dickens sont tous rassemblés sous forme d’une publication en trois volumes (les deux autres étant Charles Dickens : A Critical Study et Abridgment of Forster’s Life of Dickens). Chacun de ces ouvrages témoigne, par sa conception, du double intérêt scientifique de l’entreprise, étant donné que deux éminents spécialistes, l’un de Gissing et l’autre de Dickens, s’associent à chaque fois pour offrir leur point de vue et faire partager leur connaissance intime d’un de ces deux auteurs. Pour le premier volume qui nous concerne ici, Pierre Coustillas en personne s’est chargé de préparer et d’introduire les textes, qui sont suivis d’un article signé Alan S. Watts. Le corpus retenu ne correspond pas aux travaux plus amples de Gissing (à paraître dans les deux volumes suivants) ; il consiste en une série homogène de textes relativement courts: deux essais (« Dickens in Memory » et « The Homes and Haunts of Dickens »), auxquels viennent s’ajouter toutes les introductions encore existantes de romans de Dickens, d’une bonne dizaine de pages chacune, ainsi que deux comptes rendus publiés par Gissing dans le Times Literary Supplement peu avant sa mort (« Mr. Swinburne on Dickens » et « Mr. Kitton’s Life of Dickens »). Le tout est complété par plusieurs comptes rendus (dont celui de G. K. Chesterton) de certains textes compilés, rédigés à l’occasion de leur republication, aux États-Unis puis à Londres dans les années 1920. Manquaient alors à l’appel les deux introductions de David Copperfield, sur lesquelles Coustillas s’est récemment appuyé pour proposer une lecture du roman à la promotion 1997 d’étudiants d’agrégation. On ne peut que se féliciter de la reproduction de son article, alors publié par Ellipses, en fin de volume. Ce que permet en effet la juxtaposition de réactions critiques formulées à quatre-vingts ans d’intervalle, n’est pas tant d’esquisser une théorie de la réception, que, de façon moins anecdotique, de constater la pertinence durable du propos de Gissing.
2Qu’un artiste soit jugé par un de ses pairs suscite toujours un mélange de réactions. Si l’on reconnaît implicitement à l’artiste-critique le droit, voire la capacité supérieure, d’apprécier un geste que lui-même pratique avec bonheur, cette parenté artistique déclenche également une levée automatique de boucliers : il s’agit d’un cas où un credo artistique peut en cacher un autre, en fin de compte. De plus, faute de bien connaître la fiction de Gissing et de bien comprendre l’homme, les lecteurs actuels seront tentés de s’étonner, à la suite de maints contemporains de Gissing, de son association incongrue avec Dickens, d’évoquer sa vie triste et son tempérament réputé sombre, bref, de considérer ses écrits sur Dickens comme « a message from the antipodes... from one who might well be expected to be an Anti-Dickensian », pour reprendre les célèbres mots de Chesterton cités p. 239 de cet ouvrage. Mais Chesterton s’empresse de se contredire en demandant au lecteur de cesser de comparer l’incomparable à un certain niveau, pour plutôt admirer la justesse de la réflexion proposée, la remarquable empathie dont Gissing fait preuve. Cette dernière se trouve désormais abondamment illustrée grâce aux trois volumes, grâce aussi aux commentaires éclairés, dans le premier, de Alan S. Watts et surtout de Pierre Coustillas. Les nombreux renseignements bibliographiques que fournit ce dernier nous permettent de comprendre combien, pour Gissing comme pour tant d’autres victoriens, Charles Dickens était un peu, depuis toujours, un membre de la famille : cette touchante tendresse à l’égard du grand écrivain, si perceptible à la lecture des textes compilés, explique en partie pourquoi les commentaires de Gissing se lisent avec un si vif intérêt.
3L’introduction magistrale de plus de 40 pages rédigées par Pierre Coustillas dans un style d’une fluidité et d’une précision enviables, est complétée par des commentaires ponctuels précédant chacun des textes reproduits. Coustillas nous fait partager son immense culture en toute simplicité, au risque de se détrôner lui-même, puisque son précieux Gissing’s Writings on Dickens de 1969 en devient modeste par comparaison. Ce collectionneur passionné nous livre également un des trésors en sa possession, en reproduisant la rarissime jaquette de la compilation anglaise de 1925 (Immortal Dickens). Et c’est en examinant une autre illustration, celle d’une page manuscrite couverte de la petite écriture serrée de Gissing, que le lecteur mesure mieux l’ampleur vertigineuse du collationnement effectué par Coustillas. Toujours soucieux de mettre son savoir au service des autres, il a choisi de bouleverser l’ordre des introductions rédigées par Gissing, pour adopter la chronologie des romans de Dickens, et ainsi faciliter la tâche des chercheurs. Fait qui ne gâte rien, la Grayswood Press a su se montrer à la hauteur des ambitions ici affichées: la finition des trois ouvrages cartonnés est remarquable. Leur prix somme toute modeste (pour 250-350 pp) est même divisible par deux grâce à la parution en parallèle d’une édition brochée.
4En conclusion, nous souhaitons vivement recommander le premier volume aux lecteurs de Dickens et/ou Gissing. A coup sûr, cette édition constitue un événement majeur pour la communauté scientifique. Elle marque également un temps fort dans la publication du corpus gissingien, au même titre que la parution de l’intégralité des lettres de l’auteur, étant donné que la Grayswood Press, forte de ce succès, songe désormais à republier certains romans aujourd’hui inaccessibles de Gissing, tels que Demos. Gageons que cette heureuse idée stimulera la recherche sur cet auteur en passe de reconquérir la position centrale qu’il occupa en son temps; et elle répondra indubitablement à une demande toujours plus pressante, constatée ici et là, par exemple à l’occasion de chaque colloque organisé par la SFEVE au cours duquel George Gissing est mis à l’honneur.
Pour citer cet article
Référence électronique
Christine Huguet (Lille III), « George Gissing, Collected Works of George Gissing on Charles Dickens, Volume 1 : Essays, Introductions and Reviews », Cahiers victoriens et édouardiens [En ligne], 61 Printemps | 2005, mis en ligne le 07 mai 2024, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cve/15058 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11s9m
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page